JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 22 février 2005
¿ | 0905 |
Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice) |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC) |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Myron Thompson |
Le président |
M. Myron Thompson |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
¿ | 0935 |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0940 |
M. Richard Marceau |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0945 |
M. Richard Marceau |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Carole Morency (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0950 |
M. Joe Comartin |
Mme Lisette Lafontaine (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0955 |
Le président |
Mme Anita Neville |
Le président |
Mme Anita Neville |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1000 |
Le président |
M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Peter MacKay |
À | 1005 |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1010 |
M. Peter MacKay |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Carole Morency |
Le président |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1015 |
Mme Carole Morency |
Le président |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1020 |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1025 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Irwin Cotler |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1030 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
À | 1035 |
Le président |
M. Mark Warawa |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1040 |
Le président |
M. John Maloney (Welland, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Catherine Kane (avocate-conseil / directrice, Centre de la politique concernant les victimes, ministère de la Justice) |
À | 1045 |
M. John Maloney |
Mme Catherine Kane |
M. John Maloney |
Mme Lisette Lafontaine |
Le président |
M. Richard Marceau |
Mme Lisette Lafontaine |
À | 1050 |
M. Richard Marceau |
Mme Lisette Lafontaine |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Richard Marceau |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal) |
À | 1055 |
L'hon. Irwin Cotler |
Á | 1100 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Bienvenue à cette réunion du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.
Nous débutons notre étude du projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice.
Bienvenue, monsieur le ministre. Avant de commencer votre présentation, peut-être pourriez-vous nous présenter les officiels qui vous accompagnent.
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.
Les trois officiels qui m'accompagnent sont des experts en la matière.
[Traduction]
Catherine Kane est notre avocate-conseil pour ce qui est des questions concernant les victimes, Carole Morency est notre avocate-conseil pour la politique en matière de droit pénal; Lisette Lafontaine est une autre avocate-conseil qui connaît ces questions. Ces personnes possèdent donc des connaissances spécialisées dans ces domaines qui pourront être utiles au comité.
Le président: Monsieur le ministre, je vous invite à présenter votre exposé.
L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous dire ainsi qu'au comité que je suis heureux de m'adresser au comité aujourd'hui, au moment où il commence son étude du projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel relativement à la protection des enfants et d'autres personnes vulnérables ainsi que la Loi sur la preuve au Canada.
Vous vous souvenez peut-être que, lors de ma comparution précédente devant le comité, lorsque j'ai été nommé ministre de la Justice et procureur général du Canada, je vous avais mentionné que la protection des personnes vulnérables était une de mes grandes priorités. En fait, on reconnaît qu'une société est juste à la façon dont elle protège les plus vulnérables d'entre ses membres, en particulier les femmes et les enfants.
[Français]
Cette priorité et l'engagement du gouvernement du Canada à y donner suite sont énoncés dans le discours du Trône prononcé en octobre 2004 et sont au coeur même du projet de loi C-2.
Le projet de loi C-2 utilise comme point de départ les mesures de protection élargies du droit pénal actuellement offert au Canada et se fonde sur celles-ci pour proposer d'autres éléments visant les enfants et d'autres personnes vulnérables, victimes et témoins. Ces améliorations découlent de nombreuses sources d'observation et d'information tirées de la jurisprudence, de consultations avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que le public et, surtout, du processus législatif relatif aux projets de loi qui ont précédé le projet de loi C-2: les anciens projets de loi C-12 et C-20 examinés lors des deux dernières sessions parlementaires.
[Traduction]
Le comité connaît donc bien l'ancien projet de loi C-12. Il avait été adopté par la Chambre des communes et devait être voté en seconde lecture par le Sénat lorsqu'il est mort au Feuilleton, ce qui reflète tout l'appui dont bénéficiaient les principes et la portée des projets qui ont précédé le projet de loi C-2. Le gouvernement a également reconnu que ces mesures avaient fait l'objet de certaines critiques, qu'il était possible de faire davantage pour améliorer les règles de la pornographie juvénile, et renforcer les peines dans les cas de maltraitance, d'abandon et d'exploitation des enfants.
C'est exactement ce que fait le projet de loi C-2. Il a été enrichi par l'apport du comité. Il tient compte des discussions et des critiques qui ont suivi la présentation du projet de loi C-12; il reprend les meilleures suggestions qui ont été faites, ce qui en fait un meilleur projet de loi.
Sur ce point, le projet de loi C-2 propose une série de réformes du droit pénal matériel qui visent premièrement, à renforcer les interdictions existantes visant la pornographie juvénile; deuxièmement, à améliorer la protection des jeunes contre l'exploitation sexuelle par des personnes qui veulent profiter de leur vulnérabilité; troisièmement, à aggraver les peines sanctionnant ces infractions, y compris la maltraitance et l'abandon d'enfants, de façon à ce que les peines imposées dans ce genre d'affaires reflètent mieux la gravité de ces infractions,
[Français]
quatrièmement, faciliter les témoignages des enfants victimes ou témoins d'autres personnes vulnérables grâce à certaines mesures, notamment en assurant la cohérence et la clarté des règles relatives aux recours au moyen de la facilitation des témoignages et en déterminant que les enfants sont d'emblée compétents pour témoigner, et créer deux nouvelles infractions de voyeurisme interdisant l'observation ou l'enregistrement subreptice d'autrui dans des situations où l'on est en droit de s'attendre au respect de son intimité.
¿ (0910)
[Traduction]
Je vais maintenant aborder les composantes de chacune de ces réformes, en commençant par la pornographie juvénile.
Le projet de loi C-2 propose de réformer les règles en matière de pornographie juvénile de la façon suivante—la plupart de ces règles, il est important de le noter, sont nouvelles par rapport à l'ancien projet de loi C-12. L'idée que le nouveau projet de loi ne fait que reprendre les dispositions du projet de loi C-12 repose sur une mauvaise lecture des différences qui existent entre le projet de loi C-2 et le projet de loi C-12.
Le projet élargit la définition de la pornographie juvénile de façon à viser aussi bien les enregistrements sonores que les écrits dont la caractéristique dominante est la description d'une activité sexuelle illégale avec des mineurs, lorsque cette description est fournie dans un but sexuel. Le projet interdit la publicité relative à la pornographie juvénile. Il multiplie par trois la peine maximale imposable sur déclaration sommaire de responsabilité pour toutes les infractions reliées à la pornographie juvénile, faisant passer cette peine de six à dix-huit mois.
[Français]
Prévoir la commission d'une infraction de pornographie juvénile dans le dessein de réaliser un profit constitue un facteur aggravant aux fins de la détermination de la peine.
[Traduction]
Enfin sur cette question, le projet remplace les moyens de défense fondés sur le mérite artistique, ou sur l'existence d'un but éducatif, scientifique ou médical et sur le bien public par un moyen de défense à deux volets axé sur le préjudice et la notion de but légitime. Avec cette nouvelle mesure, le moyen de défense ne peut être invoqué qu'à l'égard d'un acte ayant un but légitime lié à l'administration de la justice, à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts et qui ne pose pas de risque indu pour les mineurs.
Cela m'amène à la deuxième grande réforme de fond proposée—une nouvelle catégorie d'interdictions concernant l'exploitation sexuelle des adolescents.
[Français]
Le projet de loi C-2 propose également de mieux protéger les adolescents contre les personnes qui pourraient les exploiter sexuellement en profitant de leur vulnérabilité. Selon cette proposition, les tribunaux seraient autorisés à déduire de la nature de la relation entre l'accusé et l'adolescent et des circonstances qui l'entourent notamment l'âge de l'adolescent, la différence d'âge entre l'accusé et l'adolescent, l'évolution de la relation et l'emprise ou l'influence que l'accusé exerce sur l'adolescent, le fait qu'il s'agit d'une relation qui exploite l'adolescent.
[Traduction]
Autrement dit, le projet de loi C-2 réprime le fait d'exploiter un mineur et ne prend pas en compte le fait que l'adolescent ou la victime a pu consentir au comportement incriminé. Il y a lieu d'insister sur un aspect tout aussi important, à savoir que les caractéristiques de l'exploitation auxquelles j'ai fait référence sont adaptées aux besoins particuliers et à la vulnérabilité des adolescents, parce que leur vulnérabilité ne résulte pas uniquement de leur âge.
Je note également que le projet de loi C-2 n'incrimine pas l'activité sexuelle consensuelle auquel les jeunes se livrent habituellement.
Monsieur le président, votre comité a reçu la réponse écrite que j'ai apportée à la question que m'avait posée M. Comartin lorsque j'ai comparu au sujet du budget principal des dépenses. Comme cela est mentionné dans la lettre, la réalité est que les jeunes Canadiens exercent des activités sexuelles, qui vont du baiser aux relations sexuelles, dès l'âge de 12 ans. Il y a en fait des adolescents de 15 ans qui sont légalement mariés. Il n'est pas facile de s'entendre sur l'âge à partir duquel les adolescents ont le droit d'avoir des relations sexuelles mais il faut admettre qu'ils le font et le projet de loi C-2 ne cherche pas à incriminer ces activités consensuelles.
La troisième grande réforme porte sur les peines applicables aux auteurs d'infractions dont les victimes sont des enfants. Le projet de loi C-2 répond aux préoccupations que continuent d'exprimer de nombreuses personnes, tant celles qui se trouvent au sein qu'à l'extérieur du système de justice pénale. Quand il s'agit de nos enfants, le groupe social qui est le plus vulnérable, nous devons veiller à ce que le système de justice pénale apporte une réponse sévère et efficace aux cas de maltraitance d'enfants. Cette idée est ressortie des échanges qui ont eu lieu devant le comité et on la retrouve dans les commentaires portant sur ces questions. Il faut donc veiller à ce que les peines imposées dans ce genre de cas soient justes et conformes aux principes et objectifs de la détermination de la peine fixés par le Code criminel. Ces objectifs sont énoncés à l'article 718 du Code criminel; je sais que vous les connaissez très bien. Ce sont la dénonciation, la dissuasion générale et spéciale, l'isolement des contrevenants, lorsque cela est nécessaire, la réinsertion sociale des contrevenants, la réparation du préjudice causé aux victimes et à la collectivité ainsi que la responsabilité du contrevenant à l'égard du préjudice causé.
¿ (0915)
[Français]
Le projet de loi C-2 propose une profonde réforme, qui respecte les objectifs susmentionnés ainsi que l'importance qui doit leur être accordée dans les cas de mauvais traitements faits envers les enfants. Cette réforme oblige les tribunaux chargés de la détermination de la peine à prendre en compte principalement les objectifs de la dénonciation et de la dissuasion de tels comportements. De plus, elle fait des mauvais traitements des enfants une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine.
[Traduction]
Outre les réformes visant les peines applicables en matière de pornographie juvénile, vous retrouvez ici encore un cadre de détermination de la peine efficace, très large et souple. Le projet de loi C-2 propose de tripler les peines maximales dont sont passibles les infractions sexuelles commises avec des enfants, ainsi que l'abandon d'enfants et l'omission de fournir les choses nécessaires à l'existence dans les cas de poursuites par déclaration sommaire de culpabilité, les faisant passer de six à dix-huit mois; de faire passer la peine maximale de cinq à dix ans, pour l'exploitation sexuelle d'un adolescent et de deux à cinq ans pour l'abandon d'enfants et l'omission de fournir les choses nécessaires à l'existence, lorsque les poursuites relatives à ces infractions sont exercées par voie de mise en accusation.
Le message que transmettent ces réformes aux tribunaux et aux délinquants potentiels est très clair. Il faut accorder à ces infractions toute l'importance qu'elles méritent. Cela doit se refléter dans les peines.
La quatrième réforme vise à faciliter le témoignage des victimes et des témoins, réforme qui renforcera, par exemple, la capacité des enfants et des autres témoins et victimes vulnérables de fournir une relation claire, complète et précise des événements vécus, tout en respectant les droits et libertés de l'accusé.
[Français]
Monsieur le président, cette partie du projet de loi C-2 illustre l'importance de veiller à ce que l'ensemble du processus de justice pénale tienne compte et observe de façon significative l'engagement du gouvernement qui consiste à assurer la protection des enfants et d'autres personnes vulnérables, victimes ou témoins.
[Traduction]
Comme nous le savons, monsieur le président, ces personnes ont déjà été victimisées. Il ne faudrait pas que le système de justice pénale n'aggrave cette expérience, même de façon involontaire. De nombreuses réformes ont déjà été apportées récemment dans le but d'améliorer le traitement accordé aux victimes par le système de justice. Le projet de loi C-2 apporte de nouvelles améliorations et précisions dans ce domaine.
En particulier, le projet de loi C-2 propose de faciliter les témoignages en offrant certains moyens nouveaux pour trois catégories d'affaires : les affaires concernant une victime ou un témoin mineur de 18 ans ou une victime ou un témoin souffrant d'une incapacité, les affaires de harcèlement criminel, les affaires concernant d'autres victimes et témoins adultes vulnérables.
Pour ce qui est des enfants victimes, le projet de loi C-2 propose de modifier le critère applicable à l'utilisation d'aides testimoniales. Ces aides pourraient être accordées sur demande, sauf si elles ne sont pas compatibles avec la bonne administration de la justice.
Dans les affaires de harcèlement criminel où l'accusé se représente lui-même, la Couronne pourrait demander la nomination d'un avocat qui serait chargé de mener le contre-interrogatoire de la victime. Dans ces affaires-là, le tribunal serait tenu de nommer un tel avocat, à moins que cela ne compromette la bonne administration de la justice.
Dans les affaires concernant d'autres victimes ou témoins vulnérables, comme par exemple, les victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle, la Couronne pourrait demander l'autorisation d'utiliser une des aides testimoniales ou que soit nommé un avocat pour effectuer le contre-interrogatoire d'un accusé qui se représente lui-même. Dans ces affaires, les témoins adultes devraient démontrer que, compte tenu des circonstances de l'infraction, notamment de la nature de l'infraction et de la relation existant entre le témoin et l'accusé, ils ne seraient pas en mesure de relater les faits de façon sincère et complète sans une aide testimoniale.
¿ (0920)
[Français]
Le projet de loi C-2 propose également de modifier la Loi sur la preuve au Canada pour supprimer l'obligation de procéder à une enquête pour déterminer la capacité de l'enfant à déposer, et de supprimer la distinction entre le témoignage sous serment et le témoignage sans serment.
Sous le régime du projet de loi C-2, l'aptitude à témoigner d'un enfant de moins de 14 ans dépendra de sa capacité à comprendre les questions et à y répondre, et non de sa capacité à exprimer ce que signifie pour lui le fait de prêter serment ou de dire la vérité. Il appartiendra ensuite au juge de paix, comme dans toute autre situation, de déterminer le poids à accorder au témoignage.
[Traduction]
Cela m'amène à la dernière réforme, celle qui concerne le voyeurisme. Le projet de loi C-2 vise à moderniser la réponse qu'apporte le droit pénal aux nouvelles façons dont on peut commettre de nos jours des actes de voyeurisme. Le voyeur à la fenêtre, comme on l'appelait encore il y a quelques années, a fait place aujourd'hui à des gens qui, grâce à l'Internet et à la miniaturisation des appareils photos et d'enregistrement, peuvent maintenant enregistrer à distance des scènes en utilisant un appareil photos dissimulé plus petit qu'un crayon.
Le projet de loi C-2 propose de créer une nouvelle infraction qui réprime le fait d'observer ou d'enregistrer de façon subreptice une personne qui peut raisonnablement s'attendre à ce que sa vie privée soit respectée dans trois situations précises. Constitue une infraction le fait d'observer ou d'enregistrer une personne dans ces circonstances si cela est fait dans un but sexuel ou constitue une violation grave de la vie privée sexuelle de la personne. Le projet de loi C-2 propose également d'interdire la publication ou la diffusion d'un enregistrement fait à la suite d'un acte de voyeurisme, y compris, par exemple, par Internet.
En conclusion, monsieur le président, le projet de loi C-2 propose d'apporter au droit pénal des réformes qui sont, d'après moi, tout à fait opportunes. Il convient d'examiner ces réformes avec d'autres mesures connexes, comme la stratégie nationale visant à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle par Internet, qu'a lancée le vice-premier ministre et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en mai 2004, qui comprend la nouvelle ligne nationale de dénonciation, Cybertip.ca, que nous avons lancée au cours de la dernière réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice. Je pense que cette stratégie nationale, combinée au projet de loi C-2, aux protections qu'accorde actuellement le Code criminel et à Cybertip-ca, donne au Canada un ensemble efficace de mesures permettant d'assurer la protection des enfants et des autres personnes vulnérables.
Je suis également heureux de noter qu'à cette récente réunion des ministres provinciaux et territoriaux, mes homologues ont réitéré leur appui au projet de loi C-2 et m'ont invité à en assurer l'adoption rapide. Ils sont d'accord avec moi pour dire que le projet de loi C-2 est une bonne chose pour les services d'application de la loi, pour l'administration de la justice, et surtout, pour les enfants, les plus vulnérables parmi les vulnérables.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres.
Nous allons commencer par M. Thompson du Parti conservateur pendant cinq minutes.
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Je vous remercie d'être venu aujourd'hui, monsieur le ministre.
Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi la question de la pornographie juvénile a toujours été si importante pour moi et mes collègues, puisque cela remonte à 1993-1994, et que nous voici près de douze ans plus tard, dans une situation où il n'existe aucune règle qui protège vraiment nos enfants contre la pornographie juvénile. Il me paraît inconcevable d'avoir dû attendre 12 longues années pour régler ce problème. Aujourd'hui, le ministre nous présente le projet de loi C-2. Je ne sais pas s'il faut le féliciter et lui dire qu'il a bien travaillé ou autre chose.
Lorsque j'examine ce projet de loi omnibus, j'y vois un certain nombre de choses qui me paraissent excellentes pour le Canada et excellentes pour notre système de justice. Mais pour que ce projet de loi soit adopté, il faut accepter tout ce qu'il contient. Je ne peux pas accepter le projet d'article sur la pornographie juvénile dans lequel on peut lire :
Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction au présent article si les actes qui constitueraient l'infraction |
a) ont un but légitime lié à l'administration de la justice, à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts... |
Je ne sais pas combien de fois nous avons parlé de supprimer le moyen de défense fondé sur le mérite artistique. Ils ont alors modifié ces termes. Ils ont joué avec ces termes et proposé l'expression « bien public ». Je pense que la plupart des membres du comité se demandent vraiment en quoi la pornographie juvénile peut-elle contribuer au bien public.
J'examine maintenant les termes que nous avons modifiés et constate que l'on parle aujourd'hui de « but légitime » et je suis obligé de poser la même question : de quel but légitime parlons-nous? Ne pensez-vous pas que tous ceux qui sont accusés d'avoir commis l'infraction de pornographie juvénile ou de possession de cette pornographie vont certainement invoquer « un but légitime », et que nos tribunaux seront obligés de s'occuper de toutes ces personnes parce qu'elles vont prétendre avoir un but légitime, qu'il s'agisse d'art, d'éducation ou d'autre chose?
Lorsqu'on adopte une stratégie pour éradiquer un fléau comme la pornographie juvénile, je ne peux pas croire que l'on puisse vouloir jouer avec les mots et pourtant, c'est ce qui s'est passé avec tous les projets de loi qui ont été présentés à ce sujet. Et l'on retrouve cet article dans un projet de loi qui n'est pas mauvais—et il y a même d'excellentes choses dans ce projet—comme si nous voulions quelque peu dorer la pilule à nos enfants pour que tout cela passe plus facilement. Je ne comprends pas pourquoi un problème aussi grave que celui de la pornographie juvénile ne peut être retiré d'un projet de loi de ce genre et présenté seul de façon à laisser le législateur prendre les mesures qui permettraient de supprimer carrément ce mal avant qu'il ne détruise nos enfants.
Dans les pénitenciers et dans les services de police, nombreux sont ceux qui l'ont mentionné que la pornographie juvénile menait bien souvent à des actes de violence contre nos enfants. Bien sûr, il n'y a pas d'études ou de traces de ces affirmations parce que personne ne s'est soucié de le faire. Je pense qu'il serait bon de faire ce genre d'études. Mais j'ai voyagé dans les différentes régions du Canada, j'ai été dans de nombreux pénitenciers et j'ai rencontré des détenus qui étaient incarcérés parce qu'ils avaient commis des actes de violence contre des enfants. Presque tous m'ont avoué qu'ils étaient dépendants de la pornographie juvénile bien avant qu'on les arrête et qu'ils se retrouvent en prison, et que la pornographie avait joué un grand rôle dans leur vie. C'est pourquoi je suis incapable de comprendre pourquoi nous accordons ce genre de moyen de défense aux personnes qui sont en possession de ces choses horribles.
Avec ce projet de loi, nos services de police canadiens qui ont confisqué des centaines ou des milliers ou même des millions de documents constituant de la pornographie juvénile vont devoir une fois de plus passer des heures et des heures à examiner chaque document pour décider dans chaque cas s'il comporte un élément artistique. Il est tout à fait incroyable que l'on impose à nos services de police un tel fardeau.
¿ (0925)
Je ne m'oppose aucunement à ce que des enseignants, des policiers, des membres des professions médicales utilisent ce genre de documents pour leur travail. Je n'ai rien contre le fait donner à ces personnes la possibilité de justifier le fait qu'elles utilisent du matériel pornographique mais nous allons permettre à tous ceux qui sont en possession de pornographie juvénile d'invoquer ce moyen de défense. Une fois de plus, j'affirme que nous devons supprimer les moyens de défense susceptibles d'être invoqués en matière de pornographie juvénile.
Le président: Merci. Vous avez utilisé les cinq minutes que vous aviez. Il me semble que vous n'avez pas posé de questions au ministre.
M. Myron Thompson: Oui, j'en ai posé plusieurs.
Le président: Très bien. Si le ministre a compris vos questions, il pourra alors vous répondre. Encore une fois, d'après nos règles, la période de cinq minutes doit comprendre la question et les réponses.
M. Myron Thompson: Je pensais que nous avions cinq minutes chacun, je suis désolé. J'y arriverai bien un jour.
Le président: Le ministre a-t-il...?
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, j'ai compris l'essentiel des commentaires de l'honorable député et j'ai également compris que cette question lui tenait à coeur. Je vais donc commencer par lui dire que la pornographie juvénile est toujours de la pornographie juvénile. Un crime demeure un crime. Le mal dont il a parlé est le mal que nous essayons de supprimer avec ce projet de loi. Le but essentiel du projet de loi est de protéger, comme je l'ai dit, les plus vulnérables d'entre nous, en particulier, de les protéger contre ce mal absolu dont a parlé l'honorable député.
Avec le moyen de défense que propose le projet de loi C-2, qui a été mentionné, l'accusé inculpé d'une infraction de pornographie juvénile ne peut invoquer un moyen de défense que si l'acte en question a été posé dans un but légitime relié à un des domaines précis, dont il a parlé et dont il a reconnu l'importance pour ce moyen de défense—à savoir, l'administration de la justice, la science, la médecine, l'éducation ou l'art et je vais revenir sur cet aspect dans un moment parce que c'est un aspect sur lequel il a insisté—et, je dois ajouter, pour autant que l'acte ne pose pas un risque indu pour les enfants.
Avec le moyen de défense proposé, le matériel qui a été jugé constituer de la pornographie juvénile telle que définie par le Code criminel demeure toujours de la pornographie juvénile. L'existence de ce moyen de défense ne change pas les choses. Par contre, la question que devra trancher le tribunal est celle de savoir si l'acte reproché par rapport à ce matériel... Par exemple, le fait de posséder ou de distribuer de la pornographie juvénile répond à ce critère à deux volets. De cette façon, le projet de loi C-2 conserve ce que l'on peut appeler un critère axé sur le préjudice causé, comme le faisait l'ancien projet de loi C-12, mais avec une différence fondamentale. Le critère est plus clair, il est plus étroit, il est plus précis, et il fait appel à une notion particulière, dans la mesure où même si l'acte est posé dans un but légitime, il faut encore se demander s'il ne pose pas un risque indu pour les mineurs.
C'est le critère qui a été utilisé par la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a confirmé la constitutionnalité des dispositions relatives à la pornographie juvénile en 2001, et c'est un critère qui sera non seulement plus facile à comprendre... mais il nous permet d'être certain que ce projet de loi respecte les obligations constitutionnelles, et l'absence de ce moyen de défense risquerait de compromettre la validité du projet de loi. C'est pourquoi le mécanisme de protection contre la pornographie juvénile que l'honorable député souhaite voir adopter serait annulé en même temps que le projet de loi.
Il est donc important de ne pas oublier que l'existence d'un moyen de défense dans nos règles relatives à la pornographie juvénile a constitué un facteur clé dans la décision qu'a prise la Cour suprême du Canada de confirmer la constitutionnalité de notre interdiction générale de la pornographie juvénile. Cela vient du fait que la définition « pornographie juvénile » est très large. Elle englobe des documents très divers, notamment, ce qui n'est pas toujours bien compris, des documents qui montrent l'agression sexuelle d'enfants véritables mais aussi des documents qui montrent l'agression d'enfants imaginaires.
De sorte que, lorsque l'infraction est définie très largement, ce qui est fait de façon intentionnelle de ce projet de loi—et nous l'avons encore élargi de façon à mieux protéger les enfants contre ce mal—alors, qu'il s'agisse d'une photographie représentant l'une agression sexuelle d'un enfant réel ou d'une image numérisée ou composite d'un enfant imaginaire, ou même d'un texte écrit qui préconise l'agression sexuelle des enfants, la question qu'il faudra se poser est de savoir si ce document pose ou non un risque indu pour les enfants.
Selon le projet de loi C-2, aucun moyen de défense ne peut être invoqué—et je tiens à le souligner, aucun moyen de défense—à l'égard d'une description réelle ou imaginaire dès que le matériel en question pose un risque indu pour les enfants.
Enfin, monsieur le président, le projet de loi C-2 n'autorise ce nouveau moyen de défense, axé sur le préjudice et le but légitime, de façon à ce qu'il ne puisse être invoqué que lorsque l'acte reproché a un but légitime lié à l'administration de la justice, à la science, à la médecine, à l'éducation ou aux arts, et, comme je l'ai dit, pour autant qu'il ne pose pas de risque indu pour les enfants. Avec ce critère, il ne suffira pas de démontrer que l'acte comporte une valeur artistique, comme c'était le cas dans l'affaire Sharpe. La législation proposée précise ce mécanisme. Avec le projet de loi C-2, ce moyen de défense ne pourra être invoqué même si l'acte reproché comporte une valeur artistique. Cela répond directement aux préoccupations du député, qui concernent les cas où l'utilisation de ce matériel pose un risque indu pour les enfants; c'est l'adoption du principe du risque indu qui est nouveau dans ce projet de loi.
¿ (0930)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, monsieur le ministre, de votre présentation de ce matin.
Monsieur le ministre, vous avez mentionné--et je pense que vous allez trouver consensus autour de la table à cet effet--, que l'exploitation sexuelle des enfants est un des crimes les plus crapuleux qu'on puisse trouver dans notre pays. Vous avez mentionné la hausse des peines maximales, dans les cas qui nous préoccupent dans le projet de loi C-2, sans, apparemment, considérer la possibilité d'établir des peines minimales pour ces crimes, qui sont probablement parmi les pires qu'on puisse trouver.
Si un amendement était présenté dans le cadre des travaux de ce comité, seriez-vous prêt à accepter l'établissement de peines minimales pour les gens trouvés coupables de pornographie infantile?
¿ (0935)
L'hon. Irwin Cotler: Je veux répondre à votre question parce que j'ai réfléchi à ce sujet. C'est également un sujet qui a été soulevé lors de la rencontre des ministres de la Justice. Nous avons donc référé l'examen de cette question à un comité qui nous fera un rapport au mois de juin. J'ai réfléchi depuis que vous m'avez posé cette même question. J'ai parlé de mon ouverture à cet égard parce que c'est un de mes principes d'être ouvert à chacune des recommandations qui pourraient peut-être améliorer ce projet de loi. J'ai réfléchi à ce sujet et je veux partager avec vous un sommaire de mes réflexions et de mes études.
Premièrement, le Canada fait preuve de retenue quant à l'utilisation de peines minimales quand il est préférable d'avoir un processus individualisé de détermination de la peine. Cela veut dire que les tribunaux ont alors le pouvoir discrétionnaire d'établir une peine qui soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et au comportement du délinquant, tout en adaptant la peine aux circonstances aggravantes et atténuantes. Le principe de la proportionnalité très important. Il est au coeur de notre approche et donne aussi une discrétion au juge à cet égard.
Mais il y a d'autres considérations. Les peines minimales vont à l'encontre des principes de détermination de la peine prévus aux articles 718 et 718.2 du Code criminel. Plus particulièrement et plus précisément, les peines minimales vont à l'encontre du principe de la proportionnalité, dont j'ai parlé dans ma présentation. La présence de peines minimales peut encourager la négociation de plaidoyer; il y a des études sur ce sujet. De plus, l'expérience nous montre que les peines minimales sont traitées--c'est très important--, selon notre expérience, comme des peines maximales lors de la détermination de la peine, au lieu d'être vues comme des seuils minimum. On peut donc avoir le contraire de ce que nous voulons.
L'usage de peines minimales engendre aussi des coûts substantiels pour les services correctionnels provinciaux et territoriaux, ainsi que pour Service correctionnel Canada. Les recherches américaines qui ont été réalisées sur cette question démontrent que les peines minimales n'incitent pas les prévenus à plaider coupable, augmentant par le fait même le nombre, la durée et l'accumulation des procédures.
Finalement, l'usage des peines minimales peut--je ne veux pas dire certainement--compromettre la garantie constitutionnelle de l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés à cet égard. Il y a des exemples de jugements à cet effet que je pourrai partager avec vous à la fin de la séance.
En conclusion, on doit avoir une appréciation de l'expérience des études et de la démarche que nous avons prise comme ministre de la Justice. Comme je l'ai dit, en principe, je suis ouvert, mais je pense qu'à la lumière de ces études et de ces réflexions, votre suggestion comporte des problèmes.
¿ (0940)
M. Richard Marceau: Mais il y a déjà 29 infractions de ce genre dans le Code criminel.
L'hon. Irwin Cotler: Oui.
¿ (0945)
M. Richard Marceau: Donc, s'il y en a déjà 29, ce qui est quand même un nombre appréciable, la question en est vraiment une de jugement, à savoir si les tests qui sont appliqués, et qui permettent déjà une peine minimale pour 29 infractions au Code criminel, ne pourraient pas s'appliquer dans ce cadre. Cela devient une question qui, à mon avis, relève davantage du jugement politique. Je présume qu'on verra ces différentes appréciations dans le cadre des amendements que je proposerai dans ce cas.
Je préfère poser plus de questions et obtenir plus de réponses que de poser de grandes questions ou faire de longs commentaires.
Le but légitime que vous visez, soit la défense, touche les arts. Évidemment, vous avez sûrement eu des représentations de la part de la communauté artistique, puisque j'en ai eu. Cette dernière n'avait pas aussi peur d'être reconnue coupable de pornographie infantile que d'être accusée en raison de ce que pourraient dire certains artistes. Dans le doute, un policier va plutôt tenter de porter une accusation que s'abstenir.
Comment répond-on à ces artistes? Par exemple, l'Union des écrivaines et écrivains québécois était venue nous rencontrer et nous avait expliqué que leur président, si je me souviens bien, avait écrit un livre où différentes personnes, dans un cadre et dans un but très corrects, relataient leur première expérience sexuelle qui, pour bon nombre de personnes, s'était produite avant l'âge de 18 ans. Le sujet principal du livre gravitait donc autour de la première expérience sexuelle des artistes avaient participé à cet ouvrage.
Une oeuvre telle que celle-là serait-elle, selon le test que vous proposez, une oeuvre de pornographie infantile? Dans l'affirmative, la défense permettrait-elle aux écrivains qui ont écrit ce genre d'oeuvre de ne pas être reconnus coupables?
L'hon. Irwin Cotler: Je vais essayer de répondre à votre question.
Premièrement, il est vrai que le Code criminel comporte maintenant 29 infractions pour lesquelles il y a une peine minimale. Toutefois, si on passe en revue l'histoire de ces peines minimales, on peut voir qu'elles n'ont pas découlé d'une politique de principe, mais plutôt d'amendements ponctuels issus de comités, par exemple. Cela ne signifie donc pas qu'on doit retenir cette approche pour une autre catégorie plutôt qu'une approche de principe. C'est la seule chose que j'ai voulu partager avec vous ici: une approche de principe.
Je eu connaissance d'infractions qui tombaient dans huit catégories: la conduite avec des facultés affaiblies; un taux d'alcoolémie supérieur à .008; la trahison; plusieurs ayant trait à l'usage d'une arme à feu et des délits semblables.
Je pense que la décision de prévoir des peines minimales pour cette catégorie de crime doit découler de principes, et non pas découler seulement d'un échange de vues sur des amendements. Je respecte l'approche que vous avez adoptée. Comme je l'ai déjà dit, nous verrons, mais à mon avis, dans une approche de principe, pour les raisons que j'ai énumérées, on doit se restreindre à cette question.
Vous avez parlé du but légitime et de l'inquiétude des artistes. Je dois dire que dans une vie antérieure, j'ai été le défenseur des artistes. Alors, je peux comprendre leur inquiétude. J'ai relu hier la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Sharpe et, en même temps, toutes les décisions citées là à l'égard de la liberté d'expression. On peut voir dans ces cas que la cour parle abondamment de l'importance de la liberté d'expression et de la protection de cette dernière.
Je ne peux pas émettre un commentaire sur le livre dont vous avez parlé précisément. Je peux dire cependant que la Cour suprême et toute la jurisprudence protègent grandement la liberté d'expression comme une valeur fondamentale de notre Constitution et de notre société libre et démocratique.
Un de mes officiels pourrait peut-être ajouter quelque chose à mes propos.
Le président: Carole.
Mme Carole Morency (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Permettez-moi de répondre en anglais.
[Traduction]
Pour ce qui est du livre que vous avez mentionné, je l'ai examiné après la comparution du témoin lors de votre dernière réunion. Là encore, le critère que le ministre a décrit est que la question posée au tribunal est toujours celle de savoir si l'oeuvre en question est visée par la définition. Je pense que c'était bien là votre question.
Il faut examiner les termes du projet de loi qui énoncent que l'oeuvre, l'écrit, selon la nouvelle définition proposée, doit avoir pour caractéristique dominante la description d'une activité sexuelle interdite commise avec des enfants, et cette description doit avoir un but sexuel. Le livre que vous avez cité à titre d'exemple ne répond pas à cette définition. Il contient effectivement la description de certains événements, qui ne concernent pas toujours des enfants exerçant des activités sexuelles illégales, il n'y a pas de descriptions précises, sa caractéristique dominante n'est apparemment pas de nature sexuelle.
Là encore, si je repense à l'arrêt de la Cour suprême, comme le ministre l'a dit, la cour a effectivement interprété ces termes. La première réponse à la question est que l'écrit en question ne serait pas visé par la définition proposée. Mais pour une autre oeuvre, la question que se poserait la cour dans le cas où l'oeuvre serait visée par cette définition est de savoir s'il existe un moyen de défense du genre dont a parlé le ministre.
Le président: Nous allons devoir passer à un autre intervenant.
[Français]
M. Richard Marceau: C'est très peu clair. Une cour peut déterminer cela, mais un policier qui verrait l'oeuvre pourrait, lui, être amené à porter des accusations, mettant ainsi l'artiste en danger d'être poursuivi inutilement.
Le président: Merci.
Monsieur Comartin.
[Traduction]
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci d'être ici.
J'aimerais faire certains commentaires et poser certaines questions au sujet de l'article relatif au voyeurisme. Dès le départ, j'ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi vous avez accordé ce moyen de défense. Permettez-moi de vous présenter les choses ainsi. L'article, tel que je l'ai compris, exige de la part de l'accusé que celui-ci ait posé un acte de façon calculée mais subreptice, si je peux penser à un scénario précis, lorsqu'il a dissimulé un appareil dans une toilette, une chambre, ou un endroit où il prévoit que la victime pourra être vue.
Je ne peux pas comprendre, étant donné que l'on exige que l'accusé ait ce genre d'état d'esprit, que cet élément moral soit présent, pourquoi l'on prévoit un moyen de défense basé sur le bien public. Je n'arrive pas—et c'est peut-être parce que je n'ai pas assez d'imagination—à penser à un scénario où l'on pourrait invoquer le bien public. Et je crois que cela se combine également au fait que vous interdisez et réprimez le fait d'imprimer et de republier ce genre de matériel obtenu de façon subreptice.
Dans le projet de paragraphe 162(7), vous avez même prévu que les mobiles de l'accusé ne sont pas pertinents. Lorsque l'on regroupe tous ces éléments, je ne peux pas comprendre comment l'on peut logiquement permettre que le bien public soit invoqué dans cet article. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce point.
L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Comartin. Je vais faire quelques observations et ensuite je demanderais ensuite à mes collaboratrices de vous faire bénéficier de leurs connaissances.
Permettez-moi de commencer en disant que le moyen de défense basé sur le bien public est prévu par ce projet de loi pour éviter que l'infraction de voyeurisme n'englobe des activités légitimes, ce qui donnerait à cette infraction une portée trop large qui ne serait pas conforme à la Charte. J'ajouterais que c'est le seul moyen de défense que l'on puisse invoquer pour l'infraction de voyeurisme. Comme vous le savez, il n'est pas possible d'invoquer pour cette infraction le moyen de défense fondé sur le mérite scientifique ou artistique.
Le moyen de défense fondé sur le bien public existe depuis longtemps. Les tribunaux le connaissent très bien et nous avons pensé qu'il était approprié de le permettre dans le cas du voyeurisme.
Je vais maintenant demander à Lisette Lafontaine, qui est notre spécialiste de ces questions, de vous fournir d'autres commentaires.
¿ (0950)
M. Joe Comartin: Si cela est possible, madame Lafontaine, j'aimerais que vous me décriviez un scénario dans lequel ce moyen de défense pourrait être utilisé, parce que je n'arrive pas à en imaginer un.
Mme Lisette Lafontaine (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Premièrement, je reconnais que nous ne pensons pas que ce moyen de défense sera utilisé très fréquemment, mais comme le ministre l'a dit, il s'agit davantage d'une précaution. Lorsqu'on rédige le texte d'une infraction, on sait le genre de comportement que l'on veut viser, et il faut définir l'infraction en fonction de ce comportement. Il y a cependant toujours le danger de viser un comportement qui ne devrait pas être incriminé et qui serait néanmoins visé par la définition de l'infraction.
Avec le moyen de défense basé sur le bien public, nous évitons que des gens soient déclarés coupables lorsque les actes qu'ils ont posés ne devaient pas être criminalisés. C'est ce que permettrait de faire ce moyen de défense. Vous avez mentionné que le mobile de l'accusé n'est pas pris en considération. Cela vient du fait que le bien public est une notion objective. Il faut se demander si l'oeuvre en question sert le bien public et non pas seulement si l'accusé avait l'intention de servir le bien public? De sorte que ses mobiles ne sont pas pertinents. C'est un critère objectif. L'oeuvre sert-elle le bien public?
Je ne suis pas vraiment en mesure de vous fournir un cas précis où cette défense pourrait être utilisée. Tout ce que je peux vous dire, c'est que l'infraction empêche l'enregistrement et l'observation de certains comportements dans une chambre d'hôtel. De sorte que si vous enregistriez quelque chose dans le but, je ne sais pas, disons d'empêcher un cover up, on peut penser que ce moyen de défense pourrait alors être utilisé dans un tel cas. Mais comme je l'ai dit, nous ne pensons pas que ce moyen de défense est susceptible de s'appliquer à de nombreuses situations.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Neville pour cinq minutes.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie.
J'aimerais parler de la question de l'exploitation sexuelle et du relèvement de l'âge du consentement. Comme vous le savez fort bien, nombreux sont ceux qui préconisent le relèvement de l'âge du consentement, pour qu'il passe de 14 à au moins 16 ans. J'aimerais que vous expliquiez comment l'article de la loi qui traite d'exploitation sexuelle va effectivement répondre à ces préoccupations. J'aimerais savoir ce qui se fait dans d'autres pays, parce qu'on mentionne souvent que beaucoup d'autres pays ont adopté un âge plus élevé pour le consentement. Qu'en est-il dans ces autres pays?
J'aimerais avoir vos commentaires sur la criminalisation des activités sexuelles habituelles des adolescents. J'aimerais également une réponse aux propositions faites par certains groupes suivant lesquelles en introduisant la notion de différence d'âge et en la fixant dans une fourchette raisonnable, on pourrait alors choisir 16 ans comme l'âge du consentement.
L'hon. Irwin Cotler: Merci, madame Neville.
Toute cette question de l'âge du consentement continue à préoccuper la population et c'est une question qu'il faut examiner dans son contexte. Si on examine cet aspect en dehors de son contexte, il est impossible de comprendre la raison d'être du projet de loi ou de ses dispositions particulières relatives à l'âge du consentement.
C'est peut-être parce que c'est un principe de base qu'il faut le reformuler, parce qu'il faut commencer avec le principe de base suivant, à savoir que tout comportement sexuel non consensuel, quel que soit l'âge, constitue une agression sexuelle. Il faut donc partir de ce principe de base.
En outre, on oublie souvent que le Code criminel prévoit une limite d'âge de 18 ans pour plusieurs infractions. Je pense notamment à la pornographie juvénile, à laquelle nous avons fait référence tout à l'heure, à la prostitution juvénile, à la situation dont était saisie la Cour suprême dans l'affaire Audet, celle où l'accusé est en position d'autorité ou de confiance, ou celle où la victime est dans une position de dépendance, et enfin, sur ce point, nous arrivons à la question de l'âge du consentement, qui est à l'heure actuelle fixé à 14 ans, et de la raison d'être de ce choix. Lorsqu'on aborde cette question, comme je l'ai dit, il faut passer en revue les différents aspects que j'ai mentionnés pour la replacer dans son contexte.
Il est intéressant de noter—et j'ai examiné l'historique de cette disposition et je dois dire que j'ai été un peu surpris—que l'on dit toujours que c'est le gouvernement Mulroney qui a fixé l'âge du consentement à 14 ans. Il arrive qu'un mythe contienne un mélange de légendes et de faits. Le fait est que cet âge est fixé à 14 ans depuis 1890, et que cela fait donc très longtemps que nous avons cet âge du consentement. La raison d'être aujourd'hui de ce choix vient du fait que nous ne voulons pas criminaliser les activités sexuelles consensuelles, qui peuvent aller du baiser aux relations sexuelles, entre jeunes gens.
Pour répondre à la question que M. Comartin m'a posée au moment du budget des dépenses, je vous ai fourni, monsieur le président, les données empiriques dont nous disposons actuellement sur les activités sexuelles des adolescents et nous ne voulons pas, comme je l'ai dit, criminaliser la plupart de ces activités qui, comme je l'ai dit, peuvent tout simplement consister à s'embrasser. Si l'État n'a pas à se mêler de ce qui se passe dans les chambres de la nation, il n'a certainement pas à se mêler constamment de ce que font les jeunes car il risquerait de criminaliser ce qui est souvent une activité sexuelle bien innocente.
Nous sommes toutefois conscients du risque particulier que posent les comportements prédateurs visant les adolescents. C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai dit, nous avons créé une nouvelle catégorie d'exploitation sexuelle, celle qui vise les adolescents âgés de 14 à 18 ans. Nous ne voulons certes pas criminaliser les activités sexuelles normales des adolescents, si je peux m'exprimer ainsi, mais réprimer les comportements prédateurs ou marqués par l'exploitation parce que les jeunes de 14 à 18 ans sont particulièrement vulnérables à ce genre de comportement. C'est la raison pour laquelle nous avons dit qu'après avoir examiné la nature et les circonstances de l'affaire, comme l'âge du contrevenant, celui de la victime, l'évolution de la relation, l'utilisation d'Internet, et compte tenu de tous les éléments énumérés dans le projet de loi, le tribunal peut décider que la conduite reprochée constitue de l'exploitation ou une pratique prédatrice qui doit être interdite.
¿ (0955)
Le président: Merci.
Nous devons aller de l'avant.
Mme Anita Neville: Il me manque une réponse.
Le président: D'accord, mais très rapidement.
Mme Anita Neville: Monsieur le ministre, pouvez-vous nous parler de l'âge du consentement retenu par d'autres pays et ce que cela veut dire?
L'hon. Irwin Cotler: Oui, très rapidement, j'ai également examiné cet aspect. Je pense que les données sont très révélatrices sur ce point. L'âge du consentement retenu au Canada est tout à fait conforme à celui des pays semblables. Au Mexique, cet âge est de 12 ans selon le droit fédéral, au Japon, il est de 13 ans, en Espagne, 13 ans, en Allemagne 14 ans, en Autriche 14 ans, en Italie 14 ans et en France 15 ans. Je pourrais poursuivre.
Il y a aussi le cas du Royaume-Uni, par exemple, où l'âge du consentement est de 16 ans, mais il s'applique expressément à l'interdiction des relations sexuelles. Nous avons choisi 14 ans parce que nous ne voulons pas criminaliser les activités très diverses qui figurent dans le rapport qui a été préparé pour répondre à la question posée par M. Comartin.
Nous essayons d'atteindre un objectif. Nous ne criminalisons pas toute une série de comportements sexuels adoptés par des adolescents mais nous criminalisons le comportement sexuel qui vise à exploiter les adolescents vulnérables ayant de 14 à 18 ans. Parallèlement, nous rappelons que toute activité sexuelle non consensuelle, quel que soit l'âge, demeure un crime et nous avons des infractions où l'âge du consentement est de 18 ans, comme je l'ai mentionné.
À (1000)
Le président: Merci.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le ministre et ses collaboratrices d'être venus.
Je mentionnerais entre parenthèses, monsieur le ministre, que je sais qu'il vous arrive de choisir soigneusement les pays que vous citez, par exemple, pour des fins de ce genre. Il serait tout aussi possible de citer d'autres pays pour d'autres fins, notamment le mariage entre personnes de même sexe, par exemple. Il y a très peu de pays au monde qui se sont engagés dans cette voie. Nous ne l'emprunterons pas non plus aujourd'hui.
L'hon. Irwin Cotler: Je suis toujours prêt à vous suivre.
M. Peter MacKay: Vous choisissez parfois très soigneusement les pays que vous citez à titre d'exemple que le Canada devrait ou ne devrait pas suivre.
J'ai été un peu troublé, je le reconnais, par les références que vous avez faites, en particulier au sujet du principe. Nous devons nous fonder sur des principes. Je peux vous dire que toutes les personnes qui se trouvent autour de cette table, en fait tous les députés, partagent tout à fait le noble objectif qui consiste à faire tout ce que nous pouvons pour éradiquer la pornographie juvénile. Cela est évident.
En fait, il me semble qu'une des raisons pour lesquelles ce projet de loi a dû renaître maintenant trois fois découle des lacunes qu'il comportait et de l'interprétation que les tribunaux avaient donnée dans certaines affaires—l'affaire Sharpe la plus célèbre—de l'expression « mérite artistique ». Nous sommes passés ensuite au « bien public » et nous avons aujourd'hui le « but légitime ».
Je pense qu'une définition qui utiliserait une expression comme « dans le cadre de ses activités professionnelles » ou « personne agissant dans le cadre de ses activités professionnelles » permettrait une interprétation plus stricte de la notion de possession de pornographie juvénile.
Vous avez raison lorsque vous dites que les enfants sont les citoyens les plus vulnérables, ce qui nous amène, je crois, à nous poser la question plus large de savoir pourquoi nous avons inclus le voyeurisme dans ce projet de loi; pourquoi ne pas avoir retiré cet aspect—peut-être que le projet de loi aurait été adopté plus rapidement—plutôt que d'ajouter à la complexité d'un projet de loi omnibus, qui semble être la solution que le gouvernement adopte très souvent.
J'aurais toutefois une question précise au sujet de l'alinéa 163.1(1)c), qui traite d'un écrit qui décrit « dans un but sexuel... une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans »
Je pense qu'il serait possible de supprimer l'expression « but sexuel » de cette définition. Cela allégerait beaucoup le fardeau qu'assume la poursuite. Cela ferait disparaître l'élément moral de l'infraction, le but sexuel, et cela faciliterait beaucoup l'enquête et le traitement des infractions connexes, puisque la police ne serait plus tenue d'établir la fin recherchée par le comportement incriminé.
Cela se rapprocherait sans doute de la responsabilité stricte, et dans certains cas, vous pourriez considérer cette solution, si vous n'êtes pas disposé à aller si loin, comme un renversement de la charge de la preuve, qui imposerait à l'accusé le fardeau d'établir que l'écrit n'était pas utilisé dans un but sexuel.
Voici ma première question. L'autre question traite des apportées aux peines.
Vous avez déjà parlé de la question des peines minimales en disant qu'elles constituent dans certains cas une peine maximale. Je ne suis pas très sûr de bien suivre votre raisonnement. Vous avez également déclaré que les peines minimales peuvent empêcher la Couronne et les services de police de conclure des ententes en matière de plaidoyer. Là encore, je ne saisis pas très bien le raisonnement. Si nous avions des peines minimales obligatoires, cela inciterait dans certains cas les policiers à obtenir des conseils juridiques avant de porter des accusations.
Mais s'il s'agit vraiment de dissuasion, et d'indiquer à la population que le système judiciaire, que le gouvernement, que le pays considère que ces infractions sont très graves, pourquoi ne pas mettre en place une peine minimale pour les personnes qui décident d'exercer ce genre d'activités illicites—qui, encore une fois, nous sommes tous d'accord là-dessus, ont un effet tellement préjudiciable sur la vie des enfants, que le seul fait de préparer ce genre d'écrit a un effet préjudiciable—au lieu de viser la diffusion, la vente et la distribution de ces écrits?
S'il s'agit vraiment de resserrer ces règles pénales, d'insister sur la dissuasion—aspect dont je vous ai entendu parler l'autre jour devant le comité qui procédait à l'examen de la Loi sur le terrorisme... la dissuasion est un objectif utile dont on ne parle pas très souvent, sauf dans les salles d'audience et dans le système de justice pénale canadien. Dans le monde théorique où vivent les députés, il semble que nous n'aimons pas parler de dissuasion, ni faire savoir à la population que c'est là un objectif de la peine tout à fait légitime, tout comme la réinsertion sociale et la protection du public.
S'il s'agit de supprimer un fléau, je pense que ce sont des aspects sur lesquels ce projet de loi pourrait être amélioré et j'aimerais beaucoup entendre vos commentaires au sujet de ces deux propositions.
À (1005)
Le président: Monsieur Cotler.
L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir posé ces questions. Je vais essayer d'y répondre.
Vous avez mentionné l'arrêt Sharpe et l'expression « dans un but sexuel », aspects qui ne sont pas dénués de liens puisque toute cette question découle en fait de l'arrêt Sharpe.
Monsieur Sharpe, vous vous souvenez, a été déclaré coupable de possession d'images de pornographie juvénile mais a été acquitté des accusations concernant les écrits dont il était l'auteur. L'acquittement se fondait sur le fait que les écrits en question n'étaient pas visés par la définition d'écrits de pornographie juvénile parce que ces écrits « ne préconisaient pas ou ne conseillaient pas » l'exercice d'activités sexuelles prohibées avec des enfants. À titre subsidiaire, la cour a déclaré que M. Sharpe aurait pu invoquer le moyen de défense fondé sur le mérite artistique.
Nous avons cherché à répondre à ces deux préoccupations avec le projet de loi. Nous avons répondu à l'une d'entre elles en élargissant la définition de pornographie. Dans cette définition, à laquelle vous avez fait référence, le projet de loi C-2 propose d'élargir la définition d'écrit de pornographie juvénile de façon à englober les écrits qui décrivent des activités sexuelles prohibées exercées avec des enfants lorsque cette description constitue une caractéristique dominante de l'oeuvre et qu'elle est faite dans un but sexuel. L'idée était d'élargir la définition de pornographie, dans ce cas-ci pour faciliter le travail de la poursuite, tout en remédiant, si vous le voulez, aux lacunes qui étaient apparues à la suite de l'arrêt Sharpe. Cela explique également le moyen de défense fondé sur le but légitime, qui répondait aux préoccupations exprimées à l'égard du mérite artistique.
Je vais aborder l'autre question que vous avez soulevée au sujet des peines minimales obligatoires et de la dissuasion, parce que votre question est importante. Tout d'abord, je tiens à signaler que le projet de loi invite expressément les tribunaux à accorder aux aspects dénonciation et dissuasion une importance primordiale lorsqu'il s'agit d'imposer une peine pour des infractions de pornographie juvénile. Nous avons donc fourni des directives précises aux tribunaux et faisons expressément référence aux objectifs de dissuasion et de dénonciation.
Il reste toute la question des peines minimales, qui était le sujet de votre question et de celle de M. Marceau. J'ai mentionné—sans aller dans les détails—que l'existence de peines minimales obligatoires favorisait le marchandage de plaidoyer. Je vais vous donner un exemple qui répondra peut-être plus directement à vos préoccupations. Une étude de l'article 85 du Code criminel a conclu que les deux tiers des inculpations relatives à une infraction assortie d'une peine minimale d'un an ont été retirées, rejetées ou annulées. L'expérience montre que la peine minimale obligatoire devient, comme je l'ai dit, la peine maximale pour l'infraction concernée et non la peine minimale.
Je vais conclure mes observations concernant la question de M. Marceau en mentionnant quelques études importantes que je n'ai pas eu encore la possibilité de mentionner mais qui ne sont pas dépourvues d'intérêt. La Commission canadienne sur la détermination de la peine—comme l'ont fait la plupart des commissions canadiennes qui ont examiné cette question depuis 40 ans—recommandait dans son rapport de 1987 l'abolition des peines minimales obligatoires, à l'exception des peines pour le meurtre et la trahison, pour les raisons que j'ai mentionnées.
La recherche effectuée sur l'efficacité des peines minimales obligatoires montre que—et cela vient de la Commission de réforme du droit du Canada et touche directement votre remarque—que ces peines n'ont apparemment pas d'effet dissuasif ou formateur spécial et ne sont pas plus efficaces que des peines moins graves pour prévenir le crime.
Enfin, j'ajouterais que cela a été confirmé par une étude approfondie demandée par le ministre de la Justice en 2001 qui a constaté qu'il n'y avait pas de corrélation entre le taux de criminalité et la sévérité des peines.
Mais pour le reste, vous avez parfaitement raison sur la question de la dissuasion et c'est pourquoi nous avons expressément fait référence dans ce projet de loi aux notions de dénonciation et de dissuasion.
À (1010)
M. Peter MacKay: Je confie cette question à votre ministère; je ne m'attendais pas à ce que vous puissiez y répondre. Le ministère a-t-il demandé des études portant sur les liens possibles entre la possession de pornographie juvénile et les agressions sexuelles contre les enfants? Connaissez-vous des études portant sur cette question? Vous pourriez peut-être nous en faire part plus tard.
Il y a aussi la question de la suppression des peines avec sursis et le fait que vous accepteriez d'inclure des peines avec sursis ou des peines minimales obligatoires dans ce projet de loi. Je pense qu'il faudrait également examiner la libération d'office prévue par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Le président: Merci.
Je vais vous demander de communiquer cette information au comité si cela est possible.
L'hon. Irwin Cotler: Avant d'inviter mes collaboratrices à vous répondre, je dirais que nous avons également examiné la question des peines avec sursis. Cette question a été soulevée au cours de la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice. La réaction générale était favorable aux peines avec sursis tant sur le plan des principes que sur celui des politiques.
Cependant, il y a eu des cas célèbres—et nous les connaissons—qui montrent que les peines avec sursis sont parfois imposées de façon inappropriée. C'est pourquoi nous avons confié cette question à notre groupe FPT chargé d'examiner les peines pour qu'ils étudient les peines minimales obligatoires, parallèlement à la question des peines, en se basant sur les grands principes.
Pour ce qui est des études, je vais demander à Carole de vous répondre.
Le président: Répondez très brièvement ou si cela est possible, transmettez-les au comité.
Mme Carole Morency: Nous ne connaissons pas d'études qui montrent l'existence d'un lien entre le fait d'avoir accès à la pornographie juvénile ou d'en posséder et la perpétration d'agressions sexuelles sur des enfants. Certaines données indiquent que le fait d'être un pédophile susceptible d'agresser sexuellement les enfants est peut-être relié à la consommation de pornographie juvénile mais quant à savoir quel est l'effet et quelle est la cause, nous ne connaissons pas de recherche qui porte sur ce point. Nous vérifierons toutefois pour voir s'il n'y aurait pas de recherches plus récentes.
Le président: Merci.
Il faut aller de l'avant.
Madame Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, mesdames, bonjour.
Je voudrais revenir sur la question des oeuvres d'art en relation avec la pornographie infantile. Peut-être ai-je mal compris lorsqu'on en a parlé plus tôt. On a des artistes, on a des écrivains et on a des journalistes qui vivent d'articles publiés dans des journaux spécialisés dans le reportage d'événements relatés avec maints détails. Je pense aux journaux dits policiers. C'est, paraît-il, très en demande. Je voudrais qu'on m'explique concrètement quelle garantie, quelle sécurité on pourrait donner à ces personnes qui vivent de leur métier.
Vous avez parlé de l'importance de protéger la liberté d'expression. Par ailleurs, le nouvel alinéa 163.1(1)c) de la loi nous dit ceci:
c) de tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d'une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui constituerait une infraction à la présente loi; |
Par contre, le résumé législatif du Service d'information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement dit ceci:
...les écrits n'auront plus besoin d'inciter à des activités sexuelles illégales avec une personne de moins de 18 ans pour tomber sous le coup de la définition de pornographie juvénile. |
Que fait-on pour les personnes qui vivent de leur métier de journaliste et qui rapportent avec maints détails ce qui s'est passé? Quelle protection ont-elles, concrètement? Ce ne sont pas des gens qui incitent à des relations sexuelles avec des enfants, mais qui décrivent avec beaucoup de détails ce qui s'est passé.
L'hon. Irwin Cotler: Vous vous demandez quelle sorte de garanties on peut donner à des personnes, et plus particulièrement à des artistes qui ont des préoccupations et des inquiétudes à l'égard de leur liberté d'expression. La seule chose que je peux répondre--je laisserai ensuite la parole aux représentants du ministère--est qu'on doit avoir une juste appréciation de la loi.
Dans la Charte canadienne des droits et libertés, il y a une protection de la liberté d'expression au paragraphe 2(b). Il y a aussi la jurisprudence. Je ne parle pas seulement des arrêts Butler, Sharpe et des autres grands arrêts de la Cour suprême du Canada, mais de toute l'histoire de notre jurisprudence qui protège la liberté d'expression. Moi-même, je peux, dans un autre cadre, partager les craintes des écrivains dans, parce que j'écris beaucoup.
Je n'ai pas d'inquiétudes à l'égard de cette question quand je vois les protections qui existent dans la Charte, dans la jurisprudence et dans la pratique. Je ne peux pas dire non plus qu'il n'y a aucune raison d'avoir des préoccupations. En règle générale cependant, je pense qu'il y a de grandes protections à cet égard dans la loi, dans la jurisprudence, dans la pratique et dans l'expertise de nos représentants du ministère. C'est une question de politique, une question de principe.
Carole veut peut-être ajouter quelque chose.
À (1015)
[Traduction]
Mme Carole Morency: Pour revenir à votre question, le critère est toujours de savoir si l'acte reproché répond à la définition. Le journaliste qui fait un reportage sur le procès d'un accusé inculpé d'avoir sexuellement agressé un enfant ne décrira pas habituellement dans son article les éléments qui seraient visés par la définition de pornographie, à savoir la caractéristique dominante de cette description, ou la description d'une activité sexuelle illégale et les faits, avec suffisamment de détails et dans un but sexuel. Le journaliste qui fait un reportage sur un procès d'agression sexuelle dira, par exemple, que l'accusé a agressé sexuellement un enfant de 10 ans, que telle est l'inculpation mais il n'ira normalement pas dans les détails. Mais s'il fournissait une description plus générale, celle-ci ne serait pas offerte dans un but sexuel, ou comme la Cour suprême l'a déclaré dans l'affaire Sharpe, celle-ci n'aurait pas pour intention de stimuler sexuellement les lecteurs. Ce genre d'article ne serait donc pas visé par cette définition.
[Français]
Le président: Merci, madame Bourgeois.
Monsieur Comartin, c'est à vous.
[Traduction]
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Pour la gouverne du comité, je mentionnerais que la lettre à laquelle le ministre a fait référence et qui constitue une réponse à une demande formulée au cours d'une séance précédente du comité a été distribuée, mais seulement hier en fin de journée ou ce matin. Vous devriez donc l'avoir dans vos bureaux.
Monsieur le ministre, je veux simplement poursuivre la question, en l'approfondissant quelque peu, des lois provinciales sur le mariage et de l'âge minimum que les jeunes gens doivent avoir pour se marier, tel que fixé par les lois provinciales. Vous avez rapidement fait référence à cet aspect. Combien y a-t-il de provinces et de territoires qui ont adopté des lois autorisant les jeunes de moins de 16 ans à se marier, soit avec la permission de leurs parents ou de leur tuteur ou avec celle des tribunaux?
L'hon. Irwin Cotler: Je vais essayer de répondre à cette question.
Le gouvernement fédéral possède, comme vous le savez, le pouvoir de fixer les conditions de fond du mariage mais les provinces et les territoires ont exercé leur compétence dans ce domaine et fixé l'âge minimum du mariage dans le cadre de leurs lois concernant la célébration du mariage, domaine qui relève des provinces.
Au Québec, par exemple, le Code civil fixe l'âge minimum à 16 ans, l'âge qui est prescrit par une loi fédérale, la Loi d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil. L'âge minimum du mariage avec le consentement des parents est de 16 ans dans toutes les provinces et territoires sauf au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest où l'âge est de 15 ans. Toutes les provinces et territoires, à l'exception du Québec, du Yukon, de Terre-Neuve et du Labrador, permettent des exceptions à cette règle, qui autorisent généralement les adolescents de moins de 16 ans—c'est 15 ans au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest—à se marier après avoir obtenu une ordonnance judiciaire ou la permission écrite du ministre compétent. Le mot habituellement utilisé est « expédient », étant donné que le mariage est dans l'intérêt des parties lorsque l'adolescente est enceinte. Mais il n'est pas exigé que les parties soient à peu près du même âge.
De la même façon, j'ajouterais que, selon la Loi fédérale sur l'immigration et la protection des réfugiés, une personne de moins de 16 ans n'est pas considérée comme étant la conjointe de droit ou de fait d'un ressortissant étranger.
Voilà une brève description de la question de l'âge du consentement pour ce qui est de la célébration du mariage.
À (1020)
M. Joe Comartin: Si nous faisions passer cet âge à 16 ans, cela créerait-il un conflit constitutionnel avec les provinces?
L'hon. Irwin Cotler: Non, parce qu'il s'agit de deux choses différentes. La première est l'âge du consentement pour des fins civiles, notamment pour la célébration du mariage, qui relève des compétences provinciales mais nous parlons ici de l'âge du consentement pour des fins pénales, pour ce qui est des infractions relatives à l'exploitation sexuelle et aux comportements criminels ou prédateurs, ou d'autres aspects concernant l'âge du consentement, qui est parfois de 18 ans, notamment pour la pornographie juvénile et la prostitution juvénile, ou lorsque des personnes sont en position de confiance ou d'autorité et les victimes dans une position de dépendance—ou 14 ans, lorsqu'il s'agit d'activités sexuelles consensuelles entre adolescents. Cet âge était de 12 ans mais il a été relevé à 14 ans en 1890.
Nous parlons donc d'un type d'activité qui est interdit par le droit pénal, ce qui est différent de la question du consentement exigé pour la célébration du mariage, les permis de conduire ou les choses de ce genre. Ce sont donc deux catégories différentes.
M. Joe Comartin: Cela pourrait créer une anomalie : les enfants auraient le droit de se marier mais pourraient être poursuivis en vertu du Code criminel.
L'hon. Irwin Cotler: Vous pourriez en arriver à une telle situation mais en conservant l'âge du consentement à 14 ans, on évite de criminaliser certaines activités sexuelles, comme cela a été mentionné. De cette façon, l'État ne se mêle pas de la vie des adolescents et d'activités qui sont considérées de nos jours comme normales, comme le fait de s'embrasser et ce genre de choses.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie monsieur le ministre et ses collaboratrices d'être ici aujourd'hui.
Lorsqu'on réfléchit à la question de la pornographie juvénile par rapport à l'opinion de la population à ce sujet, on dirait que les citoyens sont fortement influencés par les préoccupations qu'a exprimées le juge qui a rendu l'arrêt Sharpe et les commentaires qu'il a faits à l'époque. Je me demande si vous pourriez nous décrire comment aurait été jugé aujourd'hui l'affaire Sharpe si le projet de loi que vous proposez était adopté?
L'hon. Irwin Cotler: Examinons le droit à la lumière de l'arrêt Sharpe, dans l'hypothèse où ces propositions auraient été adoptées à l'époque, en 2002. Est-ce que l'issue de l'affaire Sharpe aurait été différente? Cela nous permettra de comprendre l'importance de ce projet de loi en l'appliquant de façon rétroactive.
Je dirais que, si le projet de loi avait été en vigueur, l'issue de cette affaire aurait été différente. Vous vous souvenez, comme je l'ai indiqué, que M. Sharpe a été déclaré coupable de possession d'images de pornographie juvénile mais acquitté des accusations concernant les écrits dont il était l'auteur. L'acquittement prononcé à l'époque se fondait sur la conclusion que les écrits en question n'étaient pas visés par la définition d'écrit de pornographie juvénile parce que ces écrits ne préconisaient pas l'exercice d'activités sexuelles prohibées avec des enfants. À titre subsidiaire, comme je l'ai indiqué dans ma réponse à M. MacKay, la cour a jugé que M. Sharpe aurait pu invoquer le moyen de défense fondé sur le mérite artistique.
L'aspect important de cette affaire qui touche le projet de loi et la façon dont il se serait appliqué à l'affaire Sharpe, c'est que le projet de loi C-2 propose d'élargir la définition d'écrit pornographique de façon à englober les écrits qui décrivent des activités sexuelles interdites avec des enfants, lorsque cette description constitue une caractéristique dominante de l'oeuvre et qu'elle est présentée dans un but sexuel. Cette définition se serait appliquée à ce que M. Sharpe avait fait dans cette affaire.
Deuxièmement, le projet de loi C-2 propose un moyen de défense à deux volets, axé sur le préjudice et le but légitime. Avec ce critère, il n'aurait pas suffi de montrer, comme M. Sharpe l'avait fait dans cette affaire, que l'écrit avait une valeur artistique. Aux termes du projet de loi C-2, et c'est là un point essentiel, ce moyen de défense ne peut être invoqué, même lorsque l'oeuvre possède une valeur artistique, comme le soutenait M. Sharpe dans cette affaire, lorsque l'utilisation de l'écrit pose un risque indu pour les enfants. Le principe du risque qui sous-tend ce projet de loi et que l'on retrouve dans l'idée de risque indu pour les enfants n'existait pas au moment de l'affaire Sharpe, de sorte que l'élargissement de la définition de l'infraction combiné à une réduction de la portée du moyen de défense, ces deux éléments pris ensemble, auraient modifié l'issue de l'affaire Sharpe.
À (1025)
L'hon. Paul Harold Macklin: J'aimerais également avoir votre avis... Lorsque vous parlez à vos homologues provinciaux et territoriaux, ils vous font des commentaires. Vous ont-ils formulé des commentaires au sujet de ce projet de loi et vous ont-ils dit ce qu'ils en pensaient?
L'hon. Irwin Cotler: La question de la protection des personnes vulnérables, en particulier la protection des enfants, et dans ce cas-ci, la protection des enfants en matière de pornographie juvénile et d'exploitation, la facilitation de l'audition des témoins et des victimes, les différentes composantes de ce projet de loi, y compris les infractions de voyeurisme, ont suscité, je dirais, non seulement une réponse positive mais enthousiaste de la part de mes homologues. Je dirais qu'il était évident qu'ils étaient favorables à ce projet de loi. Nous en avons parlé directement dans les discussions que nous avons eues avec les ministres FPT. Je n'aime pas parler pour les autres mais je dirais que leurs remarques reflétaient clairement un consensus à ce sujet.
L'hon. Paul Harold Macklin: J'aimerais passer à un autre sujet, celui de la facilitation des témoignages. Je ne pense pas que nous en ayons parlé aujourd'hui. Le projet de loi porte principalement, comme vous l'avez mentionné, sur la victimisation des enfants mais il y a de nombreuses victimes adultes dont on peut dire qu'elles sont victimisées une nouvelle fois par la façon dont notre système de justice fonctionne; par exemple, les victimes d'agression sexuelle et les victimes de violence conjugale. J'aimerais savoir comment ce projet de loi va changer les choses pour ces personnes, lorsqu'elles seront amenées à témoigner et à comparaître devant nos tribunaux?
L'hon. Irwin Cotler: Le projet de loi et notre discussion d'aujourd'hui ont principalement porté, ce qui est tout à fait légitime, sur la protection des personnes les plus vulnérables, en matière de pornographie juvénile et de comportements prédateurs axés sur l'exploitation sexuelle. Mais il y a beaucoup de victimes adultes qui sont victimisées une nouvelle fois par notre système de justice pénale, en particulier les victimes d'agression sexuelle et celles de violence conjugale. Le projet de loi C-2 introduit un certain nombre de réformes qui ont pour but de mieux les protéger, en particulier les victimes d'agression sexuelle, les victimes de harcèlement criminel, les victimes de violence familiale, qui sont, comme je l'ai indiqué, susceptibles d'être victimisées à nouveau lorsqu'elles témoignent, en raison de la nature de l'infraction, de leur relation avec l'accusé, ou de leur situation personnelle. Cette loi vise à les protéger, tout en protégeant également les droits de l'accusé.
Autrement dit, nous essayons, avec ce projet de loi, d'étendre les aides testimoniales aux victimes adultes dans certaines circonstances, en fonction des différents droits à concilier. Les aides testimoniales et la protection accordée aux témoins, dont bénéficient actuellement uniquement les jeunes victimes de moins de 18 ans, seront offertes aux témoins adultes lorsque cela est nécessaire pour qu'ils puissent donner une version complète et sincère des actes à l'origine des accusations. Le tribunal tiendra compte de la nature de l'infraction. Il examinera les relations existant entre le témoin et l'accusé, l'âge du témoin, et d'autres facteurs pour décider, par exemple, s'il y a lieu d'autoriser une personne de confiance à accompagner le témoin, d'autoriser celui-ci à déposer à l'aide d'une télévision en circuit fermé ou derrière un écran, ou s'il y a lieu d'interdire à l'accusé qui se représente lui-même de contre-interroger lui-même le témoin. Il existe donc diverses mesures de protection dont peuvent bénéficier les témoins et les victimes adultes dans les circonstances et pour les fins que j'ai décrites.
J'aimerais ajouter que le Code criminel prévoit déjà des ordonnances d'interdiction visant à protéger l'identité des victimes et des témoins et l'exclusion du public de la salle d'audience dans certaines circonstances. Ces protections sont particulièrement intéressantes pour les victimes de violence familiale ou de harcèlement sexuel.
Voilà qui vous fournit une idée générale de la façon dont ce projet de loi facilitera non seulement le témoignage des victimes et des témoins de moins de 18 ans mais également celui des victimes et des témoins qui sont adultes dans les cas que j'ai mentionnés, à savoir le harcèlement sexuel, le harcèlement criminel, l'agression sexuelle et la violence familiale.
À (1030)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Merci, monsieur Macklin.
Monsieur Warawa.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci d'être venu aujourd'hui.
Vous avez déclaré au début de la séance que l'on pouvait savoir si une société était juste en examinant la façon dont elle protégeait les citoyens les plus vulnérables, par exemple, nos enfants. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il convient d'examiner sérieusement ce projet de loi, le projet de loi C-2, et les objectifs qu'il recherche. Va-t-il vraiment protéger nos enfants? Je crains que non.
Vous avez également mentionné que le projet de loi C-2 se situait dans le prolongement des projets de loi précédents et de diverses recommandations, dont certaines émanaient du comité.
La Fédération canadienne des municipalités, l'Association canadienne des chefs de police et la plupart des Canadiens pensent qu'il faudrait faire passer de 14 à 16 ans l'âge à partir duquel un mineur peut consentir à des relations sexuelles avec un adulte. Je suis d'accord avec eux. Cela semble être la norme internationale. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas accepté de relever cet âge, comme le recommandait la Fédération canadienne des municipalités, qui représente des municipalités des différentes régions du Canada? C'était une décision unanime. Ils ont présenté cette motion au gouvernement fédéral plusieurs années de suite, et l'année dernière encore. L'Association canadienne des chefs de police représente les services de police du Canada. Les policiers qui travaillent sur le terrain voient que nos adolescents se livrent à la prostitution et à la pornographie juvénile et qu'ils en sont les victimes. Ils craignaient qu'avec un âge limite fixé à 14 ans, nos enfants puissent être amenés à se livrer à ce genre d'activité très grave à cause des lacunes de nos lois.
Voilà une de mes questions.
Monsieur le ministre, j'aimerais également vous demander des précisions au sujet des peines avec sursis et des peines minimales. Mon collègue, M. Marceau, a posé des questions sur les peines minimales. Vous avez notamment répondu que ces peines avaient pour effet d'augmenter le coût de l'incarcération. Je crois que vous avez mentionné le principe selon lequel notre gouvernement fédéral était responsable d'assurer la sécurité des citoyens canadiens. Nos enfants étant des citoyens vulnérables, nous devons leur assurer une protection.
Les tribunaux possèdent, et devraient posséder, un pouvoir discrétionnaire mais ils devraient également fixer des lignes directrices. Affirmer que nous allons tripler la durée des peines en les faisant passer de six à dix-huit mois ne me rassure guère. Je pense qu'il faudrait avoir des lignes directrices concernant les peines minimales. Une peine maximale de dix-huit mois n'est pas satisfaisante, parce que nous savons que, traditionnellement, les détenus sont libérés après avoir purgé un tiers de leur peine et qu'ils sont ensuite relâchés dans la collectivité. C'est la norme. Une peine de dix-huit mois représente en fait une peine de six mois; ce serait la norme pour la personne qui a commis une infraction relative à la pornographie juvénile.
Pour ce qui est des peines avec sursis, je trouve très inquiétant que des personnes déclarées coupables de certaines infractions purgent leur peine à la maison.
J'ai une... Je vais simplement lire...
À (1035)
Le président: Il faut garder un peu de temps pour les réponses.
M. Mark Warawa: Dans ma circonscription de Langley, un pédophile de 22 ans—et je tairai son nom par respect pour sa famille—vient de recevoir une peine avec sursis lui permettant de vivre dans sa résidence, qui se trouve tout à côté de celle de ses victimes de cinq et six ans.
Ces victimes sont continuellement victimisées par la présence de la personne qui a commis cette infraction contre ces enfants dans la maison d'à-côté. Je ne pense pas que cela devrait être permis.
Il y a également Alexander Bathgate, qui vient d'être libéré dans une collectivité voisine. Bathgate avait déjà été condamné trois fois pour des infractions sexuelles commises contre de jeunes enfants. Il a été libéré dans la collectivité. Craignant qu'il ne récidive, les services de police l'ont fait savoir à la collectivité. Il a volé une voiture, il s'est enfui et a été rattrapé en Saskatchewan.
Je pense, monsieur le ministre, que ce n'est pas ainsi que nous obtiendrons une société juste. Nous ne protégeons pas nos citoyens; nous ne protégeons pas nos enfants. J'aimerais avoir vos commentaires sur ces points.
Merci.
L'hon. Irwin Cotler: En me posant la question essentielle, à savoir est-ce que cela protégera nos enfants?, vous m'avez donné une occasion dont je vais profiter. En fait, c'est bien là le but essentiel de ce projet de loi. Vous me donnez l'occasion de vous dire quelque chose que je vous ai peut-être déjà dite. Si je l'ai déjà fait, je vous demande de m'excuser de la répéter mais je vais continuer à en parler.
C'est ma fille qui m'a donné, quand elle avait 15 ans, la meilleure leçon que j'ai jamais reçue pour ce qui est des droits de la personne. Elle a maintenant 25 ans. Elle m'a dit « Papa, est-ce que tu veux savoir quel est le vrai critère pour les droits de la personne? Demande-toi toujours quel que soit le moment, quelle que soit la situation, quelle que soit la partie du monde concernée, si c'est bon pour les enfants. Est-ce que ce qui se passe est bon pour les enfants? Voilà le véritable critère des droits de la personne, papa. » Cette remarque m'a toujours guidé et inspiré bien avant que j'occupe ce poste temporaire et c'est en fait l'idée dont s'inspire ce projet de loi : ce projet est-il bon pour les enfants?
Cela m'amène aux aspects particuliers que vous avez soulevés, à savoir l'âge du consentement et la raison pour laquelle nous ne le faisons pas passer de 14 à 16 ans—et vous avez également fait référence à la Fédération canadienne des municipalités. Je ne voudrais pas trop m'alourdir sur ce point mais ma réponse à ce genre de remarque est qu'il faut toujours examiner cette question à la lumière de deux choses; la première est qu'un comportement sexuel non consensuel, quel que soit l'âge des personnes concernées, constitue une agression sexuelle; deuxièmement, pour ce qui est de l'exploitation des adolescents, de la prostitution juvénile, de la pornographie juvénile; des relations sexuelles imposées sous le couvert de la confiance, de l'autorité et de la dépendance, l'âge est déjà fixé à 18 ans; et troisièmement, pour les raisons que j'ai mentionnées et que je ne vais pas répéter, nous avons créé une nouvelle catégorie d'exploitation sexuelle des adolescents âgés de 14 à 18 ans et nous avons aujourd'hui choisi l'âge de 14 ans pour le consentement à toutes les autres formes d'activités sexuelles, parce que nous ne voulons pas criminaliser le genre d'activités sexuelles que pratiquent de nos jours, comme nous le savons, les adolescents. Nous cherchons donc, en utilisant le Code criminel, à protéger lorsque cela est nécessaire les adolescents vulnérables lorsqu'ils se trouvent dans des situations dangereuses mais nous ne voulons pas que le Code criminel régisse toutes les relations que peuvent avoir les adolescents.
Pour ce qui est des peines avec sursis, comme je l'ai dit, cette mesure a fait l'objet d'un appui général, sur le plan des principes, au cours de notre réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice; nous sommes toutefois au courant des exemples que vous avez fournis et qui ont été mentionnés au cours de cette réunion. C'est pourquoi nous avons dit qu'il fallait examiner les raisons pour lesquelles les pénalités avec sursis étaient dans certains cas mal utilisées et voir ce qu'il est possible de faire pour améliorer cet aspect. C'est la raison pour laquelle nous avons confié l'étude de cette question à notre groupe de travail sur les peines. Nous n'avons pas voulu que la mauvaise utilisation de ces peines nous empêchent de les appliquer lorsqu'elles sont justifiées.
Enfin, sur la question des peines en général, le projet de loi ne se contente pas de renforcer les peines dans plusieurs secteurs, même si c'est un aspect important. Ce projet de loi n'a pas uniquement pour effet d'augmenter la peine maximale applicable à toutes les infractions de pornographie juvénile poursuivies selon la procédure sommaire, en le faisant passer de six à dix-huit mois; il fait également de la perpétration de n'importe quelle infraction de pornographie juvénile dans l'intention d'en retirer un bénéfice une circonstance aggravante pour ce qui est des peines. Nous avons fait passer de six à dix-huit mois la peine maximale pour les infractions reliées aux enfants, lorsqu'elles sont poursuivies par déclaration sommaire de culpabilité. Nous avons multiplié par deux la peine maximale dont est passible, par voie de mise en accusation, l'exploitation sexuelle d'un adolescent, en la faisant passer de cinq à dix ans. Nous avons augmenté la peine maximale dont est passible, par voie de mise en accusation, l'omission de fournir les choses nécessaires à l'existence et l'abandon d'enfants, en la faisant passer de deux à cinq ans. Mais l'élément le plus important—et c'est bien souvent un aspect qui tend à être minimisé mais sur lequel il convient d'insister—est que dans tous les cas—et je répète dans tous les cas—d'agression d'enfants, le projet de loi oblige—et là encore je répète oblige—les tribunaux à accorder « une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d'un tel comportement », comme cela est énoncé à l'article 718.01 du Code criminel. Enfin, dans tous les cas d'agression d'enfants, l'agression constitue une circonstance aggravante pour la fixation de la peine.
Ce projet de loi propose donc un mécanisme complet de fixation des peines qui vise non seulement à aggraver la durée des peines prévues mais qui fournit également aux tribunaux des directives précises qui font ressortir toute l'importance—comme cela a été très justement mentionné ici par mes collègues—de la dénonciation et de la dissuasion.
À (1040)
Les tribunaux sont maintenant obligés de donner à ces aspects une attention particulière lorsqu'ils fixent une peine. Je crois que c'est une des seules fois que l'on utilise le Code criminel pour faire ressortir l'importance d'un projet de loi et de son objectif.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Maloney.
M. John Maloney (Welland, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, j'ai écouté votre réponse à la question qu'avait posée M. Macklin au sujet des aides testimoniales. Avec le renforcement de la protection accordée aux témoins, je suis heureux de voir que ces dispositions sont sensibles aux cas des jeunes enfants, maintenant que nous accordons ces aides à tous les témoins. Mais comment concilier cela avec le principe de la publicité des débats, de la présence du public et d'un appareil judiciaire transparent?
Même pour des petites choses comme l'appréciation du comportement du témoin, son langage corporel, etc., comment concilier ces deux principes? Il y a là une personne qui est accusée d'avoir commis une infraction très grave. Elle a certainement le droit à une défense pleine et entière et à être également protégée. Comment réconcilier ces deux principes?
L'hon. Irwin Cotler: Je pense que le projet de loi vise essentiellement à concilier ces deux principes. J'ai eu l'avantage d'en parler avec mes collaborateurs mais je n'ai peut-être pas suffisamment sollicité leur expertise ce matin. C'est pourquoi j'aimerais maintenant donner la parole à Catherine Kane parce que c'est un sujet qu'elle connaît bien.
Mme Catherine Kane (avocate-conseil / directrice, Centre de la politique concernant les victimes, ministère de la Justice): Merci.
Il existe un certain nombre de dispositions qui, comme le ministre l'a noté, ont pour but de faciliter les témoignages mais nous avons essayé de rédiger le projet de loi en respectant le droit de l'accusé à une défense peine et entière.
Ces dispositions existent déjà dans le Code criminel. Nous avons renforcé les dispositions du Code criminel qui ont été ajoutées au cours des années, dans le but de faciliter la déposition des victimes et des témoins. Ces dispositions visaient pour la plupart les adolescents de moins de 18 ans, et dans certains cas, de moins de 14 ans. Avec ces nouvelles dispositions, nous indiquons clairement que nous privilégions trois catégories, les personnes de moins de 18 ans, les témoins adultes vulnérables, et dans une catégorie spéciale, les victimes de harcèlement criminel, qui bénéficient toutes des dispositions qui ont pour but de faciliter les témoignages dont nous avons parlé. Par exemple, le recours à un écran de façon à ce que le témoin puisse déposer derrière un écran ou par télévision en circuit fermé n'empêche pas l'accusé de voir cette personne. C'est le témoin qui ne voit pas l'accusé. Ils peuvent s'entendre et communiquer simultanément. Cela ne compromet aucunement les droits de l'accusé, notamment la possibilité pour son avocat de contre-interroger cette personne, d'entendre le témoignage et même de voir le comportement du témoin.
Le témoin peut être accompagné par une personne de confiance mais celle-ci n'a pas le droit d'influencer le témoin ou de lui parler au cours de sa déposition. Elle est vraiment là pour le soutenir; c'est une personne que le témoin connaît bien qui est à côté de lui lorsqu'il fait sa déposition.
Les ordonnances de non-publication sont déjà prévues par le Code criminel. Il existe des critères assez rigoureux que le tribunal doit prendre en considération, notamment les effets bénéfiques et préjudiciables d'une telle ordonnance d'interdiction. Ces dispositions s'inspirent de la jurisprudence qui a souligné l'importance de la liberté d'expression ainsi que de la protection des droits des victimes et des témoins.
Pour ce qui est de la protection offerte contre le contre-interrogatoire par l'accusé, là encore il s'agit de concilier le droit de l'accusé à se défendre lui-même, qui fait partie de son droit à une défense pleine et entière, et la protection du témoin. Le tribunal refusera parfois la nomination d'un avocat dans ce genre de circonstances mais le projet de loi fournit aux tribunaux certaines directives sur les facteurs à prendre en considération, comme la nature de la relation existant entre l'accusé et le contrevenant, l'âge du témoin, la nature de l'infraction et d'autres circonstances pertinentes.
Nous estimons avoir fourni aux tribunaux des lignes directrices suffisantes, mais nous n'avons privilégié ni la protection des victimes, ni les droits de l'accusé. Chaque affaire doit être examinée en fonction de ses circonstances. Ces dispositions introduisent une grande souplesse dans ce domaine.
À (1045)
M. John Maloney: Merci de m'avoir fourni une réponse aussi complète.
Dans la même veine, comment définissez-vous un témoin vulnérable, un témoin adulte vulnérable?
Mme Catherine Kane: Le projet de loi ne définit pas ces termes. C'est simplement une expression que nous utilisons pour désigner le groupe qui a le droit de bénéficier de ces protections.
Nous avons mentionné les facteurs dont le tribunal doit tenir compte parce qu'ils touchent la vulnérabilité particulière de la personne concernée, mais ces personnes ne sont pas vulnérables par elles-mêmes. Elles sont vulnérables à cause de la présence d'une série de facteurs, la nature de l'infraction qui a été commise, la relation avec l'accusé, par exemple.
Ces catégories visent en fait les personnes de moins de 18 ans et celles de plus de 18 ans qui sont des adultes. À l'intérieur de ces catégories d'adultes, il y a les victimes de harcèlement criminel qui bénéficient d'une protection spéciale en cas de contre-interrogatoire mené par un accusé qui se représente lui-même.
M. John Maloney: J'essaie encore de comprendre la présence de la notion de bien public dans l'infraction de voyeurisme, aspect dont vous avez parlé dans votre discussion avec M. Comartin, je crois que c'était bien avec lui. Pourriez-vous peut-être m'éclairer, madame Lafontaine, sur ce que peut faire le bien public avec le voyeurisme?
Mme Lisette Lafontaine: Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne prévoyons pas que ce genre de circonstances se produirait mais cela pourrait arriver; il s'agit plus d'une précaution et de la volonté d'éviter que les tribunaux n'estiment que cette infraction est tellement large qu'elle contrevient à la Charte. Si nous avions pensé à quelque chose de très précis que nous ne voulions pas voir visé par cette infraction, nous l'aurions exclu mais ce moyen de défense vise davantage à couvrir les circonstances imprévues.
Le président: Merci beaucoup.
Allez-y, vous avez la parole, monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Madame Lafontaine, il me semble, compte tenu du talent des juristes qui se trouvent à votre ministère, que si vous n'avez pas réussi à trouver une seule raison pour laquelle il pourrait y avoir un moyen de défense, il n'y a pas de raison de le garder. Je ne comprends pas cela.
D'autre part, je ne vois pas pourquoi, en ce qui concerne le voyeurisme, vous avez gardé la notion de défense du « bien public », alors que pour la pornographie infantile vous avez changé « bien public » par « but légitime ». Lorsque j'ai eu mon briefing de la part des officiels de votre ministère, le 12 octobre 2004, on m'a dit que le bien public et le but légitime, ça se ressemble pas mal.
Mme Lisette Lafontaine: La première raison pour laquelle on a gardé « la défense de bien public », est qu'elle s'applique particulièrement bien dans le cas de cette infraction. La défense a été modifiée dans le cas de la pornographie juvénile, mais pour d'autres raisons.
Il y a une chose importante à noter. Comme le ministre l'a mentionné, la défense de bien public est la seule défense qui s'applique à l'infraction de voyeurisme, alors que dans le cas de la pornographie juvénile, on doit tenir compte du mérite artistique ou de certains buts de science.
On ne tient pas compte de cela dans le voyeurisme. On prévoit seulement une défense de bien public si, dans certains cas, il devenait absolument nécessaire pour le bien public de dissimuler une caméra dans un endroit précis. C'est le cas, par exemple, lorsqu'on se sert d'une chambre d'hôtel dans un but qui n'aurait rien à voir avec les comportements qu'on veut prévenir, mais qui pourrait servir, par exemple, à observer... Les chambres d'hôtel ne servent pas uniquement à dormir où à se rencontrer, on s'en sert aussi pour faire du trafic ou autre chose. Normalement, c'est la police qui pourra le faire.
Il pourrait y avoir d'autres raisons comme, par exemple, la diffusion d'images. C'est le cas des images captées puis transmises à Radio-Canada ou à d'autres moyens de communication. Dans un cas extrême, il pourrait s'agir d'un cover up, et la seule façon de révéler l'affaire serait de publier ces images. Ce sont des cas extrêmes.
À (1050)
M. Richard Marceau: Ce n'est pas du voyeurisme, ce que vous expliquez.
Mme Lisette Lafontaine: Non, et ça ne devrait pas l'être, mais c'est inclus dans la définition de l'infraction. Le voyeurisme inclut le fait de placer une caméra dans une chambre d'hôtel et de filmer une personne qui, dans la situation où elle se trouve, s'attend à un respect de sa vie privée.
M. Richard Marceau: Je ne suis pas convaincu, mais je présume qu'on va avoir le temps d'étudier cela en comité.
Monsieur le ministre, vous aurez noté, malgré votre allergie aux peines minimales, que si les conservateurs, qui semblent assez favorables à cela, m'appuient dans ma démarche, le projet de loi C-2 comportera des peines minimales pour les infractions touchant à la pornographie infantile. J'espère que votre ministère sera prêt à appliquer le projet de loi ainsi modifié, car 4 plus 2 font 6, ce qui veut dire que les amendements nécessaires seraient adoptés en comité.
Je dis seulement qu'il est temps de commencer à vous y préparer, car cela va s'appliquer à ce projet de loi.
Le président: Est-ce que vous donnez un avis?
M. Richard Marceau: Je suis tellement transparent que, dans une optique de bonnes relations, je dis tout de suite ce qui va se passer.
L'hon. Irwin Cotler: Je ne voudrais pas tenter de prévoir l'avenir de ce processus. Je ne veux pas dire non plus que je suis allergique à toute proposition. Après avoir réfléchi et étudié les rapports que j'ai partagés avec vous, j'invite mon collègue M. Marceau à faire la même chose. Nous faisons maintenant une étude ensemble de tous ces éléments. Comme je l'ai dit au début, si on peut améliorer ce projet de loi, je ferai preuve d'ouverture.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
[Traduction]
Il nous reste cinq minutes et notre salle va être utilisée par un autre comité.
J'ai M. Moore et M. Breitkreuz sur ma liste, et vous devrez donc vous partager ces cinq minutes pour pouvoir prendre la parole.
Nous avons également à l'ordre du jour les travaux futurs du comité. Nous remettrons l'examen de cette question à jeudi. Je sais que M. Comartin et M. Breitkreuz ont présenté des motions; nous les examinerons donc jeudi.
Monsieur Moore.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, pour ce qui est de ma motion, je souhaitais de toute façon qu'elle soit examinée jeudi.
Le président: Très bien. Merci.
Monsieur Moore.
M. Rob Moore (Fundy Royal): Merci de me donner la possibilité de prendre la parole.
Je veux soulever un aspect qui touche l'ensemble du projet de loi. J'ai dans ma circonscription une électrice qui travaille depuis 10 ans sur la question du voyeurisme. Je sais qu'elle vous a écrit, monsieur le ministre. Je pense que sa fille a été victime d'un voyeur qui l'a photographiée. Elle se considère comme une véritable victime mais elle pense également qu'elle est doublement victimisée parce qu'il n'existe pas de disposition qui traite expressément de ce genre de chose. Cela la frustre et je lui ai dit que je pensais que les différents partis seraient tout à fait disposés à appuyer les dispositions concernant le voyeurisme.
J'ai constaté que chaque fois que ce projet de loi ou ses incarnations antérieures ont été examinés par le comité, les dispositions relatives au voyeurisme n'ont guère suscité de débat. La discussion est toujours revenue sur la pornographie juvénile et le fait que nous estimons que les moyens de défense sont trop larges. Je voudrais faire quelques remarques.
La pornographie juvénile est définie dans le Code criminel. Cette pornographie montre de façon explicite les activités sexuelles de mineurs de 18 ans. La caractéristique dominante à des fins sexuelles sont les organes sexuels, entre autres, des adolescents. Je crois que l'on oublie parfois dans ce débat qu'il existe une définition de la pornographie juvénile. Lorsque les gens pensent au mérite artistique, ils pensent aux photos d'Anne Geddes, et à ce genre de choses, ou à un but légitime lié à l'art. Ce n'est pas ce dont nous parlons. Nous parlons de quelque chose qui est défini de façon très précise.
Lorsqu'on examine le raisonnement qu'a tenu la Cour suprême dans l'arrêt Sharpe, lorsque la cour a examiné la question du mérite artistique, elle a parlé de « toute forme d'expression pouvant raisonnablement être considérée comme de l'art » et de «toute valeur artistique objectivement établie, si minime soit-elle». C'est la même juridiction qui interprétera et appliquera ces dispositions de la façon la plus large possible, parce que c'est un principe fondamental qu'en droit pénal, il faut donner aux moyens de défense une interprétation large lorsqu'il s'agit d'un but légitime lié à l'art. Je crois que c'est le problème.
Pourquoi ne pas retirer de ce projet de loi les dispositions relatives au voyeurisme pour pouvoir les adopter plus rapidement? De plus, alors que nous avons une définition de la pornographie juvénile... Cela ne concerne pas les policiers; cela ne concerne pas la recherche qu'effectuent les scientifiques ou les professionnels de la médecine; cela concerne directement l'art. Pourquoi cette description s'accompagne-t-elle d'un moyen de défense qui sera appliqué aussi largement que possible et qui pourrait entraîner les mêmes résultats que ceux de l'arrêt Sharpe?
Merci.
À (1055)
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, je tiens à dire que, pour nous, les dispositions relatives au voyeurisme sont importantes. Nous pensons également que l'objet du projet de loi, tel qu'il ressort de son titre, est la protection des enfants et des autres personnes vulnérables; par conséquent, nous considérons que tous les éléments du projet de loi—ce projet réforme cinq aspects du droit pénal matériel, dont notamment le voyeurisme... Toutes ces réformes portent sur la question de la protection des personnes vulnérables, et c'est pourquoi elles sont présentées ensemble, en particulier puisqu'il s'agit de protéger les plus vulnérables d'entre les vulnérables, à savoir les enfants.
Pour ce qui est des enfants et de la pornographie juvénile, je pense que nous ne reconnaissons pas suffisamment le fait que dans ce domaine, nous cherchons à apporter, notamment, deux réformes fondamentales.
La première consiste à élargir la définition de ce qui constitue un écrit aux fins de la pornographie juvénile, ce qui répond à une lacune qu'a fait ressortir l'arrêt Sharpe. Constitue désormais de la pornographie juvénile tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, activités sexuelles avec des enfants, définition qui aurait visé ce qu'avait fait M. Sharpe.
Parallèlement, le projet de loi restreint le moyen de défense que l'on peut invoquer en matière de pornographie juvénile, comme je l'ai mentionné plus tôt, et par conséquent, le moyen de défense qu'il a invoqué, celui du mérite artistique, ne serait plus recevable, comme je l'ai indiqué dans la réponse que j'ai fournie à M. Macklin.
Ainsi, le fait de combiner l'élargissement de l'infraction et le resserrement du moyen de défense empêcheraient la Cour suprême de rendre, avec le projet de loi proposé, la décision qu'elle a prononcée dans l'affaire Sharpe.
Enfin, pour conclure, je tiens à dire que notre approche à la pornographie juvénile ne se limite pas uniquement à élargir l'infraction comme je l'ai décrit, ni à resserrer le moyen de défense pour l'axer sur les notions de préjudice et de but légitime, mais également... Nous avons créé de nouvelles infractions concernant la publicité de la pornographie, les enregistrements sonores; nous avons aggravé les peines. Pour résumer, monsieur le président, l'approche que nous avons adoptée pour la pornographie juvénile reflète celle que nous avons adoptée à l'égard de l'ensemble de ce projet de loi, à savoir protéger les plus vulnérables d'entre les vulnérables, nos enfants, contre les pratiques prédatrices, comme la pornographie juvénile, et contre toutes les formes d'exploitation sexuelle, d'abandon et d'agression.
Á (1100)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Moore, il est 11 heures et nous allons devoir quitter la salle.
Merci, monsieur le ministre, d'être venu avec vos collaboratrices.
Notre prochaine réunion aura lieu jeudi. La séance est levée.