JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 12 mai 2005
¿ | 0910 |
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
¿ | 0925 |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Evan Graham (coordonnateur national, Programme d'évaluation et de classification des drogues, Gendarmerie royale du Canada) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Hal Pruden (avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
M. Joe Comartin |
M. Evan Graham |
M. Joe Comartin |
M. Evan Graham |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0930 |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Joe Comartin |
M. Evan Graham |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Joe Comartin |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. John Maloney (Welland, Lib.) |
¿ | 0935 |
M. Evan Graham |
M. John Maloney |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Evan Graham |
M. John Maloney |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0940 |
M. John Maloney |
M. Evan Graham |
M. John Maloney |
M. Evan Graham |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0945 |
Mme Anita Neville |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Libby Davies |
Le président |
Mme Libby Davies |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
¿ | 0950 |
M. Hal Pruden |
Mme Libby Davies |
M. Hal Pruden |
Mme Libby Davies |
M. Hal Pruden |
Mme Libby Davies |
M. Hal Pruden |
M. Evan Graham |
Le président |
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale) |
M. Hal Pruden |
¿ | 0955 |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. Evan Graham |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Evan Graham |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. Evan Graham |
Le président |
M. John Maloney |
M. Hal Pruden |
M. John Maloney |
Le président |
Le président suppléant (M. John Maloney) |
Mme Libby Davies |
M. Evan Graham |
À | 1000 |
Mme Libby Davies |
M. Hal Pruden |
M. Evan Graham |
Mme Libby Davies |
M. Evan Graham |
Le président suppléant (M. John Maloney) |
À | 1005 |
M. Hal Pruden |
Le président suppléant (M. John Maloney) |
M. Joe Comartin |
Le président suppléant (M. John Maloney) |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 12 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile est ouverte. Nous allons commencer l'étude du projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies) et d'autres lois en conséquence.
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice, qui est accompagné de Hal Pruden, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice, ainsi que d'Evan Graham, coordonnateur national, Programme d'évaluation et de classification des drogues, Gendarmerie royale du Canada.
Je crois comprendre, monsieur le ministre, que vous devez être à la Chambre à 10 heures, alors si vous pouvez commencer votre exposé, nous allons poursuivre avec les autres témoins par la suite.
Monsieur le ministre, nous vous écoutons.
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.
Il me fait plaisir de comparaître aujourd'hui devant le comité pour parler du projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies) et d'autres lois en conséquence.
L'adoption du projet de loi C-16 sera une étape importante pour une sécurité routière accrue au Canada et pour la protection du public. Le projet de loi C-16 permettrait aux policiers d'ordonner à un conducteur soupçonné d'avoir les facultés affaiblies par la drogue de se soumettre à des tests physiques de sobriété et au prélèvement d'un échantillon de liquides organiques. Cette mesure visera tous les types de drogues pouvant détériorer les facultés d'une personne, que ce soit une drogue légale, sur ordonnance ou en vente libre. Combiné avec une formation visant à développer la compétence des formateurs, le projet de loi permettrait de mettre en place un outil efficace pour améliorer grandement la capacité des organismes d'exécution de la loi d'enquêter sur les incidents liés à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
Je dirai quelques mots pour dépeindre le contexte. Au Canada, la conduite avec facultés affaiblies par la drogue est un problème important du point de vue de la santé, de la sécurité routière et de la justice pénale. On estime que le nombre d'incidents liés à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue représente environ 10 à 20 p. 100 du nombre d'incidents liés à la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. En se fondant sur ces données et sur les enquêtes réalisées sur l'alcool au volant par la Fondation de recherches sur les blessures de la route, on estime à environ un million le nombre de déplacements sur la route, au Canada, par des personnes dont les facultés sont affaiblies par la drogue.
[Français]
En 1999, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a examiné les dispositions du Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies.
Le Comité sur la conduite sous l'influence des drogues de la Société Canadienne des Sciences Judiciaires compte parmi les témoins qui se sont montrés en faveur de tests physiques de sobriété.
Dans son rapport, le comité recommande que les fonctionnaires fédéraux et provinciaux se penchent sur les moyens susceptibles d'améliorer les enquêtes concernant des infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Le projet de loi C-16 est le résultat de cette étude.
[Traduction]
Nous comprenons que la loi ne suffit pas pour éliminer le crime, mais si elle peut y contribuer, elle doit le faire, et nous devons légiférer dans ce sens. Le Code criminel dit déjà que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou par une drogue est une infraction. Cependant, à moins d'avoir suivi une formation spéciale, les policiers trouvent souvent difficile d'enquêter sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Même lorsqu'ils sont spécialement formés et qu'ils soupçonnent qu'une personne conduit sous les effets de la drogue, le Code criminel ne leur accorde pas le pouvoir d'ordonner à cette personne de se soumettre à un test physique de sobriété ou de fournir un échantillon de liquides organiques pour déceler la présence de drogue.
¿ (0915)
[Français]
Par conséquent, dans le cadre d'une enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, un policier formé doit exercer ses fonctions en espérant que le conducteur suspect se prêtera volontairement à des tests de sobriété ou à un prélèvement de liquide organique.
Un sondage téléphonique national réalisé en janvier 2004 indique que 89 p. 100 des Canadiens sont très favorables à l'amélioration des outils à la disposition des policiers pour enquêter sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
[Traduction]
Permettez-moi de passer rapidement en revue les principales dispositions du projet de loi.
S'il est adopté, le projet de loi C-16 autoriserait un policier à ordonner à un conducteur de se soumettre sur-le-champ aux tests de sobriété normalisés. Le policier doit avoir des raisons de soupçonner la présence d'alcool ou de drogue dans l'organisme de la personne avant de lui ordonner de subir les tests en question, qui consistent notamment à marcher en posant le talon contre l'orteil, à suivre des yeux le mouvement de la main du policier et à se tenir en équilibre sur une jambe en tenant l'autre jambe devant soi à environ six pouces du sol.
Ces tests, monsieur le président, ne prennent qu'une dizaine de minutes. Si le conducteur échoue ces tests, le policier aurait ensuite des motifs raisonnables pour exiger que le conducteur subisse un alcootest au moyen d'un appareil de détection approuvé, dans le cas de l'alcool. En ce qui concerne la drogue, le policier aurait des motifs raisonnables d'exiger une évaluation par un agent autorisé comme expert en reconnaissance de drogues, ou ERD, au poste de police.
Cette évaluation a pour but de cerner, s'il y a lieu, le type de drogue qui cause l'affaiblissement des facultés. Elle comporte d'autres tests physiques et la vérification de signes vitaux et dure environ 45 minutes. Une fois la catégorie de drogue identifiée, le policier peut ordonner le prélèvement d'un échantillon de liquides organiques—urine, sang ou salive—pour vérifier le présence de drogue.
[Français]
Le refus d'obtempérer à l'ordre d'un policier, de se soumettre à des tests de sobriété sur-le-champ, à une évaluation au poste de police ou au prélèvement de liquide organique constituerait un acte criminel, tout comme le refus de subir un alcootest.
Les peines applicables au refus de se conformer aux nouveaux ordres seraient les mêmes que celles qui existent actuellement pour chacune des infractions suivantes: conduite avec facultés affaiblies, conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite légale de 0,08 g/l et refus de fournir un échantillon d'haleine ou de sang.
[Traduction]
Le but des mesures d'enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue prévues dans le projet de loi C-16 n'est pas de prouver qu'une concentration quelconque de drogue a été dépassée et qu'une personne a donc les facultés affaiblies. Les fonctionnaires de mon ministère savent qu'il existe très peu de drogues pour lesquelles les scientifiques s'entendent sur le degré de concentration susceptible de causer, chez un conducteur moyen, des facultés affaiblies. Le projet de loi C-16 ne propose « aucune limite légale » pour les diverses drogues qui existent. Il vise plutôt à établir des mesures d'enquête dans les cas de conduite avec facultés affaiblies en observant des symptômes physiologiques propres à une catégorie particulière de drogues, puis à confirmer, à l'aide d'un échantillon de liquides organiques, s'il y a réellement présence de drogue.
Si les tests ne révèlent pas de détérioration des facultés, le conducteur est libre. Si les policiers détectent un problème de santé, ils peuvent obtenir l'aide médicale nécessaire.
[Français]
Nous estimons que la combinaison d'états, c'est-à-dire l'observation par un policier pour déterminer la capacité d'un conducteur de faire les simples exercices des tests de sobriété normalisés sur-le-champ, le résultat d'un examen plus approfondi mené par un expert en reconnaissance de drogues, et la confirmation au moyen d'une analyse par un laboratoire indépendant de la présence de la drogue identifiée par l'ERD comme la cause de l'altération des facultés, fournira les mesures de contrôle nécessaires.
[Traduction]
Permettez-moi de parler un instant de la Charte. Nous savons que l'ordre de subir sur-le-champ un alcootest avec un appareil de détection approuvé, sans que la personne puisse invoquer son droit à un avocat, a été jugé justifiable par les tribunaux à la lumière de la Charte canadienne des droits et libertés, en application de l'article 1 qui prévoit qu'un droit peut être limité dans la mesure où la justification de ces limite peut se démontrer.
Le droit à un avocat doit être accordé après que le conducteur reçoit l'ordre de se soumettre à un alcootest sur un appareil approuvé au poste de police et avant que le test ne soit fait. Je m'attends à ce que la même pratique soit adoptée pour les évaluations par un ERD proposées dans le projet de loi C-16. Dans ce texte, nous avons tenté de reprendre essentiellement les conditions menant à l'ordre de subir un alcootest. Je crois que le projet de loi C-16 offre de bonnes solutions qui seront jugées justifiables en vertu de la Charte.
Les tests de sobriété étaient en fait utilisés dans les cas d'alcool au volant bien avant que l'infraction de conduite avec une alcoolémie supérieure à 0,08 ne soit ajoutée au Code criminel. Depuis l'apparition des appareils de détection et l'avènement dans la Charte du droit à la protection contre les fouilles abusives, les policiers se servent des résultats des alcootests pour appuyer les accusations relatives à la limite légale décrite à l'alinéa 253b) du Code criminel.
Pour les accusations en vertu de l'alinéa 253a)—la capacité de conduire est affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue—les policiers se servent des symptômes liés aux facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue qu'ils ont observés, la plupart du temps sans procéder à des tests de sobriété.
Je vais vous parler brièvement des ERD au Canada et ailleurs. Depuis 1995, des policiers de la Colombie-Britannique ont reçu une formation sur les tests de sobriété normalisés et en reconnaissance de drogues. Ce programme a d'abord été lancé en Californie au milieu des années 80. Il a depuis été adopté dans la grande majorité des États américains, dans certains pays d'Europe et en Australie. Le programme est supervisé depuis plus de 10 ans par l'Association internationale des chefs de police, qui dispose d'un comité consultatif composé de scientifiques et de médecins qui s'assurent que les tests de reconnaissance de drogues sont modifiés pour tenir compte des données les plus récentes sur les effets des différentes drogues. C'est pourquoi le projet de loi C-16 propose que les tests de reconnaissance de drogues soient reconnus par un règlement. Il est plus facile de modifier un règlement, afin d'apporter des modifications techniques, que d'adopter une loi.
Enfin, le programme de reconnaissance de drogues est actuellement mis en oeuvre dans tout le pays en commençant par la formation des formateurs. Un coordonnateur national des ERD de la GRC travaille en collaboration avec les policiers de la GRC, des provinces, des régions et des municipalités pour se doter d'une capacité de formation. En tout, le gouvernement fédéral a fourni plus de 12 millions de dollars en trois ans pour cette formation.
¿ (0920)
[Français]
Monsieur le président, j'ai mentionné plus tôt que la loi ne pouvait à elle seule enrayer le crime. Les efforts conjugués des gouvernements, de la police, des organismes publics et privés, des familles et des individus sont nécessaires.
Je suis heureux de constater que bien des Canadiens et des Canadiennes se sentent concernés par ce problème et que des mesures sont prises afin de colliger d'autres données et d'effectuer des recherches dans le but d'élaborer des messages d'intérêt public et de sensibilisation relativement à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
[Traduction]
Je suppose que le comité permanent voudra entendre les représentants des provinces, des milieux juridiques, des milieux policiers, des organisations militant pour la sécurité routière, des groupes de défense des droits et des experts en criminalistique lorsqu'il examinera le projet de loi C-16. À mon avis, il est important de connaître diverses opinions à ce sujet et de recevoir les renseignements qui permettront au comité de rédiger un rapport aussi complet que possible. Les fonctionnaires de mon ministère seront évidemment à la disposition des membres du comité pour répondre à toutes leurs questions. Je compte sur leur expérience et leur expertise dans le cadre de nos discussions aujourd'hui.
Je suis ravi d'être accompagné de Hal Pruden, qui est l'avocat du ministère de la Justice spécialisé dans ces questions, et du caporal Evan Graham, qui nous fera profiter également de son expérience et de son expertise.
Je tiens à souligner qu'il existe aujourd'hui un solide consensus pour que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Le comité et son prédécesseur ont effectué des études. Nous avons entendu par le passé des témoignages qui ont montré que pareille initiative est souhaitée du public, recommandée par les intervenants et soutenue par les experts du milieu, que ce soit les agents de la force publique ou d'autres qui se préoccupent de la sécurité publique et de pareilles questions.
Je souhaite au comité permanent des délibérations fructueuses sur le projet de loi C-16, et c'est avec impatience que j'attends le rapport qu'il présentera à la Chambre des communes à ce sujet.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Comartin.
¿ (0925)
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci d'être ici, monsieur le ministre.
Ce qui me préoccupe surtout en ce qui concerne ce projet de loi, ce sont les contestations éventuelles fondées sur la Charte. Vous avez dit que cette méthode était largement utilisée en Europe et dans certains États américains, je crois. Je me demande s'il y a eu des contestations fondées sur une déclaration des droits ou d'autres textes constitutionnels aux États-Unis ou encore sur la constitution européenne.
L'hon. Irwin Cotler: Je dois poser la question à l'un ou l'autre de mes collègues.
M. Evan Graham (coordonnateur national, Programme d'évaluation et de classification des drogues, Gendarmerie royale du Canada): À ma connaissance, il n'y a eu aucune contestation en Europe. Les Européens utilisent une version modifiée, puisque la plupart des pays qui utilisent ce programme n'ont pas de charte des droits et n'ont donc pas à s'en préoccuper. Aux États-Unis,je ne crois pas qu'il y a eu de contestation, et il n'y en a eu aucune fondée sur la Charte devant les tribunaux canadiens au cours des dix dernières années.
L'hon. Irwin Cotler: Je pourrais ajouter, entre parenthèses, que là où il y a eu, concernant la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool... Si les tribunaux ont constaté une atteinte prima facie à un droit au regard des garanties juridiques prévues dans la Charte, ils en ont néanmoins confirmé le bien-fondé en application de l'article 1, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une limite raisonnable, dont la justification peut se démontrer et qui serait prescrite par une règle de droit et serait compatible avec ce qu'une société libre et démocratique peut faire dans l'intérêt de la sécurité publique et pour sauver des vies.
M. Hal Pruden (avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose.
Les pays européens ont évidemment une charte des droits européenne, et je voudrais aussi mentionner que la cour suprême des États-Unis a confirmé le bien-fondé des tests pratiqués par les ERD. Des contestations judiciaires sont toujours possibles, mais il s'agit d'un système qui a été utilisé depuis de nombreuses années aux États-Unis, avec un certain succès.
Ce à quoi le constable Graham faisait allusion, je crois, c'est simplement qu'il y a eu des cas au Canada... Toutefois, la police ne pouvait faire subir un test physique de sobriété que si le conducteur s'y prêtait volontairement; elle ne pouvait l'exiger. Il y a eu cependant des actions en justice où elle s'est servie des tests de sobriété et de la collaboration volontaire des suspects. Évidemment, l'idée derrière le projet de loi est de donner aux policiers le pouvoir d'exiger ce test, comme ils peuvent exiger maintenant un alcootest.
M. Joe Comartin: Je ne sais pas à qui je dois poser la question.
Je comprends les antécédents et j'ai lu certaines causes. Je comprends que là où l'alcool est en cause, il y a eu une progression au fil du temps et que les tribunaux en sont venus à la conclusion qu'on ne contrevenait pas à la Charte ou que l'article 1 de la Charte serait applicable.
Toutefois, nous avons des antécédents en ce qui a trait à l'alcootest, où des policiers ont fait des observations qui, à mon avis, étaient bien étayées, bien construites. Il y avait une sorte d'infrastructure intellectuelle, si je peux m'exprimer ainsi, qui était acceptée par les tribunaux. Je ne suis pas convaincu que les tribunaux penseraient de la même façon à l'égard des évaluations et des tests de dépistage des drogues. C'est là où je crois que nous pourrions avoir un problème devant les tribunaux.
M. Evan Graham: Au cours des 10 dernières années, 14 experts en reconnaissance de drogues ont vu leur expertise reconnue par des tribunaux provinciaux de la Colombie-Britannique. Grâce à ce protocole, des personnes ont été déclarées coupables de conduite avec facultés affaiblies par la drogue en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario, et une affaire est présentement devant les tribunaux en Nouvelle-Écosse. Aucun appel n'a été interjeté après une déclaration de culpabilité.
M. Joe Comartin: Toutefois, vous aviez obtenu la collaboration volontaire de l'accusé dans chacun de ces cas.
M. Evan Graham: C'est juste.
M. Joe Comartin: Je crois que c'est là la différence fondamentale. Nous proposons ici que l'évaluation soit faite non plus volontairement, mais obligatoirement. C'est là le problème, à mon avis. Je crois que le débat consiste à savoir ce que fera un tribunal.
Permettez-moi de vous demander...
L'hon. Irwin Cotler: Non, je crois que le tribunal adopterait l'approche générale qui consiste à déterminer si un droit a été restreint dans une limite qui est justifiable dans les circonstances, et se pencherait ensuite sur le critère de proportionnalité comportant quatre volets. Le tribunal se demanderait s'il y a un objectif urgent et réel. À mon avis, il conclurait qu'il y a effectivement un objectif urgent et réel, celui, évidemment, de sauver des vies. Il chercherait ensuite à savoir si les moyens utilisés étaient appropriés pour atteindre l'objectif poursuivi, ce qui constitue l'autre volet du critère de proportionnalité. Je crois que le tribunal conclurait qu'il s'agit d'une solution proportionnelle pour l'objectif poursuivi.
¿ (0930)
M. Joe Comartin: Monsieur le ministre, permettez-moi de poursuivre dans cette direction, parce que c'était là l'objet de mes deux prochaines questions.
Il s'agit de l'importance de cet enjeu pour la société, et vous en avez peut-être parlé. J'ai dû m'absenter pendant une partie de votre exposé, et je m'en excuse.
Avons-nous des chiffres pour démontrer la gravité du problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue par rapport au problème de l'alcool au volant ?
L'hon. Irwin Cotler: Oui. J'ai mentionné au début de mon témoignage—c'est peut-être à ce moment-là que vous avez dû vous absenter—qu'on estime que le nombre d'incidents liés à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue représente environ 10 à 20 p. 100 du nombre d'incidents liés à la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. En se fondant sur ces données et sur les enquêtes réalisées sur l'alcool au volant par la Fondation de recherches sur les blessures de la route, par exemple, on estime à environ un million le nombre de déplacements sur la route, au Canada, par des personnes dont les facultés sont affaiblies par la drogue. Vous pouvez donc voir la gravité du problème. Il existe des données, évidemment, sur le nombre d'accidents fatals et autres qui en découlent. Au bout du compte, et je crois que l'organisme MADD l'a démontré au fil des années, il s'agit de sauver des vies.
M. Joe Comartin: Est-ce que cet organisme est la seule source d'information ou y a-t-il d'autres données sur l'incidence?
M. Evan Graham: Deux études ont été réalisées au Canada, dont une au Québec et l'autre en Colombie-Britannique, sur les conducteurs qui ont perdu la vie dans des accidents de la route. Dans les deux cas, 20 p. 100 des conducteurs tués présentaient dans leur organisme de l'alcool ou un mélange d'alcool et de drogue à des taux qui, selon toutes probabilités, affaibliraient les facultés. Par ailleurs, une étude réalisée en Colombie-Britannique par la B.C. Trucking Association et l'Insurance Corporation of British Columbia a montré qu'un nombre important de conducteurs de véhicules industriels conduisent régulièrement alors que de la drogue pourrait être détectée dans leur organisme.
L'hon. Irwin Cotler: J'ajouterai que d'autres études ont montré que les usagers de drogues sont impliqués dans des accidents fatals de façon disproportionnée. Par exemple, une étude réalisée par la Société de l'assurance automobile du Québec a montré que la drogue ou la combinaison de drogue et d'alcool est en cause dans plus de 30 p. 100 des accidents fatals dans cette province. De même, un sondage réalisé en 2002 par la Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada a révélé que près de 20 p. 100 des conducteurs canadiens avaient conduit dans les deux heures suivant l'absorption d'une drogue pouvant affaiblir les facultés, que soit une drogue en vente libre, sur ordonnance ou illégale. Le sondage sur la consommation de drogue chez les étudiants de l'Ontario réalisé en 2003 a révélé que près de 20 p. 100 des élèves des écoles secondaires de la province avaient conduit au moins une fois au cours de l'année précédente dans l'heure suivant la consommation de cannabis.
Nous avons donc certaines données plutôt troublantes qui montrent la disproportionnalité, comme je l'ai dit, des cas de conduite avec facultés affaiblies causant des accidents, en particulier des accidents fatals.
M. Joe Comartin: Monsieur le président, je présume que mon temps est écoulé, mais pouvons-vous demander à notre personnel de recherche de compiler un dossier pour que nous puissions examiner quelques-unes de ces études? J'aimerais voir ces études et faire une analyse.
Le président: Oui, c'est fait. Le comité pourrait-il avoir l'information dont vous venez de parler, monsieur le ministre?
L'hon. Irwin Cotler: Oui, et je suis ravi que M. Comartin fasse cette demande, parce que cette information vous sera tout aussi utile. Elle fera probablement ressortir davantage l'urgence d'adopter ce projet de loi. Nous allons fournir tout ce que nous pouvons à ce sujet.
Le président: Très bien, merci.
Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Maloney, vous avez la parole.
M. John Maloney (Welland, Lib.): Monsieur le ministre, je crois que nous avons consacré 12 millions de dollars en trois ans pour former des policiers relativement à ce nouveau test. Combien coûte la formation d'un seul policier? Combien de temps dure-t-elle? Combien de temps nous faudra-t-il pour que tous les policiers soient formés de manière à pouvoir administrer correctement le test de sobriété?
¿ (0935)
M. Evan Graham: Pour devenir un expert en reconnaissance de drogues, une personne qui n'a aucune formation doit suivre un cours de quatre jours sur le test de sobriété normalisé sur-le-champ. Elle devra ensuite suivre des cours théoriques pendant neuf jours. Après les neuf jours passés en classe, la personne doit effectuer des tests de validation sur le terrain, ce qui peut prendre de trois jours à une semaine, selon qu'on est capable d'avoir des sujets pour effectuer les tests. Au total, nous parlons d'environ trois semaines de travail pour former une personne.
M. John Maloney: La somme de 12 millions de dollars sur trois ans est-elle suffisante? Encore une fois, combien de temps faudra-t-il pour former tous les policiers?
L'hon. Irwin Cotler: Permettez-moi de vous donner quelques chiffres approximatifs que nous avons, et le constable Graham pourra donner plus de détails par la suite.
À l'heure actuelle, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, la GRC procède à la formation des formateurs partout au pays, en collaboration avec les services de police des provinces, des régions et des municipalités. Avec les nouveaux fonds et le financement initial fourni par la stratégie nationale antidrogue renouvelée, qui s'élevait à 910 000 $ et qui a été annoncé en mai 2003, puis les 4,1 millions de dollars réaffectés au sein de la GRC, plus de 11 millions de dollars—près de 12 millions de dollars—sont affectés à cette formation, comme vous l'avez dit. On estime qu'il y aura au Canada 3 522 policiers formés pour passer le test de sobriété normalisé sur-le-champ, 394 policiers ERD et 175 instructeurs ERD d'ici 2007-2008, grâce à ce financement. Vous avez donc une idée du nombre de personnes qui seront formées dans le milieu au cours des prochaines années.
Constable Graham, vous voulez peut-être ajouter quelque chose concernant la présence dans le milieu de ces personnes qui auraient été formées et nous dire si ce nombre sera suffisant pour répondre aux besoins.
M. Evan Graham: Nous avons utilisé deux méthodes différentes pour évaluer les besoins partout au pays. L'une a consisté à dénombrer les éthyloscopistes qui ont été formés et les personnes ayant reçu la formation requise pour utiliser l'appareil de détection approuvé pour faire des analyses sur le bord de la route. Ainsi, 24 000 policiers ont reçu la formation sur la façon d'utiliser l'appareil approuvé et on compte 2 200 techniciens de constatation par analyse d'haleine.
Dans certains États des États-Unis, on envisage de former tous les policiers de première ligne en uniforme, ce qui reviendrait, au Canada, à former quelque 60 p. 100 des policiers, qui totalisent 60 000, et une autre tranche de 10 p. 100 des personnes déjà formées pour administrer le test physique de sobriété normalisé en tant qu'experts en reconnaissance de drogue. D'une façon comme d'une autre, on parle ici de quelque 30 000 policiers formés en TPSN et de 3 000 comme ERD, si nous formions tous ceux qui en ont besoin.
M. John Maloney: Passons maintenant à la question de la sensibilisation. Combien d'argent avez-vous mis de côté pour sensibiliser le public à ces nouveaux programmes? Avez-vous fait quoi que ce soit pour peut-être vous aligner sur la profession médicale ou pour conclure des alliances avec elle? Manifestement, ceux qui consomment de la marijuana savent que leurs facultés sont peut-être affaiblies, mais les personnes d'âge moyen et les personnes âgées qui prennent des médicaments sur ordonnance ou en vente libre ne seront peut-être conscientes qu'elles sont aussi visées. A-t-on prévu une initiative pour sensibiliser le grand public à la gravité de conduire après avoir consommé des drogues autres que des drogues illicites?
L'hon. Irwin Cotler: La stratégie antidrogue renouvelée inclut un volet de sensibilisation. Des travaux de sensibilisation se font également par l'intermédiaire du ministère de la Santé. Des ONG comme MADD font de l'excellent travail et continuent de diffuser de l'information pertinente et convaincante à cet égard.
J'ai dit au début qu'à lui seul, le gouvernement était incapable de faire ce genre de réalisations. La sensibilisation, ce travail d'information, doit en réalité être le résultat d'une action concertée mettant en jeu le gouvernement—et au sein même du gouvernement, en raison du principe d'horizontalité, non seulement la Justice et la Santé, mais tout l'appareil gouvernemental face à l'importance de l'effort d'information requis—, les organismes d'application de la loi comme la GRC et nos partenaires régionaux et municipaux. Il faut en faire une priorité lors des rencontres des ministres de la Justice fédéral, provinciaux et territoriaux de manière à ce que tous véhiculent le même message, dans toutes les provinces et dans tous les territoires, puisque mes homologues provinciaux et territoriaux participent naturellement à la réglementation sur le terrain et, comme je l'ai dit, des ONG comme le MADD.
Ce qu'il faut en réalité, c'est une masse critique de sensibilisation faite par tous les intéressés, qu'ils soient du secteur public ou non, et par les organismes d'application de la loi.
¿ (0940)
M. John Maloney: Comment les diabétiques seraient-ils traités aux termes de cette loi si soudainement, ils faisaient une crise d'hypo ou d'hyperglycémie qui affectait leur conduite, si leur voiture quittait la route sans qu'ils s'en rendent compte jusqu'à...
M. Evan Graham: L'exercice d'évaluation de l'intoxication par la drogue peut donner cinq résultats différents : primo, les facultés de la personne sont affaiblies par l'alcool; deuzio, elles sont affaiblies par la drogue; tertio, le conducteur a un trouble médical et, si c'est le cas, il est envoyé à l'hôpital pour traitement... Nous connaissons plusieurs cas documentés de personnes arrêtées sur la route qui étaient en train de sombrer dans un coma diabétique, et on les fait soigner tout de suite. Il se peut aussi que le comportement au volant soit affecté par la fatigue tout simplement. Enfin, il se peut que l'évaluation élimine aussi la possibilité que les facultés sont affaiblies par une substance, en somme que la personne souffre peut-être soit d'une maladie mentale ou d'une affection physique qui lui donne l'air d'une personne dont les facultés sont affaiblies.
M. John Maloney: Chaque semaine, je prends le volant pour me rendre dans ma circonscription, soit à 600 kilomètres d'ici à peu près. Je peux vous dire que, lorsque je sors de l'automobile, il me faut un peu de temps avant d'être solide sur mes deux jambes. Il se peut que je trébuche un peu et ainsi de suite. Le policier y verrait-il un signe que mes facultés sont affaiblies? Quiconque a un accident, qu'il soit grave ou léger, sera perturbé. Si l'accident est grave, il aura peut-être même été blessé à la tête, il sera peut-être désorienté, de sorte qu'il ne réussira peut-être pas le test physique de sobriété normalisé qui exige qu'on se touche le bout du nez du doigt. Une période maximale est-elle prévue pour administrer le test? Tient-on alors également compte de la situation, du fait que le comportement n'est peut-être pas dû à la consommation de drogues, mais tout simplement aux circonstances? Faudrait-il que la personne accompagne le policier au poste pour se soumettre à un autre test de sobriété?
M. Evan Graham: Les tests physiques de sobriété ont lieu sur le bord de la route et, tel que précisé tout à l'heure, durent dix minutes environ. S'il existe suffisamment d'indices pour justifier soit l'administration d'un alcootest ou, si le projet de loi à l'étude est adopté, d'un test de dépistage des drogues, la personne serait transportée jusqu'à un milieu contrôlé, habituellement au poste de police, où elle serait soumise à une analyse toxicologique complète. Par le temps qu'on obtient les résultats, la personne aura été en détention suffisamment longtemps pour que, s'il s'agissait d'une réaction nerveuse ou d'une autre conséquence de l'accident, de deux choses l'une : les symptômes seront toujours présents et on conclura alors à un trouble médical, ou ils auront disparu et permettront d'éliminer d'autres causes que la consommation de drogues ou d'alcool.
Le président: Monsieur Maloney, je vous remercie.
Il nous reste encore trois minutes pour poser des questions au ministre.
Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): En réalité, M. Comartin a posé la plupart des questions que je souhaitais adresser au témoin au sujet de la Charte.
Ce qui m'intéresse, c'est la réaction des provinces au projet de loi. Je sais que plusieurs provinces ont volontairement pris part au processus. Quelle consultation a eu lieu avec les provinces et quelle est leur position en règle générale à l'égard du projet de loi?
L'hon. Irwin Cotler: Je puis simplement vous parler de la rencontre annuelle des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice en janvier. On appuyait alors clairement le projet de loi comme un important outil d'application de la loi. Jusqu'ici, comme nous l'avons indiqué, toute l'approche de la conformité a été, en ce sens, traditionnellement volontaire. Désormais, nous allons prévoir un pouvoir qui permet d'exiger le genre de preuve requis et de faire l'enquête qui s'impose.
Donc, mes homologues provinciaux appuyaient le projet de loi, appui qui a été renforcé dans le cadre des discussions bilatérales que j'ai eues avec eux. À mon avis, l'initiative rejoint bien celles que prennent les provinces en matière de réglementation dans leur sphère de compétence, par exemple au sujet des suspensions de permis. Mes homologues voient l'initiative comme un moyen d'enquête et d'application de la loi nécessaire et ils l'appuient.
¿ (0945)
Mme Anita Neville: Je vous remercie.
Monsieur le président, je n'ai plus de question.
Le président: D'accord. Je vous remercie.
Monsieur Comartin, avez-vous une autre question à poser au ministre avant son départ?
M. Joe Comartin: Je crois que Mme Davies en a une.
Le président: Madame Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): J'aimerais simplement m'attarder à l'importance de la sensibilisation. De toute évidence, quand les facultés du conducteur sont affaiblies, la question de l'application de la loi entre en jeu. Toutefois, il me semble que plus on insiste auparavant sur la sensibilisation et la conduite responsable... Nous en avons vu les effets par rapport à la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool. La campagne massive de sensibilisation a vraiment provoqué un changement d'attitude au sein de la société. Pour ce qui est de la GRC ou d'autres forces policières ou encore du ministère de la Justice ou de Santé Canada—je sais que c'est lié au projet de loi visant à décriminaliser la marijuana—, quel genre de campagne correspondante de sensibilisation projette-t-on, particulièrement à l'intention des jeunes, parce que c'est chez eux que l'on remarque la fréquence la plus élevée de conduite avec facultés affaiblies par la drogue?
L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'effort de sensibilisation exige en réalité une action concertée du gouvernement et des organismes non gouvernementaux. Il faut aborder cette question dans l'optique de créer une culture de la prévention. C'est pourquoi, dans le cadre de la stratégie antidrogue renouvelée, un montant supplémentaire de 500 000 $ sera affecté à l'analyse et à l'évaluation du problème de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Ce montant est distinct des autres crédits réservés à la prévention et à la sensibilisation.
J'estime donc qu'il faut se concentrer sur cette question parce que, comme dans toute autre chose, il faudrait chercher à prévenir le problème au départ, plutôt que d'avoir à le guérir. Le problème est la fréquence élevée de cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue et leurs conséquences, en termes de pertes de vie et de mutilations, entre autres.
Sur le plan de la prévention, nous pouvons faire beaucoup plus pour prévenir la conduite avec facultés affaiblies par la drogue au départ, et c'est là qu'intervient la sensibilisation. Naturellement, les provinces et les municipalités ont un très important rôle à jouer à cet égard.
Mme Libby Davies: Puis-je poser une petite question?
Le président: Il vous reste une minute.
Mme Libby Davies: D'accord.
Quand on parle de dépistage des drogues, on peut supposer que la question n'est pas tant de savoir si la substance est licite ou illicite, mais bien le résultat en termes d'impact sur le comportement et la capacité de conduire, par exemple. Comment établit-on cette distinction dans le test?
Je remarque que vous pouvez faire le dépistage de diverses catégories de drogue. Donc, si des médicaments sur ordonnance sont en cause, il se peut fort bien qu'ils aient été pris illégalement. En quoi l'application de la loi est-elle touchée dans ce cas-là?
De plus, j'ignore si vous êtes capable de quantifier la présence de cannabis dans l'organisme d'une personne, mais si le taux est inférieur à la limite autorisée dans le projet de loi décriminalisant la possession, qu'arrive-t-il?
Je suis curieuse au sujet de la façon dont vous pesez la légalité ou l'illégalité de ces substances, soit en vertu du projet de loi de décriminalisation ou parce qu'il s'agit de médicaments sur ordonnance. Cela fait-il une différence?
L'hon. Irwin Cotler: Je vais laisser mes experts répondre à cette question parce que ma présence est vraiment requise à la Chambre. Je dirai seulement qu'il n'existe pas, parmi les scientifiques, de consensus à cet égard comme il en existe un au sujet de la teneur en alcool du sang, et nous faisons face à diverses drogues, comme vous l'avez mentionné, à différentes catégories de drogue. Je vais donc laisser le soin à mes experts de répondre à cette question.
Je suis désolé, mais je dois absolument partir, monsieur le président.
Le président: Monsieur Cotler, je vous remercie. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître et de répondre à nos questions.
¿ (0950)
M. Hal Pruden: Le projet de loi ne fixe pas de limite légale dans le cas des drogues, comme le fait le Code criminel pour l'alcool.
Le projet de loi à l'étude aidera les agents qui enquêtent sur une infraction de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue, ce qui est distinct de l'infraction relative à la limite légale d'alcool dans le sang. Cette infraction existe déjà, et elle leur rendra la vie plus facile, que la personne ait les facultés affaiblies par une drogue illicite, un médicament en vente libre ou un médicament sur ordonnance. Si la personne a les facultés affaiblies par la prise d'un médicament licite, la loi actuelle s'applique déjà à elle. Le projet de loi à l'étude aidera simplement les agents à faire enquête dans les cas de conduite avec facultés affaiblies.
Donc, le projet de loi à l'étude ne vise pas à fixer une limite légale à la présence de drogue autre que l'alcool dans le sang. Il porte plutôt sur toutes les drogues qui peuvent affaiblir les facultés. Donc, si les personnes prennent plus que la dose prescrite d'un médicament en vente libre alors qu'elles ne devraient pas conduire mais le font de toute façon, effectivement , le projet de loi à l'étude peut les toucher.
Mme Libby Davies: Par contre, actuellement, si vous prenez des médicaments sur ordonnance comme ceux qui peuvent déjà selon vous être consommés actuellement, le test est-il volontaire ou obligatoire?
M. Hal Pruden: Nous parlons de deux textes différents ici. Un est la loi qui s'applique déjà, et la police pourrait réussir à poursuivre la personne si la preuve lui tombe du ciel, montrant que la personne qui prend des médicaments sur ordonnance a les facultés affaiblies et conduit.
En ce qui concerne les tests, le conducteur peut être prié, sur le bord de la route, de se prêter à des tests physiques de sobriété, mais on ne peut l'obliger à le faire. Ce qu'accomplirait le projet de loi à l'étude, c'est qu'il permettrait au policier d'exiger, en se fondant sur des doutes raisonnables, que la personne s'y soumette. C'est là le changement qui résulterait du projet de loi à l'étude.
Mme Libby Davies: J'en suis consciente, mais en termes du régime actuel, si vous êtes soupçonné d'avoir les facultés affaiblies par de la drogue, le test est-il toujours volontaire, si l'on soupçonne qu'il s'agit de médicaments sur ordonnance?
M. Hal Pruden: Oui. Et je pourrais peut-être demander à M. Graham d'ajouter...
Mme Libby Davies: Tel que la loi s'applique actuellement, le test demeure volontaire, cependant, n'est-ce pas?
M. Hal Pruden: Effectivement. Si des tests étaient faits sur le bord de la route actuellement, aux termes du Code criminel, ce serait sur une base volontaire, mais ils peuvent être élargis de manière à inclure les drogues qui ne sont pas illicites.
M. Graham pourrait peut-être vous parlez d'expériences qu'il a vécues.
M. Evan Graham: Lest tests de sobriété qui sont actuellement faits pourraient également être qualifiés de tests de perte de facultés parce que ce que nous vérifiions, c'est que la personne n'est pas en état de conduire, que ce soit à cause d'alcool, de drogues, de fatigue ou d'une éventuelle affection médicale.
Si le policier note la présence de suffisamment d'indices pour justifier que le conducteur subisse un alcootest ou s'il soupçonne que l'alcool n'est pas en cause, mais que le conducteur manifeste tout de même des facultés très affaiblies, il doit lui demander de l'accompagner au poste et de subir une évaluation de manière à établir si la personne est droguée ou si un autre facteur explique qu'elle est incapable de réussir les tests.
Que les drogues soient illicites ou pas, nous n'en savons rien jusqu'à ce que l'évaluation soit complète. La première partie du test vise strictement à déterminer si les facultés sont affaiblies. La seconde partie, elle, cherche à déterminer la cause de cette perte de facultés et la catégorie de drogues consommées. En fait, elle pourrait révéler que les drogues ne sont pas en cause du tout, que la perte de facultés est peut être causée par un problème de santé.
Enfin, le prélèvement d'un liquide organique vise soit à confirmer, soit à contredire ce que l'évaluateur a jugé être la cause de la perte de facultés.
Le président: Madame Davies, je vous remercie.
Madame Dhalla.
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale): Moi aussi, je suis curieuse. Mme Davies a parlé de sensibilisation, je crois, et j'ignore si cela relève forcement de votre compétence. Si vous détenez quelqu'un dont les facultés sont affaiblies par la drogue, existe-t-il un moyen de sensibiliser ceux qui ont une dépendance à l'égard d'une drogue particulière?
Le ministre a parlé de prévention et d'être proactif, mais prévoit-on quoi que ce soit par après pour aider ces personnes?
M. Hal Pruden: Actuellement, ce sont les provinces qui sont responsables d'émettre les permis de conduire. Donc, plusieurs provinces y ont intégré des programmes permettant d'aider les personnes à regagner le privilège de conduire. Dans le cadre de ces programmes, elles sont évaluées et, si elles ont besoin d'information, elles seront peut-être dirigées vers les bonnes sources, tout comme, si elles ont besoin de traitement, on leur offrira peut-être une cure.
Je ne connais pas aussi bien que les fonctionnaires provinciaux qui pourraient comparaître devant le comité les codes de la route provinciaux et les exigences concernant l'évaluation de ceux dont les facultés sont affaiblies par l'alcool. Certaines des provinces le font peut-être déjà, mais il vaudrait mieux leur poser la question.
¿ (0955)
Le président: Je vous remercie.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Monsieur Graham, en ce qui concerne le cursus de formation, existe-t-il un manuel qui le décrit?
M. Evan Graham: Oui. Le manuel a été à l'origine conçu au moyen de fonds provenant du National Highway Traffic Safety Administration, aux États-Unis. Un groupe consultatif d'experts techniques siège quatre fois par année aux États-Unis pour passer en revue le manuel et y apporter les changements qui s'imposent.
Le programme comprend le test physique de sobriété normalisé, la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, un cours de huit heures qui vient habituellement se greffer au test de sobriété normalisé, une initiation au travail d'expert en reconnaissance de drogues, une formation d'expert en reconnaissance de drogues, plus la composante de formation d'instructeurs.
M. Joe Comartin: Pouvez-vous nous donner une petite idée du nombre de pages du manuel?
Le président: Nous pourrions peut-être demander à nos attachés de recherche d'en obtenir un exemplaire.
M. Evan Graham: Je peux certainement vous en fournir un exemplaire. À pied levé, je dirais qu'il représente probablement 1 200 pages, si on y inclut les manuels de formation des instructeurs.
Le président: Monsieur Comartin, vous allez devoir en lire chaque mot.
M. Joe Comartin: Je ne peux pas me contenter de lire les notes liminaires?
En réalité, j'aimerais bien pouvoir le consulter.
Le président: D'accord. Si le témoin peut en fournir un exemplaire au comité, nous le ferons circuler.
M. Joe Comartin: J'ai une autre question à cet égard, monsieur Graham. Le manuel est-il utilisé à l'échelle du pays ou existe-t-il d'autres documents qui sont utilisés aux fins de formation?
M. Evan Graham: Les manuels et les vidéos que nous utilisons pour la formation sont utilisés à l'échelle de l'Amérique du Nord ou partout où le programme est offert. Les seuls changements apportés au manuel ont simplement servi à les adapter au contexte canadien; j'en ai retiré beaucoup des expressions américaines parce qu'elles étaient source de confusion pour les étudiants, par exemple parler de 0,08 plutôt que de 80 milligrammes par 100 ou DUI plutôt que conduite avec facultés affaiblies. Cependant, les manuels comme tels sont identiques, peu importe où vous suivez le cours.
Le président: Monsieur Comartin, je vous remercie.
Monsieur Maloney.
M. John Maloney: J'ai une brève question à poser. Le ministre a dit que le test ERD serait prévu dans le règlement, ce qui est peut-être logique puisque c'est plus facile à changer. Par contre, on pourrait aussi croire que vous n'êtes peut-être pas trop sûr des exigences de ce test et que vous ne savez pas s'il résistera à une contestation judiciaire, entre autres.
M. Hal Pruden: Non. En réalité, les experts en droit constitutionnel du ministère de la Justice, les collègues avec lesquels nous nous sommes entretenus et ceux qui nous ont fourni des avis juridiques par écrit, ont très catégoriques : la loi est conforme à la Charte.
Pour ce qui est du règlement, il est rédigé de telle façon qu'on pourra y effectuer des renvois aux normes et aux documents existants, parce que le test ERD relève de l'Association internationale des chefs de police et que c'est là qu'il faut s'adresser pour avoir la documentation. On s'attend qu'elle sera très utile aux rédacteurs du règlement pour les guider dans la façon d'exécuter les tests.
M. John Maloney: Je vous remercie, monsieur Pruden.
Monsieur le président, c'est tout ce que j'avais comme question.
Le président: Monsieur Maloney, pourriez-vous, je vous prie, prendre le fauteuil? Je dois m'absenter pour quelques instants.
Le président suppléant (M. John Maloney): Du moment que vous me renseignez sur ce que nous sommes en train de faire.
Madame Davies.
Mme Libby Davies: J'aimerais poser une petite question.
Ce que nous avons eu jusqu'ici, c'est un régime volontaire. Rien ne va changer. Vous utilisez les mêmes tests, la même formation, le même processus, à cette différence près que vous pouvez désormais ordonner que la personne se soumette aux tests.
Avez-vous des données statistiques sur le nombre de demandes qui ont été faites et sur le taux d'acquiescement? Quel est le niveau de conformité volontaire, si je puis l'exprimer ainsi?
M. Evan Graham: Malheureusement, nous n'en avons pas. Statistique Canada obtient de la police des rapports sur les accusations de conduite avec facultés affaiblies, mais ceux-ci ne font pas la distinction entre les facultés affaiblies par l'alcool et celles qui le sont par la drogue.
Jusqu'en octobre 2003, personne ne gérait le programme à temps plein. Donc, il était un peu difficile simplement d'essayer de tenir à jour la formation et de s'occuper de la paperasse qu'exige le processus d'attestation.
Nous avons désormais accès à un système de suivi du programme ERD pour toute l'Amérique du Nord qui nous permettra de savoir combien d'évaluations ont été faites, si des chefs d'accusation ont été portés, quel en a été le résultat, les catégories de drogues et leur taux de confirmation grâce à l'analyse toxicologique d'échantillons.
À (1000)
Mme Libby Davies: Je trouve ça curieux que personne ne sache—parce que c'est sur une base volontaire—si c'est 50 p. 100, 20 p. 100 ou 80 p. 100. Y a-t-il des données anecdotiques?
D'abord, savons-nous à quelle fréquence les agents...? L'exigent-ils systématiquement ou seulement à l'occasion?
Ça m'étonne que nous n'ayons pas cette information; ça nous aiderait peut-être à comprendre pourquoi ça devrait devenir obligatoire.
M. Hal Pruden: Évidemment, même si nous les avions, ces chiffres varieraient selon la province, comme l'a mentionné plus tôt l'agent Graham, car les provinces n'ont pas toutes offert à leurs agents la même formation sur le test de sobriété normalisé et l'évaluation en reconnaissance des drogues. De plus, ça ne s'est pas fait partout.
La Colombie-Britannique a été la première à offrir cette formation à ses agents. L'agent Graham a travaillé en C.-B. et pourrait peut-être parler de son expérience, du moins dans cette province, en ce qui a trait à la formation offerte aux agents et au taux de réponse aux demandes d'évaluation des drogues ou de test de sobriété.
M. Evan Graham: En ce qui a trait au test de sobriété, d'après mon expérience, 98 p. 100 des gens acceptent de s'y soumettre si on leur demande.
Pour ce qui est de l'évaluation des drogues, le taux de conformité en Colombie-Britannique s'élève probablement à environ 80 p. 100, et à environ 50 p. 100 pour l'échantillon de toxicologie. Ça dépend des connaissances de l'avocat si la personne a effectivement recours à un avocat. Les avocats conseillent à leur client de subir ou non le test de la police ou un test en particulier ou encore de tout faire à l'exception d'un élément.
Pour le moment, c'est un peu n'importe quoi, et c'est en grande partie attribuable au manque de connaissances des avocats de la défense ou des personnes qui donnent des conseils juridiques et au manque de jugement de la personne arrêtée qui décide de subir le test alors qu'on lui a conseillé de ne pas le faire, et ce parce que son jugement est affecté par la drogue.
Pour le moment, nous ne disposons pas de données rigoureuses, mais nous espérons que dorénavant, grâce au système de suivi, nous serons en mesure d'obtenir des données plus précises que celles que nous avons actuellement.
Mme Libby Davies: Si c'est possible, monsieur le président, ce serait merveilleux si nous pouvions... Ce que je veux dire, c'est que si la Colombie-Britannique est l'une des premières provinces à avoir pris des mesures dans ce domaine—même si c'est encore sur une base volontaire—, nous pourrions essayer de voir si des données sont disponibles, même si ce n'est que pour cette province. Ça nous serait très utile.
Je pense au cas d'un agent de police de la Colombie-Britannique qui a été arrêté par un agent antidrogue des États-Unis. Si vous vous rappelez bien, on avait arrêté cet agent parce qu'on le soupçonnait d'être sous l'effet d'une drogue. Je présume que ça ne s'applique qu'à nos propres forces policières.
M. Evan Graham: Heureusement, ce n'était pas un des agents que nous avons formés.
Le président suppléant (M. John Maloney): Madame Davies, merci de vos commentaires. Nous allons demander à nos attachés de recherche s'ils peuvent trouver des données.
Y a-t-il d'autres questions?
Puisqu'il n'y en a pas, je vais lever cette partie de la séance, puis nous verrons ce que nous ferons avec le projet de loi C-13 et les amendements.
Monsieur Pruden et agent Graham, merci d'être venus aujourd'hui. Nous avons apprécié vos propos ce matin. C'était très intéressant. Merci.
À (1005)
M. Hal Pruden: Merci monsieur.
Le président suppléant (M. John Maloney): J'aimerais peut-être consigner quelque chose au compte rendu. La greffière m'informe que le problème concernant le projet de loi C-13 pourrait être déjà réglé puisque les partis seraient parvenus à une entente. M. Macklin devait faire un exposé, mais il est maintenant à la Chambre, ce qui pourrait laisser croire que les corrections... Il y avait une petite erreur dans notre étude article par article.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Le comité devra-t-il intervenir ou le projet de loi ira-t-il tout simplement à la Chambre?
Le président suppléant (M. John Maloney): Si je ne m'abuse, le projet de loi ira à la Chambre puisqu'il y a unanimité entre les partis. Le comité devait intervenir, mais il y a eu des contraintes de temps, et vu l'assentiment des partis, nous n'avons plus à le faire. La principale correction a été apportée avant que le projet de loi ne soit déposé à la Chambre.
Y a-t-il d'autres questions? Non? La séance est levée.
Merci.