JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 1 novembre 2005
Á | 1105 |
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)) |
M. Peter Copeland (représentant, Conseil canadien des avocats de la défense) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
M. Peter Copeland |
Á | 1120 |
Le président |
Mme Joan Bercovitch (directrice principale, Affaires juridiques et gouvernementales, Association du Barreau canadien) |
Mme Heather Perkins-McVey (membre à titre personnel, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
M. Peter Copeland |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Mark Warawa |
Á | 1135 |
Mme Heather Perkins-McVey |
Á | 1140 |
Le président |
M. Peter Copeland |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Richard Marceau |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Richard Marceau |
Mme Heather Perkins-McVey |
Á | 1145 |
M. Richard Marceau |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Richard Marceau |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Richard Marceau |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Peter Copeland |
Á | 1150 |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Peter Copeland |
M. Joe Comartin |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Joe Comartin |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Joe Comartin |
M. Peter Copeland |
Á | 1155 |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Joe Comartin |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Joe Comartin |
Mme Heather Perkins-McVey |
Le président |
M. Peter Copeland |
 | 1200 |
Le président |
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
Mme Heather Perkins-McVey |
L'hon. Roy Cullen |
Mme Heather Perkins-McVey |
L'hon. Roy Cullen |
M. Peter Copeland |
 | 1205 |
L'hon. Roy Cullen |
Mme Joan Bercovitch |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, PCC) |
M. Peter Copeland |
M. Vic Toews |
M. Peter Copeland |
 | 1210 |
M. Vic Toews |
M. Peter Copeland |
M. Vic Toews |
M. Peter Copeland |
M. Vic Toews |
M. Peter Copeland |
M. Vic Toews |
M. Peter Copeland |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
 | 1215 |
M. Peter Copeland |
Mme Heather Perkins-McVey |
Le président |
M. Marc Lemay |
Le président |
Mme Heather Perkins-McVey |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
M. Peter Copeland |
 | 1220 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Peter Copeland |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Peter Copeland |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Heather Perkins-McVey |
Le président |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC) |
 | 1225 |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Garry Breitkreuz |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Peter Copeland |
M. Garry Breitkreuz |
Le président |
M. Garry Breitkreuz |
Le président |
Mme Heather Perkins-McVey |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
 | 1230 |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Rob Moore |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Rob Moore |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Rob Moore |
Mme Heather Perkins-McVey |
 | 1235 |
Le président |
L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
Le président |
L'hon. Judy Sgro |
Mme Heather Perkins-McVey |
L'hon. Judy Sgro |
Mme Heather Perkins-McVey |
L'hon. Judy Sgro |
M. Peter Copeland |
L'hon. Judy Sgro |
 | 1240 |
Le président |
M. Marc Lemay |
Le président |
Mr. Marc Lemay |
Mme Heather Perkins-McVey |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. Peter Copeland |
M. Joe Comartin |
M. Peter Copeland |
Mme Heather Perkins-McVey |
M. Joe Comartin |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): La séance est ouverte.
Le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile examine le projet de loi C-53.
Nous allons entendre aujourd'hui M. Copeland, qui représente le Conseil canadien des avocats de la défense ainsi que Mme Bercovitch et Mme Perkins-McVey de l'Association du Barreau canadien.
Selon la formule habituelle, les deux associations présenteront des exposés d'une dizaine de minutes qui seront suivis par les questions des membres du comité. La première ronde sera de sept minutes et nous passerons ensuite à une ronde de cinq minutes.
Je vais demander à M. Copeland de commencer, s'il est prêt à le faire.
M. Peter Copeland (représentant, Conseil canadien des avocats de la défense): Merci.
Tout d'abord, j'aimerais, au nom du Conseil canadien des avocats de la défense, remercier le comité de nous avoir invités à présenter des observations au sujet de ce projet de loi.
J'aimerais commencer par faire remarquer que ce projet de loi touche un sujet de droit pénal assez technique qui est, dans le meilleur des cas, assez indigeste, et je suis donc heureux de constater que cette réunion a lieu à un moment où les choses sont plutôt tranquilles sur le front politique.
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Copeland: J'aimerais aborder trois sujets. J'espère que j'aurai suffisamment de temps pour le faire.
Le premier sujet concerne les dispositions générales relatives au renversement du fardeau de la preuve, qui figurent au paragraphe 462.37(2.01). Le deuxième est l'effet que le projet de loi pourrait avoir sur des tiers innocents, en particulier sur des questions comme les biens matrimoniaux ou, par exemple, les petites entreprises dont un associé innocent pourrait voir ses biens visés par le projet de loi. Il y a enfin quelques dispositions particulières que j'aimerais examiner à la fin de mon exposé.
Aux termes du nouveau paragraphe 462.37(2.01), le poursuivant doit établir trois choses pour bénéficier du renversement du fardeau de la preuve. Tout d'abord, il doit préparer une liste des biens de l'accusé, et pour ce faire, il dispose d'un pouvoir discrétionnaire absolu. Surtout, il n'est pas obligatoire que la valeur des biens figurant sur la liste soit proportionnelle aux produits de la criminalité provenant des infractions sous-jacentes.
La deuxième condition est que l'accusé se soit livré à des activités criminelles répétées au cours des dix années précédentes. Lorsqu'on lit les autres paragraphes du projet de loi, on constate qu'il n'est pas nécessaire que ces activités répétées soient très nombreuses. Ainsi, ce projet de loi pourrait s'appliquer à un accusé qui cultive la marijuana pour son usage personnel, activité qui serait considérée comme l'infraction initiale, et qui aurait, au cours des dix dernières années, été déclaré coupable de voies de fait mineures, qui seraient considérées comme une infraction grave, étant donné que la peine prévue par le Code criminel est une peine maximale d'emprisonnement de cinq ans ou plus. Le poursuivant doit ensuite établir que le revenu de l'accusé provenant de sources non liées à des infractions désignées ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de tous les biens de l'accusé.
J'estime que cette dernière condition soulève de graves problèmes. Il paraît difficile de savoir si cette disposition va déboucher sur l'adoption d'une norme extrêmement laxiste assimilable à une absence de norme ou si elle va introduire un seuil très élevé qui va obliger le poursuivant à présenter un grand nombre de preuves pour reconstituer la situation financière de l'accusé au cours des dix années précédentes.
Permettez-moi de faire une autre remarque. Ce paragraphe oblige le poursuivant à comparer les revenus et les biens de l'accusé, ce qui revient à peu près à comparer des pommes et des oranges. Il s'agit de comparer les revenus du contrevenant avec la valeur de tous ses biens. Il n'est pas tenu compte dans cette comparaison de l'avoir net du contrevenant avant que celui-ci n'exerce les activités criminelles répétées dont il est question. Je dirais donc qu'il est peut-être plus logique de comparer le revenu aux biens accumulés et de comparer les revenus avec un changement survenu dans le niveau de vie de la personne en cause, changement qui ne peut s'expliquer par d'autres sources de revenus.
Je vais maintenant aborder le problème fondamental que pose ce paragraphe. Si la commission de l'infraction sous-jacente se traduit dans la réalité par un avantage financier pour l'accusé, alors il semble que les conditions prévues dans ce paragraphe seraient automatiquement remplies, si cette disposition recevait une interprétation large. Par contre, si la seule infraction commise par l'accusé est indépendante de toute activité criminelle antérieure, et que celui-ci en retire un avantage, alors le revenu de l'accusé provenant de sources connues ne permettrait pas de justifier la valeur de ses biens.
Subsidiairement, si on exclut le revenu provenant de l'infraction sous-jacente, alors le poursuivant aura beaucoup de difficulté à remplir ces conditions, parce qu'il sera alors obligé de reconstituer la situation financière complète de l'accusé. Il est vrai que la Couronne a de toute façon le fardeau d'établir cet élément mais elle sera obligée de retracer toutes les sources de revenus de l'accusé pour être en mesure d'établir qu'elles ne sont pas liées à des infractions désignées.
Á (1110)
Au lieu de simplifier la procédure, et de faciliter la confiscation des biens de l'accusé, la nouvelle situation interprétée de cette façon ne guère différente de celle qui prévaut aux termes de la loi actuelle : les poursuivants interviennent, les policiers se procurent des mandats de perquisition pour obtenir des renseignements auprès des institutions financières, ils recherchent les titres de propriété et tentent d'établir la valeur nette de la personne visée. C'est un processus long et complexe plutôt qu'un processus simple.
Si le poursuivant se conforme aux conditions du paragraphe (2.01), cela déclenche la disposition relative au renversement du fardeau de la preuve, qui permet au contrevenant d'essayer de démontrer qu'un bien donné n'est pas un produit de la criminalité. Il y a une situation qui n'est pas inhabituelle et qui soulève un problème; que se passe-t-il lorsqu'un bien ne provient pas entièrement mais en partie seulement des produits de la criminalité? À titre d'exemple, prenons le cas du propriétaire d'une maison d'une valeur de 200 000 $ qui a effectué des versements hypothécaires pendant plusieurs années mais qui, grâce au produit d'activités criminelles récentes, utilise 20 000 $ de ses gains mal acquis pour rembourser le solde de son hypothèque. Aux termes du paragraphe (2.03), le contrevenant peut-il démontrer que cette maison ne constitue pas un produit de la criminalité? Si l'on répond non à cette question, cela veut dire qu'à cause de gains criminels très faibles, un individu risque de perdre une partie tout à fait disproportionnée de ses biens, pourvu que ses gains mal acquis aient été utilisés pour acquérir d'autres biens. Cet effet disproportionné pourrait avoir un effet préjudiciable sur des tiers, comme sur les conjoints, par exemple, dans le cas où il s'agirait du foyer conjugal. Autre hypothèse, si ces fonds avaient été utilisés dans une petite entreprise, une exploitation agricole familiale, ou quelque chose du genre, cela pourrait avoir encore une fois un effet tout à fait disproportionné.
La dernière pièce du casse-tête que constitue la disposition relative au renversement du fardeau de la preuve, est le paragraphe (2.07), qui donne au tribunal toute latitude pour refuser d'ordonner la confiscation d'un bien lorsque l'intérêt de la justice l'exige. Il me paraît salutaire d'avoir une disposition de ce genre mais le projet de loi ne précise pas les facteurs dont le tribunal doit tenir compte pour prendre ce genre de décision. Par exemple, si le paragraphe (2.07) vise le cas où il y a une disproportion importante entre les gains mal acquis et les biens visés par la confiscation, j'estime que cela devrait être précisé dans le projet de loi pour que les tribunaux sachent exactement dans quel genre de situation ils peuvent exercer ce pouvoir.
Les dispositions actuelles en matière de confiscation après une déclaration de culpabilité prévoient la restitution des biens qui appartiennent à des tiers innocents. Aux termes du projet de loi, ces dispositions seraient modifiées pour qu'il soit également possible de restituer des biens à leur propriétaire dans les cas où il y a renversement du fardeau de la preuve.
Je fais une pause ici pour faire remarquer que, compte tenu de la nature du nouveau régime, il existe probablement de nombreuses autres situations où ces mécanismes mettraient en jeu les droits des tiers. Je mentionne cela parce qu'avec les nouvelles dispositions en matière de confiscation, les pouvoirs spéciaux en matière de mandats de perquisition, d'ordonnances de blocage et de prise en charge donneraient aux policiers l'autorisation de bloquer à peu près tous les biens que possède un individu. Une fois exécutée l'ordonnance, la personne visée est normalement accusée, mais ce qui n'est pas inhabituel dans ce genre de cas, les poursuites peuvent durer pendant des années.
Á (1115)
Avec les nouvelles dispositions, pour obtenir une ordonnance de blocage et de prise en charge ou une ordonnance de saisie spéciale, il ne serait pas nécessaire d'établir que les biens confisqués sont des produits de la criminalité. Il pourrait donc arriver que des biens matrimoniaux ou les biens d'un associé commercial innocent soient bloqués pendant des mois ou des années, en attendant que l'affaire soit réglée par les tribunaux.
Je sais que le Code contient des dispositions qui prévoient la suspension provisoire de l'application des ordonnances de blocage et de prise en charge. En pratique, il faut un certain temps pour que les ordonnances ou les révisions de ce genre soient entendues par les tribunaux, parce qu'il faut attendre que le poursuivant et les policiers aient achevé ce qui peut constituer en fin de compte une enquête financière très complexe. Il faudra parfois attendre un an et plus avant d'être en mesure de présenter une demande de révision.
Le président: Puis-je vous demander de conclure rapidement?
M. Peter Copeland: Il y a deux dispositions très précises de l'article 462.42 relatif à la restitution qui devraient être révisées de façon substantielle. Aux termes du paragarphe 462.42(1), la personne inculpée de l'infraction à l'origine de la confiscation n'est pas autorisée à demander la restitution d'un bien. La personne qui est inculpée peut être en fin de compte acquittée et habituellement, le seul fait d'inculper quelqu'un n'a pas pour effet de priver cette personne de ses droits. J'estime qu'il faudrait supprimer ces dispositions de l'alinéa 462.42(1)a).
De plus, le paragraphe 463.42(1) est en fait une disposition qui concerne le transfert frauduleux de biens dans le but d'éviter la confiscation. La norme retenue dans ce paragraphe est celle des circonstances qui permettent raisonnablement d'induire que l'opération a été effectuée dans l'intention d'éviter la confiscation des biens.
La notion de déduction raisonnable est une norme qui n'est généralement pas reconnue dans notre droit pénal lorsque des droits sont en jeu. Il y a des circonstances qui permettent de tirer plusieurs déductions raisonnables. Il s'agit plutôt de savoir dans quel cas le juge des faits doit tirer ce genre de déduction. D'après moi, la norme énoncée au paragraphe 463.42(1) devrait être celle de la prépondérance des probabilités.
Á (1120)
Le président: Les deux représentants de l'Association du Barreau canadien vont-ils présenter un exposé?
Mme Joan Bercovitch (directrice principale, Affaires juridiques et gouvernementales, Association du Barreau canadien): Je vais commencer.
Au nom de l'Association du Barreau canadien, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
[Français]
Le Barreau canadien est une association qui regroupe plus de 36 000 juristes partout au Canada. Parmi nos buts et objectifs figure l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. Les propos que l'on vous présente aujourd'hui sont conformes à ces objectifs.
[Traduction]
Heather Perkins-McVey, une avocate de la défense d'Ottawa, va vous présenter un exposé. Mme Perkins-McVey est l'ancienne présidente de la section nationale de la justice pénale de l'ABC et est à l'heure actuelle membre de l'exécutif de ce groupe.
J'ajouterais que la section nationale regroupe des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne, qui travaillent ensemble à élaborer les positions de notre organisme.
Mme Heather Perkins-McVey (membre à titre personnel, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien): Merci.
Comme cela a été indiqué, notre organisme est légèrement différent de celui de M. Copeland dans la mesure où notre exécutif comprend à la fois des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense et que nous bénéficions à l'occasion des conseils de membres de la magistrature.
Pour ce qui est du projet de loi C-53, nous partageons effectivement certaines préoccupations exprimées par M. Copeland et son organisation, mais nous aimerions souligner d'autres aspects qui nous paraissent problématiques.
Le premier de ces aspects est la définition d'infraction désignée, définition qui est aujourd'hui élargie. Il faut examiner l'ensemble du projet de loi et tous les paragraphes connexes pour saisir l'importance des répercussions que peut avoir le fait d'avoir étendu la définition d'infraction désignée à toutes les infractions mixtes. Je suis sûre que les membres du comité savent que la plupart des articles du Code criminel créent aujourd'hui des infractions mixtes et que ces infractions seraient donc visés par la définition élargie d'infraction désignée. Nous pensons qu'il faudrait veiller à ce que les dispositions très larges en matière de confiscation et de saisie qui vont désormais toucher les infractions désignées — ces infractions élargies — sont appliquées de façon équitable et conformément aux grands objectifs du projet de loi.
L'autre aspect qui nous préoccupe est celui des mandats de perquisition prévus à l'article 462.32. Cette disposition autorise le tribunal à décerner un mandat de perquisition visant « un bâtiment, contenant ou lieu » lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire que des biens susceptibles de faire l'objet d'une confiscation pour une infraction désignée — là encore, il s'agit d'un groupe d'infractions beaucoup plus large qu'il ne l'était auparavant — peuvent se trouver. De plus, l'agent peut saisir tout autre bien s'il a des motifs raisonnables de croire que le bien en question pourrait faire l'objet d'une ordonnance de confiscation.
Selon sa formulation actuelle, le projet de loi n'exclut pas expressément les endroits susceptibles de contenir des renseignements confidentiels. Nous trouvons cela inquiétant. À notre avis, il faudrait modifier cet article pour exclure expressément les lieux où se trouvent des renseignements confidentiels ou des lieux où l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il s'y trouve des renseignements confidentiels.
On pourrait aussi modifier l'article de façon à demander expressément au juge d'imposer des règle et des procédures destinées à protéger les renseignements confidentiels ou visés par le secret professionnel, lorsque l'endroit où doit s'effectuer la perquisition est un lieu où se trouvent des renseignements confidentiels. Bien évidemment, cela peut concerner le secret professionnel de l'avocat et, bien sûr, vous connaissez l'arrêt Lavallee et les décisions qui en ont découlé dans lesquelles les tribunaux ont jugé qu'il y avait lieu de protéger strictement le secret professionnel de l'avocat ainsi que les endroits où se trouvent des renseignements confidentiels.
Pour ce qui est de l'article relatif au renversement du fardeau de la preuve ou du régime des peines proposé par le projet de loi, nous partageons certaines préoccupations exprimées par M. Copeland et son organisation.
Il faut tout d'abord veiller à ce que la confiscation soit reliée au crime dont l'accusé est déclaré coupable. Il est vrai que les dispositions actuelles du Code autorisent déjà la confiscation de biens, mais uniquement selon la norme très stricte de la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Avec les modifications proposées, et tout en reconnaissant que celles-ci s'appliquent uniquement aux infractions énumérées au paragraphe (2.02), il faut savoir que la définition d'organisation criminelle est suffisamment extensive, tout comme celle des autres infractions visées par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour que les dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve soient appliquées très largement.
Le régime proposé soulève un certain nombre de problèmes; par exemple, l'article 462.37 traite des demandes de confiscation présentées après que l'accusé ait été déclaré coupable d'une infraction désignée, de sorte qu'aujourd'hui, ces demandes de confiscation peuvent être présentées pour n'importe quelle infraction mixte ou pour une infraction pour laquelle la Couronne peut procéder par voie de mise en accusation et pas uniquement pour un acte criminel.
En outre, il y a cette disposition supplémentaire en matière d'amendes qui prévoient qu'une amende peut être ajoutée à n'importe quelle autre peine. Nous reconnaissons que c'est une possibilité qui existe déjà. Cependant, si l'on examine ces dispositions, qui se conjuguent désormais aux articles relatifs au renversement de la preuve, nous avons de graves réserves au sujet de l'effet combiné de ces dispositions, au point où l'on peut se demander si cet article serait déclaré constitutionnel par les tribunaux.
Á (1125)
L'autre préoccupation vient du fait que le droit pénal a toujours été fondé sur le principe qu'une personne est présumée innocente et que sa culpabilité doit être établie au-delà de tout doute raisonnable. Cette norme exigeante s'applique même en matière d'infliction de la peine, puisque chaque circonstance aggravante doit être établie au-delà de tout doute raisonnable. Le régime des peines proposé modifierait ce principe puisqu'il prévoit une norme moins stricte, puisqu'il autorise la Couronne à établir ces différents éléments selon la prépondérance des probabilités.
Ce ne sont pas là des mots vides. Ces principes ont été reconnus, non seulement dans l'affaire ancienne R. c. Gardiner, mais également par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. McDonnell.
Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que si l'existence d'un facteur aggravant pouvait être présumée, cette présomption aurait pour effet de faire passer le fardeau de la preuve de la Couronne à l'accusé, ce qui n'est pas conforme au droit. C'est exactement l'effet qu'a le paragraphe du régime des peines qui se trouve dans le projet de loi.
Il y a un autre aspect qu'il convient d'examiner, aspect qui n'a pas été abordé par M. Copeland; c'est l'article 462.46. Cette disposition autorise le procureur général à conserver une copie des documents saisis avant de les remettre à leur propriétaire, lorsque le juge a ordonné cette remise. À notre avis, le procureur général peut se trouver en possession de ce genre de documents au cours de l'arrestation d'un individu, de la découverte de documents à la suite d'une perquisition ou de l'exécution d'un mandat de perquisition. Si le procureur général peut les conserver et en faire une copie, on peut se demander à quoi sert que le tribunal ordonne que ces documents soient remis à leur propriétaire. Il est possible que ces documents contiennent des renseignements délicats ou de nature très personnelle et cette disposition risque de porter gravement atteinte au droit au respect de la vie privée.
L'article proposé, qui autorise le procureur général à conserver une copie de ces documents, sans restreindre aucunement l'utilisation qui peut en être faite, et qui n'exige même pas que le procureur général justifie la nécessité de conserver une copie de ces documents, va à l'encontre de l'objet de l'article qui prévoit que le juge peut ordonner que les documents confisqués soient remis à leur propriétaire.
Nous pensons que l'article 462.46 constitue une atteinte injustifiée et inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée. Il paraît tout à fait extraordinaire qu'un tribunal puisse ordonner que des documents soient remis à leur propriétaire, à la suite d'un acquittement ou pour le motif que la perquisition au cours de laquelle ils ont été obtenus a été déclarée inconstitutionnelle, mais que le procureur général puisse néanmoins conserver des copies des documents saisis.
La recommandation que nous faisons à ce sujet figure dans notre mémoire, mais nous recommandons bien évidemment que le procureur général et les organismes d'enquête concernés qui possèdent des documents ou des informations qui doivent être remis sur l'ordre d'un tribunal doivent rendre tous ces documents et leurs copies, détruire les enregistrements des renseignements contenus dans les documents, et ne peuvent utiliser à quelque fin que ce soit les renseignements qui y sont contenus.
De plus, le procureur général et les organismes d'enquête concernés devraient être tenus de s'engager devant le tribunal à respecter ces conditions.
C'est tout simplement ce qu'exigent la logique et les principes. Dans les mémoires que nous avons présentés à divers comités gouvernementaux, nous exprimons notre inquiétude au sujet de l'acceptation de plus en plus répandue du fait que l'État puisse réunir des renseignements personnels sans qu'il ait à démontrer qu'il en a besoin. Nous pensons qu'il faut lutter contre l'érosion continuelle du respect de la vie privée et l'affaiblissement des garanties qui protège la vie privée des citoyens contre les interventions de l'État.
Pour ce qui est des tiers intéressés, il est évident que c'est un sujet de préoccupation. Nous reconnaissons que les dispositions actuelles du Code criminel prévoient, avant qu'une ordonnance soit prononcée, qu'avis soit donné aux tiers qui détiennent un droit valide, pourvu que cet avis n'ait pas pour effet d'occasionner la disparition ou la dissipation des biens en question.
Á (1130)
Notre critique vient du fait qu'il s'agit là d'une procédure très complexe prévue par le Code criminel. Pour la plupart des gens, il est très difficile de suivre le déroulement d'une instance et de connaître le moment où ce genre d'ordonnance pourrait être prononcée. Comme cela a été mentionné, il arrive souvent que ces biens soient détenus pendant des périodes très longues, souvent pendant des années. Il arrive que ces affaires traînent devant les tribunaux pendant 10 ou 15 ans en raison des appels interjetés, mais ne pas pouvoir utiliser des biens ne serait-ce que pendant cinq ans est quand même assez gênant.
De plus, les tiers qui veulent défendre leurs droits doivent dépenser des sommes considérables pour le faire. Nous pensons que les tiers qui sont titulaires d'un droit valide devraient bénéficier de l'aide juridique pour pouvoir protéger leurs droits. À l'heure actuelle, ce genre de cas n'est pas couvert par l'aide juridique mais nous pensons que tous les tiers devraient pouvoir défendre les droits qu'ils possèdent sur un bien.
En conclusion, nous savons que le projet de loi a pour objectif de confisquer les profits provenant d'activités criminelles. Si vous examinez le mémoire que nous avions présenté au comité il y a de nombreuses années, au moment où ce projet de loi est entré en vigueur la première fois, vous constaterez que notre mémoire portait principalement sur cet aspect. Nous pensons néanmoins que le projet de loi C-53 ne devrait pas être adopté s'il n'est pas remédié aux graves lacunes qu'il contient, en particulier celles qui touchent la disposition relative au renversement du fardeau de la preuve en matière de peines.
Nous n'avons pas présenté de recommandation portant particulièrement sur le régime des peines. Nous ne l'avons pas fait parce que nos préoccupations ne concernent pas le libellé du projet; ce n'est pas un aspect qu'il est possible de préciser ou de limiter; ce sont plutôt des préoccupations très larges et nous pensons que cette partie du projet de loi devrait être complètement revue.
Le président: Merci, madame Perkins-McVey.
Monsieur Warawa.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être venus ce matin.
Ma question s'adresse à tous les témoins et elle porte sur votre position sur le principe du renversement du fardeau de la preuve. D'après vos exposés, si je résume ce que vous avez dit, il me semble que vous n'êtes pas en faveur du principe du renversement du fardeau de la preuve. C'est ma première question et j'en aurais une autre. Vous ai-je bien compris?
M. Peter Copeland: Je n'ai pas abordé la question de la constitutionnalité de cette disposition dans mes observations initiales, mais je souscris aux observations qu'a formulées Mme Perkins-McVey au sujet de la constitutionnalité d'une disposition qui a essentiellement pour effet de présumer l'existence d'une circonstance aggravante pour fixer la peine au lieu d'exiger, comme c'est le cas habituellement, que cette circonstance soit établie au-delà de tout doute raisonnable.
Mme Heather Perkins-McVey: C'est effectivement notre position et il n'y a pas seulement l'arrêt McDonnell qui la conforte. Il existe une jurisprudence abondante qui a été confirmée par la Cour suprême du Canada et selon laquelle la Charte s'applique à toutes les étapes de l'instance, et pas seulement jusqu'à la déclaration de culpabilité.
M. Mark Warawa: Vous n'êtes donc pas en faveur du principe qui est à la base du projet de loi C-53, à savoir le renversement du fardeau de la preuve, et cela m'aide à mieux comprendre votre point de vue.
Je vais utiliser deux exemples que j'ai connus dans ma circonscription de Langley, en Colombie-Britannique, qui vont nous amener à un principe. Je ne vais pas débattre de ces cas précis. Je les cite simplement pour montrer l'application d'un principe.
Le premier exemple est celui d'un résident permanent du Canada qui est arrivé à Langley, qui réside à Langley et qui vivait de l'aide sociale. Deux ans après, il était propriétaire de trois maisons mais vivait toujours de l'aide sociale. Il a été déclaré coupable d'avoir cultivé de la marijuana dans ses trois maisons. Avec le projet de loi C-53, grâce au renversement du fardeau de la preuve, ce sera à cette personne de prouver qu'elle a acquis ces maisons légalement. Comment quelqu'un qui vit de l'aide sociale pourrait-il payer intégralement trois maisons en deux ans?
Le renversement du fardeau de la preuve est un principe tout à fait raisonnable parce qu'une personne raisonnable se demanderait comment quelqu'un peut légalement s'acheter trois maisons de cette façon.
Il y a un autre exemple dont ont parlé les journaux l'été dernier, c'est un tunnel utilisé pour faire la contrebande de drogues qui a été construit à Langley, en Colombie-Britannique. C'est le premier tunnel qu'on ait découvert entre les États-Unis et le Canada. Il est possible qu'il y en ait eu d'autres mais c'est le premier qu'on a découvert. Il a été construit avec l'argent du crime organisé pour faire la contrebande de n'importe quel produit — principalement des drogues. Mais il est bien connu que ce tunnel pouvait être utilisé pour transporter n'importe quoi. La maison d'où partait le tunnel avait été achetée un an avant que le tunnel ne soit fermé. Une tierce personne était impliquée, l'hypothèque sur cette maison était en fait détenue par une famille. Cette tierce personne savait-elle d'où venait l'argent ou a-t-elle travaillé la dernière année pour effectuer ces versements? C'est un excellent exemple d'une situation où une personne raisonnable s'attendrait à ce que les personnes concernées soient au courant de ce qui se passe, et je souscrirais à cette déduction.
Le projet de loi C-53 a pour but de lutter contre le crime organisé. Avec le renversement du fardeau de la preuve, la personne déclarée coupable doit établir qu'elle a obtenu légalement les biens qui lui appartiennent. Si elle ne parvient pas à le faire, ses biens seront confisqués, même si des tiers sont titulaires de droits sur ces biens. Ce principe me paraît tout à fait sain et raisonnable.
Puis-je avoir vos commentaires?
Á (1135)
Mme Heather Perkins-McVey: Eh bien, il est toujours difficile de parler de cas précis. L'exemple que vous avez donné semble indiquer qu'une infraction a été commise et que celle-ci était reliée à un bien. Je dirais qu'avec l'article actuel du Code criminel, qui prévoit la confiscation des produits de la criminalité, il ne serait pas nécessaire de modifier quoi que ce soit, parce qu'il serait facile d'établir, selon la prépondérance des preuves, qu'il existe un lien entre l'infraction et le bien.
Le projet de loi C-53 va, bien sûr, beaucoup plus loin. Je pense qu'il faut se demander s'il est vraiment nécessaire d'aller aussi loin. La disposition actuelle autorise au départ le recours à une norme moins stricte en matière de confiscation, à savoir la prépondérance des probabilités, lorsqu'il existe un lien entre le bien et l'infraction ayant donné lieu à la condamnation. La norme plus stricte de la preuve au-delà de tout doute raisonnable s'applique lorsque la poursuite souhaite saisir des biens qui ne sont pas reliés à l'infraction à l'origine de l'inculpation mais qui constituent, d'après elle, des produits de la criminalité. Ce sont là des normes constitutionnelles qui ont été confirmées par les tribunaux à cause de la Charte et du fait que la loi s'applique à tous.
Dans le premier exemple que vous avez donné, je dirais qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours à une disposition qui va à l'encontre de la Constitution, et qu'en fait les dispositions en vigueur s'appliqueraient à ce genre de cas et permettraient facilement d'établir un lien entre les deux.
Pour ce qui est de votre deuxième exemple, celui du tiers qui détenait une hypothèque, il me paraît opportun de parler d'aveuglement volontaire, parce qu'évidemment, l'aveuglement volontaire est une notion que l'on retrouve dans le Code criminel. Les juges savent très bien décider si une personne savait ou aurait dû savoir quelque chose, ou s'il existe des preuves indiquant que certaines personnes ont fait preuve d'aveuglement volontaire. Encore une fois, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à renverser le fardeau de la preuve, de le déplacer d'une façon qui ne paraît pas légale.
Les dispositions actuelles du Code, telles qu'elles sont définies, offrent des protections mais elles permettent également l'application d'une norme moins stricte à l'égard des infractions désignées, notion qui va maintenant être élargie. L'article 462.37 va donc désormais s'appliquer à un plus grand nombre d'infractions.
En outre, je dirais que les protections actuelles sont conformes à la Constitution et je ne pense pas qu'elles devraient être restreintes davantage. Lorsqu'il y a des preuves, les dispositions actuelles sont plus que suffisantes et prévoient une norme moins stricte que le procureur général peut utiliser pour obtenir la saisie et la confiscation de ces biens.
Á (1140)
Le président: Monsieur Copeland, un commentaire.
M. Peter Copeland: Très brièvement, par rapport au premier exemple, je suis d'accord avec mon amie lorsqu'elle dit que nous n'avons pas besoin de ces nouvelles dispositions pour régler ce genre de problème. Lorsque la Couronne est en mesure d'établir que la personne vivait de l'aide sociale et que c'était sa seule source légitime de revenus, que la personne en cause a fait pousser de la marijuana pendant un certain temps, notamment dans les maisons dont elle était propriétaire à la fin de la période visée, on pourrait dire tout d'abord que les maisons pourraient être confisquées à titre d'accessoires d'un crime, en laissant complètement de côté la question des produits de la criminalité. Il y a une affaire récente dans l'ouest du Canada dans laquelle la maison utilisée pour la culture de marijuana a été confisquée pour cette raison.
De plus, le tribunal n'aurait aucun mal à conclure d'après les faits, s'il s'agit des seuls faits de l'affaire, que les maisons constituent des produits de la criminalité. Il suffirait d'appliquer les dispositions en vigueur actuellement.
De la même façon, dans le deuxième exemple au sujet des droits d'un tiers, de ce que ce tiers savait ou aurait dû savoir, cela dépend uniquement des faits et des rapports qu'il avait avec la personne qui a réellement commis l'infraction. Il me paraît contraire à notre conception de la justice d'affirmer qu'un tiers qui possède un droit sur un bien utilisé par quelqu'un d'autre pour commettre un crime est nécessairement au courant de la situation. Ce serait de la culpabilité par association, ce lien n'étant ici qu'un simple acte hypothécaire.
Le président: Merci, monsieur Copeland.
Monsieur Warawa, votre temps de parole est écoulé.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins d'être venus présenter ce matin les positions qui sont les leurs et qui sont d'ailleurs très intéressantes.
Ma première question est la suivante. Est-ce que, selon vous, le renversement du fardeau de la preuve du projet de loi C-53, qui a lieu après la déclaration de culpabilité, est constitutionnelle?
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Non, ce n'était pas notre position. Notre position était que la constitutionnalité de ce mécanisme était douteuse.
[Français]
M. Richard Marceau: Pourquoi exactement?
Je n'ai pas l'arrêt avec moi, mais il me semble qu'en 1989, la Cour suprême du Canada avait décidé que le renversement du fardeau de la preuve, dans un cas avant culpabilité, était constitutionnel.
Par exemple, dans le cas où une personne est trouvée avec des instruments d'entrée par effraction, à 2 heures du matin, avec un crowbar, pour parler en latin, il pourrait y avoir une présomption que cette personne s'apprête à commettre une infraction. La Cour suprême avait déclaré que ce renversement du fardeau de la preuve, qui avait lieu avant déclaration de culpabilité et non pas après, était constitutionnel.
Alors, pourquoi ce renversement-ci, qui a lieu après la déclaration de culpabilité, ne serait-il pas constitutionnel?
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Les tribunaux n'ont toujours pas confirmé la constitutionnalité des dispositions de renversement du fardeau de la preuve applicables avant une déclaration de culpabilité. Ce sont des dispositions très précises, comme vous le savez fort bien, qui ont été déclarées valides, parce que l'accusé a la possibilité de réfuter certaines présomptions selon une norme de preuve moins stricte.
Pour ce qui est des dispositions qui s'appliquent après la déclaration de culpabilité, je sais que beaucoup de gens diraient que l'accusé a déjà été déclaré coupable et qu'il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter de son sort.
M. Richard Marceau: Au-delà de tout doute raisonnable.
Mme Heather Perkins-McVey: Au-delà de tout doute raisonnable. Cette personne a déjà été déclarée coupable au-delà de tout doute raisonnable. Maintenant qu'elle est coupable, il faut quand même continuer à respecter les droits garantis par la Charte et c'est exactement ce dont il s'agit ici.
Les peines sont un aspect tout aussi important que la déclaration de culpabilité. Les gens doivent être traités de façon équitable à toutes les étapes du processus, et c'est la raison pour laquelle les tribunaux qui ont examiné ces dispositions — dans l'arrêt Gardiner, qui remonte, je crois, aux années 70, et tout récemment avec l'affaire McDonnell, ont déclaré que, lorsqu'il y a une circonstance aggravante, la Couronne est tenue de l'établir, parce que l'intérêt de l'État et ses ressources sont beaucoup plus importantes que ceux de l'accusé.
Il s'agit ici d'équité et d'appliquer les mêmes règles à tous — et l'obligation d'équité doit être respectée même après la déclaration de culpabilité. Si vous examinez l'arrêt McDonnell, la citation qui figure dans notre mémoire, et que vous la lisez entièrement, vous constaterez que c'est de cela dont on parle : appliquer les mêmes règles à tous.
Á (1145)
[Français]
M. Richard Marceau: Justement, une fois que la personne a été trouvée coupable hors de tout doute raisonnable et qu'elle a la possibilité de changer cela, ses biens ne sont pas saisis tout de suite. Le renversement du fardeau de la preuve est une sorte de présomption. Qui aurait de la difficulté à démontrer légalement qu'elle a un salaire de x montant de dollars par année, qu'elle a reçu un héritage de y, qu'elle a gagné à la 6/49 ou je ne sais quoi?
À mon avis, la personne reconnue coupable a toujours la possibilité de renverser cela de façon assez simple. Je ne connais pas grand monde qui travaille de façon légale et qui ne peut pas démontrer assez facilement la provenance de ses biens.
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Mais la norme n'est pas une preuve « assez simple ». S'il s'agissait d'une norme « assez simple », je serais peut-être d'accord avec vous. Mais avec la prépondérance des probabilités, une norme juridique, il y a renversement du fardeau de la preuve puisqu'il est déjà présumé que les biens doivent être confisqués. On n'applique donc pas une norme de preuve « assez simple »; c'est la prépondérance des probabilités, c'est-à-dire la norme civile. C'est une preuve qui est assez difficile à faire pour un individu, qui n'a pas les ressources dont dispose le procureur général.
[Français]
M. Richard Marceau: Je n'ai pas dit que c'est la prépondérance des probabilités. J'ai dit que pour une personne honnête, ce n'est pas difficile de démontrer la provenance de ses biens. Vous n'êtes pas d'accord avec cela. Ne pensez-vous pas qu'une personne honnête, qui travaille et qui a un emploi, peut facilement démontrer la provenance de ses biens?
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Ce n'est pas toujours aussi facile que cela.
Si vous étiez à la place de certains accusés, vous sauriez que certaines personnes n'ont pas toujours tous les papiers nécessaires. Ils n'ont pas toujours les documents bancaires qu'il faudrait ni des comptables pour les aider. C'est une circonstance aggravante. Il est facile pour l'État d'utiliser toutes ses ressources contre un individu. Nous pensons que l'accusé ne devrait pas être obligé d'apporter ce genre de preuve, même selon la prépondérance des probabilités.
M. Richard Marceau: Eh bien, ce n'est pas un accusé, c'est un condamné.
Mme Heather Perkins-McVey: Ou libéré.
M. Richard Marceau: Libéré ou condamné.
[Français]
Vous dites que c'est facile pour l'État de faire la preuve de cela avec les immenses ressources qui sont les siennes. Certaines personnes sont venues nous rencontrer et ont dit à peu près l'inverse, à savoir que c'est très difficile. Les ressources sont très petites et la criminalité organisée se raffine de plus en plus. C'est un problème qui se mondialise.
D'ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que la France, la Grande-Bretagne, la Suisse et l'Australie, qui sont quand même des démocraties modèles en matière de protection des droits de la personne, ont adopté des dispositions semblables. Vous me disiez que ce n'est pas si facile que cela. Je vous retourne un peu la même chose. L'État n'a pas nécessairement les moyens ou la facilité de prouver cela. Souvent, on va dire: « Je n'ai pas le temps, cela n'a pas de bon sens, c'est trop long », laissant donc la possibilité à un criminel, une personne qui fait partie d'une organisation criminelle organisée, d'aller peut-être en prison pendant quelque temps, d'en sortir et de profiter du même train de vie qui était le sien auparavant, avec ses trois bateaux, deux autos sport, le chalet dans les Laurentides, un dans la Muskoka. Finalement, on a rien réglé.
[Traduction]
Le président: C'est la dernière question, monsieur Marceau.
Merci.
M. Peter Copeland: Puis-je répondre à votre première question?
Pour ce qui est du renversement du fardeau de la preuve, il est clair que la question de sa constitutionnalité se pose, puisque ce genre de dispositions va généralement à l'encontre de l'alinéa 11d) de la Charte. Il s'agit de savoir si la disposition législative a une portée suffisamment précise pour que le renversement de la preuve soit justifié aux termes de l'article premier de la Charte. Compte tenu des préoccupations qui ont été soulevées au sujet du manque de proportionnalité de la confiscation susceptible d'être imposée, compte tenu du caractère peu exigeant de la norme de preuve que la Couronne doit respecter, il est possible qu'une telle disposition ne résiste pas à une analyse fondée sur l'article premier.
Pour ce qui est des difficultés auxquelles fait face l'État lorsqu'il doit reconstituer la situation financière d'un accusé ou établir ce qui constitue des produits de la criminalité, la question à trancher n'est bien souvent pas celle de savoir d'où vient le revenu qu'a reçu l'accusé, mais plutôt de savoir où ces sommes sont passées, de sorte que, si tous les biens de l'accusé ont été bloqués aux termes des nouvelles dispositions, alors ce sera à lui d'établir quels sont les biens légitimes. Cela fait écho à un commentaire que j'ai fait il y a un instant au sujet de la situation dans laquelle il y a eu un mélange de fonds de sorte que des produits de la criminalité minimes ont été utilisés pour acheter un bien d'une grande valeur. Le projet de loi ne traite aucunement de cette situation; il semblerait que tout bien qui a été acquis, ne serait-ce qu'en partie, grâce aux produits de la criminalité, peut être confisqué, et que cela soulève une très grave question sur le plan de la proportionnalité.
Enfin, pour ce qui est des frais encourus, prenons le cas d'un accusé qui a gagné des sommes considérables grâce à ses activités criminelles et qui ont été utilisés pour acquérir différents biens successivement. Ces biens sont difficiles à retracer et souvent l'accusé ne souhaite pas assumer le coût de la recherche qui permettrait de déterminer quels sont ces biens. Quelle sera alors la situation des tiers qui voudraient faire respecter leurs droits? Ils ne peuvent demander des mandats de perquisition pour essayer de se procurer les dossiers de l'accusé. L'accusé ne les aide pas dans leurs démarches. Dans le cas d'une petite entreprise ou d'une maison familiale modeste, il ne sera pas toujours rentable d'embaucher des experts financiers et des avocats pour essayer de faire valoir ces droits.
Il me paraît très clair que les tiers innocents risquent de voir leurs droits bafoués avec ce projet de loi.
Á (1150)
Le président: Merci, monsieur Copeland.
Le suivant est M. Comartin. Allez-y.
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Madame Perkins-McVey et monsieur Copeland, est-ce que vos associations ont été contactées par la Justice au sujet de la constitutionnalité des dispositions relatives au renversement de la preuve?
Mme Heather Perkins-McVey: L'Association du Barreau canadien ne l'a pas été, à ce que je sache.
M. Peter Copeland: Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Je peux m'engager à essayer d'obtenir la réponse à cette question.
M. Joe Comartin: Vous avez fait une suggestion au sujet de l'aide juridique, mais cela ne relève pas du comité. C'est une responsabilité provinciale.
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Ce n'est pas seulement une responsabilité provinciale. Le ministère de la Justice a participé à des initiatives qui consistaient à fournir une aide juridique aux immigrants, ainsi que dans les instances civiles et en droit de la famille. Pour ce qui est des poursuites pénales, l'aide est plus ciblée. Elle est accordée par le biais des paiements de transfert.
M. Joe Comartin: Je connais bien ces modes de financement mais je me demande si vous proposez que l'on modifie cette disposition. Je sais que vous ne voulez pas que cette disposition soit adoptée mais dans le cas où nous le ferions, serait-il bon de la modifier pour y inclure un article accordant aux tiers le droit à l'aide juridique? Est-ce constitutionnel? Je pense que cela touche non pas la Charte mais d'autres parties de la Constitution.
Mme Heather Perkins-McVey: Il est vrai que les tribunaux sont saisis en ce moment d'affaires qui concernent l'accès à la justice. Je pense que pour l'Association du Barreau canadien, l'essentiel est de veiller à ce que toutes les parties aient accès également à la justice. Comme M. Copeland l'a mentionné dans ses observations, il est très clair que ces situations pourraient viser des tiers innocents, par exemple des petites entreprises, des personnes qui ont des droits sur des maisons matrimoniales ou des personnes qui n'ont pas des ressources suffisantes; nous voulons cependant veiller à ce que tous les tiers qui ont des droits à faire respecter aient accès à la justice, comme tous ceux qui en ont besoin. Nous ne pensons pas que ces gens devraient renoncer à leurs droits parce qu'en raison d'un manque de fonds, ils ne peuvent s'opposer aux intérêts de l'État.
M. Joe Comartin: Un certain nombre d'agents de police, de poursuivants et certains hommes politiques ont déclaré qu'ils se souciaient peu que des tiers innocents soient touchés, parce qu'ils estimaient que ces tiers savaient ou auraient dû savoir que leur associé, leur conjoint ou leur partenaire de vie exerçait des activités criminelles.
Avez-vous des commentaires sur la réaction que les tribunaux pourraient avoir face à ce genre d'attitude — qu'ils ne s'en préoccupent pas, parce que ces personnes auraient dû être au courant? Est-ce que cela risque d'influencer les tribunaux?
Deuxièmement, que se passe-t-il en réalité? Connaissez-vous des cas précis dans lesquels le tiers — l'associé commercial ou le partenaire de vie — n'était pas du tout au courant des activités criminelles?
M. Peter Copeland: Je ne suis pas en mesure de vous citer des cas précis. Je peux néanmoins faire remarquer, premièrement, qu'avec les nouvelles dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve, je pense que les droits des tiers seront invoqués beaucoup plus fréquemment que cela se fait à l'heure actuelle.
Quant à savoir si les tribunaux vont respecter les droits des tiers, dans le cas où la police et les procureurs de la Couronne n'essaient même pas d'établir que le tiers en question était ou aurait dû être au courant de ces activités criminelles, j'espère vraiment que les tribunaux vont appliquer la présomption d'innocence à l'égard des tiers qui, sans le savoir, ont des relations avec des individus peu recommandables.
Á (1155)
Mme Heather Perkins-McVey: Je peux vous donner un exemple précis, le voici. C'était un jeune homme de 21 ans qui avait été déclaré coupable d'avoir fait pousser 58 plans de marijuana dans le sous-sol d'une maison qu'il louait. La maison était susceptible de faire l'objet d'une ordonnance de confiscation et le propriétaire avait du mal à se faire dédommager pour les dommages causés à la maison. C'est ce qu'ils demandaient. De plus, ils voulaient récupérer la maison, et la question posée à la cour était de savoir si le propriétaire, qui était tenu de s'occuper de la maison et de l'inspecter, aurait dû le faire et aurait dû mieux surveiller ce qui se passait dans sa maison. En fin de compte, le propriétaire a renoncé à faire valoir ses droits. Le poursuivant a décidé de ne pas confisquer la maison, mais cette affaire est demeurée devant les tribunaux pendant un an et demi, et finalement le propriétaire a renoncé à faire valoir ses droits, la Couronne n'a pas ordonné la confiscation, et finalement le propriétaire a récupéré son bien, mais en mauvais état, et personne n'y a gagné.
M. Joe Comartin: Cela s'est passé sans renversement du fardeau de la preuve.
Mme Heather Perkins-McVey: Cela s'est passé sans renversement du fardeau de la preuve.
M. Joe Comartin: J'ai une autre question. J'aimerais savoir si vous avez déjà rencontré ce genre de chose, qui est en fait un abus. Il s'agissait d'une loi provinciale. Dans une situation semblable, une jeune femme a été inculpée à l'origine de faire partie d'un groupe qui faisait la culture de marijuana. Les accusations ont été retirées par la suite. On a découvert qu'en fait, cette jeune femme était venue percevoir le loyer le jour où les policiers ont fait une descente dans cette maison. C'était une étudiante universitaire qui faisait ce travail à temps partiel mais ils l'ont inculpée parce qu'elle se trouvait là ce jour-là et qu'elle avait sur elle quelque 400 $ ou 500 $, qui étaient en fait le loyer qu'elle avait déjà perçu et qu'elle devait remettre au propriétaire.
Il y a deux aspects dans ce cas-ci. On a refusé de lui rendre cet argent. Les policiers ont finalement retiré les accusations parce qu'ils ont finalement constaté qu'elle n'avait rien à voir avec ces activités criminelles. Ils ont finalement retiré les accusations mais ont refusé de lui rendre son argent en lui disant qu'elle s'adresse au tribunal. Bien évidemment, étant étudiante, elle n'avait pas les moyens d'investir pour récupérer cet argent. Deuxièmement, et je pourrais citer le poursuivant, mais le représentant du poursuivant lui a dit que si elle acceptait de signer ce document, cet argent lui serait confisqué et elle ferait mieux de l'oublier.
Je me demande si vous connaissez des cas qui se rapportent à ces lois provinciales qui existent dans trois ou quatre provinces maintenant.
Avez-vous des commentaires?
Mme Heather Perkins-McVey: Je dois vous dire que je n'ai aucune expérience personnelle de l'application de ces lois provinciales. Je sais que les tribunaux ont parfois été appelés à examiner les lois provinciales et je m'intéresse quand même aux mécanismes créés par ces lois provinciales, mais il est évident que le Code criminel protège mieux que les lois provinciales les tiers et les personnes qui ont été déclarés coupables d'une infraction. Cela est très différent du processus civil utilisé dans les lois provinciales.
Je sais que notre organisation a toujours eu des doutes sur la constitutionnalité des pouvoirs provinciaux en matière de saisie, et même si je sais que l'arrêt Chow a porté sur certains aspects de ces questions, j'aimerais les voir soumises à un tribunal supérieur avant que je fasse d'autres commentaires à ce sujet. Je me pose encore des questions au sujet de la constitutionnalité de ces pouvoirs et des mécanismes adoptés.
Le président: Très brièvement, s'il vous plaît, monsieur Copeland.
M. Peter Copeland: Dans la mesure où l'exercice du pouvoir discrétionnaire des poursuivants lorsque les droits de tiers soulèvent quelques questions, il est mentionné dans notre mémoire que ce pouvoir pose de graves questions, notamment le pouvoir discrétionnaire absolu donné au poursuivant par le paragraphe (2.01) d'établir une liste de biens sans qu'il soit obligé d'établir l'existence de liens entre les biens en question et les infractions criminelles commises.
 (1200)
Le président: Merci.
Monsieur Cullen.
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Si j'ai bien compris, pour ce qui est du renversement du fardeau de la preuve, le ministre de la Justice devrait, avant de déposer ce projet de loi, vérifier soigneusement que ce projet de loi est vraiment conforme à la Charte. Je peux comprendre que les avocats ne soient pas toujours d'accord entre eux, tout comme les êtres humains ne sont pas toujours d'accord entre eux. Est-ce bien un problème de ce genre qui se pose? Vous n'êtes pas d'accord avec le ministre de la Justice parce que vous estimez que la disposition relative au renversement du fardeau de la preuve n'est pas conforme à la Charte, ou y a-t-il un autre aspect à cette question?
Mme Heather Perkins-McVey: Non, nous ne sommes tout simplement pas d'accord avec le ministre de la Justice au sujet des dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve, non seulement à cause de ces dispositions mais en raison de l'effet combiné des diverses dispositions, de l'effet qu'elles auraient, et de leur conformité à l'article premier de la Charte.
Il est vrai que d'autres pays ont adopté des lois prévoyant le renversement du fardeau de la preuve; je pense toutefois qu'il faut tenir compte du fait que la plupart de ces pays, la France et la Belgique en particulier, ont un système juridique continental qui utilise une norme et un fardeau différents et qu'ils n'ont pas de loi comme notre charte avec laquelle nous pourrions faire des comparaisons.
L'hon. Roy Cullen: Merci, et je dirais également que je ne suis pas d'accord avec l'Association du Barreau canadien.
Nous sommes en train de lutter, au cas où vous ne vous en seriez pas aperçu, contre le crime organisé, un phénomène qui se répand dans notre société et qui en trouble gravement le fonctionnement. Voilà en fait ce que j'en pense.
Vous mentionnez dans votre mémoire que la confiscation est un type de peine. Cela a attiré mon attention, parce qu'il y a beaucoup de députés ici à Ottawa et beaucoup de citoyens qui croient — et là je ne suis pas en train de critiquer les juges parce que je sais qu'ils font un travail difficile — que les juges n'appliquent pas vraiment les lois en vigueur. Je ne sais pas si cela a un rapport avec le marchandage de plaidoyer. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils ne croient pas que les peines imposées sont appropriées.
Je suis sans doute un peu hors sujet, monsieur le président, mais j'aimerais saisir cette occasion pour demander aux représentants de l'Association du Barreau canadien, et vous n'êtes peut-être pas au courant, si vous avez des préoccupations semblables au sujet des peines, au sujet de la façon dont les tribunaux interprètent les lois, au sujet du marchandage de plaidoyer et si le manque de moyens est un problème pour les poursuivants. Est-ce que ce sont des aspects que l'Association du Barreau canadienne examine, ou qui la préoccupent?
Mme Heather Perkins-McVey: Premièrement, vous avez dit : « les juges n'appliquent pas vraiment les lois en vigueur » mais n'oubliez pas que, selon cet article du Code, le procureur général doit présenter une demande avant que le juge puisse prendre une décision à ce sujet. Il est possible que ce soit les poursuivants qui ne présentent pas ce genre de demandes. Ce n'est pas au juge de déclencher le mécanisme de confiscation; c'est au procureur général et à ses représentants de le faire.
Quant à savoir si les juges font leur travail, appliquent les lois, s'il faut des ressources, je dirais que, d'une façon générale, le système judiciaire est sous-financé. L'Association du Barreau canadien a toujours défendu l'indépendance de la magistrature. Il ne devrait pas y avoir de peine minimale obligatoire. Nous nous posons de plus en plus de questions au sujet des peines minimales que prévoient certains projets de loi qui ont été présentés à la Chambre, parce qu'elles ont pour effet de supprimer le pouvoir discrétionnaire des juges. Il nous paraît essentiel de préserver l'indépendance de la magistrature et les juges devraient pouvoir disposer de tous les renseignements dont ils ont besoin et prendre en considération l'ensemble de la situation pour rendre la décision qui convient.
C'est bien évidemment un sujet beaucoup trop large pour le traiter ici.
L'hon. Roy Cullen: Merci.
M. Peter Copeland: Pour ce qui est du fait que les juges n'appliquent pas les lois, je dirais qu'il est très facile, lorsqu'on lit la façon dont les médias rapportent une affaire d'actualité, de prendre quelques faits sensationnels, de voir quelle a été la peine imposée et de dire, comment se fait-il que le juge ait pu imposer une telle peine? Mais il ne faut pas oublier que dans le système de justice pénale, les détails jouent un rôle essentiel. Nous consacrons beaucoup de temps à établir les faits et c'est ensuite au juge de tenir compte de l'ensemble des preuves. Ce sont là des choses qui ne peuvent être mentionnées par les médias et la plus grande partie de ces preuves ne sont pas très intéressantes.
Je ne pense pas que les juges des tribunaux pénaux n'appliquent pas la loi et je dois dire que les cours d'appel n'infirment pas souvent leurs décisions pour cette raison.
 (1205)
L'hon. Roy Cullen: Je respecte ce que vous dites, mais je peux vous dire que mon analyse ne se limite pas aux articles de journaux. Néanmoins, cela n'entre pas vraiment dans le cadre de notre discussion.
Une des raisons pour lesquelles vous voyez davantage de peines minimales — au cas où vous ne l'auriez pas saisi — c'est que... Les députés estiment que les juges n'exercent pas leur pouvoir discrétionnaire aussi judicieusement qu'ils le pourraient. C'est en tout cas ce que je pense et je sais qu'il y a beaucoup d'autres députés qui pensent comme moi.
Enfin, dans votre mémoire, vous avez soulevé un aspect du secret professionnel de l'avocat. Cela ne rentre peut-être pas non plus dans le cadre de notre discussion mais je sais que, dans le cas des produits de la criminalité et du blanchiment d'argent, la question du secret professionnel des avocats et des avocats qui se transmettaient des renseignements avec CANAFE a suscité quelques interrogations. La difficulté vient du fait que si 99 p. 100 des avocats sont des citoyens respectueux des lois, il y en a 1 p. 100 qui peut-être ne le sont pas. Les criminels, et c'est d'eux dont nous parlons en ce moment, blanchissent leur argent en ayant recours aux services de ces avocats et c'est pourquoi le gouvernement a adopté un mécanisme très large.
Je sais qu'il y a des discussions entre l'Association du Barreau, le CANAFE, les Finances et le gouvernement. Pouvez-vous faire le point sur ces discussions? Savez-vous où elles en sont?
Mme Joan Bercovitch: Il y a effectivement des discussions mais nous ne sommes pas en mesure de vous dire où elles en sont pour le moment.
Le président: Merci. Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Toews, cinq minutes pour les questions et les réponses, s'il vous plaît.
M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci.
Si j'ai bien compris la position des témoins, monsieur le président, ils disent que, lorsqu'un accusé est déclaré coupable d'une infraction au-delà de tout doute raisonnable, les dispositions qui prévoient le renversement du fardeau de la preuve et l'application de la norme de la prépondérance des probabilités et qui ont pour effet de priver cette personne de ses biens, sont peut-être inconstitutionnelles. Je pense que c'est une façon assez juste de résumer ce qu'ont dit ces témoins.
Et pourtant, monsieur le président, les cours ont toujours reconnu à l'État le droit de priver quelqu'un d'un bien, et ce, de façon automatique, dès qu'une personne a été est déclarée coupable de certaines infractions. Il n'est même pas question de renversement du fardeau de la preuve. Il n'est même pas question de prépondérance des probabilités ou d'une preuve au-delà de tout doute raisonnable. Le Code criminel prévoit de nombreux cas où des droits sur des biens sont automatiquement supprimés lorsqu'un accusé est déclaré coupable au-delà de tout doute raisonnable.
Un permis de conduire est un droit sur un bien. Il n'y a pas d'audience au cours de laquelle les parties débattent pour savoir si quelqu'un va perdre ce droit. Cela se fait automatiquement et cela ne touche pas seulement le système judiciaire parce qu'il est également interdit de conduire aux termes des lois fédérales. La loi provinciale prévoit qu'en cas de condamnation par un tribunal aux termes d'une loi fédérale, l'accusé perd son permis, un document délivré par la province.
C'est pourquoi j'ai beaucoup de mal à comprendre votre position, vu que cela fait des années et des années que les tribunaux ont confirmé la possibilité de priver l'accusé déclaré coupable au-delà de tout doute raisonnable — ils ont dit qu'il était légal de le priver automatiquement d'un droit sur un bien. Nous leur donnons aujourd'hui la possibilité d'expliquer l'origine des biens en question, et ils doivent le faire selon la prépondérance des probabilités. En quoi cette situation est-elle pire que ce font tous les jours les tribunaux?
M. Peter Copeland: Je dirais tout d'abord, au sujet du permis de conduire, que je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de droit sur un bien. Le droit de conduire, d'après notre jurisprudence, n'est pas vraiment un droit, c'est un privilège.
M. Vic Toews: Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'un droit. J'ai dit que c'était un droit sur un bien.
M. Peter Copeland: Eh bien, les droits sur les biens sont détenus par des individus. La conduite est un privilège qui est reconnu par la jurisprudence, ce n'est donc pas une activité qui est protégée par la Constitution.
Ce n'est pas parce que cela touche les biens. Cela concerne la proportionnalité de la peine, qui est un principe fondamental qui s'applique à toutes les peines prévues par notre droit.
 (1210)
M. Vic Toews: Oh, je comprends. Alors, selon le principe de la proportionnalité des peines, il est possible de priver automatiquement quelqu'un de son droit à un permis qui lui donne le droit légal de conduire un véhicule à moteur; selon ce principe, cela est approprié. Mais dire à quelqu'un qui a été déclaré coupable au-delà de tout doute raisonnable que nous voulons obtenir des explications sur l'origine de ses biens, l'obliger à prouver comment il les a obtenus, cette réaction du gouvernement n'est pas une réaction proportionnée à la déclaration de culpabilité.
M. Peter Copeland: J'estime que le véritable problème concerne la proportionnalité. Les dispositions en matière de confiscation sont en fait des dispositions qui imposent des amendes; il est donc présumé qu'une amende considérable, complètement disproportionné par rapport à l'infraction commise, sera imposée, à moins que l'accusé ne puisse réfuter la présomption relative aux circonstances aggravantes.
M. Vic Toews: Quelle est la jurisprudence qui dit que c'est une amende?
M. Peter Copeland: C'est l'effet de la disposition.
M. Vic Toews: Non, mais y a-t-il de la jurisprudence qui qualifie cela d'amende?
M. Peter Copeland: Je n'ai pas cette référence et je ne sais pas s'il y a vraiment de la jurisprudence sur ce point.
M. Vic Toews: Non, il n'y en a pas.
M. Peter Copeland: Et c'est en fin de compte l'effet qu'a cette disposition sur un individu. C'est une sanction; il ne s'agit pas de droit sur un bien. C'est une sanction qui devrait être proportionnelle à ce qu'a fait l'individu en question.
M. Vic Toews: Merci.
Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Merci à nos témoins d'être présents. J'ai deux questions à poser. Je pense avoir affaire à des avocats qui ont fait du droit criminel pendant plusieurs années, alors on va parler entre criminalistes.
Je n'avais pas nécessairement porté attention à un élément quand j'ai lu le projet de loi. Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur cette question. J'ai de la difficulté avec l'amendement prévu à l'article 462.46. Le Barreau canadien a une recommandation. J'essaie de comprendre pourquoi cela a été placé à cet endroit, mais je ne le comprends pas. C'est-à-dire que le procureur général peut faire des copies des documents avant de vous les remettre, alors qu'il y a une ordonnance de les détruire. J'attire votre attention à ce sujet. Je suis d'accord avec vous au sujet de l'article 462.46 à l'effet qu'il y a effectivement un très sérieux problème.
En fait, pourquoi ne pas suggérer de l'enlever? En vertu de la Loi sur l'Identification des criminels, lorsque quelqu'un est acquitté d'une infraction, on lui remet ses empreintes digitales, photos et autres documents. On n'en conserve pas de copie et ils doivent être rayés des banques de données des corps policiers. Or, pourquoi ne pas faire la même chose dans le cas présent? Croyez-vous que cela serait une bonne solution? C'est la première question.
Deuxièmement, le criminaliste en moi a un peu de difficulté à vous suivre concernant le renversement du fardeau de la preuve. Je suis pas mal d'accord avec mon collègue, Me Marceau. Cependant, le coeur du projet de loi est l'article 462.37 et on va au point 2.03. Je ne lis peut-être pas bien, mais je voudrais vraiment que vous me l'expliquiez. Vous dites que lorsque quelqu'un est déclaré coupable, il ne jouit plus de la présomption d'innocence. Nous sommes d'accord à ce sujet. À ce moment-là, vous dites que même à ce niveau, cela devrait être le procureur de la Couronne qui prouve que les biens obtenus, que les biens que quelqu'un a, sont des biens obtenus criminellement. Est-ce bien ce que je comprends?
Quand je lis la page 5, j'ai un peu de difficulté avec ce passage parce que je ne suis plus innocent. À propos de la présomption d'innocence, la Cour suprême l'indique clairement. Je suis d'accord avec vous car je suis retourné voir l'arrêt Gardner qui stipule qu'on n'a plus la présomption d'innocence une fois qu'on est déclaré coupable.
Prétendez-vous qu'on a encore la présomption d'innocence pendant un certain temps sur le plan des représentations sur sentence? Je veux vous entendre sur ces deux points. Toutefois, le premier est bien sûr l'article 462.46. Je ne vais pas plus loin, monsieur le président, car je veux écouter les réponses.
 (1215)
[Traduction]
M. Peter Copeland: Si vous le permettez, je vais commencer par la présomption d'innocence. Oui, la présomption d'innocence à l'égard d'une personne qui a été déclarée coupable a aujourd'hui disparu. La disposition relative au renversement du fardeau de la preuve semble, premièrement, être fondée sur une présomption de culpabilité à l'égard d'infractions qui n'ont jamais été établies, et voilà ce qui fait problème.
Quant à savoir s'il incombe toujours à la Couronne d'établir les circonstances aggravantes, la Cour suprême du Canada a, dans l'arrêt Gardiner, clairement indiqué qu'il incombait à la Couronne d'établir au-delà de tout doute raisonnable les circonstances aggravantes. L'accusé peut établir les circonstances favorables selon la prépondérance des probabilités, et ces principes ont été incorporés au Code criminel dans les modifications concernant les peines qui ont été adoptées récemment. Ces principes sont codifiés et reconnus depuis longtemps, et j'estime qu'ils sont également protégés par l'article 7 de la Charte.
Mme Heather Perkins-McVey: Mon seul commentaire serait de dire que, bien évidemment, nous reconnaissons cela et que nous en parlons à la page 5 de notre mémoire. Comme je l'ai dit, les principes de l'arrêt Gardiner ont été incorporés dans les dispositions du Code criminel mais l'arrêt McDonnell s'appuie sur cette décision et a clairement réaffirmé le principe selon lequel, même après une déclaration de culpabilité, le procureur de la Couronne doit établir au-delà de tout doute raisonnable les circonstances aggravantes. C'est au poursuivant qu'incombe ce fardeau.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Lemay. C'est terminé.
M. Marc Lemay: C'est déjà terminé? Il faudra les inviter à nouveau, parce que je n'ai pas eu ma réponse, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Bien, vous avez obtenu une réponse, même si ce n'est peut-être pas celle que vous souhaitiez.
Mme Heather Perkins-McVey: Quant à l'autre question, votre première question, nous sommes d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faudrait supprimer cet article du projet de loi.
Le président: Merci.
Du côté du gouvernement, y a-t-il quelqu'un?
Monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Je voudrais revenir sur les arguments que vous avez avancés au sujet des rapports et de la proportionnalité en matière de peines. Il est évident que nous faisons face à un problème extrêmement grave, comme l'a expliqué M. Cullen. Je me pose la question suivante : si la peine est appropriée — c'est-à-dire si le rapport entre le crime et les produits de la criminalité a été établi — est-ce que la valeur des biens confisqués importe vraiment? Autrement dit, lorsque vous parlez de proportionnalité, je crois que vous parlez du montant d'argent ou de la valeur des biens qui ont été confisqués au moment de l'infliction de la peine. Je ne peux croire que le fait que dans certains cas la police saisisse des millions de dollars et dans d'autres une petite somme d'argent qui a été utilisée pour faire le versement initial sur l'achat de la maison d'un voisin soit un argument qui justifie d'écarter ce processus. J'aimerais vous entendre me présenter un argument qui réglerait cette question pour moi : comment rendre le rapport proportionnel — autrement dit, quelle doit être la valeur des biens saisis pour que cela constitue une peine appropriée?
M. Peter Copeland: Pour ce qui es de la proportionnalité, il ne faut pas seulement considérer la somme d'argent qui est saisie mais il convient de comparer la somme saisie avec les gains provenant des activités criminelles; ce n'est pas parce que la personne possède de nombreux biens et exerce une activité criminelle mineure qu'elle devrait risquer de perdre tout ce qu'elle a, si elle n'arrive pas à démontrer que tous ses biens n'ont pas été acquis grâce aux produits de la criminalité. Lorsque les gains obtenus illégalement sont proportionnels aux biens confisqués, alors cette question ne se pose pas. Mais il peut arriver que la valeur des biens saisis soit considérablement supérieure aux gains provenant d'activités criminelles, et alors la question de la proportionnalité se pose, et dans un tel cas, je crois que le montant supplémentaire, le montant qui n'a pas été obtenu grâce à des activités criminelles et qui pourrait être confisqué, constitue en fait une amende.
 (1220)
L'hon. Paul Harold Macklin: C'est peut-être le cas lorsqu'on établit un rapport avec une infraction très précise mais dans certains cas, l'accusé est déclaré coupable d'une infraction d'organisation criminelle, une infraction de portée assez large, et j'aimerais avoir votre avis sur ce point, dans le cas où il ne s'agit pas d'une infraction précise ne comportant qu'un seul élément.
M. Peter Copeland: Il est facile d'imaginer comment ces dispositions pourraient s'appliquer au chef d'une grande organisation criminelle. La difficulté ne vient pas uniquement du fait que ces dispositions sont très larges mais du fait que la définition d'organisation criminelle est très large. Trois personnes qui exploitent ensemble une entreprise et qui à deux reprises commettent une fraude commerciale sont visées par la définition d'organisation criminelle et tous les biens de l'entreprise peuvent être bloqués et saisis.
Cela vient du fait qu'il y a une accumulation de définitions de nature très générale. Il est facile de comprendre les buts visés par ce projet de loi, lorsqu'il s'agit des dirigeants traditionnels du crime organisé. Mais ce projet a un effet beaucoup plus large, et c'est sa portée qui soulève des questions.
L'hon. Paul Harold Macklin: Vous n'auriez peut-être pas les mêmes préoccupations si le projet se limitait, disons, aux infractions d'organisation criminelle?
M. Peter Copeland: Le problème est qu'il y a d'autres dispositions du Code criminel qui ont une portée très large. Je ne peux pas faire de commentaires sur ce que pourrait être un projet de loi de portée plus restreinte sans en prendre d'abord connaissance.
L'hon. Paul Harold Macklin: L'Association du Barreau canadien a-t-elle des commentaires à faire?
Mme Heather Perkins-McVey: J'aimerais simplement dire que, selon la formulation actuelle du projet de loi, lorsque la proportionnalité est respectée et que les biens saisis ont un lien direct avec l'infraction, alors c'est la norme moins stricte qui s'applique, celle de la prépondérance des probabilités. C'est dans le cas de biens difficiles à déterminer, de ces sommes considérables, dont parlait M. Copeland, que cela soulève des problèmes. Avec le nouveau régime, le fardeau de la preuve est renversé.
La norme qui nous paraît appropriée est la norme du Code criminel qui oblige la Couronne à établir tous les faits au-delà de tout doute raisonnable. Dans les circonstances auxquelles je pense, le bien n'est pas relié au crime et il n'y a pas de rapport direct entre le bien et le crime. Lorsqu'il n'y a pas proportionnalité, lorsqu'il s'agit d'une somme globale, alors nous pensons qu'il faudrait appliquer la norme plus stricte de la preuve au-delà de tout doute raisonnable.
C'est notre position.
Le président: Merci.
Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes pour les questions et les réponses.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci.
J'ai écouté votre exposé avec beaucoup d'intérêt et je pense que vous avez apporté une contribution très utile à nos travaux. Il y a toujours le problème des conséquences imprévues avec un projet de loi, et lorsque nous faisons les choses un peu rapidement, il arrive que nous constations par la suite que nous aurions dû être un peu plus prudents.
J'ai pris connaissance d'une affaire ontarienne dans laquelle une partie conteste une loi qui a été adoptée par notre Parlement. Il s'oppose au fait que l'État se procure des renseignements dont il n'a pas vraiment besoin. Je vais vous dire que cette loi est la loi sur les armes à feu. Tout le monde n'est pas en faveur de cette loi, mais le problème auquel il est confronté à l'heure actuelle est que l'État a inscrit un privilège sur sa maison parce qu'il s'oppose à cette loi et veut la contester devant les tribunaux.
Avec cette mesure, l'État l'empêche d'agir et de lutter, parce qu'il lui est impossible maintenant d'hypothéquer sa maison pour obtenir les fonds dont il a besoin pour contester cette loi et il n'a pas droit à l'aide juridique. Même en mettant de côté la loi dont nous parlons aujourd'hui, il y a des gens qui ont des problèmes avec la situation actuelle. Vous avez fait remarquer à juste titre que les ressources de l'État sont bien supérieures à celles des accusés. Il y a des gens qui n'aiment pas du tout ce qui se passe en ce moment et cette personne veut prouver que cette loi est mauvaise.
Cette loi peut être utilisée contre des personnes qui n'ont aucun lien avec le crime organisé. C'est ce que je veux dire par conséquences imprévues. Il peut arriver que l'État ou les avocats qui font partie du système judiciaire utilisent les lois de façon abusive. Que pouvons-nous faire pour nous protéger contre ce genre de choses? Y a-t-il quelque chose que nous puissions insérer dans ce projet? Quel dédommagement pouvons-nous obtenir? Quelles sont les peines que l'on pourrait infliger aux personnes qui font un usage abusif des lois?
C'est la raison pour laquelle cette personne est si fâchée. Cet homme pense qu'on le harcèle parce qu'il veut prendre position publiquement au sujet d'une loi qui, d'après lui, ne devrait pas autoriser l'État à recueillir des renseignements personnels qui n'ont aucun rapport direct avec cette loi.
Je ne sais pas si vous connaissez cette affaire. Elle est devant les tribunaux de première instance en ce moment. Est-ce que le projet de loi dont nous parlons risque de favoriser ce genre d'activités de la part de l'État?
 (1225)
Mme Heather Perkins-McVey: Je vais répondre à cela en premier.
C'est effectivement une de nos principales préoccupations et c'est la raison pour laquelle nous avons présenté des observations au sujet du droit du procureur général de conserver des copies des renseignements qui doivent être remis à leur propriétaire en vertu d'une ordonnance judiciaire. Nous pensons effectivement que cette disposition devrait être carrément supprimée et qu'elle est tout à fait inappropriée.
Ce n'est qu'un autre exemple de l'érosion constante que subit le droit au respect de la vie privée. Nous reconnaissons tout à fait que ces projets de loi ont été adoptés pour des raisons valables, mais nous pensons néanmoins qu'il ne faut pas mettre de côté le droit au respect de la vie privée.
Il y a aussi le fait, bien sûr, que les mandats de perquisition peuvent être exécutés sans qu'il faille tenir compte des renseignements confidentiels.
Ce sont là les deux principales préoccupations de l'Association du Barreau canadien, et nous sommes d'accord avec vous sur ce point.
Quel genre de sanctions pourraient être introduites? Peut-être condamner la Couronne aux dépens. Il est toujours difficile d'obtenir des dépens. Dans les affaires civiles, ce sont les tribunaux qui accordent les dépens mais dans les affaires pénales, ce n'est pas la même chose. C'est un autre genre de tribunal. De la même façon que vous voulez toucher les membres du crime organisé à un point sensible, le portefeuille, il faudrait peut-être que les personnes qui subissent des conséquences imprévues soient autorisées à demander que les fonctionnaires du gouvernement assument les dépens dans ces affaires et dédommagent les intéressés du préjudice subi.
Voilà mon commentaire.
M. Garry Breitkreuz: Pensez-vous qu'il faudrait inclure une disposition de ce genre dans le projet de loi pour éviter ce genre de choses?
Mme Heather Perkins-McVey: C'est quelque chose qui protégerait mieux les droits des tiers.
M. Peter Copeland: Oui, et pour relier cela à l'autre situation que vous avez présentée — le privilège qui a été inscrit sur la maison de cette personne — cela revient à faire de sa maison un enjeu dans la lutte que ces parties se livrent. Je pense qu'on pourrait faire une analogie ici avec l'ordonnance de blocage et de prise en charge. Les problèmes que soulèvent les dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve ne viennent pas du seul fait qu'elles ne s'appliquent qu'après une déclaration de culpabilité et que l'accusé a été déclaré coupable au-delà de tout doute raisonnable. La Couronne ou la police peuvent toujours présenter une demande d'ordonnance de blocage et de prise en charge.
Étant donné que le paragraphe (2.01) permet d'obtenir en fin de compte la confiscation de n'importe quel bien de l'accusé, si l'on se place au début du processus, l'ordonnance de blocage et de prise en charge peut viser tous les biens de l'accusé, y compris ceux sur lesquels un tiers possède des droits. De sorte que dès le début d'une instance qui peut durer deux ou trois ans ou davantage, pour en arriver à une déclaration de culpabilité au-delà de tout doute raisonnable, le tribunal peut rendre une ordonnance qui pourrait bloquer le seul bien important que possède un tiers. Il faudra beaucoup de temps et beaucoup de démarches pour que le tiers fasse reconnaître ses droits.
Dans certains cas, les personnes qui ont le plus de ressources et un accès facile à l'information — la Couronne et l'accusé — ne souhaitent pas toujours contester une telle ordonnance, ce qui place les tiers dans une situation très vulnérable. Bien souvent, ils renoncent à invoquer leurs droits, comme l'a fait le propriétaire dans l'exemple présenté par Mme Perkins-McVey, parce que cela ne vaut pas la peine de consacrer plus d'argent à une bataille juridique très coûteuse, pour obtenir un résultat modeste, pour récupérer une somme de quelque 50 000 $.
M. Garry Breitkreuz: Les gens se défendent comme ils peuvent. Comment le fait de ne pas avoir enregistré une arme à feu peut-il être relié à...
Le président: Monsieur Breitkreuz, vous ne me regardez pas. Votre temps de parole est écoulé, monsieur.
Monsieur Moore.
M. Garry Breitkreuz: Quelqu'un voulait peut-être faire un dernier commentaire, monsieur.
Le président: Vouliez-vous faire un commentaire, madame McVey?
Mme Heather Perkins-McVey: Je veux simplement dire que cela montre combien il est important de veiller à ce que ceux qui en ont besoin puissent avoir accès à l'aide juridique en matière civile. Cela fait également ressortir le fait que ces tiers innocents devraient pouvoir obtenir en fin de compte un dédommagement, et je crois que celui-ci pourrait prendre la forme de dépens.
Le président: Merci.
Monsieur Moore.
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): M. Breitkreuz a abordé cette question d'un point de vue intéressant.
Je comprends ce que vous dites au sujet de la proportionnalité. Je pense que ce qui inquiète les gens et ce qui est à l'origine de ce projet de loi — et c'est peut-être parce que les avocats de la défense font trop bien leur travail — c'est que les gens entendent des histoires au sujet... Parlons de la culture de la marijuana, des personnes qui exercent des activités criminelles et qui nuisent à la collectivité.
Monsieur Copeland, je sais que vous avez dit que nous entendons parfois parler d'affaires sensationnelles. Je pense que dans l'ensemble, il existe un consensus au sujet du fait que les juges ont tendance à donner aux personnes qui font la culture de la marijuana des peines plus légères que celles que les Canadiens souhaiteraient voir imposer.
L'autre aspect que soulève la question de la proportionnalité est la personne qui possède chez elle des instruments utilisés pour la culture de la marijuana mais dont la valeur est très faible. Au moment où la police effectue la perquisition, ces instruments ont une valeur très faible qui peut représenter le sofa et la chaîne audiovidéo de cette personne.
Compte tenu de ces peines très légères, nous essayons avec ce projet de loi de faire mal à ces gens en nous en prenant à leur portefeuille. C'est peut-être la seule façon de les empêcher d'exercer des activités criminelles. Comment appliquer le principe de la proportionnalité à la personne qui a un dossier de vol de véhicules et qui est déclarée coupable pour le vol d'un véhicule d'une valeur de 25 000 $ alors qu'il existe des preuves, selon la prépondérance des probabilités, que cette personne fait partie d'une organisation criminelle active?
 (1230)
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne pense pas que le vol de voitures, l'infraction que vous avez mentionnée, serait visé par la définition de crime organisé ou d'infraction d'organisation criminelle, parce que c'est la question que posent, d'après nous, ces dispositions...
M. Rob Moore: Le crime organisé s'occupe de vol de voitures. Ses membres s'occupent de vol organisé; ils volent des voitures, ils les vendent, ils les envoient ensuite en Afrique, etc.
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne dis pas qu'ils ne le font pas. Je dis qu'en utilisant des définitions aussi larges, un groupe de personnes qui vit de l'aide sociale et qui pratique le vol à l'étalage pourrait être qualifié d'organisation criminelle; voilà ce qui nous inquiète.
Il faut mettre des limites et appliquer le principe de la proportionnalité. Nous avons toujours pensé que la peine devait correspondre au crime. La Couronne doit établir l'infraction au-delà de tout doute raisonnable. Si la seule chose qu'elle réussit à établir est le vol d'une seule voiture, alors c'est l'infraction dont l'accusé doit répondre. Il n'est pas possible d'infliger des peines pour des actes qui ont peut-être été commis ou qui auraient dû être commis. C'est la raison pour laquelle nous avons des garanties qui ont pour but d'empêcher les injustices et les erreurs judiciaires.
M. Rob Moore: Très bien, mais cela reflète un ensemble d'activités criminelles. N'est-ce pas un aspect dont il conviendrait de tenir compte? Dites-vous vraiment que la personne qui a déjà été condamnée 12 fois pour vol de véhicule et qui fait l'objet d'une treizième déclaration de culpabilité pour avoir volé un véhicule...?
Mme Heather Perkins-McVey: En tant qu'avocat de la défense, je peux vous dire que si l'accusé a un casier judiciaire de ce genre, le juge va certainement en tenir compte lorsqu'il va calculer la durée de la peine qu'il va lui imposer.
M. Rob Moore: Je suis d'accord avec vous.
Vous voyez, c'est là le problème. En ce qui concerne la culture de la marijuana, on peut dire que, si la situation actuelle était satisfaisante, nous ne serions pas ici aujourd'hui. Mais ce n'est pas le cas, parce que ces gens font de la culture de marijuana sur une grande échelle, sans craindre quoi que ce soit.
Si le gouvernement veut faire savoir qu'il ne va pas tolérer la culture de la marijuana et les activités criminelles de cette nature, comment faire comprendre aux gens que c'est bien la position du gouvernement si les accusés reçoivent des peines aussi légères? Un des buts de la peine est la dissuasion. Les peines doivent avoir un effet dissuasif, non seulement sur la personne condamnée mais aussi sur la société pour empêcher que d'autres commettent ce genre d'infraction. Comment pourrait-on faire passer ce message?
Mme Heather Perkins-McVey: Il me paraît évident que cette question comporte deux aspects. Les dispositions actuelles du Code criminel en matière de confiscation sont là, et je pense qu'elles ne sont pas utilisées autant qu'on le pourrait. Il n'est pas nécessaire de saper davantage les droits des citoyens. Nous devrions commencer par utiliser les dispositions qui existent. Ces dispositions autorisent la saisie des biens reliés à l'infraction pour laquelle l'accusé a été déclaré coupable, et cela respecte le principe de la proportionnalité. Il existe un lien direct, c'est approprié, et l'on applique la norme de preuve la moins stricte. La protection qu'apporte l'obligation de faire la preuve au-delà de tout doute raisonnable vise également à protéger le propriétaire de biens que la police essaie de saisir, même si ces biens ne sont pas reliés à l'infraction. Ces dispositions existent déjà.
Pour les infractions graves relatives aux drogues, il faut examiner chaque cas individuellement. Il arrive bien souvent que la personne que l'on trouve dans la maison soit le jardinier — c'est ainsi que je l'appellerais, faute de meilleur terme. Ce n'est pas la personne qui a acheté la maison, mis sur pied l'organisation ou qui va en profiter; c'est la personne qui va recevoir une somme minime pour arroser les plantes, allumer et éteindre les lumières. C'est pourquoi il faut que l'infraction soit proportionnelle.
Si la personne qui est au sommet de l'organisation est déclarée coupable, je dirais que, si vous examinez les peines infligées, vous constaterez que les juges imposent des peines sévères, c'est-à-dire des peines d'emprisonnement dans un pénitencier ou plus sévères encore. C'est pourquoi il est difficile de généraliser. Il faut regarder chaque cas, examiner qui est visé par la peine et quel est son profil.
Il existe à l'heure actuelle des dispositions qui autorisent la confiscation et qui pourraient être utilisées pour renforcer l'aspect dissuasif des peines. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà de ce qui existe.
 (1235)
Le président: Merci, monsieur Moore.
Chers collègues, nous devons examiner le budget relatif au projet de loi C-215. Nous avons le temps de poser encore quelques questions, mais nous ne pourrons pas faire une ronde complète.
Y a-t-il quelqu'un qui souhaite...?
Je croyais avoir compris que vous ne vouliez pas intervenir, madame Sgro.
L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Non, je ne voulais pas intervenir. Je suis arrivée en retard et je ne voulais pas poser des questions qui avaient déjà été posées.
Le président: Madame Sgro, voulez-vous prendre la parole?
L'hon. Judy Sgro: J'ai pris la parole à la Chambre des communes. Je n'étais pas ici parce que je faisais autre chose.
J'ai trouvé vos commentaires intéressants. Vous avez certainement entendu des membres du comité qui estiment, comme vient de le dire mon collègue M. Cullen, que les juges n'imposent pas des peines suffisamment sévères.
Je crois que nous attachons beaucoup d'importance à la dissuasion, à la possibilité d'obtenir des peines plus sévères, et ce genre de choses. Le projet de loi sur les produits de la criminalité est une autre façon d'essayer de récupérer certaines choses.
Pensez-vous que le système actuel permet de régler les questions que vous avez soulevées? Les lois actuelles sont-elles suffisamment sévères dans ces domaines? Il est clair que vous n'êtes pas aussi en faveur de ce projet de loi que je l'aurais pensé.
Mme Heather Perkins-McVey: N'oublions pas que les infractions dont vous parlez sont punissables de peines sévères. Les peines maximales sont l'emprisonnement à perpétuité; le poursuivant peut demander que le contrevenant ne puisse solliciter la libération conditionnelle avant d'avoir purgé la moitié de sa peine; il y a des dispositions qui autorisent les juges à imposer une peine qui soit en rapport avec l'infraction commise, pour respecter le principe de la dissuasion générale, un principe codifié à l'article 718 du Code criminel.
L'hon. Judy Sgro: Le problème vient-il du fait que les procureurs de la Couronne, les poursuivants, ne demandent pas des peines suffisamment sévères? Vous dites que les lois actuelles sont suffisamment sévères, qu'on ne les applique pas suffisamment et qu'on ne les utilise pas comme on pourrait, c'est la raison pour laquelle nous parlons de peine minimale obligatoire.
Mme Heather Perkins-McVey: Les peines maximales sont destinées aux pires délinquants. Je pense qu'il faut tenir compte du fait que les accusés déclarés coupables ne font pas toujours partie de la catégorie des pires contrevenants, de ceux qui méritent les peines maximales.
Nous voulons éviter d'en arriver à un modèle rigide d'infliction des peines. Le modèle américain des peines n'autorise pas la prise en compte des circonstances aggravantes et atténuantes. Les dispositions du Code criminel en matière de peines, celles de l'article 718, prévoient déjà l'aggravation de la peine lorsqu'il existe certaines circonstances aggravantes.
L'hon. Judy Sgro: En tant que citoyenne canadienne, en faisant abstraction de votre profession, pensez-vous que nous avons des lois suffisamment sévères et qu'elles sont appliquées de façon équitable?
M. Peter Copeland: Je dirais en tant que citoyen que nos tribunaux et pratiquement tous nos poursuivants prennent leur travail très au sérieux. Le système est fondé sur la bonne foi de toutes les parties et je crois que la justice est respectée. Je ne suis pas sûr que nous ayons besoin de dispositions supplémentaires de ce genre, qui pourraient avoir les conséquences imprévues qui ont été mentionnées plus tôt, en touchant, par exemple, les droits des tiers, en débouchant sur des peines qui risquent d'être tout à fait disproportionnées avec l'activité criminelle en cause.
L'hon. Judy Sgro: Je pense que nous ne sommes pas d'accord sur ce point.
Merci.
 (1240)
Le président: Je remercie les témoins pour les observations qu'ils nous ont présentées.
Monsieur Lemay, vouliez-vous poser une brève question?
[Français]
M. Marc Lemay: Oui.
[Traduction]
Le président: Très bien. Vous avez à peu près trois minutes pour la question et la réponse.
[Français]
Mr. Marc Lemay: Cela va être plus court que cela.
Votre deuxième recommandation, à la page 3, concerne une modification de l'article 462.32 du projet de loi. Vous dites que cela attaque le privilège entre l'avocat et son client. Ne trouvez-vous pas qu'actuellement, il y a quand même une certaine protection de l'avocat avec son client? Quand on fait des perquisitions dans des bureaux d'avocats, il y a des règles très strictes. Pensez-vous que cet article attaque ce privilège?
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Notre comité exécutif estime que l'on a déployé beaucoup d'efforts pour accorder des garanties aux personnes visées par les perquisitions dans les bureaux d'avocats. Nous voulons simplement que cela soit mentionné dans le projet de loi, pour qu'il soit très clair que ces dispositions s'appliquent lorsqu'on procède à ce genre de perquisition. Cela ne veut certainement pas dire que les policiers ne pourront pas examiner les dossiers des clients; cela veut simplement dire qu'il y a des garanties supplémentaires qui empêchent que soient révélés involontairement des renseignements confidentiels.
Le président: Thank you.
Monsieur Comartin.
Des questions et des réponses brèves, s'il vous plaît.
M. Joe Comartin: Monsieur Copeland, vous avez attiré notre attention sur le paragraphe 462.37(2.07), qui ne contient aucun critère précis. Quel est le genre de critères que vous aimeriez voir dans cette disposition?
M. Peter Copeland: Je pense qu'il faudrait reconnaître le principe de la proportionnalité et les autres principes applicables en matière de peines, du moins au départ, ce qui donnerait au juge une idée de ce que veut dire l'expression très générale « dans l'intérêt de la justice ».
M. Joe Comartin: Serait-il possible d'insérer dans ce paragraphe un critère qui protégerait les tiers?
M. Peter Copeland: Oui, sauf que, si l'on introduit un pouvoir discrétionnaire au paragraphe (2.07), ce pouvoir doit être exercé conformément aux autres dispositions du projet de loi. L'article 462.42 contient deux dispositions, dont j'ai parlé dans mon exposé, qui introduisent, d'après moi, des restrictions injustifiées aux droits des tiers. Ces dispositions s'appliquent tout d'abord aux personnes qui sont inculpées mais qui pourraient être finalement acquittées de l'infraction reprochée et également aux tiers dans les cas où il existe un motif raisonnable de croire que le titre de propriété ou le droit a été transféré dans le but d'éviter la confiscation du bien en question. C'est une norme très peu exigeante. Il est parfois possible de faire toutes sortes de déductions mais la question est la suivante : devrait-on procéder à ces déductions selon la prépondérance des probabilités? L'autre question qui se pose est de savoir si l'objectif d'éviter la confiscation était recherché par l'auteur du transfert ou par son bénéficiaire. S'il s'agit d'un tiers innocent qui n'était pas au courant de l'objectif du transfert, il faut en tenir compte. Je ne pense pas que ces dispositions en tiennent compte.
Mais oui, si le paragraphe (2.07) comprenait des dispositions concernant les droits des tiers et peut-être les cas qui posent des difficultés injustifiées, alors on saurait mieux quel est l'objectif visé par cet article.
Mme Heather Perkins-McVey: Le seul commentaire que j'aimerais faire, très brièvement, est que l'Association du Barreau canadien n'est pas en général favorable à l'établissement de listes, parce que nous pensons que ces listes sont parfois trop limitées. L'« intérêt de la justice » est une expression qui a déjà été examinée par les tribunaux et elle est également suffisamment large pour que les juges tiennent compte des nombreux aspects qu'a soulevés M. Copeland.
Je pense que la véritable difficulté est de veiller à ce que les tiers innocents puissent avoir accès aux tribunaux, qu'ils soient informés, qu'ils reçoivent des avis, qu'ils aient accès à une procédure simple, qu'ils aient droit au remboursement de leurs frais, s'ils peuvent démontrer qu'ils ont dû en encourir pour faire respecter leurs droits.
M. Joe Comartin: Si j'avais le temps, je vous poserais une question au sujet des avis, mais le président me l'interdit.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Merci encore une fois aux témoins pour leurs commentaires sur le projet de loi C-53. Nous sommes heureux que vous soyez venus ici aujourd'hui.
Je vais suspendre la séance pendant un instant pour donner aux témoins le temps de quitter la salle et nous reprendrons ensuite notre séance pour parler du budget opérationnel du projet de loi C-215, le projet de loi de M. Kramp.
[La séance se poursuit à huis clos.]