JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 1 novembre 2004
º | 1610 |
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice) |
º | 1615 |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
º | 1630 |
L'hon. Irwin Cotler |
º | 1635 |
Mme Catherine Kane (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
Mme Catherine Kane |
º | 1640 |
M. Richard Marceau |
Mme Catherine Kane |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Richard Marceau |
Mme Catherine Kane |
º | 1645 |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
Le président |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Joe Comartin |
Mme Catherine Kane |
º | 1650 |
Le président |
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Mme Catherine Kane |
Mme Anita Neville |
Mme Catherine Kane |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Hedy Fry |
º | 1655 |
Mme Catherine Kane |
L'hon. Hedy Fry |
Mme Catherine Kane |
L'hon. Hedy Fry |
Mme Catherine Kane |
Le président |
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC) |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Myron Thompson |
Le président |
M. Myron Thompson |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
» | 1700 |
M. Myron Thompson |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Myron Thompson |
Le président |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Catherine Kane |
Mme Diane Bourgeois |
Mme Catherine Kane |
Mme Diane Bourgeois |
Le président |
» | 1705 |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Roy Cullen |
Le président |
Mme Catherine Kane |
» | 1710 |
L'hon. Roy Cullen |
Mme Catherine Kane |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC) |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Jim Prentice |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Jim Prentice |
» | 1715 |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Jim Prentice |
Le président |
Mme Diane Bourgeois |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Catherine Kane |
» | 1720 |
Le président |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC) |
Mme Catherine Kane |
M. Garry Breitkreuz |
Mme Catherine Kane |
M. Garry Breitkreuz |
Mme Catherine Kane |
M. Garry Breitkreuz |
Le président |
M. Myron Thompson |
» | 1725 |
Mme Catherine Kane |
M. Myron Thompson |
Mme Catherine Kane |
M. Myron Thompson |
Mme Catherine Kane |
M. Myron Thompson |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 1 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
º (1610)
[Traduction]
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 22 octobre 2004, sur le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence
Nous accueillons aujourd'hui l'hon. Irwin Cotler, ministre de la Justice. Comparaît également, du ministère, Catherine Kane, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal.
Selon la coutume, monsieur le ministre, si vous voulez commencer par une déclaration liminaire ou un survol du projet de loi, nous aurons ensuite des questions de la part des membres du comité.
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le comité de l'occasion qu'il me donne de comparaître devant vous au moment où vous entreprenez l'examen du projet de loi C-10, et commencez effectivement votre important travail de comité avec un ordre du jour très chargé dans l'ensemble.
Pour certains d'entre vous, le contenu du projet de loi peut être très familier. Comme vous le savez, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, c'était son nom, a effectué en 2002 un examen approfondi des dispositions du Code criminel sur les troubles mentaux. Cet examen avait été rendu obligatoire par la loi de 1992 qui avait été à l'origine de réformes très importantes visant à moderniser la réglementation régissant les personnes jugées inaptes à subir un procès ou non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux.
Je soulignerais, en passant, que la différence même dans l'utilisation de la nomenclature en ce qui concerne ces questions sanctionne le changement d'approche à cet égard. Là où nous utilisions l'approche conventionnelle de, disons, non coupable pour cause d'aliénation, etc., nous adoptons maintenant une approche beaucoup plus évoluée et nuancée de ces questions.
[Français]
Le comité a entendu plus de 30 intervenants au cours d'une période de trois mois. Le rapport et les recommandations du comité reflètent cette vaste consultation et un examen minutieux du droit actuel.
En examinant le projet de loi C-10, vous constaterez que ses dispositions reflètent la vaste majorité de vos recommandations. On peut dire que c'est un cas d'étude du renouvellement de la démocratie. Le rapport de votre comité a conclu que dans l'ensemble le régime prévu par le Code criminel fonctionnait très bien, mais qu'il pouvait être amélioré. Les réformes proposées dans le projet de loi C-10 se fondent sur sa partie XX.1 en vue de l'amélioration du régime dans plusieurs domaines clés.
[Traduction]
Le gouvernement a déposé la réponse en novembre 2002, dans laquelle il détaillait l'approche proposée concernant chaque recommandation. Le gouvernement a entrepris de présenter une mesure législative visant à mettre en oeuvre la plupart des recommandations touchant une réforme du code et d'autres initiatives non législatives. Le projet de loi C-10 comprend ces modifications et autres réformes, dont la nécessité a été mise en évidence lors de consultations menées par le ministère que je dirige au fil des ans auprès des provinces et des territoires, des présidents et présidentes de commissions de révision, et d'autres intervenants. En effet, il s'agit d'une consultation exhaustive tant au niveau gouvernemental qu'au niveau de la société civile à cet égard.
Comme vous le savez, j'ai déposé le projet de loi C-29 en mars dernier, mais ce dernier est mort au feuilleton avant que le comité ait eu l'occasion d'en faire l'étude. Le projet de loi C-10 comporte les mêmes réformes que le projet de loi C-29, avec quelques améliorations mineures supplémentaires. Mes hauts fonctionnaires ou moi-même pouvons vous donner de plus amples renseignements sur la façon dont le gouvernement assure le suivi des recommandations qui se reflètent dans le projet de loi C-10 si le temps nous le permet.
Je suis heureux d'être accompagné par Catherine Kane, que je considérerais comme la spécialiste de ces questions pour ce qui est d'évaluer ce qui est en effet une sorte de code de conduite et vers qui je vais me tourner pour vous donner des explications, ce qu'elle saurait mieux faire que moi.
[Français]
Avant d'élaborer sur certains des éléments principaux du projet de loi, j'aimerais souligner que l'élaboration des règles de droit pénal relatives aux personnes souffrant de troubles mentaux demeure un défi.
Bon nombre de personnes passent entre les mailles du filet dans notre société. Il peut arriver qu'en raison d'une maladie mentale elles adoptent un comportement qui les amène à avoir des démêlés avec la justice. On ne devrait pas présumer que les personnes atteintes de maladie mentale sont dangereuses ou qu'elles posent un risque pour la sécurité du public. Certaines commettent des infractions mineures ou de nuisance, tandis qu'il arrive que d'autres commettent des infractions avec violence.
Notre droit pénal doit offrir un éventail de possibilités pour les personnes qui, à cause d'un trouble mental, ont des démêlés avec la justice. La loi doit également assurer la protection du public contre les personnes potentiellement dangereuses. La partie XX.1 du Code criminel établit un équilibre très fonctionnel entre la protection des droits des accusés atteints de troubles mentaux et la protection de la sécurité du public.
º (1615)
[Traduction]
La Cour suprême du Canada a examiné la partie XX.1 dans plusieurs causes récentes et a constaté que les objectifs doubles, soit le traitement de l'accusé et la sécurité du public, doivent être également respectés. Ils soutiennent toute l'approche philosophique et juridique de cette mesure législative. En conséquence, les amendements prévus au projet de loi C-10 comprennent à la fois des réformes visant à s'assurer que les droits de l'accusé sont protégés et des réformes qui amélioreront la sécurité du public au besoin.
Permettez-moi maintenant de passer aux principales modifications prévues dans ce projet de loi. Mais avant de le faire, je tiens à formuler un court commentaire sur la structure du projet de loi.
Le projet de loi C-10 compte 65 articles; c'est donc un projet de loi plutôt volumineux et complexe. Il faudrait savoir qu'une partie de la longueur du projet de loi est attribuable au fait que le même régime s'applique aux militaires trouvés inaptes ou non criminellement responsables en vertu de la Loi sur la défense nationale. Les articles 47 à 61 du projet de loi modifient la Loi sur la défense nationale de la même façon que le code est modifié par le projet de loi C-10.
Une partie de la longueur et de la complexité est également attribuable au fait la partie XX.1 est un code juridique et de procédure complet pour les accusés souffrant de troubles mentaux. Une modification à une disposition a une incidence sur plusieurs autres, de sorte que le projet de loi C-10 comporte de nombreuses modifications corrélatives.
Les principales caractéristiques du projet de loi C-10 portent sur les points suivants. Je vais tout simplement les énumérer. Encore une fois, comme je l'ai dit, ce ne sera pas nouveau pour votre comité et certains de ses membres, de sorte que je vais les résumer rapidement.
Elles visent notamment à élargir les attributions des commissions d'examen afin d'améliorer leur capacité de rendre des décisions; à abroger les dispositions non en vigueur; à examiner la situation des accusés jugés inaptes de façon définitive ou à long terme; à prendre en considération les préoccupations des victimes; à donner aux policiers plus d'options lorsqu'ils procèdent à l'arrestation d'un accusé pour défaut de se conformer à une décision, et si vous voulez donner aux policiers plus d'options de ce genre, vous donnez aux accusés également plus d'options; et finalement, à clarifier ou à proposer des amendements d'ordre administratif.
Je vais sauter la partie traitant de l'élargissement des pouvoirs de la commission d'examen. En compagnie de Catherine, je pourrai répondre aux questions sur ce sujet, mais pour l'instant je pense que je devrais poursuivre et traiter des questions concernant les aspects de fond du projet de loi.
[Français]
En ce qui a trait à la situation des accusés inaptes à subir leur procès à long terme ou de façon définitive, le projet de loi C-10 comporte de nouvelles dispositions qui permettront au tribunal, et non à la commission d'examen, d'ordonner la suspension d'instance à l'égard de l'accusé inapte qui ne présente aucun danger important pour la sécurité du public.
La commission d'examen peut faire une recommandation au tribunal de s'enquérir au sujet du statut d'un accusé inapte. Le tribunal peut convoquer la tenue d'une audition sur recommandation de la commission d'examen ou de sa propre initiative. Cette audience permettra d'entendre les observations du ministère public, de l'hôpital, du médecin traitant et des diverses autres parties. Le tribunal doit ordonner une évaluation pour établir quel est l'état mental de l'accusé.
Les nouvelles dispositions ne permettront pas la libération d'une personne inapte qui est dangereuse, mais notre droit doit prévoir un moyen de clore le processus pénal à l'égard d'une personne qui ne peut pas subir son procès et qui ne présente aucun danger.
[Traduction]
Le comité a recommandé que le Code criminel soit modifié de façon à permettre aux tribunaux d'ordonner la libération inconditionnelle d'un accusé jugé inapte de façon définitive. La modification prévue au projet de loi C-10 répond à la recommandation, mais prévoit plutôt une suspension et précise le processus à suivre, la nature de l'audience et les facteurs à prendre en compte lors de l'appel par la Couronne.
Je tiens à préciser qu'une suspension de l'instance a les mêmes conséquences qu'une libération inconditionnelle. Une libération inconditionnelle est l'expression utilisée pour décrire le sort réservé à un accusé jugé non criminellement responsable d'après les critères énoncés dans le code. La suspension—et il s'agit d'un point important—est la solution qu'un tribunal envisagera dans le cas d'un accusé non dangereux déclaré inapte de façon définitive.
Il faut savoir que depuis l'examen et le rapport du comité, la Cour suprême du Canada a rendu en juin 2004 son jugement dans l'affaire Demers. Cette décision confirme la nécessité de modifications afin de prévoir une suspension de l'instance dans le cas d'un accusé non dangereux déclaré inapte de façon définitive. La Cour suprême du Canada a annulé les principales dispositions de la partie XX.1 qui s'appliquent aux accusés déclarés inaptes de façon définitive. La déclaration d'invalidité a été suspendue jusqu'en juin 2005 afin de donner au Parlement l'occasion de modifier le Code criminel.
Je suis convaincu que l'approche que nous avons adoptée ici, dans le projet de loi C-10, qui reflète à la fois les recommandations du comité et l'orientation donnée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Demers, garantira un régime constitutionnel pour l'accusé non dangereux déclaré inapte de façon définitive.
º (1620)
[Français]
Afin d'accorder aux victimes un rôle lors des audiences
[Traduction]
c'est semblable, mais ce n'est pas la même chose que le rôle lors des audiences pour la détermination de la peine...
Je vais maintenant faire quelques commentaires pour ce qui est des victimes.
Lors des audiences pour déterminer la décision à rendre, les victimes seront autorisées à lire à voix haute leur déclaration. Cependant, dans certains cas, la commission d'examen peut refuser la présentation orale. Cette situation pourrait survenir lorsque la lecture d'une déclaration pourrait provoquer chez l'accusé une réaction négative et, par conséquent, causer un trauma plus grand chez la victime ou perturber autrement l'audience, qui devrait se poursuivre de façon informelle.
Il ne faut pas oublier que les accusés non responsables criminellement ne font pas l'objet d'une ordonnance de détention; par conséquent, la nature de la déclaration d'une victime lors d'une audience en vue de déterminer la décision doit avoir trait aux critères pertinents à une décision concernant les accusés non responsables criminellement.
La déclaration de la victime peut retracer l'incidence du crime et la perte ou le préjudice subi, et en plus toutes les préoccupations permanentes concernant leur sécurité qui peuvent être visées dans les conditions d'une décision. Par contre—et ceci et un point important—, un accusé non responsable criminellement n'est pas responsable du crime, et il peut être difficile pour les victimes de réconcilier cette notion avec la teneur de la déclaration de leur victime.
Les tribunaux et les commissions d'examen devront également se demander si on a informé une victime de préparer une déclaration avant la tenue de la première audience en vue de rendre une décision. En tout temps, il revient à la victime de décider si elle veut présenter une déclaration. Que la victime la lise ou non à voix haute, la commission d'examen est tenue de prendre en considération cette déclaration.
Les commissions d'examen auront aussi les mêmes pouvoirs que les tribunaux de rendre une ordonnance de non-publication quant à l'identité d'une victime ou d'un témoin. Dans le cas des victimes d'actes sexuels, l'interdiction sera imposée par la commission, et dans le cas des autres victimes et témoins, la commission peut accueillir des demandes visant à interdire la publication de l'identité d'une victime ou d'un témoin et peut rendre l'ordonnance lorsque cela est dans l'intérêt de l'administration de la justice.
Ces dispositions seront identiques à celles du Code criminel qui autorise le tribunal à prendre une ordonnance de non-publication, et la demande ainsi que les facteurs à prendre en considération seront les mêmes.
J'allais parler de l'application de la décision et des ordonnances d'évaluation par la police, qui aura plus d'options, ou des éclaircissements dans le projet de loi visant les dispositions redondantes ou qui portent à confusion, ou certaines recommandations du comité permanent qui ne se retrouvent pas dans le projet de loi C-10—quoique je tiens une fois de plus à insister sur le fait que la plupart des recommandations se retrouvent dans le projet de loi C-10, mais que, comme je l'ai dit, certaines ne s'y retrouvent pas.
Je vais conclure très rapidement en parlant de ce qui s'est passé tout récemment. Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les troubles mentaux se réunit régulièrement, et l'a fait tout récemment les 21 et 22 octobre. Même si nos collègues des provinces étaient au courant de l'ancien projet de loi C-29, qui était son nom alors, et avaient en plus indiquer leur appui à la réponse du gouvernement, qui recense les modifications à proposer, cette rencontre leur a donné la possibilité pour la première fois de se concentrer effectivement sur le projet de loi dont vous êtes saisis.
[Français]
La principale préoccupation soulevée, et sur laquelle je suis d'accord, est que les dispositions prévues dans le projet de loi C-10 fonctionnent généralement bien en pratique, et aideront l'État dans l'administration de la justice.
Je suis conscient qu'il existe certaines questions sur la façon dont le projet de loi C-10 atteint ses objectifs. Je prévois que certains procureurs de la Couronne des provinces aborderont peut-être devant le comité des questions d'importance pour eux. Je m'attends aussi à ce que d'autres témoins puissent soulever d'autres questions ainsi que des points de vue différents.
L'examen par le comité est essentiel et permet de s'assurer que de nombreux points de vue seront examinés dans le cadre de la réforme du droit et que les modifications formulées seront claires, efficaces et compatibles avec le droit pénal et avec la Chambre.
º (1625)
[Traduction]
Mon objectif—et c'est, j'en suis convaincu, l'objectif que partage le comité—est de m'assurer que le projet de loi C-10 reflète les objectifs doubles, comme je l'ai dit, qui soutiennent la philosophie et le cadre juridique du projet de loi, à savoir la protection de la sécurité du public d'une part, et la protection des droits des accusés souffrant de troubles mentaux de l'autre.
Je vous remercie, monsieur le président. Je vais m'interrompre maintenant afin de permettre aux membres du comité de poser des questions. J'aimerais vous présenter Catherine Kane, qui est la spécialiste de ces questions. Ses réponses vous donneront un meilleur éclairage que les miennes dans ce domaine.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
La parole est à M. Warawa pour sept minutes.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier le ministre Cotler et les membres de son personnel d'être venus ici aujourd'hui et du travail accompli à ce sujet.
Je suis d'accord en principe avec le projet de loi C-10, mais il y a quelques préoccupations dont j'aimerais vous faire part et, je l'espère, obtenir des réponses à mes questions. Monsieur le président, est-ce que j'ai sept minutes? Sept minutes.
J'ai une situation qui concerne un médecin de famille. Pour la circonstance, je n'utiliserai pas de noms, mais il s'agit de renseignements connus. Un médecin de North Vancouver avait un patient qui souffrait de troubles mentaux. Ce patient s'estimait trahi par le personnel médical et a décidé de dresser une liste de personnes à abattre. Ce médecin venait en tête de la liste. Il a été tué et la personne souffrant de troubles mentaux a été arrêtée sur place, et neuf autres personnes avaient leur nom inscrit sur cette liste. Heureusement, personne d'autre n'a été blessé.
Comme vous pouvez facilement l'imaginer, cela a créé tout un émoi et ce fut difficile pour la famille du médecin. Les membres de sa famille ont estimé que la commission d'examen saisie de l'affaire ne leur a pas correctement donné l'occasion de formuler leurs commentaires et qu'on ne les a pas aidés en ce qui concerne le processus. C'était une grande préoccupation. Au fur et à mesure de mon récit, nous pourrons peut-être tirer des leçons de leurs expériences.
Dix ans plus tard—et je ne sais trop quelle terminologie utiliser pour cette personne, un accusé ou un contrevenant, de sorte que j'utiliserai « la personne souffrant de troubles mentaux »—, cette personne a été libérée d'un hôpital et réinsérée dans la collectivité. La famille de la victime n'en a pas été informée, mais lorsqu'elle l'a su, elle a également découvert que cette personne faisait maintenant du bénévolat dans un hôpital de la collectivité. Les membres de la famille étaient très préoccupés car ils se demandaient, puisque cette personne avait eu un problème avec les fournisseurs de soins de santé et avait dressé une liste de personnes à abattre dix ans auparavant, si cette personne devait faire du bénévolat dans un hôpital, un hôpital différent de celui dont elle venait d'être libérée. Ils étaient très préoccupés.
Les agents chargés du cas et la commission d'examen, évidemment, connaissaient l'histoire, mais l'hôpital n'était pas au courant de ce facteur de risque possible. Les membres de la famille du médecin ont fait une recommandation, à savoir que nous devrions examiner très sérieusement la possibilité de nous assurer que les formulaires de demande des bénévoles comportent cette information. On obtiendrait cette information en s'assurant que toutes les demandes de vérification du casier judiciaire comportent la question suivante : Avez-vous déjà été reconnu non coupable d'un crime pour cause de troubles mentaux?
La GRC, un organisme fédéral, a des services de police communautaires un peu partout au pays où travaillent des bénévoles. Nous avons besoin de bénévoles partout au pays de sorte que je pense qu'il s'agirait d'une question à poser sur un formulaire de demande.
En outre, concernant les demandes d'emploi au gouvernement fédéral, à un organisme du gouvernement fédéral, je pense que nous devrions retrouver cette question sur le formulaire de demande d'emploi ou de bénévolat.
Si cette vérification du casier judiciaire se trouvait dans la demande d'emploi ou de bénévolat, elle serait acheminée directement au CIPC pour qu'on effectue la vérification du casier judiciaire. J'aimerais savoir ceci : est-ce qu'au CIPC, il serait inscrit dans le dossier de cette personne qu'elle n'a pas été trouvée responsable d'un crime pour cause de troubles mentaux? Cette information serait-elle communiquée à la personne qui effectue la vérification?
º (1630)
Je pense que c'est une question importante, monsieur le président, car l'exemple dont je vous ai fait part de façon très succincte en raison des contraintes de temps, illustre bien que les autres employés de l'autre hôpital auraient pu être en danger sans en être conscients. Peut-être qu'ils ne couraient aucun danger, peut-être que oui, mais je pense que nous leur devrons, et aussi pour ce qui est de la protection du public, qui est très importante, de nous assurer qu'ils sont informés des risques.
Je ne sais pas qui peut répondre à cette question. Est-ce que le CIPC aurait l'information relativement à cette personne, ou est-ce qu'une personne aurait dans son dossier que cette personne n'a pas été trouvée coupable d'un crime pour cause de troubles mentaux? Est-ce que cette information serait portée à la connaissance de la personne qui effectue une vérification du casier judiciaire?
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, je ne peux pas parler de ce cas en particulier, mais je peux parler de la situation qui a été évoquée. C'est une question importante. Je vais essayer d'y répondre. Je demanderai ensuite à Catherine Kane de compléter ma réponse.
Permettez-moi de dire encore une fois, parce qu'il vaut la peine de le répéter, qu'en ce qui concerne ce projet de loi et ses amendements, on a cherché à établir un juste équilibre entre le droit du public à la sécurité et le droit des accusés atteints de troubles mentaux.
Comme nous le savons, une personne qui a commis un crime et est déclarée non responsable criminellement n'est pas responsable en droit de ses gestes. Aux termes des dispositions du Code criminel, une personne ne sera libérée inconditionnellement que si elle ne présente pas de danger important pour la sécurité du public. Si elle en présente un, elle sera soit détenue dans un hôpital ou fera l'objet d'une décision assortie de conditions qui respectent à la fois les besoins de l'accusé et la sécurité du public.
Une fois libéré, l'accusé devrait être intégré dans la communauté. C'est ça le principe. Par exemple, le Code criminel stipule actuellement—cela répond en partie à votre commentaire—qu'il est interdit d'inscrire dans une demande d'emploi relevant d'une autorité fédérale une question qui exige du demandeur de révéler qu'il a fait l'objet d'un verdict de non-responsabilité criminelle ou d'une accusation ayant donné lieu à un tel verdict si le demandeur a été libéré sans condition ou ne fait plus l'objet d'une décision rendue à son égard au titre de cette infraction.
Nous en arrivons ici à la question de la sélection des bénévoles. La sélection des bénévoles est essentielle pour s'assurer que ceux qui travaillent avec des enfants et des personnes vulnérables en particulier sont saines et capables de remplir leur rôle et ne présentent pas de danger pour ceux qu'ils veulent aider. La question a été étudiée par toutes les provinces. Des protocoles ont également été élaborés grâce aux efforts de Bénévoles Canada.
La sélection des bénévoles ne peut pas être abordée dans le cadre du projet de loi C-10. J'ai cependant mis cette question à l'ordre du jour de ma réunion avec mes homologues, fédéraux et provinciaux, et en particulier, avec nos fonctionnaires que je rencontre régulièrement. À mon avis, cette question doit être examinée par les directeurs fédéraux, provinciaux et territoriaux des services aux victimes et par les membres du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les troubles mentaux qui, comme je l'ai dit, m'ont également rencontré récemment pour étudier ce projet de loi.
Catherine Kane est peut-être en mesure de vous donner le détail des dernières discussions sur la question. De toute évidence, les victimes d'actes criminels doivent recevoir davantage d'information sur les conséquences d'un verdict de non-responsabilité criminelle et sur leur rôle aux audiences de révision et leur accès à l'information concernant les conditions de libération de l'accusé. Ces questions, cependant, devront être examinées avec nos collègues des provinces et des territoires pour les raisons que j'ai mentionnées.
Je vais maintenant céder la parole là-dessus à Catherine.
º (1635)
Mme Catherine Kane (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Comme le ministre l'a mentionné, il existe un groupe de travail des directeurs des services aux victimes et, au cours des deux ou trois dernières années, il a cherché des façons de fournir de meilleurs services aux victimes quand le contrevenant est déclaré non responsable criminellement. Auparavant, il s'agissait plus ou moins d'un groupe inconnu de victimes. Elles ne savaient pas quels services aux victimes existaient dans leur province et à moins que les services n'aient été fournis directement au tribunal, elles n'y étaient adressées qu'au moment du verdict.
C'est une partie de la loi difficile à comprendre même pour ceux d'entre nous qui la connaissent bien, et encore plus pour les victimes. On déploie beaucoup d'efforts maintenant, mais nous n'en sommes pas arrivés à une solution parfaite pour faire en sorte que les victimes obtiennent l'information dont elles ont besoin sur la date de libération de l'accusé, sur les conditions de sa libération et sur ce qu'elles doivent faire si elles l'aperçoivent là où il n'est pas supposé être, ce genre de chose.
Nous travaillons à l'élaboration de certaines politiques et nous sommes également en train de rédiger à l'intention des victimes des feuillets d'information qui leur fourniront les renseignements de base dont elles ont besoin. Nous espérons que cela sera en place d'ici l'adoption du projet de loi et que les victimes disposeront des renseignements dont elles ont besoin. Ceux-ci différeront cependant d'une province à l'autre étant donné que l'administration de la justice et la fourniture de services aux victimes relèvent principalement des provinces.
En ce qui concerne votre question sur le CIPC, celui-ci est certainement en mesure d'inclure les renseignements sur les conditions d'une décision rendue à l'égard d'une personne déclarée non responsable criminellement. Il appartient au procureur de la Couronne ou à la commission d'examen de fournir cette information au CIPC. Encore une fois, cela variera selon les usages du procureur de la Couronne ou de la commission d'examen en particulier, mais rien n'empêche cette information d'être inscrite au CIPC.
Pour ce qui est de la sélection des bénévoles, je sais pour avoir demandé moi-même un certificat de décharge qu'il appartient habituellement à la personne qui veut devenir bénévole d'aller à la police et de faire préparer le certificat. Si vous n'êtes pas certain de réussir ce test de sélection, vous avez tendance à ne pas le passer. Mais dans cette situation, si vous aviez été déclaré non responsable criminellement et que cela avait été inscrit au CIPC, ceux qui font la vérification y trouveraient l'information.
Le président: Merci.
Nous allons devoir poursuivre.
[Français]
Monsieur Marceau, vous disposez de sept minutes.
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, madame Kane, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir cet après-midi.
Il y a cinq articles du projet de loi C-10 qui prévoient l'élargissement des pouvoirs de la commission d'examen. Ce sont les articles 3, 16, 27, 28 et 32. Or, cet élargissement des pouvoirs de la commission d'examen n'avait pas été recommandé par le Comité permanent de la justice dans son rapport qui, comme vous le savez, était unanime. Qu'est-ce qui vous a amené à élargir les pouvoirs de la commission d'examen?
[Traduction]
Mme Catherine Kane: Pardonnez-moi, mais je devrai répondre dans ma langue pour fournir les informations appropriées.
Outre l'examen du comité, qui avait été expressément demandé, le ministère avait consulté les présidents des commissions d'examen de même que nos collègues provinciaux depuis la mise en oeuvre des principales réformes en 1992. Nous avions conservé tous les amendements que les groupes que nous avions consultés avaient estimé nécessaires pour la bonne administration du régime. Bon nombre des amendements inclus dans le projet de loi sont le résultat de ces consultations et de la jurisprudence, et nous attendions que le comité ait l'occasion de procéder à son examen pour regrouper les amendements plutôt que d'aller de l'avant avec des amendements avant l'examen du comité.
La nécessité d'élargir les pouvoirs de la commission d'examen a été principalement mise en évidence à la suite de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Winko, qui a fait ressortir que la commission d'examen doit relâcher un accusé à moins qu'elle le déclare présenter un danger important pour la sécurité du public.
º (1640)
M. Richard Marceau: Ou pour lui-même.
Mme Catherine Kane: Pour le public, pas pour lui-même, bien que ce serait un facteur pour évaluer son état mental.
Comme souvent les commissions d'examen ne disposaient pas des renseignements leur permettant de rendre une décision d'une telle importance, elles nous ont indiqué qu'elles avaient besoin de pouvoirs pour ordonner une évaluation. Il arrivait également qu'elles tiennent une audience, mais qu'elles ne disposent pas de tous les renseignements au moment où elles devaient ajourner, mais elles n'avaient pas le pouvoir d'ajourner parce qu'une commission d'examen doit tirer tous ses pouvoirs de la loi; à la différence d'un tribunal, elles n'ont pas de pouvoirs inhérents, et elles doivent pour cela se tourner vers le Code criminel.
C'est ce qui explique principalement pourquoi il y a tant de petits amendements, pour clarifier quel est réellement leur mandat.
[Français]
L'hon. Irwin Cotler: Je peux peut-être ajouter quelque chose à cet égard.
[Traduction]
Je pense que les pouvoirs de la commission d'examen qui ont été élargis sont particulièrement pertinents pour ce qui est de comprendre ce code de conduite dont nous disposerons maintenant. C'est la commission d'examen qui rend les décisions cruciales au sujet de l'accusé et au sujet des conditions de sa décision. Les commissions d'examen tirent leur autorité du Code criminel et le Code criminel doit donc veiller à ce qu'elles disposent des outils appropriés pour rendre ces décisions.
Ce qui change ici, c'est que les commissions d'examen auront maintenant le pouvoir d'ordonner qu'une évaluation de l'état mental de l'accusé soit effectuée. Elles pourront ordonner la tenue d'une audience de leur propre initiative. Elles pourront ajourner une audience pour une période maximale de 30 jours, par exemple, si elles ont besoin de recueillir plus d'informations. Encore une fois, cela leur permet de traiter les questions fondamentales en jeu d'une manière plus nuancée.
Elles pourront également contraindre l'accusé, par sommation ou mandat, à comparaître devant elles. Cela est particulièrement important si la décision rendue à l'égard de l'accusé est assortie de conditions, si celui-ci vit dans la communauté et ne se présente pas à son audience de révision. La commission d'examen exerce en quelque sorte une fonction de surveillance qui comporte une dimension de sécurité pour le public.
Les commissions d'examen pourront également proroger le délai de l'audience de révision jusqu'à un maximum de deux ans sur consentement de toutes les parties si l'accusé est représenté par un avocat. Cela permettra par exemple à un accusé à l'égard duquel a été rendue une décision assortie de conditions et qui respecte ses conditions de ne pas devoir assister à une audience qui ne ferait qu'entériner le statu quo.
La révision annuelle peut également être prorogée jusqu'à 24 mois pour ceux qui ne sont pas responsables criminellement, pour les accusés qui ont commis de graves infractions violentes contre la personne et qui sont détenus dans un hôpital psychiatrique ou sont sous garde. Quand les renseignements sur la décision et l'évaluation indiquent que l'état mental de l'accusé ne s'améliorera vraisemblablement pas au cours de l'année et que la détention et la garde continuent d'être nécessaires, l'audience de révision pourra être reportée pour une période allant jusqu'à 24 mois.
Je crois comprendre que cette recommandation a été proposée au comité lors d'une séance à huis clos au cours de laquelle la victime d'un accusé encore violent non responsable criminellement vous a relaté son expérience. Elle s'est peut-être ainsi retrouvée dans les pouvoirs élargis de la commission d'examen étant donné qu'elle ne figure pas dans les recommandations spécifiques à cet égard.
[Français]
Le président: Merci.
M. Marceau, c'est à vous.
M. Richard Marceau: Un des éléments qui avaient été proposés par le comité permanent était le fait que le défaut volontaire de se conformer à une décision du tribunal ou d'une commission d'examen devienne une infraction. Pour quelle raison ne trouve-t-on pas cela dans l'article 36 du projet de loi C-10.
[Traduction]
Mme Catherine Kane: Dans sa réponse au rapport du comité, le gouvernement a fourni certaines explications au sujet des conséquences découlant de la création d'une nouvelle infraction réprimant la violation d'une décision. Si la décision dont fait l'objet l'accusé est assortie de conditions, celles-ci sont habituellement assez contraignantes, pour ce qui est du lieu où l'accusé est autorisé à résider, les secteurs dans lesquels il peut se rendre, les médicaments qu'il est tenu de prendre, etc. Si l'accusé ne respecte pas une de ces conditions, il est inculpé d'avoir commis une infraction. Il est alors ramené devant le juge de paix, inculpé d'une autre infraction pouvant donner lieu à une condamnation plutôt qu'être déclaré non responsable pénalement, parce que sa santé mentale a pu s'améliorer entre-temps et qu'il a pu être tout à fait conscient qu'il agissait mal.
Dans une telle situation, il y aurait deux instances parallèles. L'accusé serait visé par une décision découlant de l'infraction initiale et il serait traduit devant les tribunaux pour répondre de la nouvelle accusation de violation d'une décision. Le fait d'avoir deux instances parallèles compromet gravement la réinsertion sociale et la réintégration de l'accusé. Cela pourrait, par exemple, l'empêcher de retourner dans le lieu où il résidait auparavant.
Malgré tout, si l'accusé commet une autre infraction, il sera inculpé de cette infraction. S'il commet un vol qualifié, des voies de fait ou une autre infraction, il sera inculpé mais la violation de la décision sera traitée autrement. L'idée est que l'accusé devrait repasser devant la commission d'examen qui examiner le comportement et la santé mentale de l'accusé à ce moment et décider s'il y a lieu de lui imposer d'autres conditions. Ces conditions pourraient plus restrictives ou l'accusé pourrait être détenu dans un hôpital s'il ne peut respecter ces conditions en étant dans la collectivité.
Le projet C-10 propose une série de mesures parmi lesquelles les policiers peuvent choisir lorsqu'ils arrêtent l'accusé pour violation d'une décision. Ils peuvent le renvoyer dans son lieu de résidence qui pourrait être rattaché à un hôpital, un foyer collectif ou autre, ou encore dans sa famille. Ils peuvent lui remettre une promesse de comparaître qui l'oblige à se présenter devant un tribunal ou devant la commission d'examen.
Par contre, si les policiers craignent qu'il continue à ne pas respecter sa décision, qu'il commette une autre infraction, s'ils n'arrivent pas à l'identifier ou à savoir quelles sont les conditions qu'il doit respecter, ils doivent l'amener devant un juge de paix, comme ils le font à l'heure actuelle. Le juge de paix décidera alors si cette personne doit être détenue ou libérée, et la commission d'examen en sera informé. La commission pourra ensuite se réunir pour tenir une audition le plus tôt possible.
º (1645)
[Français]
Le président: Votre temps est maintenant écoulé, mais je suis certain que vous aurez une autre occasion.
[Traduction]
Monsieur Comartin, voulez-vous intervenir maintenant ou attendre un moment avant de le faire, étant donné que vous venez tout juste de revenir de la Chambre?
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Pourrais-je poser juste une question?
Le président: Certainement.
M. Joe Comartin: J'espère qu'elle n'a pas déjà été posée. Je sais que cela a été mentionné au cours d'une séance d'information que nous avons eue avec des attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement. Il s'agit d'une affaire qui vient de ma collectivité, c'est pourquoi cela m'intéresse particulièrement. C'est l'arrêt R. c. Demers. Ils ont parlé du moment où la Cour suprême avait examiné cette question et du fait que le projet de loi C-10 prévoyait uniquement la suspension de l'instance et non pas la libération inconditionnelle. Je me demande si vous avez tenu compte de l'arrêt Demers lorsque vous avez choisi de rédiger le projet de loi de cette façon.
L'hon. Irwin Cotler: Oui, nous avons bien sûr tenu compte de l'arrêt Demers pour rédiger le projet de loi. En fait, nous avons jusqu'en juin 2005 pour répondre aux directives que la Cour suprême nous a fournies dans l'arrêt Demers.
Comme je l'ai déclaré dans mes remarques préliminaires, nous avons essayé d'intégrer à la fois les directives que nous ont fournies la Cour suprême dans l'arrêt Demers et les recommandations formulées par le comité parlementaire de façon à intégrer ces différents éléments dans la réponse que constitue le projet de loi C-10.
Cat, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Joe Comartin: Avant que vous ne poursuiviez, j'aimerais mentionner que le comité avait recommandé expressément que l'on prévoie la possibilité d'accorder la libération inconditionnelle. Vous ne l'avez pas fait et je me demande pourquoi.
Mme Catherine Kane: La libération conditionnelle est l'expression que nous utilisons dans le Code criminel pour décrire la mesure dont fait l'objet la personne qui a été déclarée non pénalement responsable et qui ne présente un danger important pour la sécurité du public; cela permet de libérer cette personne.
La suspension de l'instance emporte les mêmes conséquences. Elle met fin à l'instance de façon définitive. La Couronne n'a pas le pouvoir de reprendre la poursuite plus tard. Mais c'est le terme qui sera utilisé pour décrire cette situation, qui est différente du cas où la personne est déclarée coupable de l'infraction. L'accusé inapte à subir son procès n'est pas déclaré coupable de l'infraction. Les conséquences seront les mêmes pour la personne inapte à subir son procès.
Dans l'arrêt Demers, la Cour suprême a utilisé l'expression « libération inconditionnelle » mais le critère qu'elle a formulé pour la common law, le critère qui s'appliquerait si nous n'adoptions pas de nouvelles dispositions, est l'équivalent de la suspension des poursuites en vertu de la Charte.
Nous pensons que le mécanisme que nous avons prévu ainsi que la terminologie utilisée permettront d'atteindre le résultat que la cour exigeait dans l'arrêt Demers et évitera toute confusion sur le plan de la terminologie. Nous avons mis en place une procédure et des critères assez complets pour que cette suspension de l'instance puisse être ordonnée. L'accusé sera donc bien protégé et la sécurité du public sera assurée grâce aux critères qui doivent être pris en compte.
º (1650)
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Nous allons maintenant passer du côté du gouvernement. Monsieur Cullen.
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je suis désolé, non, je n'ai pas de question.
Le président: Très bien.
Alors, madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je dirais que ce qui m'intéresse, ce sont les relations avec les provinces et j'aimerais savoir s'il existe des mécanismes visant à protéger les personnes atteintes de troubles mentaux—je n'ai pas participé aux premières consultations, et c'est donc un sujet tout nouveau pour moi—et à protéger le public en cas de danger. Quelles sont les répercussions de ces mesures sur les gouvernements provinciaux?
Mme Catherine Kane: Les dispositions du Code criminel qui s'appliquent aux accusés atteints de troubles mentaux n'entrent en application que lorsque la personne qui est malade mentalement a commis une infraction. Comme le comité l'a entendu au moment où il a effectué son examen, on craint que le système de justice pénale ne devienne le système de service social de dernier recours pour les malades mentaux.
Il y a beaucoup de gens qui passent entre les mailles du filet. Ces personnes sont traitées en partie dans la collectivité, mais si elles échappent à l'attention des personnes chargées de fournir les services sociaux, et si elles commettent une infraction mineure, elles sont inculpées d'une infraction et traduites devant les tribunaux pénaux, et il faut donc affecter de nombreuses ressources à ces personnes parce qu'elles sont alors évaluées par un tribunal. Celui-ci peut ordonner que l'accusé soit traité de façon à ce qu'il devienne apte à comprendre l'instance qui le concerne. Cela veut dire parfois lui fournir des soins de santé généraux ou une bonne nourriture, des choses qui font une grande différence pour ces personnes. Il y a une partie de ces personnes qui restent bloquées dans le système de justice pénale. Une partie des modifications apportées par ce projet de loi vise à faire en sorte que les personnes qui sont bloquées dans le système de justice pénale n'y restent pas plus longtemps que nécessaire.
Mais il y a effectivement un régime provincial de santé mentale complémentaire qui donne d'excellents résultats, et à côté, le régime du Code criminel, qui vise uniquement les personnes qui commettent des infractions. Lorsqu'une personne commet une infraction et fait l'objet d'une ordonnance d'évaluation ou de traitement, c'est le système de santé provincial qui se charge de cette évaluation et de ce traitement. Le système de santé et le système de justice sont donc deux régimes complémentaires et interdépendants.
Mme Anita Neville: J'aurais une brève question de suivi, monsieur le président.
Je suis désolée, je devrais être au courant de cela, mais je tiens pour acquis qu'il y a eu des consultations approfondies au moment de la préparation du projet de loi, tant avec les intéressés qu'avec les provinces au sujet des recommandations que vous proposez ici.
Mme Catherine Kane: Oui.
L'hon. Irwin Cotler: Je pense que ce projet de loi a donné lieu à des consultations particulièrement poussées. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques précédentes, ce projet de loi est presque un modèle sur le plan des consultations permanentes, car il y a eu des consultations au niveau intergouvernemental avec les représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux, non seulement avec les ministres mais également avec les groupes de travail respectifs qui ont oeuvré dans ce domaine, et aussi avec les intéressés et les représentants de la société civile.
Il y a donc eu ici une véritable convergence de la consultation intergouvernementale et de la consultation de la société civile. Le projet de loi vise à refléter le consensus qui s'est dégagé de ces consultations qui ont duré plus d'un an. Cela fait qu'aujourd'hui le processus de consultation est en cours depuis près de douze ans et nous pensons être en mesure de présenter maintenant quelque chose de bien pensé.
Le président: Madame Fry, il reste trois minutes de la ronde de sept minutes.
L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci.
Ma question concerne les gens qui tombent entre les mailles du filet. Le groupe auquel je pense est celui des personnes touchées par les effets de l'alcoolisme foetal, qui ne souffrent pas vraiment de ce syndrome et qui ne sont donc pas considérées comme étant tout à fait inaptes mentalement, mais qui, à cause des effets de l'alcoolisme foetal, sont régulièrement traduites devant les tribunaux, soit à cause des actes violents qu'elles posent, soit pour d'autres raisons très diverses. Y a-t-il une disposition pour les personnes qui souffrent des effets de l'alcoolisme foetal?
Je sais qu'il y en a beaucoup en prison parce qu'elles tombent souvent entre les mailles du filet. Elles ne sont pas vraiment inaptes mentalement mais elles subissent des effets qui suscitent chez elles un comportement violent et irascible, et qui les empêche de fixer leur attention, par exemple.
º (1655)
Mme Catherine Kane: Il n'y a pas de disposition particulière qui traite du syndrome ou des effets de l'alcoolisme foetal. Certaines personnes qui sont atteintes du syndrome de l'alcoolisme foetal répondent aux critères et peuvent être déclarées inaptes à subir leur procès...
L'hon. Hedy Fry: Mais il y en a très peu.
Mme Catherine Kane: Il y en a très peu mais d'autres seront malheureusement déclarées coupables d'une infraction. Cela a posé un défi important aux juges qui cherchent à fixer la peine appropriée pour ces personnes, parce que celles-ci ne comprennent pas toujours les conséquences de leur sentence.
C'est une question que les fonctionnaires du ministère de la Justice et ceux de Santé Canada ainsi que nos collègues provinciaux sont en train d'étudier. Certaines provinces explorent la possibilité de mettre sur pied des programmes de déjudiciarisation pour les personnes qui subissent les effets de l'alcoolisme foetal pour éviter qu'elles soient traduites devant les tribunaux pénaux lorsque cela n'est pas nécessaire et pour qu'elles soient surveillées et soutenues dans la collectivité. Mais malgré le fait que nous connaissons l'existence des effets de l'alcoolisme foetal depuis des années, nous commençons seulement à faire vraiment quelque chose à ce sujet. Je pense qu'il faudra encore des années avant de trouver la solution appropriée, qui consistera peut-être à modifier le Code criminel ou uniquement nos politiques.
L'hon. Hedy Fry: Ce sont en fait, très souvent, des victimes du système.
Mme Catherine Kane: Là encore, c'est une question d'équilibre, parce que certains représentent un danger pour la sécurité du public et d'autres ne commettent que des infractions mineures.
Le président: Merci.
Monsieur Thompson, pour trois minutes.
M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci à vous, et merci au ministre d'être venu ici.
J'aimerais dire dès le départ que j'estime que le ministre a fait de l'excellent travail avec ce projet de loi, notamment en adoptant les modifications suggérées par le comité. Je pense que vous avez fait du bon travail. Je vous en félicite.
Je pense que ce n'est pas un projet de loi qui va susciter beaucoup de controverses. Je pense que tout le monde est à peu près d'accord sur le fait que c'est un bon projet et s'il faut prendre d'autres mesures, nous le ferons.
Je n'ai qu'une question à poser au ministre au sujet de ce projet de loi. J'aimerais savoir si le ministre pense que les droits des victimes ne sont pas restreints par comparaison avec les autres types d'infractions? Les victimes sont toujours un peu laissées en arrière lorsqu'il s'agit des droits conférés par les projets de loi et je veux être absolument certain que le ministre pense que ce projet de loi protège très bien les droits des victimes.
Le président: Monsieur le ministre Cotler.
L'hon. Irwin Cotler: Oui, je tiens simplement à dire à M. Thompson que j'ai eu l'avantage de pouvoir m'inspirer des recommandations du comité parlementaire et du ministre qui m'a précédé, de sorte que j'ai été informé de cette question grâce à ce qui a été fait auparavant dans ce domaine. Comme je l'ai dit, ce projet de loi est en fait un projet modèle, au meilleur sens de l'expression renouvellement de la démocratie, qui montre que les travaux d'un comité profitent à la fois au gouvernement et à la société.
J'aimerais redire que nous sommes ouverts à des recommandations, qu'elles portent sur le domaine des droits des victimes ou sur un autre, susceptibles d'améliorer ou de préciser cette question. Lorsqu'on aborde la question des droits des victimes, il y a des aspects qui, par exemple, figuraient dans les recommandations du comité permanent précédent—qui nous a fait bénéficier de ses lumières—et qui ne figurent pas dans le projet de loi. Ce sont des aspects qui concernent dans un certain sens les droits des victimes. Nous avons donc répondu à la plupart des recommandations mais permettez-moi d'aborder cet aspect particulier, parce que sur ce point, les modifications que nous proposons ne sont pas tout à fait conformes à ce qu'avait proposé le comité.
[Français]
Par exemple, le...
[Traduction]
M. Myron Thompson: J'aimerais invoquer le Règlement, monsieur le président. J'aimerais recevoir une réponse brève. Je n'ai que trois minutes et si le ministre pouvait aller directement...
Le président: C'est parce que vous avez dit que vous n'aviez qu'une question.
M. Myron Thompson: Je n'ai pas dit cela.
Des voix: Oh, Oh!
M. Myron Thompson: Je n'ai pas dit que je n'avais qu'une question. J'ai dit que j'avais trois minutes, c'est pourquoi je souhaite que nous avancions.
Le président: Oui, monsieur le ministre Cotler.
L'hon. Irwin Cotler: En fait Catherine Kane a déjà répondu en partie à tout ceci il y a un moment, mais permettez-moi de dire sur ce sujet particulier que ce groupe fédéral-provincial-territorial a présenté des recommandations au sujet de la recherche qu'il faudrait effectuer sur les façons d'améliorer les services destinés aux victimes, dans le but de mieux répondre à leurs besoins dans les cas où l'accusé est déclaré non responsable pénalement en raison d'inaptitude mentale—par exemple, de façon à aider les victimes à comparaître devant les commissions d'examen et les autres organismes semblables. Ce sont peut-être les aspects que nous devrions examiner pour voir...
» (1700)
M. Myron Thompson: Mais, monsieur le ministre, êtes-vous satisfait de ce projet de loi tel qu'il se lit actuellement?
L'hon. Irwin Cotler: Je suis satisfait de ce projet, sous sa forme actuelle, mais comme je l'ai dit, je suis tout à fait disposé à écouter les membres du comité qui penseraient pouvoir l'améliorer, parce qu'une des choses que nous voulons faire avec ce projet de loi était qu'en plus de parler des droits des accusés atteints de troubles mentaux, et en plus de la sécurité publique qui est l'un des deux principes fondamentaux qui sous-tendent le projet de loi... Je pense qu'il y a une disposition générale dans nos travaux législatifs, c'est le respect des droits des victimes. Nous devons nous assurer que ce projet de loi a bien traité cet aspect, et je suis convaincu que c'est ce qu'il fait.
Le président: Merci, monsieur Thompson.
Vous avez pris quatre minutes et demie.
M. Myron Thompson: Est-ce que mon temps de parole est écoulé? Ces gens-là prennent trop de temps. Nous en avons déjà parlé...
Le président: Nous avons convenu qu'il fallait accorder une grande latitude dans ce domaine.
Madame Bourgeois, trois minutes.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président. Monsieur le ministre, il y a quelque temps déjà, la vérificatrice générale du Canada avait émis un rapport très peu élogieux sur l'incarcération des femmes au Canada dans les établissements du Service correctionnel du Canada. Elle disait que plus de 90 p. 100 des femmes incarcérées souffraient de maladies mentales et de problèmes de toxicomanie. Elle déplorait en outre le fort taux de récidive parce que ces femmes ne recevaient pas les soins requis, autant pour leur toxicomanie que pour leur maladie mentale. Les libérations conditionnelles étaient donc peu utilisées.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si, avant de présenter votre projet de loi, vous avez tenu compte d'une analyse comparative entre les sexes, qui devrait vous être remise normalement. Vous pourriez peut-être vous faire aider par le Comité de la condition féminine. C'est ma question.
L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de votre question. Je dois avouer que je ne connais pas l'historique de ce projet de loi aussi bien que Mme Kane. Je pense qu'elle peut vous parler de la recherche et de l'approche que nous avons adoptée à l'égard de cette question et des inquiétudes qui s' y rattachent, particulièrement à l'égard de la victimisation, si on peut dire, des femmes.
[Traduction]
Le président: Madame Kane.
Mme Catherine Kane: Si j'ai bien compris votre question, vous faites référence aux femmes qui sont détenues dans les pénitenciers fédéraux.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Je parle des femmes en général qui ont des problèmes avec la justice. Plus de 90 p. 100 de ces femmes ont des problèmes de toxicomanie et de santé mentale.
[Traduction]
Mme Catherine Kane: Ce projet de loi et les mesures que nous avons proposées pour les personnes qui sont déclarées non responsables pénalement n'entraîneront jamais l'incarcération d'un homme ou d'une femme dans une institution fédérale. Si ces personnes devaient être détenues, ce serait dans un hôpital psychiatrique provincial. Nous savons cependant qu'il y a dans les pénitenciers fédéraux des personnes atteintes de maladies mentales et qui souffrent de dépendance à l'égard des drogues. Il serait préférable d'adresser ces questions à nos collègues de Service correctionnel Canada, qui ont mis sur pied des programmes pour nos détenus.
Pour ce qui est de la répartition selon le sexe des personnes déclarées non pénalement responsables, je regrette de vous dire que nous n'avons pas de statistiques qui montrent le nombre des hommes par opposition à celui des femmes qui ont des démêlés avec la justice et qui ont été déclarés inaptes à subir leur procès ou non pénalement responsables. Les données que nous ont fournies les provinces ne sont pas aussi précises que cela.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Vous me répondez que je devrais poser ma question au Service correctionnel du Canada! Êtes-vous consciente, à moins que je ne me trompe, que vous présentez un projet de loi qui modifie le Code criminel, notamment pour les gens incarcérés pour troubles mentaux, ce qui est le cas de 90 p. 100 de ces femmes? Serait-il possible, madame, que vous consultiez le Comité de la condition féminine pour obtenir une analyse comparative entre les sexes afin d'avoir l'heure juste et d'aider les femmes qui n'ont aucun secours dans les établissements des services correctionnels?
Je n'ai pas besoin de commentaires ni de réponses, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
» (1705)
L'hon. Irwin Cotler: À cet égard, je voudrais mentionner que le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les troubles mentaux, dont j'ai parlé un peu plus tôt, se réunit régulièrement pour discuter de questions d'actualité. Ce groupe a entrepris l'examen de plusieurs recommandations concernant, notamment, le rôle des procureurs et les besoins particuliers des adolescents souffrant de troubles mentaux. Une table ronde s'est réunie à cet égard, en novembre 2003. Il y a quelques mois, également, une autre discussion a eu lieu concernant les personnes souffrant de troubles mentaux. Par conséquent, en ce qui a trait aux questions liées à l'application, particulièrement à l'égard de la souffrance des femmes, on pourrait, à mon avis, se pencher sur ces enjeux dans le cadre du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les troubles mentaux qui, comme je le disais, se réunit régulièrement. Nous pourrions alors poser votre question à ce groupe dans le cadre de leur travail.
Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre.
[Traduction]
Monsieur Cullen, trois minutes.
L'hon. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre et madame Kane.
Pour ce qui est de l'aptitude à subir un procès, je lisais l'autre jour un article dans un journal qui parlait d'un homme qui avait été traduit devant les tribunaux et déclaré inapte à subir son procès et qui racontait son histoire. Bien sûr, il y a souvent des gens qui se vantent de... ils interprètent mal les événements; mais il a parlé du fait qu'il avait vu trois ou quatre psychiatres. La première chose qu'il devait faire était de convaincre au moins un de ces psychiatres qu'il était paranoïaque; il a donc dit que tout le monde lui en voulait. Il a ensuite parlé à un autre psychiatre pour essayer de le convaincre qu'il était schizophrène. Il lui a raconté une histoire pour essayer de l'en convaincre. Je crois que c'est à cause de tout cela qu'il a été déclaré inapte à subir son procès.
Il y a des psychiatres qui ont dit qu'il était impossible qu'une personne comme celle-là soit examinée par trois ou quatre psychiatres et réussisse à les tromper. Je me demande quand même, pour ce qui est du projet de loi et du critère de la capacité cognitive limitée qu'utilise les tribunaux, je crois qu'une personne est réputée apte à subir son procès si elle a la capacité de comprendre le processus et de donner des directives à son avocat. Je me demandais cependant si vous pouviez apporter d'autres précisions sur ce point et nous affirmer qu'il est impossible de tromper les psychiatres. Quel est le genre de critère qui est utilisé et comment s'applique-t-il exactement dans le contexte de ce projet de loi?
Le président: Madame Kane.
Mme Catherine Kane: Le projet de loi ne modifie pas les règles actuelles concernant l'aptitude à subir son procès. Elles sont énoncées à l'article 2 du Code criminel, l'article qui contient les définitions. Les tribunaux ont été amenés à interpréter cette disposition dans plusieurs affaires. La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le critère était celui de la capacité cognitive limitée et il est assez difficile d'être déclaré inapte à subir son procès. L'accusé doit être incapable de comprendre la nature de l'instance ou de communiquer avec son avocat en raison de troubles mentaux.
Premièrement, le médecin qui examine cette personne doit d'abord déterminer si celle-ci souffre de troubles mentaux à ce moment-là. Les troubles mentaux découlent de maladies mentales et le psychiatre utilise les traités les plus récents pour déterminer quels sont les troubles mentaux reconnus médicalement. C'est le premier obstacle. Et même si la personne souffre de troubles mentaux, elle peut néanmoins être déclarée apte à subir son procès. Il est souvent possible de rendre les gens aptes à subir leur procès en leur donnant un traitement, des médicaments, ou simplement des services de counselling généraux pour les aider à comprendre ce qu'est une instance.
La personne qui est déclarée inapte est en fait incapable de comprendre ce qui se passe autour d'elle et il lui serait très difficile de tromper un psychiatre. Je pense que si vous invitez des psychiatres à comparaître devant votre comité pendant l'étude de ce projet de loi, c'est à eux que vous devriez demander quels sont les types de tests précis dont ils se servent pour déterminer si quelqu'un est apte ou non à subir son procès.
» (1710)
L'hon. Roy Cullen: Merci.
Est-ce qu'une personne qui aurait été qualifié de, disons, schizophrène paranoïaque par un psychiatre pourrait vraiment comprendre le déroulement de l'instance et être néanmoins schizophrène paranoïaque; est-ce possible?
Mme Catherine Kane: Oui, je pense que cela est possible. La notion d'aptitude s'apprécie au moment où se déroule la poursuite pénale, de sorte que l'accusé pourrait fort bien être conscient de ce qui se passe pourvu qu'il prenne ses médicaments; il pourrait aussi être dans une période de rémission par rapport à sa maladie mentale et les choses pourraient alors procéder à partir de là.
La responsabilité pénale s'apprécie au moment de la perpétration de l'infraction. À ce moment-là, l'accusé a pu être atteint de troubles mentaux de sorte qu'il ne pouvait apprécier la nature et les conséquences de ses actes ou savoir qu'il agissait mal. Mais au moment du procès, cette personne pourrait être en mesure de très bien comprendre l'accusation portée contre elle et les conséquences de ses actions dans le cas où elle serait déclarée coupable de l'infraction.
Il s'agit donc de deux moments différents. Le fait d'être atteint de troubles mentaux ne suffit pas, à lui seul, à déterminer l'aptitude à subir son procès, ni la responsabilité pénale. Il faut tenir compte de l'autre volet de ce critère.
Le président: Merci, madame Kane.
L'hon. Irwin Cotler: J'aimerais ajouter quelque chose—parce que c'est la question qui me l'a rappelé—c'est que, lorsque j'ai obtenu ma maîtrise en droit, j'ai étudié la psychiatrie et la psychanalyse légales. Je me souviens que nous avons examiné des cas de schizophrènes paranoïaques qui avaient fait des commentaires ou des observations qui illustraient très bien leur intelligence. C'est la raison pour laquelle il leur arrive parfois de tromper des psychiatres. C'est la raison pour laquelle il faut procéder à une enquête qui s'inscrive dans la durée.
Le comité se souvient sans doute qu'il a recommandé que le code autorise non seulement les psychiatres mais également d'autres professionnels à effectuer ces évaluations. Nous n'avons pas inclus cette modification dans le projet de loi mais nous continuons à consulter nos collègues provinciaux au sujet de cette recommandation. C'est un aspect que vous voudrez peut-être examiner.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Prentice, pour trois minutes.
M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre.
Les rapports que j'entretiens avec le ministre remontent à pas mal d'années, en fait au moment où il était professeur invité et moi étudiant en droit, ce qui vous donne une idée de nos âges respectifs.
L'hon. Irwin Cotler: Vous portez votre âge mieux que moi.
M. Jim Prentice: Vous et moi—peut-être moi plus que vous—souhaiterions établir notre relation sur une autre base. Mais je vous souhaite la bienvenue.
La question que j'aimerais vous poser concerne le projet de loi C-10 et les autres projets de loi déposés devant la Chambre. J'essaie de comprendre comment il se situe par rapport à la Charte. Vous avez parlé de la Charte dans vos observations, et je me demande si, dans le contexte du projet de loi C-10, le ministère de la Justice a donné au gouvernement son avis sur la façon dont la Charte s'appliquait au projet de loi et si ce ministère estime que ce projet de loi est conforme à la Charte?
Au-delà du projet de loi C-10, j'aimerais poser la même question au sujet du projet de loi C-14, le projet de loi Tlicho, et de l'application de la Charte dans cette affaire, compte tenu du rapport entre l'article 35 de la Constitution, la Charte, et certaines dispositions que propose le gouvernement.
Est-il habituel que la justice fournisse ce genre d'avis? Si c'est bien le cas, le ministre pourrait-il le communiquer au comité?
L'hon. Irwin Cotler: Nous fournissons effectivement des avis, parce que le procureur général en poste doit certifier que tout projet de loi ou de politique doit être conforme à la Charte. C'est une responsabilité juridique qui incombe aux procureurs généraux. C'est pourquoi mes fonctionnaires sont amenés à fournir des avis sur le respect de la Charte pour tous les projets de loi qui soulèvent des questions reliées à la Charte.
M. Jim Prentice: Ces avis peuvent-ils être communiqués au Comité de la justice s'il le demande?
» (1715)
L'hon. Irwin Cotler: Franchement, je ne sais pas quelle est la pratique dans ce domaine. Habituellement, le procureur général fait savoir quelle est le sens de l'avis fourni sur une question particulière et sur le respect de la Charte. Est-ce que l'avis qui a été remis au ministre peut être communiqué au comité, cela touche peut-être la question du caractère confidentiel...
Le président: Si je peux vous être utile, je peux vous dire que les attachés de recherche m'informent que, selon la pratique, ces avis ne sont pas transmis au comité, je crois que c'est sans doute à cause du caractère confidentiel de ces documents...
L'hon. Irwin Cotler: Le ministre pourrait certainement résumer l'avis mais il ne pourrait pas fournir le texte exact de l'avis de...
M. Jim Prentice: Je me demande si je peux m'en tenir à ceci au sujet des projets de loi C-10 et C-14. J'aimerais obtenir ces avis. Si votre réponse est qu'il n'est pas possible de nous les transmettre, j'aimerais certainement en voir un résumé ou que quelqu'un, vous ou quelqu'un d'autre, nous fasse connaître la teneur de ces avis. Mais il me semble que l'avis relatif à un projet de loi devrait être communiqué au comité pour que nous puissions juger si le projet respecte bien tous nos principes constitutionnels.
Je soulève cet aspect en particulier dans le contexte du projet de loi C-14 parce que nous parlons d'arrangements qui sont extrêmement complexes sur le plan constitutionnel. Il me paraît important que les comités et la Chambre soient sûrs que le procureur général et le ministère de la Justice ont examiné cet aspect de façon approfondie.
Monsieur, je vous remercie.
Le président: Merci.
Nous avons sur la liste Mme Bourgeois et ensuite M. Thompson.
Madame Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Merci, monsieur le président. Monsieur le ministre, j'aimerais savoir si on s'est assuré que les personnes souffrant de maladies mentales qui seront incarcérées recevront les soins requis. A-t-on mis en place toutes les dispositions pour leur donner les soins requis?
Je vous pose rapidement ma deuxième question. En ce qui a trait aux modifications qui simplifient le transfert d'un accusé dans une autre province ou un autre territoire, ne risque-t-on pas d'empêcher le processus de rétablissement pour les personnes qui sont légèrement atteintes d'une maladie mentale, quand on sait que le fait d'être dans sa famille ou dans son secteur est considéré comme un traitement dans le cas d'une maladie mentale?
Je vous pose rapidement ma troisième question, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Dans le texte, il est question de permettre d'ordonner des évaluations psychiatriques, d'ajourner des auditions et de prolonger la période d'examen relative au traitement d'un accusé. Il s'agit de beaucoup de démarches pour un accusé. Cet accusé va-t-il pouvoir bénéficier d'une aide juridique ou d'une aide financière quelconque? J'en reviens au problème des femmes qui n'ont pas accès nécessairement à l'aide juridique. Cela a encore été dénoncé par la Société Elizabeth Fry et par d'autres sociétés.
Je pense que trois questions suffisent.
L'hon. Irwin Cotler: Les réponses de Mme Kane sont plus courtes que les miennes. Je l'invite donc à répondre.
[Traduction]
Mme Catherine Kane: Au sujet de votre première question qui concernait les services dont ont besoin les accusés atteints de troubles mentaux, je peux vous dire que ces services sont fournis par les provinces. C'est une autre de ces situations où nous partageons une responsabilité avec les provinces et les territoires, parce que ces derniers sont responsables à la fois de l'administration de la justice et de la prestation des services de santé. C'est pourquoi nous avons eu des consultations aussi approfondies avec nos homologues provinciaux.
Par exemple, les pouvoirs accrus accordés aux commissions d'examen en matière d'évaluation auront manifestement des répercussions sur les services provinciaux de santé mentale et les provinces appuient complètement ces changements et sont en mesure de fournir ces services.
Pour ce qui est des dispositions en matière de transfèrement, une des principales raisons à l'origine des modifications est le souci d'assouplir les règles permettant de transférer un accusé vers une autre province ou territoire. Bien souvent, les accusés souhaitent revenir dans leur lieu d'origine plutôt que de demeurer à l'endroit où ils ont commis l'infraction. Par exemple, dans le cas d'une personne qui habite habituellement au Manitoba, qui se rend en Ontario, y commet une infraction et est déclaré non responsable pénalement, cette personne demeurerait en Ontario, même si son réseau de soutien se trouve au Manitoba. Les dispositions en matière de transfèrement lui permettraient de revenir au Manitoba, si cela peut favoriser sa réintégration et sa réinsertion sociale. Il faut le consentement de l'accusé, de sorte qu'aucun accusé ne sera transféré, s'il pense que ce transfèrement n'est pas dans son intérêt.
Pour ce qui est de la dernière question au sujet des audiences, des nombreuses étapes de la procédure et de la représentation par avocat, les dispositions de la partie XX.1 du Code criminel prévoient que les personnes qui ne sont pas pénalement responsables ou qui sont inaptes à subir leur procès peuvent bénéficier des conseils d'un avocat. Elles ne peuvent bénéficier de l'aide juridique mais le procureur général de la province est tenu de verser les honoraires et les débours correspondant demandés par les avocats.
» (1720)
Le président: Merci, madame Kane.
Monsieur Breitkreuz, pour trois minutes.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci à monsieur le ministre et à madame Kane d'être venus.
C'est souvent dans les détails que l'on découvre les problèmes et la commission d'examen semble constituer une partie vraiment centrale du processus décrit dans le projet de loi C-10. Quel genre d'expertise doivent avoir les membres de cette commission d'examen? Comment sont choisies les personnes qui en font partie? Nous savons que les membres de la commission des libérations conditionnelles doivent posséder une certaine expertise. Comment est constituée cette commission d'examen?
Mme Catherine Kane: La partie actuelle du Code criminel prévoit certains critères pour la commission d'examen. Ses membres sont nommés par la province aux termes de la Loi sur les enquêtes mais il faut essentiellement que ses membres comprennent une personne ayant une formation juridique et qui réponde aux conditions exigées pour pouvoir être nommée juge. Cela veut dire en pratique une personne qui est membre d'une profession juridique et qui possède une grande expérience dans ce domaine. Il faut également qu'il y ait un psychiatre ou une personne qui soit membre des professions reliées à la santé mentale. Il y a aussi des citoyens ordinaires. Cela donne un groupe multidisciplinaire qui comprend habituellement des avocats, des psychiatres, des médecins, des travailleurs sociaux.
M. Garry Breitkreuz: Ils sont nommés par la province.
Mme Catherine Kane: Ils sont nommés par la province.
M. Garry Breitkreuz: Ma seconde question concerne la sécurité du public. Je pense que cela fait partie des dispositions que vous avez décrites. Pensez-vous que ce projet de loi pourrait inciter un avocat de la défense à utiliser ces dispositions pour obtenir la suspension de l'instance introduite contre son client en convainquant le tribunal que l'accusé est atteint de troubles mentaux? Le projet de loi risque-t-il de compromettre la sécurité du public parce qu'il contient des dispositions qui inciteraient les avocats à demander une suspension d'instance au bénéfice de leur client?
Mme Catherine Kane: À mon avis, certainement pas. Nous avons rédigé très soigneusement le régime mis sur pied par le projet de loi C-10 pour ce qui est de la suspension d'instance. Tout d'abord, cette mesure est uniquement applicable à la personne qui demeurera vraisemblablement inapte à subir son procès, sans espoir de retrouver sa santé mentale, et deuxièmement, il faut que cette personne ne présente pas un danger important pour la sécurité du public. S'il y a le moindre danger, cette personne ne peut faire l'objet d'une suspension d'instance. Même lorsque ces critères sont remplis, le tribunal doit encore en examiner un certain nombre d'autres, notamment la nature et la gravité de l'infraction, le temps qui s'est écoulé depuis la perpétration de l'infraction, et le fait que la Couronne a eu la possibilité de montrer qu'elle possédait des preuves lui permettant de poursuivre cette personne.
À toutes les étapes de cette procédure, il faut procéder à une nouvelle évaluation de l'accusé, au moment où la commission d'examen recommande que son statut soit examiné et à celui où le tribunal mène son enquête, de sorte que je pense qu'il n'y a guère de risque que quelqu'un puisse utiliser ces dispositions pour se soustraire à la justice. Nous avons fixé des normes assez élevées mais par contre elles ont été conçues pour que les personnes qui ne doivent pas se trouver dans le système de justice pénale ne s'y retrouvent pas.
M. Garry Breitkreuz: Très bien.
Je vais partage mon temps de parole avec M. Thompson.
Le président: Il a quatre secondes.
Non, il n'y a personne d'autre sur la liste, monsieur Thompson. Vous avez trois minutes.
M. Myron Thompson: Eh bien, cela est étrange; il vient de poser la question que j'allais poser au sujet des commissions d'examen. Je voulais savoir comment allaient être choisis ses membres.
Lorsque je regarde le pouvoir qui sera confié à la commission d'examen dans ce genre de situation, je constate que ses membres vont pratiquement dire aux victimes... ils vont examiner les déclarations des victimes et décider si elles sont admissibles ou non, c'est du moins ce qu'il me paraît. Ils vont décider s'il y aura une ordonnance de non-publication et se prononcer sur les éléments qui seront transmis au public. Il me semble qu'on accorde à ces commissions beaucoup de pouvoirs et qu'elles devront prendre toute une série de décisions sur des sujets très importants qui semblent relever également du ministère de la Justice.
Je pense à la liberté d'expression, par exemple. Combien de fois ai-je entendu dire qu'il fallait être très prudent dans les affaires de pornographie juvénile? En fait, il y a un tribunal qui a formulé des observations au sujet de la liberté d'expression et du mérite artistique. Vous souvenez-vous de cette époque bénie? Nous avons là une commission qui pourra dire à la victime qu'elle ne peut faire de déclaration pour telle ou telle raison. Est-ce que cela risque de causer un problème avec la Charte pour ce qui est de la liberté d'expression?
Il y a une chose qui inquiète beaucoup la population, ce sont les commissions. Le public a vu les décisions prises par les commissions des libérations conditionnelles. Les gens ont vu les décisions prises par les commissions de probation. Ils ont vu les décisions prises par les commissions d'immigration. Et nous parlons maintenant d'une commission d'examen qui va se prononcer sur des aspects juridiques de nature très délicate.
Ne donnons-nous pas trop de pouvoirs à ces commissions d'examen? Je pense que nous devrions être très prudents sur ce point.
» (1725)
Mme Catherine Kane: Je peux répondre à certains de vos commentaires.
La commission d'examen sera considérée comme un tribunal spécialisé. Ces commissions ont été nommées en 1992. Les commissions d'examen existent dans toutes les provinces et territoires. Essentiellement, on considère qu'elles possèdent une expertise multidisciplinaire que les tribunaux judiciaires ne possèdent pas. Dans la plupart des provinces, le président de la commission d'examen est un juge en exercice ou à la retraite. Ces commissions sont donc sensibles aux différents intérêts en jeu et au fait qu'elles doivent exercer les pouvoirs que leur attribue le Code criminel.
Pour ce qui est de vos craintes à l'égard de l'élargissement de leurs pouvoirs, je dirais qu'effectivement ces pouvoirs ont été renforcés mais que le projet de loi C-10 les limite encore. Ils ne vont pas au-delà de ce qui est précisé ici.
Pour ce qui est des déclarations des victimes, les commissions n'ont pas le pouvoir de déclarer qu'une déclaration de la victime n'est pas admissible. Elles peuvent refuser à la victime la possibilité de lire sa déclaration dans certaines situations, mais lorsque la déclaration est présentée par écrit, la commission est tenue de la prendre en compte dans la mesure où elle se rapporte aux critères qu'elle doit prendre en considération avant de prendre une décision.
La commission ne pourra pas déclarer qu'une déclaration n'est pas admissible—à moins, bien entendu, qu'elle ne réponde pas aux conditions que doivent remplir les déclarations des victimes, conditions qui sont exposées dans le Code criminel. Elles font partie de la même catégorie que les déclarations des victimes qui sont prises en considération au moment de la fixation de la peine.
M. Myron Thompson: Sera-ce le seul groupe qui appréciera le danger que présente une personne dans le cas où elle serait libérée ou bénéficierait d'une libération inconditionnelle, ou...?
Mme Catherine Kane: Le Code criminel énonce les critères qui doivent être pris en considération pour rendre une décision appropriée. Il y a trois possibilités : détention dans un hôpital, qui pourrait être un établissement psychiatrique sécuritaire...
M. Myron Thompson: Et c'est la commission qui prend cette décision.
Mme Catherine Kane: Oui, la commission prend cette décision. Le tribunal pourrait également prendre cette décision dès qu'il s'est prononcé sur la culpabilité de l'accusé, mais lorsque le tribunal ne le fait pas, celui-ci renvoie cet aspect à la commission d'examen. La commission d'examen prend la décision initiale et la révise ensuite une fois par an.
M. Myron Thompson: Comme je l'ai dit plus tôt, monsieur le président, je pense que ce projet de loi jouit d'un large appui de la part des personnes assises autour de cette table. Je pense que nous devrions aller de l'avant rapidement avec ce projet de loi de façon à pouvoir examiner les autres projets qui, je peux le garantir au ministre, ne seront pas aussi faciles.
Le président: Merci.
Monsieur Cotler.
[Français]
L'hon. Irwin Cotler: J'aimerais simplement conclure. Le projet de loi C-10 a bénéficié de l'apport des parlementaires, comme je l'ai dit, et de l'examen mené par votre comité, assurant ainsi un examen supplémentaire du délicat équilibre qu'il faut rechercher, lorsqu'on rédige un projet de loi, entre la protection de la sécurité du public et la défense des droits individuels. Je suis certain que ce comité va nous aider à cet égard. Merci.
Le président: Monsieur le ministre et madame Kane, je vous remercie beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. Monsieur Marceau, pouvons-nous suspendre pendant une trentaine de secondes? Nous discuterons alors des travaux futurs de ce comité.
[Traduction]
Merci à tous nos témoins.
Nous allons suspendre la séance pendant 30 secondes.
[La séance se poursuit à huis clos.]