Bonjour aux députés et aux invités.
[Traduction]
C'est pour nous un plaisir de vous accueillir à nouveau. Conformément à notre ordre du jour, nous allons procéder à l'audition des trois commissaires de la Commission Crie-Naskapie. Les membres du comité auront pu constater, en prenant connaissance des notes d'information qui leur ont été distribuées, que cette audition se situe dans le cadre du rapport bisannuel au Parlement.
Nous accueillons donc Richard Saunders, président de la commission et les deux commissaires, Philip Awashish et Robert Kanatewat.
Nous sommes heureux, messieurs, de vous accueillir à nouveau devant le comité. Vous avez déjà une expérience considérable de ces comparutions devant les comités permanents de la Chambre. Je ne vous apprends rien en rappelant que nous avons réservé 10 minutes à votre déclaration d'ouverture. N'hésitez pas à prendre un peu plus longtemps si vous jugez bon de le faire. Nous passerons après cela aux questions.
Je donne donc la parole à M. Saunders.
Sentez-vous, en outre, tout à fait libre, monsieur Saunders, de nous présenter vos deux collègues.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens, d'abord, à remercier le comité qui à nouveau nous accueille. Permettez-moi, à l'intention des nouveaux membres du comité, de présenter mes deux collègues. Je suis en effet accompagné du commissaire Robert Kanatewat, de Chisasibi sur la Baie James, et de Philip Awashish, de Mistissini dans l'intérieur d'Eeyou Istchee.
En raison de leur modestie naturelle, je ne me priverai pas de faire leur éloge. Ils comptent tous deux parmi les signataires de la Convention de la Baie James et sont parfaitement au courant de l'histoire des négociations qui ont abouti à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, du texte même de la convention et des nombreux accords complémentaires. S'il y a quelque chose que j'ignore — et il y en a en effet un certain nombre — mes deux collègues seront pleinement en mesure de répondre sur des points plus détaillés tant sur des questions d'histoire que sur des questions actuelles.
Ainsi que vient de le dire le président, nous ne disposons ce matin que de relativement peu de temps et nous n'allons pas faire perdre son temps au comité en donnant des détails dont vous pourrez facilement prendre connaissance en lisant notre exposé écrit, ou en vous penchant sur le rapport 2008 de la commission. Nous allons donc passer assez rapidement sur ces divers détails.
Un projet de loi a été déposé qui tend à la modification de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Je souhaiterais insister sur cela ce matin, car tous nos rapports, y compris le dernier, préconisent la modification des dispositions de cette loi.
Lors de la rédaction de nos rapports — je pense que vous avez tous dû en avoir un exemplaire sous les yeux; il s'agit en l'occurrence de la version en quatre langues — nous organisons des audiences publiques au cours desquelles les représentants des communautés cries et naskapies présentent des exposés et nous font part de leurs observations. Les propos tenus sont généralement assez réfléchis et détaillés. C'est dire que, de manière générale, les recommandations que nous formulons dans ce rapport traduisent les sentiments de la communauté, auxquels nous ajoutons nos propres analyses ainsi que l'apport de certains responsables gouvernementaux et d'autres personnes encore.
Nous avons à maintes reprises formulé des recommandations en vue de la modification de la loi, notamment à l'occasion de nos trois comparutions devant votre comité. Déjà, en 1998, nous avons recommandé un certain nombre de modifications. Elles figuraient dans le rapport de cette année-là. En 2007, nous avons à nouveau recommandé un certain nombre de modifications et, aujourd'hui, nous avons encore une fois des recommandations à formuler à cet égard.
Vous n'ignorez pas que les modifications proposées dans le cadre du texte actuellement déposé devant la Chambre sont celles que le gouvernement s'était, en février dernier, engagé à apporter à l'entente à l'amiable signée en février 2008 par le ministre Strahl et les dirigeants cris afin de résoudre certaines questions touchant la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
L'accord prévoyait deux modifications. La première aurait reconnu aux Cris d'Ouje-Bougoumou la qualité de bande tant aux termes de l'accord que de la loi. Cette bande ne figure pas en effet actuellement dans la loi et donc, en droit strict, ses règlements et autres mesures de cet ordre n'ont pas de fondement législatif. Il y a là un petit problème qu'il conviendrait de régler. Il est clair qu'ils doivent à tous égards être reconnus en tant que bande aux termes de la loi.
Cela ne prête guère à contestation et il s'agit en fait d'une modification à la fois symbolique et purement administrative que nous souhaiterions voir adopter.
Sans vouloir trop insister sur la lenteur des procédures, rappelons tout de même qu'un engagement à cet égard a été pris il y a déjà 19 ans. Enfin, la modification, elle, est en passe d'être adoptée. Alléluia!
L'autre proposition de modification concerne essentiellement le renforcement des pouvoirs de l'Autorité régionale crie, c'est-à-dire le gouvernement régional de la nation crie de Eeyou Istchee. Ce renforcement de ses moyens d'action est conforme aux souhaits des dirigeants et du peuple cris. Nous n'avons donc aucune objection à formuler à cet égard, ni sur le plan des principes, ni sur le plan des détails.
Nos préoccupations sont d'un autre ordre. Elles correspondent essentiellement à ce que les dirigeants cris nous ont, à maintes reprises, déclaré. Certaines des recommandations tendant à la modification de diverses dispositions de la loi — dont certaines sont d'ordre purement administratif — ont été avancées il y a maintenant 19 ans. Nous en avons fait état à chaque fois que nous avons comparu devant votre comité, et les dirigeants cris réclament leur adoption depuis longtemps déjà.
De quoi s'agit-il? Bill Namagoose, directeur exécutif du Grand conseil des Cris m'a, il y a peu de temps, entretenu de la question des référendums.
La loi exige, à juste titre, la tenue d'un référendum avant, par exemple, que puisse avoir lieu un transfert foncier. Après tout ce que les Cris ont subi, il paraît en effet normal que toute cession d'une parcelle de leurs terres, ne puisse se faire qu'avec l'autorisation de la population.
Il n'y a donc rien à redire à cela. Par contre, cette disposition entraîne parfois des situations tout à fait impossibles du point de vue politique. Vous êtes tous ici représentants élus de la nation et la volonté des électeurs ne vous est pas étrangère. Or, si les Cris souhaitent, dans une communauté donnée, céder une parcelle de terrain à une commission scolaire pour y construire une école, la chose ne peut pas se faire sans référendum. Pensez-y un instant. Dans vos circonscriptions, combien d'électeurs se déplaceraient pour voter dans le cadre d'un référendum ayant pour but de permettre à la municipalité de céder à la commission scolaire une parcelle de terrain? Reconnaissez qu'une telle question n'est pas de nature à mobiliser la population. Ce qui se passe, c'est que le taux de participation exigé en pareille hypothèse n'est généralement pas atteint. Les dirigeants cris m'ont appris que, cela étant, plusieurs écoles ont dû être construites sans l'autorisation nécessaire.
Voilà, donc, le genre de problème qui peut surgir. Nous pourrions aussi citer l'exemple de la procédure électorale. D'abord, il faut procéder à la nomination des candidats, puis il y a le délai officiel entre la nomination et le jour du scrutin, etc., puis la fixation de la date de l'élection. Or, il arrive, par exemple, qu'il y ait dans la communauté un décès qui oblige à reporter d'un jour l'élection et alors, en droit strict, le candidat malheureux peut déposer une plainte invoquant l'irrégularité du scrutin. Heureusement, cela ne s'est pas encore produit, mais on l'a, à plusieurs reprises, échappé belle.
De nombreuses modifications à caractère purement administratif s'imposent. Elles ne prêtent aucunement à discussion et n'exigent pas non plus de longs débats. Elles n'exigent pas de la part des rédacteurs législatifs une longue réflexion. Il suffit simplement de les adopter.
Or, justement, ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est qu'il a fallu 19 ans pour que vous soyez saisis de la question d'Ouje-Bougoumou. Nous savons que le calendrier législatif est chargé. Si nous, les Cris et les Naskapis, contactons les gens des Affaires indiennes et leur disons « Écoutez, nous souhaitons que ces diverses modifications soient adoptées », la réponse habituelle, sinon normale, des services du ministère est « Voyons, voyons; on ne peut pas à tout bout de champ demander au Parlement de se pencher sur les modifications que vous souhaiteriez voir adopter. On l'a déjà fait, il n'y a pas longtemps ». Et donc, dans 20 ans, nous devrons encore nous préoccuper de savoir si telle ou telle école construite sur une parcelle de terrain cri s'y trouve bien légalement ou si quelqu'un ne va pas pouvoir, pour une raison ou pour une autre, faire reporter la tenue d'une élection.
Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas la teneur du texte dont vous êtes saisi, car nous y sommes tout à fait favorables, mais nous craignons d'avoir dans quelques années à revenir vous voir, puis encore quelques années plus tard, pour vous demander « Eh bien, qu'est-il arrivé aux autres modifications? » Pourtant, les Cris avaient fait savoir au ministère qu'il y avait un certain nombre d'autres mesures qu'ils souhaitaient voir figurer dans ce texte, mais elles ne s'y trouvent toujours pas. C'est à ce niveau-là que se situe notre préoccupation essentielle.
Je pense avoir épuisé les 10 minutes qui m'étaient imparties. Or, je souhaite que nous ayons assez de temps pour les questions et pour les réponses que mes collègues souhaiteront y apporter. Comme je l'ai dit au début, ce sont eux les experts.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour messieurs. C'est un plaisir de vous revoir parmi nous. J'ai cru comprendre, de la documentation que vous nous avez distribuée, que les séances du comité permettent tout de même de faire avancer les choses. Nous sommes heureux de vous l'entendre dire car il nous arrive nous-mêmes d'être un peu agacés par la manière dont les choses se font à la Chambre des communes et, généralement, au Parlement.
Vous venez de dire qu'il y a d'autres dispositions encore que les Cris souhaiteraient voir figurer dans le cadre de cette modification. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard?
En outre, si j'ai bien compris — n'hésitez pas à me corriger — la nouvelle entente conclue en 2008 semble contenir deux dispositions essentielles. D'abord, il y a une modification de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui renforce les pouvoirs de l'Autorité régionale crie, et puis il y a la question de la reconnaissance des Cris d'Ouje-Bougoumou en tant que bande. L'entente concernant la nouvelle relation semble en outre prévoir des négociations plus substantielles en vue d'une sorte d'accord sur l'autonomie gouvernementale.
Est-il possible que, outre les modifications qui vont ce matin retenir notre attention, diverses autres questions soient à traiter dans le cadre d'une entente plus globale? A-t-on en effet prévu la négociation d'une entente sur l'autonomie gouvernementale, et si oui, quand peut-on s'attendre à la voir conclure?
La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été adoptée par le Parlement en 1984. C'est dire que ce texte est en vigueur depuis maintenant 25 ans. Depuis que la commission remet les rapports prévus, et recueille les observations des représentants du gouvernement cri-naskapi local, nous formulons des recommandations quant à la mise en oeuvre des dispositions de la loi.
Certains problèmes se sont posés au niveau de l'administration locale. Il y a eu aussi des problèmes au niveau de la mise en oeuvre des dispositions de la loi. C'est pourquoi, depuis 1986, nous recommandons que soit modifiée la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin de consolider la gouvernance locale et l'administration des communautés cries-naskapies. La lecture de notre rapport montre bien qu'au cours des 25 dernières années, nous avons proposé 38 modifications à la loi afin de consolider la gouvernance des Cris et de l'administration locale.
Comme le disait tout à l'heure le président de notre commission, le Parlement est actuellement saisi d'un texte portant modification de la loi en vue de renforcer l'autonomie de l'Autorité régionale crie en lui confiant de nouvelles responsabilités et de nouveaux pouvoirs pour qu'elle puisse, justement, assumer pleinement les responsabilités qui lui sont dévolues dans le cadre de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d'Eeyou Istchee.
Nous félicitons naturellement le gouvernement et les Cris de cette volonté d'agir de concert pour forger une nouvelle relation et nous félicitons le gouvernement d'avoir déposé ce projet de loi en vue de renforcer l'autonomie de l'Autorité régionale crie pour qu'elle ait les moyens d'assumer pleinement ses nouvelles responsabilités et d'exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus.
Mais, cette entente signée en 2008 par le Canada et les Cris ne dit rien des modifications qu'il conviendrait d'apporter à la loi afin de renforcer la gouvernance des Cris et de mieux étayer les gouvernements et les administrations locales des Naskapis. Le projet de loi déposé devant la Chambre ne dit rien en effet des modifications qu'il conviendrait d'apporter à la loi afin d'étayer et de renforcer la gouvernance et l'administration cries.
Les modifications que nous proposons figurent, depuis 1986, dans nos rapports bisannuels. Les propos que nous avons tenus devant vous ce matin résument les conclusions de ces rapports ainsi que les points de vue que nous avons recueillis et les conclusions de certaines études que nous avons menées conformément aux dispositions de la loi.
Notre président évoquait tout à l'heure le problème des dispositions de la loi prévoyant la tenue d'un référendum avant toute cession de terres de catégorie IA, qui sont analogues à des terres de réserve. On ne les appelle pas réserves, cependant, mais simplement terres de catégorie IA. Ces terres qui relèvent des compétences du gouvernement fédéral sont réservées exclusivement aux peuples et communautés cris et naskapis.
Outre cela, il y a une autre question que les gouvernements cris et naskapis estiment prioritaire. Il s'agit des obstacles qui subsistent dans la loi et qui gênent l'action des gouvernements cris-naskapis au niveau des décisions qu'ils ont à prendre.
Aux termes de la loi, en effet, l'homologation de certains règlements exige un quorum. Les règlements en question peuvent aussi bien porter sur le zonage des terres que sur les élections au sein des bandes. Il existe certains domaines dans lesquels les gouvernements cris et naskapis locaux peuvent effectivement adopter des règlements, mais la loi exige que ces règlements soient avalisés par une certaine proportion de la population.
J'ai moi-même pris part aux discussions et aux négociations entre le Canada et les Cris concernant les modalités et dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. La Convention de la Baie James et du Nord québécois a été conclue en 1975. Il a fallu neuf ans de pourparlers entre les Cris et les Naskapis pour finalement s'entendre sur les modalités et dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.
À l'époque, les communautés cries comptaient environ 6 000 personnes au total. Aujourd'hui, nous sommes environ 16 000. Les quorums fixés par la loi étaient relativement adaptés au nombre d'habitants qu'il y avait en 1974-1975. À l'époque, en effet, nous vivions dans de petites communautés et, en raison du nombre réduit d'habitants, il était facile d'atteindre les quorums prévus. Mais maintenant, alors que certaines communautés ont plus de 3 000 habitants, il est très difficile d'atteindre ces quorums.
Outre les points mis en avant par notre président, nous considérons donc qu'il conviendrait de modifier les dispositions de la loi concernant les quorums. Nous avons déjà recommandé que la question des quorums soit dorénavant confiée aux gouvernements locaux pour tout ce qui concerne nos communautés.
Je vous remercie.
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Mes collègues souhaiteront peut-être prendre la parole sur ce point, mais il me semble indéniable que l'entente concernant la nouvelle relation est essentiellement une entente à l'amiable. Elle a permis de mettre fin à un contentieux déjà ancien qui contrariait tout le monde. C'est une bonne chose de travailler de concert, de collaborer et de ne pas recourir systématiquement aux tribunaux. C'est, d'après moi, comme cela qu'il faut procéder.
Cette entente a permis de régler les deux questions dont nous parlions tout à l'heure, c'est-à-dire la question d'Ouje-Bougoumou et la question du renforcement du gouvernement régional cri. C'est une bonne chose de faite. Mais tous les autres sujets de préoccupation, les recommandations concernant plutôt les quorums et les diverses questions qui se posent depuis des années concernent les communautés individuelles. Il se peut que certains problèmes se posent dans toutes les communautés, mais chaque communauté les éprouve pour son compte. Il s'agit essentiellement de problèmes touchant l'administration locale.
Ce sont les conseils locaux qui, par exemple, en subissent les conséquences, dans le cas, par exemple, où il n'y a pas quorum pour autoriser la cession d'un terrain à une commission scolaire. Il faut donc, parvenir à des solutions sur tous ces points.
Nous sommes heureux de ce qui a été fait et des modifications qui sont proposées. Cela ne fait aucun doute. Nous n'avons aucun reproche à formuler à cet égard. Cela dit, il y a un certain nombre de problèmes qui attendent depuis longtemps une solution et ce qui nous inquiète, c'est que ces solutions, nous risquons de les attendre aussi longtemps que nous avons attendu les dispositions que nous venons d'évoquer. Or, nous ne voulons pas que cela tarde autant. Nous ne voulons par voir perdurer ces problèmes. Nous ne souhaitons pas avoir à revenir devant vous tous les deux ou trois ans continuellement les mêmes problèmes.
Philip, Robert, qu'en pensez-vous?
Il faut, pour permettre que certaines terres soient cédées à la nation Ouje-Bougoumou, que soient modifiées les dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois afin que certaines terres des catégories I et II puissent être réservées aux Ouje-Bougoumou. Or, il faut pour cela apporter certaines modifications à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Il faut aussi d'ailleurs que cette convention soit modifiée afin que les Cris d'Ouje-Bougoumou soient ajoutés à titre de parties à la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En effet, en 1975, ils n'étaient pas reconnus en tant que bande et ne figurent pas, par conséquent, parmi les signataires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. La plupart, sinon tous les membres de la nation Ouje-Bougoumou ont été avant 1975 versés par les Affaires indiennes dans la bande de Mistissini. Lorsqu'a été signée, en 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le peuple d'Ouje-Bougoumou faisait partie de la bande de Mistissini. Leur chef a signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En droit strict, les Cris d'Ouje-Bougoumou ne constituaient pas une personne morale distincte et, officiellement, ne sont donc pas partie à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Il reste, bien sûr, à faire en sorte qu'ils puissent y adhérer. Il faut pour cela modifier les dispositions de la convention afin de leur reconnaître un droit à des terres des catégories I et II.
Je pense d'ailleurs que la loi traite de la question. Elle envisage en effet la conclusion d'accords entre le Canada, le Québec et les Cris au sujet des terres qui doivent être réservées aux Cris d'Ouje-Bougoumou.
Le commissaire Awashish pourra vous en dire un peu plus sur cela, mais je tiens, très rapidement, à préciser que lorsque des particuliers ou des représentants de la communauté nous présentent des plaintes ou des doléances, nous leur sortons un exemplaire de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et leur disons, eh bien, voici ce que la loi prévoit à cet égard. Il n'est pas rare qu'on nous réponde « Mais ici, nous ne fonctionnons pas de cette manière ». Il en va de même des règlements adoptés en vertu de la loi.
La première réaction d'un élu du sud du Canada... Supposons que je sorte le texte même de la loi à mon député provincial ou à l'un d'entre vous et que je lui dise « Comment se fait-il qu'on ne procède pas ainsi? » Si vous me répondiez « Ce n'est pas comme cela que nous fonctionnons ici » j'aurais tendance à me fâcher et à vous répondre « Mais c'est pourtant comme cela que vous devriez fonctionner, puisque c'est ce que prévoit la loi ».
Le contexte en l'espèce est différent. En effet, les Cris et les Naskapis ont un droit traditionnel et coutumier qu'ils appliquent depuis des millénaires. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et les règlements qui sont adoptés aux termes de ce texte sont censés consacrer en droit les décisions approuvées par la communauté dans des domaines relevant effectivement de ses compétences.
La plupart des communautés ont, par exemple, adopté un règlement électoral. Or, lorsque nous nous sommes penchés sur ces textes — car il est fréquent que les litiges soient en rapport avec les élections — nous nous sommes aperçus, après l'adoption de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, que nous étions, effectivement, tenus d'avoir un règlement électoral.
Il me paraît évident qu'un avocat du sud du Canada — et je dis cela en toute déférence — a simplement ouvert sa serviette, sorti un modèle de règlement électoral, a changé quelques noms et quelques détails et voilà.
La chose paraît normale puisqu'il fallait un règlement. Mais, chez nous, les choses se font un peu différemment. Ce n'est pas que nous soyons moins respectueux des lois, mais c'est simplement que leur application est davantage conforme à notre droit traditionnel et coutumier et c'est pourquoi, en cas de décès d'un ancien de la bande, on remet les élections au lendemain. Or, le texte de la loi ne permet pas cela. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Depuis des années, nous demandons donc à ce que la loi soit adaptée aux usages cris, à ce que la validité de ces usages soit davantage reconnue. Il ne s'agit aucunement de s'écarter des dispositions de la Charte, mais de faire de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec un instrument à l'usage de nos communautés afin que lorsqu'une communauté décide de faire quelque chose, la légitimité de sa décision ne soit pas mise en cause. Il s'agit donc d'inscrire dans la loi une disposition qui fasse qu'une telle décision ne puisse pas être contestée par des gens qui, faisant valoir que l'élection a été reportée d'un jour, demandent son invalidation.
Le problème provient souvent du fait que la loi ne confère pas aux communautés assez de compétences. Je dois dire, en toute déférence, que cette loi représente un grand progrès par rapport à la Loi sur les Indiens, mais que nous la trouvons, comme nous avons toujours trouvé la Loi sur les Indiens, trop contraignante.
C'est sans doute inévitable. Certes, son texte a été établi suite à des négociations, mais il a été rédigé par des gens qui, depuis des années, se spécialisaient dans la rédaction de textes tels que la Loi sur les Indiens. Il nous faut sortir de ce carcan et faire en sorte que, dans la mesure du possible, notre droit traditionnel et coutumier...
Nous reconnaissons tous la Charte, le Code criminel et divers autres textes que nous respectons et que nous partageons, mais cela étant, il convient de faire de cette loi-ci un instrument d'autonomie de la communauté crie afin que celle-ci soit à même de prendre les mesures nécessaires.
Je suis désolé, monsieur le président, de m'être tant étendu.
En ce qui concerne le droit traditionnel, je dois dire, en tant que Cri — nous nous considérons comme des Eeyou — que nous ne sommes pas, bien sûr, un peuple sans loi et, en effet, nous avons nos propres lois découlant de nos traditions, de nos coutumes et de nos pratiques. Nos élections et divers autres aspects de notre vie communautaire sont, effectivement, régis par des lois.
Or, ces lois, ces lois traditionnelles, sont souvent en conflit avec les textes législatifs contemporains tels que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et c'est pourquoi ce texte doit être modifié afin, justement, de l'aligner sur notre droit traditionnel, sur nos coutumes et nos pratiques.
Les Cris voient dans leur droit traditionnel, moins un ensemble de règles qu'un instrument, un outil qui facilite la vie en société, tant la prise des décisions des administrations locales ou des activités des chasseurs et des trappeurs cris dans les régions du Nord.
Il y a, d'après moi, moyen de renforcer les administrations locales. Je crois me souvenir que la Commission royale sur les peuples autochtones avait dégagé les trois éléments essentiels d'une administration locale efficace. Le premier est la légitimité, le second les ressources et le troisième les pouvoirs.
En ce qui concerne les ressources, les discussions se poursuivent entre les Cris et les pouvoirs locaux au sujet des ressources financières et du financement des administrations locales. Il existe en ces domaines des accords quinquennaux qui doivent, tous les cinq ans, être renouvelés. Le dernier a été jugé acceptable par les Cris mais, au départ, nos rapports faisaient état de nombreux problèmes liés au financement des administrations locales. Toutefois, il existe une nouvelle relation entre les Cris et le gouvernement du Canada, et des discussions sont en cours afin de régler les questions de financement des administrations locales.
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Votre question soulève plusieurs points. La préoccupation dont nous avons fait état est en rapport avec ce que vous venez de dire. Il y a, en effet, deux phases: les modifications dont est actuellement saisie la Chambre et puis la phase des pourparlers au sujet de la gouvernance, d'une constitution crie et de diverses autres questions en rapport avec cela. Nous espérons en effet que ces négociations permettront de régler bon nombre des questions qui nous préoccupent.
Mais ce qui nous préoccupe surtout, ce sont ces questions administratives dont on parle depuis plus de 20 ans et le fait qu'elles ne sont toujours pas réglées. Ce ne sont pas pourtant des questions litigieuses. Il s'agit de choses plutôt simples que personne ne conteste. Elles auraient pu être réglées dans le cadre du projet de loi, ce qui nous aurait permis de passer à autre chose.
Nous craignons qu'on attende pour examiner les négociations officielles sur la gouvernance. C'est dire qu'il faudra peut-être pas mal de temps avant que le dossier n'aboutisse devant votre comité ou devant la Chambre. Nous savons tous en effet que ce genre de négociations peut prendre du temps.
Ce qui nous gêne c'est que ces questions administratives non litigieuses vont continuer à irriter en attendant que l'on parvienne à s'entendre pour régler les grandes questions. Or, cela peut prendre du temps. Nous ne sommes ni exaspérés, ni courroucés, mais nous sommes, naturellement, déçus. Nous aurions souhaité que ces questions d'ordre administratif vous soient soumises sans attendre afin que l'on puisse enfin les régler.
D'autres communautés autochtones vont-elles être touchées? Je pense pouvoir dire que non, du moins pas directement. Les Inuits de Fort George, par exemple, ainsi appelés dans l'entente, ont vu régler les questions qui les préoccupaient. Ils habitent la région d'où vient Robert et les questions qui les préoccupaient le plus ont été réglées ou sont en passe de l'être. Ce sont les seuls à avoir fait part de certaines préoccupations à cet égard. S'il y en a d'autres, il est clair qu'on nous les signalera mais, pour l'instant, rien.
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Oui. Bon nombre d'entre elles se trouvent dans les rapports que nous vous avons remis au fil des ans. Elles y figurent encore.
Il s'agit, comme nous le disions tout à l'heure, de questions telles que celles des quorums. La question des quorums est une des plus compliquées, car le quorum exigé varie selon le type de décision en cause. Certains quorums sont très élevés, à juste titre d'ailleurs. D'autres sont relativement élevés alors que certaines décisions ne sont pas soumises à référendum. Il y a toute une série de solutions intermédiaires, mais ce système appelle un certain nombre de changements.
Les questions concernant la capacité d'une première nation à adopter un règlement électoral sont d'ordre un peu plus général. Au fait, la procédure d'adoption d'un règlement électoral est la seule qui, aux termes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, soit soumise à l'approbation du ministère. Comme vous le savez, aux termes de la Loi sur les Indiens, tout règlement est soumis à l'examen du ministère, le pouvant l'annuler par simple décision administrative.
Or, aux termes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, cela ne s'applique qu'à un seul type de règlement, les règlements électoraux. Il s'agit là d'une disposition qui entraîne pour nous de nombreuses petites difficultés.
Nous avons, au cours des ans, fait, à maintes reprises, état de ces questions non litigieuses. Nous en faisons, bien sûr, état dans nos rapports et les dirigeants cris ont eu maintes fois l'occasion de les rappeler.
Nous en avons dressé la liste dans un document unique qui reprend toutes les questions dont nous avons fait état dans nos rapports. Nous serions heureux de vous le transmettre.
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La commission a été établie par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les commissaires sont nommés par le gouverneur général en conseil sur recommandation de l'Autorité régionale crie et de la bande des Naskapis. La nomination s'effectue en deux temps: d'abord, il y a la recommandation des dirigeants autochtones, puis la nomination par décret en conseil.
Aux termes de la loi, la commission exerce deux grandes fonctions.
La première est d'enquêter sur les « réclamations » qui lui sont présentées, c'est-à-dire sur les plaintes concernant, notamment, l'exercice ou le défaut d'exercice de pouvoirs ou de fonctions conférés sous le régime de cette loi.
Par extension, étant donné que la loi renforce le pouvoir des bandes, l'alinéa 21j) donne à la commission pour mission d'exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les conventions lui confèrent... Il y avait, entre les Affaires indiennes et nous, désaccord quant à la question de savoir si la commission pouvait se pencher sur les diverses questions découlant des conventions. Affaires indiennes reconnaît maintenant que c'est effectivement le cas.
Nous recueillons donc les plaintes. Nous sommes tenus, si la plainte paraît fondée, d'enquêter et de consigner nos conclusions et nos recommandations dans un rapport qui est alors transmis aux personnes concernées, à la bande et au ministre. Selon les modifications proposées, nous devons également faire parvenir une copie du rapport à l'Autorité régionale crie dans la mesure où celle-ci est touchée par l'affaire.
Ça, c'est la première fonction. La deuxième fonction essentielle est de remettre tous les deux ans au ministre un rapport établi en français, en anglais, en cri et en naskapi, rapport que le ministre fait déposer au Parlement.
Voilà les deux fonctions prévues dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.
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Vous savez qu'au niveau des recommandations que nous avons formulées, nous avons éprouvé des difficultés tant avec les libéraux qu'avec les conservateurs. À d'autres occasions, par contre, nous avons obtenu le soutien tant des premiers que des seconds. Je pense, par conséquent, et en toute déférence, que nos difficultés ne dépendent aucunement du parti au pouvoir. Nos difficultés n'ont rien à voir, je pense, avec le ministre en exercice.
Je dois dire qu'il est souvent arrivé que, lors d'une rencontre entre nous, le ministre se soit engagé envers nous sur un point précis, mais que rien ne s'est pourtant fait. Souvent, nous avions même une confirmation écrite de l'engagement en question.
Nous nous étions aperçus, déjà en 1986, que, souvent, les fonctionnaires ne sont pas entièrement d'accord avec leur ministre. En 20 ans, il y a eu 11 ministres. S'agissant d'un portefeuille aussi important que Affaires indiennes et du Nord canadien, il faut pas mal de temps avant que le ministre acquière une bonne connaissance des dossiers, des programmes et de l'ensemble des premières nations et qu'il parvienne à dompter en quelque sorte l'appareil bureaucratique.
J'ai été moi-même fonctionnaire. Certains fonctionnaires se disent qu'ils font ce travail-là depuis longtemps, qu'ils savent ce qu'il faut faire et qu'ils en ont vu d'autres. C'est, comme l'émission de télévision britannique, « Oui, monsieur le ministre; bien monsieur le ministre », en attendant qu'un ministre succède à un autre.
Si, en tant que fonctionnaire, vous administrez mal les fonds qui vous sont confiés, vous risquez gros et c'est normal. Il y a la Loi sur la gestion des finances publiques, il y a le Comité des comptes publics et le vérificateur général. Si vous faites des malversations, les conséquences sont graves. Mais si vous mettez en oeuvre de mauvaises politiques, la plupart du temps il ne vous arrivera rien, faute de mécanismes de responsabilité permettant de mettre en cause les décisions du Parlement, du Cabinet ou des ministres.
En tant que fonctionnaire, vous risquez beaucoup moins en faisant fi des instructions du ministre qu'en faisant des malversations.
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Nous savons tous, je pense, que le logement pose des problèmes dans la plupart des communautés autochtones du Canada, soit en raison de sa pénurie, soit parce que les logements sont inhabitables. Rappelons par ailleurs que la population des communautés autochtones du Canada augmente beaucoup plus rapidement que celle des communautés non autochtones.
Il y a un argument important que les Cris ont fait valoir à de nombreuses reprises. Ils n'en ont pas fait état cette année, mais le problème est évoqué dans notre rapport précédent et, à cet égard, la situation n'a guère changé. En effet, la population crie augmente à un taux supérieur à toutes les autres.
Or, le ministère calcule le nombre de logements à fournir au moyen d'une formule régionale et on entend, en l'occurrence, par régionale, la région du Québec. Dans la plupart des communautés autochtones, même si la population croît très rapidement, on assiste à de nombreux départs, puisque les habitants sont nombreux à se rendre dans les villes pour chercher un emploi. Bien que la population soit en augmentation dans la plupart des réserves, la situation du point de vue démographique est quelque peu modérée en raison du nombre de personnes quittant la communauté, essentiellement à la recherche d'un emploi. Je précise tout de suite, cependant, que 95 p. 100 des jeunes Cris restent dans leur communauté d'origine et les succès que ces communautés ont remportés sur le plan tant de l'économie que de l'enseignement, sont en partie responsables de cette augmentation du taux de croissance démographique.
Les Cris considèrent, par conséquent, que les formules régionales applicables au Québec sont inadaptées à leur situation même si elles peuvent paraître satisfaisantes dans d'autres régions. D'autres communautés estiment d'ailleurs que ces formules régionales ne répondent pas non plus à leurs besoins, mais cela est encore plus vrai des Cris.
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J'aurais juste une ou deux questions à vous poser au sujet du processus en cours.
Je tiens d'abord, à vous remercier de nous avoir fourni une liste des amendements que vous souhaitez voir apporter sur des questions de moindre importance.
Todd ayant porté cette question à l'intention du gouvernement, j'estime qu'il serait bon que nous répondions à votre demande et que nous tentions, au cours de l'année qui vient, de faire inscrire ces projets d'amendement à l'ordre du jour. Si l'idée pouvait être proposée par le gouvernement, tout le monde y gagnerait, mais je suis certain que tous les partis d'opposition accepteront d'y donner suite le plus rapidement possible.
J'aimerais maintenant tirer parti de votre expérience et vous demander de nous parler un peu de la situation en général. Vous avez parfaitement raison de rappeler que le ministère des Affaires indiennes est un énorme ministère dont les milliers de fonctionnaires sont appelés à s'occuper de centaines sinon de milliers de dossiers. Cela étant, il est très difficile, sinon impossible de tout faire.
Auriez-vous à cet égard des suggestions à nous faire sur les diverses questions appelant une solution, la mise en oeuvre des revendications territoriales, par exemple ou la modification des accords, ou l'allègement de la charge de travail. Je comprends fort bien ce que vous nous avez dit au sujet des différences de points de vue entre la fonction publique et les responsables politiques; c'est un problème qui, je pense, se pose dans tous les ministères.
Pensez-vous que si l'on retirait au ministère la gestion des affaires du Nord afin de permettre au ministre de porter toute son attention sur les questions autochtones, et si nous instaurions un organisme distinct chargé de la mise en oeuvre des revendications territoriales, nous pourrions alléger la charge de travail du ministère et faire en sorte qu'il ne faille plus 19 ans pour régler un dossier?
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Il y a plusieurs années, nous avions en effet parlé de cela. En ce qui concerne les revendications territoriales, toutes sortes de recommandations avaient été formulées, par la Commission Ipperwash, par exemple.
Une grande partie des problèmes liés aux revendications territoriales provient du fait que, de manière générale, les ministères se basent sur une conception assez élémentaire de l'action gouvernementale. Il s'agit essentiellement de décider et, en cas de différence d'opinion, il y a quelqu'un qui est chargé de trancher. Les gouvernements sont élus et chargés de prendre des décisions — conformément aux lois en vigueur, bien sûr — et si vous n'êtes pas content, vous n'avez qu'à voter pour quelqu'un d'autre aux prochaines élections, organiser une manifestation sur la Colline parlementaire ou tenter de faire publier votre opinion dans la presse. Quoi qu'il en soit, chacun reconnaît qu'il appartient effectivement au gouvernement, dans la limite des lois applicables, de se prononcer dans des dossiers controversés. Nous savons cela et nous l'acceptons.
Le ministère des Affaires indiennes ne procède pas autrement. Ainsi, il peut décider que la situation économique étant ce qu'elle est, il y a lieu de réduire un peu le budget du logement. Cela ne plaît pas nécessairement aux intéressés, mais ils ont toujours la possibilité de se plaindre, notamment devant vous.
Mais, s'agissant d'un traité conférant des droits fonciers ou donnant reconnaissance à des droits ancestraux ou à des droits issus de traités, ou assurant la mise en oeuvre des dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, on ne se situe plus dans un domaine qui se prête à des décisions relevant d'un pouvoir discrétionnaire. La Cour suprême a rappelé en effet que les traités et les accords de revendication territoriale donnent naissance à des obligations exécutoires. Le respect des obligations contractuelles ne donne en effet pas lieu à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. L'attitude mentale nécessaire n'est pas du tout la même que lorsqu'il s'agit d'exercer un pouvoir discrétionnaire au nom d'un gouvernement élu chargé, justement, de se prononcer de manière discrétionnaire.
D'après moi, les questions découlant de traités et d'accords de revendication territoriale pourraient tout de même être traitées par des services gouvernementaux responsables, certes, devant nos représentants élus, mais devraient néanmoins opérer dans un cadre distinct conforme au principe du respect des obligations et ne relevant pas de la simple administration de programmes discrétionnaires. Il ne faudrait pas perdre de vue la différence entre les deux choses.
Les revendications territoriales se fondent sur des titres autochtones, ou des droits fonciers issus de traités ou, plus généralement, sur les droits ancestraux à certains territoires traditionnels. Cela n'a rien à voir avec l'ajustement des cotisations d'assurance-chômage ou l'augmentation des prestations, enfin toutes ces décisions politiques très difficiles qui relèvent, très légitimement, du pouvoir discrétionnaire du gouvernement. En effet, les droits ancestraux dont je viens de parler sont des droits qui peuvent être invoqués devant les tribunaux et qui échappent au pouvoir discrétionnaire du gouvernement.
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Il y a un plus grand besoin de clarté. Nous n'avons pas vraiment relevé de gros abus, mais nous estimons qu'il faut davantage de transparence. Dans la mesure où des responsabilités sont confiées à tel ou tel organisme, il faut que chacun sache ce qu'il en est au juste, d'où le besoin de certains principes directeurs.
Par exemple — et cela ressort des observations qui nous ont été présentées — supposons qu'il y ait une décision importante à prendre et que le chef, souhaitant consulter à cet égard la population, propose la tenue d'un référendum. Supposons toujours que, dans le cadre de ce référendum, la population se prononce pour l'arrêt d'un projet d'exploitation des ressources.
Le chef, constatant que les habitants lui dont donné mandat dans cette affaire, contacte d'autres chefs et, ensemble, ils engagent un cabinet de relations publiques pour combattre le projet d'exploitation en question. Un contrat est signé à cet effet... Mon exemple n'est pas inventé.
Plus tard, quelqu'un décide de mettre le holà, disant « Un instant, aucune résolution du conseil de bande ne vous autorise à agir de la sorte ». Le chef répond qu'aucun règlement ne l'oblige à obtenir au préalable une résolution du conseil et que, de plus, les habitants lui ont donné mandat. Il estime être autorisé à engager des fonds publics pour combattre un projet de développement opposé par la population.
Alors, soit il est effectivement autorisé à agir de la sorte, soit il ne l'est pas. Il faut, effectivement, que la question soit élucidée. Si, pour engager les finances de la bande, il faut au préalable obtenir une résolution du conseil de bande, ou pouvoir invoquer un règlement à cet effet, précisons-le clairement. S'il suffit de tenir un référendum, là encore, précisons-le. Il faut que les choses soient claires.
La reddition de comptes aux organismes subventionnaires est assez clairement organisée mais on ne peut pas toujours en dire autant de la présentation des comptes aux membres de la communauté. Cela ne veut aucunement dire que nous ayons constaté des abus, mais simplement qu'il faudrait que les choses soient claires.
L'un d'entre vous souhaite-t-il ajouter à cela quelque chose?
J'espère avoir ainsi répondu à votre question.
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La question y est envisagée plus largement sous l'angle de la justice qui, effectivement, comprend l'activité policière. Il s'agit de rédiger les règlements nécessaires, et de le faire de manière à ce que les dispositions réglementaires puissent résister à l'examen des tribunaux et être appliquées.
Et puis, il faut, en cas d'infraction, avoir les moyens de faire respecter la réglementation en vigueur et veiller à ce que la compétence des autorités s'étende, par exemple, aux voies d'accès situées immédiatement au-delà des terres de catégorie IA. La question de la compétence territoriale des services policiers peut donc se poser.
Il faut, en outre, être en mesure d'engager des poursuites contre les contrevenants et cela, bien sûr, entraîne des frais. Nous avons constaté, il y a déjà des années, qu'il faut, même dans les régions éloignées, pouvoir faire appel à des autorités judiciaires compétentes. Personne n'ignore, je pense, que dans certaines régions éloignées du Canada, les conditions d'accès entraînent parfois des retards au niveau de la justice.
Les Cris continuent donc à éprouver des difficultés dans ces divers domaines. Au fil des ans, beaucoup a été dit et beaucoup a été écrit sur tout cela, mais des problèmes continuent à se poser. Ajoutons que dans les petites communautés, la proportion de policiers par rapport au nombre d'habitants est généralement un peu plus élevée, ce qui fait que ces communautés devraient normalement avoir droit à davantage de policiers.
Toutes ces questions sont exposées depuis plusieurs années dans nos rapports, et dans le domaine de la justice un certain nombre de difficultés se posent effectivement.