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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 7 avril 2005




¿ 0905
V         Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.))
V         Mme Judy Williams (responsable des relations gouvernementales, Federation of Canadian Naturists)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         M. Charles Montpetit (responsable du Comité liberté d'expression, Union des écrivaines et des écrivains québécois)

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Jean Malavoy (directeur général, Conférence canadienne des arts)

¿ 0930
V         Me Frank Addario (avocat, Sack Goldblatt Mitchell, Conférence canadienne des arts)

¿ 0935
V         Le président
V         M. Harold Stead (directeur, Entrepreneurs Against Pedophiles)

¿ 0940

¿ 0945
V         Le président
V         M. Harold Stead
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)

¿ 0950
V         M. Harold Stead
V         M. Vic Toews
V         M. Harold Stead
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Charles Montpetit

¿ 0955
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)
V         M. Charles Montpetit
V         M. Richard Marceau

À 1000
V         M. Charles Montpetit
V         M. Richard Marceau
V         M. Charles Montpetit
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Jean Malavoy

À 1005
V         Le président
V         M. Stéphane Deschênes (président, Federation of Canadian Naturists)
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         Me Frank Addario

À 1010
V         M. Joe Comartin
V         Me Frank Addario

À 1015
V         Le président
V         Me Frank Addario
V         Le président
V         M. Charles Montpetit
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. Charles Montpetit
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Me Frank Addario

À 1020
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Harold Stead
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Stéphane Deschênes
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Charles Montpetit

À 1025
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)

À 1030
V         M. Harold Stead
V         Le président
V         M. Jean Malavoy
V         Me Frank Addario
V         Le président
V         M. Charles Montpetit

À 1035
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Charles Montpetit
V         Mme Judy Williams
V         M. Mark Warawa
V         Mme Judy Williams
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Me Frank Addario

À 1040
V         M. Richard Marceau
V         Me Frank Addario
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)

À 1045
V         Le président
V         M. Harold Stead
V         Mme Anita Neville
V         M. Harold Stead
V         Le président
V         M. Jean Malavoy

À 1050
V         Le président
V         M. Charles Montpetit
V         Le président
V         M. Stéphane Deschênes
V         Mme Judy Williams
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)

À 1055
V         Le président
V         M. Charles Montpetit
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Charles Montpetit
V         Le président
V         Me Frank Addario
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Harold Stead

Á 1100
V         Le président
V         M. Jean Malavoy
V         Le président
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Français]

+

    Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Nous pouvons commencer cette séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. Nous continuons notre étude du projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.

[Traduction]

    Ce matin, nous accueillons comme témoins, de la Federation of Canadian Naturists, Judy Emily Williams, responsable des relations intergouvernementales,

[Français]

et Stéphane Deschênes, président; de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, M. Charles Montpetit, responsable du Comité liberté d'expression; de la Conférence canadienne des arts, M. Jean Malavoy, directeur général,

[Traduction]

    et Frank Addario, avocat, et, d'Entrepreneurs Against Pedophiles, Harold Douglas Stead, directeur.

    Donc, chaque groupe de témoins a dix minutes pour faire une déclaration, après quoi nous passons aux questions.

    Nous allons donc commencer par entendre la Federation of Canadian Naturists.

    Qui prendra la parole, madame Williams ou monsieur Deschênes?

[Français]

qui va commencer?

[Traduction]

+-

    Mme Judy Williams (responsable des relations gouvernementales, Federation of Canadian Naturists): Permettez-moi d'abord de vous remercier de m'avoir invitée à venir témoigner devant vous aujourd'hui.

    Je suis accompagnée de Stéphane Deschênes, président de la fédération. Diane Archambault, présidente de la fédération québécoise, devait être présente aujourd'hui, mais je ne la vois pas. Elle est peut-être en retard.

    Nous avons fait distribuer deux magazines naturistes portant sur les enfants et le naturisme, ce matin.

    Une des tâches les plus importantes qui revient à la société d'aujourd'hui est de protéger ses enfants. Rien n'est plus essentiel. Par conséquent, nul ne peut s'opposer au sens du projet de loi C-2. Cependant, les naturistes et les nudistes craignent que le projet de loi C-2, dans sa version actuelle, n'associe leur manière de vivre à la pornographie et au voyeurisme. Tout au long de mes 40 ans d'enseignement, j'ai été témoin des effets de la violence et de la pornographie sur la vie des enfants. Les naturistes craignent que le projet de loi C-2 tel que proposé criminalise la nudité et décourage toute interaction normale, innocente et inoffensive entre les membres de la communauté naturiste. Cela, à notre avis, va à l'encontre de notre droit d'élever nos enfants comme la nature l'a voulu, c'est-à-dire dans l'acceptation de leur corps, sans éprouver de honte.

    Le nudisme, ou naturisme, fait partie intégrante de notre manière de vivre et d'exprimer notre identité. Il nous permet d'inculquer à nos enfants les valeurs de respect et de tolérance à l'égard d'eux-mêmes, d'autrui et de l'environnement. Il permet à nos enfants de grandir en acceptant la nature physique des deux sexes et de tous les âges sans honte ou crainte. Actuellement, nous représentons littéralement des millions de naturistes dans le monde. Un récent sondage commandé par notre fédération a révélé que 6,1 millions de Canadiens possèdent déjà une expérience de la nudité en commun ou sont prêts à l'essayer. Des millions de naturistes contribuent chaque année à l'économie nord-américaine des biens et services valant entre 4 et 7 milliards de dollars.

    Bien que nous nous préoccupions également de la liberté artistique et de la liberté de presse au Canada, d'autres groupes vont vous en parler aujourd'hui, de sorte que nous allons nous concentrer principalement sur la proposition du projet de loi C-2 qui interdit l'observation ou la captation visuelle subreptice, le voyeurisme qui en découle, ainsi que l'assimilation de la simple nudité à la pornographie. Le libellé actuel impose des restrictions aux naturistes qui souhaitent prendre des photos de leurs enfants nus s'adonnant aux mêmes jeux et activités que les autres enfants de divers pays.

    La FCN-FQN est préoccupée avant tout par l'application trop générale de l'expression « subrepticement » au sens du paragraphe 162(1). Notre problème, c'est la terminologie vague utilisée qui est susceptible de rendre illégales certaines de nos photos de naturistes parce qu'elles sont présumées subreptices, ce qui pourrait à son tour nuire à la publication de nos magazines et de nos photos, voire à la possession de ces photos.

    Une des grandes inquiétudes des naturistes est d'être observés secrètement ou sournoisement par une personne ayant une intention lascive. Sans définition précise, l'expression « subrepticement » peut donner lieu à une interprétation libérale et sans fondement. Par exemple, l'électricien qui effectue une réparation dans une salle de cours universitaire de dessin d'après nature pendant que des étudiants dessinent un modèle nu pourrait également faire face à des accusations d'observation « subreptice ».

    Par conséquent, nous proposons que soit ajoutée au paragraphe 162(1) du projet de loi à l'étude l'expression « à son insu ».

    Affirmer que les seules exceptions admises le seront au nom de l'intérêt public est une arme à double tranchant. La définition justement de l'intérêt public n'est pas claire et reste soumise à l'interprétation locale. Par conséquent, lorsqu'il revient à la police locale ou au juge d'interpréter si l'intérêt public est bien servi, on leur remet une arme qui pourrait faire chuter le facteur de refroidissement juridique qui menace les libertés artistiques dans le domaine de l'édition. Cela pourrait exiger des poursuites difficiles et coûteuses afin de prouver qu'on répond au critère de l'intérêt public, au sens donné par la Cour suprême du Canada :

ce qui est nécessaire ou favorable à la religion ou à la moralité, à l'administration de la justice, à l'activité scientifique, littéraire ou artistique ou à d'autres sujets d'intérêt général.

    Les grandes publications naturistes nationales et internationales—je ne suis pas capable de vous les montrer, mais elles devraient déjà circuler—comme le magazine de la FCN Going Natural et la nouvelle revue de Michel Vaïs intitulée Naturisme au Québec feraient, tout comme divers guides de voyage naturistes, l'objet de sanctions. La publication de photos naturistes, présumées avoir été prises de façon subreptice selon la notion extrêmement restrictive de l'intérêt public, pourrait entraîner des poursuites judiciaires à cause d'interprétations locales imprévisibles et incohérentes.

    Par conséquent, nous suggérons que des moyens de défense légitimes contre des poursuites soient formulés de manière à inclure les activités artistiques, scientifiques, éducationnelles, journalistiques, littéraires ou religieuses qui, autrement, ne sont pas criminelles. Les moyens de défense des naturistes sont implicites ici.

    Notre deuxième préoccupation est d'empêcher la criminalisation de la simple nudité. L'exposition de parties du corps ne peut être une condition suffisante pour être considérée comme un crime au sens du projet de loi. On comprend pourquoi lorsqu'on considère le naturisme comme une attitude morale et un style de vie éthique. La directrice générale de BEACHES, Shirley Mason, affirme que le naturisme contraste vivement avec la pornographie et les prétendus divertissements pour adultes parce qu'il s'agit d'une pratique sociale qui n'est liée ni au sexe ni à l'exploitation lascive, décadente ou « voyeuriste ».

    Pour ma part, je suis membre de mouvements naturistes depuis 39 ans et j'ai enseigné pendant 40 ans à des élèves du secondaire ayant des troubles graves de comportement ou des besoins spéciaux.

¿  +-(0910)  

    J'ai souvent donné des conférences à des éducateurs sur les bienfaits du naturisme sur le développement de l'enfant. À cet égard, une étude essentielle a été menée pendant 18 ans à l'Université de Californie à Los Angeles, sous la supervision de Paul Abramson et de Paul Okami, tous deux professeurs de psychologie. Ils ont étudié les différences entre les enfants de naturistes et les enfants de familles non naturistes. Ils ont constaté, comme d'autres chercheurs, que les enfants naturistes exposés à la nudité des parents acceptaient mieux, en règle générale, leurs corps, avaient davantage de respect pour le sexe opposé, étaient plus tolérants et plus enclins à accepter des types corporels différents et de tous âges, qu'ils s'avéraient plus à l'aise que leurs vis-à-vis vêtus en permanence, qu'ils étaient moins sujets à des pratiques sexuelles précoces et avaient moins de grossesses pendant l'adolescence.

    Dans l'affaire Alessandra's Smile impliquant un distributeur de magazines, un tribunal de la Third Circuit Court des États-Unis a confirmé la valeur politique et le statut protégé de publications qui comprennent des photos d'adultes, de jeunes et d'enfants nus, réaffirmant ainsi que le nu n'est pas lascif. La cour a en outre empêché l'interdiction de notre mode de vie et de nos choix récréatifs, car elle a statué que des photos illustrant des enfants nus qui s'adonnent à des activités typiques d'enfants dans le monde entier n'étaient pas obscènes et ne constituaient pas un appel à la lascivité.

    Pourtant, au Canada, l'an dernier, le distributeur de Naturisme Québec a refusé de distribuer le cinquième numéro dont la couverture illustre un enfant innocent qui joue, parce qu'il craignait d'être poursuivi au Canada. Il a été impossible d'infléchir sa décision—et les membres francophones en ont un exemplaire—et de le convaincre que le jeu illustré était typique des jeux auxquels s'adonnent les enfants partout dans le monde.

    Nous prions instamment le comité, dans ses travaux visant à protéger nos enfants, d'exclure expressément de ces définitions de la pornographie la simple nudité telle qu'elle est pratiquée par les naturistes partout au Canada et dans le monde. Nous suggérons donc, en vue de protéger les photographies légitimes d'enfants nus prises par les parents, éducateurs, chercheurs, artistes et naturistes, que soit ajoutée au Code criminel une mention précisant que la simple nudité ne peut être qualifiée de pornographie. Selon la définition actuelle, pour qu'il soit question de pornographie juvénile, il faut qu'il y ait un « but sexuel ». Malheureusement, nombreuses sont les personnes qui considèrent que toutes les formes de nudité comportent une expression sexuelle et, par conséquent, elles voient une intention d'usage lascif dans toute photo de nudité.

    Le projet de loi C-2 doit être libellé de manière à punir les criminels sans limiter la liberté d'expression des personnes innocentes. Nous proposons donc que, pour l'application de l'article 163.1, la simple nudité d'un enfant ne soit pas considérée comme de la pornographie juvénile. Une façon de contourner les poursuites contre des publications naturistes pour avoir publié des photos d'enfants naturistes serait d'inclure les publications naturistes légitimes qui contiennent des photos non pornographiques, y compris des photos d'enfants, dans la définition d'« information publique » proposée en 2003 par la SRC :

Toute définition de l'expression « information publique » incluse dans le projet de loi C-2 devrait offrir le moyen de défense pertinent aux journaux, revues ou publications naturistes qui contiennent des photos non pornographiques de naturistes, y compris les enfants. Les médias, qu'ils soient ou non naturistes, devraient comprendre les journaux et revues électroniques, ainsi que les sites Web qui ne publient pas de pornographie, et les radiodiffuseurs, y compris leurs sites Web, auxquels le CRTC a attribué une licence.

    La simple nudité ne doit pas être sexualisée et, par conséquent, pénalisée au même titre que la pornographie ou le voyeurisme lorsqu'il n'y a aucune intention d'exposer les parties intimes d'une personne à des fins sexuelles personnelles ou en vue d'attirer, de séduire ou de forcer un mineur à participer à des activités sexuelles. Doug Stead vous en parlera plus abondamment tout à l'heure.

    La citation qui suit semble aussi pertinente aujourd'hui qu'elle l'était lorsqu'elle a été rédigée, il y a presque deux décennies :

Comme Dieu l'a créé, le corps humain peut demeurer nu et sans vêtement, tout en préservant sa splendeur et sa beauté. On ne peut simplement associer la pudeur sexuelle à l'usage des vêtements, ni l'absence de honte à la nudité, totale ou partielle. [...] La nudité en soi ne peut non plus être associée à l'absence de honte de son corps. L'impudeur n'existe que lorsque la nudité agit négativement sur la valeur de la personne. Le corps humain n'est pas en soi honteux. L'absence de honte (tout comme la honte et la pudeur) provient de l'intérieur de l'être.

    L'auteur, mesdames et messieurs, était le pape Jean-Paul II.

    En conclusion, les ramifications du projet de loi C-2, tel qu'il est libellé actuellement, risquent donc d'avoir une portée considérable et machiavélique vis-à-vis des libertés des naturistes. En résumé, nous suggérons donc qu'en raison des difficultés inhérentes à la notion de « subrepticement », l'expression suivante soit ajoutée au paragraphe 162(1) du projet de loi à l'étude : « à son insu dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée ».

¿  +-(0915)  

    Parce que, dans ce projet de loi, le principal moyen de défense fondé sur l'intérêt public est trop étroit et ouvre la porte à une interprétation capricieuse, pour préserver les libertés chèrement acquises et garanties par la Charte, les moyens de défense légitimes contre des poursuites doivent être formulés afin d'inclure les activités artistiques, scientifiques, éducationnelles, journalistiques, littéraires ou religieuses qui, autrement, ne sont pas criminelles.

    La défense du naturisme est implicite, tout comme elle est explicite ailleurs dans notre mémoire. En raison de l'hypothèse répandue selon laquelle toutes les formes de nudité comportent des actes ou intentions sexuels, le libellé suivant doit être ajouté : « Pour l'application du présent article [163.1], la simple nudité d'un enfant n'est pas considérée comme de la pornographie juvénile ».

    Enfin, parce que toute définition de l'expression « information publique » incluse dans le projet de loi C-2 devrait offrir un moyen de défense pertinent aux journaux ou aux revues, elle devrait également comprendre les publications naturistes qui ne contiennent pas de photos pornographiques de naturistes, y compris d'enfants. Les médias, qu'ils soient ou non naturistes, devraient inclure les journaux et les revues électroniques, ainsi que les sites Web qui ne publient pas de pornographie et les radiodiffuseurs, y compris leurs sites Web, auxquels le CRTC a attribué une licence.

    Merci.

+-

    Le président: Madame Williams, je vous remercie beaucoup.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Montpetit, de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, pour une présentation de 10 minutes environ.

+-

    M. Charles Montpetit (responsable du Comité liberté d'expression, Union des écrivaines et des écrivains québécois): Tout d'abord, je m'excuse auprès des membres du comité qui étaient là l'an dernier, car je vais sans doute me répéter. Par contre, je ne vais pas répéter ce qui est contenu dans le mémoire que je vous ai soumis et qui est en votre possession. Je ne vais pas non plus couvrir les points qui seront évoqués par les membres de la Conférence canadienne des arts tout de suite après moi. Je vous dis tout de suite que nous sommes d'accord à 100 p. 100 sur les points que nous allons vous expliquer aujourd'hui.

    Comme il est dit dans le mémoire, je suis ici non seulement pour représenter l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, mais aussi 14 associations de défenseurs des libertés civiles, d'illustrateurs, de libraires, de traducteurs, de bibliothécaires et d'artistes en arts visuels, en radio, en télévision, en cinéma, en arts de la scène et en multimédia.

    Nous sommes ici pour vous résumer un concept qui me semble très simple. Quand un crime est commis contre une véritable personne, il n'y a pas de problème. On peut jeter l'auteur du crime en prison. Par contre, il y a une différence lorsqu'on a affaire à une oeuvre de fiction ou à un documentaire. Autrement dit, quand cette oeuvre se contente de parler d'un délit, quand l'abus qui est décrit dans l'oeuvre est théorique, imaginaire, fictif, il n'y a pas de crime.

    Même si un meurtre est la pire chose qui puisse être commise contre qui que ce soit, on n'a jamais arrêté Agatha Christie parce qu'elle écrivait des histoires de meurtre. Cela devrait donc être exactement la même chose pour les histoires d'abus sexuel. Tant qu'il n'y a pas de victime en chair et en os, il n'y a pas de crime.

    Nous savons tous ici que le présent projet de loi est une réaction à l'affaire John Robin Sharpe. J'aimerais plutôt vous parler d'une autre affaire, celle de Eli Langer. Eli Langer a été arrêté pour avoir fait des tableaux qui dépeignaient des scènes de sexualité impliquant des jeunes. Vous en aurez les détails plus tard.

    Cette affaire est beaucoup plus pertinente, en ce qui concerne le projet de loi C-2, que l'affaire John Robin Sharpe. En effet, Eli Langer a fait uniquement une oeuvre de fiction, et pourtant il a quand même été arrêté. Pendant un an et demi, ses oeuvres ont bel et bien été interdites sur le marché.

    S'il y a scandale, ce n'est pas dans le fait que John Robin Sharpe ait échappé à un chef d'accusation porté contre lui, mais tout simplement dans le fait que Eli Langer ait été arrêté à tort. S'il devait y avoir une modification au projet de loi, cela devrait être pour éviter que d'autres artistes comme Eli Langer tombent dans les filets de la justice, et non pour resserrer ces filets encore plus. Autrement dit, la loi devrait être assouplie, et non resserrée.

    Je vais vous donner un exemple très concret du type de personne qui risque d'être arrêtée prochainement. En l'occurence, il s'agit de moi. Si vous vous demandez à quoi ressemble un pornographe juvénile, le projet de loi risque de faire de ma personne un pornographe juvénile.

    Je suis écrivain. Je fais des livres pour adolescents. J'ai gagné le prix du gouverneur général et j'ai, autre autres, fait une anthologie qui s'appelle La Première fois. Elle est reproduite dans le mémoire que nous vous avons soumis. Je l'ai ici et je peux vous la montrer. Ce sont deux livres qui regroupent 16 histoires authentiques de premières relations sexuelles. Cela s'est réellement passé ici même au Canada. Elles ont été écrites par des auteurs qui, comme moi, ont gagné des prix et qui sont habitués à parler aux jeunes.

    Nous avons fait ces livres pour les informer sur la sexualité. Nous pensions rendre service à la société en faisant notre part de travail en matière d'éducation sexuelle.

¿  +-(0920)  

    Les deux livres ont même été choisis par la Bibliothèque internationale pour la jeunesse, à Munich,pour faire partie des 200 meilleurs livres pour jeunes au monde, dans l'année où ils ont été publiés. Par la suite, la version canadienne-anglaise, The First Time, a été publiée avec 16 nouveaux auteurs. Nous avons même fait une version australienne, qui s'appelle également The First Time, avec des auteurs provenant de l'autre côté de la planète.

    Si je comprends bien le projet de loi, il fera des auteurs qui ont participé à des anthologies de ce genre au Canada des pornographes juvéniles. Si vous croyez que j'exagère quand je vous dis que je risque d'être arrêté, que c'est ma crainte, détrompez-vous.

    Comme la plupart des artistes — je dis bien la très grande majorité des artistes—, je vis sous le seuil de la pauvreté. Je gagne très modestement ma vie. Je ne peux pas me permettre d'aller en cour pour me défendre contre une accusation qui serait portée contre moi et qui resterait en cour pendant un an et demi, comme dans le cas de Eli Langer. Elle pourrait même rester en cour pendant 10 ans si l'affaire était portée devant la Cour suprême du Canada. D'autre part, j'aimerais bien pouvoir continuer à me consacrer à mon écriture.

    C'est une des raisons pour lesquelles les artistes comme moi craignent cette loi. Aucun d'entre eux n'aimerait se voir traîné dans un procès qui l'accaparerait tout ce temps et qui nuirait à sa réputation pendant 10 ans, même s'il est déclaré innocent en bout de ligne. Le problème de la loi est qu'elle permet la saisie de nos oeuvres jusqu'à l'issue du procès. Autrement dit, cela veut dire qu'on est présumé coupable jusqu'à ce que la preuve de notre innocence soit apportée. Pour moi, c'est tout à fait contraire à la façon dont la loi au Canada devrait fonctionner.

    J'aimerais également vous signaler qu'il y a une dizaine d'années à peine, un député aussi éduqué que vous a cherché à faire interdire le roman de John Steinbeck Des souris et des hommes en affirmant — je cite — « qu'il ne peut avoir la moindre valeur éducative ». Si cela a été dit contre un grand homme comme John Steinbeck, alors que la loi était censée protéger les oeuvres artistiques, éducatives et scientifiques, imaginez ce qui va arriver à un auteur moins connu comme moi, ou à n'importe quel autre artiste, une fois que la loi aura été affaiblie.

    Il y a même eu des incidents internationaux, par exemple celui qui a entouré l'oeuvre de Salman Rushdie en 1989. Le Canada a été le seul pays industrialisé de la planète à interdire son livre Les versets sataniques, parce qu'il avait déplu à certains membres de la religion musulmane. Si le Canada a été le seul pays à embarquer dans une interdiction comme celle-ci, ne serait-ce que pendant deux jours, si cela a réussi à provoquer un scandale international, imaginez à quel point le projet de loi actuellement à l'étude risque de paver la voie à de nouveaux scandales du même type.

    Je terminerai en disant que Salman Rushdie, qui s'est exprimé à juste titre sur ce sujet, a dit essentiellement ceci: « Si vous ne voulez pas prendre la défense de ce que vous trouvez personnellement de mauvais goût, vous ne croyez pas à la liberté d'expression. Vous croyez seulement à la liberté d'expression de ceux qui sont d'accord avec vous. Mais tout le monde a un oncle bizarre, une tante mentalement déséquilibrée, une fille nymphomane. L'idée que vous vivons dans un monde propre, où rien ne fait jamais de vagues, c'est cela qui est une fiction. Le monde n'est pas comme ça. La vraie vie, c'est une tempête turbulente, pleine d'aberrations, de difficultés et de problèmes. Tout le monde le sait. Il est donc remarquable qu'on essaie de prétendre que cela n'arrive pas et qu'on blâme les artistes qui essaient de faire un portrait fidèle de la situation. »

    Merci beaucoup.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Montpetit. C'est maintenant le tour de M. Malavoy, directeur général de la Conférence canadienne des arts.

+-

    M. Jean Malavoy (directeur général, Conférence canadienne des arts): Merci beaucoup, monsieur DeVillers. Je demanderai à M. Frank Addario de compléter ma présentation.

    La Conférence canadienne des arts est un organisme national sans but lucratif. C'est le plus vieil organisme de défense des intérêts dans le domaine des arts au Canada. Elle compte des membres partout. Nous sommes la voix de 250 000 artistes et travailleurs culturels au Canada.

    Les démarches artistiques rejoignent les valeurs fondamentales, de même que la garantie de la liberté d'expression prévue par l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui vise à protéger, entre autres, la quête de vérité et d'épanouissement personnel. L'art, forme d'expression qui décrit et commente les conditions humaines, sociales et politiques, est indispensable à toute société démocratique. Il joue un rôle critique en permettant aux êtres humains d'explorer et de comprendre la réalité et le monde dans lequel ils vivent, et il permet d'ailleurs d'en prendre conscience. Un artiste est un visionnaire. Il voit des choses que l'on met du temps à comprendre. Je ne citerai en exemple que les impressionnistes ou Picasso.

    La Conférence canadienne des arts s'oppose au remplacement du moyen de défense fondé sur la valeur artistique par une nouvelle évaluation visant à déterminer si le but de l'artiste est légitime et si son art constitue un risque excessif de préjudice à l'endroit des enfants. Notre position est fondée sur les points suivants. D'abord, comme il a déjà été mentionné, il n'y a pas de raison de croire que le moyen actuel de défense ne permet pas d'identifier les documents impliquant véritablement l'exploitation de réels enfants, c'est-à-dire les documents impliquant la participation d'enfants réels à des rapports sexuels, ce qui constitue déjà une infraction en vertu des dispositions du Code criminel. Deuxièmement, comme il a déjà été mentionné également, il n'existe pas de risque concret que des pédophiles esquivent une condamnation pour possession de documents pornographiques impliquant des enfants réels. J'insiste sur le mot « réel ». Dans le cas où des pédophiles posséderaient des documents ayant une valeur artistique, la loi sur la pornographie juvénile et le moyen de défense fondé sur la valeur artistique serviraient tous deux leur cause. La loi est là, elle est bonne et elle l'a prouvé. Troisièmement, une évaluation de la légitimité du but créerait une part de subjectivité qui risquerait d'exposer les artistes à des poursuites.

    Le moyen de défense actuel a l'avantage de ne pas favoriser les poursuites marginales fondées sur une évaluation subjective d'une oeuvre faite par les policiers, puisque la Cour suprême du Canada a décrété qu'il était possible d'invoquer le moyen de défense fondé sur la valeur artistique chaque fois que l'oeuvre en cause possède « toute valeur artistique objectivement établie, si minime soit-elle ». À l'inverse, une évaluation de la légitimité du but amènera les policiers à juger l'oeuvre d'un point de vue subjectif, selon qu'elle accorde trop d'importance au sexe ou à la sexualité, ou que la place accordée au sexe ou à la sexualité est gratuite ou superflue. Cela met le policier ou la personne dans une situation fort difficile, où il devra juger si le but est légitime ou non. L'article sur la valeur artistique est beaucoup plus clair.

    Il sera trop difficile de résister à la tentation de comparer l'oeuvre à des formes d'art établies ou dominantes. En conséquence, les artistes ne pourront faire ce que nous attendons d'eux. La théorie voulant qu'il soit évident pour les policiers et les poursuivants de déterminer si l'oeuvre possède un but légitime ou non fait fi de l'expérience des artistes et promeut un art du consensus des plus timides. Vu sa nature d'autolimitation, ce moyen de défense n'offrira une protection contre la censure et la condamnation qu'aux seuls artistes demeurant dans les limites des valeurs faisant consensus, ce qui va à l'encontre de la liberté d'expression.

    Nous tenons à mentionner que la deuxième partie de la nouvelle évaluation visant à faire la preuve que l'art ne pose pas « de risque indu pour lespersonnes âgées de moins de dix-huit ans  » amènerait les artistes à s'engager dans des procédures coûteuses, les exposant à être étiquetés comme pornographes juvéniles.

    En conclusion, l'élimination du moyen de défense fondé sur la valeur artistique ne supprimera pas la violence sexuelle dont sont victimes les mineurs au Canada.

¿  +-(0930)  

    Elle n'empêchera pas la production et la distribution de matériel de pornographie juvénile. Elle ne servira qu'à semer la confusion au sein du public et à persécuter les artistes légitimes dont les oeuvres pourraient être jugées en contradiction des mesures législatives proposées.

    Frank va compléter ma présentation.

[Traduction]

+-

    Me Frank Addario (avocat, Sack Goldblatt Mitchell, Conférence canadienne des arts): Je vous remercie beaucoup.

    Le mémoire que nous avons déposé résume en réalité notre opposition, sur le plan juridique, au changement qui est proposé au moyen de défense fondé sur la valeur artistique. Je tiens simplement à souligner que ce moyen de défense a bien servi les artistes de même que la société pendant plus de 50 ans. Le changement proposé, à notre avis radical, est inutile et, dans la mesure où il repose sur la décision de première instance dans l'affaire Sharpe lors du second procès, nous affirmons qu'il est illogique de changer un moyen de défense inscrit dans la loi pour traiter d'un problème perçu découlant de cette affaire.

    Je peux affirmer que je ne connais pas un seul cas au Canada, depuis l'affaire Sharpe, où un véritable pédophile en possession de matériel mettant en jeu de véritables enfants a échappé à des poursuites en invoquant comme moyen de défense la valeur artistique. Ce n'est pas, en fait, ce qui est arrivé dans l'affaire Sharpe. Comme vous le savez tous ou devriez le savoir, M. Sharpe a été jugé coupable de possession de pornographie juvénile pour les grandes quantités de documents qu'il avait en sa possession. Les documents pour lesquels il a été acquitté étaient des écrits dont il était l'auteur.

    À moins que vous ne soyez prêts à dire qu'aucun pédophile ne pourra jamais légitimement avoir en sa possession des documents qui ont une valeur artistique et qui mettent en jeu des adolescents et la sexualité, il est illogique de simplement modifier la loi parce que le résultat de cette partie de la poursuite nous a déplus.

    Nous craignons que le critère appliqué pendant de nombreuses années de manière objective et par conséquent facile à comprendre par les juges et les policiers va se transformer en critère qui invite à des évaluations subjectives de l'art. Nous croyons, en fin de compte, que ceux qui vont en faire les frais sont des artistes légitimes, non pas des pédérastes en possession de documents pornographiques. Comme nous l'avons fait remarquer dans notre mémoire, les pédérastes—je suis sûr que la police vous le confirmera—ont presque invariablement en leur possession des documents qui correspondraient facilement à la définition de pornographie juvénile donnée à l'article 163.1 du Code criminel et qui interdiraient le recours à la valeur artistique comme moyen de défense.

    Le changement envisagé nous semble donc inutile, et nous vous demandons de ne pas toucher au moyen de défense existant.

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Merci, monsieur Malavoy.

    Nous allons maintenant céder la parole à Entrepreneurs Against Pedophiles. Monsieur Stead, si vous voulez bien faire votre déclaration.

+-

    M. Harold Stead (directeur, Entrepreneurs Against Pedophiles): Bonjour, mesdames et messieurs, honorables députés et employés du comité.

    Je vous suis reconnaissant de me permettre de venir vous présenter mes vues au sujet de certaines questions difficiles dont vous devez traiter dans le monde hypersexualisé dans lequel nous vivons. J'ai moi-même remis à chaque membre du comité un mémoire plutôt volumineux sur lequel s'appuient mes propos.

    La deuxième partie porte essentiellement sur le nouveau crime qui se manifeste depuis que la technologie a évolué, soit l'exploitation à distance des enfants—en réalité, le seul nouveau crime issu de la technologie, puisque l'exploitation sexuelle existe déjà depuis très longtemps.

    La troisième partie représente une assise en matière de moralité et de développement ou de maldéveloppement de valeurs morales et éthiques chez les enfants exposés à de pareils documents et explique la raison pour laquelle, en tant que parlementaires, vous avez le droit et l'obligation de voir au-delà des véritables actes de violence sexuelle, dans vos domaines de compétence, lorsque vous pensez strictement en termes d'âge de consentement. C'est là-dessus que j'avais prévu de faire essentiellement ma déclaration aujourd'hui. En effet, comme le projet de loi à l'étude ratisse large, j'aimerais vous parler surtout de pornographie juvénile et de la détermination de la peine privative de la liberté.

    Si cela vous intéresse, si vous souhaitez voir 28 jours de la couverture médiatique mondiale de cas connus d'exploitation sexuelle d'enfants, tout ce que vous avez à faire, c'est d'aller aux parties 4 et 5, qui offrent un compendium de ce qui est rapporté dans les médias anglophones du monde entier au sujet de diverses formes et méthodes d'exploitation sexuelle des enfants.

    Maintenant que j'ai complètement bousillé ce que j'avais l'intention de vous présenter, si vous voulez bien patienter quelques instants...

    J'estime qu'en tant que parlementaires, vous avez l'occasion de peut-être faire du projet de loi à l'étude la plus grande fierté de votre vie personnelle et par la même occasion de rendre service aux Canadiens en général et aux enfants plus particulièrement. Naturellement, vous avez tout autant l'occasion de rendre absolument inefficace le projet de loi à l'étude ou de rater une bonne occasion de faire preuve de leadership en relevant un peu l'âge requis au pays pour consentir et en nous alignant sur ce qui se passe ailleurs dans le monde libre.

    J'ai fait distribuer, et j'ignore si vous l'avez, un tableau résumant la grande bannière que j'ai ici et qui a pour thème: à quel âge est-on assez vieux? Il y est question des compétences juridiques partout dans le monde. Depuis 1984, quand une thèse créatrice bien connue et reconnue dans le monde entier a vu le jour, soit le rapport Badgley—qui s'intitule en réalité Infractions sexuelles à l'égard des enfants, volumes 1 et 2—, la Chambre reçoit assez constamment des demandes pour que soit relevé l'âge légal pour consentir à des relations sexuelles. En fait, le rapport, produit en 1984 par un aréopage de grands esprits, recommandait, au point 7, que les adultes qui ont des contacts sexuels avec des enfants et les traitent comme des partenaires sexuels viables devraient se voir imposer de lourdes peines d'emprisonnement quand ces enfants n'ont pas 16 ans. Il recommandait une peine d'emprisonnement de 10 ans.

    Depuis lors, plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire ont été déposés par des parlementaires de toutes les tendances politiques et sont demeurés lettre morte. Il y a également eu plusieurs rencontres des procureurs et des solliciteurs généraux des provinces avec leurs homologues fédéraux auxquels les provinces ont demandé, à plus d'une occasion, que l'âge du consentement soit réévalué et peut-être relevé, selon certains jusqu'à 18 ans, ce qui placerait le Canada en tête de la liste des compétences légales dans le monde.

    La plupart des gens auxquels j'ai parlé un peu partout dans le monde s'entendent pour dire que 16 ans est probablement l'âge convenable pour que la loi soit efficace et qu'elle commence à au moins dissuader les adultes de traiter des enfants comme des partenaires sexuels viables.

¿  +-(0940)  

    L'âge de 16 ans est probablement approprié pour que la loi s'applique et commence à offrir à tout le moins des éléments dissuasifs aux adultes qui envisagent de prendre des enfants pour partenaires sexuels viables, mais aussi pour que les enfants eux-mêmes puissent établir une limite et qu'on puisse s'attendre à des comportements acceptables des enfants qui vivent des périodes très difficiles dans un monde où il n'y a pratiquement aucun précédent auquel se référer.

    Nous vivons à une époque où s'est développée et où se déploie une révolution des technologies de communication, c'est-à-dire l'Internet, ce qui a fait chuter l'âge d'exposition des enfants à la pornographie adulte comparativement à ce qu'il était lorsque j'étais jeune. Avant, c'était autour de 14 ou 15 ans que les jeunes tombaient sur la pile de revues Playboy de leur père, alors que maintenant, selon Santé Canada, les enfants de six à huit ans sont déjà exposés à des images de pénétrations sexuelles adultes dans des vidéos qu'on achète dans les magasins, dans des revues qui se trouvent directement sur les comptoirs et de plus en plus, dans l'Internet, puisqu'ils ont les compétences techniques d'aller n'importe où. La génération qui élève ces enfants n'a peut-être pas les connaissances et donc les aptitudes qu'il faut pour offrir une surveillance parentale adéquate et un enseignement aux enfants sur ce que ces images signifient. Et ces enfants sont beaucoup plus jeunes qu'avant.

    On revient donc à la question de savoir quand le jeune est assez vieux. J'aimerais que vous, les membres du comité, examiniez cette question en pensant à vos propres fils et à vos propres filles, à vos petits-fils et à vos petites-filles, qui ont 14, 15 ou pas tout à fait 16 ans. Dans ce contexte, j'aimerais que vous vous demandiez si l'enfant qui s'incarne dans votre esprit a atteint le degré de maturité physique, émotive, intellectuelle et cognitive pour prendre de telles décisions, qu'on ne prend qu'une fois dans sa vie, et le faire par consentement éclairé.

    J'entends par là un consentement juridique donné volontairement par une personne pleinement informée, qui comprend parfaitement et clairement tous les divers aspects concernant l'activité sexuelle et qui est capable de prévoir et de comprendre toutes les conséquences de ces activités. Je pense à la grossesse chez les adolescentes. Je pense au VIH, précurseur d'une mort presque certaine, dont ma génération et la vôtre n'avaient pas vraiment à s'inquiéter, parce que nous avions probablement plus peur d'attraper une maladie transmissible sexuellement traitable, comme la gonorrhée ou la syphilis.

    Ces enfants dont nous parlons ne sont pas de la même génération que nous, ils ne vivent pas à l'époque où le musicien Meat Loaf a écrit la chanson « Paradise by the Dashboard Lights ». Nous ne permettons pas aux enfants d'obtenir un permis de conduire avant l'âge de 16 ans, parce que nous ne pensons pas qu'ils ont l'aptitude cognitive de prendre les décisions nécessaires pour éviter tout comportement dont les ramifications potentielles ne satisferaient pas les normes auxquelles la société s'attend.

    Il existe un âge de consentement dans presque tous les pays du monde, à l'exception de quelques exemples notables, comme celui du Pakistan, où il n'y a pas de norme juridique. Les législateurs du monde entier reconnaissent qu'il ne convient pas que les enfants participent à ces activités d'adultes, parce qu'elles peuvent porter préjudice physiquement et psychologiquement à l'enfant.

    Il est indéniable que les enfants canadiens sont beaucoup moins protégés contre les délinquants sexuels adultes que les enfants de la grande majorité des autres pays occidentaux. En fait, les enfants du Canada ne sont pas mieux protégés, à tout le moins sur papier, que les enfants de la plupart des pays du tiers monde, si vous regardez bien ce tableau.

    Si l'on fait un peu d'histoire, on constate que l'âge de consentement dans notre système vient du Royaume-Uni. Il est apparu pour la première fois dans des lois en 1275 et il était alors de 12 ans. Il a été porté à 13 ans en 1875. Plus tard, en 1885, le Royaume-Uni l'a porté à 16 ans, et c'est toujours l'âge de consentement aujourd'hui.

    Dans la plupart des autres pays, les enfants jouissent de protections sur le consentement jusqu'à un âge supérieur, particulièrement contre l'exploitation sexuelle par les adultes, sans parler des lois qui fixent un âge de consentement supérieur et qui régissent les attentes envers les enfants qui envisagent d'avoir des activités sexuelles avec d'autres enfants et même leurs comportements.

¿  +-(0945)  

    Beaucoup de résultats pourraient se concrétiser si l'on élevait l'âge du consentement à disons 16 ans. Les enfants peuvent avoir besoin d'un peu plus de temps pour atteindre le point où ils sont aptes à vivre une sexualité humaine entière. Cela donnerait plus de temps aux jeunes pour prendre de la maturité et devenir indépendants avant d'avoir leurs propres enfants. Cela laisserait la chance aux enfants d'apprendre de décisions qui risquent moins de perturber toute leur vie. Cela leur donnerait plus de temps pour vivre leurs expériences au fur et à mesure que leur pouvoir de réflexion rationnelle augmente. De plus, à ma connaissance, aucun enfant n'est jamais mort d'abstinence sexuelle.

    Les législateurs de la plupart des autres pays ont fixé la barre plus haut, non seulement pour protéger les enfants, mais aussi pour prévenir les dommages sociaux d'une désintégration morale. Notre société devient hypersexualisée et par conséquent, dangereuse pour les enfants. Ces dangers sont aggravés par la tendance vers la gratification instantanée et le culte de la jeunesse. Pour déterminer l'âge du consentement, la moralité devrait se fonder sur ce que toute personne bien pensante semble considérer moral au sein de la société. Je serais porté à croire que la population en général du Canada ne considère pas 14 ans comme un âge de consentement moral.

    Pour une raison ou une autre, les rédacteurs du projet de loi C-2 ont supposé que la grande majorité des enfants canadiens atteignaient l'équilibre dans leur développement ainsi que la maturité mentale, émotionnelle et physique avant leur 14e anniversaire. Ils ont aussi pris pour acquis que lorsqu'ils atteignaient 14 ans, ils avaient assez d'expérience de vie derrière eux pour donner un consentement informé et s'adonner à des activités sexuelles humaines entières en toute égalité avec leur partenaire ainsi qu'avec un grand groupe d'adultes de plus en plus nombreux, qui voient les enfants comme des partenaires sexuels viables.

+-

    Le président: Monsieur Stead, je vais devoir vous demander de conclure afin que nous ayons du temps pour poser des questions.

+-

    M. Harold Stead: Je serais porté à vous dire que même entre adultes, il n'y a pas toujours une égalité parfaite sur le plan sexuel. Est-ce qu'une subordonnée a vraiment le pouvoir de dire non à son patron? Si ce n'est pas le cas dans le monde des adultes, comment pouvons-nous nous attendre à ce que ce soit le cas dans le monde des enfants?

    Je vous supplie d'essayer de convaincre vos collègues d'accorder autant d'attention à ce crime, qui détruit littéralement la personne, que vous en accordez aux crimes contre les biens.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Stead.

    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.

    M. Toews, du Parti conservateur, a cinq minutes.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): Monsieur Stead, j'ai écouté avec intérêt vos observations sur l'âge du consentement juridique. Vous savez que le gouvernement a proposé un projet de loi qui porte sur les relations d'exploitation. John Robin Sharpe s'est certainement appuyé sur cette disposition; il dit qu'elle va aider le public à comprendre les rapports entre un homme et un garçon. Je pense que pour un procureur général, cette disposition risque d'être difficile, complexe et lourde. Elle est presque conçue pour permettre aux pédophiles d'échapper à leur responsabilité d'avoir exploité des enfants.

    Nous avons entendu un témoignage très puissant d'un M. Bala, qui désapprouve cette disposition sur les « relations d'exploitation vagues » que proposent les libéraux. Il a dit que nous devions établir une limite très claire. Il a recommandé que nous établissions la limite à 16 ans, au moins, pour certaines des raisons que vous avez mentionnées.

    Avez-vous examiné cette disposition sur les relations d'exploitation? Qu'en pensez-vous?

¿  +-(0950)  

+-

    M. Harold Stead: Tout le monde, y compris nos parlementaires, a beaucoup de mal à composer avec ce qui se passe dans notre monde hypersexualisé, où des adultes ont accès à des enfants et les exploitent. Je ne sais pas quelle est la valeur juridique de ce projet de loi pour régir les relations entre les enfants et les pédophiles.

    La pédophilie est une maladie mentale reconnue dans le DSM-IV. Les personnes qui éprouvent des désirs sexuels envers les enfants souffrent de maladie mentale. Malheureusement, il n'existe pas de traitement pour eux, et ils sont très motivés à poursuivre leur comportement. Je doute fort que le projet de loi dont vous parlez corrige le problème. Il brouille la limite entre ce qui est considéré comme un comportement approprié entre des adultes et des enfants et ce qui ne l'est pas.

+-

    M. Vic Toews: Avez-vous jeté un coup d'oeil aux autres réformes que les pays envisagent? Je sais que la Grande-Bretagne s'est penchée sur l'âge de consentement. Avez-vous étudié la littérature à ce sujet ou les propositions de la Grande-Bretagne?

+-

    M. Harold Stead: La Grande-Bretagne a pour ainsi dire fixé l'âge à seize ans. On a parlé de le changer, mais cela ne s'est pas fait. L'âge est de seize ans là-bas. La Nouvelle-Zélande vient de porter la limite à seize ans elle aussi et a du même coup modifié les peines carcérales prévues dans ses lois pour la possession de pornographie infantile; elle a porté la peine maximale d'emprisonnement à cinq ans.

    À part cela, les lois sur l'âge du consentement portent à confusion; elles ne sont pas uniformes d'un pays à l'autre. Elles ne le sont même pas à l'intérieur des frontières canadiennes.

    Je crois que le Québec a une loi séparée sur la protection des enfants, qui porte cette protection jusqu'à l'âge de seize ans. Le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud l'a citée en exemple dans son rapport pour augmenter sa limite d'âge à seize ans. Le Québec figurait sur la liste des gouvernements qui protègent les enfants jusqu'à seize ans, alors que le Canada anglais les protège jusqu'à quatorze ans.

+-

    M. Vic Toews: En fait, au Canada, si un pédophile pense qu'une personne a quatorze ans mais qu'elle a aussi peu que douze ans, il jouit d'une défense en droit en vertu de notre Code criminel. Bref, à l'heure actuelle, on peut être acquitté en tant qu'adulte pour avoir eu des relations sexuelles avec un enfant de douze ans. Personnellement, je ne peux tout simplement pas comprendre ce que le gouvernement essaie de faire avec cette définition de la relation d'exploitation. Chose certaine, elle n'établit pas de limite claire comme M. Bala et d'autres l'ont réclamé, et je me demande si l'on peut même comprendre l'interprétation du gouvernement, qui propose d'examiner au cas par cas chaque relation sexuelle entre un enfant et un adulte. Cela me semble contre-productif. On n'instruit pas clairement la société qu'il est mal d'avoir des relations sexuelles avec un enfant aussi jeune.

    Merci.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Montpetit, voulez-vous faire un commentaire sur cette question?

[Traduction]

+-

    M. Charles Montpetit: Oui. J'aimerais indiquer en toute déférence à notre témoin que seule une personne n'ayant pas plus de quatorze ans peut avoir des relations sexuelles en toute légalité avec une personne de douze ans, donc un adulte ne peut pas avoir des relations sexuelles avec un enfant de douze ans en toute légalité.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Vic Toews: En fait, c'est mal. Si un jeune a douze ans, mais que le pédophile pense qu'il en a quatorze, il peut présenter une défense en droit en vertu du Code criminel. Nous pouvons vous donner l'exemple de beaucoup de décisions à ce sujet.

+-

    Le président: Merci, monsieur Toews.

[Français]

    Merci, monsieur Montpetit.

    Monsieur Marceau, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins d'être venus nous présenter leurs témoignages aujourd'hui. J'ai l'impression d'avoir déjà entendu ce que certains d'entre eux ont dit.

    Monsieur Montpetit, l'an dernier, lorsque vous êtes venu, vous m'avez vendu les livres que vous avez mentionnés tout à l'heure, livres que j'ai d'ailleurs lus avec beaucoup d'intérêt. Ce sont des livres qui méritent de figurer sur la liste des 200 bons livres pour les enfants de la bibliothèque de Munich, je crois. Je tenais à vous en féliciter.

    Dans votre présentation, vous avez dit que vous aviez écrit ces livres dans le but d'informer les jeunes sur la sexualité, dans un but d'éducation sexuelle. Or, selon le projet de loi à l'étude, par définition, si l'oeuvre est écrite dans un but éducatif, ce n'est pas de la pornographie infantile. Donc, contrairement à ce que vous avez affirmé, vous n'êtes pas un pédophile ou un pornographe infantile lorsque vous écrivez une telle oeuvre.

    J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

+-

    M. Charles Montpetit: En fait, il est écrit dans le projet de loi que l'oeuvre doit avoir un but légitime de nature artistique, éducative ou scientifique. La nouvelle version du projet de loi est beaucoup plus floue que l'ancienne, où il était question de toutes les oeuvres artistiques, éducatives ou scientifiques.  La but légitime devient une question subjective que tout le monde n'interprète pas de la même façon. Cela veut donc dire que si quelqu'un veut déposer une plainte contre moi à cause de mon livre, parce que, selon lui, le livre n'a pas un but légitime, il peut déposer cette plainte. J'ai bon espoir que je vais pouvoir me défendre en cour, mais cela pourrait me prendre jusqu'à 10 ans. J'aimerais bien qu'on n'ouvre pas la porte à ce genre de chose.

+-

    M. Richard Marceau: D'abord, il me semble que selon la définition dans la loi, il faut que la caractéristique dominante soit la description dans un but sexuel. Déjà la barre est assez élevée. Deuxièmement, on dit entre autres que l'éducation et les arts constituent une défense légitime.

    Vous avez mentionné tout à l'heure le cas de Langer. Il n'a pas été trouvé coupable, n'est-ce pas? Est-ce qu'on s'entend au moins pour dire que le dilemme dans lequel nous, législateurs, nous trouvons est le suivant. Il s'agit de trouver l'équilibre entre le fait que, d'un côté, certains artistes pourraient — j'utilise le conditionnel — être accusés de pornographie infantile mais ne pas être trouvés coupables et, de l'autre, la protection ne serait-ce que d'un seul enfant. D'un côté, on parle de tracasseries juridiques désagréables qui peuvent coûter cher. De l'autre, il y a la protection des enfants. J'ai rencontré d'autres personnes qui avaient été trouvées coupables de pornographie infantile. La liste n'est pas très longue. Est-ce que nous nous entendons au moins là-dessus?

À  +-(1000)  

+-

    M. Charles Montpetit: Il y a un principe en loi qui veut que la protection des innocents soit beaucoup plus importante que l'arrestation des coupables. Quand on a le choix entre arrêter un innocent à tort et arrêter un coupable avec raison, il est préférable de faire valoir les droits des innocents.

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Montpetit, on parle du droit d'une personne de ne pas être trouvée coupable et non pas d'être accusée. C'est très différent, puisque les droits de l'accusé sont protégés. Je me fais un peu l'avocat du diable, parce que c'est très important. Il y a une différence entre quelqu'un qui peut être accusé de quelque chose et quelqu'un qui peut être trouvé coupable de quelque chose. C'est la distinction qui, à mon avis, manque dans la présentation que vous avez faite à ce sujet.

    J'aimerais entendre également M. Malavoy à cet égard, car je sais qu'il a plein de choses à dire et qu'il brûle d'intervenir. Donc, il s'agit de cette distinction entre la possibilité d'être accusé, qui est réelle mais qui ne va pas jusqu'à la condamnation, et ce que vous avez dit. Il y a une différence entre être trouvé coupable et être accusé.

+-

    M. Charles Montpetit: Le problème est qu'il n'est pas nécessaire d'assujettir les oeuvres de fiction à la loi sur la pornographie pour protéger les enfants réels. J'ai l'impression que vous avez peut-être du mal à faire la distinction que j'ai essayé de souligner: le but de la loi devrait être de protéger les véritables enfants contre les véritables abus. Ce but n'est pas mieux atteint en rendant susceptibles d'être accusés des auteurs d'oeuvres de fiction. Autrement dit, la loi fait très bien son travail à l'heure actuelle et ne le fera pas mieux si on dit qu'une oeuvre de fiction, un roman va pouvoir faire l'objet des mêmes accusations. De la même façon, on ne va pas pouvoir arrêter plus de meurtriers en interdisant les romans policiers.

    Vous avez dit que la loi allait interdire seulement les oeuvres dont la caractéristique dominante est d'avoir été écrites dans un but sexuel. J'aimerais vous corriger également sur ce point, puisqu'il ne s'agit que de l'un des points que la loi va interdire dans les oeuvres. La loi interdit également, à l'alinéa a), une oeuvre qui montre une personne dans un cadre d'activités sexuelles si cette personne a moins de 18 ans ou est dépeinte comme ayant moins de 18 ans. La loi interdit également les oeuvres dans lesquelles on voit les parties génitales d'une personne de moins de 18 ans. Autrement dit, la loi interdirait le livre dont je vous ai parlé et bien d'autres livres sur l'éducation sexuelle. Ce n'est pas uniquement l'alinéa c) qui compte; il y a les alinéas a) et b) qui interdisent beaucoup plus d'oeuvres de fiction que le seul alinéa c).

+-

    Le président: Merci, monsieur Montpetit.

+-

    M. Richard Marceau: J'aimerais entendre les commentaires de M. Malavoy sur cette question.

+-

    Le président: D'accord, et M. Deschênes voulait lui aussi émettre un commentaire.

    M. Malavoy, puis M. Deschênes.

+-

    M. Jean Malavoy: Merci beaucoup, monsieur Marceau.

    Il y a en effet une différence entre être accusé et être trouvé coupable. Pour notre part, nous sommes d'avis que dans sa forme actuelle, le moyen de défense concernant la valeur artistique fonctionne.

    J'aimerais, monsieur le président, lire brièvement un arrêt assez exceptionnel rendu par la Cour suprême du Canada en 1992. Il s'agit de l'affaire Butler. On y dit ce qui suit:

L'expression artistique est au coeur des valeurs relatives à la liberté d'expression et tout doute à cet égard doit être tranché en faveur de la liberté d'expression. [...] Comme nous l'avons vu précédemment, le tribunal doit appliquer libéralement le moyen de défense fondé sur la « valeur artistique ».

    Même si aujourd'hui, le 7 avril, nous sommes en mesure de dire ici qu'être accusé n'est pas la même chose qu'être trouvé coupable, un policier dans un village quelque part au Canada pourrait se trouver dans une situation où son objectivité serait mise à l'épreuve du fait que le but légitime serait trop flou et qu'il n'y aurait pas de jurisprudence. Ce genre de situation donne lieu à des conséquences beaucoup plus complexes pour le créateur, qui doit jouir dans son travail d'une totale liberté d'expression. Comme vous le savez, cela n'a rien à voir avec la pornographie infantile.

    Les créateurs sont des gens responsables et respectés par la société. Cependant, ils craignent sans cesse qu'une personne de bonne foi porte un jugement sur leur oeuvre en faisant appel à une définition du but légitime beaucoup plus restrictive que la notion de valeur artistique. Notre avis est que nous avons déjà une loi. Frank parlait du cas de Sharpe. Pourquoi faudrait-il changer une loi qui a fonctionné pendant 50 ans du fait qu'un individu a été jugé coupable pour les actes qu'il avait commis? Ce que disait Charles, qui est un créateur — c'est intéressant qu'il y ait un créateur sur la ligne de front —, portait sur un élément de subjectivité qui représente un risque pour les créateurs, en ce sens que certains vont refuser de créer.

    N'oubliez pas que les créateurs sont des gens comme nous, qui ont une famille. Pour ma part, j'ai cinq enfants. Le terme « pornographie infantile » est si effroyable que ces gens en seront très affectés dans leur milieu, dans leur village. Ils vont en venir à la conclusion qu'ils préfèrent ne pas créer.

    Il reste, monsieur Marceau, que vous avez raison de dire qu'il y a une différence entre être coupable et être accusé. J'appuie cela.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Monsieur Deschênes.

+-

    M. Stéphane Deschênes (président, Federation of Canadian Naturists): Je voulais simplement ajouter que la crainte d'être accusé n'est pas le seul problème. Les juges et les policiers ne sont pas les seuls à prendre des décisions comme celles-là. Par exemple, l'été passé, le magazine Naturisme Québec a été refusé par un distributeur dont l'avocat craignait que l'entreprise soit poursuivie pour distribution de pornographie infantile.

    Les décisions sont prises et les interprétations sont faites à partir de lois subjectives et ce, par tout le monde, pas seulement par les policiers et les juges. Surtout dans le cas de publications qui ne rapportent pas beaucoup d'argent aux distributeurs, ce genre de situation peut vraiment réduire la liberté d'expression de chacun au sein de la société.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Comartin, vous avez cinq minutes, plus ou moins.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Je préfère le « plus », monsieur le président. Merci.

    Merci à tous d'être ici.

    Monsieur Addario, nous avons reçu des représentants de l'Association du Barreau canadien mardi. Pour revenir à ce que vous avez dit sur l'affaire Sharpe et sur les dispositions qu'on trouve dans le projet de loi sur la définition de la pornographie infantile—je pense utiliser les bons mots—, ils nous ont dit que les arguments de défense existants sont sans doute plus efficaces (je pense qu'ils ont utilisé des mots plus forts que ceux-ci) et que les tribunaux finiraient par abolir cette disposition, parce que les tribunaux ont pratiquement défini eux-même le régime qui leur semblait approprié pour régir l'expression artistique.

    Est-ce que vous ou la conférence a commandé une étude à des experts constitutionnels ou à des spécialistes de la Charte pour obtenir un avis à ce sujet?

+-

    Me Frank Addario: Nous sommes d'accord. Nous connaissons leur position, et en fait, la nôtre découle d'une analyse comparable.

    Selon notre interprétation de l'affaire Sharpe, le tribunal se trouvait contraint de choisir entre abolir la loi parce qu'elle était excessivement vaste et qu'elle allait enfreindre l'alinéa 2b) de la Charte ou y interpréter des dispositions qui la rendraient constitutionnelle.

    La majorité des juges s'en sont tirés en créant les deux exceptions que vous connaissez. L'une vise les oeuvres de l'imagination pour possession privée et l'autre, les documents produits de façon consensuelle et ne donnant pas lieu de conclure à une infraction entre personnes de moins de dix-huit ans. On a donné au tribunal l'exemple de deux personnes de dix-sept ans mariées légalement qui décideraient de prendre des photographies d'elles-mêmes en train d'avoir des relations sexuelles pendant leur lune de miel. Cela ne devrait pas constituer une infraction criminelle. Le tribunal a dit que c'était acceptable lorsque les oeuvres étaient destinées à la possession privée.

    Le tribunal a aussi statué qu'il n'y avait pas lieu d'abolir cette loi en raison de la défense fondée sur la valeur artistique objective. Celle-ci ne dépend pas du succès de l'oeuvre ni des motifs de l'artiste. Elle dépend exclusivement du fait qu'on puisse ou non prouver objectivement que l'oeuvre a une valeur artistique. Autrement, nous créerions un régime injuste dans lequel les bons artistes seraient acquittés et les mauvais artistes seraient inculpés.

    Le tribunal a refusé de créer un tel régime, parce qu'il serait injuste et extrême. Il a décidé de simplement créer le seuil du test objectif pour que les personnes pouvant franchir ce seuil aient accès à une défense, malgré le fait que les documents dont elles disposent correspondent à la définition de la pornographie infantile.

    Nous avons constaté que ces deux aspects étaient essentiels dans la décision de la cour pour maintenir la validité de la loi dans l'affaire Sharpe. À part le fait qu'il n'y a aucune preuve attestant qu'elles sont nécessaires pour attraper un plus grand nombre de pédophiles, l'autre problème principal, ce que ces dispositions introduisent un élément de subjectivité qui crée un risque de poursuites contre des artistes légitimes.

    Pour faire le lien avec une question que M. Marceau a posée, ce n'est pas seulement le risque de poursuite qui est inquiétant, mais le fait que cela va refroidir d'autres artistes, qui vont simplement décider de ne pas s'attaquer à un sujet parce que les risques sont trop grands. Le danger d'être incriminé ou d'être considéré comme un pornographe infantile n'en vaut pas la chandelle lorsqu'on envisage une réalisation artistique.

    Selon moi, vous ne devriez pas, en tant que parlementaires, encourager cet effet de refroidissement. Au contraire, vous devriez adopter des lois et des politiques publiques qui favorisent l'épanouissement des artistes et les réalisations artistiques.

À  +-(1010)  

+-

    M. Joe Comartin: J'allais justement vous poser une question sur cet effet de refroidissement, donc laissez-moi pousser un peu plus loin. On a dit que le simple fait d'être considéré comme un pornographe infantile était suffisant pour refroidir un artiste. Mais il y a autre chose qui a un effet de refroidissement, et c'est ce dont je veux vous parler. Il s'agit des coûts juridiques pour se défendre en cas de poursuite.

[Français]

    Monsieur Montpetit, peut-être pourriez-vous aussi répondre à cela.

[Traduction]

    Monsieur Addario, j'aimerais avoir une estimation des coûts juridiques pour se défendre dans une poursuite comme celle-ci, depuis l'accusation, en passant par le processus d'appel, jusqu'à la Cour suprême du Canada.

+-

    Me Frank Addario: Un avocat honnête ne facturerait pas tant que ça.

    Monsieur Comartin, je...

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Son avocat est occupé aujourd'hui.

+-

    Me Frank Addario: C'est exact. Il est en train de témoigner.

    J'ai eu le privilège de défendre M. Langer lorsqu'il a été accusé. Permettez-moi de vous donner un petit aperçu de cette affaire. Il s'agissait d'un jeune artiste qui en était à sa première exposition. Il avait peint des toiles format musée. Elles étaient exposées dans une galerie dirigée par des artistes et elles avaient donc été sélectionnées au préalable par un jury.

    Une voix : Qu'entendez-vous par « format musée »?

    Me. Frank Addario : Format musée? Ce sont des toiles très grandes, comme des fresques.

    Il avait utilisé de bons matériaux. Tous les experts qui ont témoigné étaient d'avis qu'il s'agissait sans l'ombre d'un doute d'un jeune artiste habile et talentueux.

    Cette affaire l'a accablé et a retenu son imagination artistique pendant près de deux ans. Le coût psychologique du litige a été incalculable pour le jeune artiste et, au bout du compte—je sympathise tout de même avec la police, parce que personne ne savait ce qu'était la défense fondée sur le critère de la valeur artistique à cette époque—, le juge a conclu que l'oeuvre dénonçait l'exploitation sexuelle des enfants et les tableaux ont été remis à M. Langer.

    Maintenant que nous avons une défense objective, je dirais, en tant qu'avocat, qu'il ne pourrait être accusé une deuxième fois. Par contre, si la défense était fondée sur le critère de la fin légitime, il aurait à se soumettre au même exercice encore une fois et prouver à un tribunal ou à un jury que son intention était d'explorer un sujet sérieux d'une manière sérieuse ou de condamner l'exploitation sexuelle des enfants d'une manière sérieuse. Je dirais que c'est trop demander à des artistes légitimes.

    Rien ne prouve que pareille modification au moyen de défense est nécessaire pour attraper des individus comme Sharpe.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Montpetit, avez-vous un commentaire à faire?

[Traduction]

+-

    M. Charles Montpetit: Puisque vous avez demandé mes commentaires...

    D'abord, vous avez parlé d'un effet de refroidissement. J'aimerais simplement dire que ce n'est pas un effet négligeable. Lorsqu'un artiste est accusé, sa vie est détruite

    Comme j'écris des livres pour les adolescents, je ne serai plus invité dans les écoles, ce qui est ma principale source de revenus—donner des conférences—et mes livres ne se vendront plus. Ils seront saisis durant toute la procédure. Cela signifie que je perdrai tous mes revenus et, même si je suis déclaré innocent, la mauvaise réputation que j'aurai acquise dans toute cette affaire m'empêchera probablement d'exercer encore ma profession, parce qu'un présumé agresseur d'enfants n'est pas le bienvenu dans une école. L'effet de refroidissement est donc énorme.

    Deuxièmement, vous avez demandé ce qu'il en coûte. Jusqu'à présent, aucun artiste n'a porté sa cause jusque devant la Cour suprême, mais l'affaireLittle Sister's c. Douanes Canada est un cas presque identique et vise une loi semblable. Douanes Canada a interdit l'entrée de certaines oeuvres d'art à la frontière. L'affaire a été portée devant la Cour suprême, ce qui a coûté plus d'un million de dollars sur 10 ans, la première fois. À l'heure actuelle, tout doit être refait. Nous en sommes donc à environ 2 millions de dollars.

    Enfin, outre l'effet de refroidissement et les coûts, ce que je trouve le plus bizarre dans le libellé de la loi, c'est l'inversion du fardeau de la preuve. C'est l'artiste qui doit prouver qu'il n'y a pas d'exploitation d'enfants dans son oeuvre, et non l'accusateur qui doit prouver le contraire. À mon avis, c'est tout simplement inconstitutionnel.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Montpetit.

    Monsieur Comartin, voulez-vous intervenir? Non.

    Monsieur Macklin, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui. Il est très important que nous connaissions votre point de vue. Les diverses perspectives qui nous ont été présentées aujourd'hui nous ont certainement fait réfléchir et nous vous avons écoutés avec beaucoup d'attention.

    J'aimerais aborder certains aspects en particulier. Je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idée que M. Marceau, mais j'aimerais d'abord parler du virtuel. Dans la définition actuelle, nous incluons la pornographie juvénile virtuelle montrant l'exploitation sexuelle d'un enfant réel ainsi que d'un enfant qui serait une image générée par ordinateur.

    Avec la technologie d'aujourd'hui, il est impossible de voir la différence—ou du moins nous arrivons à un point où il sera impossible de voir la différence—entre une image générée par ordinateur et la photographie d'un enfant réel; alors pourquoi croyez-vous que nous devons faire une distinction entre les deux si nous ne voyons pas cette différence?

+-

    M. Charles Montpetit: C'est assez simple.

[Français]

    Pardon. Je vais parler en français.

    Il devrait y avoir une différence. Pour pouvoir arrêter quelqu'un pour un crime, il faut avoir démontré que le crime a eu lieu. Il faut qu'un dommage réel ait été causé à une personne réelle. Si on n'est pas capable de prouver que ce crime a eu lieu, on ne devrait pas porter d'accusations contre un individu. La question n'est pas de savoir si l'image est semblable dans les deux cas. La question est plutôt de savoir si le crime a eu lieu ou non.

    Il ne faut donc pas regarder le produit, mais se demander si un abus a été commis sur un enfant réel. C'est cela qui fait la différence. Quand bien même le produit serait identique, il ne devrait y avoir d'arrestation que lorsqu'un abus est dûment constaté, quand un enfant a été réellement et physiquement abusé. C'est aussi simple que cela.

[Traduction]

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Est-ce que d'autres témoins voudraient faire des commentaires?

+-

    Me Frank Addario: J'aimerais faire remarquer que même si vous changez la définition pour inclure explicitement les images virtuelles d'enfants et que vous permettez encore la défense fondée sur la valeur artistique, les artistes légitimes seraient encore protégés. Par contre, si l'oeuvre ne comporte aucune valeur artistique objective minimale, des poursuites pourraient être intentées contre les pédérastes.

À  +-(1020)  

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Harold Stead: Avec le plus grand respect, j'aimerais exprimer une opinion contraire à celle des autres témoins concernant les images virtuelles et réelles des enfants. Qu'elle soit virtuelle ou réelle, la pornographie juvénile devient pour le pédéraste ou le pédophile un stimulant artificiel conduisant à l'une des plus fortes sensations du corps humain, l'orgasme. Comme avec tout autre stimulant artificiel, que ce soit la drogue ou l'alcool, le corps s'habitue à un certain niveau de stimulation et a besoin de stimulants plus puissants pour atteindre le même effet.

    À mon avis, il est risqué de ne pas faire de distinction ou plutôt de faire une exception pour ce qu'on pourrait appeler le virtuel—si, à l'avenir, nous pouvons effectivement différencier le virtuel du réel dans l'identification d'un enfant et amener cet enfant réel devant le tribunal pour qu'il admette être cette personne. Les dommages causés au tissu social, en général, par des gens qui se laissent entraîner dans la mentalité du toujours plus jeune et la gratification instantanée que procure la masturbation, ce sont des problèmes mentaux graves que nos systèmes sociaux auront beaucoup de difficultés à traiter.

    Lorsqu'on songe au nombre de jeunes enfants qui sont exposés à pareil matériel et au manque de services sociaux et de professionnels en santé mentale capables de s'occuper des enfants qui sont aux prises avec cette accoutumance particulière, cela justifie en soi l'interdiction de la pornographie juvénile virtuelle.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Monsieur Deschênes.

+-

    M. Stéphane Deschênes: Il faut garder à l'esprit que le problème, ce n'est pas le produit; le problème, c'est le pornographe qui exploite la victime, les enfants. Il est également reconnu que ces individus peuvent être stimulés à la vue d'un enfant tout habillé. Ils se tiennent près des écoles et sont excités simplement à regarder les enfants jouer dans la cour—des enfants innocents. À moins de rendre illégales toutes les images d'enfants, nous n'éliminerons pas ce stimulus. Il faut s'en prendre au criminel, et non au produit.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Permettez-moi d'aborder un autre sujet, puisque nous n'avons pas souvent la chance de poser diverses questions. J'aimerais revenir à ce dont parlait M. Marceau. Vous avez fait valoir dans vos exposés que vous voulez traiter des infractions couvertes par la pornographie juvénile, mais je crois qu'il faut d'abord se demander si vous croyez que des protections sont prévues pour les artistes en général, dans la définition de pornographie juvénile.

    Prenons un autre exemple. Dans cette définition, M. Marceau a fait remarquer qu'il est question à certains endroits d'une activité sexuelle explicite, que la caractéristique dominante doit être les organes génitaux ou la région anale et que l'intention sexuelle doit être présente. Passons à l'article suivant—et ce sont des critères cumulatifs, et non isolés—où il est question de tout écrit ou de toute représentation qui préconise ou conseille une activité sexuelle illégale avec un enfant.

    Êtes-vous en train de dire que les artistes veulent être en mesure de préconiser ou de conseiller une activité sexuelle illégale avec un enfant?

+-

    M. Charles Montpetit: Bien sûr que non, mais j'aimerais vous corriger. Ce n'est pas cumulatif; c'est l'un ou l'autre. C'est soit une oeuvre qui montre des enfants—des personnes de moins de 18 ans ou qui semblent avoir moins de 18 ans—qui sont engagés dans une activité sexuelle; soit un livre qui montre de la nudité à des fins de stimulation sexuelle, y compris les organes génitaux ou l'anus; ou encore un écrit qui correspond à ce que vous venez de décrire. Les trois critères ne doivent pas nécessairement être réunis. Un seul suffit pour qu'une oeuvre fasse l'objet d'une poursuite et éventuellement d'une accusation.

    Concernant ce que vous avez dit un peu plus tôt, à savoir si l'oeuvre est virtuellement identique à l'acte réel, c'est très simple, selon moi. S'il s'agissait d'un meurtre virtuel identique à un meurtre réel, la personne qui l'aurait créé sur Internet ne serait pas arrêtée; alors pourquoi devrions-nous traiter le sexe différemment quand il est question d'oeuvre virtuelle?

    Voilà essentiellement les deux réponses que je vous donne. Vous ne devez pas arrêter des gens parce qu'ils montrent quelque chose où aucun crime n'a été commis. Ce n'est pas une question d'interprétation personnelle. Lorsque vous dites « pour donner une gratification sexuelle », c'est subjectif, et chaque personne en fera sa propre interprétation. Par conséquent, beaucoup de gens verront une intention sexuelle là où vous n'en voyez pas.

    Il est extrêmement dangereux de faire reposer la loi sur tant de subjectivité, parce que l'opinion de l'accusateur devient alors plus importante que de savoir si un crime réel a été commis.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

    Nous écouterons maintenant M. Warawa, pendant cinq minutes.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais remercier les témoins d'être ici ce matin et de nous faire part de leur point de vue.

    J'ai un commentaire ainsi qu'une question.

    Je vais revenir d'abord à un commentaire fait par M. Malavoy. Vous demandez pourquoi changer quelque chose qui fonctionne. Je dirais que les Canadiens sont en faveur des modifications. Ils appuient en général le projet de loi C-2, parce qu'ils ne croient pas que la loi actuelle fonctionne et protège les enfants.

    Dans ma circonscription de Langley, un jeune adulte a été reconnu coupable d'infraction sexuelle à l'endroit de deux jeunes enfants et a été condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis qu'il doit purger à son domicile. Les victimes habitent de chaque côté de chez lui, si bien que les parents et ces jeunes victimes vivent aujourd'hui constamment dans la peur. Dans ce cas particulier, à l'instar des victimes et des résidents, je ne crois pas que le système fonctionne.

    On trouve de nombreux exemples où un adulte en situation d'autorité a abusé de la confiance d'un enfant de 14 ou 15 ans et a eu des relations sexuelles avec lui, et le projet de loi serait plus restrictif. Certaines personnes ont été accusées. Toutefois, j'aimerais parler des personnes qui ne sont pas en situation d'autorité, par exemple, d'un adulte de 28 ou de 30 ans qui entretient une relation avec un jeune de 14 ou 15 ans jusqu'au point où une relation sexuelle a lieu entre quelqu'un qui n'est pas en situation d'autorité, mais qui a une relation avec un enfant et qui profite d'une personne en bas âge. Voilà mon principal commentaire.

    Ma question porte sur l'exposé présenté par M. Stead, concernant l'âge du consentement sexuel. Avant d'être élu député dans ma circonscription, j'ai été membre d'une administration locale pendant 14 ans. Les administrations locales au Canada sont représentées par un organisme qu'on appelle la Fédération canadienne des municipalités, qui représente presque toutes les administrations locales au pays. Depuis un certain nombre d'années, cet organisme demande—et a récemment adopté une résolution, presque unanime, à cette fin—que l'âge de consentement soit porté à 16 ans alors qu'il est de 14 ans à l'heure actuelle.

    En établissant l'âge de consentement à 14 ans, le Canada fait partie d'une minorité. La grande majorité des Canadiens abhorrent le fait que des enfants soient des victimes, et je suis convaincu que tout le monde ici est en faveur de la protection de nos enfants. Pourquoi y a-t-il de la résistance? Voilà la question que je pose à chacun des témoins. Selon vous, pourquoi certaines personnes dans notre pays qui ont un pouvoir de décision et qui sont en position d'influence hésitent-elles à relever l'âge de consentement à 16 ans, alors que la grande majorité des Canadiens qui sont instruits et qui travaillent fort, même au sein du gouvernement, disent de grâce, relevez l'âge à 16 ans parce qu'un jeune de 14 ans n'a pas les habilités cognitives nécessaires pour prendre ces décisions, pour consentir en toute connaissance de cause à une relation avec un adulte de 28, 30 ou 32 ans?

    Pour que vous compreniez bien ma question, pourquoi y a-t-il de la résistance à hausser l'âge de consentement? Commençons avec M. Stead, s'il vous plaît.

À  +-(1030)  

+-

    M. Harold Stead: Vous êtes les parlementaires; j'aimerais vous demander pourquoi vous ne l'avez pas fait en 28 ans. Je soupçonne qu'en s'acharnant à promouvoir les libertés individuelles et à permettre une interprétation laxiste des bonnes moeurs, nous avons dispensé les adultes de suivre les balises rationnelles qui relèvent du bon sens et qui sont presque une évidence dans le reste du monde, et nous avons privé les enfants de ces balises.

    Certains parlementaires ont fait valoir, pour justifier le fait que l'âge de consentement n'est pas relevé, qu'aucun enfant ne veut être victimisé en étant une victime. Eh bien, personne ne veut être victimisé en étant la victime d'un crime, encore moins d'un crime sexuel, surtout les enfants. Nous avons entendu la défense voulant que la conduite des enfants serait criminalisée—s'ils ont des relations sexuelles entre eux et qu'ils ont moins de 16 ans, ils seront considérés, en quelque sorte, comme des criminels. Il existe une solution simple à ce problème : tenez compte de la différence d'âge. Tandis que vous y êtes, pourquoi ne pas mettre des limites sur le comportement des enfants pour leur dire au moins qu'on voudrait qu'ils attendent?

    Nous leur interdisons de fumer, parce que c'est mauvais pour leur santé. Je vous dirais qu'aucune personne raisonnable ne souhaite que son enfant ou son petit-enfant de 14 ou 15 ans ait des relations sexuelles avec un autre jeune de 14 ou 15 ans, parce qu'il ne comprend pas bien le VIH et tous les autres problèmes qui peuvent survenir.

+-

    Le président: Merci, monsieur Stead.

    Nous allons poursuivre.

[Français]

    Monsieur Malavoy, avez-vous une réponse à cela?

+-

    M. Jean Malavoy: Je vais demander à Frank de répondre à cette question.

[Traduction]

+-

    Me Frank Addario: Monsieur Warawa, nous vous remercions de votre question et de vos commentaires.

    La CCA n'a pas de position à cet égard. Nous sommes venus ici pour faire valoir le seul point présenté dans notre mémoire, si je peux donner cette réponse.

    Vous avez dit que le système ne fonctionne pas et vous avez parlé de cet individu qui a obtenu une peine d'emprisonnement avec sursis et qui demeure tout près des victimes, mais cela n'a rien à voir avec la défense fondée sur la valeur artistique. Vous faites état de ce qui paraît être un abus de confiance et de l'exploitation des enfants, et cela n'a rien à voir avec la défense fondée sur la valeur artistique. Nous faisons valoir simplement que le moyen de défense en soi fonctionne et que le Parlement doit le maintenir.

+-

    Le président: Merci, monsieur Addario.

    Monsieur Montpetit.

[Français]

+-

    M. Charles Montpetit: J'appuie les commentaires de M. Addario. J'allais faire les mêmes commentaires. Si un éventuel projet de loi propose de changer l'âge du consentement, je vous suggère de tenir des audiences sur ce sujet, et les experts compétents en la matière viendront témoigner à ce moment-là.

    Nous sommes ici pour faire des commentaires sur le projet de loi. On a décidé que ces audiences portaient sur ce projet de loi. Il n'est pas question de changer l'âge du consentement dans ce projet de loi.

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Williams ou monsieur Deschênes.

+-

    M. Vic Toews: J'invoque le règlement. Je me demande si les témoins savent que nous traitons ici du projet de loi C-2, qui inclut l'âge de consentement. Il y a peut-être un peu de confusion chez les témoins. Le projet de loi ne porte pas seulement sur la valeur artistique.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Deschênes...

+-

    M. Charles Montpetit: Excusez-moi, monsieur le président. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait aucune mention de l'âge dans le projet de loi actuel. J'ai dit que le projet de loi actuel ne propose pas de changer l'âge du consentement. Nous ne sommes donc pas ici pour discuter d'un changement de l'âge du consentement.

[Traduction]

+-

    Mme Judy Williams: Je suis d'accord avec les deux témoins précédents pour dire que ce n'est pas l'objet de notre présence ici. On nous a posé cette question la dernière fois que nous avons comparu devant vous et, après avoir enseigné dans une école secondaire pendant 40 ans, je peux vous dire que vous posez une bonne question, que j'adresserais aux parlementaires. Nous devons tous répondre à cette question, mais je crois que la meilleure façon d'y répondre serait de faire cette analogie : avez-vous déjà essayé de dire à un adolescent qu'il ne peut sortir ou regarder la télévision pendant un certain temps? Vous savez qu'il y aura de la résistance.

    À l'heure actuelle, il y a un problème qui prend de l'ampleur à Burnaby, en Colombie-Britannique, ainsi qu'à Abbotsford. À Burnaby, c'est l'augmentation de la violence chez les adolescents—les jeunes de 12 ans, les préadolescents—qui volent des femmes seules à la pointe du couteau dans la station du SkyTrain, etc. À Abbotsford, la région traditionaliste de la Colombie-Britannique, s'il en est, de jeunes adolescents se retrouvent pour avoir des relations sexuelles en groupe et obtenir ainsi de la drogue. Cela nous ramène à la surveillance parentale, aux parents qui sont prêts et disposés à imposer des balises et qui savent où sont leurs enfants. Cela nous ramène à la famille et à nous, les adultes, qui devons être des guides pour les jeunes.

    Toutefois, je ne veux pas m'éloigner du but de notre présence aujourd'hui. Soit dit en passant, tout adepte du naturisme, toute personne qui occupe un poste public comme un enseignant, comme je l'ai été, est très conscient du facteur de refroidissement dont il a été question un peu plus tôt. Une photographie de moi a été publié dans la revue Vancouver; c'était la première fois qu'une revue comme celle-là publiait la photo d'une personne nue vue de face, et c'est sorti aux alentours de Pâques...

+-

    M. Mark Warawa: Monsieur le président, j'apprécie cette réponse, mais elle ne répond pas à ma question.

+-

    Mme Judy Williams: D'accord.

    Je parlais des limites car ça revient à une question de limites.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Marceau, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.

    Cette fois, ma question s'adresse à Me Addario. Évidemment, je sais qu'avec des « si » on mettrait Rome en bouteille. Cependant, si le projet de loi C-2 avait été adopté et avait eu force de loi au moment des événements entourant le cas Sharpe, la décision aurait-elle été différente, selon vous, et pourquoi?

[Traduction]

+-

    Me Frank Addario: C'est une question difficile car, comme vous le savez, lorsqu'il y a contestation constitutionnelle, un des éléments abordés devant le tribunal est l'article 1 pour déterminer si l'infraction est justifiée ou pas. Dans l'affaire Sharpe, certains éléments de preuve concernant l'article 1 ont été présentés, mais pas autant qu'on l'aurait souhaité.

    Si vous lisez la décision de la juge en chef McLachlin, vous verrez que, selon elle, l'aspect objectif de la défense fondée sur le mérite artistique est essentiel pour confirmer la constitutionnalité de l'article 163.1.

    J'aimerais apporter quelques précisions sur l'application de la loi. Elle ne s'applique qu'au matériel qui est déjà par définition de la pornographie juvénile. Ça ne s'applique pas à d'autres choses à l'extérieur de cette définition. La loi définit la pornographie juvénile et il y a un moyen de défense au paragraphe 6 qui ne s'applique... Donc, c'est le test objectif qui permet d'éviter la condamnation. Ça n'exclue pas le matériel visé par la définition dans la disposition antérieure, je crois que c'était l'article 1.

À  +-(1040)  

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Puis-je encore abuser de votre opinion? Vous qui avez été l'avocat de Langer, pensez-vous que M. Langer aurait été trouvé coupable si le projet de loi C-2 avait eu force de loi?

[Traduction]

+-

    Me Frank Addario: C'est une bonne question en raison du deuxième volet du test. Même si le juge a porté un jugement de condamnation, les procureurs auraient pu dire qu'il y avait un risque de préjudice pour les enfants puisque ceux-ci pouvaient mettre la main sur ce matériel et l'utiliser à des fins de fantasmes sexuels, par exemple, ou utiliser ces tableaux pour... Voilà pourquoi je vous encourage à maintenir la défense actuelle qui évite que les artistes soient exposés à ce type d'analyse.

    D'après des psychologues en recherche et des psychologues judiciaires qui traitent des pédophiles, certains pédophiles pourraient être excités par les tableaux de Langer, mais comme on l'a mentionné plus tôt, certains s'excitent également à la vue du catalogue Sears. Nous ne pouvons pas faire disparaître toutes les images d'enfants seulement parce que celles-ci pourraient être utilisées par quelqu'un qui est malade.

    Pour cette raison, le deuxième volet de cette défense, c'est-à-dire le risque indu de préjudice, est un problème.

+-

    Le président: Madame Neville.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci à tous d'être ici aujourd'hui.

    Lorsque je préside une réunion, je grince des dents lorsqu'un membre pose de nombreuses questions, mais je souhaite néanmoins aborder certains éléments même si le temps est limité.

    Ma première question s'adresse à M. Stead. Je suppose que vous avez préparé ce document vous-même. Il me pose certains problèmes. D'abord, vous avez décidé d'analyser les États américains séparément, ce qui nous donne une vue très déformée puisque vous n'avez pas fait ça pour d'autres pays qui sont une fédération. Je me demandais si vous pourriez commenter ça.

    Deuxièmement, si je regarde le contenu de votre document pour ce qui est de l'âge de consentement, je me demande si vous avez fait une analyse des situations où s'applique l'âge de consentement, à savoir lors de contacts sexuels ou de pénétration. Quels aspects de l'âge de consentement avez-vous analysés ici?

    Pour ma part, et pour ce que ça vaut, je crois que le projet de loi va plus loin en ce qui a trait à l'exploitation sexuelle pour ce qui est de relever l'âge de consentement, de protéger davantage les enfants et de transférer à l'accusé le fardeau de la preuve. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    J'aimerais aussi avoir des commentaires sur les freins qu'entraînerait le projet de loi, car le frein artistique m'inquiète beaucoup. Je me demande si l'adoption éventuelle de ce projet de loi n'affecte pas déjà la communauté artistique, telle que vous la connaissez, monsieur Montpetit et monsieur Malavoy. Quel impact le projet de loi aura-t-il, d'après vous?

    Je demanderais au groupe qui représente les naturistes—que je remercie d'ailleurs de son exposé très réfléchi—si votre organisation ou d'autres organisations de naturisme ont pris des mesures pour s'assurer que des membres ne participaient pas aux activités à des fins illicites ou en vue d'exploiter des enfants. Je comprends ce qu'est le naturisme, mais le risque d'abus m'inquiéterait.

    J'ai posé trois questions même si je sais que ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder, mais je l'ai fait pareil.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Ça peut aller.

    Je demanderais toutefois que les réponses soient les plus directes possible.

    Monsieur Stead.

+-

    M. Harold Stead: Mon but n'était pas de semer la confusion en ce qui a trait aux pays. Il s'agit en réalité d'un tableau des compétences légales dans le monde. Je dirais que ce n'est même pas tout à fait représentatif puisque je n'ai pas inclus les 47 régimes japonais, où on retrouve des âges de consentement de 16 à 18 ans, principalement car je ne pouvais pas traduire les lois japonaises de chaque province. En ce qui a trait aux domaines de compétence, mon analyse visait à savoir quelles étaient les compétences légales des autres corps législatifs et ce qui avait été fait. Au Canada, une telle loi se retrouve au niveau fédéral, à l'exception du Québec qui a, si je ne m'abuse, une loi provinciale pour protéger les enfants. Voilà les résultats de mes recherches. Je n'essayais pas de vous induire en erreur.

    En ce qui a trait aux types d'actes sexuels, c'est de plus en plus complexe si on va au-delà d'une relation hétérosexuelle entre un enfant et un adulte, ce qui était essentiellement le point de mire de mon analyse. Si on se penche sur les nuances des diverses lois pour ce qui est des relations homosexuelles, de la différence d'âge et d'autres choses comme ça, ça devient très complexe.

    Le Mexique a deux lois. Il y a une loi fédérale qui stipule que l'âge de consentement est de 18 ans, puis il y a les lois des différents états qui, en somme, établissent l'âge de consentement à 12 ans. Encore là, ça ne reflète pas vraiment ce qui se passe dans la réalité car si une enfant de 13 ans dépose une plainte auprès des autorités, elle devra prouver, dans la plupart des provinces du Mexique, qu'elle était vierge au moment de la relation sexuelle avec l'adulte. Habituellement, c'est un problème qui se règle entre la famille de l'enfant et l'adulte qui a commis l'acte. Si l'homme n'est pas marié, dans le cas d'une relation hétérosexuelle, celui-ci peut marier la fille et payer une amende.

    Voilà ma réponse pour ce qui est des types d'actes sexuels. En ce qui a trait aux freins liés au projet de loi...

+-

    Mme Anita Neville: Ma question s'adressait réellement à M. Malavoy.

+-

    M. Harold Stead: J'aimerais néanmoins dire que pour bon nombre de gens, c'est une mesure de dissuasion.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Malavoy, allez-y.

+-

    M. Jean Malavoy: Les 250 000 artistes membres du secteur culturel que nous représentons aujourd'hui sont très inquiets de cela, parce qu'on fait passer pour anormaux des artistes qui explorent le sujet de la sexualité. Cela crée aussi un élément d'inquiétude. À tout moment, un artiste peut être trouvé coupable parce que, comme on l'avait mentionné, la notion de but légitime est floue et qu'une personne de son entourage pourrait porter un jugement subjectif sur son oeuvre pour le faire arrêter.

    Il y a donc une grande inquiétude dans la communauté artistique. Je vous rappelle aussi que les artistes sont le groupe le moins bien payé au Canada. Le salaire moyen d'un artiste canadien est de 23 500 $. C'est donc un groupe qui est à risque et qui vit dans des conditions financières difficiles. Ce projet de loi va encore accroître les inquiétudes des artistes face à l'environnement social.

    Je voulais également rappeler que l'artiste professionnel, dans toutes les régions et tous les villages du Canada, a un rôle déterminant à jouer, comme l'enseignant et comme tout secteur de la communauté. Par conséquent, cet élément de risque l'affecte.

    Un autre sujet important est celui des adolescents. Tout adolescent canadien qui atteint l'âge du consentement dont on parlait, qui est actuellement de 14 ans, s'expose à des accusations criminelles s'il décide d'exprimer son expérience personnelle. Cette situation affecte nos enfants. Je représente la Conférence canadienne des arts, mais, à titre de parents, ce sont des éléments qui nous touchent, car nos propres enfants pourraient être considérés comme criminels vu l'interprétation subjective dont la loi peut être l'objet.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Montpetit.

+-

    M. Charles Montpetit: Au sujet du refroidissement, j'aimerais dire deux choses. Il s'agit d'abord d'un facteur très difficile à prouver, parce que, par définition, quand une intimidation touche les artistes, cela se fait à un niveau qui n'est pas prouvable.

    Un artiste ne sera pas invité dans une école. Il ne sera pas invité à donner une conférence. Il choisira de ne pas écrire un livre. Par conséquent, on parle d'une absence de preuve et non pas de preuve qu'un réel dommage a été causé aux artistes jusqu'à maintenant.

    C'est sûrement le cas. En bien des occasions, j'ai été personnellement refusé par une école qui m'avait invité une première fois à faire une conférence sur le livre. À la dernière minute, au moment d'entrer en classe, on m'a demandé de parler d'autre chose. On ne sait pas si ce genre de situation est causé par le projet de loi, mais il est certain que plus il fait la manchette, plus cela affecte la population. Cela expliquerait que j'aie d'abord été invité à parler du livre et qu'on m'ait ensuite demandé de changer ma conférence. Personne ne me l'a expliqué en autant de mots. Ce premier aspect n'est pas prouvable.

    Par contre, le deuxième aspect l'est: la communauté artistique a dû faire beaucoup d'efforts pour préparer des représentations comme celle que nous faisons devant vous. Le simple fait de vous soumettre, du côté québécois, un mémoire endossé par 14 organisations a demandé énormément de temps. Forcément, les artistes qui mettent ce temps à se protéger du projet de loi C-2 ne l'utilisent pas pour créer.

    Pour l'instant, c'est le principal facteur démontrable. Il y a sûrement beaucoup plus grave que cela, mais on ne le saura jamais.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Deschênes.

[Traduction]

+-

    M. Stéphane Deschênes: Avant de répondre à vos questions, j'aimerais dissiper une idée fausse selon laquelle les naturistes sont d'une quelconque façon plus susceptibles ou vulnérables à cet égard.

    Si les vêtements empêchaient tout acte de violence ou de pédophilie, le problème n'existerait probablement pas. Si le naturisme était la seule cause, je serais probablement le premier à vouloir l'abolir. Mais dans les faits, la plupart de ces crimes ne se produisent pas dans un environnement naturiste, mais bien dans des endroits où des adultes ont une relation de confiance avec des enfants—qu'il s'agisse d'entraîneurs de hockey, de chefs de troupes de scouts ou, dans certains cas, d'enseignants—, la plupart du temps les personnes sont habillées et les événements s'enchaînent.

    Cela dit, nous reconnaissons qu'il faut prendre des précautions comme tout autre groupe. Je crois que Mme Williams peut donner plus de détails sur ce qui se fait dans ses clubs.

+-

    Mme Judy Williams: La Federation of Canadian Naturists fait des suggestions. Nous ne pouvons dicter aux clubs qui sont membres de la fédération ce qu'ils doivent faire, mais nous leur suggérons fortement d'utiliser des cartes d'identité avec photo lors des différentes activités auxquelles participent des naturistes, comme nos clubs de natation, et de faire preuve de prudence en ce qui a trait aux formulaires de consentement pour l'utilisation de photos dans nos publications, particulièrement lorsqu'il s'agit d'enfants, en exigeant non seulement la signature des enfants, mais aussi celle de leurs parents ou des personnes qui sont officiellement responsables d'eux. C'est très, très important, particulièrement lorsque quelqu'un est dans une situation de confiance, et ça s'applique aussi aux bénévoles car, comme c'est le cas dans de nombreuses activités où les gens sont vêtus, nous avons beaucoup de bénévoles dans les activités naturistes.

    Notre priorité est la protection de nos enfants, comme c'est le cas pour les gens qui portent des vêtements. C'est la même chose. En tant qu'enseignant, on a vérifié si j'avais un casier judiciaire et je crois que ça devrait être la même chose pour les gens qui sont dans une situation de confiance auprès d'enfants dans un environnement naturiste, ou du moins on devrait leur demander de faire une divulgation complète de leurs antécédents pour que les gens puissent prouver qu'ils n'ont aucune intention illicite. Je crois qu'il est très important que les gens comprennent que nous avons les mêmes préoccupations que le reste de la population.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Merci, madame Neville.

    Nous allons avoir une dernière intervention avant de passer à notre prochaine séance. Monsieur Breitkreuz.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci beaucoup. J'ai deux questions. Je vais essayer de les poser le plus rapidement possible.

    Un film sortira bientôt sur Paul Bernardo et Karla Homolka. Ce sera vu comme de l'art, mais devrait-on permettre ça? Je crains que ça n'incite quelqu'un à copier ces crimes.

    Vous direz peut-être qu'il faut explorer davantage la question et voir ce qui va se passer, mais comment aborderiez-vous cette question?

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Monsieur Montpetit.

[Français]

+-

    M. Charles Montpetit: Il n'y a pas de crime commis, en tout cas pas encore, dans le cas d'un film qui n'est pas encore sorti en salle, mais dont on présume qu'il va peut-être provoquer un phénomène d'imitation. Si un crime est commis, le degré de culpabilité de l'accusé ne sera pas fonction du lien entre le film et l'acte qu'il a commis, mais dépendra de la nature du crime lui-même.

    D'autre part, s'il n'y a pas réellement d'abus sur un enfant lors du tournage d'un film, les cinéastes ne sont pas coupables d'un crime.

[Traduction]

+-

    M. Garry Breitkreuz: Monsieur, êtes-vous en train de dire que nous ne devrions pas restreindre la pornographie juvénile pour cette raison et qu'il ne nous revient pas, à nous les législateurs, de restreindre le matériel qui pourrait inciter d'autres personnes à commettre des crimes? Êtes-vous en train de dire que nous ne devrions pas faire ça?

    Je ne suis pas d'accord avec vous. Je crois que nous avons l'obligation d'essayer de restreindre le matériel qui pourrait inciter d'autres personnes à commettre un crime. Voilà pourquoi nous voulons enrayer la pornographie juvénile dans notre société. J'ai entendu dire que 40 p. 100 des gens qui s'adonnent à cette activité sont tentés de copier ce qu'ils voient; je ne peux donc pas être d'accord avec votre analyse.

    Quelqu'un d'autre a-t-il un commentaire?

+-

    M. Charles Montpetit: Puisque vous avez posé la question, j'aimerais y répondre.

    À moins qu'il n'y ait eu crime, il y a des choses qu'on ne peut pas criminaliser, sinon il faudrait criminaliser un film ou une émission télévisée qui comporte des scènes de meurtre puisque ça pourrait inciter des gens à commettre des crimes d'imitation. Nous ne criminalisons pas ça, alors pourquoi faudrait-il le faire pour du matériel qui porte sur le sexe?

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter?

    Monsieur Addario.

+-

    Me Frank Addario: Je dirais au député que l'intention du Parlement d'éviter tout risque de préjudice aux enfants, et ce de toutes les façons possibles, est légitime. Il y a toutefois certains problèmes. Premièrement, les preuves sur le plan social permettant d'établir un lien entre la disponibilité du matériel et les actes commis sont extrêmement faibles. Deuxièmement, il est très difficile de fixer des limites pour essayer de protéger les artistes légitimes, et, malgré ça, certains d'entre eux se feront injustement prendre au piège. Troisièmement, comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, le matériel que la police saisit dans le domicile d'un pédophile ne passe presque jamais pour une oeuvre artistique.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Disons que j'aurais de la difficulté à adhérer au principe selon lequel il est plus important de préserver l'art que d'empêcher la propagation de la pornographie juvénile pour ceux qui pourraient être motivés à commettre un crime. Je pense que ça me dérangerait, mais j'aimerais poser une autre question à M. Stead avant d'avoir épuisé tout mon temps.

    Notre échange semble se résumer à ceci. On dit souvent que notre société change, que les jeunes Canadiens ont des relations sexuelles plus tôt et que nos lois doivent être revues pour ne pas criminaliser les expériences normales entre jeunes gens. Devant de tels arguments, comment justifieriez-vous la nécessité d'augmenter l'âge de consentement à 16 ans?

+-

    M. Harold Stead: Je crois qu'il y a eu plusieurs propositions pour fixer une certaine différence d'âge entre les enfants et trouver un juste milieu, mais il n'y a pas de bonne façon de déterminer à quel âge les enfants sont suffisamment matures. Les jeunes ne mûrissent pas tous au même rythme.

    Je propose donc pour ce qui est d'une loi visant à protéger les enfants, la pornographie juvénile virtuelle et la pornographie juvénile non virtuelle... On emploie le terme « crime d'imitation » lorsque des enfants apportent une arme à l'école et tuent leurs compagnons de classe. C'est ça l'origine du terme. Vous avez tout à fait raison, nous avons eu très peu de données scientifiques permettant d'établir un lien entre la pornographie et la violence sexuelle.

    Toutefois, il y a actuellement beaucoup de recherches sur le lien entre la pornographie juvénile et l'exploitation sexuelle des enfants. Vous avez donné à titre d'exemple un cas à Toronto. J'aimerais parler d'un autre cas aussi. Il s'agit de Michael Briere, qui, à 8 heures, se masturbait devant des images de pornographie juvénile sur Internet et qui est allé enlever, à 8 h 30, Holly Jones. Il l'a ensuite ramenée à son domicile, qui se situait à moins d'un coin de rue, où il l'a violée, tuée, démembrée et placée dans son réfrigérateur avant de se débarrasser de son corps démembré.

    Que cet homme, Michael Briere, ait été excité par le catalogue Sears, de la pornographie juvénile sur Internet ou d'autres types de pornographie juvénile importe peu... Le fait demeure qu'il y a des gens dont les fantasmes évoluent et qui n'obtiennent plus le même degré de satisfaction qu'avant en se masturbant. Ils se mettent alors à agresser sexuellement des enfants.

    Il existe actuellement trois études dans le monde... Elles ne sont pas très exhaustives sur le plan statistique car les échantillons sont très petits, mais deux de ces études ont été effectuées aux États-Unis auprès de personnes qui ont acheté de la pornographie juvénile dans le cadre de l'opération Landslide. Une étude a révélé que 23 p. 100 des personnes qui s'étaient procuré de la pornographie juvénile agressaient aussi des enfants. Dans un document du FBI, on disait que ce pourcentage s'élevait jusqu'à 80 p. 100. Les responsables du projet COPINE, de l'université de Cork, où on procède à des études sur la pornographie juvénile, ont mené une étude qui a révélé que 48 p. 100 des personnes mises en arrêt au Royaume-Uni agressaient sexuellement des enfants aussi.

    Les statistiques ne sont pas suffisantes pour établir avec certitude un lien de causalité, mais un lien anecdotique semble exister.

Á  -(1100)  

+-

    Le président: Nous devons poursuivre.

[Français]

    Monsieur Malavoy, voulez-vous faire un commentaire avant que nous ne terminions?

+-

    M. Jean Malavoy: Le commentaire que j'aimerais faire porte sur l'importance de l'éducation et de la protection des enfants. Ayant moi-même des enfants âgés de 2 ans à 25 ans, je crois qu'il y a une évolution assez inquiétante de la société actuelle par rapport à nos enfants.

    L'enfant doit connaître son environnement, et les parents ont la responsabilité de protéger l'environnement des enfants. Cette écologie affective est importante et doit faire partie des responsabilités de tout parent. Je crois que c'est une des mesures clés dans la société pour ce qui est de ce dossier.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Malavoy.

    J'aimerais remercier tous les témoins. Nous devons suspendre la séance pour quelques minutes afin de nous préparer à la prochaine. Merci d'être venus.

    Chers collègues, il me semble évident que nous ayons besoin de faire venir des psychiatres puisque nous avons beaucoup de...

    Une voix : Je suis content que vous clarifiez ce point.

-

    Le président: Je ne parle pas d'une consultation. Je veux des témoins spécialisés dans les rapports de cause à effet entre la pornographie et la criminalité. S'ils connaissent de tels spécialistes, les députés pourraient-ils nous transmettre leurs noms? Je crois que c'est quelque chose qui nous permettrait de compléter notre étude.

    Merci encore à tous les témoins.

    Puisque nous allons entamer une autre séance et que les techniciens de la télévision doivent s'installer, je lève la séance.