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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je profite de la générosité de notre collègue, qui nous a offert de prendre la parole en premier, car un pépin informatique l'oblige à préparer ses notes de mémoire et à la main.
Développement et Paix est l'organisme officiel de développement international de l'Église catholique au Canada. Fondé en 1967 par les évêques catholiques, l'organisme a deux missions. L'une est d'appuyer des projets visant à contrer la pauvreté dans les pays du Sud. L'autre est de conscientiser la population canadienne aux problèmes liés au développement. Notre organisation compte environ 13 000 membres d'un bout à l'autre du Canada. Nous sommes présents dans 33 pays, et nous avons conclu quelque 200 partenariats dans toutes les grandes régions continentales: l'Amérique latine, l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient.
Je veux vous parler aujourd'hui de notre campagne d'éducation et de sensibilisation du public qui est axée sur les industries extractives, et qui appuie particulièrement le projet de loi .
Nous menons chaque année une campagne thématique mettant l'accent sur une problématique bien particulière en matière de développement. Notre campagne s'appuie sur plusieurs principes clés qui reflètent les valeurs de l'organisation, dans l'intention de sensibiliser le public aux enjeux liés à l'extraction et à la gestion des ressources. Parmi les principes qui guident cette campagne, notons la reconnaissance du caractère sacré de la terre, ainsi que la nécessité de partager les ressources dans la paix et de façon durable afin de servir le bien commun et de respecter les droits de la personne, et de donner aux gens un droit de regard sur les décisions qui auront des répercussions sur leur vie et leurs collectivités.
Nous sommes intervenus à cet égard à différentes occasions dans le passé. Depuis quelques années, nous gardons l'oeil sur les gestes posés par les entreprises minières canadiennes dans l'hémisphère sud, et nous insistons pour que les entreprises minières mènent leurs activités de façon responsable au point de vue social et environnemental. Nous croyons fermement que le projet de loi C-300 doit être adopté si on veut avoir la certitude que les entreprises minières canadiennes respectent l'engagement du Canada envers les normes internationales relatives aux droits de la personne et aux lois environnementales. Bien que le projet de loi ne reprenne pas toutes les mesures recommandées dans le rapport final des tables rondes nationales, présenté en mars 2007, il demeure l'outil le plus solide proposé à ce jour pour remédier aux problèmes ciblés par le processus. Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'un pas nécessaire dans la bonne direction.
Comme vous l'avez entendu lors des témoignages précédents, le Canada est un joueur de taille dans l'industrie extractive internationale, et il investit beaucoup à l'étranger. C'est à la Bourse de Toronto qu'on retrouve le plus grand nombre de sociétés minières émettrices au monde. En 2008, 60 p. 100 des sociétés minières et des sociétés d'exploration cotées en bourse étaient canadiennes.
La plupart des entreprises minières canadiennes agissent de façon responsable. Ces compagnies ne contribuent pas seulement à la prospérité du pays, elles créent aussi des emplois et procurent des occasions d'affaires et d'autres avantages pour des collectivités locales à l'étranger. Malheureusement, d'autres entreprises se soucient peu ou pas du tout des répercussions de leurs activités sur les conditions de vie des populations du Sud. Il existe des cas documentés de négligence flagrante dont ont fait preuve des entreprises canadiennes établies dans différents pays; d'autres témoins vous en ont d'ailleurs parlé, notamment , le 25 mai, et Mines Alerte Canada, le 8 octobre.
Développement et Paix ne s'oppose pas aux industries minières et extractives, mais nous voulons que ces industries aient des comptes à rendre. Il faut mettre en place un mécanisme de recours — un outil ouvert, démocratique et juste — pour que les compagnies qui ne respectent pas des normes comportementales précises et nécessaires, même après avoir eu toutes les occasions possibles de le faire, subissent les conséquences de leurs actes. À notre avis, les risques, les dangers et les effets polluants élevés de cette industrie doivent s'accompagner de normes sévères en matière d'attention, de responsabilité et de reddition de comptes, et le cadre législatif du Canada doit prévoir des dispositions à cet effet.
Je suis ici aujourd'hui pour parler au nom de nos membres et pour représenter nos nombreux partenaires des pays en développement qui seraient en faveur de ce projet de loi. Il n'y a pas que les Canadiens qui réclament davantage de dispositions législatives et de mécanismes légaux pour veiller à ce que les entreprises minières soient tenues responsables de leurs gestes dans l'hémisphère sud. Nos partenaires des pays dans lesquels nous travaillons nous font souvent part de leurs préoccupations à l'égard de la responsabilité des sociétés d'extraction canadiennes. Je vais vous donner quelques exemples.
En 2008, à Cerro de Pasco, un centre minier des hautes terres du Pérou, où Développement et Paix travaille depuis presque 25 ans, un groupe local a téléchargé les documents dont on se sert dans le cadre de notre campagne de sensibilisation. Il les a traduits en espagnol, les a imprimés, et a recueilli plus de 3 500 cartes d'intervention signées; le groupe a aussi organisé des spectacles dans la rue, des séminaires publics et des activités d'intervention concernant les exploitations minières dans leurs collectivités.
La même année, 4 400 résidants de Canatuan, une collectivité du sud des Philippines touchée par les activités de la compagnie minière canadienne TVI, ont signé nos cartes postales et ont insisté pour que l'on continue à faire pression sur notre gouvernement, afin que ce dernier nomme un ombudsman pour surveiller les activités des entreprises minières canadiennes à l'étranger.
Au Honduras, la mine Entre Mares, une filiale de Goldcorp, utilise du cyanure pour extraire de l'or de la mine. Ce processus est moins coûteux pour l'entreprise, mais c'est la population locale qui en paye le prix véritable. Le processus a en effet entraîné l'assèchement de 14 ruisseaux et rivières, contaminé les terres avoisinantes, et fait grimpé l'occurrence de maladies chez les habitants et leur bétail.
Notre partenaire, Caritas Tegucigalpa, nous a fourni des témoignages concernant l'état de l'environnement local et la santé des résidants des collectivités aux abords de la mine. La mine utilise 80 millions de tonnes d'eau par année, assez pour répondre aux besoins de 20 000 habitants, ou de plus de la moitié de la population locale. Après avoir enregistré des profits importants, alors que le prix de l'or était à son paroxysme en 2008, Entre Mares s'apprête maintenant à fermer la mine. Caritas Tegucigalpa demande à Entre Mares de décontaminer l'eau et de reboiser les terres. L'entreprise doit payer les amendes, les taxes et les autres sommes qu'elle doit aux gouvernements national et local et qui se sont accumulées au fil des ans. L'entreprise devra aussi s'assurer que les personnes qui ont été déplacées possèdent les titres prouvant qu'elles sont propriétaires de leurs nouveaux terrains.
Caritas Tegucigalpa et Développement et Paix sont convaincus que la compagnie a les moyens de fermer la mine de façon responsable. Mais sera-t-elle prête à le faire? Si un cadre légal canadien sur la responsabilité sociale des entreprises minières avait été en place, il aurait été possible de protéger les droits des personnes de la vallée de Siria et d'éviter que de telles tragédies humaines et environnementales ne se reproduisent.
J'ai ici une citation de son Éminence le cardinal Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga, l'archevêque du diocèse de Tegucigalpa, au Honduras, et le président de Caritas Internationalis. La voici:
Les affrontements toujours plus fréquents dans différentes parties du monde entre les compagnies minières et les communautés côtoyant les zones d'extraction, ainsi que l'effort croissant de la société civile dans sa lutte pour des réglementations plus strictes, des contrôles plus rigoureux, des comportements plus responsables et transparents, voilà autant de signes que nous ne pouvons plus suivre une logique d'exclusion adoptée par le marché des entreprises dont le slogan dit: « Investis le moins possible, tire le plus de profits possible ».
Il faut tendre vers une vision de responsabilité sociale des entreprises qui ne se réduise pas à la bonne volonté de ces dernières mais qui soit assortie d'une responsabilité sociale régulée par l'État et les organismes internationaux. Il est urgent de faire cette redéfinition car l'épuisement des ressources naturelles s'accélère substantiellement, en partie à cause de la demande croissante des marchés en minerais précieux.
L'adoption du projet de loi C-300 s'avérerait un pas dans cette direction.
J'aimerais vous parler brièvement de notre campagne. Bon nombre d'entre vous ont sûrement reçu nos cartes ou peut-être la visite de membres de Développement et Paix, relativement à la question de la responsabilité sociale des entreprises. Plus de 500 000 citoyens canadiens ont témoigné leur appui à ce projet de loi en signant les cartes d'intervention et les lettres que nous avons distribuées dans le cadre de notre campagne de sensibilisation du public. Ces cartes ont toutes été remises au gouvernement. Plus de 120 rencontres ont été organisées avec des députés dans leur circonscription locale par des membres de Développement et Paix dans l'ensemble du pays, afin de discuter de cette problématique. Dans toutes vos circonscriptions, des citoyens s'inquiètent de ce problème et aimeraient voir le gouvernement intervenir adéquatement en ce qui a trait aux recommandations formulées à l'issue des tables rondes sur la responsabilité sociale des entreprises. Ce projet de loi est la réponse qu'ils attendent.
Notre présentation d'aujourd'hui est le point culminant de plusieurs années de travail et de soutien pour les membres de Développement et Paix et pour ceux qui ont signé ces cartes. Le 12 mai de cette année, Développement et Paix a livré 38 boîtes contenant des cartes postales adressées à notre premier ministre Harper, qui ont été recueillies dans le cadre de notre campagne de 2008-2009. Nos supporters ont pressé le premier ministre de mettre en place des mécanismes légaux pour tenir les entreprises minières canadiennes responsables de leurs gestes dans les pays en développement.
Au total, nous avons remis au gouvernement du Canada, dans le cadre de notre campagne de trois ans, plus d'un demi million de cartes et de lettres. Depuis le début de la campagne en 2006, nous avons recueilli entre 150 000 et 200 000 cartes par année.
Avec cette dernière livraison de cartes, nous avons demandé au de créer un poste d'ombudsman indépendant, nommé par le Parlement, dont le rôle serait de recevoir des plaintes à propos des activités des entreprises minières canadiennes, de faire enquête sur les plaintes reçues, de formuler des recommandations de façon efficace, et d'intervenir de manière transparente.
Toutefois, l'espoir suscité par les tables rondes a fait place à la déception lorsque le gouvernement a refusé de répondre à ce rapport concerté. Développement et Paix a décidé de prolonger d'une année sa campagne de sensibilisation sur le secteur minier, afin de faire pression pour que ces recommandations soient mises en place. Bien que le gouvernement ait maintenant décidé d'intervenir avec sa stratégie sur la responsabilité sociale des entreprises, nous croyons que ce n'est pas suffisant pour contrebalancer adéquatement les points de vue de toutes les parties concernées. L'adoption du projet de loi s'avérerait la suite logique attendue dans ce processus.
Nous reconnaissons que la mise en oeuvre de la stratégie de RSE constitue la première étape de la réalisation des recommandations formulées à l'issue des tables rondes. Cela signifie que le gouvernement reconnaît que le comportement de certaines compagnies d'extraction établies dans les pays en développement n'est pas toujours irrépréhensible. C'est une bonne chose, mais ce n'est pas assez. Le projet de loi viendrait combler une importante lacune entre ce qui a été recommandé dans le rapport des tables rondes et la réponse du gouvernement.
La réponse du gouvernement du Canada n'est pas assez mordante, car elle propose une intervention volontaire. Elle décharge les entreprises minières de la responsabilité de leurs agissements irresponsables pour l'imposer aux gouvernements des pays en développement. De plus, la stratégie de RSE du gouvernement ne prévoit pas de sanctions sévères pour les entreprises aux pratiques nuisibles. Mais surtout, la stratégie de RSE du gouvernement ne prévoit pas la création d'un poste d'ombudsman, comme les tables rondes l'avaient recommandé. Il est plutôt question d'un conseiller en RSE ayant un mandat limité, qui consiste notamment à entendre les litiges et à proposer une médiation si toutes les parties y consentent. Le candidat à ce poste serait nommé par le Cabinet du premier ministre plutôt que par le Parlement du Canada.
Le projet de loi ne prévoit pas la création d'un poste d'ombudsman, puisqu'un projet de loi émanant d'un député ne peut proposer de modifications budgétaires telles que la création de nouveaux postes. Développement et Paix recommande vivement l'adoption de ce projet de loi et insiste auprès du gouvernement pour que celui-ci crée un poste d'ombudsman une fois la loi adoptée, comme le proposait le rapport des tables rondes.
Oui, c'est ennuyeux que mon ordinateur me lâche ce matin, mais je suis très heureux d'être ici. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter le point de vue et les recommandations d'Amnistie internationale à l'égard du .
Depuis des décennies, on met beaucoup l'accent sur les gouvernements dans l'importante lutte mondiale pour défendre et protéger les droits fondamentaux des femmes, des hommes et des enfants dans le monde, puisque ce sont souvent les gouvernements qui enfreignent les droits de la personne, mais que ce sont eux aussi qui doivent prendre des mesures afin de les protéger. Toutefois, au cours des 10 ou 15 dernières années, la communauté internationale a constaté de multiples façons qu'il faut absolument cesser de se concentrer uniquement sur les gouvernements et se pencher sur les nombreux intervenants non étatiques, dont les entreprises, qui ont une incidence importante sur les droits de la personne.
C'est tout à fait vrai en ce qui concerne les entreprises. Selon les deux points de vue, si elles agissent de manière responsable, les entreprises peuvent de bien des façons promouvoir et protéger les droits de la personne de même que renforcer la culture des droits de la personne dans les pays où elles exercent leurs activités; mais quand elles agissent de manière irresponsable, nous savons pertinemment qu'elles peuvent, par leurs activités, porter directement et indirectement atteinte aux droits de la personne ou, à tout le moins, contribuer grandement à leur violation.
Par conséquent, au cours des 10 dernières années, on a déployé beaucoup d'efforts, surtout dans le contexte élargi de la mise en valeur de la responsabilité sociale des entreprises. Cela nous mène à parler également de la protection de l'environnement et des droits du travail, par exemple. Pour favoriser les activités des entreprises responsables qui participent à la défense des droits de la personne et empêcher les activités de celles qui portent atteinte à ces droits, les entreprises elles-mêmes prennent des mesures individuelles, et les gouvernements lancent des initiatives. À l'échelle internationale, on met sur pied des initiatives comme le Pacte mondial du secrétaire général des Nations Unies et on prend des mesures, notamment au sein du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et de la Société financière internationale.
Or, ces initiatives ont presque toutes en commun deux lacunes importantes.
La première, c'est que les aspects ayant trait aux droits de la personne des normes et principes élaborés et adoptés sont, au mieux, assez vagues, en tout cas presque toujours très généraux, et souvent même inexistants. Par exemple, les normes de rendement de la Société financière internationale, qui sont au coeur de la nouvelle stratégie du gouvernement en matière de RSE, sont muettes en ce qui a trait aux droits de la personne.
La seconde, c'est que les entreprises ne sont nullement tenues de se plier à ces normes. On espère plutôt qu'elles vont décider de s'y plier de façon volontaire. Par conséquent, les mécanismes de surveillance et d'application, là où ils existent, sont généralement faibles et ne peuvent pas obliger les entreprises à s'y conformer; ils ont seulement le pouvoir de suggérer ou de conseiller.
Dans l'ensemble du système de défense des droits de la personne, nous savons depuis longtemps que les promesses encourageantes et les engagements volontaires sont insuffisants. Ils ne protègent pas les droits de la personne. Évidemment, nous voulons que les gens et les gouvernements agissent de façon volontaire, mais cela ne nous permet pas, au bout du compte, d'assurer une protection efficace des droits de la personne. Nous pouvons très bien le constater quand nous examinons le système international. Ce n'est pas différent, et il n'y a aucune raison pour que ce le soit, en ce qui concerne les entreprises.
Les enjeux sont grands. Les forces de sécurité des entreprises, si on ne leur impose pas des normes strictes, risquent de faire en sorte — par exemple, en mettant fin aux protestations des communautés autochtones là où les entreprises exercent leurs activités — que des manifestants soient blessés et même tués. Le droit à la vie est en jeu. Tout comportement irresponsable adopté par les compagnies minières quant à leurs résidus et à leurs déchets industriels peut contaminer la région et mener à des violations graves du droit à la santé. Une utilisation inappropriée des infrastructures de l'entreprise par les forces de sécurité locales ou l'omission de surveiller étroitement l'utilisation faite par un gouvernement des redevances risque tout simplement d'aggraver les guerres et les conflits dans les régions où les entreprises sont présentes et de faire, encore une fois, des victimes parmi les civils.
Les enjeux sont énormes, et il est clair qu'il faut agir davantage. C'est pourquoi Amnistie internationale participe si activement aux récents efforts de révision et de renforcement de la loi, des politiques et des pratiques canadiennes en vigueur depuis 2005, à l'époque où votre sous-comité a effectué son étude. En 2006, nous avons participé activement à toutes les tables rondes tenues dans les villes. Nous avons accueilli favorablement et approuvé le rapport préparé par le groupe consultatif sur ce processus et nous avons ensuite, comme bien des gens, attendu avec impatience la réponse du gouvernement durant deux ans.
Même si nous reconnaissons que la nouvelle stratégie du gouvernement en matière de RSE est un pas dans la bonne direction, nous en sommes profondément déçus en raison des deux lacunes dont j'ai parlé tout à l'heure.
La première concerne les normes. La nouvelle stratégie en matière de RSE reprend essentiellement les normes existantes, dont celles de la Société financière internationale, dont j'ai parlé plus tôt, et beaucoup d'autres qui, ensemble, n'accordent guère d'attention aux droits de la personne. Dans les recommandations des tables rondes, on demandait de nouvelles normes, qui comprendraient expressément les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
L'autre lacune concerne l'application des normes. La stratégie de RSE, bien entendu, ne répond pas à la nécessité d'une surveillance et d'une application adéquates des normes; on peut oublier l'idée d'un ombudsman et d'un comité tripartite de contrôle de la conformité. Au lieu de cela, nous avons un conseiller en RSE dont les pouvoirs se limitent à conseiller, à guider et à enquêter uniquement avec l'assentiment de tous; il n'a pas le pouvoir de sévir.
Le projet de loi offre au Parlement une occasion de réaliser des progrès sur le plan des droits de la personne, et comme je l'ai dit, c'est tout à fait nécessaire. Par conséquent, il va de soi qu'Amnistie internationale accueille favorablement cette initiative et demande au Parlement de l'adopter. Nous aurions pu demander à ce qu'elle soit plus audacieuse, mais nous croyons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction.
C'en est un en ce qui concerne les normes. Il est très important que le projet de loi prévoie l'établissement de normes internationales en matière de droits de la personne, par exemple, en fonction des traités ratifiés par le Canada et du droit coutumier. Selon nous, c'est un élément crucial qui doit faire partie de toute initiative en ce domaine. Nous pensons que le projet de loi C-300 nous permet également de faire de réels progrès sur le plan de l'application des normes. Il est crucial de donner aux ministres le pouvoir et la responsabilité d'entreprendre des enquêtes s'ils craignent qu'une entreprise ne respecte pas ces nouvelles normes et que cela ait une incidence sur son admissibilité au financement d'EDC, sur l'aide des diplomates et des agents de commerce, et même pour déterminer si elle peut faire l'objet d'investissements du RPC.
Alors, pourquoi pas? Quelles sont les objections possibles à une nouvelle stratégie qui place les obligations du Canada en matière de droits de la personne à l'avant-plan et veille à ce que l'on respecte les normes? La plupart du temps, on nous dit craindre que si elles doivent s'acquitter d'obligations parfois considérées sévères en matière de droits de la personne, les entreprises canadiennes soient placées dans une position concurrentielle défavorable. Selon cet argument, les entreprises d'autres pays n'ont pas à s'acquitter de ces obligations; le fait d'obliger les entreprises canadiennes à le faire entraîne des coûts et signifie qu'elles ne peuvent pas soutenir la concurrence.
Selon Amnistie, cet argument est exagéré; il manque de vision et il est non pertinent. Il est exagéré en ce sens qu'il est difficile d'imaginer comment la mise en place de mesures pour veiller à ce que le personnel des entreprises ne maltraite pas ou ne tue pas les manifestants, ou pour éviter que les infrastructures d'une entreprise soient utilisées à mauvais escient par les forces de sécurité gouvernementales pour conduire des missions qui entraîneraient des pertes civiles dans la région est si onéreuse qu'elle peut créer un déséquilibre entre les profits et les pertes.
De plus, cet argument ne tient pas compte des nombreuses façons dont le respect des droits de la personne peut en fait renforcer la position d'une entreprise, améliorer sa réputation, assurer une bonne relation avec la population locale et garantir la primauté du droit. Tout cela est grandement avantageux pour les activités d'une entreprise et cela signifie qu'elle risque moins d'être la cible, par exemple, de boycottage ou de protestations.
Cet argument manque de vision en ce sens qu'il suppose que seul le Canada apporterait des améliorations en matière de RSE et qu'aucun autre pays ne ferait la même chose ou pourrait suivre notre exemple. Le Canada devrait affirmer son leadership et non y renoncer. Nous ne devrions pas non plus présumer que nous sommes les seuls à l'exercer à ce stade-ci. De nombreux pays vont de l'avant à ce chapitre. Le Canada ne peut pas et ne devrait pas être au dernier rang. Nous devons être parmi les chefs de file et travailler sans relâche, sur le plan bilatéral et multilatéral, à inciter les autres pays à adopter des lois et des politiques plus rigoureuses.
Enfin, comme je l'ai dit, cet argument est non pertinent, car le Parlement doit reconnaître en définitive que les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne sont en jeu ici. Les obligations en matière de droits de la personne ne signifient pas uniquement que les représentants et les organismes gouvernementaux doivent s'abstenir de porter atteinte aux droits de la personne. Il y a bien plus. Les gouvernements ont l'obligation de veiller à ce que les personnes, y compris celles qui sont à l'étranger, soient protégées des abus de ceux sur lesquels le gouvernement exerce une autorité. C'est certainement le cas des entreprises qui, après tout, sont constituées en vertu des lois fédérales et provinciales, sont régies par elles et profitent régulièrement de diverses formes d'aide et de soutien du gouvernement. Le gouvernement a l'obligation d'agir.
Par conséquent, Amnistie croit fermement que le projet de loi doit être appuyé. Cette mesure législative véhicule un message très important, soit que les affaires peuvent favoriser les droits de la personne, mais que les droits de la personne peuvent aussi favoriser les affaires.
Merci.
Tout d'abord, je tiens à remercier sincèrement Amnistie et l'organisme Développement et Paix de leur appui considérable pour mener le projet de loi à cette étape et, je l'espère, à son adoption.
Parfois, nous sommes ici dans une sorte de bulle d'objectivité et nous parlons des droits de la personne. Nous discutons de toutes sortes d'initiatives prises à l'ONU et ailleurs, mais nous ne comprenons pas ce qui se passe sur le terrain.
La semaine dernière, j'ai parlé à un Guatémaltèque qui avait sur le corps sept trous de balles: gracieuseté, apparemment, d'une société minière canadienne, mais je n'entrerai pas dans les détails.
J'ai aussi discuté avec l'ancien ministre de l'Environnement de l'Argentine, qui m'a parlé de la face cachée des Canadiens en Argentine et de la façon dont elle détruit notre réputation dans ce pays.
J'aimerais que M. Casey et M. Neve donnent aux Canadiens des exemples de pays où les activités minières ont mal tourné, qu'il s'agisse du Guatemala, du Honduras, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de l'Argentine ou du Chili, d'après votre expérience personnelle ou celle de vos organisations, afin de mettre ce problème en évidence.
Deuxièmement, j'aimerais, si c'est possible, que vous établissiez un lien entre les entreprises et l'aide financière qu'elles reçoivent du Canada.
Pourriez-vous commencer, monsieur Casey?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les invités de leurs exposés aujourd'hui et d'avoir témoigné en faveur des droits de la personne, ici au Canada et à l'étranger. J'applaudis à leur travail, non seulement dans leurs interventions ici, mais pour avoir fait connaître aux Canadiens l'importance, pour le Canada, de joindre le geste à la parole. Nous sommes le pays de M. Humphrey, qui a travaillé à la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies. Nous tous ici en sommes fiers, et les Canadiens devraient en être tous fiers. Mais cela ne veut pas dire grand-chose si, dans les faits, nous n'assumons pas ces paroles et ne faisons rien.
L'une des choses qui m'ont troublé est l'absence de cohérence, quand il s'agit de protéger les droits de la personne. Je parle de « cohérence », parce que je ne participerai pas aux invectives et aux divisions qui pourraient être attrayantes dans le débat actuel. Je vous soumets l'exemple du Congo, tel que la situation existait le printemps dernier.
Dans ce pays, 75 p. 100 de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Le Canada est responsable, grâce au travail d'extraction minière, d'environ 300 milliards de dollars d'actifs. Autrement dit, des personnes font des profits grâce au projet. et c'est ce que les entreprises font. Personne ne va contester cela. Alors, quand on aligne ces chiffres, un dollar par jour — et, à propos, ce que reçoit le gouvernement congolais en redevances minières représente 60 ou 70 p. 100 de son budget. Les revenus représentent environ 5 p. 100 de ce que produit l'industrie minière, de sorte que 95 p. 100 est consacré, je pense, à l'exploitation, mais il en passe probablement un peu vers les profits.
Je pense que les gens veulent de la cohérence. Quelle est notre responsabilité? Je vois que nous pourrions donner plus de puissance au projet de loi , comme beaucoup d'entre nous le voudraient. Nous souhaiterions l'approche tripartite, mais, à cet égard, M. McKay est impuissant, parce que c'est un projet de loi d'initiative parlementaire.
J'entends les partisans de l'approche volontaire qui en vantent les mérites parce que c'est l'approche que nous avons actuellement — et nous allons probablement entendre le même discours d'EDC. Puis je vois les résultats de la situation que je viens d'exposer, le déséquilibre outrancier dans la redistribution de la richesse, mais, également, des résultats. Je n'irai pas dans les détails. On peut s'en faire soi-même une idée, et j'espère simplement que les gens feront les démarches nécessaires.
Je ne sermonne pas; j'expose des faits, monsieur Goldring. Je pense qu'il s'agit, pour les gens, de comprendre que, dans cette situation, nous avons des responsabilités.
Je commencerai par M. Neve. Pensez-vous qu'il y a une autre façon, que l'élaboration d'un projet de loi, pour assurer le respect des droits de la personne. Connaissez-vous d'autres pays ou d'autres tentatives qui, par des méthodes volontaires, cherchent à assurer la protection des droits de la personne? Dans l'affirmative, de quoi ou de quel pays s'agit-il?
:
Merci, monsieur le président, et merci également aux membres du comité de m'avoir invité à vous parler du projet de loi et de l'effet qu'il aurait sur les sociétés canadiennes qu'EDC sert, si elles devaient être incluses dans le projet de loi.
Je suis ici à la fois comme premier vice-président des Services juridiques et comme membre de la haute direction chargée de la RSE. À ce dernier titre, j'ai travaillé aux questions de RSE au niveau de la politique et dans le contexte des transactions auxquelles j'ai participé en ma qualité d'avocat.
[Traduction]
Comme vous le savez certainement, EDC offre des solutions de financement, d'assurance et de gestion des risques pour contribuer au succès des exportateurs et des investisseurs canadiens sur les marchés mondiaux. Son mandat est de soutenir et de développer le commerce du Canada et la capacité pour concrétiser ses échanges commerciaux et profiter des débouchés offerts sur le marché international. Elle cherche ainsi à s'assurer que les Canadiens sont sur un pied d'égalité lorsqu'ils livrent concurrence à des exportateurs d'autres pays.
À notre avis, l'inclusion d'EDC dans le projet de loi C-300 désavantagerait sérieusement les entreprises canadiennes par rapport aux exportateurs d'autres pays, et réduirait sa capacité d'aider les compagnies canadiennes. Permettez-moi d'énoncer clairement qu'EDC est d'accord avec l'esprit du projet de loi C-300 ainsi qu'avec l'idée que les sociétés canadiennes doivent exercer leurs activités de manière socialement responsable, où qu'elles se trouvent dans le monde. Nous croyons toutefois que la meilleure façon de promouvoir à la fois les droits de la personne et le comportement éthique, tout en améliorant les conditions environnementales liées à des projets, est de travailler avec les entreprises pour les aider de manière proactive à se comporter de manière responsable partout dans le monde. Ainsi, lorsqu'il existe des normes claires et bien établies, les entreprises doivent y adhérer, dans des milieux qui sont souvent difficiles.
Il est important de noter, compte tenu de notre expérience, que la communauté internationale éprouve encore des difficultés à définir comment les entreprises peuvent intégrer les questions de droits de la personne dans leurs pratiques quotidiennes à l'échelle mondiale. Il n'existe à l'heure actuelle aucune norme internationale reconnue en matière de droits de la personne pour les institutions financières. Toutefois, je suis heureux de pouvoir dire qu'EDC participe activement au dialogue international sur le sujet. Par exemple, la société est l'un des principaux commanditaires d'une réunion d'experts sur les entreprises et les droits de la personne à laquelle j'assisterai la semaine prochaine, où John Ruggie, représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, est convié et qui a pour thème « Le droit des entreprises, occasions et défis pour encourager les compagnies à respecter les droits de la personne ».
EDC est guidée dans ses activités par des politiques et des procédures d'avant-garde en matière de responsabilité sociale des entreprises. Au cours de la dernière décennie, nous avons consacré beaucoup d'efforts à l'élaboration d'un des programmes de RSE les plus complets au monde parmi les organismes de crédit à l'exportation. EDC a modifié ses normes en matière de RSE, en conformité avec les pratiques exemplaires internationales. Elle est signataire d'un certain nombre d'accords internationaux, notamment le Principe de l'Équateur, que seuls deux autres organismes de crédit à l'exportation ont adopté. Être client d'EDC signifie qu'en présentant une transaction, elle sera perçue comme respectant certaines nouvelles normes les plus élevées qu'applique l'un ou l'autre des organismes de crédit à l'exportation.
Pour la société, la responsabilité sociale des entreprises n'est pas une affaire qui se traite à la légère. Elle fait partie intégrante de sa façon de travailler et elle s'inscrit dans le processus continu qu'elle engage avec ses clients. Nous effectuons des évaluations en matière de RSE quand notre appui vise des marchés ou des projets sensibles, afin que le projet et la compagnie en question répondent à nos exigences à cet égard. Si nous estimons qu'une entreprise ne répond pas à nos exigences dans certains domaines, nous l'orientons et la conseillons sur les manières dont elle peut s'améliorer, et si une compagnie ne répond pas à nos exigences, elle ne reçoit pas de soutien de notre part.
En s'engageant ainsi auprès des entreprises, EDC maintient une approche équilibrée à l'égard de la RSE: elle aide les compagnies canadiennes à respecter davantage le principe de la RSE et veille à ce qu'elles répondent aux normes qu'elle applique, qui sont reconnues sur la scène internationale, tout en leur fournissant les solutions de financement et d'assurance nécessaires à leur réussite sur les marchés étrangers. Nous croyons que le projet de loi C-300 freinerait sérieusement les possibilités de nous engager ainsi.
Si EDC était incluse dans le projet de loi et que des normes de conformité étaient imposées — normes que, comme je l'ai dit plus tôt, la communauté internationale est en train de définir et d'accepter — EDC se verrait obligée de mettre fin à sa relation avec une société canadienne dès qu'on aurait établi que les normes en matière de RSE n'ont pas été respectées. Cette approche a au moins deux effets négatifs. Premièrement, elle empêche EDC de travailler avec la compagnie canadienne pour régler les enjeux éventuels et lui permettre d'améliorer ses normes, et deuxièmement, elle limite selon nous la capacité des entreprises canadiennes d'obtenir des capitaux auprès d'EDC.
Nous pensons que l'incertitude créée par l'application de ce projet de loi toucherait aussi d'autres prêteurs, qui se sentiraient moins prêts à fournir de l'intermédiation financière. Si cela se produit, le vide laissé par nos entreprises serait très vraisemblablement comblé par deux ou trois acteurs internationaux attachant moins d'importance à la RSE.
Permettez-moi d'expliquer ce qui se passerait. Le libellé du projet de loi C-300 précise que si elle établit qu'une entreprise n'a pas respecté les lignes directrices pendant la période de remboursement du prêt ou la durée de la police d'assurance, EDC serait obligée, aux termes du projet de loi, d'annuler le prêt ou de résilier la police, qu'elle ait le droit de le faire ou non en vertu du contrat. Nous ne pourrions donc pas du tout travailler avec la compagnie pour améliorer ses normes en matière de RSE.
Par ailleurs, EDC ne peut se trouver dans la position d'être obligée d'annuler son appui au terme du projet de loi, sans avoir le droit de le faire aux termes du contrat. En même temps, d'après notre expérience, nous savons que les compagnies canadiennes, et d'autres prêteurs avec elles, n'accepteraient pas un droit de ce genre donné à EDC par contrat étant donné qu'ils n'auraient aucun contrôle sur son application. Cela signifie que, si le projet de loi C-300 était promulgué, la capacité d'EDC de fournir des prêts et de l'assurance et d'appliquer ses normes rigoureuses en matière de RSE aux projets et aux sociétés de l'industrie extractive serait grandement compromise. Comme le projet de loi vise aussi toute activité commerciale ayant un lien avec l'industrie extractive, peu importe son nom, ou le produit vendu, toutes les entreprises canadiennes qui font partie de la chaîne d'approvisionnement de cette industrie souffriraient du retrait forcé d'EDC de ce marché.
Ce retrait d'EDC aurait des conséquences importantes au Canada. En 2008, la société a facilité des exportations et des investissements d'une valeur de 27,4 milliards de dollars dans l'industrie extractive. Son soutien à ce secteur a contribué à générer 21,4 milliards de dollars du PIB canadien, et à maintenir 139 000 emplois dans des collectivités situées un peu partout au pays.
EDC permet au Canada d'être leader en matière de RSE sans faire fléchir l'égalité sur le terrain pour les compagnies canadiennes. Nos actions sont régulièrement examinées et font l'objet d'études comparatives. Imposer des normes tellement éloignées de celles du reste du monde n'améliorerait pas la RSE, mais nuirait aux entreprises canadiennes, qui devraient abandonner la partie.
Il y a à notre avis une grande différence entre le rôle de capitaine et celui de meneuse de claque. Le capitaine est sur le terrain, il travaille avec l'équipe, dont il exploite les compétences et les ressources dans le but d'atteindre l'objectif visé. Les meneuses de claque restent sur la touche et espèrent que tout se passera bien. Aujourd'hui, EDC est sur le terrain, avec les compagnies canadiennes, elle les influence et contribue à créer leur capacité en matière de RSE. Si le projet de loi C-300 est promulgué, nous pensons qu'EDC n'aura plus beaucoup d'occasions d'être sur le terrain. Au lieu de cela, elle sera sur la touche, en compagnie des entreprises canadiennes, en espérant que d'autres compagnies présentes sur le marché feront ce qu'il faut en matière de RSE.
Merci. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
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Oui. Et en fin de compte, nous refusons de bien des façons, mais nous travaillons aussi avec des compagnies pour améliorer les projets.
Dès le tout début, quand une compagnie se présente à nous avec une idée ou un projet pour lequel elle a besoin de notre soutien, nous procédons à une évaluation avec les agents qui ont été en contact dès le départ avec la compagnie pour essayer de déterminer la nature de la situation, si la compagnie aurait ou non la capacité de faire ce qui serait nécessaire là où serait réalisé le projet, quels sont les antécédents du pays, et quelles difficultés se présenteraient pour faire quelque chose dans ce pays et avec ce projet. Dans certaines situations, nous concluons que c'est impossible, que nous ne pensons pas que la compagnie pourrait réaliser son projet. Nous lui refusons donc notre aide, généralement assez tôt, parce que nous ne voulons pas qu'elle perde son temps. Alors nous essayons de procéder à l'évaluation assez tôt.
Il y a aussi d'autres situations, et nous avons un exemple en ce moment — bien que je ne puisse pas vous donner de nom, bien évidemment. Mais dans un pays de l'Afrique du Sud du Sahara, une compagnie nous a présenté un projet, et, a priori, nous avons pensé, oh, peut-être cette compagnie n'aura-t-elle pas la capacité de le réaliser; il y a certains problèmes dans le pays. Mais le projet présentait une valeur énorme pour le pays et nous estimions qu'il y avait possibilité pour cette compagnie de vraiment améliorer ses normes et ses méthodes. Alors nous travaillons avec elle depuis près de deux ans maintenant, et elle a fait beaucoup, beaucoup de choses. Elle s'est liée avec une ONG locale de bonne réputation. Elle a mis en oeuvre des procédures et politiques internes qui sont liées aux principes volontaires en matière de sécurité et de protection. Elle a embauché des consultants externes pour l'aider. Elle a augmenté son effectif interne. Nous ne sommes pas encore près du but, mais nous pensons pouvoir vraiment l'aider dans une conjoncture vraiment très difficile.
Alors les situations varient, du rejet immédiat, dès le début, à la collaboration; mais si au bout du compte elles échouent, nous leur disons quand même « Vous ne satisfaites pas à nos normes et nous ne pouvons pas vous appuyer. »
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Je vous remercie. J'essaierai de répondre aux divers éléments de votre question.
Comme je l'ai dit, nous entretenons un dialogue. En ce qui concerne les normes environnementales, c'était clair. La SFI et la Banque mondiale ont travaillé là-dessus, et les approches communes de l'OCDE ont permis de circonscrire diverses normes, qui sont suffisamment claires pour que les compagnies puissent vraiment composer avec elles et y adhérer relativement aux clauses restrictives et aux pratiques de gestion qu'elles doivent appliquer. Mais nous pensons qu'à part les trois éléments des normes de rendement de la SFI qui traitent indirectement des droits de la personne, les normes en matière de droits de la personne ne sont pas encore assez claires, notamment qui devrait assumer la responsabilité des divers aspects des droits de la personne, mais aussi, par exemple, des droits de la personne comme le droit général à l'eau. Une compagnie ne peut y veiller aussi bien qu'une administration locale. Alors nous pensons que les normes que le projet de loi essaie d'appliquer ne sont pas suffisamment définies pour l'instant.
Je crois qu'elles le deviendront au fil de l'évolution de la RSE. Je pense que John Ruggie, ou une institution comme la SFI finira par atteindre une position où il pourra dire qu'un consensus a été trouvé relativement à une norme, ou à des normes, qui devraient être appliquées aux droits de la personne. Nous pensons que le Canada s'y efforce avec une longueur d'avance sur le reste du monde et qu'il mettra en péril nos compagnies canadiennes en voulant appliquer une norme qui n'est pas assez claire et avec laquelle personne ne pourra être à l'aise et que personne ne pourra appliquer.
Les normes d'EDC sont très claires, et c'est pourquoi nous avons pu les appliquer et les intégrer aux accords de prêts et en faire des clauses restrictives, et c'est pourquoi nous avons pu dire à certains « nous ne pouvons pas vous appuyer », et prendre une décision qui est suffisamment claire pour que tout le monde puisse la comprendre.
Mais autre chose d'important dans tout cela, c'est la capacité de travailler avec une compagnie. Ce projet de loi nous oblige à retirer nos billes en cas de détermination, même si notre décision aurait pu être différente, ou si d'autres prêteurs ou ingénieurs indépendants, ou toute autre personne, parvient à une autre conclusion. Nous ne pensons pas que le marché international puisse le tolérer.
Alors si EDC est en négociation et a 100 millions de dollars sur la table pour une usine de 500 millions de dollars, et nous nous voyons obligés de retirer nos billes, les prêteurs se retrouveraient alors dans une situation où la compagnie ne serait pas entièrement financée. Ils ne le permettraient jamais; ils prendraient cette décision dès le tout début, alors EDC n'irait même pas jusqu'à la table à cause de l'obligation d'ajouter la clause selon laquelle nous pourrions devoir nous retirer si le gouvernement en décidait ainsi. C'est pourquoi nous estimons que notre capacité de jouer un rôle véritable sera sérieusement compromise. Les compagnies ne viendront pas nous voir et ne nous demanderont pas d'aide parce que leurs autres prêteurs ne le leur permettront pas et leurs dirigeants ne leur permettront pas. Il y aura tout simplement trop d'incertitude.
Mais nous sommes favorables à une évolution sur ce plan. Comme je l'ai dit, nous devons assister la semaine prochaine à une réunion, et nous avons pris part au dialogue. Je répète que je pense qu'il y aura une évolution. À ce moment-là, nous serons parmi les premiers à appliquer les nouvelles normes qui auront été décidées en consensus, comme nous l'avons fait dans bien d'autres domaines, y compris l'environnement, et la lutte contre la corruption et contre le terrorisme.
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Nous examinons toute une gamme de facteurs, et chaque situation est différente. Nous nous intéressons notamment aux antécédents des sociétés. Certaines ont des dossiers bien étoffés et de solides programmes de RSE. Il est évidemment plus facile de travailler avec elles, car elles comprennent bien les tenants et les aboutissants. Mais nous avons parfois affaire à des entreprises qui pourraient en être à leurs premiers pas.
Nous tentons évidemment de développer les exportations. Nous nous pencherons donc sur divers aspects propres au projet et au pays. Nous étudions la situation de l'environnement pour analyser l'utilisation de l'eau, la gestion des résidus et l'incidence du projet sur la biodiversité, et comparons ces critères aux normes de rendement de la Société financière internationale. Sans être parfaits, ces critères sont suffisamment clairs pour permettre de s'entendre sur la conformité du projet. S'il est conforme, nous irions de l'avant en nous appuyant sur le facteur environnemental.
Si le projet est prévu dans un pays où les droits de la personnes sont bafoués, diverses situations peuvent se présenter. Par exemple, le gouvernement pourrait affecter des forces de sécurité sur la propriété de la mine pour lancer des interventions. Mais il pourrait également s'agir d'exploitation artisanale, auquel cas il faut gérer une population qui assure de peine et de misère sa subsistance en tirant du minerai des falaises. Certains pays encouragent ces pratiques, et des sociétés s'en servent comme prétexte pour relocaliser des populations entières. Nous devrions examiner la situation pour voir si c'est la méthode qui convient, s'il faut dédommager les parties intéressées ou si on peut régler autrement la question de l'exploitation artisanale.
Par exemple, une société a été jusqu'à fournir des outils et de la formation supplémentaires aux mineurs, qui poursuivent leurs activités, mais dans des conditions bien plus sécuritaires. Ils vendent ensuite le minerai à la mine plutôt que de le transporter en cachette pour le vendre ailleurs.
Chaque situation est différente. Une équipe se charge de l'aspect environnemental, alors qu'une autre s'occupe des droits de la personne. Malheureusement, en ce qui concerne ce dernier aspect, nous n'avons pas encore de normes que nous pouvons appliquer. Chaque cas est donc particulier, et nous devons déterminer quels problèmes se posent et comment nous les résoudrons.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également le représentant d'EDC de témoigner aujourd'hui.
J'aimerais soulever deux points afin de connaître votre opinion.
Les témoins précédents nous ont fait profiter de leur expertise en développement et en droits de la personne, même si je trouve très inquiétant d'entendre M. Alex Neve déclarer qu'il ne se soucie guère de l'approche du Canada. Comme vous l'avez fait remarquer avec justesse, le Canada s'efforce de travailler en collaboration. Mais l'expertise de cet organisme est différente de la vôtre, qui concerne les affaires.
J'aimerais aborder la question soulevée par Bob Rae concernant le processus d'investissement et vos activités de financement, et les effets sur le secteur minier du Canada. Il semble toutefois que nous ayons oublié un facteur important. Mon collègue du NPD parle constamment de la République démocratique du Congo, où il s'est rendu. Pour ma part, j'ai été en Tanzanie et en Zambie, où on exploite des mines de cuivre, ainsi qu'en Papouasie-Nouvelle-Guinée et divers pays. Comme mon collègue l'a dit au sujet de la Mongolie, on y effectue des investissements substantiels, qui ont des répercussions sur l'économie locale. L'ambassadeur de Papouasie-Nouvelle-Guinée aux Nations Unies a indiqué que 12 000 personnes y gagnent moins d'un dollar par jour, mais que l'on y vit très bien. Il faut donc tenir compte de tout le facteur économique.
J'ai deux points à soulever concernant la question dont vous avez parlé. Tout d'abord, quelles répercussions aura la mesure législative sur les sociétés canadiennes actives à l'étranger? Par exemple, nous savons que la Chine signe moult ententes en Afrique, sans qu'il soit question d'appliquer des normes. La Chine est en train de prendre ce marché d'assaut. Je ne veux pas laisser entendre que le Canada ne devrait pas adopter de normes. Après tout, c'est la raison pour laquelle nous avons participé à la table ronde et avons recueilli d'excellentes idées des divers intervenants. Les entreprises, les ONG et tous les intéressés ont pris part à cette brillante initiative, qui devrait constituer la première étape de nos démarches.
Le deuxième facteur est celui des normes internationales dont vous parlez en matière de droits de la personne. Comme vous l'avez souligné, les trois normes environnementales de la Banque mondiale s'appliquent à l'échelle mondiale. Pourquoi alors ne pas attendre l'établissement de normes internationales à l'instigation des ONG, qui exerceraient des pressions avec leurs membres? Ces normes s'appliqueraient à tous, y compris la Chine, et permettraient d'établir des conditions égales pour tous. Personne ne parle de la Chine. Mon ami a parlé de ce qui s'est passé avec Talisman. Rendons-nous en Afrique pour voir ce qu'il advient des investissements que la Chine y effectue, sans égard aux conséquences.
Ma question porterait donc sur l'incidence du , sur son effet néfaste sur l'investissement, pas ici, mais à l'étranger, et sur les normes internationales, qui ne sont pas les mêmes pour tous.
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Merci. Je répondrai dans l'ordre inverse.
Nous croyons que l'on établira des normes internationales en matière de droits de la personne. Comme je l'ai indiqué, nous travaillons en ce sens. Nous appliquons de notre mieux le savoir-faire que nous avons acquis, mais l'imposition d'une norme vague et mal établie à l'échelle internationale risque de désavantager sérieusement les entreprises canadiennes. En effet, un concurrent pourrait par exemple déposer une plainte auprès des ministres et ainsi retarder la conclusion d'une entente et entacher la réputation de l'entreprise canadienne. Même si l'affaire se révèle non fondée, le concurrent profiterait de la situation. Nous considérons qu'il serait très désavantageux pour les entreprises canadiennes d'être les seules à être soumises à ces normes.
Selon nous, ces normes finiront par s'appliquer partout. Je ne peux me prononcer au sujet de la Chine, mais je crois qu'elles s'appliqueront aux pays développés membres de l'OCDE et aux promoteurs de projets qui demandent du financement international, probablement aux termes des Principes de l'Équateur. Une fois que ces normes auront été établies et feront l'objet d'un consensus, elles seront appliquées par les banques dignes de confiance, les agences de crédit à l'exportation et les pays qui se soucient de la RSE. Cependant, il y aura probablement toujours des exceptions.
En ce qui concerne leurs effets sur les entreprises canadiennes, que j'ai essayé d'expliquer un peu dans mon exposé, j'en parlerai comme le ferait un chef de la direction. Je dois d'abord contracter un emprunt ou adopter une politique en matière de risque politique, deux éléments qui doivent être en place pour toute la durée du prêt. Je dois savoir que je maîtrise ces éléments. Les banques qui signent des ententes et financent des projets doivent s'assurer que les sommes substantielles qui seront investies, sous la forme de capitaux propres et d'emprunt, suffiront pour réaliser le projet. Si EDC veut faire appliquer des normes que nous sommes les seuls à appliquer, qui sont vagues, mais nécessaires, et qui doivent faire l'objet d'un accord avec un tiers externe, à défaut de quoi, l'institution réclamera les fonds ou invoquera la politique en matière de risque politique, le chef de la direction et le dirigeant principal des finances, ainsi que les autres prêteurs vont nous tourner le dos et ne nous laisserons pas intervenir dans l'entente, car rien ne leur garantira que, même si toutes les précautions ont été prises, un problème ne surgira pas.
Par exemple, si une société exploite une mine, le gouvernement pourrait changer et décider de faire intervenir ses forces de sécurité. Il pourrait menacer la société de lui retirer sa concession si elle ne le laisse pas utiliser sa propriété pour lancer des attaques. La société ne sait que faire. Elle doit coopérer avec le pays. Elle se tourne donc vers le Canada, s'il est concerné, et vers EDC. Dans une telle situation, nous ne pourrions que lui répondre que nous ne pouvons l'aider et qu'elle doit quitter le pays.
Nous sommes convaincus qu'il est très désavantageux d'assujettir les entreprises canadiennes à des normes qui finiront par faire l'objet d'un consensus et par être appliquées par de nombreux pays et les agences de crédit à l'exportation.