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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 19 mai 2005




¿ 0905
V         La greffière du comité (Mme Diane Diotte)
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         La greffière
V         La greffière
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)
V         Le président
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice)

¿ 0910

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC)

¿ 0930
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         L'hon. Irwin Cotler

¿ 0935
V         M. Myron Thompson
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Irwin Cotler

¿ 0940
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)

¿ 0945
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)

¿ 0950
V         L'hon. Irwin Cotler

¿ 0955
V         Le président
V         M. Vic Toews

À 1000
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)

À 1005
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. John Sims (sous-ministre et sous-procureur général, ministère de la Justice)

À 1010
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Bill Pentney (sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques, ministère de la Justice)
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler

À 1015
V         M. Joe Comartin
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)

À 1020
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Bill Pentney

À 1025
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Garry Breitkreuz

À 1030
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Garry Breitkreuz
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Richard Marceau

À 1035
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Irwin Cotler

À 1040
V         Le président
V         L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         L'hon. Irwin Cotler

À 1045
V         L'hon. Judy Sgro
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)

À 1050
V         L'hon. Irwin Cotler

À 1055
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler

Á 1100
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Myron Thompson

Á 1105
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Myron Thompson
V         M. Mark Warawa
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin

Á 1115
V         Le président
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen
V         Le président

Á 1130
V         L'hon. Judy Sgro
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen

Á 1135
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 041 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 19 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    La greffière du comité (Mme Diane Diotte): Honorables membres du comité, je vois que nous avons le quorum.

[Français]

    Nous pouvons procéder à l'élection d'un président ou d'une présidente.

[Traduction]

    Je suis prête à accepter les motions en ce sens.

    Madame Neville.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je propose que John Maloney assume la présidence du comité.

+-

    La greffière: Madame Neville propose que John Maloney assume la présidence du comité.

[Français]

    Est-il qu'il y a d'autres nominations?

[Traduction]

    La période de mise en candidatures est terminée.

    Plaît-il au comité d'adopter la motion?

    (La motion est adoptée.)

+-

    La greffière: Je déclare la motion adoptée et M. John Maloney dûment élu président.

    J'invite M. Maloney à occuper le fauteuil.

+-

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Bonjour tout le monde. Je vous remercie de la confiance que vous me témoignez.

    Il se pourrait que ma présidence soit la plus courte dans l'histoire de ce comité selon ce qui va se passer aujourd'hui.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Je vous remercie, monsieur le président, et vous félicite pour votre nomination à votre nouveau poste. Je vous offre ma collaboration la plus entière.

    J'aimerais vous poser une question sur le fonctionnement de la séance d'aujourd'hui. Le ministre est là, et il me fait plaisir de l'accueillir et d'entendre ce qu'il aura à nous dire. Cependant, la semaine dernière, j'avais donné avis d'une motion dont j'aimerais que nous discutions aujourd'hui. Cela pourra se faire avant ou après le témoignage du ministre, mais j'aimerais que vous vous assuriez que nous ayons le temps nécessaire pour procéder au vote sur la motion que j'ai déposée il y a maintenant une semaine. Ce serait très apprécié. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Marceau, personne ne va venir dans cette salle à 11 h 00. Je suggère que nous tenions notre réunion prévue avec le ministre de 9 à 11 h 00, puis nous débattrons de votre motion, si le comité et vous-même n'y voyez pas d'inconvénient?

    Des voix: D'accord.

+-

    Le président: Je demande à M. le ministre Cotler de faire sa déclaration qui sera suivie des questions posées par les membres du comité.

+-

    L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.

    Permettez-moi de commencer par féliciter les membres du comité pour votre nomination. J'espère que vous resterez longtemps à ce poste.

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité,

[Traduction]

j'ai de nouveau le plaisir de vous rencontrer pour déposer le Budget principal des dépenses du ministère de la Justice.

    Je suis accompagné de mon sous-ministre, John Sims, qui est entre autres un homme très sage et à qui j'aurai le plaisir de faire appel pour qu'il partage son expérience et son expertise avec vous.

    Le ministère de la Justice joue un rôle primordial dans la promulgation des lois canadiennes et la promotion et la protection des droits et libertés des Canadiens. Il met en place une large gamme de programmes et de politiques en matière de justice et fournit des services aux Canadiens. Il fournit d'excellents conseillers juridiques au gouvernement du Canada et à ses ministères et organismes. Il vise à garantir que le système juridique du Canada est accessible, attentif, efficace et juste, et il participe de plus en plus à la construction d'un système international de justice.

    Le système de justice du Canada est à bien des égards un modèle pour beaucoup de pays à travers le monde, cependant il subit de plus en plus des pressions en raison des changements qui surviennent dans la société canadienne et dans l'ensemble du monde, notamment. comme je l'ai dit lors de ma précédente comparution devant le comité il y a six mois, la révolution constitutionnelle, l'internationalisation des droits de la personne, des développements spectaculaires dans le domaine des droits autochtones, l'explosion des litiges, le défi que pose une société de plus en plus variée et multiculturelle et la mondialisation en tant que phénomène juridique et économique. Au fur et à mesure que notre monde évolue, notre approche visant à développer un système de justice efficace doit emboîter le pas. Il faudra exécuter des réformes transformatrice au sein du système et poser des gestes sur la scène nationale et internationale.

    Depuis ma dernière apparition devant le comité, j'ai identifié neuf priorités pour 2005 et 2006 qui aideront à apporter ces changements importants. Il s'agit de thèmes larges qui guideront le travail du ministère de la Justice au cours de cet exercice et je vais mentionner rapidement ces priorités.

    La nomination des juges en est la première. Si vous m'aviez demandé l'année dernière juste après ma nomination au poste de ministre de la Justice et procureur général quelles étaient mes priorités, je n'y aurais pas inclus les nominations des juges. J'ai appris que c'est un élément critique de l'administration de la justice dans notre pays. C'est un legs qui survivra longtemps après la disparition de ceux qui ont occupé provisoirement ce poste.

[Français]

    C'est pourquoi ce fut un immense plaisir pour moi de participer à la nomination de deux juges remarquables de la Cour suprême du Canada, les juges Rosalie Abella et Louise Charron, qui sont par ailleurs des femmes. Ainsi, quatre des neufs juges actuels de la Cour suprême sont des femmes. Notre Cour suprême est la plus équilibrée du monde sur ce plan. D'ailleurs, peu importe où je vais dans le monde, on fait invariablement preuve de respect et d'admiration pour la jurisprudence de notre Charte et l'excellence de notre magistrature, de même que pour le caractère représentatif de cette dernière.

¿  +-(0910)  

[Traduction]

    Le mérite est le critère dominant de toutes les nominations des juges. L'excellence est une norme. Un protocole public des qualifications professionnelles et des qualités personnelles comprenant les critères fondés sur le mérite a été publié et communiqué au comité. Je suis également très heureux que les nominations reflètent la diversité du pays et notre respect pour cette diversité.

[Français]

    Récemment, nous avons aussi déposé une proposition détaillée visant la réforme du processus de nomination à la Cour suprême du Canada, reposant sur les principes suivants: mérite, cadre constitutionnel, indépendance judiciaire et intégrité des tribunaux, transparence et responsabilisation, participation du Parlement, participation des provinces et participation du public.

[Traduction]

    Deuxièmement, la promotion et la protection de la Charte canadienne des droits et libertés: c'est l'un des plus impérieux principes et priorités du programme de justice. En tant que professeur de droit, mais encore plus aujourd'hui en tant que ministre de la Justice et procureur général du Canada, je crois en la promotion et à la protection de la Charte des droits et libertés en général et au droit à l'égalité et aux dispositions antidiscriminatoires en particulier.

    D'ailleurs, la révolution constitutionnelle causée par le Charte a eu un effet de transformation, non seulement sur la façon dont nous enseignons le droit mais sur la façon dont nous le pratiquons, non seulement sur la façon dont nous intentons des poursuites, mais sur notre mode de vie.

[Français]

    En fait, nous sommes passés d'une démocratie parlementaire à une démocratie constitutionnelle. D'arbitres devant régler les litiges intergouvernementaux dans un cadre souvent appelé « fédéralisme juridique », les juges sont devenus garants des droits de la personne parce que le Parlement leur a conféré le pouvoir de protéger nos libertés et nos droits fondamentaux.

    De simples groupes ou particuliers jouant un rôle de spectateurs passifs devant les mécanismes du pouvoir du fédéralisme juridique, les citoyens sont devenus des titulaires et des revendicateurs de droits dont l'étendue n'aurait même pas été reconnue par les tribunaux il y a quelque 23 ans, des droits assortis de recours qui n'auraient même pas eu droit de cité avant l'ère de la Charte.

[Traduction]

    En outre, bien que ce soit moins connu, je dirais que ce n'est pas moins important en termes de nos propres responsabilités, cette révolution constitutionnelle dans les droits et les recours a engendré des obligations permanentes et correspondantes pour le ministre de la Justice et procureur général du Canada telles que: certifier que toute loi et politique proposée soit conforme à la Charte des droits et liberté; fournir des conseils juridiques aux ministères et aux organismes du gouvernement, en ma qualité de premier conseil juridique au gouvernement, dans notre respect envers la Charte, soit de créer une culture de respect des droits et libertés au sein du gouvernement; favoriser le respect de nos obligations imposées par les lois internationales quand celles-ci ont été jugées pertinentes et une source convaincante dans l'interprétation de la Charte; demander que nos interventions devant les tribunaux soient conformes à la Charte; s'assurer que les poursuites soient conformes aux obligations imposées par la Charte; évaluer les demandes de révision des condamnations injustifiées dans le cadre des obligations imposées par la Charte; s'assurer que l'entraide juridique en termes de coopération juridique internationale, telle l'extradition, soit conforme à la Charte et jouer un rôle parlementaire et public pour promouvoir la sensibilisation à la Charte.

    Cela m'amène à la troisième priorité: promouvoir un système de justice accessible, équitable et efficace. Cela demande la coopération soutenue des intervenants au niveau fédéral, provincial et territorial et c'est une pierre angulaire de la réunion annuelle des ministres de la Justice du gouvernement fédéral et des gouvernements des provinces et des territoires et aussi la pierre angulaire de mes échanges bilatéraux avec mes homologues provinciaux et territoriaux et des intervenants de la société civile.

[Français]

    Le programme le plus important, et un volet capital de l'accès à la justice, est l'aide juridique, qui est accessible aux jeunes et aux Canadiennes et aux Canadiens défavorisés sur le plan économique qui ont des démêlés avec le système de justice pénale.

    Parmi les autres programmes qui contribuent à l'accessibilité de notre système, mentionnons les services offerts aux victimes d'actes criminels, les initiatives de justice applicables aux jeunes, la Stratégie de justice familiale axée sur l'enfant, la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle et le service public d'éducation juridique.

¿  +-(0915)  

[Traduction]

    La quatrième priorité est la protection des personnes les plus vulnérables et la promotion de la dignité humaine qui demeureront une priorité absolue. Le critère d'une société juste réside dans sa façon de traiter ses citoyens les plus vulnérables: les peuples autochtones, les enfants, les femmes, les handicapés et les minorités. Ils doivent tous avoir leur place dans notre système de justice.

[Français]

    En particulier, nous devons répondre aux besoins des peuples autochtones, notamment le nombre démesurément élevé de Canadiennes et Canadiens autochtones impliqués dans le système de justice pénale, tant à titre de victimes que de contrevenants, ainsi que la sous-représentation des Autochtones dans le système de justice en tant qu'avocats et juges. Par conséquent, nous veillerons à ce que les traditions juridiques autochtones soient respectées dans notre système de justice applicable à l'ensemble de la population et nous continuerons à élaborer des programmes tels que la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones et le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones.

    La cinquième priorité est la lutte contre le terrorisme international, le crime cybernétique, le crime organisé et la traite des personnes.

[Traduction]

    Dans notre univers de plus en plus mondialisé, cela est devenu une priorité et un défi qui revêtent de plus en plus d'importance, surtout la lutte contre le terrorisme tout en s'assurant du respect des droits de la personne. Dans le cadre de nos activités de promotion et de protection pour notre sécurité individuelle et collective par la lutte contre le terrorisme international et la criminalité transnationale, nous veillerons à ce que nos lois et nos politiques s'harmonisent avec la règle de droit et à ne pas écarter de minorités par un traitement discriminatoire; que le respect pour le droit de la personne ne soit pas compromis dans la protection de notre sécurité.

[Français]

    La sixième priorité est la lutte contre le racisme, les discours haineux et les crimes motivés par la haine. Les crimes haineux constituent une agression contre la dignité inhérente de l'être humain et une agression contre notre démocratie multiculturelle.

[Traduction]

    Nous avons élaboré des initiatives en matière de justice pour lutter contre le racisme et la haine tant à l'échelon national qu'à l'échelle internationale, comme l'autorise le discours du Trône. Il s'agit d'un volet important du Plan d'action national contre le racisme. Autrement dit, monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, nous envisageons une société par laquelle il n'y aura pas de sanctuaire pour la haine et pas de refuge pour le racisme.

    La priorité numéro sept vise à améliorer notre capacité en matière de coopération juridique internationale. Nous ne devons pas seulement augmenter notre niveau de coopération, mais aussi jouer un rôle de chef de file dans l'établissement d'un système de justice international par la promotion de la démocratie, des droits de la personne, d'une bonne gouvernance, de la règle du droit et dans la lutte contre l'impunité et les atrocités de masse.

[Français]

    Le système de justice du Canada, malgré ses imperfections, est reconnu dans le monde entier comme un modèle de protection des droits, de célébration de la diversité et de préservation de l'indépendance de la magistrature. Par conséquent, le Canada a beaucoup de compétences à partager avec le monde. En travaillant à améliorer les systèmes nationaux de justice un à un, nous pouvons contribuer à bâtir un monde qui reconnaît la primauté du droit.

[Traduction]

    La priorité numéro huit consiste à appuyer l'ensemble du gouvernement au moyen de services de haute qualité. Autrement dit, nous devons mieux comprendre la demande accrue et urgente de ces services juridiques en vue d'obtenir ces services et la nécessité d'harmoniser nos ressources face à la demande croissante à leur égard.

    Plus précisément, il s'agira d'assurer un régime de financement durable de services juridiques qui tienne compte, notamment, du volume et de la complexité accrue de la demande de services juridiques, et de l'importance de prévoir et de gérer les risques juridiques dans les litiges ayant de forces répercussions, des répercussions qui risquent de se chiffrer à des milliards de dollars, ainsi que limiter nos options politiques; promouvoir la sensibilisation aux normes juridiques nationales et internationales et le respect à leur égard, tel que la charte ou les règles du commerce international qui sous-tendent de plus en plus l'élaboration des politiques; fournir de façon permanente des services juridiques et respecter toutes les initiatives gouvernementales au moyen d'un lien juridique au début du processus d'élaboration des politiques. Cela devrait être le cas qu'il s'agisse de la protection de l'environnement, de problèmes liés à l'agriculture, d'une initiative en matière de justice applicable aux Autochtones telle qu'une proposition globale pour résoudre le problème des orphelinats, d'une proposition d'une politique en matière de santé telle que l'indemnisation des victimes de l'hépatite C, du nombre important de problèmes liés à la sécurité nationale, de tous les problèmes juridiques liés aux relations entre le Canada et les États-Unis, etc. La justice doit être présente durant tout le processus d'élaboration et de la mise en vigueur des politiques de toutes ces initiatives gouvernementales et des initiatives particulières aux ministères et aux organismes.

    La priorité numéro neuf —est la dernière priorité, monsieur le président— concerne la réforme du droit criminel.

[Français]

    Il s'agit d'un processus continu selon lequel le ministère de la Justice collabore avec ses partenaires. Le droit pénal du Canada s'est développé petit à petit, souvent en réaction aux pressions et aux événements du moment.

¿  +-(0920)  

[Traduction]

    Ces initiatives contemporaines de réforme du droit doivent prendre en compte l'effet de la Charte et l'évolution de la jurisprudence fondée sur la Charte; la mondialisation de l'injustice et de la justice comme antidote à la mondialisation de l'injustice; la « nationalisation » des obligations croissantes imposées par le droit international; les développements scientifiques ayant trait à la détection et à la poursuite d'actes criminels telle que l'identification par les empreintes génétiques que le comité a examiné récemment; le rôle du droit criminel dans la protection des droits de la personne, particulièrement les personnes vulnérables, comme nous l'avons récemment vu dans la législation de la traite des personnes; et la lutte contre les crimes économiques et la corruption telles que les fraudes dans les marchés financiers.

    Passons maintenant à la situation présente et aux prévisions pour 2005 et 2006 à la lumière de ces priorités.

    Ces priorités et principes, monsieur le président, représentent le programme de transformation en matière de justice lié au mandat du ministère de la Justice et à mes rôles et responsabilités spécifiques en qualité de ministre de la Justice et procureur général du Canada. En conséquence, le ministère, pour appuyer mon rôle de ministre de la Justice, applique activement des programmes et des politiques axés sur les gens et liés à ces questions qui touchent profondément la vie des Canadiens. Nos politiques et nos programmes visent à protéger les plus vulnérables parmi nous, à promouvoir et à protéger les droits et libertés, et à protéger la sécurité de la personne.

[Français]

et visent aussi à prévenir, à atténuer ou à régler les conflits, à écarter les exigences des litiges et à fournir des solutions ciblées, efficaces et durables à une multitude de problèmes.

[Traduction]

    D'un point de vue fiscal, nous pouvons, grâce à ces programmes, transférer des financements à nos partenaires —les provinces, les territoires et diverses organisations non gouvernementales—  pour soutenir les priorités du gouvernement fédéral dans des secteurs tels que la justice en matière des droits autochtones, la justice pour les jeunes, l'aide juridique, les droits des minorités linguistiques et la protection des intérêts des familles et des enfants.

    Pour appuyer mon rôle de procureur général, le ministère offre une série de services compréhensifs de consultation juridique, de rédaction législative et de services de contentieux à tous les ministères et organismes. Comme je l'ai dit, cette demande croît de façon exponentielle et renforce les pressions subies par le ministère de la Justice.

[Français]

    Malgré ces demandes et ces pressions croissantes, le ministère de la Justice est déterminé à atteindre les deux objectifs suivants durant l'exercice 2005-2006.

    Le résultat stratégique no 1 est un système de justice équitable, pertinent et accessible qui reflète les valeurs canadiennes. Cela comprend:

[Traduction]

l'élaboration de politiques et de lois comprenant la planification, le développement et la mise en vigueur de nos initiatives en matière de justice et de politique, sont exprimées dans nos priorités ainsi que des initiatives gouvernementales liées à la justice; la livraison de programmes tels que la conception, l'élaboration et la mise en vigueur des programmes à frais partagés et des contributions telles que l'aide juridique et la justice pour les jeunes; la gestion et la coordination de politiques stratégiques et de priorités, mentionnées plus tôt, dans l'identification des priorités et des politiques qui constituent le programme de transformation en matière de justice; autrement dit, tenir compte de ces priorités, ces principes et ces politiques dans le dépôt du budget principal des dépenses.

    Un total de 415 millions de dollars a été prévu au budget pour arriver au résultat stratégique 1 tel que prévu dans le Budget principal des dépenses.

    Le résultat stratégique 2 se rapporte à un gouvernement fédéral dont les initiatives en matière de justice sont appuyées par des services juridiques efficaces et adaptés aux besoins. Cela comprend le soutien à des activités de programme de toute une gamme de ministères et organismes fédéraux; la fourniture de services législatifs au gouvernement, y compris la rédaction de tous les projets de loi du gouvernement et des règlements proposés; la fourniture de conseils juridiques et de services de contentieux dans des affaires nationales et internationales dont le volume et la complexité croissent de façon exponentielle; offrir des services de poursuite, y compris les poursuites criminelles liées au blanchiment d'argent et aux drogues; répondre aux demandes d'extradition dont le nombre augmente aussi rapidement et lutter, entre autres, contre le terrorisme, le crime organisé et la criminalité technologique.

    Un total de 557,5 millions de dollars a été prévu au budget pour atteindre le résultat stratégique 2.

[Français]

    Il s'agit des avantages pour les Canadiens et des dépenses du ministère de la Justice. Dans le budget de 2005, dans la section qui traite de la réalisation de nos engagements, le gouvernement du Canada fournit des fonds pour des mesures qui visent certaines causes sociales de la criminalité et de la victimisation au Canada, ainsi que des fonds pour appuyer l'exécution de la loi et pour faire en sorte que les criminels de guerre ne trouvent pas refuge au Canada.

    Pour le ministère de la Justice, cela signifie donner un coup de main à l'Initiative sur les victimes d'actes criminels, qui vise à accroître la confiance des victimes envers le système de justice pénale en renforçant la sensibilisation du personnel du système de justice pénale et du public aux besoins des victimes. L'initiative permet de tenir compte du point de vue des victimes dans l'élaboration des lois et des politiques, de mieux sensibiliser les victimes et leurs familles aux services et à l'aide disponibles, ainsi que de faciliter la prestation de services et d'aide de tierces parties aux victimes. L'Initiative sur les victimes d'actes criminels recevra 25 millions de dollars au cours des cinq prochaines années.

¿  +-(0925)  

[Traduction]

    Au plan de l'application de la loi, nous renouvelons en permanence l'initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité. C'est un sujet que vous connaissez. L'Initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité recevra un financement de 117 millions de dollars au cours des cinq prochaines années.

    De même, nous avons engagé des fonds pour traduire en justice des criminels de guerre. Nous avons identifié cela comme une priorité, et il y aura une affectation annuelle de 15,6 millions de dollars à cet effet.

    En 2005-2006, le ministère de la Justice prévoit aussi une dépense de 399,6 millions de dollars dans des programmes pour servir les Canadiens, particulièrement les Canadiens les plus vulnérables, comme je l'ai déjà dit et particulièrement au niveau de l'aide juridique en matière pénale et de la stratégie de renouvellement de l'aide juridique en général.

    Monsieur le président, j'ai mentionné les priorités et les politiques qui constituent le plan d'un programme de transformation en matière de justice dont l'objectif fondamental est la promotion et la protection du bien-être des Canadiens. J'ai aussi voulu décrire les changements dans les environnements national et international dans lesquels nous vivons et qui engendrent une demande croissante d'un tel type de programme de justice et ses programmes connexes, de nos politiques et de nos services, mais ces changements engendrent aussi des pressions croissantes d'origine nationale et internationale.

    À titre de ministre de la Justice, je suis concentré sur les priorités que nous avons établies et je m'engage à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Le Budget principal des dépenses que je dépose aujourd'hui nous aidera à concrétiser ce programme de justice et à répondre aux demandes toujours croissantes de nos services. Je crois que ces investissements permettront à notre système d'être plus accessible, plus global et plus juste pour tous les Canadiens.

    Je serais heureux de répondre à vos questions et de prendre connaissance de vos réactions.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Thompson, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci, monsieur le président.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): J'invoque le Règlement.

    Sept minutes?

+-

    Le président: C'est cinq, cinq, cinq.

+-

    M. Vic Toews: Très bien.

+-

    Le président: Vous étiez absent pendant trop longtemps, monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: Très bien. J'ai cru qu'il y avait une erreur.

+-

    Le président: Commencez, monsieur Thompson.

+-

    M. Myron Thompson: J'espère que vous recommencez.

+-

    Le président: Oui, je recommence.

+-

    M. Myron Thompson: Je vous remercie d'être venu monsieur le ministre.

    Vous savez, monsieur le ministre, vous parlez assez rapidement et vous avez lu votre déclaration plutôt rapidement et je ne crois pas que la plupart des gens aient retenu grand-chose. Je sais que c'est diffusé dans l'ensemble du Canada et je peux vous assurer que les Canadiens moyens sont probablement assis et se posent de très importantes questions, je parle des gens qui sont là-bas sur le terrain, qui travaillent tous les jours et qui savent un peu ce qui se passe dans notre pays.

    Il y a 12 ans que je suis ici, monsieur le ministre. Il y a 12 ans que nous parlons d'une stratégie antidrogue--qui n'est toujours pas en vigueur--et le problème de la drogue s'est considérablement aggravé. Nous parlons de la culture illégale de marijuana et de l'industrie qui croît chaque jour.

    Le commissaire du système pénal qui était ici l'autre jour nous a dit qu'il y avait 50 gangs dans nos pénitenciers. Les membres de ces gangs forment d'autres prisonniers qui, une fois libérés, rejoignent d'autres membres de gangs partout dans le pays.

    La situation est complètement hors de contrôle. Pourtant, 12 ans après, nous parlons encore du tragique de cette situation. Nous n'avons rien fait. Il n'y a pas de stratégie antidrogue alors que c'est l'un des graves problèmes de notre société. Nos pénitenciers se remplissent à cause de cela. Je ne comprends pas comment le ministre peut venir ici sans dire aux gens comment nous allons régler les vrais problèmes qui infestent nos vies. Et le problème de la drogue est l'un plus graves.

    Des crimes commis contre les enfants--nous savons ce que c'est. Il y a 12 ans, j'avais signalé à la Chambre des communes que la pornographie juvénile était un grave problème et que nous devions le régler et le régler avec sévérité pour l'éliminer de notre pays. Aujourd'hui, 12 ans après, il n'y a pas eu de nouveau développement. Aujourd'hui, la pornographie juvénile, qui était une industrie plutôt petite est devenue une industrie de plusieurs milliards de dollars. La situation s'aggrave chaque année, mais je n'entends pas parler de stratégie nationale ou internationale. Je sais qu'il y a certains progrès, surtout grâce aux policiers qui travaillent dans ce domaine, mais en tant que membre du gouvernement, je ne peux pas m'attribuer le mérite de n'importe quel résultat positif dans ce domaine. Je n'ai fait qu'en parler pendant 10 ou 12 ans. La situation est toujours mauvaise. Elle est pire qu'avant. Aujourd'hui, il y a Internet, ça double chaque jour.

    La sentence--je peux seulement assurer le ministre que les gens en ont assez de voir des gens arrêtés pour des crimes graves liés à la drogue, des crimes liés à la pornographie juvénile, beaucoup d'autres agressions très graves et ainsi de suite. Que se passe-t-il? La détention à domicile, c'est du gâteau. La plus grande mémoire cache de pornographie juvénile dans l'histoire du pays a été découverte récemment. Et qu'ont-ils fait? Ils ont envoyé le gars chez lui. Détention à domicile: il est retourné à son ordinateur, à son Internet, il a commandé une pizza et il a imprimé quelques pages de plus de pornographie juvénile.

    Je crois que nous nous conduisons comme des lâches dans ce gouvernement en n'agissant de manière ferme pour lutter contre ces problèmes. Pourtant le ministre, vous, monsieur le ministre, vous êtes contre la peine minimale, car les juges favorisent toujours la peine minimale. Eh bien, si c'est le cas, rendez la peine minimale si sévère que ces individus vont comprendre que ce n'est peut-être pas une bonne chose de se lancer dans ce genre d'activité pour gagner de l'argent facilement sans respecter les citoyens ni les enfants de ce pays.

    En ce qui concerne la liberté conditionnelle, des libertés conditionnelles sont données à l'aveuglette alors que nous savons très bien par les agents chargés du cas, par les psychologues, par toutes sortes d'informations, que cet individu présentera un grand danger et qu'il est fort probable qu'il récidivera et pourtant nous le libérons.

    Des voix: Bravo!

+-

    Le président: Je vous prie de m'excuser, M. Thompson, la période de cinq minutes doit comprendre la question et la réponse. Avez-vous une question?

+-

    M. Myron Thompson: Tout ce que je dis, c'est que nous avons échoué lamentablement, et si le ministre n'est pas d'accord, il a tort.

    Il a fait du bon travail pour protéger la Charte, j'en conviens, car tous les prisonniers peuvent voter et ils sont vraiment bien traités. C'est bien beau d'entendre toutes ces belles paroles, mais pour l'amour du ciel quand allons-nous nous réagir et régler les vrais problèmes de ce pays comme le souhaitent les Canadiens au lieu de nous abreuver de belles paroles comme on l'a fait ce matin?

    Des voix: Bravo!

    M. Myron Thompson: Il n'a même pas besoin de répondre s'il ne veut pas.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je ne suis même pas sûr que l'honorable député veuille que je réponde, mais je crois que les Canadiens pourraient vouloir entendre une réponse.

    Il se trouve que je respecte sa préoccupation pour les victimes et les personnes vulnérables, mais peut-être que s'il avait écouté ma déclaration ce matin au lieu de poser ses questions préconçues, sans se soucier de ce que j'aurais pu répondre, il aurait remarqué que j'ai identifié pour les Canadiens, en tant que priorité, la protection des plus vulnérables d'entre nous et la protection des préoccupations...

¿  +-(0935)  

+-

    M. Myron Thompson: Ce sont des paroles, mais rien n'est fait. Rien n'est fait, monsieur le ministre. C'est ce que je dis.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je ne vous ai pas interrompu. Je crois que vous devriez me laisser répondre.

+-

    M. Myron Thompson: Je vous laisse répondre, mais commençons à faire quelque chose.

+-

    Le président: Monsieur Thompson, s'il vous plaît laissez le ministre Cotler répondre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Concernant plusieurs des questions dont vous avez parlé—les gangs et les pénitenciers ainsi que les questions de libération conditionnelle—comme vous le savez, ma collègue, la ministre de la Sécurité publique, dispose de l'autorité en ces matières et elle a comparu devant vous et des questions lui ont été posées à cet effet.

    En ce qui concerne la détermination de la peine—et je pense qu'il s'agit d'une préoccupation importante—et en particulier dans le cas de la pornographie juvénile, j'ai toujours affirmé, pour ce qui est de ce qui se passe et de ce qui devrait se passer, et ce n'était certainement pas des belles paroles, que la protection des enfants est la priorité la plus importante. J'ai cité ma propre fille qui a fait mon éducation à cet égard. Vous ne pouvez être plus personnel et plus préoccupé à cet égard que lorsque cela vous touche personnellement, dans votre propre famille, comme les Canadiens le comprendront.

    C'est pourquoi, sur la question de la détermination de la peine par rapport au projet de loi C-2, nous avons proposé une série de réformes importantes pour faire en sorte que les peines infligées dans les cas faisant intervenir l'abus et l'exploitation sexuelle des enfants reflètent la nature très grave de tels crimes. Nous avons proposé la gamme la plus complète de régimes renforcés de détermination de la peine et de pénalités jamais proposée par un gouvernement en ce qui a trait à la protection des enfants; par exemple, augmentation de 6 à 18 mois des peines maximales sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour les délits touchant spécifiquement les enfants; augmentation de 5 à 10 ans de la peine maximale sur mise en accusation pour l'exploitation sexuelle d'une jeune personne; augmentation de 6 à 18 mois de la peine maximale sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour tous les délits liés à la pornographie juvénile; dans tous les cas faisant intervenir l'abus des enfants, l'obligation pour les tribunaux qui doivent infliger la sentence de donner la priorité aux objectifs de dénonciation d'une telle conduite et de dissuasion; et faire de l'abus de tout enfant un facteur aggravant aux fins de la détermination de la peine. Et je pourrais continuer.

    J'ai également indiqué que j'étais prêt à envisager toute autre suggestion que pourrait faire le comité pour mieux protéger nos enfants contre ces crimes les plus odieux contre la personne. Ma position est connue publiquement, sur le terrain : faire tout ce que nous pouvons faire d'une manière non partisane pour protéger les plus vulnérables parmi les vulnérables, à savoir nos enfants.

    Sur la question de la stratégie antidrogue, je suppose que le député n'a pas vu, et n'approfondira pas maintenant pour des raisons de temps, la stratégie en neuf points concernant la lutte contre toute la question des drogues dans ce pays, avec une allusion particulière au fléau—je l'ai appelé par ce nom et je n'ai pas besoin que le député me dise ce qu'est un fléau—des activités de cultures clandestines au pays. Dans notre législation proposée, nous avons quatre infractions graduées assorties de peines croissantes pour lutter contre le fléau de la culture clandestine; une stratégie complète d'éducation en matière de drogue qui fonctionne sur le plan de la prévention, ainsi que sur le plan de la dissuasion et de l'application de la loi.

    Je pourrais également ajouter, parce qu'on a dit qu'il n'y avait pas de stratégie nationale ou internationale, qu'il s'agit d'un sujet dont j'ai discuté hier avec l'Attorney General des États-Unis, Alberto Gonzales, concernant toute la question de la collaboration transfrontière en matière de la lutte contre la drogue.

+-

    Le président: Monsieur le ministre, merci.

    Monsieur Marceau, vous avez cinq minutes pour les questions et les réponses.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président. Monsieur le ministre, bienvenue au comité.

    Évidemment, nous sommes toujours heureux de vous recevoir ici. Je suis convaincu que vous connaissez le sujet dont nous allons discuter pendant quelques minutes. Je sais que vous êtes un homme toujours bien préparé. Vous êtes entouré d'un personnel extraordinaire aussi, qui vous a sûrement bien préparé.

    Le 19 novembre 2004, à l'émission Maisonneuve en direct, Michel Robert, juge en chef de la Cour d'appel du Québec, était interviewé. L'animateur lui a demandé: « Monsieur Robert, si vous aviez été un partisan du parti souverainiste ou un député du parti souverainiste, seriez-vous à la Cour d'appel? » Le juge Robert lui a répondu: « Non, je ne serais pas à la Cour d'appel parce que je crois que le gouvernement du Canada nomme des gens qui ont des convictions fédéralistes pour les postes à pourvoir dans la hiérarchie. » Question de l'animateur: « Donc, il y a une dimension politique. » Réponse du juge Robert: « Il y a une dimension constitutionnelle, je dirais oui,  mais au-delà de cela, je crois qu'il faut rendre le système plus transparent [...] »

    Le 26 avril 2005, ce même Michel Robert dit deux choses: « On doit normalement adhérer au système fédéral canadien, parce que c'est dans ce système-là qu'on opère. Moi, je n'ai rien contre quelqu'un qui veut changer le système canadien en un autre système, il est parfaitement libre de le faire, mais je ne pense pas qu'il devrait exercer des fonctions judiciaires. » Il poursuit: « Pour être nommé, pour occuper une fonction dans la magistrature de nomination fédérale, je pense que c'est une sorte de « prérequis », on ne doit pas être souverainiste. Enfin, je pense que c'est l'opinion qui est généralement tenue par l'ensemble des juges au Canada.  » 

    Monsieur le ministre, si ce n'est pas de la discrimination basée sur l'opinion politique, qu'est-ce c'est?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, je vais réitérer ce que j'ai dit clairement à plusieurs occasions lorsque le député m'a posé cette question. Cela constitue également une réponse à ce qu'il a partagé avec nous concernant les propos du juge Robert. Celui-ci a d'ailleurs corrigé, pour le public, l'interprétation qui a été faite de ce qu'il a dit. Pour moi, une participation antérieure à la vie publique ne devrait pas rendre une personne inapte à se porter candidate au poste de juge.

    Les activités politiques passées m'importent peu. Qu'on ait pris part à une association politique de n'importe quel candidat, ou qu'on soit un indépendantiste ou un socialiste, cela ne me fait rien. La seule question à laquelle on doit répondre est la suivante: quels sont les mérites du candidat? Au contraire, ceux qui ont participé à la vie publique possèdent souvent des qualités personnelles et professionnelles qu'on considère comme un atout pour un membre de la magistrature. Pour moi, cela n'est pas pertinent. Je ne veux pas avoir une approche discriminatoire envers ceux et celles qui participent à la vie publique. Je dis que cela ne doit pas nuire aux nominations à la magistrature.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur le ministre, je suis complètement d'accord avec vous quand vous dites qu'une participation passée à la vie politique ne devrait pas constituer une barrière à une nomination à la magistrature. Il y a cependant un problème plus important que cela. Je vous citerai donc une partie d'un article de The Gazette, qui n'est pas un journal très souverainiste:

[Traduction]

Une étude de la Gazette montre que près de 60 p. 100 des avocats du Québec nommés à la magistrature par le gouvernement fédéral depuis l'élection de 2000 ont contribué à la caisse du Parti libéral du Canada dans les années qui ont précédé leur nomination.

[Français]

    Monsieur le ministre, si on se limite aux avocats qui ont oeuvré en pratique privée, ce pourcentage augmente à 72 p. 100. Ne croyez-vous pas que, si les trois quarts des avocats en pratique privée qui ont été nommés juges ont contribué au Parti libéral du Canada, cela change la donne? Participer à la chose politique ne devrait pas être une barrière à l'obtention d'un poste de juge. Toutefois, il semble que pour obtenir un poste de juge, il faut être d'une certaine famille politique.

    Je sais que vous êtes un juriste reconnu. Vous connaissez donc la vieille maxime de common law qui dit qu'il faut non seulement qu'il y ait justice mais également apparence de justice. Ces chiffres — 72 p. 100 des juges qui étaient auparavant avocats en pratique privée ont donné de l'argent au Parti libéral — ne vous troublent-ils pas? En tant que juriste, cela ne vous trouble-t-il pas?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je dois dire que je n'ai aucune connaissance de ces questions relatives aux contributions à des partis politiques. Je dois dire également qu'il est un peu absurde de dire qu'une contribution peut acheter une place à la magistrature, quand on connaît le fonctionnement du processus de nomination et qu'on sait que les juges sont nommés par les autorités fédérales en tenant compte des recommandations d'un comité indépendant dans chacune des provinces.

    Ces comités sont indépendants du ministre de la Justice et relèvent du Commissaire à la magistrature fédérale. Ils sont composés de juges, de représentants du gouvernement provincial et de l'association locale du Barreau ainsi que de personnes nommées par le ministre de la Justice qui ne sont pas des spécialistes. Pour moi, il est absurde de penser que l'on puisse monnayer les recommandations d'organismes comme ceux que j'ai cités. Depuis l'adoption de ce système, seuls des candidats recommandés par ces comités ont été nommés juges. Personnellement, je ne peux nommer comme juges que des gens dont la candidature a été recommandée par ces comités indépendants.

    Il est bien connu que le processus actuel permet au ministre de la Justice de recevoir des conseils généraux et objectifs sur les compétences des candidats à la magistrature. Nos juges sont respectés, et leurs qualités et leur engagement sont reconnus non seulement au Canada, mais également sur la scène internationale. Cela en soi démontre l'efficacité de ce processus. J'ai de la difficulté à comprendre comment on peut dire que les juges qui sont nommés à la magistrature ont acheté leur nomination. Cela constitue une atteinte à la réputation des juges et à l'indépendance judiciaire.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Comartin, vous avez cinq minutes pour les questions et les réponses, s'il vous plaît.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Je veux continuer sur ce point.

    Monsieur le ministre, pour dire la vérité, je dois vous dire que je trouve certains des termes que vous utilisez un peu offensants; vous laissez entendre que M. Marceau et moi préconisons qu'il y ait achat d'une place à la magistrature. Ni l'un ni l'autre d'entre nous ne suggérons une telle chose. Ce que nous disons, c'est qu'il y a un biais inhérent dans le système existant en faveur des candidats d'orientation libérale—en parlant du parti. C'est ce que nous vous laissons entendre et nous croyons qu'il existe suffisamment d'indications à l'appui de cette affirmation.

    En vérité, votre position aurait peut-être un peu plus de mérite s'il n'existait pas une autre solution. Je vous ai fait part à un certain nombre d'occasions de la solution ontarienne, la position de Peter Russell, vers le milieu ou la fin des années 80, et qui a fini par être appliquée. Nous voyons que ce système fonctionne très bien pour la nomination des juges dans la province de l'Ontario.

    La différence clé ici, c'est la composition du comité. Laissez-moi vous dire que la composition de ce comité est dictée par le gouvernement au pouvoir à ce moment-là. Dans la plupart de ces nominations, il y aura des gens qui, encore une fois, auront une orientation favorable au parti au pouvoir, qu'il s'agisse d'un gouvernement du NPD, d'un gouvernement libéral ou d'un gouvernement conservateur. Nous allons éliminer le Bloc pour l'instant.

    Mais il est possible, monsieur le ministre, d'améliorer le système. Il y a suffisamment de données pour laisser entendre que nos nominations sont un peu entachées de suspicion à cause de ce biais inhérent. Lorsque vous avez un système clair comme solution de rechange, pourquoi ne l'adopteriez-vous pas?

¿  +-(0945)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Comartin.

    Je suis heureux de traiter de la question qu'il y a un biais inhérent, de l'allusion que vous faites aux recommandations de Peter Russell—dont certaines ont été faites avant que le système actuel soit mis sur pied—et de toute suggestion qui pourrait émaner de vous ou d'un député du Bloc ou de quiconque d'autre.

    Laissez-moi simplement rappeler quelques points fondamentaux sur cette question. S'il y a des allégations de biais inhérent, examinons ce système en fonction de ces allégations et voyons ce qui arrive dans les faits.

    Premièrement, le processus de nomination des juges fédéraux est un processus indépendant du ministre.

    Deuxièmement, le processus est sous la surveillance du Commissaire à la magistrature fédérale.

    Troisièmement, le processus gravite autour des comités consultatifs de chacune des provinces composés de représentants de la magistrature, de l'Association du Barreau canadien, du Barreau provincial et du procureur général de la province, comme je l'ai indiqué plus tôt en français—tous des organismes respectables.

    Quatrièmement, les comités consultatifs approuvent les demandes des candidats selon des critères prescrits, fondés sur le mérite et que l'on peut consulter sur le web.

    Cinquièmement, dans son processus d'évaluation, le comité consultatif recommande les candidats au ministre de la Justice.

    Sixièmement—et c'est très important—le ministre ne peut choisir que parmi les candidats recommandés par le comité consultatif. Aucun candidat n'a jamais été choisi qui n'avait pas été recommandé par le comité.

    Septièmement, le ministre lui-même entreprend un processus de consultation concernant les candidats recommandés par le comité consultatif.

    Huitièmement, l'affiliation politique du candidat, s'il en a une, n'est pas un critère pertinent. Elle ne comptera pas comme un facteur dans le choix d'un candidat, non plus qu'elle comptera dans l'exclusion d'un candidat. La dernière fois que j'ai consulté la charte, la liberté d'association politique était un droit protégé.

    Neuvièmement, les allégations voulant que les candidats qui ont contribué à un parti politique de leur choix ont été nommés à la magistrature ne sont effectivement que des allégations. Même si elles étaient fondées, elles ne démontrent qu'une corrélation et non un facteur de cause à effet. Il est clair que les gens ne sont pas nommés à cause de telles contributions, mais ils ne devraient pas non plus faire l'objet d'une discrimination, sinon nous allons commencer à décourager la participation dans le processus politique et c'est la démocratie qui en souffrira.

    Dixièmement, les implications découlant du fait que certains candidats qui ont appuyé un parti politique ont été nommés à la magistrature uniquement à cause de leur appui à un parti politique—et je dis les implications ou déductions—et non pas parce qu'ils sont, par ailleurs, des candidats méritants peuvent remettre en question l'indépendance et la réputation de la magistrature.

    Pour conclure, le processus de nomination, à mon point de vue, est indépendant, et fondé sur le mérite, et est sujet à la reddition de comptes. Cela ne veut pas dire, monsieur Comartin, que l'on ne peut pas apporter des améliorations. C'est la raison pour laquelle j'ai convoqué la présidence de tous les comités consultatifs pour entendre leurs suggestions concernant ce processus.

    En ce qui concerne la recommandation précise de Peter Russell concernant le processus appliqué en Ontario pour les candidats à la magistrature provinciale, je dis que le problème avec une liste plus courte, c'est que si vous avez une liste plus courte qui ne comporte que des candidats issus du droit des affaires ou du droit commercial, et que la cour—et cela fait partie du processus de consultation—vous fait savoir qu'elle a besoin d'un criminaliste...

+-

    M. Joe Comartin: Ce n'est pas vrai, monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Comartin, avec tout le respect que je vous dois...

+-

    Le président: Monsieur Comartin, nous devons poursuivre.

    Merci.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Personnellement, je pense que l'on doit tenir compte de l'avantage que procure une liste de candidats plus longue.

+-

    Le président: Ministre Cotler.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Mais je suis ouvert à...

+-

    Le président: Ministre Cotler, nous devons poursuivre, s'il vous plaît.

    Monsieur Macklin, vous avez cinq minutes.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'ai reçu un appel d'un de mes électeurs cette semaine. Initialement, cela ressemblait à un appel qui était lié aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. Il s'agit d'une des 71 000 personnes qui se trouvent dans cette situation presque sur une base annuelle.

    Cet homme m'a expliqué qu'il avait eu un revenu élevé au cours des dernières années, mais que son revenu avait chuté d'une manière substantielle. En vertu de ces lignes directrices, il est sous le coup d'une ordonnance l'obligeant à payer une somme déterminée. À l'heure actuelle, il se retrouve dans une situation où il a présenté une proposition du consommateur pour la faillite en raison d'un faible revenu, et cette proposition a été acceptée par ses créanciers. Il s'est retrouvé avec cette ordonnance qui l'obligeait à payer une somme qui allait bien au-delà de sa capacité de payer. Essayer de garder un toit était devenu pour lui un problème majeur.

    Lorsque je lui ai demandé pourquoi il n'avait pas obtenu un décret de modification, il a dit qu'il ne pouvait obtenir un tel décret à l'heure actuelle parce qu'il n'avait pas d'argent pour payer un avocat. On lui a ensuite demandé pourquoi il n'était pas allé à l'aide juridique. Il a dit qu'il était allé à l'aide juridique, mais que son revenu brut dépassait le seuil. Par conséquent, il ne pouvait pas obtenir un décret de modification et il allait perdre le peu qu'il possédait.

    La question que je veux vous poser est la suivante : comment faisons-nous face à des situations comme celle-là, alors qu'il ne s'agit pas uniquement du plus pauvre d'entre les pauvres qui n'a pas accès à la justice, mais plutôt de personnes qui se retrouvent dans des situations comme celle-ci et qui n'ont simplement pas accès au système judiciaire que nous avons mis en place? Est-ce que la réponse, c'est que nous devons faire plus de travail avec les programmes d'aide juridique en matière civile? Devons-nous encourager une sorte de pratique bénévole pour aider les gens dans des situations comme celle-là?

    Je crois qu'ils sont beaucoup plus nombreux que l'électeur qui m'a appelé à se retrouver dans cette situation. En fait, nous semblons offrir une façon de régler le problème, mais c'est la question de l'accès qui devient une préoccupation. Pourriez-vous commenter cette situation et jeter un peu de lumière pour les personnes qui se retrouvent dans cette situation? Comment pourrions-nous modifier le système en place à l'heure actuelle ou encourager d'autres moyens pour aider les gens dans cette situation?

¿  +-(0950)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci de votre question.

    Si nous affirmons, comme question de principe général, que le gouvernement fédéral s'est engagé à s'assurer que les Canadiens et les Canadiennes défavorisés sur le plan économique aient un accès équitable à la justice, à l'aide juridique en matière pénale, et tout le reste, la bonne réponse pourrait être, oui, c'est un bon énoncé de principe, mais dans la vraie vie, les choses ne fonctionnent pas de cette manière. Et vous avez donné un exemple à cet effet.

    Je n'ignore pas la demande. En fait, la première participation que j'ai eue était à titre d'avocat des droits des pauvres, ayant participé à la fondation de la clinique juridique de Pointe-Saint-Charles à Montréal et d'autres services juridiques populaires partout au Canada. Alors, j'ai commencé à titre d'avocat des pauvres et je sais ce que cela veut dire que de ne pas avoir accès à la justice.

    Pour ce qui est de la question de l'aide juridique en matière pénale, nous avons cherché à augmenter nos transferts aux provinces et territoires de 125 millions de dollars au cours des trois dernières années. À l'heure actuelle, nous dépensons au total quelque 371 millions de dollars au titre de l'aide juridique en matière pénale.

    La question qui est urgente à l'heure actuelle, évidemment, et vous en avez donné un exemple, est celle de l'aide juridique en matière civile. L'aide juridique en matière civile est une question qui relève des compétences provinciales, tant pour ce qui est de la détermination de la nature de l'aide que de la prestation des services. Mais je ne veux pas clore cette discussion sur une question de compétence. Cela ne permettra pas de répondre à la personne qui vous appelle. Ces personnes ne veulent pas savoir qui a la compétence; elles veulent savoir ce qu'elles peuvent faire face à cette situation humaine.

    Comme je l'ai dit, nous avons cherché à offrir aux provinces 119 millions de dollars pour les systèmes d'aide juridique en matière pénale à l'heure actuelle, pour le prochain exercice financier, 2005-2006, dont 11,5 millions de dollars pour l'aide juridique en matière civile touchant les questions d'immigration et de réfugié. On pourrait se faire répondre : « Oui, mais je n'ai pas de problème d'immigration et de réfugié. » Nous avons également des préoccupations de droit familial dans le cadre de l'aide juridique en matière civile. Nous avons également des préoccupations en matière de sécurité du revenu pour ce qui est des personnes âgées. Et je pourrais continuer.

    Nous accordons près de 1 million de dollar pour des projets pilotes dans le domaine de l'aide juridique en matière civile. Nous accordons 4,86 millions de dollars aux territoires pour l'accès aux services juridiques, ce qui comporte un volet d'aide juridique en matière civile. Nous avons estimé que les dépenses totales dans le domaine de l'aide juridique en matière civile dans les provinces et les territoires dépassent elles-mêmes à l'heure actuelle 300 millions de dollars. Nous avons, bien que ce ne soit pas précisé, l'aide exacte ici au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.

    Par conséquent, ceci dit, reconnaissant la demande accrue et non satisfaite d'aide juridique en matière civile, nous avons demandé aux ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de trouver certaines solutions à ces questions—ils doivent nous faire rapport le mois prochain—en ce qui concerne les principes régissant l'aide juridique en matière civile et, plus important encore, la nature des besoins juridiques non satisfaits.

    J'ai déjà parlé au ministre fédéral des Finances pour lui dire qu'il s'agissait d'une priorité du ministère de la Justice et d'une priorité pour les gens sur le terrain que nous augmentions le système d'appui à l'aide juridique en matière civile dans ce pays. C'est lié à la question de la protection des personnes vulnérables, à la question de l'accès à la justice et à la question d'avoir un système judiciaire réceptif, équitable et inclusif.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Toews, vous avez cinq minutes pour les questions et les réponses.

+-

    M. Vic Toews: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je partage la préoccupation soulevée par M. Marceau et M. Comartin au sujet du processus de nomination à la magistrature. Malgré votre explication, étant donné l'absence d'une explication appropriée, je vais également devoir appuyer la motion de M. Marceau concernant le juge en chef. Il est malheureux d'avoir à procéder ainsi, mais, en vérité, nous n'obtenons pas des réponses franches sur toute cette question, et je suis déçu. Je vais m'arrêter ici.

    La deuxième observation que je veux faire, avant d'en arriver à ma question, porte sur la question de la pornographie juvénile. J'ai entendu mon collègue, M. Thompson, exprimer son inquiétude au sujet de la pornographie juvénile. Monsieur le ministre, tout ce que je veux dire, c'est que la situation est tout simplement inacceptable. Je parle avec des procureurs. Je parle avec des policiers. La capacité de poursuivre efficacement et d'envoyer ces personnes dans un endroit où elles ne pourront plus faire de mal aux enfants n'existe tout simplement pas. Nos enfants sont à risque et en 12 ans, le présent gouvernement a permis à la situation de se dégrader encore davantage. La détention à domicile pour ce genre de prédateurs sexuels est une insulte pour nos enfants. C'est un crime contre nos enfants.

    Je veux travailler avec vous, monsieur le ministre, à cet égard. Je crois que vous avez le coeur à la bonne place et que vous vous préoccupez de ces enfants, de la même manière que M. Thompson et moi le faisons et que vous allez faire quelque chose. Je veux travailler avec vous à cet égard, mais je ne vois rien dans le projet de loi C-2 qui changera vraiment les choses.

    Le dernier point est le suivant. J'ai reçu certaines plaintes provenant de votre ministère. Certaines sont venues à la suite de voyages que j'ai effectués dans l'ensemble du pays, rencontrant des procureurs, des gens travaillant à l'élaboration des politiques, et d'autres. Je n'accorde pas toujours beaucoup d'importance à ces plaintes. Je sais que tout le monde a des comptes à régler et nous devons parfois regarder la vérité et essayer de déterminer quel est le problème véritable. Mais à partir de ce que j'ai entendu de gens de l'intérieur du ministère et de personnes qui sont venues me voir, l'impression générale que j'ai, c'est que vos procureurs manquent cruellement de ressources et que, fondamentalement, ils s'épuisent. Il s'agit d'un problème sérieux en ce qui concerne les poursuites liées aux drogues qu'ils ont engagées et dans d'autres régions du pays où ils ont d'autres types de responsabilités.

    En même temps, j'ai entendu des gens qui ont fait du travail d'élaboration de politiques et qui disent qu'ils ne sont pas aussi occupés qu'ils le souhaiteraient. Je vois que vous êtes assez bien renseigné sur les questions de politique. La plainte que j'entends, c'est que les projets de prédilection du ministre obtiennent toute l'attention et toutes les ressources, mais que certaines choses qui ne sont pas aussi populaires, ces poursuites en matière de drogue à Vancouver ou à Winnipeg ou à Calgary, n'obtiennent pas les ressources nécessaires.

    Plutôt que de simplement verser plus d'argent dans le système, y a-t-il une façon d'envisager peut-être de déplacer certaines des ressources pour donner un coup de main aux procureurs? Je parle à titre d'ancien procureur. Je sais ce que vivent ces gens. La Charte ne leur a pas rendu la vie facile. Vous savez vous-même ce que sont les mandats aujourd'hui : ce qui avaient l'habitude de nécessiter une conversation de dix minutes avec un magistrat prend maintenant toute la journée. Cela ne touche pas uniquement les procureurs fédéraux, mais également les procureurs provinciaux et la police.

    Je me demande, monsieur le ministre, si vous avez envisagé la possibilité de déplacer certaines de ces ressources.

À  +-(1000)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Toews, pour toutes ces questions si judicieuses.

    J'aimerais d'abord ouvrir une parenthèse pour vous dire que j'ai effectivement répondu directement à la question de M. Marceau concernant le juge Robert. J'ai dit très explicitement que les affiliations politiques ne seraient pas prises en compte pour les nominations à la magistrature.

    Pour ce qui est de la pornographie juvénile, je dois vous dire, en premier lieu, que notre projet de loi C-2 étend la portée de ce qui peut être considéré comme une infraction en la matière. Comme vous êtes déjà au courant, je n'entrerai pas dans les détails.

    En deuxième lieu, nous avons essayé de préciser et de réduire les possibilités de défense dans les causes de pornographie juvénile, en reconnaissance du fait qu'un crime est commis dans tous les cas. En ce sens, il ne peut pas y avoir vraiment de défense pour un crime de pornographie juvénile. Avec une approche fondée sur le préjudice causé, la seule défense possible est lorsque l'acte reproché a un but légitime, comme lorsque les procureurs ont en leur possession du matériel pornographique aux fins d'éventuelles poursuites.

    En troisième lieu, nous avons créé une nouvelle catégorie pour l'exploitation sexuelle des jeunes de 14 à 18 ans. Je sais que ce n'est peut-être pas suffisant; je vous dresse seulement la liste des mesures prises. Nous avons haussé, comme je l'ai indiqué précédemment, les peines maximales pouvant être imposées.

    J'en viens à votre argument au sujet de l'assignation à domicile. Vous soutenez que cela peut équivaloir à un crime envers les enfants. Vous faites valoir que le projet de loi ne répond aucunement aux préoccupations concernant les ordonnances de sursis et les sentences de ce type. Cela s'explique notamment par le fait que lors de la rencontre fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice tenue en janvier, nous avons notamment convenu que les ordonnances de sursis étaient très bénéfiques dans bien des cas, mais qu'il arrivait par ailleurs dans certaines situations que de telles sentences ne permettent pas d'atteindre les objectifs visés et de concrétiser les principes recherchés. Dans un dossier comme celui de la pornographie juvénile, je serais disposé à ce que l'on renonce aux ordonnances de sursis. Je crois d'ailleurs vous l'avoir déjà dit en privé. Je dis ceci...

+-

    M. Vic Toews: Vous me l'avez effectivement dit. Je ne voulais pas soulever cette question, monsieur le ministre, mais comme vous en parlez...

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je dis maintenant publiquement que je suis ouvert aux suggestions en ce sens. Lorsqu'on parle de la protection de l'enfant, lorsqu'il est question de ce comportement prédateur répugnant, de cette pratique obscène que constitue la pornographie juvénile, je prête une oreille attentive à toutes les mesures correctrices pouvant être proposées.

    Par ailleurs, j'ai rencontré nos procureurs dans toutes les régions du pays. Je conviens avec vous que des pressions sans précédent s'exercent sur eux en raison notamment de la constitutionnalisation de la justice pénale en vertu de la Charte. Mais le volume et la complexité des causes, quand on pense à un méga-procès notamment, montrent bien que les pressions s'intensifient en raison de la demande accrue. Les ressources disponibles sont insuffisantes. Je l'ai déjà dit et je le répète publiquement : il faut leur fournir davantage de ressources.

    Pour ce qui est d'une nouvelle répartition des ressources, j'estime que c'est un point important à considérer et je vais conclure avec cet élément. Vous soutenez qu'il est possible que nous consacrions davantage de ressources aux politiques qu'à nos services, y compris les poursuites. Je tiens à préciser que quelque 4 622 employés à temps plein, soit 92 p. 100 de notre effectif total, appuient le procureur général dans ses fonctions en fournissant des services juridiques aux ministères clients, notamment pour ce qui est des poursuites. Seulement 414 employés à temps plein, soit 8 p. 100 de notre personnel, travaillent à l'élaboration des politiques et des lois, à offrir les programmes et à gérer les priorités stratégiques, entre autres. C'est donc une proportion de 92 p. 100 de nos ressources qui sont actuellement affectées à cette fonction qui comprend la responsabilité d'engager des poursuites.

    J'estime donc que, du point de vue budgétaire, la répartition de nos ressources à l'interne est adéquate. Le problème c'est qu'il faudrait encore davantage de ressources à nos procureurs pour accomplir leur travail, compte tenu des exigences accrues et des pressions croissantes auxquelles ils sont exposés, comme vous l'avez vous-même fait valoir avec raison, j'en conviens.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Ménard, pour cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, nous avons peu de temps. J'aurais des dizaines de questions à vous poser et j'aurais aimé entendre vos réponses. J'essaierai de me limiter à trois questions. Pourriez-vous me donner des réponses assez courtes, afin que l'on puisse aborder ces trois sujets: la réforme du Code criminel, une rédaction des lois fédérales qui les rende compréhensibles et la protection de la vie privée?

    Vous avez abordé le sujet de la réforme du droit criminel. Je sais que vous n'avez pas essayé de copier ce qu'il a dit, mais j'aurais juré entendre un ministre de la Justice fédéral d'il y a 15 ou 20 ans — bien avant que je ne fasse de la politique — qui avait alors annoncé que la Commission de réforme du droit du Canada allait tâcher de refondre le Code criminel. Où en est-on? Avez-vous abandonné le Code criminel qui avait été révisé par la Commission de réforme du droit du Canada à l'époque? Où en est la réforme du Code criminel?

À  +-(1005)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Ménard, je vous remercie de votre question.

    Non, je n'ai pas abandonné ce projet. C'est une question de ressources et d'obligations quotidiennes. Jusqu'à présent, je dois dire...

+-

    M. Serge Ménard: Je crois que vous m'avez mal compris.

    Je vous ai demandé si vous aviez abandonné le projet de nouveau code criminel élaboré par la Commission de réforme du droit du Canada. L'avez-vous abandonné pour passer à une autre réforme? Voilà ce que je vous demande.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non, je ne l'ai pas abandonné. J'ai participé aux travaux de la Commission de réforme du droit du Canada au commencement. Jusqu'à présent, j'y demeure fidèle.

    J'ai aussi parlé, il y a quelques jours, au nouveau président de la Commission du droit du Canada, Yves Le Bouthillier, de ce défi que vous venez de mentionner. Le droit à la vie privée constitue aussi une priorité pour moi. C'est une de nos priorités.

    Ce n'est pas seulement une question de ressources, mais aussi une question de temps et d'obligations. Cela constitue une priorité pour nous.

+-

    M. Serge Ménard: C'est bien.

    D'autre part, j'ai constaté très tôt dans la pratique du droit que les lois mal écrites étaient d'abord mal comprises avant d'être mal appliquées. Les lois qui émanent du fédéral sont illisibles depuis longtemps. On a fait un effort à un moment donné. Cet effort me semble avoir cessé, car les lois sont complètement incompréhensibles en ce moment.

    Pourtant, on a fait des efforts au Québec. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec est un texte compréhensible et facile à enseigner aux étudiants. Le Code civil est compréhensible, et on peut en citer des extraits. Si on cite des lois fédérales devant des étudiants, je vous assure que peu de gens vont comprendre. Êtes-vous sensible à ce fait et comptez-vous faire des efforts pour rendre compréhensibles les lois fédérales, afin qu'elles soient écrites dans une langue accessible?

    Remarquez, j'ai poursuivi le même objectif quand j'étais ministre de la Justice au Québec, mais avec peu de succès. J'avais quand même nommé Louis Borgeat sous-ministre associé aux affaires juridiques et législatives.

    Quoi qu'il en soit, j'imagine que cela vous préoccupe. Allez-vous faire en sorte que cela constitue un des objectifs de votre ministère?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vais demander à mon sous-ministre, Me Sims, de répondre parce qu'il a beaucoup d'expérience et d'expertise à cet égard. Je tiens toutefois à souligner que le Code civil, pour moi, constitue plus qu'une loi: cela représente un projet de société.

    En ce qui a trait à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, je suis d'accord avec vous: ce texte est clair. Si j'enseignais, je ferais appel à ce texte car il s'agit d'une excellente présentation des droits et libertés, dans un langage qu'on peut comprendre.

    John, je vous cède la parole.

+-

    M. John Sims (sous-ministre et sous-procureur général, ministère de la Justice): Merci, monsieur le président.

    Évidemment, monsieur, trouver des façons de rédiger les lois d'une manière très claire et accessible constitue une lutte continuelle.

    Cela dépend en partie du sujet, parce qu'il en y a de plus difficiles. Je pense en ce moment à la Loi de l'impôt sur le revenu. Le sujet est tellement compliqué que cela rend difficiles à lire même les lois les plus accessibles et légères.

    C'est une lutte continuelle. Nous faisons de notre mieux. Partout dans le monde, les textes législatifs du Canada sont considérés comme des modèles de clarté. Le Canada aide les pays étrangers à rédiger leurs propres lois en suivant son modèle bijuridique. Néanmoins, je suis d'accord avec vous, monsieur, pour dire que cette lutte et ce travail doivent être poursuivis.

À  +-(1010)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Ménard,

[Français]

je vous prie d'intervenir brièvement.

+-

    M. Serge Ménard: Monsieur le ministre, croyez-vous que la Loi sur la protection des renseignements personnels doit être revue à la lumière de l'évolution des technologies, comme le pense la commissaire à la protection de la vie privée du Canada?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Les personnes qui me connaissent savent que je ne suis pas le mieux placé pour répondre à des questions liées à la technologie, car je ne connais pas la technologie assez bien. Toutefois, j'ai amené un expert, M. Bill Pentney, et je vais lui demander d'essayer de répondre à votre question.

[Traduction]

+-

    Le président: Une brève réponse, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Bill Pentney (sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques, ministère de la Justice): Monsieur le président, les questions liées à la vie privée et à la technologie touchent plusieurs aspects des travaux gouvernementaux. Elles sont liées à la Loi antiterroriste, par exemple, de même qu'à d'autres opérations gouvernementales. Il y a donc toujours une révision de chaque aspect de la loi pour lequel les questions de technologie s'appliquent.

    Il n'est pas possible de régler toutes les questions liées à la technologie par une seule loi. On essaie de répondre aux défis par la réforme du Code criminel, par la révision et l'étude de la Loi antiterroriste et d'autres lois. Ainsi, par exemple, on essaie d'introduire dans le Code criminel des dispositions pour prévenir la corruption d'enfants par Internet.

    On ne prévoit pas une réforme globale. On essaie de répondre aux questions technologiques dans des domaines spécifiques, pour l'instant. Toutefois, cette question préoccupe également beaucoup de gens au gouvernement, parce que cela touche aussi la prestation de services par le gouvernement.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Comartin, vous avez cinq minutes pour vos questions et les réponses.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, pour en revenir à notre dernier tour de questions, je voulais simplement vous dire que je suis totalement en désaccord avec votre évaluation du mode de fonctionnement du système ontarien. Ce système n'est pas fondé sur un mécanisme de suggestions—et je vous le dis pour avoir vécu au sein d'une petite collectivité, plutôt que d'une ville comptant de grands cabinets d'avocats. La magistrature est bien constituée et représentative de la collectivité dans son ensemble, tant pour ce qui est des petits cabinets d'avocats qu'au chapitre de la composition multiculturelle de notre société.

    Ceci étant dit, je me demande si votre ministère... Si je comprends bien le système en place, le comité formule des recommandations en utilisant trois catégories : les candidats peuvent être fortement recommandés, recommandés ou non recommandés. Avez-vous effectué une analyse en vue de déterminer combien des candidats nommés étaient fortement recommandés, comparativement au nombre de ceux qui étaient plus médiocrement classés?

    Comme vous semblez vouloir donner vos réponses tout d'un trait, pourriez-vous nous indiquer où nous en sommes avec la Loi sur les juges et la proposition d'augmentation de la rémunération des juges, et combien ces mesures coûteront au Trésor fédéral?

    Enfin, est-ce que les sommes dont il a été question aujourd'hui sont déjà prévues dans le budget fédéral ou s'agit-il de nouveaux montants qui viendront s'ajouter à la proposition budgétaire sur la table?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Pour ce qui est du système de l'Ontario, lorsque je disais que je suis prêt à écouter toutes les suggestions, cela inclut celles pouvant émaner du modèle ontarien. J'ai mené une étude à ce sujet avant de devenir ministre. Je ne dis pas que les juges nommés à la magistrature ne sont pas représentatifs de la collectivité. Je soutiens seulement que le choix peut être limité lorsque la liste de candidats est trop courte. Il est notamment possible qu'au moment de procéder à une nomination, cette courte liste ne renferme que des avocats spécialisés en droit corporatif, alors que le tribunal concerné vous dira qu'il a besoin d'un criminaliste. Si votre liste est plus longue, la marge de manoeuvre est souvent plus grande. C'est tout ce que je voulais dire. Je ne voulais pas laisser entendre que la composition des tribunaux ne répond pas aux besoins et n'est pas représentative de la nature de la collectivité dans son ensemble.

    Pour ce qui est des différents degrés de recommandation, vous avez raison d'affirmer qu'un candidat doit avoir été fortement recommandé ou recommandé. Je n'irais toutefois pas jusqu'à utiliser un terme aussi méprisant que médiocre pour qualifier les candidats simplement recommandés. Lorsqu'un candidat obtient un tel résultat, c'est parce que le comité a jugé qu'il méritait une place au sein de la magistrature. Il est possible qu'il ne se démarque pas autant que les candidats fortement recommandés, mais il ne fait aucun doute qu'il a pleinement droit à une nomination.

    Quant à savoir si nous avons mené une étude statistique relativement aux nominations dans ces deux catégories, je dois vous répondre que non. Je peux toutefois vous dire que j'ai fait de nombreuses vérifications ponctuelles à ce sujet. Autrement dit, j'ai examiné certaines nominations de candidats recommandés ou fortement recommandés. J'ai étudié les dossiers. Je n'ai pas toujours constaté une différence perceptible. Si vous êtes professeur de droit, il est possible que vous accordiez un A à un étudiant et à un A moins à un autre. Tous les deux pourraient faire des études de deuxième cycle ou être assistants de recherche. Il est possible que la marge qui les sépare soit très mince, et d'autres considérations doivent être prises en compte. Si l'étudiant qui a obtenu un A moins est expert en droit criminel alors que l'étudiant qui a eu la note A est spécialisé en droit commercial, et si le professeur a besoin cet été d'un assistant de recherche avec une expertise en droit criminel, il est fort possible qu'il choisisse l'étudiant ayant obtenu un A moins, plutôt que celui qui a eu un A.

    Le même raisonnement s'applique dans le cas des candidats recommandés et fortement recommandés. Nous n'avons pas réalisé une étude empirique, mais je privilégie la catégorie des candidats fortement recommandés parce que j'estime que c'est la chose à faire pour la nomination des juges. J'ajoute toutefois que les candidats recommandés ont aussi les compétences nécessaires pour être nommés juges.

À  +-(1015)  

+-

    M. Joe Comartin: Et ma question concernant la Loi sur les juges?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Dans le cas de la Loi sur les juges, il faut dire que nous avons déposé un nombre considérable de projets de loi. Nous avons travaillé en fonction d'un calendrier parlementaire établi il y a un bon moment déjà. Nous prévoyons déposer ce projet de loi d'ici peu, si les travaux parlementaires ne sont pas interrompus par des élections.

    Pour ce qui est du coût de la Commission quadriennale et de ses travaux, je ne connais pas la réponse pour l'instant, mais je vais certes essayer de vous la fournir.

+-

    M. Joe Comartin: L'augmentation...

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Je n'ai pas obtenu de réponse, monsieur le président, à mon autre question qui visait à savoir si les fonds étaient prévus dans le budget. J'aimerais seulement qu'on me réponde à ce sujet.

+-

    Le président: Une réponse rapide, s'il vous plaît.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je devrai également vous revenir avec cette réponse.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cullen, vous avez cinq minutes pour vos questions et les réponses.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le ministre.

    J'aimerais revenir sur quelques sujets dont nous avons déjà discuté. J'ai ainsi des questions à propos des sanctions applicables pour les crimes commis avec une arme à feu et le trafic d'armes. Je veux aussi parler des équipes intégrées d'application de la loi sur les marchés et de la lutte contre la fraude sur les marchés financiers. Je vais commencer par ce dernier sujet.

    Il y a quelques années, notre gouvernement a présenté des mesures législatives traitant des activités frauduleuses relatives aux marchés des valeurs mobilières dans le but de protéger les investisseurs canadiens et ceux qui investissent dans les régimes de pension contre les promoteurs frauduleux et les individus qui publient des prospectus renfermant de faux renseignements, notamment. On prévoyait entre autres le financement nécessaire pour que des avocats du ministère de la Justice fassent partie de ces équipes intégrées d'application de la loi sur les marchés dans différentes régions du pays. Je me demande si ces avocats sont en poste, car les agents de la GRC et d'autres représentants de l'ordre peuvent bien recueillir de grandes quantités de renseignements et de preuves, cela ne sert à rien s'ils n'ont pas l'aide des avocats pour en saisir les tribunaux.

    Passons maintenant aux crimes commis avec une arme à feu. L'ancien chef de police de la Ville de Toronto, Julian Fantino, a demandé récemment une sentence automatique de dix ans pour ce genre de crimes. Nous savons qu'une telle mesure ne serait pas conforme à la Charte, mais dans la recherche d'un compromis entre cette proposition et la situation actuelle, je me demande si le ministre pourrait nous dire comment nous pourrions intervenir à ce chapitre ainsi que dans le dossier du trafic d'armes. Cinquante pour cent des armes à feu qui se retrouvent à Toronto viennent des États-Unis. Dans ma circonscription d'Etobicoke North, nous déplorons un grand nombre de crimes commis avec une arme à feu et de crimes liés aux stupéfiants. Ainsi, il y a eu, en 2003, au moins 12 meurtres reliés au monde de la drogue qui ont été commis avec une arme à feu. J'aimerais que le ministre nous présente son point de vue sur ces différentes questions : les équipes intégrées d'application de la loi sur les marchés et les sanctions pour les crimes commis avec une arme à feu et le trafic d'armes.

À  +-(1020)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vais demander le concours de notre nouveau sous-ministre, Bill Pentney, qui possède une expertise des deux domaines dont vous nous parlez.

    Je voudrais d'abord seulement vous rappeler que le projet de loi C-13, qui concerne la fraude sur les marchés financiers, a été promulgué en mars 2004 et est entré en vigueur en septembre de la même année. Afin de combler certaines lacunes de la loi, ce projet de loi créait deux nouvelles infractions : le délit d'initié et l'intimidation des employés. Il accroissait en outre les sanctions pour les crimes reliés aux marchés financiers et fournissait de meilleurs outils à la police pour l'obtention d'éléments de preuve. En ciblant ainsi la fraude sur les marchés financiers, on voulait maintenir la confiance des investisseurs, ce qui contribuerait à protéger les marchés dans leur ensemble.

    Le projet de loi favorisera donc les poursuites à l'égard des fraudes sur les marchés financiers grâce au principe de la compétence concurrente qui permet le recours aux instances fédérales pour ces crimes exigeant de grandes quantités de ressources. Les protocoles de collaboration proposés aux autorités provinciales responsables permettront en outre de préserver le rôle traditionnellement joué par les provinces et d'assurer une saine coopération entre les instances fédérales et provinciales dans ce dossier. C'est une autre des questions dont j'ai discuté avec mes homologues.

    Les équipes intégrées d'application de la loi sur les marchés sont dirigées par la GRC et comptent sur des procureurs du ministère de la Justice comme conseillers ainsi que sur les services de juricomptables et d'autres professionnels dans les disciplines pertinentes. On retrouve ces équipes dans nos quatre principaux centres financiers, soit Toronto, Vancouver, Montréal et Calgary. Le gouvernement fédéral a engagé des fonds qui atteindront 30 millions de dollars par année, une fois que l'initiative sera pleinement mise en oeuvre, pour cet effort national d'application de la loi coordonné avec les provinces.

    Je vais maintenant laisser la parole à Bill Pentney qui va vous fournir de plus amples détails à ce sujet ainsi que sur la question des crimes commis avec une arme à feu et des sanctions afférentes.

+-

    M. Bill Pentney: Merci, monsieur le président.

    Pour ce qui est des équipes intégrées d'application de la loi sur les marchés, comme le ministre l'a indiqué, le gouvernement a présenté un projet de loi dont la mise en oeuvre exige notamment un certain degré de coopération avec les provinces quant à savoir qui va intenter des poursuites. Des ententes sont actuellement négociées pour déterminer qui prendra la responsabilité des poursuites à l'égard de ces crimes graves et très inquiétants. Des procureurs sont déployés pour travailler aux côtés de la GRC au sein de ces équipes. Ces équipes seront donc bel et bien constituées.

    Des ententes sont conclues avec les provinces. Sous peu, toutes ces équipes seront pleinement opérationnelles. Ceci étant dit, je ne crois pas que l'on doive s'attendre à ce qu'une tonne de poursuites soient intentées sur-le-champ, parce que ces crimes figurent parmi ceux qui exigent les enquêtes les plus complexes. Il faudra donc un certain temps aux équipes intégrées pour être prêtes à intenter des poursuites. Mais ces équipes sont effectivement mises en place; des ententes sont conclues avec les provinces pour une approche de coopération à l'égard des poursuites; et l'initiative va bon train.

    Par ailleurs, il ne fait aucun doute que les crimes commis avec une arme à feu constituent un problème très préoccupant pour notre société. Il faut toutefois reconnaître que le Code criminel prévoit déjà des sanctions très sévères pouvant être appliquées lorsque les juges l'estiment approprié à l'égard de l'utilisation d'armes à feu pour perpétrer un crime. Ces sanctions vont d'un minimum de quatre ans à un maximum de 14 ans, et même à l'emprisonnement à perpétuité pour les crimes graves commis au moyen d'une arme à feu.

    Certains peuvent se demander si le cadre législatif fédéral est adapté à la gravité des crimes pouvant être commis. Mais on peut aussi s'interroger sur l'application des lois existantes lorsque des crimes sont commis avec une arme à feu. Comme le ministre l'a indiqué, nous discutions hier avec nos homologues du bureau du secrétaire à la Justice des États-Unis. Il est bien évident que nos voisins du Sud sont aux prises avec le même problème. Ils sont comme nous d'avis que la principale difficulté réside dans l'application des lois existantes et dans l'établissement d'une preuve suffisante pour les tribunaux, plutôt que dans le cadre législatif en place pour les crimes commis avec une arme à feu. Les sanctions prévues dans le cadre législatif actuel sont déjà très sévères; elles figurent parmi les plus rigoureuses de notre code criminel.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes pour vos questions et les réponses.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, pour votre comparution devant notre comité. Je me réjouis de constater que vous n'avez pas essayé de faire valoir que votre loi précédente, le projet de loi C-68, permet de lutter efficacement contre les crimes violents commis avec des armes. Je souhaiterais seulement que vous puissiez convaincre votre collègue de transférer une partie des fonds affectés à cette initiative pour que vous puissiez les consacrer aux priorités en matière de services de police de première ligne.

    J'ai deux questions à votre intention. Vous avez indiqué que l'initiative sur les produits de la criminalité était l'une de vos priorités. J'ai présenté en Chambre une motion visant à intégrer les droits de propriété à notre Charte des droits et libertés. Je ne comprends pas pourquoi cela ne fait pas partie de vos priorités. Les droits de propriété figurent parmi les droits fondamentaux que l'on retrouve dans les constitutions et le cadre législatif de toutes les autres sociétés démocratiques modernes. Je ne comprends pas pour quelles raisons vous ne voulez pas intervenir en ce sens.

    Il y a justement eu cette semaine un rassemblement sur la Colline qui témoigne de l'importance que revêt cette question pour les citoyens du Canada. Mais cela ne fait pas partie de vos priorités, monsieur le ministre, et j'aimerais bien savoir pourquoi.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci pour vos questions à ce sujet. Je connais l'importance que vous accordez à ces questions, ainsi qu'à d'autres, et je respecte votre opinion à cet égard.

    Il va de soi que le droit de posséder des biens et de les utiliser est l'un des éléments fondamentaux de notre économie et de notre mode de vie. Il est cependant faux de prétendre que nos lois actuelles n'offrent aucune protection à l'égard des droits de propriété. J'ai quelquefois dû rappeler à mes collègues qui avaient l'habitude de faire valoir qu'une certaine protection était absente à l'égard d'un droit X qu'ils éliminaient, en disant cela, une possibilité de recours qui existait vraiment.

    Différentes lois canadiennes actuellement en vigueur reconnaissent et protègent les droits de propriété. Ces droits sont protégés en application de la common law. De plus, la Déclaration canadienne des droits continue de s'appliquer pour les questions qui n'ont pas été prises en compte dans la Charte canadienne des droits et libertés. Cette déclaration garantit aux Canadiens qu'ils ont droit à la jouissance de leurs biens et ne peuvent s'en voir privés que par l'application régulière de la loi. Il s'agit là d'une protection législative pouvant être invoquée.

    Les droits de propriété sont importants, mais je pense que vous conviendrez avec moi que les Canadiens sont conscients que ces droits ne sont pas illimités. Les lois environnementales, les lois municipales et les lois de la famille imposent des limites raisonnables à l'application des droits de propriété et d'utilisation des biens. De telles limites ne seraient peut-être pas possibles si l'on accordait aux droits de propriété une protection d'un niveau supérieur à celui actuellement offert.

    Je conclus en vous disant que lors des discussions qui ont précédé l'adoption de la Charte, ainsi que durant les négociations concernant l'Accord de Charlottetown, les provinces se sont fortement opposées à l'inclusion des droits de propriété dans la Constitution parce qu'elles considéraient à l'époque qu'il y avait ingérence dans les compétences provinciales et entrave à leur capacité de légiférer dans les domaines touchant la propriété.

    Voilà donc un peu le contexte et les réalités politiques qui expliquent les raisons pour lesquelles on n'a pas prévu ce niveau de protection qui existe déjà par ailleurs, je veux le rappeler, dans la common law, le droit législatif et la Déclaration canadienne des droits. Si j'étais l'avocat chargé de défendre un individu dans un dossier touchant les droits de propriété, j'invoquerais ces protections.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Monsieur le ministre, les juges de la Cour suprême ont déjà contredit ce que vous venez de dire. Ils ont indiqué que si la Charte des droits avait repris les dispositions à cet effet contenues dans la Déclaration des droits, ils pourraient reconnaître cette protection. C'est ainsi que dans leurs décisions, ils ont fait valoir que ce droit ne pouvait pas être reconnu parce qu'il avait été intentionnellement exclu de la Charte. Des agriculteurs et d'autres citoyens n'ont pu avoir gain de cause en raison de cela. De fait, des agriculteurs perdent leurs terres et ne peuvent pas profiter des fruits de leur travail justement parce que les tribunaux ont déterminé que ces dispositions ne sont pas reprises dans la Charte.

    Quant à votre argument voulant que les provinces n'y soient pas favorables, monsieur le ministre, il faut être honnête. Il y avait peut-être une ou deux provinces qui n'étaient pas prêtes à aller de l'avant, mais le gouvernement fédéral aurait pu continuer de préconiser une telle avenue et il a choisi de ne pas le faire—et c'est vraiment ce qui m'offusque. Votre argumentation n'était donc pas tout à fait conforme à la réalité.

    Comme je dispose de très peu de temps, j'aimerais passer à une autre question. Mon collègue d'en face a parlé de l'aide juridique. Vous avez notamment fait valoir que l'équité est l'une des caractéristiques fondamentales d'une société juste. L'organisation Egale a reçu une contribution de 35 000 $ pour contester la définition du mariage. Pourquoi d'autres groupes n'ont-ils pas obtenu une aide financière équivalente? Pourquoi n'offrez-vous ce soutien qu'aux groupes qui appuient votre point de vue?

À  +-(1030)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vais commencer par répondre à votre question au sujet des droits de propriété.

    La Cour suprême n'a pas dit que les droits de propriété n'étaient pas protégés, mais bien qu'ils n'ont pas été inscrits dans la Charte. Cependant, elle en a reconnu l'existence ailleurs, comme je le disais, notamment dans la Déclaration canadienne des droits. Plusieurs motions et projets de loi ont été déposés à cet égard.

    Les gouvernements ont soutenu que le droit canadien prévoyait une protection suffisante, de sorte que les droits de propriété n'étaient pas gravement menacés, que le cadre juridique actuel frappe un équilibre raisonnable entre les droits de propriété et l'intérêt public en matière de réglementation et de répartition. Je dirais donc qu'avant de déterminer s'il faut renforcer la partie traitant des droits de propriété, il faudra examiner plusieurs enjeux. Je demeure cependant ouvert à cette possibilité.

    Il faudrait entre autres examiner la nécessité. Le cadre juridique actuel prévoit-il une protection adéquate des droits de la propriété? L'équilibre frappé entre les droits de propriété et l'intérêt public a-t-il besoin d'ajustement? En ce qui concerne les impacts, de quelle manière des droits de propriété accrus influeront-ils sur la réglementation de l'environnement, des municipalités, des droits fonciers autochtones, de la constitution et de l'exploitation de sociétés à responsabilité limitée, du partage du bien familial, de la succession et de la planification successorale, du produit de la criminalité et de nombreuses autres questions?

    La réponse n'est pas simple, et je sais que ce n'est pas ce que vous cherchez. J'affirme simplement qu'il n'est pas facile de régler le problème au moyen des options dont nous disposons.

    Pour ce qui est de la mise en oeuvre, comment appliquerait-on les droits de propriété accrus? Au sein de quelle tribune passerait-on en revue l'action gouvernementale et se pencherait-on sur une indemnisation équitable? Quant aux compétences, les obstacles juridictionnels rattachés aux droits de propriété accrus seraient-ils gérables? La liste continue. En d'autres mots, on peut examiner la question—je suis ouvert à la possibilité—, mais ce sont là les enjeux sur lesquels il faudrait se pencher.

    Pour ce qui est du produit de la criminalité, nous avons déclaré, parce que tous les partis ont appuyé la motion faite par M. Marceau en la matière, que nous y donnerions suite d'ici à la fin du mois, et nous avons bel et l'intention de le faire. J'ai également discuté, récemment, avec mes homologues provinciaux et territoriaux de propositions concernant l'inversion de la charge de la preuve sous le régime du Code criminel concernant le produit de la criminalité. Tous mes homologues ont convenu du besoin de faire en sorte que les criminels ne profitent pas des biens mal acquis. Le gouvernement a accepté, à la Chambre des communes, de modifier la loi. Tous les partis appuient cette réforme. Toute loi qui permet de renforcer notre régime relatif aux produits de la criminalité tout en respectant pleinement les exigences que nous impose la Charte est une initiative que nous appuyons et que nous déposerons.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Vous n'avez jamais répondu à ma question. Pourquoi financez-vous des groupes qui appuient votre position?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: J'en arrivais au dernier point.

+-

    Le président: Faites vite, monsieur le ministre, je vous prie.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Pour ce qui est de l'appui à des groupes comme Egale, le ministère administre plusieurs programmes de financement qui servent à appuyer des projets ou des activités visant à améliorer l'ordre juridique canadien. Tous les organismes non gouvernementaux, particuliers et groupes communautaires peuvent présenter une demande. Je n'ai rien à voir avec le processus. Le ministère examine soigneusement toutes les propositions qu'il reçoit et décide en fonction des critères s'il est possible de financer un projet.

    Egale Canada figure parmi les nombreux organismes qui ont présenté des propositions portant sur des questions d'importance pour l'ordre juridique. Par conséquent, il a été réputé admissible à des fonds. Ainsi, durant l'exercice 2004-2005, Egale a reçu 48 000 $ à peu près pour mener à bien un programme communautaire national visant à contrer la violence homophobe.

    Voilà donc le cadre au sein duquel on décide de ceux qui ont droit à des subventions. C'est là ma réponse précise au sujet d'Egale.

+-

    M. Garry Breitkreuz: La question incontournable devient alors, cependant, si vous êtes responsable de ce qui se passe au sein de votre ministère?

+-

    Le président: Désolé, monsieur Breitkreuz, mais vous avez pris presque le double du temps qui vous était alloué.

    Monsieur Marceau, je vous prie. 

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, vous venez de faire allusion au renversement du fardeau de la preuve. Vous n'êtes pas sans savoir que le 22 mars dernier, la Chambre a ordonné de façon unanime au gouvernement de déposer un projet de loi en ce sens avant le 31 mai prochain.

    Vous et moi ne sommes ni devins ni astrologues, mais j'aimerais savoir, dans l'éventualité où le gouvernement ne tomberait pas ce soir, si cet ordre de la Chambre concernant le 31 mai prochain sera respecté.

À  +-(1035)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de poser cette question, qui est à la fois spécifique et importante. Le gouvernement s'est engagé à la Chambre à apporter des modifications législatives à cet égard avant la fin du mois de mai. Comme vous l'avez dit, tous les partis de la Chambre ont appuyé l'engagement que nous avons pris, et j'ai l'intention de faire en sorte que celui-ci soit respecté.

+-

    M. Richard Marceau: Au cours de l'une de vos nombreuses visites — vous êtes maintenant pour ainsi dire un membre honoraire de ce comité —, nous avons discuté du suicide assisté. En répondant à une des questions que j'avais soulevées, vous avez dit être intéressé à débattre plus largement de cette question il va sans dire très délicate. J'ai également déposé une pétition en ce sens et j'ai obtenu la réponse de votre gouvernement cette semaine.

    Compte tenu qu'il s'agit d'un sujet très important et délicat, j'ai toujours pensé qu'on devait à tout le moins s'entendre sur les définitions, les termes. J'avais suggéré à l'époque que vous preniez exemple sur votre prédécesseur, M. Martin Cauchon. Ainsi, votre ministère pourrait déposer, proposer ou préparer un document de discussion semblable à celui qu'avait préparé M. Cauchon sur le mariage des conjoints de même sexe. Il s'agirait de définir les termes, par exemple le suicide assisté, l'euthanasie passive et l'euthanasie active. Peu de gens savent qu'à l'heure actuelle, au Canada, l'euthanasie passive est légale.

    Seriez-vous prêt à proposer et à déposer un document de consultation portant sur le suicide assisté, définissant les termes et les options possibles et précisant ce qui a été fait, de même que la situation prévalant dans divers pays? Les membres de ce comité pourraient se baser sur ce document pour entamer un dialogue avec les Québécois et Canadiens qui, dans toutes les régions du pays, veulent parler de ces choses, spécialement dans la foulée du cas de Terri Schiavo, qui a fait l'objet d'une intense médiatisation aux États-Unis et, par ricochet, au Canada.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit là d'un sujet très délicat. La question d'aider quelqu'un à mourir touche profondément nombre de Canadiennes et Canadiens. J'ai moi-même été impliqué dans une telle situation dans ma vie personnelle. Je comprends donc la profondeur du sujet. Les questions liées à l'aide au suicide et à l'euthanasie ont fait l'objet de nombreux débats au cours de la dernière décennie et ce, dans le cadre de divers forums. En outre, des jugements de la cour ont été rendus à ce sujet. La question du droit à la dignité et celle des inquiétudes face aux droits des personnes handicapées sont aussi en cause.

    Les Canadiennes et Canadiens continuent de s'intéresser aux discussions portant sur ces questions très troublantes reliées à la mort. Comme je l'ai dit, je demeure attentif à leur opinion. J'ai proposé qu'il y ait un débat à ce sujet à la Chambre des communes.

    Néanmoins, les définitions constituent un problème. Il faut préciser s'il s'agit de droit criminel, de droit de la santé ou de services palliatifs. Dans le contexte actuel, il est tout à fait pertinent de vouloir préciser ces choses. Je suis prêt à considérer la possibilité de discuter avec mes hauts fonctionnaires d'un éventuel document de consultation pouvant comporter les diverses définitions et les choix possibles. Il pourrait aussi être question d'assister à un débat public portant sur ces questions. Je suis très sensible à l'égard de ce sujet et je vais explorer toutes les possibilités envisageables.

À  +-(1040)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie.

    Madame Sgro.

+-

    L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et soyez le bienvenu, monsieur le ministre.

    J'aimerais vous poser plus particulièrement des questions au sujet de l'affaire Louise Russo, cette jeune femme de ma circonscription qui a été blessée l'an dernier lors d'une fusillade absurde. Y a-t-il eu des pourparlers avec les provinces au sujet de ce genre de crimes qui donnent très peu droit à une indemnisation? En fait, le mot « indemnisation » n'est même pas juste. Je reconnais que nous avons apporté certains changements dans certains domaines, mais il reste à décider de ce que nous allons faire pour les personnes dont la vie chavire et qui finissent paralysées pour le reste de leurs jours.

    Donc, le prononcé de la sentence dans le cas de fusillades au hasard de victimes innocentes est un enjeu, mais il y aussi l'autre enjeu, soit ce qui arrive d'un point de vue pécuniaire. Certaines provinces offrent des indemnités pouvant aller jusqu'à 25 000 $, mais qu'arrive-t-il aux victimes, à leurs familles, quand ce montant est épuisé? En avons-nous tenu compte, puisque les fusillades au hasard semblent prendre de l'ampleur comme phénomène, surtout dans nos grands centres urbains? Avons-nous examiné ce dossier avec les provinces de manière à pouvoir offrir une certaine indemnisation? Cette femme ne pourra plus jamais marcher, sans compter qu'elle a un enfant gravement handicapé qui se déplace en fauteuil roulant. Qu'arrive-t-il à ce genre de familles, qui pourraient être nos voisins?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Ce n'est pas que je veuille amoindrir l'importance des victimes de tels actes, mais votre point concerne la question plus générale de savoir comment réagir aux préoccupations des victimes. En l'an 2000, un centre d'orientation concernant les enjeux pour les victimes a été établi afin d'aider à élaborer et à mettre en oeuvre une stratégie fédérale à l'intention des victimes et d'accroître le rôle joué par elles dans l'ordre juridique, grâce à des déclarations et à la manière dont nous pouvons mieux juger de l'impact d'un crime sur les victimes, puisqu'en tant que témoins, elles peuvent nous le décrire elles-mêmes. Cette démarche s'inscrit dans toute l'approche concernant la justice réparatrice, soit que le crime ne soit pas vu comme un acte abstrait commis contre une entité abstraite—l'État—, mais plutôt comme ayant un impact sur une personne en particulier, sur sa famille, sur sa communauté et sur le quartier dont elle fait partie. Nous cherchons donc, grâce à l'approche réparatrice, à établir un lien entre toutes les personnes touchées par un crime.

    Nous avons pris l'engagement de trouver un moyen d'améliorer la situation des victimes d'actes criminels, parce qu'elles sont les plus vulnérables de la société. Si vous vous arrêtez aux victimes comme telles, vous constatez qu'elles ont tendance à être les plus vulnérables—les femmes, les enfants, les membres de groupes minoritaires, les Autochtones, les immigrants, les pauvres et les marginalisés. Notre principal objectif actuellement est de trouver un moyen de tenir compte de la situation et des besoins spéciaux des victimes de manière à ce que notre système de justice pénale soit adapté à toutes les victimes d'actes criminels et à leurs divers besoins.

    À cet égard, notre initiative relative aux victimes a été renouvelée en permanence, de telle sorte que 25 millions de dollars ont été affectés dans le budget 2005 pour permettre à ces travaux essentiels de se poursuivre jusqu'en 2010. Notre travail à cet égard sera suppléé par des initiatives analogues prises par la ministre de la Sécurité publique.

    Je crois qu'il faut examiner avec beaucoup de soin une question qui jusqu'ici a parfois été ignorée dans le système de justice pénale, notamment l'impact sur la victime et comment on peut en tenir compte et attribuer un rôle à la victime, lui permettre de décrire cet impact et commencer à utiliser un modèle de réparation qui tienne compte de la victime plutôt que de simplement, comme je l'ai dit tout à l'heure, considérer le crime comme un acte commis contre une entité abstraite, c'est-à-dire l'État. Les crimes sont commis contre de véritables personnes qui ont de vraies familles habitant dans de vrais quartiers, au sein de véritables communautés.

À  +-(1045)  

+-

    L'hon. Judy Sgro: Monsieur le ministre, y aurait-il moyen de demander à votre personnel de me transmettre cette information?

    J'ai une autre question rapide. Quand un juge prononce la sentence contre un coupable, peut-il au sein de l'ordre juridique actuel tenir compte du degré d'horreur de l'acte commis ou doit-il encore respecter certaines limites établies à cet égard?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: En ce qui concerne le prononcé de la sentence, les victimes peuvent rédiger et présenter une déclaration. Notre loi, par exemple en ce qui concerne la protection des enfants et d'autres personnes vulnérables, cherche à faciliter le témoignage tant des victimes que des témoins à cet égard de manière à suppléer aux réformes du droit criminel effectuées antérieurement en ce qui concerne la déclaration des victimes.

    J'espère que nous pourrons continuer à explorer des moyens, ce que font notre initiative à l'égard des victimes et le centre d'orientation relatif aux victimes d'actes criminels, qui nous permettront de voir, par le prisme de la victime, comment le système de justice pénale peut accroître la protection des victimes et respecter leurs besoins.

+-

    Le président: Monsieur Warawa.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président, et merci aussi à vous, monsieur le ministre, d'avoir accepté de comparaître.

    J'ai écouté avec soin ce qui s'est dit et j'ai des questions sur deux sujets, le premier étant la pornographie juvénile et les agressions sexuelles et le second, le mariage.

    Monsieur le ministre, chaque fois que vous avez comparu devant le comité, vous nous avez affirmé avec beaucoup d'éloquence à quel point la protection des plus vulnérables de notre société, nos enfants, vous tient à coeur. Chaque fois, vous nous avez dit que vous avez une fille, que vous examinez la question en songeant à elle et que son bien-être vous tient à coeur.

    Monsieur le ministre, moi aussi, j'ai des enfants. En fait, j'en ai cinq et je les aime beaucoup. Ils sont maintenant adultes, et je suis grand-père.

    Il est de notre responsabilité, en tant que gouvernement, de voir à la protection de ces enfants. Je vous sais gré des observations que vous avez faites, mais je crains que tout cela ne revienne à beaucoup de belles paroles, sans beaucoup de suites.

    Monsieur le président, j'aimerais raconter une tragédie survenue à Langley, la tragédie d'un jeune homme déclaré coupable d'agression sexuelle sur deux jeunes femmes et qui a été condamné avec sursis. Les victimes vivent de part et d'autre de sa maison. On fait effectivement une évaluation du risque. Cette personne va-t-elle récidiver? Cependant, monsieur le ministre, arrêtez-vous un peu à l'impact de cette situation sur les victimes. Elles voient leur agresseur régulièrement. Il habite tout juste à côté d'elles. Est-ce juste? Les victimes sont-elles ainsi protégées? Notre communauté l'est-elle? Est-ce là une utilisation judicieuse de la condamnation avec sursis? À mon avis, ce n'est pas le cas.

    Monsieur le ministre, vous avez affirmé que vous alliez envisager la possibilité de ne pas avoir recours aux condamnations avec sursis dans les causes de pornographie juvénile. J'aimerais savoir si vous allez également envisager la possibilité d'abolir le recours à la condamnation avec sursis pour agression sexuelle, non seulement pour la pornographie juvénile? Vous avez reconnu qu'il y avait eu un recours excessif aux condamnations avec sursis et qu'il fallait revoir la situation. Pour quelles infractions est-il désormais impossible d'être condamné avec sursis?

    J'aimerais aussi parler de l'âge du consentement. La grande majorité des Canadiens réclament vivement que l'âge du consentement soit relevé de 14 à 16 ans. Nous avons entendu des témoins selon lesquels les adolescents de 14 ans sont incapables de se rendre compte des risques et des conséquences de consentir à une relation sexuelle. On nous a parlé de cas où une personne de 60 ans avait des relations sexuelles avec une jeune personne de 14 ans, voire de 12 ans. On croyait qu'elle avait 14 ans, mais elle n'en avait que 12.

    Monsieur le président, c'est inacceptable. Il faut protéger ces enfants. J'aimerais savoir pour quelle raison le ministre ne veut pas relever l'âge du consentement à des relations sexuelles. S'il se reporte à la période où sa fille avait 14 ans, peut-il affirmer qu'elle était capable de prendre une décision éclairée? Je ne le crois pas. Je ne crois pas qu'à 14 ans, on en soit capable. J'aimerais donc savoir pour quelle raison il lui répugne de relever l'âge?

    En ce qui concerne la peine minimale, on peut l'imposer actuellement pour 27 infractions. Pourquoi lui répugne-t-il d'imposer une peine minimale pour des actes comme la pornographie juvénile ou l'agression sexuelle? J'estime qu'il faut envisager sérieusement d'imposer une peine minimale. Dans les faits, la peine maximale est rarement imposée, de sorte que lorsque vous alourdissez la peine, cela ne signifie par forcément que les coupables seront condamnés à des peines plus longues. Donc, monsieur le président, j'estime qu'il faut vraiment envisager avec beaucoup de sérieux l'imposition d'une peine minimale pour les agressions sexuelles.

    Ma dernière question concerne le mariage. Le ministre a reconnu que des subventions ont été versées à Egale. Voici ma question: pourquoi votre gouvernement n'en verse-t-il pas aux groupes d'une autre opinion? Les subventions semblent être accordées avec beaucoup de partialité, et aucune subvention n'est versée aux groupes qui ne sont pas d'accord avec vous, avec votre plan visant à abolir la notion classique du mariage.

    Je vous remercie.

À  +-(1050)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de ces questions. Je vais essayer d'y répondre une à la fois.

    En ce qui concerne la condamnation avec sursis, comme je l'ai mentionné à notre rencontre de janvier 2005, les ministres de la Justice ont affirmé que cette forme de sentence est bien souvent un outil efficace, mais ils ont également exprimé le besoin d'en limiter parfois l'utilisation, particulièrement en ce qui concerne les crimes graves et violents. Les ministres ont demandé au groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la détermination de la peine d'analyser les options de réforme de la condamnation avec sursis et d'en faire rapport aux sous-ministres lorsqu'ils se réuniront le mois prochain. Nous aurons donc un rapport à ce sujet qui inclut des questions concernant l'agression sexuelle.

    J'ai aussi demandé au Comité permanent sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, étant donné que votre comité en était incapable pour des raisons fort compréhensibles, soit son programme chargé, d'examiner non seulement le fonctionnement du régime de condamnation avec sursis, mais également les faits les plus récents connus au sujet de l'efficacité des peines minimales obligatoires.

    Je le dis par principe, parce que j'ai déjà exprimé mon point de vue à plusieurs occasions. Mon jugement au sujet des faits se fonde sur des considérations à cet égard et sur tout ce que j'ai lu et ainsi de suite. Toutes les personnes que j'ai consultées m'ont affirmé que les peines minimales obligatoires n'ont pas d'effet dissuasif et qu'elles ne sont pas efficaces, sur le plan du comportement criminel. Si des faits plus récents changent la donne, je suis ouvert à la possibilité d'imposer ces peines.

    Pour ce qui est des questions d'ordre fédéral-provincial-territorial, je tiens également à mentionner que le ministre de la Justice et le procureur général de l'Alberta ont rédigé un document en juin 2003. Ils se sont penchés conjointement sur la question de la condamnation avec sursis en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, par rapport aux crimes graves et violents. Ils proposent plusieurs options. Il y en a quatre. Je ne vais en mentionner que deux, parce que je crois qu'elles ont peut-être de la pertinence.

    La première option était d'interdire le recours aux condamnations avec sursis lorsqu'un crime grave et violent a été commis, une agression sexuelle, comme vous l'avez mentionné, et dans d'autres cas, par exemple lorsque la conduite a causé la mort ou des blessures graves, les infractions mettant en jeu le crime organisé ou des terroristes et le vol avec abus de confiance. La deuxième option est une idée nouvelle, soit de présumer que le transgresseur peut prouver que la condamnation avec sursis s'applique à ces crimes graves.

    Je mentionne ces options parce qu'elles vont faire partie d'un rapport qu'on est en train de rédiger et qui sera déposé au cours du mois prochain à cet égard. Nous prenons ces options particulières au sérieux, de même que d'autres, dans notre évaluation globale de la question des condamnations avec sursis.

    Pour ce qui est d'Egale et d'autres groupes, on m'a demandé tout à l'heure pourquoi je n'exerçais pas de contrôle sur ces questions. Je ne souhaite pas le faire. Il s'agit d'un processus d'évaluation indépendant. N'importe qui peut présenter une demande, n'importe quel particulier, ONG et ainsi de suite. Si la demande est conforme aux critères, une évaluation professionnelle est faite et une subvention est accordée. Je ne crois pas que les députés souhaitent que je m'insère dans ce processus.

    Le programme des contestations judiciaires est administré indépendamment par Patrimoine canadien, de sorte qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts.

    Quant à la possibilité de relever l'âge du consentement de 14 à 16 ans, j'ai déjà répondu à cette question devant votre comité de sorte que je vais répéter ma réponse, mais très brièvement.

    Primo, c'est un principe limite, et il faut en prendre conscience. Toute activité sexuelle qui n'est pas consensuelle est une agression, et c'est là le principe de départ, quel que soit l'âge.

    Deuzio, actuellement, l'âge est de 18 ans lorsqu'il est question de ce qu'on pourrait qualifier de crimes contre des personnes mettant en jeu des enfants, qu'il s'agisse de prostitution enfantine, de pornographie juvénile ou qu'il y ait un écart sur le plan de la dépendance, du contrôle, de l'autorité, et j'en passe. L'âge de 18 ans s'applique dans tous ces cas.

    Tertio, nous avons proposé la création d'une nouvelle catégorie d'exploitation sexuelle dans le projet de loi C-2 concernant certains critères applicables aux jeunes âgés de 14 à 18 ans.

À  +-(1055)  

    Enfin, je pourrais ajouter à cet égard qu'après avoir tenu compte de ces trois considérations, la raison pour laquelle nous ne relevons pas l'âge à 16 ans pour le reste est justement que nous ne souhaitons pas criminaliser une activité à laquelle s'adonnent, en règle générale ou habituellement, des jeunes alors que le droit criminel cible déjà les comportements criminels à l'égard de personnes vulnérables âgées de 14... Nous cherchons également à élargir cette catégorie dans notre nouvelle loi.

    En ce qui concerne le mariage, nous ne projetons pas d'abolir l'institution du mariage. Nous la respectons dans notre préambule... Non seulement respectons-nous le mariage, mais nous tenons également l'institution pour fondamentale dans notre société, fondamentale à la nature des liens de parenté. Tout ce que nous faisons, c'est d'en élargir la portée dans les cas de mariage civil, de manière à inclure une minorité qui actuellement n'y a pas accès égal. Toutefois, comme l'a affirmé la Cour suprême, le fait de conférer des droits à une minorité particulière n'enlève rien aux droits des autres, qu'il s'agisse de couples hétérosexuels, de communautés religieuses... Cela n'a absolument rien à voir avec le mariage religieux. Le projet de loi ne vise pas les communautés religieuses; celles-ci sont libres de poursuivre leurs activités et de pratiquer leurs croyances comme elles l'entendent. On ne pourrait jamais les obliger à célébrer des mariages entre conjoints de même sexe si cela va à l'encontre de leur religion ou de leurs croyances.

    Par conséquent, nous protégeons le mariage religieux sous toutes ses formes. Cela n'a absolument rien à voir avec le projet de loi, qui porte sur le mariage civil. Il ne fait qu'en élargir la portée. Il ne détruit pas l'institution du mariage civil. Le préambule précise que nous conférons l'accès égal en raison du respect que nous portons au mariage comme institution. Nous souhaitons que ceux qui vivent en couple puissent avoir un accès égal à l'institution du mariage pour exprimer cette relation.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous avons presque épuisé le temps dont nous disposions. Trois personnes ont manifesté le désir de poser une question, dont une qui n'en a pas eu l'occasion jusqu'ici.

    Monsieur le ministre, nous avons commencé avec un certain retard parce qu'il fallait élire un président. Votre horaire vous permet-il de demeurer avec nous pour quelques minutes encore?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: J'aimerais beaucoup le pouvoir. Comme vous le savez peut-être, une réunion du Cabinet avait lieu aujourd'hui, de 9 heures à midi. L'examen des points qui m'intéressent a été reporté à 11 heures, de sorte que je peux acquiescer à votre demande tout en assistant à la réunion du Cabinet. Je vais donc tenter de répondre brièvement aux questions, si vous me le permettez.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Avec votre indulgence, je préférerais que nous cédions la parole à la personne qui n'a pas encore pu poser de question.

    Madame Neville.

+-

    Mme Anita Neville: Je vous remercie, monsieur le président. Il n'est pas facile d'être la dernière.

    Monsieur le ministre, j'ai deux sources de préoccupation—et je suis consciente des limites de temps.

    Au sein d'une autre tribune, j'ai beaucoup entendu parler des compressions qui ont frappé l'aide juridique et l'impact que cela a eu sur les groupes communautaires. Je me demande si vous pouvez nous parler plus abondamment de la formule de coûts partagés à laquelle participe ou ne participe pas le gouvernement fédéral et de ce que nous pouvons faire. On nous a répété ad nauseam que les groupes sur le terrain sont affectés par ces compressions. J'aimerais donc savoir brièvement ce que vous en pensez.

    Par ailleurs, vous avez dit que le trafic d'êtres humains était une priorité de votre gouvernement. J'aimerais que vous nous disiez rapidement comment vous en êtes venu à cette conclusion et comment vous évaluez l'ampleur du phénomène.

+-

    Le président: Madame Neville, je vous remercie.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Quant à l'aide juridique en matière civile, parce que c'est de là d'où vient le vrai problème, et je l'ai indiqué précédemment, franchement, ce qui m'inquiète toujours à ce sujet, quand on essaie de développer... Nous tentons essentiellement de définir une approche durable en matière d'aide juridique civile. Nous examinons la possibilité de faire un paiement de transfert fédéral spécial aux provinces et territoires, différent du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui ressemble à ce que l'on offre actuellement pour l'aide juridique en matière pénale, une sorte de transfert exprès. Actuellement, nous transférons aux provinces et territoires, dans le cadre d'un accord de contribution sur trois ans, 371 millions de dollars pour l'aide juridique en matière pénale.

    Si le nouveau régime proposé est adopté, on enlèverait de l'entente existante relative à l'aide juridique en matière pénale les fonds fédéraux consacrés actuellement à l'aide juridique en matière civile, y compris l'aide juridique en matière d'immigration et celle accordée aux réfugiés, pour créer une contribution fédérale séparée, parce que c'est de plus en plus important et que cela affecte la vie des personnes de manière profonde.

    Ce que nous inclurions également dans un accord de financement fédéral distinct pour l'aide juridique en matière civile, si le projet aboutit, serait le financement d'un certain nombre de programmes de compétence fédérale mais qui concernent directement la vie des gens—en laissant de côté justement la question des compétences, même si on ne peut pas l'ignorer. Je veux parler de l'aide juridique aux retraités qui ne bénéficient pas des prestations d'invalidité et de la sécurité de la vieillesse du Régime de pensions du Canada, de l'aide juridique pour ceux qui ne touchent pas de prestations d'assurance-emploi, ainsi que pour régler des problèmes en matière du droit de la famille, comme les divorces et les mesures de redressement accessoires. Autrement dit, nous devons trouver une façon de jouer un rôle plus direct et transparent en mettant en place un régime durable pour le financement de l'aide juridique en matière civile.

    Pour ce qui est du trafic d'êtres humains, sachez que peu après mon accession au poste de ministre de la Justice et de procureur général du Canada, j'ai dit que nous étions confrontés à un phénomène contemporain de trafic mondial d'esclaves, qui repose sur le troc et la possession de personnes, la marchandisation d'êtres humains. Et j'ai dit que cela serait une de mes priorités. Cela tourne autour de trois P: la Prévention du trafic, pour commencer; la Protection des victimes; et l'engagement de Poursuites contre les auteurs de ces crimes odieux. Dans cette perspective, j'ai déposé la semaine dernière un projet de loi prévoyant l'entrée dans le Code criminel de trois nouvelles infractions, dans le but de combattre le trafic d'êtres humains dont les victimes sont les personnes les plus vulnérables, en l'occurrence les femmes et les enfants.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre, d'avoir comparu aujourd'hui devant nous et pour la grande précision de vos réponses. Nous sommes impatients de vous revoir, peu importe quand ce sera.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose, parce que je n'avais pas la réponse pour M. Comartin. Elle vient de m'être fournie.

    Monsieur Comartin m'a posé une question au sujet du coût de l'augmentation des salaires des juges. Comme vous le savez, cette augmentation est établie à 10,8 p. 100 sur quatre ans. À cela s'ajoute l'indexation légale, qui devrait s'établir à 2,8 p. 100 par année. Avec à peu près n'importe quel indice comparatif, on arriverait à ce résultat, mais le coût global de l'augmentation salariale sera de 93,7 millions de dollars sur quatre ans.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Thompson souhaite invoquer le Règlement.

+-

    M. Myron Thompson: Très rapidement, au sujet de l'âge de consentement; j'aimerais avoir une réponse parfaitement claire. D'après ce que propose ce gouvernement, un jeune de 14 ans peut consentir à avoir des relations sexuelles avec une personne âgée de 40 ans. Est-ce vrai, oui ou non?

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Nous allons demander à nos attachés de recherche de nous faire part de leurs commentaires.

+-

    M. Myron Thompson: Je veux que ce soit parfaitement clair dans l'esprit des gens. Est-ce qu'un adolescent de 14 ans peut consentir à avoir des relations sexuelles avec quelqu'un de 40 ans?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Pour commencer, à mon avis, si vous adoptez le projet de loi C-2, la nouvelle catégorie relative à l'exploitation sexuelle d'un jeune vulnérable s'appliquerait, dans ce cas particulier, et s'il n'y a pas de consentement pour des raisons de contraintes, d'autorité ou de dépendance, on pourrait toujours s'en remettre à la loi actuelle.

+-

    M. Myron Thompson: Cela ne me dit rien.

+-

    M. Mark Warawa: La réponse est oui.

+-

    M. Myron Thompson: La réponse est oui?

+-

    Le président: Monsieur le ministre, voulez-vous faire un commentaire?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Simplement pour indiquer que j'apprécie le fait que M. Marceau ait dit de moi que j'étais un membre honoraire de ce comité. Je serais ravi de revenir si vous m'invitez et si je puis vous être d'un quelconque secours. Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vais suspendre la séance pour environ trois minutes. Ensuite, nous reprendrons pour examiner la motion de M. Marceau. Merci.

Á  +-(1106)  


Á  +-(1110)  

+-

    Le président: J'aimerais que nous reprenions les travaux.

    M. Marceau a une motion. Monsieur Marceau, je vous cède la parole.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je serai bref. Les citations que j'ai lues tout à l'heure au ministre parlent d'elles-mêmes. Le juge en chef de la Cour d'appel, Michel Robert, a tenu des propos qui, à mon avis, sont inacceptables de la part du juge en chef d'une cour d'appel. Il a politisé sa fonction, alors que son poste lui impose un devoir de réserve.

    Je ne veux pas relire ce qui a été lu, mais il a commis deux erreurs. D'abord, il a donné une coloration politique au poste qu'il occupe, excluant clairement les gens qui sont d'une autre allégeance politique que la sienne; ensuite, selon moi, il a attaqué la Charte et l'esprit de la Charte: le juge Robert, l'une des personnes les plus importantes au Canada en ce qui a trait au respect, à la protection et à la promotion des droits et libertés de la personne, a dit que la discrimination basée sur l'opinion politique était acceptable en 2005, au XXIe siècle, au Canada.

    Pour ces raisons, je demande à ce comité de condamner les propos de Michel Robert, qui ont d'ailleurs été condamnés unanimement. J'ai avec moi le dossier de presse pour ceux et celles qui seraient intéressés à constater les réactions et l'atteinte très grave au prestige de la justice au Canada. Il y a des choses très intéressantes pour ceux et celles qui veulent les lire.

    Deuxièmement, je demande que ce comité étudie le processus de nomination des juges. Je tiens à souligner que le ministre Cotler a dit plus tôt qu'il était prêt à y apporter des améliorations et à entendre des suggestions en ce sens; je crois que cela revient à ce comité. Ce sont donc les raisons de cette motion.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Des commentaires ou des questions?

    Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci, monsieur le président.

    Chacun de nous s'est senti interpellé et est préoccupé par la façon dont cette question a été abordée. Mais je ne crois pas que le premier paragraphe de la motion reflète exactement les propos de Michel Robert. Si je me fie à ce que j'ai entendu ce matin, je ne suis pas convaincu qu'il ait dit qu'une discrimination basée sur l'opinion politique était acceptable dans la nomination des candidats à la magistrature fédérale. Je crois qu'on s'est permis quelques libertés quant à l'interprétation de ses dires. Si on veut rapporter les commentaires du juge, il faut les citer exactement en les mettant entre guillemets.

    Deuxièmement, d'après ce que j'ai compris, l'honorable député a déposé une plainte contre ce magistrat devant le Conseil canadien de la magistrature. Je pense que ce conseil est tout à fait habilité à déterminer si dans ses remarques, le juge en chef Robert, pour reprendre les termes de la motion de l'honorable député, a failli à son devoir de réserve et entaché le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ce conseil a été créé, en grande partie, pour examiner ce genre de plaintes, puisque c'est une entité indépendante et objective, non influencée par l'arène politique. D'ailleurs, je crois que l'honorable député a reconnu le rôle du conseil pour ce genre de questions en déposant une plainte au sujet des commentaires allégués.

    Le conseil a le pouvoir d'examiner et de régler les plaintes faites à l'encontre des juges. Il reconnaît et respecte la séparation des pouvoirs entre le Parlement et la magistrature. En outre, avec tout le respect que je dois à mes collègues assis autour de cette table, je dirais que les membres du Conseil de la magistrature ont bien plus d'expérience que nous en matière de retenues et d'indépendance judiciaires. Je considère que le comité porterait grandement ombrage à l'expertise et à l'important travail du conseil en commentant cette question avant que celui-ci n'ait eu le temps d'examiner la plainte. Qui plus est, compte tenu des raisons pour lesquelles ce conseil a été créé, qui incluent le maintien de la séparation des pouvoirs, il serait inopportun que notre comité s'exprime sur des questions de déontologie judiciaire.

    J'ai peur que cette motion soit inappropriée. Elle pourrait être perçue comme une tentative du comité visant à influencer l'examen objectif et serein de cette plainte par le conseil. C'est pourquoi j'invite les députés à rejeter la motion. Je crois que la question a été portée à l'attention d'un organe expert en la matière, créé spécialement pour s'occuper de ce genre de problèmes, et c'est lui qui doit se prononcer sur la question.

    Merci, monsieur le président.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires ou questions?

    Comme il n'y en a pas, nous allons passer au vote.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le président: Autre chose avant que nous ne levions la séance?

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je vous ai envoyé un avis de motion sur la contrebande de cigarettes. Je ne pense pas que cela soulève beaucoup de problèmes. J'ai apporté des corrections pour m'assurer que nous ne parlions pas d'autres comités.

    En fait, une motion exactement semblable est présentée au Comité permanent de la santé dans le but de demander aux organismes qui relèvent de Santé Canada d'adopter un moratoire en matière d'attribution de licences de fabrication de cigarettes.

    Il s'agit d'une action qui, je pense qu'on peut le dire, est entreprise par la GRC. D'après ce que je sais, le nombre de saisies de cigarettes illégales a considérablement augmenté, pas seulement au Québec, mais aussi en Ontario et en Colombie-Britannique. Il semble bien qu'on assiste à une recrudescence de la contrebande, qui est semblable à celle que nous avons connue au début des années 1990 et qui semblait s'être calmée.

    On observe cela près de la frontière américaine notamment, à proximité du village d'Akwesasne. Je ne sais pas si vous le savez, mais Akwesasne est assis sur trois territoires: celui de l'État américain de New York, celui du Québec et celui de l'Ontario. Les contrebandiers sont à côté du pont de Cornwall, et ils ont un accès au lac Saint-Louis. Cela a toujours été un lieu de passage facile pour eux.

    Selon les reportages de journalistes, on observe aujourd'hui un peu la même chose qu'au début des années 1990 dans la région de Montréal. Les petits commerçants ont observé une diminution d'environ 30 p. 100 de leurs ventes de cigarettes. Ce serait une bonne nouvelle si nous étions certains que cela est attribuable à une chute soudaine de 30 p. 100 de la consommation de cigarettes. En fait, une chute de cet ordre en quelques mois ne peut s'expliquer que par une augmentation de la contrebande. Nous proposons essentiellement que la GRC, en collaboration avec d'autres organismes, « prenne l'initiative d'une vaste campagne de vérification de conformité visant à s'assurer  », etc. Je pense que vous pouvez lire la motion plus rapidement que je ne pourrais la lire à haute voix.

    Je ne crois pas qu'elle pose vraiment de problème. Cela permettrait une action commune, tant avec Santé Canada qu'avec Sécurité publique et Protection civile Canada.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Ménard. Le préavis de 48 heures a été respecté pour cette motion; nous pouvons donc en discuter.

    Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen: La motion est donc recevable. Allons-nous en débattre maintenant? Je sais que certaines personnes disaient vouloir partir.

    Je suis prêt à rester quelques minutes de plus pour examiner cette motion. Cela convient-il à tout le monde?

Á  +-(1120)  

[Français]

    En premier lieu, j'aimerais remercier le député de la circonscription de Marc-Aurèle-Fortin d'avoir soulevé cette question.

    Je vais être très clair. Le gouvernement reconnaît que l'intégrité de la frontière canado-américaine est essentielle pour la sécurité publique et économique des gens des deux côtés de la frontière.

[Traduction]

    Monsieur le président, je pense que le député a soulevé une question très importante. Je le crois sur parole. Personnellement, je ne dispose d'aucune donnée sur l'augmentation de la contrebande de tabac. Cela nécessite certainement la tenue d'une enquête.

    Ce qui me dérange, dans ce cas particulier, c'est qu'encore une fois le comité demande à la GRC de prendre des mesures. Je me pose la question de savoir, étant donné tous les défis que doit relever la GRC, si nous demanderions à la GRC de concentrer ses énergies sur certains dossiers advenant le cas, par exemple, où nous aurions constaté une augmentation du trafic d'êtres humains, des plantations de marijuana, de la production de méthenphétamines en cristaux ou de la violence des gangs. Si elle suivait les conseils du comité, elle ne saurait plus où donner de la tête.

    Comme nous le savons tous, nous n'allons pas entrer à nouveau dans ce débat. La GRC doit gérer ses propres affaires.

    Je crois que le député a soulevé un point intéressant qui mérite d'être examiné. En outre, je dirais que c'est une affaire compliquée dans la mesure où on ne sait pas qui prendra les choses en mains.

    Si le comité veut bien m'excuser quelques instants... Lorsque j'ai travaillé comme secrétaire parlementaire pour l'ancien ministre des Finances... Le ministère des Finances est responsable de l'exécution administrative de la Loi sur l'accise.

    Si vous me le permettez, j'aimerais faire un bref retour en arrière. Vous vous souviendrez qu'il y a quelques années, le gouvernement avait décidé de prendre des mesures énergiques contre la consommation de tabac, particulièrement chez les jeunes. On a alors décidé d'augmenter sensiblement la taxe d'accise sur les cigarettes, mais sur une longue période. Il fallait voir si cela avait pour effet d'entraîner un accroissement de la contrebande. Puis le ministère des Finances devait travailler avec d'autres agences, comme l'Agence des services frontaliers du Canada—maintenant—et la GRC, pour déterminer quelles mesures s'imposaient.

    En même temps, l'un des facteurs favorisant le retour de la contrebande de cigarettes au Canada tenait au fait que la taxe d'accise, à l'époque, avant que nous ne proposions et n'adoptions une loi, ne visait pas les fabricants de cigarettes. De sorte qu'avec le temps, je n'ai pas les chiffres exacts devant moi mais environ 30 p. 100 des cigarettes se retrouvaient sur le marché américain où la taxe d'accise ne s'applique pas.

    Vous vous souviendrez qu'à la suite de cela, le gouvernement a intenté plusieurs poursuites devant les tribunaux contre les compagnies de tabac parce qu'il était clair que le marché américain ne pouvait pas absorber 30 p. 100 de la production de cigarettes canadiennes. Si beaucoup de ces cigarettes sont revenues sur le marché canadien, en contrebande, c'est parce qu'elles étaient exemptes de la taxe d'accise.

    Le gouvernement a donc décidé de changer la loi pour que la taxe d'accise soit imposée directement aux fabricants. Pour ce qui est du passage aux frontières, des ententes avaient été conclues entre les douanes américaines et canadiennes de façon à ce qu'un très faible pourcentage de cigarettes, de l'ordre de 1,5 p. 100 environ, soit autorisé à entrer sur le marché américain. Ces cigarettes sont destinées aux fumeurs canadiens là-bas, aux retraités migrateurs en Floride et à je ne sais qui d'autre, mais en de très petites quantités. Actuellement, le fabricant doit payer la totalité de la taxe d'accise requise pour les cigarettes qui se retrouvent sur le marché américain.

    Ce que l'on comprenait, à l'époque, c'est qu'étant donné que la taxe d'accise avait grimpé au fil du temps pour dissuader les gens de fumer, particulièrement les jeunes, le ministère des Finances devait surveiller l'incidence de la contrebande. Vient un moment où la taxe d'accise est tellement élevée que des gens sont tentés de prendre des dispositions pour contourner le problème.

    Il faut savoir que de manière générale, les Canadiens aiment les cigarettes canadiennes faites avec du tabac de Virginie. Je pense qu'il est utile que MM. Ménard et Marceau, la GRC et d'autres nous disent sous quelle forme les cigarettes arrivent sur le marché si on en fait de plus en plus la contrebande. Si ce sont des cigarettes américaines ou du tabac américain, c'est une chose. En général, les Canadiens n'aiment pas les cigarettes américaines.

Á  +-(1125)  

    À partir d'un certain niveau, il devient intéressant, du point de vue économique, de faire venir dans une réserve du tabac de Virginie, par exemple, pour y fabriquer des cigarettes qui répondent aux goûts des Canadiens puis de les distribuer également sur notre marché. Il se peut aussi que des intérêts étrangers importent du tabac de Virginie pour fabriquer des cigarettes canadiennes qui seront écoulées en contrebande de cette façon.

    Tout ceci pour vous dire que nous devons mieux comprendre la situation. Il faut aussi savoir qu'avec la différence de prix entre les cigarettes canadiennes, incluant la taxe d'accise—même sur le marché américain—et celui d'autres cigarettes, cela peut commencer à être rentable et avantageux de faire venir des cigarettes directement. Je pense donc qu'avant de nous précipiter—je vous rappelle que cela fait déjà l'objet d'un suivi—, nous devons tenter de mieux comprendre les raisons de l'augmentation de la contrebande, s'il y a lieu, et ses causes.

    Ce qui complique aussi un peu les choses... Tout d'abord, ce comité ne devrait pas demander à la GRC d'intervenir sur les territoires d'Akwesasne et de Kanesatake. M. Ménard sait parfaitement bien combien c'est délicat. Quelle que soit l'action envisagée, il faudrait adopter une approche coordonnée et intégrée avec la Sûreté du Québec ainsi que les forces policières locales des Premières nations comme, par exemple, les services de police Mohawk d'Akwesasne. Je tiens également à signaler que le gouvernement a mis sur pied des équipes intégrées de la police des frontières—ce qui a coûté 125 millions de dollars—qui appliquent les lois avec succès et en collaboration avec les autorités concernées.

    Je n'essaie pas de dire qu'il n'y a pas de problème. Il se peut très bien qu'il y en ait un et je crois M. Ménard lorsqu'il dit qu'il y a de plus en plus de preuves indiquant une augmentation de la contrebande de cigarettes. Pour commencer, c'est le ministère des Finances du Canada qui s'occupe de faire appliquer la Loi sur la taxe d'accise. Si ce ministère le juge nécessaire, d'après les renseignements qu'il obtient, et qu'il constate une augmentation de la contrebande, il peut travailler en collaboration avec l'Agence des services frontaliers du Canada, la GRC, la Sûreté du Québec et les forces policières locales pour déterminer quelles mesures il convient de prendre.

    Ce qui me pose davantage problème, c'est le libellé de la motion. Si celle-ci disait qu'il semblait y avoir des preuves d'une augmentation de la contrebande de cigarettes dans ces secteurs en particulier, que le ministère des Finances, en collaboration avec d'autres...

+-

    Le président: Monsieur Cullen, je vais vous demander de conclure.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Je ne pensais pas être limité par le temps, monsieur le président.

    La motion que j'appuierais dirait quelque chose du genre : qu'il semble y avoir une augmentation de l'incidence de la contrebande de produits du tabac passant par les réserves, peut-être au Canada; qu'un examen coordonné de la situation doit être entrepris par le ministère des Finances et d'autres organismes chargés d'appliquer la loi pour comprendre les origines de l'incidence et de l'augmentation de la contrebande ainsi que les mécanismes.

    Si les cigarettes sont exportées, il faut appliquer une solution particulière; si les cigarettes sont fabriquées dans les réserves; on doit adopter un autre type d'approche. Si les chiffres indiquent que les différences de prix sont telles que des cigarettes américaines pénètrent le marché canadien ou que certaines cigarettes fabriquées dans des manufactures canadiennes échappent à la taxe d'accise, là aussi, d'autres mesures s'imposent.

    Voilà donc mon problème, essentiellement. Je pense que nous devons être prudents lorsque nous demandons à la GRC d'emprunter telle ou telle voie. Elle ne saurait plus où donner de la tête. Elle doit gérer ses ressources. La GRC doit travailler sur de nombreux fronts à la fois, pour lutter contre la criminalité; elle doit adopter une approche très globale et stratégique.

+-

    Le président: Nous avons plusieurs personnes. Il y a M. Macklin, Mme Neville, M. Breitkreuz et puis Mme Sgro—et enfin M. Thompson.

    Nous ne vous avions pas vu, monsieur, mais nous aurons tous une bonne occasion de nous exprimer.

Á  +-(1130)  

+-

    L'hon. Judy Sgro: J'invoque le Règlement, monsieur Maloney.

    Notre séance devait se terminer à 11 heures. Vous avez demandé que nous restions trois minutes de plus pour examiner la motion de M. Marceau. Mais il est maintenant 11 h 35 et nous sommes en plein milieu d'un débat très important. Je propose que cette question soit étudiée lors de la prochaine séance du comité, qu'on en discute...

+-

    M. Garry Breitkreuz: Puis-je faire un bref commentaire?

+-

    Le président: Oui, allez-y.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Moi aussi, je crains que nous ne fassions de la micro-gestion.

    Je dois admettre que ces derniers jours, depuis que cela a été déposé, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour faire des recherches sur le sujet. J'ai été très occupé; je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres membres du comité. Ce qui me préoccupe, c'est que si nous adoptons trop de motions du genre, nous risquons de perdre de notre crédibilité.

    Je me demandais si nous pouvions en quelque sorte obtenir un rapport de la GRC sur la question. J'aimerais disposer d'informations supplémentaires. Est-il possible de garder ceci en réserve et d'y revenir lorsque nous aurons eu un peu plus de temps pour fouiller la question? J'aimerais que l'on mette cela de côté. Je n'en ai pas discuté avec M. Ménard—je le prends un peu en traître—, mais je voudrais que nous prenions plus de temps pour y réfléchir.

    Êtes-vous d'accord avec ma proposition consistant à demander davantage de renseignements sur le sujet?

+-

    Le président: Y a-t-il consensus?

+-

    M. Garry Breitkreuz: La motion dit: « prenne l'initiative d'une vaste campagne ». Je ne sais même pas si elle peut le faire. Y a-t-il matière à se lancer dans une campagne?

    J'aimerais mieux que la GRC nous fasse un rapport de la situation.

+-

    Le président: Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Si nous pouvions reporter la motion, je serais prêt à faire avancer le dossier avec le ministère des Finances et l'Agence des services frontaliers du Canada, et à vous revenir avec un rapport sur la situation, ce qui se passe, ce qui semble être le problème et les mesures envisageables.

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Vous voyez bien que la résolution est très générale quant aux actions que doit entreprendre la GRC. Elle ne précise pas le nombre de personnes que le service doit assigner à ce cas.

    En fait, on veut essentiellement leur signaler le problème. Ils ont d'ailleurs déjà commencé à s'en occuper. Mais ce qui importe, c'est qu'ils nous transmettent les informations, au cas où nous aurions à prendre des décisions sur la taxe d'accise.

    Ce que vous dites est vrai: les gens ont pris des habitudes. L'habitude la plus ancrée, c'est toutefois le besoin de nicotine. Si nous plaçons les gens dans une situation qui les amènerait à modifier légèrement leurs habitudes et à se faire à un autre tabac, nous n'aurons rien réglé.

    Il est par conséquent très important que nous soyons informés. C'est pour cela que le premier paragraphe a été rédigé de la façon la plus générale possible. Encore là, lorsque j'ai soumis ma résolution, on m'a dit qu'il était trop précis: on ne peut pas parler d'organismes qui ne relèvent pas de notre comité. Je les ai donc supprimés de la résolution, et vous me suggérez maintenant d'en ajouter.

    Remarquez que je ne m'y objecte pas. C'est évident dans nos régions. On en sait encore davantage, et on le tient essentiellement de la GRC: non seulement sait-on que des cigarettes fabriquées aux États-Unis, près d'Akwesasne, sont à nos portes, mais on sait qu'on a saisi ailleurs de pleins conteneurs de tabac venant de Chine, ce qui est tout à fait nouveau dans la problématique des cigarettes.

    Mais il y a un problème urgent constaté sur le terrain par les députés...

[Traduction]

+-

    Le président: Excusez-moi, monsieur Ménard, mais je pense que nous sommes encore en train de débattre des mérites de la motion plutôt que de la possibilité de reporter...

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je n'ai pas d'objections. La reporter à quand?

[Traduction]

+-

    Le président: S'il n'y a pas consensus, nous allons passer au vote.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: D'accord, mais il faut fixer une date à laquelle la reporter.

+-

    M. Serge Ménard: Cela peut-il être bientôt? Je verrai à vous donner plus d'information, et peut-être à récrire le premier paragraphe s'il vous gêne.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Si nous laissons cette motion de côté pour l'instant, je m'engage à effectuer—pour employer un terme gouvernemental—un diagnostique, tout en travaillant avec les différentes agences concernées, pour déterminer si oui ou non il y a eu augmentation de la contrebande, d'où viennent les cigarettes, en quoi cela a une incidence sur la taxe d'accise et quels sont les plans envisageables.

    Quant au délai, je ne peux pas vraiment m'engager, mais je pense que d'ici deux ou trois semaines, nous pourrions avoir quelque chose.

Á  -(1135)  

+-

    Le président: Monsieur Thompson.

+-

    M. Myron Thompson: J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'aimerais vous signaler que récemment j'étais justement dans cette région, avec quelques-uns de mes collègues qui avaient été appelés pour rencontrer des gens, dans la réserve Mohawk, assez préoccupés par la contrebande en général. Apparemment, il y a une augmentation de la contrebande de médicaments, et tout commence à prendre des proportions excessives.

    Je crois que nous faisons erreur si nous ne nous concentrons que sur les cigarettes. Je pense qu'il faut voir la situation dans son ensemble et que nous avons besoin de plus de temps pour régler le problème de la contrebande dans son entier.

    Je recommande donc que nous déposions cette motion, que nous organisions une réunion spéciale pour traiter de la contrebande en général et que nous attendions un rapport de M. Cullen au sujet de la contrebande dans ce secteur en particulier. Voilà donc ce que je propose.

    Des voix: D'accord.

+-

    Le président: Nous avons une autre motion ici, mais acceptez-vous de revenir dans 14 jours, deux semaines, pour examiner cette question?

+-

    L'hon. Roy Cullen: Oui, nous aurons quelque chose à vous proposer.

+-

    M. Myron Thompson: Allez-vous parler d'autres choses que des cigarettes?

+-

    Le président: Cela vous pose-t-il problème?

    Monsieur Ménard, c'est votre motion. Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Myron Thompson: La contrebande est un problème dans ce secteur. J'y étais et je le sais.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je crois que c'est aller trop loin. Le problème des cigarettes est urgent, comme on l'a déjà vu, mais il est aussi très dangereux sur le plan de la sécurité publique. N'oublions pas la crise d'Oka en 1990.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien. Nous allons nous limiter au tabac. M. Thompson pourra nous présenter une motion subséquente pour étayer celle-ci une autre fois.

+-

    M. Myron Thompson: C'est une perte de temps. Si nous entendons ajouter quelque chose, ce serait mieux de le faire dans celle-ci.

-

    Le président: Merci beaucoup.

    La séance est levée.