JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 22 novembre 2004
¹ | 1530 |
Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien) |
M. Allan Manson (professeur et président, Comité sur l'emprisonnement et la libération, Association du Barreau canadien) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Daniel Soiseth (avocat, Mental Health Law Program, Community Legal Assistance Society) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. John Gray (président, Société canadienne de schizophrénie) |
º | 1605 |
Mme Sheila Deighton (directrice générale, Chapitre d'Ottawa, Société canadienne de schizophrénie) |
M. John Gray |
º | 1610 |
Le président |
Mme Carol Letman (secrétaire adjointe, Criminal Lawyers' Association) |
º | 1615 |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, PCC) |
M. Allan Manson |
º | 1630 |
Le président |
M. Daniel Soiseth |
M. Vic Toews |
M. Daniel Soiseth |
M. Vic Toews |
º | 1635 |
M. Daniel Soiseth |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
M. Allan Manson |
M. Richard Marceau |
M. Daniel Soiseth |
M. Richard Marceau |
M. Daniel Soiseth |
º | 1640 |
M. Richard Marceau |
M. Allan Manson |
The Chair |
M. John Gray |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
º | 1645 |
M. Daniel Soiseth |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Sheila Deighton |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Allan Manson |
º | 1650 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Allan Manson |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Daniel Soiseth |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Daniel Soiseth |
Le président |
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC) |
º | 1655 |
M. Allan Manson |
M. Myron Thompson |
M. Allan Manson |
» | 1700 |
M. Myron Thompson |
M. Allan Manson |
Le président |
M. John Gray |
Le président |
M. Myron Thompson |
» | 1705 |
Le président |
M. Allan Manson |
M. Myron Thompson |
M. Allan Manson |
M. Myron Thompson |
M. Allan Manson |
M. Myron Thompson |
Le président |
M. Daniel Soiseth |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Le président |
M. Allan Manson |
» | 1710 |
Le président |
Mme Sheila Deighton |
Mme Anita Neville |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Daniel Soiseth |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Daniel Soiseth |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Carol Letman |
» | 1715 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Carol Letman |
M. Allan Manson |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 22 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Français]
Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Nous pouvons commencer cette rencontre du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.
[Traduction]
Nous allons entendre aujourd'hui quatre groupes de témoins au sujet du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence.
Nous allons entendre M. Allan Manson, président du Comité sur l'emprisonnement et la libération et Mme Tamra L. Thomson, directrice—législation et réforme du droit—tous deux de l'Association du Barreau canadien.
Nous avons Daniel Soiseth, un avocat du Mental Health Law Program, qui représente la Community Legal Assistance Society.
Il y a aussi John Gray, président et Sheila Deighton, directrice générale du chapitre d'Ottawa de la Société canadienne de schizophrénie.
Enfin, Carol Ann Letman, secrétaire adjointe, représente la Criminal Lawyers' Association.
Je suis sûr que la plupart d'entre vous ont déjà comparu devant le comité et que vous connaissez la procédure à suivre. Nous vous demandons de présenter un exposé ou une déclaration liminaire d'une dizaine de minutes et nous passerons ensuite aux questions.
Nous allons commencer avec l'Association du Barreau canadien et ce sera M. Manson ou Mme Thomson qui prendra la parole.
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président. Je vais commencer et donnerai ensuite le microphone à mon collègue, M. Manson.
L'Association du Barreau canadien est très heureuse de pouvoir s'adresser au comité aujourd'hui pour parler des questions touchant le projet de loi C-10. L'Association du Barreau canadien est une organisation nationale qui représente plus de 38 000 juristes dans l'ensemble du Canada. Le mémoire qui vous a été remis aujourd'hui a été préparé par la section nationale de droit pénal, dont les membres comprennent des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne, ainsi que par le Comité sur l'emprisonnement et la libération que préside M. Manson. Les membres de ce comité sont spécialisés dans le domaine des peines et des libérations.
Je vais maintenant donner le microphone à M. Manson, qui va aborder les aspects substantiels du projet de loi.
M. Allan Manson (professeur et président, Comité sur l'emprisonnement et la libération, Association du Barreau canadien): Merci.
J'espère que vous avez tous reçu une copie du mémoire qui a été distribué. Pendant ce temps, je vais vous faire quelques remarques générales.
L'Association du Barreau canadien estime qu'il s'agit là d'un domaine très important de nos dispositions pénales qui n'a pas reçu l'attention qu'il méritait. Ce domaine a été négligé pendant des dizaines d'années, jusqu'à ce que le législateur adopte en 1991 et 1992 des modifications qui constituent un progrès énorme sur plusieurs points. L'initiative suivante a été l'examen qu'a effectué votre comité et qui a débouché sur la publication d'un rapport en juin 2002. Il y a quelques personnes assises autour de cette table qui y ont participé et je me référerai de temps en temps à ce rapport parce que j'estime qu'il contient des conclusions très importantes sur ce domaine particulier. Le rapport du comité est bien évidemment à l'origine des modifications proposées par le ministère de la Justice et son ministre.
D'une façon générale, l'Association du Barreau canadien est très favorable à ces modifications. Nous considérons que la plupart d'entre elles sont excellentes et qu'elles sont bien rédigées. Dans notre mémoire, nous mentionnons certains aspects qui nous paraissent lacunaires et je vais les aborder rapidement maintenant. Je reviendrai également sur certaines omissions, en particulier sur certains aspects qu'avait abordés le comité en 2002 ainsi que par des personnes qui ont comparu devant le comité et qui n'ont toujours pas été pris en considération.
Les membres de la section de droit pénal de l'Association du Barreau canadien viennent de toutes les provinces et territoires. Voici notre idée centrale : d'une façon impressionniste, nous estimons qu'il y a trop de personnes gravement malades dans les prisons canadiennes. Si cela est exact—et nous n'en sommes pas certains parce qu'il n'existe pas de données à ce sujet et c'est une chose que le comité a reconnu et mentionné en 2002—alors, il faudrait lancer un grand débat public sur les façons de s'attaquer à ce problème. Je ne prétends pas vous apporter ici des réponses précises, en vous disant qu'il y a un modèle et une réponse, mais si cette impression est exacte, alors il s'agit là d'un problème grave qui mérite d'être étudié avec soin.
Penchons-nous un instant sur le projet de loi C-10, celui qui est devant vous. Je vais examiner rapidement une recommandation. Regardons d'abord la page 2, qui traite de la recommandation contenue dans l'article 672.121, qui attribue aux commissions d'examen le pouvoir d'ordonner des évaluations. C'est une suggestion que les commissions d'examen vous avaient faite en 2002, et il nous paraît évident qu'il devrait être clairement précisé qu'elles ont ce pouvoir. Les tribunaux canadiens ont reconnu qu'elles exercent des fonctions inquisitoires; c'est pourquoi ces commissions ont besoin d'avoir des données et des renseignements de qualité. Il semble demeurer un doute sur le pouvoir des commissions d'ordonner une évaluation. Cela touche non seulement les rapports préparés par l'hôpital où est détenue une personne en particulier mais les nouvelles évaluations effectuées par une personne indépendante. Il me paraît approprié de leur attribuer ce pouvoir.
Notre recommandation est fort simple. La phrase du sous-paragraphe énonce que ces commissions peuvent ordonner une évaluation lorsqu'«aucune évaluation... n'a été faite au cours des 12 derniers mois». Nous suggérons d'ajouter le mot «adéquate». Il arrive que la commission reçoive une nouvelle évaluation qui ne soit pas adéquate. Elle devrait avoir le pouvoir d'en demander une autre. C'est donc ce que nous suggérons, et cela se trouve à la page 2.
Passons maintenant à la question de l'inaptitude permanente. C'est une question que le comité avait abordée en 2002, et il avait reconnu à l'époque qu'il devrait exister un mécanisme permettant de libérer la personne qui, premièrement, est touchée par une inaptitude permanente à subir son procès et, deuxièmement, qui ne pose aucun danger.
Notre Cour suprême vient de décider, le printemps dernier, dans l'affaire R. c. Demers, un appel du Québec, que le régime actuel était inconstitutionnel dans la mesure où il ne prévoyait rien au sujet de la personne atteinte d'inaptitude permanente—c'est-à-dire lorsqu'il n'existe aucune probabilité qu'elle deviendra apte à subir son procès et pourra en subir un—et qui ne présente aucun danger important pour la sécurité du public. Ce régime est inconstitutionnel parce qu'il ne prévoit pas la possibilité de libérer une telle personne des contraintes que lui imposent les règles applicables aux personnes atteintes de troubles mentaux.
¹ (1535)
La Cour suprême a donné 12 mois au législateur pour corriger le problème. Le projet de loi C-10 fait suite à cette demande mais cette réponse comporte, d'après nous, trois lacunes. Premièrement, il y en a une très simple, qui est indiquée à la page 4. Le projet de loi propose un processus dans lequel la commission qui estime qu'une personne est inapte à subir son procès et le demeurera et que celle-ci ne présente aucun danger important recommande à la juridiction compétente d'examiner cette question. Il y a ensuite le critère que cette juridiction doit appliquer qui peut—et je souligne le mot «peut», parce que c'est le mot utilisé dans la disposition—déboucher sur la suspension de l'instance. Notre première critique est que, une fois que la commission a présenté une recommandation au tribunal compétent, le projet de loi C-10 énonce que le tribunal doit rendre une nouvelle ordonnance d'évaluation. Nous estimons que cette disposition devrait être facultative et non impérative. C'est la recommandation que l'on trouve en haut de la page 5. Nous devrions faire confiance à nos juridictions supérieures et d'appel. S'il faut procéder à une nouvelle évaluation, elles en ordonneront une; si ce n'est pas le cas, il n'y a aucune raison de consacrer du temps et de l'argent à une telle évaluation. Autrement dit, si le dossier est suffisamment complet pour que le tribunal puisse se prononcer, alors celui-ci devrait le faire.
La deuxième lacune que nous avons remarquée, qui se trouve également à la page 5, concerne la disponibilité des recours. Aux termes du projet de loi C-10, la personne détenue ne dispose d'aucun moyen de soulever la question de son inaptitude permanente et de l'absence de danger pour le public. C'est la commission qui examine cette question et qui recommande ensuite à un tribunal de le faire. Le critère proposé est ce qui nous préoccupe le plus; cet aspect est examiné aux pages 5 à 7. Tout d'abord, au niveau du tribunal, le critère prévoit que «le tribunal peut» ordonner la suspension de l'instance—c'est un pouvoir discrétionnaire—s'il est convaincu que l'accusé n'est toujours pas apte à subir son procès et ne le sera vraisemblablement jamais. Nous sommes tout à fait en faveur de ce critère, tout comme la Cour suprême. Deuxièmement, le tribunal peut ordonner la suspension de l'instance s'il est convaincu que l'accusé ne présente aucun danger pour la sécurité du public. Nous sommes également tout à fait en faveur de cette disposition, comme l'est la Cour suprême. Mais il y a ensuite un troisième facteur, à savoir que la mesure doit servir la bonne administration de la justice. Suit une longue disposition, le paragraphe 672.851(8), qui énumère toutes les considérations dont les tribunaux doivent tenir compte lorsqu'ils évaluent ce qui est conforme à la bonne administration de la justice. Nous estimons que cela va bien au-delà de ce que la Cour suprême du Canada avait qualifié de question constitutionnelle. C'est le caractère inéquitable et disproportionné du maintien en détention d'une personne qui est inapte de façon permanente à subir son procès et qui ne pose aucun danger important pour la sécurité du public qui soulevait une question constitutionnelle. L'ajout du critère relatif à l'administration de la justice va au-delà du seuil prévu par la Cour suprême du Canada.
Lorsqu'on lit le jugement R. c. Demers, on constate que les juges proposent dans une partie du jugement que l'on procède à la conciliation de divers intérêts. Mais de quelle conciliation s'agit-il? La Cour fait expressément référence au fait qu'il est dans l'intérêt public de donner un caractère définitif à ce genre de décision. L'Association canadienne du Barreau se demande bien pourquoi, lorsque cette personne ne pose aucun risque important pour le public? Je ne peux imaginer une situation où l'intérêt public dans le caractère définitif d'une décision justifierait de maintenir l'accusé en détention, en attendant un procès qui risque de ne jamais pouvoir être tenu. En outre, il est toujours possible de créer une commission d'enquête une fois l'instance suspendue, si l'on veut vraiment obtenir une décision définitive.
Notre recommandation figure à la page 8. Il faudrait soit supprimer le mot «peut» et mettre le verbe à l'indicatif présent pour indiquer le caractère impératif de la disposition et couper le texte après «danger pour la sécurité du public», ce qui supprimerait la référence à «la bonne administration de la justice» soit si l'on peut imaginer un cas où l'intérêt que représente le caractère définitif des poursuites pourrait l'emporter sur l'intérêt du patient d'être libéré—lorsqu'il est inapte, n'a pas subi de procès et ne représente aucun danger—alors nous proposons une autre formulation qui énonce:
Le tribunal ordonne un arrêt des procédures après avoir terminé son enquête, s'il est convaincu que le prévenu est encore inapte à subir son procès, qu'il ne deviendra vraisemblablement pas apte à subir son procès et qu'il ne représente pas un danger important pour la sécurité du public, sauf si le tribunal est d'avis que l'intérêt public dans le caractère définitif des poursuites l'emporte sur les effets préjudiciables envers le prévenu qui découleraient du maintien de son assujettissement à la procédure pénale. |
¹ (1540)
Autrement dit, la seule réserve qu'ait émis la Cour suprême porte sur cet aspect.
Je vais m'arrêter ici, après avoir mentionné l'inquiétude que nous inspire la fréquence des examens, à la page 9. Nous pensons que les mesures destinées à retarder les examens effectués par les commissions constituent une erreur. Même si l'examen est fait rapidement, il demeure que la commission devrait examiner chaque dossier une fois par an. Il s'agit de personnes vulnérables qui bien souvent ne sont pas en mesure de communiquer avec un avocat; à moins que l'on démontre que cela entraînerait des coûts considérables, l'Association du Barreau canadien aimerait que les commissions examinent chaque dossier une fois par an, ne serait-ce que pour confirmer que le maintien du statu quo est bien justifié.
Nous allons prendre une minute pour vous parler des omissions du projet de loi C-10. La première omission concerne la recommandation que contenait votre rapport de 2002—c'est-à-dire, la notion de l'inaptitude à faire l'objet d'une peine, notion qui n'est pas encore reconnue en droit canadien. Étant donné que vous en avez déjà traité, je n'y reviendrai pas, mais le comité avait recommandé que le code soit modifié pour y introduire cette notion, ce que le projet de loi C-10 ne fait pas.
L'autre omission est au centre de la préoccupation que suscite parmi les membres de l'Association du Barreau canadien l'augmentation du nombre des malades qui sont détenus en prison. Cela revient à votre rapport de 2002 dans lequel vous aviez conclu qu'il n'était pas nécessaire de revoir la portée de l'article 16. Cette disposition prévoyait ce que l'on appelait la défense d'aliénation mentale. C'est aujourd'hui devenue la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Si notre impression selon laquelle le nombre des personnes très malades qui se trouvent dans les prisons provinciales et territoriales et dans les pénitenciers fédéraux augmente rapidement était confirmée, nous estimons que la seule façon de corriger cette situation serait d'examiner l'article 16 pour voir s'il ne devrait pas être élargi... Dans le mémoire que nous avions soumis en 2002, nous parlions des cas où des personnes gravement malades, des schizophrènes paranoïdes, n'étaient pas visées par le critère de l'article 16 actuel, parce que celui-ci est fondé sur la déficience cognitive. Il ne touche pas l'aspect volitif.
Il faut soit élargir la portée de l'article 16, soit envisager une disposition comme celle qui existe dans les pays européens, en Angleterre ou au Pays de Gales, où les tribunaux peuvent rendre des ordonnances de placement en milieu hospitalier en disant: «Oui, vous avez commis une infraction mais vous êtes très malade. Vous n'irez pas dans le système carcéral mais dans le système hospitalier.»
En 2002, votre comité avait reconnu que cette disposition, qui n'est jamais entrée en vigueur, et qui prévoyait une ordonnance de détention dans un hôpital d'une durée de 60 jours devait être abrogée... Ce n'est pas vraiment une ordonnance de détention dans un hôpital, c'est une réponse à une situation de crise. Cela n'a pas pour effet de soustraire l'accusé atteint de troubles mentaux au système pénal et de le placer dans le système hospitalier. Le comité a répondu à cette critique en disant que cela posait de graves problèmes de compétence, étant donné que le Code criminel est de compétence fédérale et que les asiles psychiatriques sont administrés par les gouvernements provinciaux. C'est absolument vrai. Il me paraît cependant difficile d'affirmer qu'un problème causé par des décisions prises en 1967 est insoluble pour cette raison. Nous avons des discussions et des négociations avec les différents paliers de gouvernement et nous réussissons parfois à conclure des ententes.
L'Association du Barreau canadien n'affirme pas que la solution consiste à élargir la portée de l'article 16 ou d'adopter les ordonnances de détention en hôpital en vue de répartir les gens entre ceux qui feront l'objet d'un traitement pénal et ceux qui recevront un traitement thérapeutique. Nous disons qu'il s'agit là d'un problème grave qu'il faut régler.
Ma dernière remarque est que le comité parlait dans son rapport de 2002—et vous le voyez à la page 23 de votre rapport—de la nécessité de disposer de données fiables sur ces questions. Vous ne les avez pas obtenues en 2002 et elles n'ont pas été recueillies depuis.
Il faut des données pour alimenter un débat public parce que nous n'avons pas non plus réussi à formuler les principes dont devrait s'inspirer notre action à l'égard de ce nombre croissant de malades que l'on trouve dans nos prisons.
¹ (1545)
Notre dernière position est de recommander à ce comité, à part le projet de loi C-10, de communiquer avec les ministres fédéraux compétents—le ministre de la Justice, le ministre de la Sécurité publique—pour leur demander qu'ils commencent immédiatement à recueillir de façon systématique des données nationales sur le nombre des malades qui se trouvent dans les pénitenciers fédéraux, au moins, puisque ces institutions relèvent d'eux, et qu'ils communiquent avec les commissions d'examen, pour obtenir des données fiables au sujet des personnes dont s'occupent chaque année les commissions d'examen, de façon à ce que des groupes comme le comité et d'autres puissent étudier la question que l'augmentation constante du nombre de ces malades dans les prisons.
Je vous remercie. Je serais ensuite heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Manson.
Nous allons maintenant entendre M. Soiseth de la Community Legal Assistance Society.
M. Daniel Soiseth (avocat, Mental Health Law Program, Community Legal Assistance Society): Merci.
J'aimerais commencer par remercier le comité de nous accorder la possibilité de présenter notre point de vue. La Community Legal Assistance Society est un cabinet d'avocats sans but lucratif situé à Vancouver. Nous nous occupons de quatre programmes. Je travaille pour celui que nous appelons le Mental Health Law Program. Il comprend deux avocats, sept parajuridiques et quatre employés et nous représentons nos clients aux audiences des commissions d'examen. Ces audiences sont bien entendu tenues après que nos clients ont été pris en charge par le système. Il y a environ 350 audiences par an, c'est pourquoi nous pensons savoir comment ces modifications pourraient changer notre travail.
Faute de temps, je vais me limiter à deux grands sujets. Je ne suis pas sûr que tous les membres du comité en aient une copie mais nous avons présenté un mémoire. Nous espérons que les membres du comité auront la possibilité de l'examiner. Dans mon exposé, je vais aborder deux grands sujets.
Il y a tout d'abord la question des pouvoirs des commissions d'examen. Nous estimons que les commissions d'examen devraient avoir le pouvoir d'ordonner aux parties autres que les accusés non pénalement responsables de faire certaines choses, de rendre des ordonnances liant les autres parties, principalement les hôpitaux où sont détenus les accusés. Nous pensons que les commissions devraient avoir le pouvoir d'ordonner aux hôpitaux de faire certaines choses.
Le deuxième aspect dont je vais parler est celui de la participation des victimes. C'est là une des principales critiques que nous faisons au projet de loi C-10, tel que formulé actuellement.
Tel qu'il est, le Code criminel, comme nous l'avons mentionné, n'accorde pas le pouvoir de donner des ordres aux hôpitaux. Cela crée, d'après nous, une difficulté concrète, et a pour effet, dans certains cas, de donner des pouvoirs aux hôpitaux. Je vais vous parler d'une affaire dans laquelle une commission d'examen a rendu une ordonnance dans un but précis, mais étant incapable d'obliger l'hôpital à exécuter l'ordonnance, celle-ci est demeuré lettre morte.
La commission a libéré un accusé qui était détenu dans un hôpital. La commission n'avait pas déclaré que le patient ne représentait pas un danger important mais elle avait décidé qu'il était prêt à quitter l'hôpital et à vivre dans la collectivité. Une fois libéré, l'hôpital a amené le patient au centre-ville dans un centre d'accueil et l'a laissé là. Il avait prévu de se rendre dans ce centre d'accueil et d'y passer la nuit. Il avait déjà pris rendez-vous avec un travailleur social pour le lendemain et il s'attendait à ce que le travailleur social l'aide à trouver une résidence permanente, notamment.
Le centre d'accueil dans lequel on l'a déposé était plein; il n'y avait pas de lit pour lui. Il a dû passer la nuit dans la rue. Le lendemain, il devait aller à son rendez-vous avec le travailleur social, mais il n'a pu s'y rendre. Il a ainsi passé une autre nuit dans la rue. Cela a duré quelques jours. Finalement, il est retourné à l'hôpital et a demandé d'y être admis à nouveau.
Si la commission d'examen avait pu ordonner à l'hôpital d'exécuter son ordonnance, la commission aurait pu ordonner sa libération, tout en ordonnant en même temps à l'hôpital de planifier cette libération. Dans la grande majorité des cas, la commission d'examen suit la recommandation de l'hôpital. Si l'hôpital estime que l'accusé doit être libéré, il procède à une planification de sa sortie. Il dispose de travailleurs sociaux, d'infirmières, il fait déjà ce genre de choses et il prend des arrangements pour la personne libérée avant que celle-ci ne se retrouve dans la collectivité.
Dans ce cas particulier, l'hôpital ne s'attendait pas à ce que cette personne soit libérée, rien n'avait donc été fait. Par conséquent, lorsque l'hôpital décide de ne pas accomplir ces tâches, alors la libération ne peut alors s'effectuer correctement, en sécurité.
J'espère que le comité va examiner cet aspect parce qu'il touche en fait les pouvoirs. Si l'hôpital a un pouvoir de fait, alors cela va à l'encontre de l'intention du code.
Le deuxième aspect qui nous préoccupe assez sérieusement est le projet de modification qui vise à renforcer sensiblement la participation des victimes. Le point essentiel que je veux faire devant le comité, c'est qu'il faut conserver cette distinction fondamentale entre l'instance destinée aux accusés «non pénalement responsables» et les instances pénales ordinaires. Dans une instance pénale ordinaire, comme celle qui consiste à imposer une peine ou la libération conditionnelle, il s'agit d'une personne qui a délibérément nui à une autre personne. Dans ces affaires, bien évidemment, je n'ai rien contre le fait que les victimes y participent et aient leur mot à dire sur le sort des personnes qui leur ont causé un préjudice, parfois très grave. Mais les instances concernant les accusés NCR sont différentes.
¹ (1550)
Lorsque ces personnes arrivent dans nos bureaux, lorsqu'elles sont prises en charge par les commissions d'examen, les tribunaux ont déjà décidé qu'elles n'étaient pas moralement responsables. Cela nous paraît une question philosophique fondamentale. Les instances relatives aux accusés NCR ne sont pas, d'après nous, un forum où il convient de renforcer la participation des victimes.
Je vais vous décrire quelques situations qui concernent des victimes. Je n'ai personnellement assisté qu'à deux audiences dans lesquelles les victimes ont joué un rôle. Comme les membres du comité le savent sans doute, avec le système actuel, les victimes ont le droit de déposer une déclaration ainsi que d'assister à l'audience en qualité de membre du public.
L'affaire à laquelle j'ai participé il n'y a pas très longtemps portait sur une infraction très grave, un meurtre, et la famille de la victime et des amis proches assistaient à l'audience. Cela a donné lieu à une scène particulièrement émotive et dramatique dans la salle d'audience, avec la présence de mon client et d'autres personnes. Toutes les victimes ont déposé une déclaration. Le président de la commission a déclaré aux victimes qu'il avait eu la possibilité d'examiner leurs déclarations et qu'il avait apprécié leur participation.
Je suis sorti de cette audience en pensant que les victimes—je ne leur ai pas parlé—avaient compris ce qui se passait. Bien sûr, la commission d'examen est chargée de décider deux questions, celle de la liberté de l'accusé et de la sécurité du public, et je pense que les victimes ont quitté la salle en ayant constaté que la commission avait effectivement examiné de très près ces deux aspects et avait tenu compte de leurs préoccupations. C'est pourquoi je pense que le régime mise en place par le Code criminel actuel donne des résultats raisonnablement satisfaisants.
La raison pour laquelle les modifications ne seraient pas bien adaptées aux affaires de ce genre est que, comme pour la plupart des audiences auxquelles nous assistons, en particulier pour les premières audiences, où les parties agissent le plus souvent par consentement, l'hôpital demandait que l'accusé demeure sous sa garde. Nous ne contestions pas cette suggestion. Nous voulions simplement terminer l'audience et que l'accusé demeure sous la garde de l'hôpital. Si dans ce genre d'affaire les victimes pouvaient prendre la parole, cela doublerait largement la durée de l'audience. Il y avait sept personnes qui auraient pu se considérer comme des victimes, il y avait des amis, des membres de la famille, et d'autres, et si chacun prenait cinq à dix minutes pour lire une déclaration, cela multiplierait par deux ou trois la durée de l'audience. Cela modifierait profondément le sens de ce genre d'audience, qui doit être consacré à la liberté de l'accusé et à la sécurité du public, et non pas à ce qui constitue des services aux victimes. Je ne pense pas que cela soit un objectif légitime du projet de loi.
Le deuxième exemple auquel je pense était un autre cas de meurtre qui s'est produit il y a un certain temps, il y a 12 ans environ, et chaque année, la famille de la victime assiste aux audiences, ce qui est tout à fait approprié, bien sûr.
Ces personnes ont déposé leurs déclarations et à l'audience qui s'est tenue il y a quelques mois, un des membres de la famille qui avait déjà essayé de participer à l'audience l'a fait encore une fois. Personne ne l'avait convoqué comme témoin et le procureur de la Couronne ne pensait pas que cette personne avait des éléments pertinents à communiquer mais il y a presque eu une confrontation physique à l'audience à cause de la présence de la victime. Il ne faut pas oublier que les audiences des commissions d'examen, en Colombie-Britannique, au moins, et je suis sûr que c'est le cas également ailleurs, ne sont pas tenues dans des salles d'audience. Il n'y a pas d'huissiers, il faut donc tenir compte de la nécessité d'assurer la sécurité de toutes les parties.
Si les nouvelles modifications avaient été en vigueur à l'époque où a été tenue cette audience, cette victime aurait eu la possibilité de faire sa déclaration et de témoigner. Là encore, je ne pense pas que ce soit le but de ce genre d'audience. Cela ne se rapporte pas à la question de la sécurité du public.
La dernière remarque que je veux faire au sujet des déclarations des victimes est qu'elles peuvent être une cause de stress très importante, et il faut savoir que nous parlons de gens qui souffrent de maladies mentales très graves. Il arrive que la simple perspective d'assister à une audience cause un stress considérable à mes clients, de telle sorte que leur santé mentale en souffre à l'approche de la date d'une audience. Et n'oubliez pas que la santé mentale d'un accusé est bien souvent directement reliée à la sécurité du public. Lorsque la santé mentale de l'accusé est bonne, le public est en sécurité. C'est une chose à ne pas oublier.
¹ (1555)
Le fait que les victimes assistent aux audiences va ajouter un stress énorme aux accusés NCR. Il y a le risque que la participation des victimes compromette la sécurité du public.
La dernière remarque que je vais faire au sujet de la participation des victimes est la suivante. Si l'on ne modifie pas la façon dont ces modifications sont rédigées à l'heure actuelle, elles pourraient fort bien ouvrir la porte au contre-interrogatoire des victimes. Je me sentirais obligé de contre-interroger la victime si celle-ci faisait une déclaration qui me paraissait défavorable à mon client. Si le comité souhaite adopter les modifications relatives aux déclarations des victimes, je l'inviterais peut-être à interdire le contre-interrogatoire, parce que cela serait bien évidemment une expérience extrêmement traumatique pour les victimes. Mais sous leur forme actuelle, ces modifications risqueraient d'entraîner cela pour les victimes, je le crains.
Je serais heureux de répondre à vos questions par la suite. Merci.
º (1600)
Le président: Je vous remercie.
Nous allons maintenant entendre M. Gray de la Société canadienne de schizophrénie.
M. John Gray (président, Société canadienne de schizophrénie): Merci au président et aux membres du comité.
Je vais vous présenter cet exposé avec Sheila Deighton, qui est une membre fondatrice et aussi la directrice exécutive de la Société de schizophrénie de l'Ontario.
La Société canadienne de schizophrénie a pour mission de soulager les souffrances causées par la schizophrénie. La plupart de nos membres ont des parents atteints de schizophrénie ou en sont eux-mêmes atteints et un bon nombre d'entre eux ont déjà eu une expérience directe des dispositions du Code criminel en matière de troubles mentaux. Je me permets de vous rappeler que la majorité des personnes qui sont prises en charge par le système psychiatrique judiciaire souffrent de schizophrénie.
La Société canadienne de schizophrénie est satisfaite de la plupart des modifications contenues dans le projet de loi C-10, y compris de celles qui concernent l'accusé inapte de façon permanente à subir son procès, la suppression des maximums, les pouvoirs nouveaux attribués aux commissions d'examen, les transfèrements et les pouvoirs de la police. Nous souhaitons toutefois vous inviter à la prudence au sujet des modifications touchant les déclarations des victimes, et nous sommes également gravement préoccupés par l'absence dans le projet de loi d'un mécanisme d'autorisation du traitement des personnes NCR pour cause de troubles mentaux.
Nous savons que la victime a les mêmes sentiments, que l'auteur de l'infraction soit responsable pénalement ou non, mais le Code criminel fait une distinction majeure entre les deux. Nous craignons qu'en introduisant les déclarations des victimes de type pénal, on affaiblisse cette distinction et incite certaines parties à ne plus reconnaître les besoins des personnes dont les actes ont été posés en raison d'une maladie mentale. Les déclarations des victimes dans le cas des personnes déclarées coupables et responsables de leurs crimes sont utilisées par les juges pour fixer la peine. L'accusé fait l'objet d'une peine à durée préfixe et une fois la peine purgée, il est parfois aussi dangereux que le premier jour. Par contre, dans le cas d'une personne déclarée NCR pour raison de troubles mentaux, la durée de la décision est indéterminée. Cette durée pourrait en fait être la perpétuité. À la différence d'un criminel, la personne NCR pour cause de troubles mentaux ne peut être libérée que si elle ne représente pas un danger important pour la sécurité du public. C'est pourquoi nous pensons que les déclarations des victimes devraient jouer un rôle moins important dans les décisions prises par les commissions d'examen.
Par contre, dans la majorité des cas de non-responsabilité pénale pour raison de troubles mentaux, les victimes sont des membres de la famille. Un certain nombre d'études indiquent que plus de 80 p. 100 des personnes concernées par les cas où l'accusé est NCR pour raison de troubles mentaux sont des membres de la famille—comme c'était le cas pour la famille Deighton. Il est important que les familles participent aux décisions qui vont toucher la vie des autres membres de la famille, en particulier si la personne en question risque d'être libérée en vertu d'une libération avec conditions ou inconditionnelle. Nous savons également qu'à l'heure actuelle un certain nombre de commissions d'examen autorisent déjà de façon informelle les déclarations des victimes. Cette modification risque donc peut-être d'officialiser ce qui se passe déjà dans certaines provinces. Néanmoins, nous partageons la préoccupation qui vient d'être exprimée. Nous suggérons que, si la modification est adoptée telle qu'elle, le ministère de la Justice soit invité à suivre la façon dont cela touche les victimes et aussi les personnes déclarées NCR pour cause de troubles mentaux.
Notre principale préoccupation n'est toutefois pas réglée par ces modifications. Elle touche la santé et la liberté des personnes déclarées NCR dans certaines provinces. Le tribunal peut ordonner un traitement psychiatrique aux termes du Code criminel pour rendre l'accusé apte à subir son procès mais il n'a pas le même pouvoir en matière de traitement à l'égard d'une personne déclarée non pénalement responsable. Certaines lois provinciales relatives à la santé mentale donnent aux patients la possibilité de refuser le traitement dont ils auraient besoin pour pouvoir être libérés. Nous recommandons vivement que le Code criminel soit modifié de façon à autoriser les commissions d'examen à ordonner un traitement lorsque celui-ci est nécessaire pour que la personne qui l'a refusé soit libérée.
Sheila Deighton va maintenant vous donner un point de vue familial sur les effets des maladies mentales qui ne sont pas traitées et sur l'efficacité et l'importance de recevoir un traitement psychiatrique approprié.
Sheila.
º (1605)
Mme Sheila Deighton (directrice générale, Chapitre d'Ottawa, Société canadienne de schizophrénie): Mesdames et messieurs, bonjour.
Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui avec Alistair Deighton, le mari que j'ai épousé il y a 33 ans et qui est dans la salle. Alistair souffre de maladie mentale grave depuis longtemps.
En janvier 1995, Alistair est allé voir son psychiatre. À l'époque, Alistair travaillait comme vendeur mais souffrait de délire paranoïde. Le psychiatre d'Alistair ne le traitait pas avec des médicaments mais utilisait avec lui une thérapie verbale.
La nuit du 30 janvier 1995 a été tragique pour notre famille. Alistair est descendu avec un fusil à deux coups et a tiré sur mon fils de 18 ans, Al, le tuant sur le coup. Alistair avait mêlé Al à sa psychose. C'est ce qu'a fait une schizophrénie non traitée à mon fils, à mon mari, à nos deux autres enfants, et à la société.
Alistair était tellement malade mentalement qu'il a été jugé inapte à subir un procès mais il a pris des médicaments antipsychotiques et après avoir été traité de cette façon pendant deux mois, il a été jugé apte à subir son procès, même s'il n'était pas complètement rétabli. Alistair a été déclaré non coupable du meurtre de notre fils pour cause de troubles mentaux. Il a été hospitalisé et il n'a pas fait comme le font bien souvent les gens qui souffrent de ces maladies, il a pris ses médicaments, réalisé d'excellents progrès et a obtenu une libération sous conditions. Il a eu quelques rechutes mais sa santé a été suffisamment stabilisée pour qu'il puisse déménager dans un appartement situé près de notre maison. Huit mois plus tard, il est revenu vivre avec notre famille chez nous, où il réside actuellement.
En 2003, Alistair a obtenu une libération inconditionnelle. Depuis lors, il continue à prendre ses médicaments, il voit régulièrement son psychiatre et n'a pas eu de symptômes de maladie mentale. C'est un mari magnifique et un père très affectueux.
Cette histoire de traitement réussi est très différente de ce qui s'est passé dans de nombreuses familles où la schizophrénie a empêché des personnes qui s'aimaient de reconnaître qu'elles étaient malades et qu'elles avaient besoin d'un traitement psychiatrique. Elles refusent donc tout traitement. Cela ne fait pas disparaître les symptômes et cause parfois des tragédies comme celle que nous avons connue. Ces événements ont bouleversé la vie de ces personnes et celles de leurs familles.
Je vais maintenant redonner la parole à M. Gray qui va vous expliquer les conséquences qu'entraîne le fait que le Code criminel n'autorise pas le traitement des personnes déclarées non pénalement responsables.
M. John Gray: Merci, Sheila.
L'affaire Starson, une affaire qu'a entendue la Cour suprême du Canada et que certains d'entre vous connaissent sans doute, avec beaucoup d'autres—j'ai en fait une liste assez longue de ces affaires dans mon livre—montrent les répercussions qu'entraîne le fait que le Code criminel n'autorise pas le traitement obligatoire comme cela est permis dans la plupart des pays. Dans la plupart des pays, lorsqu'une personne est déclarée non pénalement responsable, cette personne est traitée, elle n'a pas le choix.
Cette affaire concernait M. Starson, un homme brillant, mais qui avait été admis au moins 17 fois dans un hôpital psychiatrique parce qu'il souffrait d'une maladie mentale grave. Il a été jugé inapte à subir son procès où il était accusé d'avoir proféré des menaces de mort. Le tribunal a rendu à son endroit une ordonnance de traitement psychiatrique en vertu du Code criminel et il est devenu apte à subir son procès. M. Starson a été déclaré NCR pour cause de troubles mentaux. Il a toutefois refusé d'être traité et a interjeté appel de la décision de la Commission du consentement et la capacité de l'Ontario dans laquelle celle-ci déclarait qu'il était incapable.
Cette affaire est montée jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui, dans une décision majoritaire, a déclaré que, selon les lois de l'Ontario, la Commission du consentement et de la capacité avait commis une erreur et que M. Starson n'était pas frappé d'incapacité. La Cour suprême ne s'est pas prononcée sur la constitutionnalité des dispositions législatives ontariennes; elle a simplement affirmé que, dans cette affaire particulière, elles avaient été mal appliquées.
En refusant d'être traité, M. Starson avait déjà passé cinq ans dans un hôpital—cinq ans. Depuis sa victoire à la Pyrrhus devant la Cour suprême, il continue à refuser le traitement qui lui permettrait d'obtenir sa libération. Plus d'une année s'est écoulée depuis la décision de la Cour suprême du Canada—cela fait six ans qu'il est dans un hôpital—et il risque fort de passer encore de nombreuses années, peut-être toute sa vie, dans un hôpital, même si sa mère et toutes les personnes qui le connaissent voudraient qu'il soit traité. Les gens savent que c'est un homme brillant et que, s'il était traité, il pourrait faire quelque chose. À l'heure actuelle, il dépérit dans un hôpital de cette ville.
Cela est tout à fait inacceptable pour sa mère. Cela est tout à fait inacceptable pour la Société canadienne de schizophrénie. Cela serait inacceptable dans la plupart des pays civilisés qui offrent des traitements psychiatriques modernes.
La Société canadienne de schizophrénie propose que le Code criminel soit modifié de la façon suivante:
La commission d'examen peut autoriser un traitement psychiatrique lorsque la personne déclarée non pénalement responsable pour cause de troubles mentaux n'est pas traitée aux termes des lois provinciales relatives à la santé mentale pourvu... |
Je ne vais pas aller dans les détails mais les éléments essentiels sont que la personne participe aux décisions, que deux médecins y participent également et que, sans ce traitement, la personne en question continuerait d'être détenue sans aucune perspective raisonnable d'être libérée. Cette disposition se trouve dans la Loi du Nouveau-Brunswick sur la santé mentale, et le tribunal administratif de cette province utilise cette norme pour décider s'il y a lieu de traiter une personne; lorsqu'il n'existe aucune perspective raisonnable de la libérer si elle n'est pas traitée, alors ce tribunal peut, au Nouveau-Brunswick, ordonner qu'elle soit traitée aux termes de la Loi sur la santé mentale.
Sans ces modifications, les inégalités découlant des dispositions provinciales demeureront. Selon le Code criminel, la personne qui a donné d'avance une directive indiquant qu'elle ne souhaite pas être traitée sera quand même traitée en Colombie-Britannique à cause des dispositions législatives en vigueur et cette personne sera probablement libérée assez rapidement une fois traitée. Par contre, la même personne qui souffre des mêmes problèmes aux termes du même Code criminel mais en Ontario, avec la Loi sur le consentement aux soins de santé, ne peut être traitée—comme M. Starson; il ne peut être traité. Cette personne va sans doute continuer à souffrir et être détenue pendant des années, peut-être toute sa vie.
Le Code criminel ne se fonde pas sur les lois provinciales relatives à la santé mentale pour ordonner le traitement d'une personne déclarée inapte à subir son procès—il existe une section du Code criminel qui le permet—mais il ne devrait pas non plus s'en remettre exclusivement aux lois provinciales pour autoriser le traitement des personnes déclarées non pénalement responsables pour cause de troubles mentaux, puisque dans certaines provinces, ces lois sont inefficaces.
Pour terminer, la Société canadienne de schizophrénie invite les membres du comité à examiner soigneusement les conséquences qu'entraînerait la modification du Code criminel pour permettre la lecture des déclarations des victimes. Nous vous invitons également à examiner de près les changements visant à fournir aux personnes déclarées non pénalement responsables pour raison de troubles mentaux la possibilité d'être traitées en vertu des lois provinciales relatives à la santé mentale, lorsqu'elles ne sont pas traitées à l'heure actuelle.
Je vous remercie beaucoup.
º (1610)
Le président: Merci.
Notre dernier exposé sera présenté par Mme Letman, de la Criminal Lawyers' Association.
Mme Carol Letman (secrétaire adjointe, Criminal Lawyers' Association): Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné la possibilité de présenter un exposé. Je vous demande de m'excuser de ne pas pouvoir vous remettre de document écrit. Pour diverses raisons, l'avis n'a pas été transmis par les services administratifs de notre organisation comme il le devait et il n'a été porté à l'attention de notre comité législatif que mercredi dernier, ce qui ne nous a pas permis de préparer un mémoire. J'ai néanmoins quelques notes et je pourrais vous en remettre des copies à la fin, si vous pensez que cela pourrait être utile.
La Criminal Lawyers' Association est principalement une association ontarienne, même si nos membres viennent de différentes régions du pays ce sont tous des criminalistes du secteur privé qui pratiquent, à des titres divers, devant les tribunaux de notre pays. Principalement, comme je l'ai indiqué, nos membres viennent de l'Ontario et notre association est sans doute la seule organisation importante qui regroupe principalement les avocats de la défense du Canada.
J'ai examiné certaines dispositions du projet de loi et je dirais que la plupart de mes commentaires portent sur les mêmes questions qu'a abordées M. Manson au sujet des personnes déclarées inaptes de façon permanente. J'aimerais toutefois commencer par formuler quelques commentaires sur la question des évaluations ordonnées par les commissions d'examen.
Dans l'ensemble, notre organisation est favorable à l'idée de confier aux commissions d'examen le pouvoir d'ordonner les évaluations, mais l'élargissement des pouvoirs de ces commissions en matière d'évaluation risque d'alourdir une demande qui sollicite des ressources déjà très limitées. Cela risque de soulever des problèmes, notamment la question de savoir qui paiera pour ces évaluations, qui les effectuera et où, quelles sont les ressources qui y seront consacrées, en particulier pour la personne qui se trouve dans la collectivité, à la différence de celle qui est détenu dans un établissement carcéral ou dans un hôpital.
La question des ressources demeure un problème important, particulièrement en Ontario, parce qu'il y a une pénurie de psychiatres judiciaires. C'est un problème qui s'aggrave, en Ontario du moins, et je crois que c'est également le cas dans d'autres provinces et territoires.
Les nouvelles modifications n'ont pas repris la recommandation du comité permanent précédent qui visait à élargir la catégorie des personnes qualifiées pour effectuer les évaluations. C'était une recommandation du comité permanent précédent.
J'estime que cela aurait été utile lorsque la principale raison pour l'évaluation d'un accusé en vue de déterminer son aptitude à subir son procès concerne un trouble cognitif plutôt qu'une maladie mentale. Les personnes qui ont un retard de développement, par exemple, peuvent être inaptes à subir leur procès et l'évaluation de cette limitation pourrait fort bien être confiée à des personnes autres que des psychiatres judiciaires, lorsque c'est la raison pour laquelle l'individu concerné est inapte à subir un procès.
L'article 16 est l'article qui traite des déclarations des victimes et je n'ai pas l'intention d'ajouter aux commentaires qui ont déjà été fait à ce sujet. Je pense qu'ils étaient beaucoup plus convaincants que ce que je pourrais faire avec un avis aussi court. La seule préoccupation que j'ai inscrite dans mes notes est qu'il semblait y avoir un peu de confusion entre les paragraphes 672.5(15.1) et (15.2) au sujet de la possibilité pour les commissions d'examen d'obtenir et d'utiliser une déclaration de victime lorsque la question en litige est l'aptitude de l'accusé à subir son procès.
Le paragraphe 672.5(15.2) traite expressément de l'utilisation de preuves lorsque la personne a été déclarée non responsable pénalement mais cela n'est pas précisé dans le cas du paragraphe 672.5(15.1). Je suis tout à fait convaincue que les déclarations des victimes ne devraient pas être introduites lorsque l'audience devant une commission d'examen concerne une personne inapte, étant donné que, dans ces circonstances, il est évident que la présomption d'innocence s'applique toujours.
J'aurais un très bref commentaire à faire au sujet de l'article 19. Le paragraphe 672.52(2) a remplacé cette disposition et selon la modification, le tribunal qui tient une audience décisionnelle, qu'il rende ou non une décision, est tenu de faire parvenir les documents à la commission d'examen. Je ne conteste pas la nécessité de fournir ces documents tel que le mentionne ce paragraphe mais il faut se demander pourquoi il y a lieu d'envoyer ces documents à la commission d'examen, si la disposition qui a été prise est une libération inconditionnelle. Pourquoi transmettre ces documents, si le tribunal a accordé une libération inconditionnelle?
L'article 27 est celui qui élargit les pouvoirs de la commission d'examen et qui lui permet de reporter la tenue d'une audience pendant une période maximale de 24 mois, soit avec le consentement de la Couronne et de l'accusé, s'il est représenté par avocat, soit de sa propre initiative lorsque l'accusé détenu dans un hôpital aux termes de l'alinéa 672.54c) a été jugé non criminellement responsable pour une «infraction grave contre la personne».
º (1615)
Le problème vient du fait que la définition d'« infraction grave contre la personne » est très large, parce qu'elle recouvre toute infraction accompagnée de violence ou de risque de violence, susceptible d'entraîner une poursuite par voie d'acte d'accusation. Pratiquement toutes les infractions, depuis les voies de fait jusqu'à la conduite avec facultés affaiblies et aux méfaits, sont présumées être des actes criminels tant que la Couronne n'a pas choisi de procéder selon la procédure sommaire. En outre, toutes les infractions que j'ai mentionnées sont accompagnées de violence, de risque de violence ou de lésions corporelles.
Toutes les infractions comportent également l'utilisation de la violence contre une autre personne ou la tentative de le faire ou encore une conduite mettant en danger la vie ou la sécurité d'autrui ou infligeant un préjudice psychologique grave à une autre personne ou risquant de le faire. J'ai pris ces articles comme exemples parce que je voulais montrer que cette définition est très large. En fait, avec cette définition, toutes ces infractions seraient visées et permettraient de reporter l'audience pendant une période maximale de 24 mois.
Je reconnais avec M. Manson qu'il n'est pas approprié, dans ce genre de circonstances, de reporter la tenue d'une telle audience. Il s'agit de personnes vulnérables qui sont détenues dans les hôpitaux. Il est vrai qu'il y a peut-être un manque de ressources pour les commissions d'examen, le régime mis sur pied est peut-être lent, mais ce genre d'ordonnance de prorogation est une décision qui ne peut être contestée qu'en faisant appel. C'est une entreprise très difficile pour des personnes qui, au départ, sont peu préparées à participer au système. La Criminal Lawyers' Association estime qu'il n'est pas nécessaire de reporter ces audiences et que le délai devrait être de 12 mois, comme il l'est à l'heure actuelle.
J'en arrive maintenant aux articles 20 et 33, qui traitent de l'inaptitude permanente. Cet aspect a été soulevé par M. Manson et je l'ai soulevé quand j'ai présenté des observations en 2002. Manifestement, cet aspect a été mentionné à plusieurs reprises au cours des dernières années pour ce qui est de la situation de l'accusé atteint d'une inaptitude permanente. La question de l'aptitude est complexe, dans la mesure où le mécanisme mis sur pied par les dispositions de l'article 672 envisage que l'accusé peut devenir apte à subir un procès et qu'il pourra donc être jugé à un moment donné. La plupart du temps, la réalité n'est pas aussi simple. Je m'occupe d'un nombre de clients assez important parmi lesquels il y a des personnes qui souffrent d'un retard de développement et qui ne seront jamais aptes à subir leur procès.
En 2002, le comité permanent a recommandé que la définition d'«inapte à subir don procès» soit revue de façon à tenir compte d'autres éléments qui touchent l'aptitude de l'accusé à subir un procès, notamment un test de sa capacité réelle ou effective à communiquer avec son avocat et à lui fournir des instructions raisonnables.
On craignait à l'époque, et c'est encore le cas aujourd'hui, que la notion utilisée actuellement soit trop étroite et amène des personnes qui ne sont pas aptes à le faire à subir leur procès. Cela est particulièrement inquiétant, si l'on pense que les questions et les éléments de preuve deviennent de plus en plus complexes dans notre système de justice pénale, comme l'ont montré diverses affaires.
Les questions constitutionnelles, le droit de garder le silence, les déclarations, et le témoignage d'experts médicaux représentent une partie importante des procès pénaux et pourtant, les ramifications actuelles d'une déclaration d'inaptitude—autrement dit, les examens annuels incessants prévus par le mécanisme actuel, tant que la Couronne peut établir qu'elle possède suffisamment de preuves—peut amener certains accusés à dissimuler leur aptitude à subir un procès. Cependant, cette définition n'a pas été modifiée, malgré la recommandation en ce sens formulée par le comité permanent. Il me semble que c'est une question qu'il faudrait revoir et j'invite vivement le comité à le faire.
Par contre, l'omission de donner suite à la recommandation, là encore présentée par le comité précédent et maintenant par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Demers, concernant la nécessité d'autoriser la Cour ou une commission d'examen à accorder une libération inconditionnelle à un accusé inapte, alors qu'elle peut le faire pour un accusé non criminellement responsable est beaucoup plus inquiétante. On propose à la place un mécanisme complexe avec l'article 672.851 qui autorise la commission d'examen à recommander au tribunal de tenir une enquête sur l'opportunité d'ordonner la suspension de l'instance. Le tribunal peut également effectuer cette enquête de sa propre initiative.
Aux termes de l'article 672.54 le tribunal ou la commission d'examen est tenu de rendre une décision
... la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l'état mental de l'accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale. |
º (1620)
J'ai été surprise de constater, lorsque j'ai examiné le projet de loi, compte tenu des recommandations présentées par le comité précédent, compte tenu de la position adoptée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Demers au paragraphe 60, qui porte expressément sur la question de modifier les dispositions législatives prévoyant la libération inconditionnelle, que cet élément était absent. Les mêmes alinéas a), b) et c) sont toujours là. Cela crée encore une ambiguïté, en ce sens que la personne qui a été déclaré responsable de ses actes—autrement dit, une personne non pénalement responsable—peut bénéficier d'une libération inconditionnelle, alors que la personne qui est encore présumée innocente de l'infraction selon notre droit canadien mais qui ne sera jamais apte à subir son procès ne peut bénéficier d'une libération inconditionnelle. La seule mesure que prévoit ce régime est la suspension d'instance.
Les paramètres que M. Manson a exposés et expliqués de façon détaillée ajoutent un élément complexe à ce régime—cet élément ne fait pas partie de l'article 672.54, qui exige que la suspension soit dans l'intérêt de la bonne administration de la justice. J'ai paraphrasé cette disposition mais je pourrais fournir la citation exacte. Un nouvel élément a été ajouté, qui ne fait pas partie de l'article 672.54, et qui s'applique là encore à l'accusé non pénalement responsable.
Cette disposition est ensuite précisée dans l'article 8—je n'ai pas mes lunettes alors je ne vais pas essayer de vous lire cet article—comme M. Manson l'a déjà mentionné. Cela a pour effet de créer ce que j'appellerais, si vous le permettez, un régime extrêmement complexe et détaillé dans lequel ces personnes sont privées de toute initiative, puisque les décisions sont prises par la commission ou par le tribunal, de sa propre initiative, ce qui ajoute un élément tout à fait nouveau qui n'était pas prévu par les modifications antérieures présentées en 1993. Il me semble déraisonnable d'imposer à une personne, comme je l'ai déjà déclaré, qui est présumée innocente de l'infraction, mais qui peut être atteinte, ce qui est bien souvent le cas, non pas d'une maladie mentale mais d'un trouble cognitif et qui ne peut subir un procès, se retrouve quand même dans une sorte de zone grise. Je dirais que c'est une amélioration—une amélioration qu'exigeait bien sûr l'arrêt Demers de la Cour suprême—mais j'estime qu'elle ne va pas suffisamment loin et qu'il faut la revoir.
Voici mes commentaires, à moins que vous ayez des questions à poser.
º (1625)
Le président: Merci, madame Letman.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Toews pour la première ronde de sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui.
Tout d'abord, j'aimerais remercier la Société canadienne de schizophrénie et les Deighton d'être venus nous présenter leur exposé. Il est toujours utile de prendre connaissance de ce point de vue.
Monsieur Gray, vous avez présenté un argument très convaincant en faveur du traitement obligatoire, en particulier lorsqu'on sait qu'il est de plus en plus fréquent que les patients soient transférés d'une province à l'autre. Étant donné que certaines provinces prévoient le traitement obligatoire et que d'autres ne le font pas, il semble y avoir une anomalie puisqu'il est possible de transférer les accusés dans certaines provinces où le traitement est obligatoire alors qu'ailleurs, ce n'est pas possible. Je pense donc que votre argument est convaincant et que le comité devrait examiner cet aspect très sérieusement.
J'ai deux questions. J'aimerais adresser la première à M. Manson et la seconde à M. Soiseth.
Monsieur Manson, vous avez parlé du critère de l'article 672.851, selon lequel la suspension doit servir la bonne administration de la justice, en fait, est-ce que cette disposition ne reflète pas les dispositions en matière de mise en liberté provisoire par voie judiciaire de l'article 515, auquel ce troisième motif a été ajouté? Dans cette partie, l'accusé doit comparaître; ce n'est pas contre la sécurité du public et la troisième, maintenant, la bonne administration de la justice. En fait, la Cour suprême du Canada a déclaré dans l'arrêt Hall de 2002 que cela était tout à fait justifié dans le cadre des dispositions relatives à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Pourquoi n'est-ce pas acceptable dans ce contexte-ci?
Monsieur Soiseth, la modification que vous proposez de façon à autoriser la commission à ordonner à l'hôpital de planifier la libération d'un accusé me préoccupe un peu. Pourquoi devrait-on obliger légalement l'hôpital à planifier la libération? Pourquoi ne devrait-on pas confier cette tâche à la commission? Je crois que cela fait problème. Il y a un aspect constitutionnel qui me surprend toujours dans ce domaine, puisque les provinces et le gouvernement fédéral doivent collaborer pour mettre en oeuvre ces dispositions pénales.
Comment une loi fédérale pourrait-elle obliger une institution provinciale à faire quoi que ce soit? N'y a-t-il pas un obstacle constitutionnel grave à ce qu'une commission créée par le gouvernement fédéral ordonne à une institution provinciale, comme un hôpital, de faire certaines choses? Cela risque de soulever des difficultés constitutionnelles.
Peut-être, monsieur Manson, que nous pourrions commencer par entendre votre réponse.
M. Allan Manson: Bien sûr. Je mentionnerais simplement au sujet des déclarations des victimes, que l'Association du Barreau canadien a adopté une position semblable à celle des personnes qui sont assises autour de cette table, à la page 10, et que le comité n'était pas favorable à l'élargissement de la portée des déclarations des victimes au-delà de la question du danger dans son rapport de 2002, à la page 14.
Mais pour en venir à votre question, l'enquête sur cautionnement est une étape bien différente. Elle se déroule au début du processus pénal. Nous parlons ici de personnes qui souffrent d'inaptitude permanente et qui ne subiront donc jamais leur procès. Il y a des preuves qui montrent que la personne est inapte, et il n'y a pas de probabilité qu'elle le devienne jamais. C'est pourquoi on peut se demander, si la Cour suprême a déclaré qu'il y avait deux éléments essentiels, pourquoi ajouter «servir la bonne administration de la justice»? Il est vrai que le paragraphe 515(10), vous avez raison, comprend un troisième... Il y a le premier, le second et le troisième motif, et le troisième motif est «sa détention est nécessaire pour la protection ou la sécurité du public, notamment...» et il y a ensuite une liste.
Regardons cette liste. Cette liste est importante parce que, lorsqu'on utilise une expression aussi large et imprécise que «l'administration de la justice», n'importe quel avocat vous demandera ce que cela veut dire. La liste des facteurs pertinents dans le projet de paragraphe 672.851(8) a pour effet de définir cette expression pour ces fins-là. Et cette liste comprend «la nature et la gravité de l'infraction...»; «les effets bénéfiques et les effets préjudiciables de l'ordonnance»—et je ne sais pas très bien ce que cela veut dire—«notamment en ce qui a trait à la confiance du public...»—nous revenons donc sur ce point, «le temps écoulé...», et «tout autre facteur qu'il estime pertinent».
Notre position est que la Cour suprême a déclaré que le seul critère possible était l'intérêt public dans le caractère définitif des décisions, et comme je l'ai dit dans mes remarques, on peut toujours confier cet examen à une commission d'enquête, si on l'estime nécessaire. Je ne peux imaginer de situation où le caractère définitif des décisions revêtirait une telle importance dans le cas de quelqu'un qui ne peut ni ne pourra être jugé et qui ne représente aucun danger, aucun danger important. C'est un élément important.
Je comprends donc le sens de vos observations mais je pense, premièrement, qu'il existe une différence très importante entre les étapes du processus où ces questions sont soulevées et deuxièmement, il y a le fait que la Cour suprême a examiné cette question, a parlé d'administration de la justice pour lui faire jouer un rôle mineur, une fois prise la décision relative à l'aptitude à subir son procès et au danger important pour la sécurité du public.
Cette deuxième conclusion me paraît extrêmement importante.
º (1630)
Le président: Merci, monsieur Manson.
Monsieur Soiseth.
M. Daniel Soiseth: Oui, merci.
Premièrement, au sujet du pouvoir d'ordonner des évaluations, je tiens à préciser au comité, si je ne l'ai pas déjà fait, que nous ne voulons pas confier aux commissions d'examen uniquement le pouvoir de planifier la libération des accusés; il s'agit de leur donner le pouvoir de rendre des ordonnances qui touchent les hôpitaux et les autres parties.
M. Vic Toews: J'ai un exemple auquel vous avez fait référence.
M. Daniel Soiseth: Merci.
Nous estimons que la compétence de la commission est parfois menacée par le point de vue qu'a adopté l'hôpital dans certaines affaires. Il arrive, même si ce n'est pas très fréquent, qu'il y ait une sorte de lutte de pouvoir entre ce que l'hôpital souhaite pour le patient et ce que la commission d'examen souhaite en matière de libération ou de détention du patient à l'hôpital ou ailleurs.
Dans certains cas, il est dangereux pour l'accusé de retourner dans la collectivité, lorsque son retour n'a pas été planifié. En l'absence de planification, la santé mentale de l'accusé peut se détériorer. Les choses peuvent s'aggraver, si on se contente de les lâcher dans la rue. Par contre, avec une bonne planification, le retour dans la collectivité peut s'effectuer en toute sécurité.
Ils ne sont pas en mesure de faire eux-mêmes cette planification. Cela comporte des aspects auxquels la commission d'examen ne devrait pas participer. Il faudrait créer un organisme assez important si on voulait demander aux commissions d'examen d'effectuer le travail social qu'effectuent actuellement les hôpitaux.
J'ajouterais que les hôpitaux s'acquittent déjà de cette tâche lorsqu'ils estiment que le patient doit être libéré. Ils s'occupent de planifier sa libération lorsqu'ils pensent que le patient sera libéré à la prochaine audience de la commission d'examen; les hôpitaux s'en occupent. Dans certains cas, s'ils pensent que le patient ne devrait pas être libéré—et c'est simplement l'opinion d'un psychiatre—cela n'empêche pas la commission d'apprécier elle-même les preuves présentées. Si la commission estime que la personne en question est prête à être libérée, alors c'est à elle de le faire. La réalité est que l'hôpital exerce un contrôle de fait sur ces aspects.
M. Vic Toews: Mais il y a le fait que l'hôpital n'est pas partie à cette instance, et que nous demanderions à l'hôpital d'exécuter une ordonnance judiciaire. Cela m'inquiète. Cela est différent lorsqu'il s'agit de deux parties à un litige matrimonial et que le tribunal ordonne à l'une des parties de faire une certaine chose et à l'autre, une autre chose. Il s'agit là d'une commission créée par une loi fédérale qui ordonne à un hôpital de compétence provinciale d'exercer certaines responsabilités. Je ne connais pas la réponse. Je me demande simplement s'il n'y a pas là un grave obstacle constitutionnel. Que se passerait-il dans le cas où on aurait adopté une disposition en ce sens, si l'hôpital refusait tout simplement d'exécuter l'ordre en disant qu'il n'a pas les fonds pour le faire; comment la commission pourrait-elle concrètement ordonner à un hôpital provincial de le faire?
º (1635)
M. Daniel Soiseth: Franchement, je ne peux pas vous donner beaucoup d'éclaircissements sur cet aspect constitutionnel. Je vous répondrais simplement que cela est possible sur le plan constitutionnel.
Deuxièmement, l'hôpital est partie à l'instance. Ce n'est pas une instance pénale habituelle avec une approche accusatoire. Les parties à l'audience—et cela est précisé dans le code, à l'article 672.11—sont l'accusé, le directeur de l'hôpital, le procureur de la Couronne, bien sûr et d'autres personnes peuvent également avoir le statut de partie. Dans les affaires d'adolescents, il arrive que les parents soient parties à l'audience. Nous proposons que la commission d'examen ait le pouvoir de contraindre également ces personnes.
Le président: Merci, monsieur Toews.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Bonjour. Merci de vous être présentés devant nous et de nous avoir livré vos témoignages aujourd'hui.
La première question que je voudrais poser fait suite à une intervention de Me Letman, qui parlait des problèmes de ressources, entre autres du manque de psychiatres qualifiés pour faire l'évaluation. Comme Me Letman l'a bien souligné, dans le rapport du comité de 2000, on soulevait la possibilité de permettre à d'autres personnes qualifiées, par exemple à des psychologues, de faire l'évaluation, surtout dans les communautés plus petites où il est difficile de trouver des psychiatres qualifiés à cette fin. Les autres témoins d'aujourd'hui sont-ils d'accord sur cette recommandation de notre rapport de 2000 reprise par Me Letman aujourd'hui?
[Traduction]
M. Allan Manson: Il me paraît possible d'élargir la catégorie des personnes susceptibles d'être chargées d'effectuer une évaluation pour qu'elle comprenne les psychologues. Tout comme il peut y avoir des psychiatres judiciaires ayant une formation et de l'expérience dans ce domaine et d'autres médecins qui ne possèdent pas ces aptitudes, il peut y avoir des psychologues qui, dans certains cas, peuvent effectuer une évaluation. L'Association du Barreau canadien ne s'oppose absolument pas à ce qu'on élargisse cette catégorie de personnes, pourvu qu'il soit clairement précisé que ces personnes doivent avoir une expertise particulière.
[Français]
M. Richard Marceau: Maître Soiseth, qu'en pensez-vous?
[Traduction]
M. Daniel Soiseth: Pour commencer, je trouve préoccupant que nous parlions de diluer le niveau d'expertise des personnes chargées d'effectuer ces évaluations. Bien évidemment, c'est une question de ressources, ce n'est pas quelque chose que l'on peut régler très facilement. Nous n'avons pas de problème particulier dans ce domaine en Colombie-Britannique et nous n'avons rien contre l'idée d'élargir la catégorie des personnes qui peuvent effectuer ces évaluations. Nous pensons que le décideur ne dispose jamais de trop de renseignements.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
Vous avez tous et toutes été excessivement sévères, selon moi, en ce qui concerne les droits des victimes. Vous avez tous et toutes catégoriquement fermé la porte à toute implication plus importante des victimes dans le processus qui serait mis en place par le projet de loi C-10.
Maître Soiseth, vous avez dit qu'il fallait bien faire la distinction entre quelqu'un qui a été trouvé coupable dans un contexte judiciaire en tant que tel et les gens qui ont été trouvés non criminellement responsables. En quoi le fait de permettre aux victimes d'actes criminels de faire une déclaration, à leur demande chaque fois, brimerait-il les droits de la personne souffrant de troubles mentaux, qui est elle aussi une victime? Finalement, en quoi les droits de la personne souffrant de troubles mentaux seraient-ils méconnus ou mis de côté si les victimes occupaient une plus grande place?
S'il y a d'autres témoins qui veulent répondre ensuite, cela me fera plaisir de les entendre.
[Traduction]
M. Daniel Soiseth: Habituellement, les audiences durent entre une heure et demie et deux heures. Elles ne sont pas très longues. Ce n'est pas comme un procès pour meurtre qui peut durer trois ou quatre semaines, et à la fin duquel le tribunal déclare l'accusé coupable et fixe la peine. Ce sont des instances très courtes. L'audience porte essentiellement sur le traitement de l'accusé et sa réinsertion dans la collectivité. La raison en est que le traitement de l'accusé et la sécurité du public sont reliés entre eux : si l'accusé est en bonne santé, le public est en sécurité.
Si nous autorisons la présentation des déclarations des victimes—cela prendra nécessairement une bonne partie du temps d'audience—l'audience va porter sur des aspects qu'il n'y a pas lieu d'examiner à ce moment. Il faut se concentrer sur le traitement de l'accusé et son rétablissement. C'est ce qui favorise la sécurité du public.
º (1640)
[Français]
M. Richard Marceau: Professeur Manson, voulez-vous répondre aussi?
[Traduction]
M. Allan Manson: Permettez-moi de citer ce que le comité a déclaré en 2002. Cela se trouve aux pages 13 et 14 des témoignages. Il est possible que les partisans des déclarations des victimes n'aient pas présenté la chose correctement au comité mais depuis 1999, le Code criminel autorise le dépôt des déclarations des victimes. Cela ne semble pas avoir été bien compris mais le comité, en réfléchissant à la question de savoir s'il faut autoriser les déclarations des victimes, a déclaré ceci à la page 14:
À cette étape du processus pénal, il a été jugé que l'accusé n'était pas criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. |
Ou inapte, et c'est une autre catégorie, comme l'a fait remarquer un de mes collègues, la proposition actuelle ne fait pas de différence et autoriserait également les déclarations orales dans les affaires portant sur l'inaptitude de l'accusé.
Le tribunal ou la commission d'examen a pour tâche d'examiner le danger que représente l'accusé, dans le cas où il ferait l'objet d'une libération sous conditions ou inconditionnelle. |
Les déclarations orales que pourrait faire la victime devraient donc se limiter à cette question. Le code n'impose pas une telle limite. Ceci est repris dans la nouvelle disposition lorsqu'elle précise «conformément au paragraphe (14)». Le paragraphe 672.5(14) actuel permet que la déclaration écrite décrive «les dommages ou les pertes qui lui ont été causés». Dans le tout premier cas, au-delà des commentaires qu' a faits mon collègue au sujet de la vulnérabilité de l'accusé et des préoccupations en matière de sécurité dans le contexte, notre principale question est pourquoi autoriser la lecture des déclarations? Il s'agit ici de pertinence.
La commission doit d'abord se pencher sur les troubles mentaux—c'est une question qui relève des experts de l'hôpital—et deuxièmement, sur le danger. Si la victime a quelque chose à dire au sujet du danger futur, cela est pertinent. Si la victime veut parler de son expérience, ce qui a une grande importance pour elle, alors cela ne se rapporte pas à la question du danger futur et n'est donc pas nécessairement pertinent.
C'est la principale raison pour laquelle nous pensons qu'il faut faire une différence très nette entre la fixation de la peine dans le cas du procès pénal, qui porte sur la gravité de l'acte—la gravité comprend la culpabilité et le préjudice causé—et cette étape-ci, où les questions sont énumérées dans le code: il s'agit de savoir si la personne est pénalement non responsable parce qu'elle souffre de troubles mentaux ou si cette personne est inapte et ensuite si elle présente un danger pour la sécurité du public. Ce ne sont pas des aspects pour lesquels les victimes sont nécessairement d'un grand secours.
The Chair: Merci.
Avant de passer du côté du gouvernement, j'aimerais demander à M. Gray quelle est la position de la Société canadienne de schizophrénie au sujet des déclarations des victimes.
M. John Gray: Nous partageons ces préoccupations parce qu'il y a la possibilité que ces déclarations soient mal utilisées. Bien souvent, les victimes sont des membres de la famille, même si je pense que le code, sous sa forme actuelle, prévoit que la famille peut présenter des observations à la commission d'examen.
Je reconnais que le point essentiel est que la question en litige porte sur le danger futur; la question ne porte pas sur le danger passé. Vous avez entendu l'histoire horrible qui s'est passée dans cette famille et vous voyez ensuite cet homme qui est assis là-bas. La situation est complètement différente parce que cet homme était malade mais il a été traité depuis. Cela n'est pas comparable à une personne qui a toute une carrière criminelle derrière elle.
Le président: Merci.
Maintenant, pour sept minutes, monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci d'être venus aujourd'hui.
Vous nous avons présenté plusieurs sujets de réflexion et vous avez abordé un certain nombre de points intéressants, mais nous semblons vouloir parler de la question des déclarations des victimes.
Il est évident que cet aspect est quelque peu préoccupant, en particulier pour vous, je crois, monsieur Soiseth. Vous avez parlé du préjudice que cela peut causer et que c'est un processus stressant, mais comment pouvez-vous affirmer que cela est stressant pour les accusés non criminellement responsables? J'aimerais savoir comment vous en arrivez à cette conclusion. J'avoue que c'est quelque chose que j'ai du mal à comprendre.
º (1645)
M. Daniel Soiseth: Je ne veux pas trop insister là-dessus, et je ne veux certainement pas dire que ces modifications vont dans tous les cas empirer la santé mentale de mes clients. Ce qui m'inquiète, c'est que ce soit une possibilité. Il ne faut pas oublier le genre de maladie dont souffrent les personnes avec qui je travaille; ces personnes sont vraiment très sensibles au stress. En fait, je ne sais pas si cela s'applique à toutes les personnes atteintes de schizophrénie en général ou si cela touche uniquement le type de schizophrénie dont je m'occupe, mais le stress est une grande préoccupation. C'est un des facteurs de risque que l'expert examine lorsqu'il effectue une évaluation du danger, et ce facteur peut entraîner une détérioration de la santé mentale. C'est tout simplement un fait psychiatrique.
L'hon. Paul Harold Macklin: Vouliez-vous intervenir à ce sujet?
Mme Sheila Deighton: Dans notre cas particulier, mon mari n'a compris ce qu'il avait fait que plusieurs heures plus tard; vous pouvez donc imaginer le choc que cela a été pour lui de se rendre compte qu'il venait de tuer son fils. Comme je l'ai dit plus tôt, après avoir passé deux mois et demi en prison en attendant que se libère un lit dans un hôpital psychiatrique pour qu'il soit évalué, lorsqu'il a été admis à l'hôpital, il était tellement malade qu'il n'était pas apte à subir son procès. Il a fallu qu'il subisse plusieurs années de thérapie. Il est demeuré à l'hôpital deux ans, et il a fallu des années de thérapie pour l'amener à prendre conscience du traumatisme qu'il avait subi et à l'accepter.
Comme nous le savons, 80 p. 100 des victimes sont des membres de la famille et les schizophrènes ne savent pas ce qu'ils font. Ils sont très vulnérables au stress, certains plus que d'autres. Pour quelqu'un qui n'a reçu aucun traitement pendant des années et qui aujourd'hui se rend compte, grâce au traitement, de ce qu'il a fait, cette situation peut être extrêmement stressante. Cependant, si les membres de la famille concernés souhaitent parler de la nécessité du traitement, de fournir un appui et de favoriser la réinsertion de l'accusé, au lieu d'être en colère et de vouloir se venger, alors c'est différent.
Il faut donc penser à la victime et savoir si elle a compris pourquoi cela lui était arrivé, que c'était à cause d'une maladie qui n'avait pas été traitée. Ce n'est pas un criminel, c'est une personne qui n'a pas été soignée.
L'hon. Paul Harold Macklin: Je pense que les déclarations des victimes ont un certain effet libérateur lorsqu'elles touchent des tiers qui n'appartiennent pas à la même famille, alors que ce n'est peut-être pas le cas lorsqu'il s'agit de membres de la même famille. Il peut être utile que la victime puisse exprimer, en présence de cette personne, les conséquences qu'ont eues sur elle ces événements. La notion de justice réparatrice est axée sur ce principe. Je suis donc surpris d'entendre qu'il est préjudiciable pour l'accusé de participer à ce processus. Je me dis que si le stress est tel qu'il risque d'amener l'accusé à récidiver, alors celui-ci n'est peut-être pas prêt à être libéré—c'est du moins ce qu'il me semble, d'après ce que j'entends.
M. Allan Manson: Vous faites une comparaison très importante avec l'approche de la justice réparatrice en matière de peine. C'est une forme de discours moral auquel participent la victime et le contrevenant. Nous parlons ici de personnes vulnérables qui sont très malades. Elles sont parfois inaptes; elles sont parfois non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux. On ne peut parler dans ce cas-ci de discours moral comme dans le processus de justice réparatrice qui concerne le contrevenant et sa victime. Il n'est pas possible de faire ce parallèle ici.
Je tiens également à dire que lorsque nous parlons de stress, nous ne parlons pas de récidive. Beaucoup de gens croient à tort, ce qui est très regrettable, que les personnes atteintes de troubles mentaux sont dangereuses. Comparées au reste de la collectivité, ces personnes sont beaucoup moins disposées à commettre des actes violents. Nous ne parlions donc pas de cet aspect. Je pense que nous parlions plutôt de l'effet immédiat que cela aurait sur le bien-être de la personne concernée—comme dans l'exemple qu'a donné Mme Deighton—à cause du stress qu'occasionne le fait de confronter le passé alors que ces personnes sont maintenant guéries.
º (1650)
L'hon. Paul Harold Macklin: Il est vrai que l'on n'entend pas tout ce discours, comme vous le dites, au moment de la fixation de la peine, mais il me paraît indéniable que la possibilité de faire une déclaration est utile pour la personne qui a été victime de l'acte reproché. Je pense que c'est ce que nous essayons de faire et je crois que dans ce cas particulier, nous essayons d'offrir cette possibilité.
M. Allan Manson: Il faut alors se demander si ça ne nuit pas à d'autres intérêts, parce que la situation est différente de la fixation de la peine. C'est là notre position.
L'hon. Paul Harold Macklin: Je reconnais que l'utilisation de ces déclarations n'est pas aussi complète qu'elle le serait dans le processus normal de fixation de la peine, à l'égard d'une personne qui a été déclarée coupable et jugée criminellement responsable.
Pour en revenir à Daniel Soiseth, vous avez indiqué, dans une de vos recommandations, que vous partagiez la préoccupation du président de la commission d'examen de la C.-B., au sujet des modifications proposées, pour qui le pouvoir d'ordonner des évaluations est trop étroit et que la commission d'examen devrait avoir le droit d'ordonner des évaluations pour d'autres fins.
Quelles restrictions devrait-on apporter aux pouvoirs de la commission? Ne devrait-on pas prévoir des restrictions sur le genre d'évaluation que les commissions peuvent ordonner? S'il n'y a pas de restrictions, qui paiera pour tout cela?
M. Daniel Soiseth: Je ne peux pas vous dire bien sûr qui paiera pour cela.
L'hon. Paul Harold Macklin: Mais les ressources sont une partie essentielle de tout ce problème, puisqu'il s'agit de responsabilités définies par le gouvernement fédéral et que nous essayons ensuite de travailler avec les autorités provinciales pour en arriver à une sorte de compromis. Je pense que certaines questions n'ont pas été abordées parce qu'il y a encore des conversations et des discussions aux niveaux fédéral, provincial et territorial pour essayer d'harmoniser toutes ces actions, de façon à avoir des ressources suffisantes pour agir dans ces domaines.
Pourriez-vous me préciser ce que vous proposez en matière d'élargissement de la définition? Quelle sorte de définition proposez-vous? Quelles sont les autres évaluations qu'une commission d'examen devrait pouvoir ordonner?
M. Daniel Soiseth: Le problème que pose la modification proposée est qu'elle concerne des situations dans lesquelles il est possible d'ordonner une évaluation. Comme M. Bernt Walter l'a signalé dans sa lettre du 31 mai, les cas prévus par les modifications ne se posent pas en Colombie-Britannique—je ne peux parler des autres régions du pays. Cette modification ne changera rien puisqu'il n'y aura pas d'évaluation supplémentaire d'effectuée en C.-B. à cause de cette modification.
Nous pensons cependant qu'il convient d'élargir leurs pouvoirs en matière d'évaluation, pour différentes raisons. J'appuie ce que M. Manson a déclaré au sujet du fait que les évaluations ne sont parfois pas très utiles. D'après mon expérience, il y a des clients qui restent dans les hôpitaux pendant des années. Ils sont suivis par les mêmes psychiatres pendant toutes ces années et ces derniers rédigent tous les ans la même évaluation d'une page et demie. Ce n'est pas vraiment une nouvelle évaluation du danger que représentent ces malades.
Dans le cas où un hôpital ne s'acquitte pas correctement, d'après nous, de son obligation de faire procéder à des évaluations régulières, la commission d'examen devrait avoir le pouvoir de corriger la situation en ordonnant à l'hôpital d'effectuer une autre évaluation par un autre psychiatre—une évaluation plus détaillée ou quelque chose du genre.
Le président: Merci.
M. Thompson est le suivant, pour trois minutes.
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci, et bienvenue à tous.
J'écoute avec beaucoup d'intérêt ce qui se dit. M. Marceau a à peu près couvert une des questions que j'allais posée au sujet des victimes, tout comme d'autres intervenants. Cet aspect constitue toujours une préoccupation importante lorsque nous examinons les problèmes reliés à la justice et au crime.
Je ne suis pas avocat et il y a beaucoup de choses techniques qui me dépassent, mais j'ai été directeur d'une école secondaire pendant un certain nombre d'années. Dans cette école, nous avons eu deux cas de schizophrénie chez des adolescents. J'ai été vraiment très surpris parce que je pensais que cela touchait uniquement les personnes âgées; je ne savais pas que cela touchait également les enfants. Dans les deux cas, cela a donné lieu à des événements très violents, des choses vraiment effrayantes. Si les jeunes n'avaient pas été capables de se déplacer rapidement, il y en aurait sûrement eu un qui aurait été tué par ce véhicule. En fait, il a détruit plusieurs véhicules et il a manqué de peu de frapper un enfant, ce qui a soulagé tout le monde. Cela m'a vraiment ouvert les yeux.
Il y a eu un autre cas qui était tout aussi violent. Il a subi un traitement et, par la suite, après quelques années, il est revenu dans son ancien environnement. Il a reconnu ce qu'il avait fait, il était plein de regrets et de remords. L'école était toutefois tenue de s'assurer que les médicaments nécessaires au maintien en bonne santé de cet élève se trouvaient à l'école pendant une période de six ou huit heures par jour. J'ai toujours pensé que c'était beaucoup demander aux gens qui étaient chargés d'instruire ces enfants. Mais la Charte des droits et libertés a été adoptée et il n'était pas possible de refuser d'accepter ces personnes. Essayez de rassurer les étudiants... C'était une époque difficile. Je comprends donc tout cela.
J'espère qu'un jour on pourra guérir ce genre de maladie. Je ne sais pas s'il existe actuellement un médicament qui le permet; je crois que c'est un traitement qui doit se poursuivre. C'est sans doute ce qu'il faut faire dans la plupart des cas. Ce que M. Manson a dit tout à l'heure m'inquiète—il a dit qu'il y avait tellement de personnes qui étaient incarcérées à cause de troubles mentaux qu'il fallait les libérer—comment pouvons-nous être sûrs—et là je ne parle pas de récidive—que la maladie ne prendra pas le dessus encore une fois et créera une situation très dangereuse?
J'ai été très étonné lorsque j'ai voyagé vers le milieu des années 90 dans différentes régions pour visiter des pénitenciers à sécurité maximum, par le nombre des cellules à double porte. Quand les gardiens voulaient pénétrer dans une cellule, ils devaient se mettre au moins à six pour s'occuper du détenu à cause de sa violence et de sa force—c'était absolument incroyable. J'ai été surpris de voir le nombre de ces cellules. Où faut-il fixer la limite? Comment devons-nous faire pour protéger la société? Ces personnes sont malades, mais nous avons l'obligation de protéger la société.
Un directeur d'école doit protéger les étudiants. Que peuvent faire les autres, qui ne sont peut-être pas aussi intelligents que les avocats et ceux qui essaient d'interpréter les lois, mais qui savent qu'il faut faire quelque chose... Avez-vous déjà abordé un problème de ce point de vue? C'est une expérience effrayante et j'aimerais une réponse.
º (1655)
M. Allan Manson: Puis-je répondre?
M. Myron Thompson: Oui.
M. Allan Manson: Je pense que mes commentaires ont été mal compris. Lorsque j'ai dit que l'Association du barreau canadien s'inquiétait du fait qu'il y avait de plus en plus de malades dans les prisons, je n'ai pas dit que la solution consistait à libérer toutes ces personnes. La solution consiste à placer les malades dans les hôpitaux.
Je viens de faire un voyage d'étude. Il y a deux semaines, je me trouvais à Broadmoor au Royaume-Uni, qui s'occupe des prisonniers les plus dangereux et les plus difficiles, mais c'est un hôpital. J'ai déjà été dans des institutions à sécurité maximum et des institutions à sécurité super maximum et dans les centres régionaux de traitement de notre système pénitencier. Ce ne sont pas des hôpitaux, ce sont des prisons. Elles sont administrées selon la culture et les valeurs du milieu carcéral.
J'ai trouvé que le sentiment que l'on ressentait à Broadmoor était tellement différent que c'était extraordinaire. C'est un établissement de très haute sécurité mais on n'entend pas constamment le bruit des grilles. On n'y voit pas ce que l'on voit dans le centre de traitement régional du pénitencier de Kingston. Lorsqu'un patient refuse de prendre ses médicaments, ils appellent l'équipe d'intervention d'urgence, les Darth Vaders, six hommes, pour être sûrs...
Lorsque je leur ai parlé de ça il y a un an et demi et que je leur ai dit que j'étais choqué, ils m'ont répondu « On dirait que vous croyez que cela arrive tous les jours; cela n'est arrivé que 15 fois l'année dernière ». J'ai le document avec moi, si vous voulez le voir. J'ai été très troublé de voir que l'équipe des Darth Vaders avait été appelée 15 fois.
On ne voit pas cela dans un hôpital. C'est ce que je veux faire remarquer. Il faut prendre des décisions très difficiles au sujet de ce problème très grave.
Le groupe qui représente les schizophrènes a soulevé une question difficile, celle du traitement obligatoire. Je ne suis pas venu ici, en tant que représentant de l'Association du barreau canadien, pour aborder cette question, mais c'est le genre de question philosophique à laquelle il faut réfléchir. Sommes-nous prêts à obliger les gens à se soigner? Sommes-nous prêts à accepter la différence qui existe entre une peine et une action thérapeutique?
Je ne proposais pas d'ouvrir les portes de prison pour laisser sortir les malades. Je demandais plutôt pourquoi ces personnes étaient en prison plutôt que dans un hôpital. S'il faut les garder dans un hôpital de sécurité parce qu'elles sont dangereuses, c'est tragique mais il faut le faire. Mais ce devrait être dans un hôpital, pas dans une prison.
» (1700)
M. Myron Thompson: En avons-nous au Canada?
M. Allan Manson: Oh oui, il y en a 11 en Ontario. L'établissement de sécurité maximale est celui de Penetang. Ont-ils suffisamment de ressources? Ont-ils suffisamment de psychiatres? Absolument pas. À Broadmoor, il y a 25 psychiatres et 25 psychologues judiciaires. Allez à Penetang et voyez combien il y en a. Ils ont des travailleurs de la santé qui travaillent beaucoup. C'est un travail difficile. Mais vous verrez qu'il n'y en a pas 50.
Le président: Monsieur Gray, voulez-vous répondre à M. Thompson?
M. John Gray: J'aimerais vous féliciter d'avoir adopté ce principe, d'avoir adopté la bonne solution pour régler une situation difficile. La bonne solution est que ces gens ont besoin de prendre leurs médicaments lorsqu'ils se trouvent dans ce genre de situation. Ils ont besoin aussi d'autres appuis, mais s'ils ne prennent pas les médicaments essentiels qui vont rétablir l'équilibre chimique dans leur cerveau, alors vous aurez des problèmes.
Vous demandez si nous pouvons guérir les gens. Non, nous ne pouvons pas le faire, mais les médicaments se sont aujourd'hui beaucoup améliorés par rapport à ce que vous avez connu. C'est un peu comme pour le diabète, dans le sens que pour la plupart de ces maladies, il faut prendre des médicaments toute sa vie. Si M. Deighton prend ses médicaments, il va bien; s'il ne les prend pas, il tombe malade.
Les questions ont été fort bien présentées en fonction de la différence qu'il faut faire entre les prisons et les hôpitaux. Il faut que les malades mentaux ne se retrouvent pas en prison, ni devant les tribunaux. Nous avons des tribunaux de la santé mentale dans certaines régions du pays, ce qui me paraît être une chose très positive. Dans certains systèmes médico-légaux, les tribunaux travaillent en collaboration avec les autorités carcérales, même si cela pourrait être amélioré. Les initiatives de ce genre sont très utiles.
En fin de compte, l'essentiel est d'avoir accès à des services. Par rapport au projet de loi dont nous parlons aujourd'hui, nous ne progresserons pas si nous ne sommes pas en mesure d'offrir des services.
Le président: Merci.
Monsieur Marceau?
Questions du côté du gouvernement?
Monsieur Thompson.
M. Myron Thompson: Je me pose encore des questions. Je sais que vous voulez aider ces personnes, mais je ne sais pas si nous pourrons jamais vraiment aider les gens qui se trouvent dans le pénitencier de Kingston. Je ne le sais pas et je ne crois pas que quelqu'un le sache non plus. Mais je sais une chose, à cause de mon expérience: il existe une certaine crainte au sujet de leur sécurité personnelle.
Je me demande quel genre de mesures législatives nous pourrions élaborer, avec l'aide de personnes comme vous, pour pouvoir donner à ces gens la sécurité qu'ils estiment mériter. Les choses se sont peut-être grandement améliorées depuis 1994 ou 1995, depuis que j'ai visité ces pénitenciers. Cela fait 10 ans...
Elles ne se sont pas améliorées? Eh bien, cela m'effraie. Je sais que ces personnes ont besoin d'aide. J'espère que les hôpitaux dont vous parlez sont très sécuritaires parce que transférer ces personnes dans un hôpital ne me paraît pas du tout logique. De la même façon, la détention semble également...
Je suis un gars ordinaire. Je ne suis pas le gars intelligent qui s'occupe de préparer des projets de loi et des choses de ce genre. Je suis le gars d'à côté, qui prépare son lunch et qui se demande pourquoi il y a des gens qui ont commis des crimes et qui sont en liberté. Quel que soit le motif, pourquoi ne s'occupe-t-on pas de ces personnes d'une façon différente?
Dieu bénisse les gens qui sont touchés par cette maladie, mais je sais que les jeunes qui vont travailler tous les jours dans ces établissements ont la peur au ventre: est-ce que cela va se reproduire et est-ce que c'est une de ces personnes qui le fera?
Que peut-on faire à ce sujet?
» (1705)
Le président: Monsieur Manson.
M. Allan Manson: Tout d'abord, comme je l'ai dit, il y une idée fausse très regrettable au sujet du danger que représentent les personnes qui ont des troubles mentaux. Je pense qu'il appartient aux gens qui sont dans cette salle, aux représentants du gouvernement, aux personnes en situation d'autorité, de ne pas susciter des peurs inutilement. Il ne sert à rien de semer la peur partout. Je pense que M. Gray a tout à fait raison, il existe toutes sortes de thérapies pour la plupart des troubles mentaux.
Nous disons simplement qu'il faut vraiment se demander pourquoi il y a tant de malades dans nos prisons. À moins que ces personnes n'y soient à perpétuité, ce qui n'est pas le cas pour la plupart d'entre elles, elles seront libérées mais ce seront des personnes qui sont toujours malades parce qu'elles n'ont pas été traitées qui seront libérées. Je ne suis pas venu vous dire: «voici les chiffres, faites ceci, faites cela». Nous demandons quel est le nombre des malades qui se trouvent dans nos pénitenciers et dans nos prisons? Pourquoi ne disposons-nous pas de meilleures données à ce sujet? Est-ce que les commissions font ce que la Cour suprême leur a demandé de faire dans l'arrêt Winko?
Demandons aux ministères responsables—je ne demande pas qu'ils nous les fournissent d'ici demain ou le mois prochain—de recueillir des données. Au Royaume-Uni, on publie tous les ans un rapport intitulé «Les délinquants atteints de troubles mentaux et le système de justice pénale». Ce rapport fait environ 30 pages et il présente toutes les données dont on a besoin pour prendre le genre de décisions qu'il faut prendre dans ce domaine. Nous ne disposons pas de ces données au Canada. Nous n'avons pas eu ce genre de débat philosophique et de principe que nous devons lancer si nous acceptons le principe que la prison n'est pas un endroit approprié pour les malades.
M. Myron Thompson: Voulez-vous dire qu'ils ne sont pas traités là où ils sont?
M. Allan Manson: Je vous dis que c'est une question complexe.
M. Myron Thompson: Ils ne sont pas traités en prison, c'est ce que vous me dites.
M. Allan Manson: La plupart, non.
M. Myron Thompson: Il me semble que c'est à nous de veiller à ce qu'ils le soient. S'il y a des malades qui ont besoin d'être traités, alors pourquoi ne les traite-t-on pas?
Je pose la question et je veux en rester là, parce que je ne connais pas la réponse. Je ne peux pas vous fournir de réponse et je suis sûr que vous ne pouvez pas le faire non plus.
Le président: Une brève réponse, monsieur Soiseth.
M. Daniel Soiseth: Permettez-moi d'ajouter, sur ce point, qu'il s'agit encore d'améliorer la sécurité du public lorsque nous parlons de traitement. On pourrait considérer que les commentaires que vous avez entendus aujourd'hui risquent d'avoir des répercussions sur les gouvernements provinciaux et d'entraîner des dépenses. Mais toutes les choses dont nous avons parlé aujourd'hui ont, d'après moi, probablement pour effet d'améliorer la sécurité du public. La sécurité du public ne s'oppose pas toujours au traitement des malades. Les deux vont ensemble.
Le président: Merci.
Madame Neville, vous avez une question?
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Oui, merci.
Merci à tous d'être venus ici aujourd'hui. Je n'ai pas participé au premier examen du projet de loi et je suis donc en train d'apprendre des choses. J'ai trouvé que la discussion de cet après-midi était fascinante. J'aurais quelques brèves questions à vous poser.
Premièrement, je sais que cette question est complexe, cela dépend de l'endroit où se trouve la personne atteinte de troubles mentaux, mais pouvez-vous faire des commentaires sur la récidive chez les malades mentaux?
Deuxièmement, et je m'adresse à Mme Deighton, j'écoutais vos commentaires au sujet des répercussions sur les victimes et comment cela a touché votre famille. Pourriez-vous me dire dans quels cas il est préférable que la victime lise une déclaration devant la commission plutôt que de présenter une déclaration écrite? Y a-t-il des cas où cela pourrait être utile?
Le président: Monsieur Manson, avez-vous cette information?
M. Allan Manson: Je vais vous fournir quelques chiffres au sujet de la récidive, mais je n'en ai pas pour le Canada. Je ne sais pas s'il en existe.
J'utilise les statistiques du Royaume-Uni de 2002 pour les contrevenants atteints de troubles mentaux et le tableau 17 donne les pourcentages de récidive de ce qu'ils appellent «les patients à liberté limitée». Ce sont les patients qui sont atteints de troubles mentaux et qui sont envoyés dans un hôpital plutôt que dans une prison au moment où ils sont déclarés coupables. Pour ceux qui sont libérés, et cela remonte à 1985, les personnes qui ont récidivé depuis leur première libération, eh bien le chiffre le plus élevé est de sept pour les personnes libérées en 1992. Dans l'ensemble, on trouve une ou deux infractions par an, y compris des infractions très graves.
Je ne me suis pas préparé à parler des taux de récidive. Il faudrait que j'examine ce document. Il n'est pas très gros. Il y a des gens qui purgent leur peine, des fois un peu plus ou un peu moins, selon le genre d'ordonnance, dans un établissement de santé mentale, même si ce pourrait être en établissement de sécurité—ils ont des établissements de sécurité maximum ou moyenne—qui reçoivent des traitements et qui, éventuellement, sont libérés sans condition dans la collectivité par le Home Office ou le Tribunal de la santé mentale et qui reçoivent la plupart du temps par la suite une libération inconditionnelle... Ce sont donc des gens qui vivent dans la collectivité.
Je peux vous donner la référence de ce document. Il est publié par le Home Office et intitulé Statistiques concernant les contrevenants atteints de troubles mentaux, 2002, Angleterre et Pays de Galles. Si vous regardez le tableau 17, vous trouverez des notes qui vous fournissent les pourcentages. les taux de pourcentage sont très faibles et confirment l'opinion selon laquelle il est faux de penser que les malades mentaux sont très dangereux. Ce n'est pas le cas.
» (1710)
Le président: Merci.
Madame Deighton, Mme Neville souhaitait avoir votre point de vue.
Mme Sheila Deighton: Pour ce qui est des déclarations des victimes, j'ai assisté chaque année aux audiences de la commission qui examinait mon mari et, bien souvent, j'ai eu la possibilité de faire une déclaration. Personnellement, j'ai considéré que c'était une occasion de faire connaître aux membres de la commission les difficultés qu'avait connues notre famille pour essayer de faire traiter mon mari et mon fils qui est mort. Il avait les symptômes de cette maladie. Mais d'après notre loi ontarienne sur la santé mentale, même s'il avait fait une tentative de suicide, une tentative grave, il n'était pas considéré comme étant admissible. Nous avons eu des problèmes dans notre famille parce qu'il y avait deux membres qui étaient gravement malades et n'étaient pas traités. Pourquoi? À cause des lois sur les soins de santé.
J'estime que cela a eu un effet thérapeutique pour moi à cause de l'appui et de l'information que nous a fournis le programme médico-légal de l'Hôpital Royal d'Ottawa. C'est pourquoi j'affirme qu'il est très important que la victime soit sensibilisée pour qu'elle puisse essayer de comprendre ce qui est arrivé. Comment se fait-il qu'une personne aussi malade puisse vivre parmi nous dans la collectivité? Comment est-il possible qu'on ne puisse se faire soigner à notre époque? Pour moi, cela a donc été thérapeutique et, en fait, je pense que cela a également été utile pour mon mari parce qu'il s'est rendu compte qu'il voyait un psychiatre mais que celui-ci ne le traitait pas correctement.
Par contre, j'ai entendu parler de cas où la victime n'a aucun lien avec l'accusé et où elle n'a pas été sensibilisée, ni informée de ces questions. Il arrive que les victimes ne comprennent pas les complexités de la maladie et comment quelqu'un peut agir de cette façon. Je dois souligner le fait qu'il est nécessaire de sensibiliser les victimes de façon à les aider à clore l'événement, parce que je ne pense pas qu'elles obtiennent cela à l'audience, car celle-ci est très structurée.
Mme Anita Neville: Merci.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin: J'aurais quelques petites remarques, monsieur le président. J'aimerais d'abord poser une question à M. Soiseth.
Je crois savoir que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré dans une affaire qui s'appelle, je crois, Mazzei, que la commission d'examen ne peut contraindre un hôpital à agir. Est-ce bien cela?
M. Daniel Soiseth: Oui.
L'hon. Paul Harold Macklin: Il faut donc trouver une solution pour régler ce problème. J'avais mal compris. Je pensais que vous aviez dit que cela était possible en Colombie-Britannique.
M. Daniel Soiseth: Non, je suis désolé. Je ne l'ai pas dit.
L'hon. Paul Harold Macklin: C'est donc une question à régler.
Deuxièmement, pour ce qui est de Mme Letman, vous avez signalé une différence entre la personne déclarée non criminellement responsable et celle qui est inapte à subir un procès puisque vous avez dit que la libération conditionnelle ne s'applique pas aux deux catégories mais que la suspension s'applique aux personnes inaptes, est-ce bien cela?
Mme Carol Letman: Oui.
» (1715)
L'hon. Paul Harold Macklin: Pourquoi faisons-nous une différence entre la libération inconditionnelle et la suspension d'instance? Est-ce que le fait que la suspension n'est pas prévue à l'étape qui vous paraîtrait appropriée, et que la libération conditionnelle est quelque chose qui va au-delà d'une suspension vous préoccupe? Je veux simplement savoir quelle est la différence de fond que vous essayez de faire entre la libération conditionnelle et la suspension.
Mme Carol Letman: Il n'y a pas de différence de fond, si ce n'est qu'il faut autoriser le tribunal à prononcer ces décisions dès le début de l'instance. Par exemple, après une déclaration d'inaptitude, le juge peut décider dans certaines circonstances que la personne est inapte de façon permanente. Étant donné que le juge peut prendre cette décision, ou qu'une commission d'examen peut la prendre, lorsqu'un juge ordonne la libération conditionnelle d'une personne qui est non pénalement responsable parce que celle-ci ne représente pas un danger important pour la collectivité, cela met fin au processus. Cette personne ne repasse jamais devant la commission d'examen. Je mentionne que l'on pourrait procéder de la même façon lorsque la personne est jugée inapte à subir son procès de façon à la soustraire à la commission d'examen dans ce genre de situation. Sur le plan de la procédure, il n'y a pas vraiment de différence entre la libération inconditionnelle et la suspension d'instance.
C'est plutôt l'ensemble du mécanisme qui est mis sur pied qui me préoccupe, parce que je pense qu'il est vraiment très complexe. De plus, le comité précédent et la Cour suprême dans Demers semblent tous deux souhaiter que le tribunal puisse accorder une libération inconditionnelle, ce qui me paraît une méthode beaucoup plus rapide que ce mécanisme complexe.
M. Allan Manson: Je vous prie de m'excuser, mais j'ai un train à prendre.
Le président: Nous allons terminer, de toute façon.
Je remercie tous les témoins, y compris Sheila Deighton, qui est venue ici aujourd'hui.
Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes. Je demanderais aux membres du comité de demeurer dans la salle pendant que nos témoins nous quittent et nous examinerons très rapidement nos travaux futurs.
[La séance se poursuit à huis clos.]