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Bonjour, chers collègues.
En ce lundi 23 mars 2009, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international tient sa dixième séance. Nous poursuivons notre étude des éléments clés de la politique étrangère canadienne.
Aujourd'hui, nous nous pencherons sur le Sri Lanka.
Au cours de la première heure, nos témoins seront Suzanne Johnson, directrice générale, Opérations internationales de la Croix-Rouge canadienne; et, de la Croix-Rouge également, Faisal Mahboob, gestionnaire de programmes, Pakistan et Sri Lanka, Opérations internationales.
Bienvenue.
De l'Association of Sri Lankan Graduates of Canada, nous recevons Yoga Arulnamby, président, et Raj Thavaratnasingham, membre du comité exécutif.
Bienvenue à vous.
Je vois, d'après votre hochement de tête, que je n'ai pas trop écorché votre nom. Si je l'ai fait, veuillez m'en excuser, monsieur.
Notre comité alloue du temps à chacun des témoins pour faire une brève déclaration d'ouverture. Nous entamerons ensuite la première série de questions. Chaque parti disposera de sept minutes pour les questions et réponses.
À titre d'information pour les membres, si cela vous convient, nous souhaiterions réserver de cinq à dix minutes aux affaires du comité. Notre sous-comité a présenté un budget qui doit simplement lui permettre de faire venir des témoins, alors nous voudrons l'étudier.
Bienvenue à tous. Je vais commencer par demander à Mme Johnson de faire sa déclaration.
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Monsieur le président, membres du comité, au nom de la Croix-Rouge canadienne, je tiens à vous remercier de nous permettre de comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Je m'appelle Susan Johnson et je suis directrice générale, Opérations internationales. Je suis accompagnée de mon collègue M. Faisal Mahboob, gestionnaire de programmes, Pakistan et Sri Lanka.
La Croix-Rouge canadienne est opérationnelle au Sri Lanka depuis près de 20 ans. L'expérience que nous avons acquise pendant toutes ces années nous permet d'être présents aujourd'hui pour en témoigner. Mais avant de vous parler de nos activités au Sri Lanka, permettez-moi tout d'abord de vous parler brièvement de la Croix-Rouge canadienne et du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
La Croix-Rouge canadienne est un organisme humanitaire à caractère bénévole, sans but lucratif, qui se consacre à améliorer la condition des plus vulnérables au Canada et partout dans le monde grâce à l'appui et au dévouement de plus de 30 000 bénévoles et membres ainsi que de ses 3 500 employés. La société est dotée d'un mandat unique, celui d'auxiliaire des pouvoirs publics à tous les échelons du Canada. La Croix-Rouge canadienne fait partie du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
[Traduction]
Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est un réseau humanitaire international qui compte environ 100 millions de bénévoles partout dans le monde. Le mouvement consiste en plusieurs organismes distincts juridiquement autonomes, mais unis au sein du mouvement par des principes fondamentaux, objectifs, emblèmes, statuts et instances dirigeantes qu'ils ont en commun.
Le mouvement comprend le Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, qui a été fondé en 1863. Il s'agit d'une institution humanitaire du secteur privé investie, en vertu du droit international humanitaire, du pouvoir unique de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés internes ou internationaux.
La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ou la fédération, a été établie en 1919 et coordonne les activités de 186 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Sur le plan international, la fédération dirige et organise, en collaboration étroite avec ses sociétés nationales membres, des opérations de secours pour faire face à des situations d'urgence de grande ampleur.
Les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge existent dans pratiquement tous les pays du monde. Comme je l'ai dit, il existe 186 sociétés nationales qui agissent toutes comme auxiliaires des pouvoirs publics de leurs pays respectifs.
Je vais maintenant parler plus particulièrement du Sri Lanka. Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge assure depuis longtemps une aide humanitaire là-bas. Le mouvement place le Sri Lanka parmi ses 10 principales priorités à l'échelle planétaire. Depuis janvier dernier, le gouvernement canadien a répondu à cette préoccupation en contribuant, à hauteur de 1,75 million de dollars, au mouvement de la Croix-Rouge pour les opérations humanitaires de l'organisme dans ce pays.
Compte tenu de la gravité de la situation, il serait approprié que le gouvernement fédéral envisage, à ce moment-ci, de doubler sa contribution. Depuis que le Comité international de la Croix-Rouge a commencé ses opérations au Sri Lanka, en 1989, la Croix-Rouge canadienne a déployé des Canadiens là-bas afin qu'ils oeuvrent auprès du comité. Alors que la nécessité d'aider la population civile sri-lankaise devenait de plus en plus évidente, le Comité international de la Croix-Rouge a mené ses activités humanitaires avec l'accord des deux parties au conflit. Ces interventions consistent notamment à offrir une aide humanitaire aux civils; à fournir des soins de santé de base dans des régions du pays qui se trouvent hors de portée du gouvernement; à assurer la présence de personnel aux points de passage pour permettre aux civils d'aller et venir entre les secteurs contrôlés par le gouvernement ou les TLET; et à visiter les personnes détenues relativement au conflit.
En 1992, la Croix-Rouge canadienne a établi des relations directes avec sa société soeur, la Croix-Rouge sri-lankaise. Nos efforts là-bas sont axés sur la création d'une capacité, pour la Croix-Rouge sri-lankaise, de répondre aux besoins des communautés, et particulièrement de se préparer pour faire face aux désastres. Quoi qu'il en soit, rien n'aurait pu préparer la Croix-Rouge sri-lankaise au tsunami qui a frappé le pays en décembre 2004. La destruction a été massive et d'une ampleur considérable. Les trois quarts des côtes de l'île en ont subi l'impact. Plus de 35 000 personnes y ont perdu la vie, et des centaines de milliers d'autres se sont retrouvées sans abri ni source de revenu.
En quelques jours, la Croix-Rouge canadienne, grâce à la vague de généreux dons provenant du public et du gouvernement du Canada, a été en mesure de mobiliser des ressources et de se joindre aux sociétés nationales de nombreux autres pays — la Fédération internationale et le Comité international de la Croix-Rouge — pour répondre aux besoins considérables. Au Sri Lanka, l'intervention de la Croix-Rouge canadienne s'est traduite par la distribution de 300 000 kilogrammes d'articles de secours. Ceux-ci comprenaient 17 000 nécessaires de cuisine, 430 000 trousses d'hygiène personnelle et des sachets pour la purification de l'eau qui ont permis de traiter plus de 15 millions de litres d'eau. Dans le nord du pays, la Croix-Rouge canadienne a réagi à la détérioration et à la destruction de plusieurs hôpitaux en apportant une aide médicale immédiate, en formant des médecins et du personnel infirmier de la région et en fournissant de l'équipement aux hôpitaux locaux.
Compte tenu que les efforts de secours et de relèvement ont cédé la place au développement à long terme, la Croix-Rouge canadienne, en collaboration avec la Croix-Rouge sri-lankaise, a élargi son programme pour soutenir les communautés vulnérables.
Jusqu'ici, 940 résidences permanentes ont été construites. Mais nous ne bâtissons pas seulement des maisons; nous reconstruisons aussi les communautés. Pour assurer la résilience future de ces dernières, des organisations communautaires ont été mises sur pied, et leurs membres ont reçu une formation en leadership. Au moyen de subventions administrées par ces organisations et à la suite de consultations auprès des résidants, des centres communautaires ont été construits, et les routes améliorées. La Croix-Rouge canadienne contribue également à l'amélioration des conditions de santé en appuyant la rénovation et l'agrandissement de 10 hôpitaux partout dans le pays. Jusqu'ici, huit hôpitaux ont été entièrement réhabilités, et deux sont toujours en cours de réhabilitation. Cela comprend la construction d'établissements de diagnostic et de consultation externe ainsi que de quartiers pour les infirmières et les docteurs, et l'installation d'équipement médical vital tel que des réservoirs d'oxygène et des lignes de distribution.
La Croix-Rouge canadienne est déterminée à entretenir des liens à long terme avec la Croix-Rouge sri-lankaise. Nous disposons actuellement d'un budget de 74 millions de dollars canadiens pour la période allant de 2005 à 2015.
La Croix-Rouge canadienne a également à coeur d'aider la Croix-Rouge sri-lankaise à maintenir les connaissances et la capacité acquises lors des opérations à grande échelle ayant suivi le tsunami. Jusqu'ici, au nombre des importantes réalisations de notre organisme figurent la rénovation des installations des diverses directions et divisions de la société nationale, l'élaboration d'un plan stratégique pour 2005-2015 et l'amélioration des systèmes de gestion des finances et de l'information afin de faciliter la reddition de comptes et la transparence au sein de la société nationale.
Compte tenu de notre présence dans ce pays, nous sommes très conscients du caractère changeant de l'environnement sécuritaire. Durant les deux dernières années, la Croix-Rouge canadienne, aux côtés de ses partenaires du mouvement, a effectué une mise en place préalable des stocks d'urgence et préparé des plans d'urgence afin de parer aux futurs besoins humanitaires. Ces plans prévoient notamment jusqu'à 100 tentes et 1 000 bâches. Nous sommes en bonne position pour répondre rapidement aux impératifs humanitaires.
Néanmoins, à mesure que le conflit empirait à la fin de 2008 et au début de 2009, il est devenu de plus en plus difficile pour la Croix-Rouge de maintenir l'ensemble de ses interventions humanitaires. Actuellement, comme les membres du comité le savent certainement, environ 250 000 personnes sont coincées dans cette région de 250 kilomètres carrés qui est devenue le théâtre de combats intenses.
Le Comité international de la Croix-Rouge est le seul organisme d'aide internationale à être demeuré en permanence dans le Vanni au cours des quatre derniers mois, et il mène ses activités dans un environnement très dangereux. Le personnel sur le terrain rapporte que la situation humanitaire se détériore de jour en jour.
Néanmoins, lorsque l'accès le permet, le Comité international de la Croix-Rouge continue de collaborer avec la Croix-Rouge sri-lankaise pour porter secours aux personnes touchées par les combats. Ces efforts comprennent le maintien d'une présence continue à tous les points d'entrée; le suivi auprès des personnes déplacées à l'intérieur du pays qui sont en détention, comme les mineurs non accompagnés; l'apport d'une aide humanitaire; la distribution d'équipement médical et la dotation en personnel des équipes médicales, l'appui à l'équipe du ministère de la Santé; et l'évacuation des blessés de guerre. Jusqu'ici, 2 400 blessés de guerre ont été évacués.
Les personnes malades et blessées continuent d'affluer dans des régions comme Puthumatalan, où les populations locales ont aidé à mettre sur pied une équipe médicale de fortune dans un centre communautaire et une école. Le personnel médical du ministère de la Santé fait de son mieux pour composer avec l'afflux constant de gens blessés par les combats, mais les fournitures médicales ne suffisent pas à répondre aux besoins.
L'un des services essentiels de la Croix-Rouge internationale est celui de la distribution de messages aux familles. Dans le cadre de ce réseau planétaire, la Croix-Rouge canadienne et son Programme de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge aident des personnes résidant au Canada à renouer avec des membres de leur famille immédiate dont ils sont séparés à cause d'une guerre ou autre crise humanitaire.
Dans le cas du Sri Lanka, nous avons reçu des demandes de personnes au Canada qui voulaient retrouver leurs familles dans la région du Vanni. Compte tenu de la gravité de la situation actuelle, le comité international ne peut, pour le moment, mener des recherches de personnes qui sont originaires du Vanni mais qui ont quitté la région. Jusqu'à maintenant, au Canada, nous avons reçu environ 150 requêtes. Chaque personne s'informait au sujet de membres de sa famille, à raison de 4 à 26 personnes par demande.
En tant que gardien du droit humanitaire international, le Comité international de la Croix-Rouge continue de rappeler aux deux parties au conflit leurs obligations de respecter le droit international humanitaire, en insistant sur le fait que la loi exige de toutes les parties qu'elles évitent de blesser des civils, qu'elles les laissent recevoir de l'aide et qu'elles permettent aux organisations humanitaires de travailler en toute sécurité. À ce titre, les récentes déclarations du gouvernement canadien appelant au respect du droit international humanitaire ont été accueillies favorablement par la Croix-Rouge canadienne. Par ailleurs, nous apprécions le soutien financier accordé par le gouvernement canadien aux programmes d'aide humanitaire de la Croix-Rouge canadienne, ainsi qu'aux programmes du mouvement international de la Croix-Rouge.
Comme je l'ai dit au début de ma déclaration, les besoins humanitaires sont élevés et continuent de croître. Le Sri Lanka doit demeurer une priorité au chapitre de l'aide humanitaire canadienne. Il serait souhaitable que le Canada contribue davantage aux interventions humanitaires du Mouvement international de la Croix-Rouge, qui demande actuellement un montant additionnel de 19 millions de dollars pour poursuivre ses opérations là-bas.
De plus, une observation complète des dispositions du droit international humanitaire, ou DIH, est essentielle afin de garantir aux organismes humanitaires les conditions adéquates pour pouvoir répondre aux besoins essentiels, face à la souffrance grandissante. À cet égard, il serait approprié que le gouvernement du Canada réitère ses préoccupations concernant cette question et affirme clairement qu'il s'attend à ce que le DIH soit pleinement respecté.
[Français]
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre attention. Cela me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, c'est à la fois un honneur et un privilège pour notre association d’être invitée à vous faire cet exposé, et je vous en suis profondément reconnaissant.
L’ Association of Sri Lankan Graduates of Canada, l’ASGC, a été formée en 1989. C’est une organisation apolitique et sans but lucratif dirigée par des diplômés universitaires d’origine sri-lankaise qui, au cours des vingt dernières années, s’est employée à élever le calibre d’instruction et de formation professionnelle des membres de notre collectivité, et aide ceux-ci à s’intégrer au Canada.
Ayant observé les derniers événements survenus au Sri Lanka, l’association, pour la première fois, a décidé d’intervenir dans le conflit, car les membres de la communauté sri-lankaise du Canada sont touchés, de près ou de loin, par cette tragédie humaine qui se déroule dans leur mère patrie.
Au cours d’une séance d’urgence, le comité exécutif de l’association a adopté trois résolutions formant l’Annexe A ci-jointe. Ces résolutions invitent les deux belligérants à lever l'embargo sur la nourriture, les médicaments et autres articles essentiels destinés aux secteurs touchés; à mettre fin aux bombardements au hasard des zones occupées par des civils; à faire cesser immédiatement les combats et à chercher une solution permanente et durable; à laisser les ONG locales et internationales et les groupes humanitaires apporter l’aide nécessaire aux civils coincés dans les secteurs déchirés par la guerre; à autoriser les médias indépendants à se rendre dans ces secteurs; et à permettre aux civils de se déplacer librement dans les secteurs de leur choix.
Le Canada jouit d’une excellente réputation à l’échelle internationale en tant que gardien de la paix impartial dans les conflits qui font rage de par le monde. Étant donné que les membres de la diaspora tamoule originaire du Sri Lanka ont choisi en grande partie le Canada comme terre d’adoption, nous souhaitons sincèrement que le gouvernement canadien joue un rôle actif dans le dénouement de la crise sri-lankaise. Nous avons d’ailleurs fait des demandes en ce sens dans notre résolution.
Pour vous aider à mieux comprendre la crise, je vous propose un bref survol historique. À l’époque où il s’appelait le Ceylan, le Sri Lanka était divisé en trois grands royaumes, deux cingalais et un tamoul. C’était avant l’arrivée des Britanniques, qui conquirent les trois royaumes et imposèrent une seule autorité administrative. Pendant la domination britannique, des Tamouls furent déplacés de l’Inde pour travailler dans les plantations. Quand les Britanniques lui ont accordé son indépendance, en 1948, l’île était un État laïque ayant l’anglais comme langue administrative. En 1956, le cingalais est devenu la seule langue officielle du pays et les différents gouvernements majoritaires cingalais qui se sont succédé depuis ont imposé des politiques discriminatoires à l’égard des Tamouls dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la représentation politique. Chaque fois qu’un parti cingalais a tenté de corriger certaines injustices, il s'est fait rabrouer par le parti d’opposition cingalais et par les prêtres bouddhistes et a fini par abroger les pactes signés.
En 1972, le pays s’est érigé en république libre, souveraine et indépendante du Sri Lanka, et a pris un nouveau nom, Sri Lanka, en remplacement de Ceylan. Le bouddhisme ayant été proclamé la religion officielle de l’État, les hindous, les chrétiens et les musulmans devenaient des citoyens de deuxième classe. En plus de se doter d’une nouvelle constitution républicaine, de reconnaître le cingalais comme la seule langue officielle et le bouddhisme comme la religion d’État, de donner au pays le nom de Sri Lanka et d’orner son drapeau d’un lion armé d’un sabre, symbole des Cingalais, le gouvernement a favorisé l’établissement de colons cingalais dans des régions occupées traditionnellement par les Tamouls, si bien que l’on peut maintenant parler de ce pays comme d'un territoire cingalais. Des groupes armés soutenus par le gouvernement ont aussi rasé par le feu la plus grosse bibliothèque tamoule du Sri Lanka, qui contenait des oeuvres inestimables sur l’histoire des Tamouls.
Les partis tamouls ont abordé les élections de 1977 avec une seule idée en tête : créer un État tamoul distinct au Sri Lanka. Même s’ils ont remporté 95 p. 100 des sièges dans les régions tamoules traditionnelles, leurs appels sont demeurés sans réponse. C’est alors qu’a débuté le combat armé des Tamouls, qui a mené à la situation que l’on connaît maintenant. Le militantisme tamoul, qui était l’affaire de plusieurs groupes au départ, ne se manifeste plus maintenant que par la voix des Tigres de libération de l’Eelam tamoul, ou TLET.
Depuis 1956, des milliers de Tamouls ont dû assister, impuissants, à la destruction par les flammes de leur maison, au pillage de leurs commerces et à l’immolation par le feu de leurs proches. Trois grandes émeutes ont éclaté en 1958, 1977 et 1983, accompagnées de nombreuses autres de moindre envergure, forçant les Tamouls à devenir des réfugiés dans leur propre pays, tout cela parce qu’ils parlent une langue différente.
J’ai ajouté quelques détails historiques dans l’Annexe B.
Depuis 1980, la violence s’est emparée de l’île. Sentant qu’aucune solution pacifique n’était envisagée pour régler leurs griefs, des groupes de militants tamouls se sont lancés dans la guérilla, souvent avec l’appui d’une puissance voisine dans la région. Cette guérilla s’est transformée en résistance armée, financée et soutenue par cette puissance. Malheureusement, cette ingérence de l’extérieur se manifeste de diverses façons encore aujourd’hui.
Depuis 1983, même si des partis se sont fait élire avec la promesse de régler les problèmes, aucun n’est parvenu à imposer une solution réaliste. Mais les Tigres tamouls doivent partager le blâme avec les gouvernements successifs pour le statu quo qui perdure. La violence est venue des deux côtés, comme l’ont noté différentes organisations, et ce sont toujours des Tamouls innocents qui font les frais des brutalités commises de part et d’autre.
Si les actes de violence perpétrés par les TLET sont souvent dénoncés en cette ère de l'après-11 septembre 2001, ceux qui sont commandés par l’État sont souvent passés sous silence ou justifiés par la lutte contre le terrorisme. Or, l’armée sri-lankaise, avant même l’avènement des TLET, avait recouru aux méthodes les plus violentes pour réprimer même les manifestations pacifiques des Tamouls et, depuis 1958, se comportait comme une armée d’occupation en territoire tamoul. Au cours des dernières années, afin de gruger du terrain sur les Tigres tamouls, les forces gouvernementales ont bombardé aveuglément des zones densément peuplées.
En résumé, la violence est le fait des deux parties. En plus d’autoriser tacitement la brutalité employée par son armée dans les régions traditionnelles tamoules, le gouvernement cingalais en place a supprimé ou manipulé des politiciens tamouls, suspendu la liberté de presse, d’expression et d’assemblée, et interdit la présence de tiers, même d’ONG, de personnel humanitaire ou de journalistes impartiaux, dans les régions tamoules touchées par le conflit. Des rédacteurs en chef de journaux ont même été arrêtés ou abattus par balle dernièrement.
Les choses en sont au point où la communauté internationale doit intervenir. Et qu’on le veuille ou non, la majorité des Tamouls pensent que les TLET, malgré la violence qu’on leur reproche, sont le seul groupe à avoir défendu obstinément leurs droits.
Il y a bien eu d’autres groupes de militants à certaines époques, mais soit ils ont été éliminés par les TLET, soit il sont été amenés par la force ou la corruption à prendre la part du gouvernement. Nombre de Tamouls trouvent les actes des TLET justifiés, puisqu’ils pensent que sans eux, la population tamoule aurait été rayée de la carte ou aurait souffert encore plus aux mains des forces armées sri-lankaises.
Vous conviendrez avec nous qu’il faut condamner la violence, quelle qu’en soit la source, à plus forte raison si elle provient d’un gouvernement élu. Le gouvernement sri-lankais a fait le nécessaire pour museler les politiciens tamouls élus qui n’adhéraient pas à sa ligne de pensée. Dans les deux dernières années, par exemple, deux de mes anciens camarades de classe élus au Parlement sous la bannière de deux partis différents ont été assassinés pour avoir soutenu la cause des Tamouls.
Nous parlons des Tigres tamouls et du gouvernement, mais il y a un autre intervenant important dans le conflit au Sri Lanka. Il s’agit des prêtres bouddhistes, qui exercent leur autorité et leur influence sur les divers gouvernements cingalais placés à la tête du pays. Quand on regarde l’histoire et les pactes qui ont été signés avant que s’installe la violence, on s’aperçoit que ceux-ci ont toujours été abrogés à la suite de marches de protestation des prêtres bouddhistes contre les concessions prétendument excessives accordées aux Tamouls par le gouvernement.
La constitution sri-lankaise prévoit que la République du Sri Lanka doit accorder une place prépondérante au bouddhisme, et qu’il est donc du devoir de l’État de protéger et d'entretenir la foi bouddhiste. Je cite ici un article du Centre Orient-Occident, aux États-Unis:
Un des principes fondamentaux de cette idéologie nationaliste est de concevoir le Sri Lanka comme l’île des Cingalais, ces nobles protecteurs et propagateurs du bouddhisme. L’idéologie privilégie la prépondérance du bouddhisme cingalais, justifie la soumission complète des minorités et affirme que les membres d’autres communautés ethnoreligieuses doivent leur présence au Sri Lanka à la tolérance du bouddhisme cingalais.
Pas plus tard qu’en février dernier, quatre motions ont été déposées au Parlement canadien contre un projet de loi « anticonversion » présenté au Sri Lanka.
Compte tenu de tout ce qui précède, nous sommes d’avis, comme il est indiqué dans la résolution, que le Canada devrait montrer la voie et user de son influence pour amener les deux parties à trouver bientôt une solution pacifique à leur différend. Il devrait même, selon nous, songer à imposer des sanctions au besoin et à porter le dossier devant les Nations Unies. En termes simples, le Canada devrait forcer les intervenants à s’asseoir à la table de négociation pour en arriver à une solution durable. Nous pensons qu’aucun pays au monde n'est mieux placé que le Canada, ni ne jouit de la même crédibilité que lui, pour intercéder auprès des deux parties au conflit. Des milliers de Tamouls ont bravé les intempéries, au cours d’une manifestation, pour attirer l’attention des Canadiens et précipiter le dénouement de la crise. Nous croyons que le Canada représente le seul espoir d’éviter la catastrophe au Sri Lanka.
L’histoire nous a appris que, nulle part au monde, il ne peut y avoir de solution militaire à long terme à un conflit ethnique. Les TLET ne sont pas la cause, mais une conséquence du problème; et si on veut résoudre ce problème, il faudra s’attaquer à sa cause profonde. Maintenant, si notre association ne peut se prononcer sur le genre de solution qui serait acceptable, au bout de presque 61 ans de souffrances, nous pouvons certes exprimer nos sentiments. Toute solution, selon nous, devra être acceptable pour les Tamouls et prendre essentiellement pour modèle le fédéralisme canadien où des pouvoirs sont dévolus aux provinces.
Pour l’instant, notre principal souci est d'assister à la fin des combats et de voir les ONG comme nos amis ici présents, et d’autres organismes, dont tous les médias, obtenir un accès à tous les secteurs. Nous aurons certainement besoin de l’aide de toutes les ONG, puisque sans elles, nos compatriotes n’auraient pas survécu si longtemps. Lorsque les conditions seront favorables au Sri Lanka, ces organisations et d’autres organismes internationaux pourront aider à faire de ce pays un État prospère et paisible.
En conclusion, nous prions le gouvernement canadien de faire tout en son pouvoir pour ramener la paix sur cette île connue comme la perle de l’océan Indien.
Merci.
:
Oui, c'est le cas. L'article 9 de la constitution du Sri Lanka stipule mot pour mot ce que vient de lire notre président. C'est la responsabilité de l'État de protéger et d'entretenir la foi bouddhiste. C'est défini très nettement, même maintenant, dans la constitution.
Je pense que c'est l'un des problèmes qui n'ont pas été mis en lumière. En 1957, 1965 et 1972, alors que le processus de paix suivait son cours, chaque fois que les politiciens se sont rendu compte qu'ils faisaient erreur et tentaient de négocier un règlement avec les partis tamouls, le parti d'opposition, de concert avec les prêtres bouddhistes, s'est mis à protester, et on a dû abroger le pacte. Le premier ministre, M. S.W.R.D. Bandaranaike, qui avait présenté la seule loi uniquement cingalaise en 1956, avait en fait signé le pacte avec le leader tamoul de l'époque, Chelvanayakam. Néanmoins, lorsque les prêtres bouddhistes ont marché jusqu'à sa maison, il a apporté le pacte à l'extérieur et l'a déchiré sous leurs yeux. Et c'est ainsi qu'en 1957, pour la toute première fois, le processus de paix prenait fin sur-le-champ. Certes, encore aujourd'hui, l'État doit d'abord et avant tout protéger la foi bouddhiste. Bien entendu, on accorde des droits égaux à tout le reste de la population, mais une fois qu'on donne à l'État la responsabilité de protéger le bouddhisme et ses pratiquants, tous les autres viennent en deuxième.
Dans ce processus, et même durant cette difficile période en février, on a présenté au Parlement un projet de loi appelé « anti-conversion ». Si l'on tente, consciemment ou non, de convertir quelqu'un à une autre religion — cette pratique a principalement lieu à l'encontre des missionnaires qui oeuvrent dans le Sud — on aura droit à sept ans de prison ou à une amende de 50 000 roupies sri lankaises. Je pense qu'on a soulevé le problème au Parlement canadien. On en a avisé le haut-commissaire au Sri Lanka, je crois, et pour une raison ou pour une autre, la question a été mise de côté là-bas. Ce projet de loi a déjà fait l'objet de trois lectures.
Oui, c'est l'un des problèmes.
Et merci à vous deux pour votre présence.
D'après ce que nous pouvons constater, il y a deux crises qui font rage simultanément. Une d'elles est la crise humanitaire attribuable à la guerre civile, une situation qui inquiète énormément le Canada, et qui nous amène à nous demander — et peut-être que les gens de la Croix-Rouge pourront nous répondre à ce sujet — dans quelle mesure l'aide peut être dispensée rapidement. Le Canada a réclamé un cessez-le-feu pour permettre l'accès à l'aide humanitaire. C'est donc un aspect très important à l'heure actuelle avec le conflit qui perdure. C'est notre préoccupation à court terme.
Je dois dire que les gens de la Croix-Rouge font du bon travail. Selon moi, les membres de la communauté tamoule ne devraient pas se préoccuper de la recherche d'une solution politique à ce moment-ci, mais s'assurer avant tout que les médicaments et toute l'aide requise puissent se rendre rapidement aux gens qui sont touchés par ce conflit. C'est l'élément qui prime à l'heure où l'on se parle.
Je n'ai pas vraiment de question à ce sujet. Je sais que la Croix-Rouge fait valoir qu'il lui faut plus d'argent — bien évidemment, il nous en faut toujours plus — mais je crois que de concert avec nos alliés, nous saurons faire le nécessaire pour avoir accès à ces personnes et pour que le Programme alimentaire mondial y ait également accès. Je tiens donc à profiter de l'occasion pour féliciter votre organisation et tous ses membres pour le travail formidable que vous accomplissez dans cette situation.
Dans un deuxième temps — et j'aimerais savoir ce que vous en pensez — une solution politique devra sans l'ombre d'un doute être apportée. Vous nous avez parlé de la genèse du conflit, mais oublions le passé. L'histoire de ce pays est entachée d'erreurs et personne n'est vraiment sans faute. Mais considérons plutôt la situation actuelle. Il ne fait aucun doute que les Tigres tamouls se sont établis en tant qu'organisation terroriste en raison des tactiques qu'ils ont employées pour créer un nouvel état et donner une voix à la population tamoule. Nous ne pouvons être d'accord avec leur approche en raison de la façon dont ils ont procédé — attentats suicides, tueries de civils et agissements semblables.
J'aimerais demander aux représentants de la communauté tamoule ici présents comment ils comptent s'y prendre pour exercer des pressions en vue d'une solution politique de telle sorte que le gouvernement du Sri Lanka et les leaders tamouls reprennent les pourparlers. J'estime que les TLET ne disposent plus du capital politique nécessaire pour représenter la communauté tamoule. L'occasion est belle pour une nouvelle génération de leaders émergeant de cette communauté qui pourraient interpeller le gouvernement sri-lankais en faisant valoir que le moment est venu d'en arriver à un règlement pacifique du conflit. Ils n'auraient pas à s'encombrer des bagages du passé que les Tigres tamouls, notamment, transportent encore avec eux. J'aimerais savoir si les membres de la communauté tamoule au Canada discutent entre eux pour voir comment ils pourraient profiter de l'occasion en proposant une solution nouvelle. Oubliez les legs du passé. Je veux que vous me disiez si les tamouls canadiens ont quelque chose à proposer pour régler ce différend.
Vous venez tout juste de nous indiquer que la solution doit être acceptable pour les tamouls. Il y a deux parties en cause, le gouvernement sri-lankais et les Cingalais, ainsi que les musulmans et tous les autres. Une occasion se présente et je veux savoir si vous comptez en tirer parti.
Je dois vous dire que c'est un grand honneur pour moi d'être invité à prendre la parole devant ce comité. Je tiens à préciser dès le départ que je parle aujourd'hui en mon nom personnel et en ma qualité de professeur. Mes commentaires ne traduisent d'aucune manière les politiques ou les vues des différentes organisations auxquelles je suis affilié — c'est la mise en garde habituelle — notamment en tant que membre du conseil d'administration de Droits et Démocratie et président des Canadian Friends of Sri Lanka. Alors, c'est seulement moi qui s'adresse à vous aujourd'hui.
Il serait peut-être bon de prendre un instant pour donner un aperçu de la genèse de la situation actuelle. J'utiliserai ensuite le reste du temps à ma disposition pour exposer quelques pistes de solution.
J'aimerais vous fournir quelques indications sur le contexte politique et historique — un des témoins précédents vous a donné des informations à ce sujet, mais je veux vous présenter mon propre point de vue. Deux éléments particuliers de la longue histoire du Sri Lanka pourraient vous aider à mieux comprendre où nous en sommes rendus aujourd'hui.
Je sais que certains d'entre vous connaissez très bien le Sri Lanka. J'aimerais exposer ma propre interprétation du contexte politico-historique en m'inspirant d'une très vaste expérience de l'Asie du Sud. Il pourrait être utile de synthétiser deux aspects importants du conflit qui touche actuellement le Sri Lanka.
Il y a tout d'abord ce que j'appelle le double complexe de minorité. Cette magnifique petite île que certains d'entre vous ont eu le plaisir de visiter ne compte que 20 millions d'habitants, mais est divisée en de nombreuses communautés. Comme vous le savez, la majorité cingalaise forme environ 74 p. 100 de la population. Elle est principalement, mais pas exclusivement, de religion bouddhiste, alors que les Tamouls sri-lankais forment environ 12 p. 100 de la population du pays et sont pour la plupart de religion hindoue. Il y a une autre tranche de 7 p. 100 formée par ceux qu'on appelle les Tamouls indiens que l'on a fait venir sur l'île par la suite pour travailler dans les plantations de thé.
La division entre bouddhistes et hindous, entre Tamouls et Cingalais, doit absolument être prise en compte pour bien comprendre le conflit. Les deux populations habitent l'île depuis l'antiquité. La population cingalaise, majoritaire sur l'île, s'identifie fortement à la religion bouddhiste, comme on vous l'a indiqué tout à l'heure. Les Cingalais se perçoivent comme une minorité dans la grande région de l'Asie du Sud. Ils se voient comme des Cingalais au coeur d'une mer tamoule, car il suffit de traverser le détroit de Palk, cette très étroite bande d'eau qui sépare le Sri Lanka de l'Inde, pour se retrouver dans l'État indien du Tamil Nadu. On y retrouve maintenant près de 70 millions de Tamouls. C'est donc une présence bien sentie pour la population cingalaise. Pour sa part, la population tamoule du Sri Lanka se voit à juste titre comme une minorité sur l'île, ce qui nous permet d'affirmer que les deux communautés souffrent d'un complexe de minorité. Elles ressentent la nécessité de défendre leurs droits collectifs et se comportent en conséquence. Je crois que les causes sous-jacentes de la situation actuelle puisent en grande partie leur origine dans cette perception de menace.
Pour le second aspect historique sur lequel je souhaiterais attirer brièvement votre attention, je parlerais de mouvement anticolonialiste à retardement. Le Sri Lanka a accédé tout doucement à l'indépendance en 1948 sans qu'il n'y ait d'action anticolonialiste de masse ni de manifestation nationaliste comme on a pu en voir, par exemple, dans le cas de l'Inde et d'autres anciennes colonies du monde.
Il y avait toutefois de la turbulence sous cette surface en apparence calme. Au fil de la présence prolongée des Britanniques, les deux principales communautés de l'île, que ce soit en raison des intentions colonialistes britanniques de diviser pour régner ou peut-être par pure commodité, ont réagi très différemment au règne britannique. La talentueuse minorité tamoule s'est mise très rapidement à l'apprentissage de l'anglais de manière à profiter de toutes les avenues qui s'ouvraient grâce à la présence britannique sous le régime colonial. Il va de soi que la majorité cingalaise voyait le tout d'un mauvais oeil.
En 1956, soit plusieurs années après l'accession à l'indépendance, un politicien s'est dissocié du parti au pouvoir, de ce qu'on aurait pu appeler un parti de « gentilshommes » qui était aux commandes depuis un bon moment. Il s'agit de S.W.R.D. Bandaranaike, dont on vous a parlé tout à l'heure. Il a formé son propre parti et a pris le pouvoir en misant sur le nationaliste bouddhiste et la supériorité de la langue cingalaise.
Son gouvernement a ensuite pris toutes ces mesures dont vous avez un peu entendu parler. Il a imposé différentes conditions qui favorisaient la majorité au détriment de ce qu'il considérait être une minorité privilégiée. Il croyait ainsi redresser les torts causés lors de la période coloniale.
Sous l'effet du double complexe de minorité, chacune des communautés a produit des leaders pour défendre ses intérêts. Nous constatons aujourd'hui les résultats à long terme de ces antécédents politiques: un mouvement de défense de la population tamoule pour surmonter la discrimination, un mouvement qui a maintenant renoncé aux moyens modérés et constitutionnels pour adopter une approche séparatiste et terroriste fondée sur la violence sous l'égide des Tigres tamouls.
Pour sa part, le gouvernement du Sri Lanka a réagi au nom de l'ensemble des communautés pour préserver l'unité de l'île. Il a utilisé pour ce faire des moyens qui l'ont exposé à la critique, ce qui est le cas partout dans le monde lorsqu'un gouvernement se livre à une guerre asymétrique.
Vous connaissez tous les résultats de leur longue guerre civile, l'échec des pourparlers de paix, les nombreux décès qui ont mené à la solution militaire finale, et la catastrophe humanitaire dont vous avez déjà entendu parler aujourd'hui, notamment par la représentante de la Croix-Rouge.
Il convient maintenant de se demander ce qu'il est possible de faire. Quel rôle le Canada peut-il jouer pour dénouer la crise politique et humanitaire actuelle?
Tout le monde convient qu'il devrait y avoir un cessez-le-feu, des secours humanitaires immédiats pour la population civile touchée et un retour des belligérants à la table de négociation. L'objectif est d'en arriver à une solution politique équitable et d'application obligatoire fondée sur une formule de partage des pouvoirs. Plusieurs obstacles se dressent toutefois devant la concrétisation de ce consensus global. Ces obstacles découlent principalement du double complexe de minorité dont je vous ai parlé — de ce sentiment mutuel d'être victime de discrimination de la part de la majorité — et s'articulent tout particulièrement autour des personnalités, des tactiques et des intérêts qui entrent en jeu au Sri Lanka comme à l'étranger.
Comme je dispose de peu de temps, je vais passer directement à quelques hypothèses, puis à quelques recommandations pour l'avenir à court et à long terme du Sri Lanka.
Voici mes hypothèses concernant la situation à court terme.
Premièrement, une solution militaire, assortie d'une dimension territoriale, pourrait donner des résultats à court terme. Autrement dit, on s'approche peut-être de l'issue finale quant au territoire occupé par les Tigres tamouls. Si l'on réussit à les extirper de leur dernier enclave, il y aura sans doute des répercussions et des possibilités qui se présenteront.
Nous reconnaissons que la situation humanitaire risque de se détériorer à court terme, mais que les choses devraient pouvoir s'améliorer par la suite. Tout le monde sait que les Tigres tamouls ont forcé des populations civiles à se retrancher avec eux lorsqu'ils devaient céder des territoires pour ensuite empêcher ces gens de s'enfuir vers des endroits plus sûrs. Pour leur part, les forces gouvernementales sont accusées de bombardements contre des civils, et ce même dans des zones protégées qui leur ont été réservées.
À court terme, un cessez-le-feu ou une victoire militaire offrira la possibilité d'offrir des secours humanitaires immédiats. Le Canada fait partie des pays qui se sont déjà engagés à offrir cette aide. Il y aura tout lieu de s'en réjouir le cas échéant, mais il ne faudrait pas considérer que tout sera réglé.
Voici ma deuxième hypothèse. La reprise de la dernière enclave territoriale aux mains des Tigres tamouls ne mettra pas fin à la violence en cours au Sri Lanka. Les TLET forment l'un des groupes terroristes les plus résilients et les mieux organisés au monde. Ce sont notamment eux qui ont été les précurseurs des attentats suicides et qui ont malheureusement fait des bombes artisanales un produit d'exportation; ils ont fait subir d'importants dégâts à une force militaire indienne bien nantie; et ils ont combattu sans relâche le gouvernement sri-lankais jusqu'à paralyser le pays, tout au moins jusqu'à la scission interne de 2004. Il semblerait que le groupe soit beaucoup mieux organisé au sein de ces différentes diasporas étrangères que toute entité similaire. Il faut donc prévoir un retour de la guerre asymétrique au Sri Lanka, avec toutes les victimes que cela entraîne.
Voici maintenant la troisième hypothèse. Une solution politique est peu probable sous la direction du leader charismatique des Tigres tamouls, Velupillai Prabhakaran. Comme le notait récemment le très respecté International Crisis Group, le leadership des Tigres tamouls, qui est devenu davantage un culte qu'une force rationnelle de guérilla, s'opposera fermement à toute forme de reddition. On n' a malheureusement jamais eu aucun signe tangible d'une possibilité que la direction du groupe en vienne à accepter une solution autre que l'indépendance totale. Il semblerait bien que cette situation ne risque pas de changer tant que le charismatique M. Prabhakaran demeurera aux commandes des Tigres tamouls.
Enfin, la quatrième hypothèse est qu'il est essentiel à des fins stratégiques de dissocier clairement le soutien offert à la population tamoule de celui consenti à l'organisation qui prétend parler en leur nom. La tendance à brouiller cette distinction, de façon peut-être délibérément encouragée, fait obstacle à l'établissement d'une orientation stratégique claire.
Sur la base de ces hypothèses, j'aimerais soumettre les recommandations suivantes aux membres du comité. Elles vont des interventions requises de toute urgence jusqu'aux considérations à plus long terme. Elles traitent des aspects humanitaires, politiques et développementaux de la situation. En outre, elles sont suggérées en tenant compte du fait que l'étude d'aujourd'hui sur le Sri Lanka s'inscrit dans un vaste processus d'examen de la politique étrangère canadienne que mène votre comité.
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Désolé. Je croyais avoir mieux planifié le temps à ma disposition, mais il faut dire que l'on ma demandé de parler lentement pour faciliter la tâche aux interprètes. C'est ce que j'ai fait, mais maintenant je vais accélérer un peu.
Mes excuses aux interprètes et aux membres du comité.
Ma première recommandation est d'ordre humanitaire. Un membre du comité y a déjà fait allusion. Il faut effectivement que le soutien du FMI au gouvernement du Sri Lanka soit assorti de conditions, mais celles que je propose sont différentes de ce qui a déjà été mentionné ici. Le Canada a maintenant la possibilité de faire pression sur le gouvernement sri-lankais en faveur d'un cessez-le-feu humanitaire. L'administration sri-lankaise a besoin immédiatement de l'aide demandée. On peut s'en servir à la fois comme de la carotte et du bâton.
Comme je l'ai laissé entendre, l'aide offerte pourrait s'accompagner d'efforts pour le soutien de la population tamoule, que l'on dissocierait du soutien aux Tigres tamouls. Je crois qu'il y a là une possibilité qui s'ouvre pour le Canada. La plus grande partie de l'aide financière demandée doit appuyer les efforts de reconstruction dans le Nord du pays. Nous pouvons agir en montrant de façon concrète sur le terrain que les fonds ne sont destinés à aucune des deux parties belligérantes, mais vont servir à la population tamoule. Cette aide viendra s'ajouter au montant spécial de 3 millions de dollars ainsi qu'aux engagements pris antérieurement par le Canada à la suite du tsunami.
À ce sujet, je concluerais en disant que le Sri Lanka peut être un bon exemple du rôle bénéfique que peut jouer le soutien humanitaire dans des situations de transition ou d'après-conflit.
Ma deuxième recommandation est d'ordre politique. Le soutien régional et multilatéral offert par le Canada est nécessaire aux fins de la transition. Avons-nous des plans de transformation politique à long terme au Sri Lanka à l'issue de cette crise humanitaire? De toute évidence, la solution à long terme s'inscrit dans la droite ligne de nos engagements antérieurs, auxquels l'un des membres a beaucoup contribué, en faveur du partage des pouvoirs et de mesures d'accommodement. Mais nous n'arriverons pas à nous seuls à créer les conditions nécessaires. Il faudra que la communauté internationale conjugue ses efforts sur différents aspects de telle sorte qu'une intervention concertée puisse mener à une formule d'accommodement et de partage des pouvoirs. Je crois que le Canada pourrait agir comme chef de file dans le cadre d'une démarche internationale en ce sens.
Enfin, j'estime que le redéveloppement équitable est possible dans ce dossier. Cela exigera une approche pangouvernementale qui diffère de notre façon actuelle de procéder. D'une manière générale, le Sri Lanka peut servir d'exemple pour l'application d'une stratégie différente, fondée sur les programmes, parce qu'il y a encore à régler dans ce pays des conflits et des problèmes d'égalité et de dignité.
Si nous voulons jouer un rôle significatif dans les situations de transition faisant suite au conflit, il y a des possibilités qui s'offrent à nous. Nous avons besoin d'un ensemble intégré de mesures pour pouvoir agir de façon appropriée. Certains disent que c'est une occasion que nous ne devrions pas manquer. Des conjonctures comme celles qui prévalent au Sri Lanka et au Pakistan sont autant de possibilités pour le Canada de concevoir un train de mesures efficaces et d'assumer pleinement son rôle au sein d'un environnement mondial en pleine évolution. Cette crise est donc l'occasion de concevoir et de mettre en oeuvre un programme adapté à la situation sri-lankaise.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais m'efforcer d'être bref. Je crois que je serai plus utile en répondant aux questions des membres du comité.
J'ai un peu honte de vous avouer que ma relation avec le Sri Lanka remonte à près de 29 ans. Je m'y suis rendu pour la première fois en 1980. Bien des choses se sont produites depuis.
Je suis actuellement professeur en études de conflits à l'Université Saint-Paul. Au cours des 15 dernières années, j'ai fait la navette entre le Sri Lanka et le Canada et, depuis cinq ans, j'y vais probablement trois ou quatre fois par année. Je fais ces voyages aux fins de différents types de recherches sur les politiques. Je travaille avec diverses organisations de développement international, ainsi qu'avec des organismes bilatéraux.
Je serai donc bref.
Nul besoin pour moi de vous répéter certains des excellents comptes rendus qui ont été faits de la situation au Sri Lanka. Je vais me contenter de vous inviter à consulter différents rapports dont j'ai pris connaissance au cours des six derniers mois. Il y a d'abord le rapport de Human Rights Watch intitulé War on the Displaced, un document très détaillé et empirique qui débouche sur un ensemble fort utile de recommandations méritant, à mon avis, toute notre attention.
Si cela n'est pas déjà fait, je vous incite également à lire deux documents émanant du Conseil des droits de l'homme. Il y a premièrement le rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui a été rendu public en février 2008. Le rapport de Human Rights Watch a été publié plus récemment, soit en février 2009. Le dernier document officiel auquel je vous renvoie est le rapport du représentant spécial du Secrétaire général pour les droits humains et les déplacés.
Après avoir entendu les témoignages des représentants de la Croix-Rouge, j'estime que vous devriez avoir maintenant une idée assez nette de la situation actuelle sur le terrain. Tout cela est très clair.
Je vais commencer par vous esquisser le contexte, comme je le vois actuellement, quant aux efforts déployés par le Canada et d'autres intervenants internationaux en vue d'améliorer les choses sur le terrain aux fins de la protection des civils et de la sauvegarde et de la promotion des droits de la personne.
Je dois d'abord vous dire que je n'ai jamais vu la situation s'aggraver à ce point au Sri Lanka au cours des 29 dernières années pour ce qui est du nombre de disparitions, des abus systématiques à l'encontre des droits de la personne et de la rage que nourrit le régime à l'endroit de la communauté internationale. Nous voyons des spécialistes du développement faisant partie d'organisations internationales qui sont expulsés du pays; nous voyons des ONG internationales accusées injustement de sympathiser avec les Tigres tamouls; nous voyons des travailleurs des ONG être tués sur le terrain; et nous voyons assurément l'accès à certaines régions du nord et de l'est qui est bloqué aux médias et à l'aide humanitaire.
L'un des facteurs contextuels très importants que nous devons garder à l'esprit dans notre réflexion sur les différents rôles que le Canada pourrait jouer au Sri Lanka est un phénomène que j'ai commencé à observer là-bas au cours des deux dernières années. J'ai en effet pu constater que l'aide publique au développement n'a plus l'influence politique qu'elle exerçait autrefois. Il fut un temps où l'aide au développement en provenance de l'étranger pouvait être assortie de conditions en vue de jouer un rôle incitatif ou contre-incitatif auprès des décideurs sri-lankais, comme nous avons pu l'observer lors du changement de politique intervenu en 1990.
Nous voyons plutôt maintenant un régime qui ne se préoccupe pas de l'aide internationale au développement ou qui y accorde moins d'importance, car il voit des ressources beaucoup plus considérables être rapatriées au pays. Il y a également des investissements en provenance de l'Asie de l'Est, à un point tel que l'aide étrangère n'a plus l'influence qu'elle a déjà eue.
M. Tepper a proposé que l'on dissocie l'aide au développement qui est versée pour s'assurer qu'elle va directement aux Tamouls. C'est une excellente idée. En fait, il faudrait examiner toute l'aide au développement qui est allouée au Sri Lanka afin de voir si elle contribue, ou non, à rassembler les communautés ou à les éloigner l'une de l'autre.
Il y a 25 ans, nous parlions de l'impact qu'un projet pourrait avoir sur l'environnement ou sur les relations hommes-femmes. Aujourd'hui, nous parlons des diverses façons dont l'aide au développement à l'étranger, l'aide accordée aux victimes du tsunami, a contribué de manière directe à renforcer les capacités de combat des deux camps. Toutefois, nous n'avons pas les moyens, ou nous commençons à peine à les élaborer, d'évaluer l'efficacité de l'aide au développement que nous accordons dans un contexte de paix et de guerre. Il est donc essentiel que nous examinions non seulement le rôle ouvertement politique que pourrait jouer le Canada au Sri Lanka, mais également la façon dont l'aide humanitaire et l'aide au développement pourraient mener à un rapprochement entre les communautés. J'ai plusieurs exemples à vous fournir dans le cas du Sri Lanka, mais je vais m'arrêter ici pour que les membres du comité puissent poser des questions.
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Merci beaucoup pour cette analyse. Les renseignements que j'ai recueillis cadrent, à toutes fins pratiques, avec ce que vous dites.
Vos commentaires, vos propos, sont pertinents. Les défis sont énormes, trop nombreux et très sérieux. Toutefois, la communauté internationale est fatiguée de cette guerre sans fin. Même l'Inde, j'en suis sûr, en a assez de cette constante apparition de crises humanitaires.
Il existe, au Canada, une forte communauté ou diaspora tamoule. C'est la plus importante, si je ne m'abuse, en dehors du Sri Lanka et de l'Inde. Concernant le rôle de cette diaspora, pour revenir à ma dernière question, il y a de nouveaux joueurs qui se manifestent. Les TLET sont, probablement, sur leur déclin. Ils ont un passé trop lourd. Je ne conteste pas ce que le dernier intervenant a dit, à savoir qu'ils n'ont plus d'influence et que si la situation politique ne s'améliore pas, quelqu'un d'autre va les remplacer.
Il faut résoudre le problème politique. Autrement, quelqu'un d'autre va prendre la place des TLET et poursuivre le combat. La communauté jeune et dynamique qui vit à l'extérieur du Sri Lanka a un rôle majeur, déterminant à jouer. Plusieurs ont évoqué l'idée de transplanter le système fédéraliste canadien là-bas. Vous en avez fait allusion.
Il est vrai que le gouvernement sri-lankais actuel est un tenant de la ligne dure, ce qui n'était pas le cas du gouvernement antérieur. Je ne sais pas pourquoi il agit ainsi, mais la communauté internationale doit exercer des pressions sur lui, que ce soit par l'entremise de l'APD ou par un autre moyen. Cela dit, nous devons, collectivement parlant, utiliser la diaspora. Nous devons solliciter sa participation, mais nous devons trouver une approche nouvelle. Nous devons agir sans délai. Je pense que vous avez dit quelques mots à ce sujet
La question que je voudrais vous poser, et que j'ai posée à la communauté tamoule, est la suivante: la communauté a-t-elle entrepris un débat sur les objectifs à atteindre, la quasi-disparition des TLET, la ligne dure adoptée par le gouvernement, la marche à suivre?
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Le député sait que j'ai réalisé quelques études — il y a plusieurs années de cela — sur le rôle de la diaspora au Canada. Comment faire en sorte que ces gens venus de partout deviennent un atout pour le Canada est une question beaucoup plus large. Pour ce qui est des conflits, Ken Bush a parlé du fait que les diasporas remplissent souvent un rôle négatif. Elles ont tendance à se croire supérieures aux autres, à avoir une vision dépassée de leur pays. Les jeunes à l'étranger qui se cherchent un objectif se font continuellement recruter, une fois qu'ils ont atteint la majorité, pour défendre les causes chères au peuple, même s'ils font maintenant partie de la troisième génération. Les diasporas ont peut-être un rôle à jouer, mais il faut aborder ce rôle de manière « prudente ».
Permettez-moi de vous raconter quelques histoires, parce que c'est tout ce que nous avons. Je me suis fait un devoir, à Jaffna, de réaliser des entrevues. Il y avait, à l'époque, un gouvernement d'interrègne. Ils exerçaient un contrôle sur lui. Des Tigres tamouls connus parcouraient les rues. Des Tamouls m'ont dit, alors que j'étais sur place, et d'autres personnes ici m'ont fait le même commentaire, récemment, quand Amnistie internationale a organisé une conférence sur le Sri Lanka, et on m'a répété la même chose presque 10 ans plus tard, à la fois là-bas et ici, « Aidez-nous. Donnez-nous ce que nous vous demandons. Donnez-nous les pouvoirs dont nous avons besoin. Nous allons nous débarrasser des Tigres. » J'ai entendu ces paroles alors qu'il était dangereux de les prononcer. Je les ai entendues d'un rédacteur en chef, à Jaffna, et encore ici, récemment, dans la rue et dans une salle de conférence, à Ottawa.
Encore une fois, peu importe ce que la diaspora au Canada peut penser, la population sri-lankaise en a assez de cette guerre, comme vous l'avez mentionné. Nous voulons nous aussi qu'elle prenne fin.
Concernant le redéveloppement équitable, si le Canada peut jouer un rôle à cet égard, indiquer aux parties concernées... et elles sont nombreuses. Nous n'avons même pas parlé des Moors et des Burghers. Si nous sommes en mesure de leur dire: « Le Canada a une solution à proposer, et nous sommes prêts à vous aider », et que nous arrivons ensuite à trouver une façon de les appuyer, nous trouverons peut-être, parmi cette diaspora, l'équivalent d'un corps des volontaires de la paix, d'un corps de reconstruction. Qui sait ce que l'avenir nous réserve si nous arrivons à passer d'un cycle négatif à un cycle positif?
Voilà où nous en sommes à l'heure actuelle. Voilà l'occasion et le défi qui s'offrent à nous.
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Vous posez là une excellente question qui n'est pas aussi théorique qu'elle en a l'air à première vue. Nous sommes ici dans le domaine de la sociologie politique, domaine qui consiste à voir comment certains traits d'identité, comme la religion, la langue, l'ethnicité, deviennent politisés au fil du temps.
Ce qui est intéressant, c'est que les tensions qui ont marqué la période coloniale britannique au début du siècle dernier étaient le fait d'émeutes musulmanes. Il y avait des tensions entre les chrétiens et les musulmans, mais pas vraiment avec les bouddhistes. Il s'agissait surtout de tensions à caractère religieux.
Après l'indépendance en 1948, comme M. Tepper l'a mentionné, nous avons assisté à la politisation de l'ethnicité, parce qu'il était politiquement utile, pour un parti, de mobiliser les votes en évoquant l'argument de l'identité, une notion qui, bien entendu, n'existe pas au Canada. Pour ce qui est des leçons qu'il faudrait tirer de la période coloniale britannique et de la période d'indépendance, je mentionnerais la politisation, par l'État, de certains traits identitaires. Lorsque des fonds publics sont alloués en fonction de la religion, de la langue, de la couleur ou d'un autre facteur, les groupes commencent à se diviser le long de ces lignes.
Quel impact cette façon de procéder a-t-elle sur la résolution et la gestion des conflits, le processus de transformation? Qualifier le Sri Lanka de « conflit identitaire » est inapproprié. Il n'y a rien dans le bouddhisme, et nous pouvons en discuter, qui mène forcément au conflit. Ce qui est important, c'est que les allégeances politiques ont été définies. Il existe de nombreux exemples qui montrent que les incitatifs — économiques, communs, qui portent sur la santé des enfants — au sein de différentes communautés rivales peuvent contribuer à les rassembler. Si nous arrivons à trouver des moyens d'accroître les incitatifs qui, d'une part, encouragent la collaboration et la communication et, d'autre part, découragent les conflits, nous allons être sur la bonne voie, que ces incitatifs se présentent sous forme d'investissements économiques ou sociaux.