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Mesdames et messieurs, bonjour. Bienvenue à cette 13
e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous poursuivons, ce mercredi 1
er avril 2009, nos audiences sur la situation au Sri Lanka. Plus tard, cet après-midi, nous aurons le temps de nous pencher sur certaines autres questions intéressant les travaux du comité.
Je tiens d'abord, au nom du comité, à m'excuser auprès de nos invités. La période des questions s'est prolongée, puis il y a eu plusieurs votes à la Chambre. J'entends donc, au lieu de nous arrêter cet après-midi à 16 h 30, prolonger la séance jusqu'à 17 h, dans la mesure, bien sûr, où nos invités acceptent de demeurer ici un peu plus longtemps. Nous leur saurions gré de bien le vouloir. Ce ne serait qu'après cela que nous passerions aux questions portant sur les travaux du comité.
Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins, dont M. Noor Nizam, qui comparaît à titre personnel. Nous accueillons, aussi Alexandre Sévigny, professeur adjoint au Département des études en communications et multimédia de l'Université McMaster. Soyez, tous les bienvenus. Nous allons également entendre Muttukumaru Chandrakumaran et Hasaka Ratnamalala, tous deux membres du comité exécutif de la Sri Lanka United National Association of Canada. Nous donnerons ensuite la parole au révérend père Andrew Thavarajasingam au nom de la Communauté chrétienne Tamoule de Montréal (Catholique).
Nos témoins vont chacun prononcer un bref exposé, après quoi nous passerons à la première série de questions. Nous devrions avoir le temps pour deux séries de questions. Il convient en effet, sur des sujets aussi importants que celui-ci, que chacun ait la possibilité de poser des questions.
Je passe d'abord la parole à M. Obhrai pour un rappel au Règlement.
Je suis professeur associé au Département d'études en communications et multimédia de l'Université McMaster. J'aimerais vous entretenir aujourd'hui de la communication à l'époque actuelle et plus précisément de la communication en tant qu'instrument de paix.
La grande majorité des guerres dans le monde impliquent un conflit ethnique intraétatique. En Occident, les communautés majoritaires se lamentent d'une perte d'identité nationale tandis que les nations minoritaires réclament la décentralisation ou l'indépendance. Les conflits religieux s'amplifient. La résolution de ces conflits exige une prise de conscience critique et efficace de la communication ainsi que des compétences et une formation en matière de gestion de la communication.
Le Canada a à la fois un rôle fondateur et une influence notable en matière de communication en tant que discipline académique et en tant qu'industrie. Citons à cet égard les écrits de Harold Innis sur la relation entre la notion d'empire, la communication et les préjugés des médias, ainsi que les travaux de Marshall McLuhan sur l'influence des médias électroniques sur la société, la culture et les colonies. Les entreprises canadiennes novatrices telles que Research in Motion (La recherche en mouvement) ont, avec des appareils tels que le BlackBerry, transformé nos vies de citoyens du monde. La politique réglementaire à la fois modérée et bien pensée du Canada en matière de médias et de communication a conservé à nos médias et à nos communications son caractère représentatif, vigoureux et innovateur.
Dans la conciliation des différents points de vue et des différentes perspectives, le Canada se situe au premier rang. Notre modèle de mosaïque multiculturelle est une réussite, nos médias sont ouverts et libres, et notre gouvernement communique ses intentions et ses activités aux citoyens de manière assez transparente.
Le Canada est donc bien placé pour faire valoir l'expertise de ses universitaires, de ses entreprises et de ses organisations à but non lucratif et aider les nations en voie de développement et celles qui sont dévastées par la guerre, en particulier celles qui sont atteintes par des conflits ethniques internes. Nous pouvons transférer le savoir-faire lié au modèle canadien qui consiste à s'entendre entre communautés culturellement distinctes et à communiquer de manière efficace entre nous et avec l'extérieur.
Cela étant, en quoi le Canada pourrait-il être utile au Sri Lanka? L'action des médias et les lacunes de la communication peuvent aboutir à la violence, mais la communication libre et bien organisée peut contribuer de manière concrète à cimenter les liens d'une identité nationale et à jeter des ponts entre les diverses communautés. Nous proposons que le gouvernement canadien envisage de monter un projet pilote dans le cadre duquel le Canada déploierait son savoir-faire en matière de communication. Je fixerais à un tel projet un triple objectif.
Nous devrions, d'abord, établir des liens entre institutions canadiennes et sri lankaises, au moyen d'échanges d'étudiants et de membres de départements universitaires, de jumelage — par une initiative tout à fait novatrice — entre professionnels canadiens et sri lankais de la communication, tout en renforçant la collaboration entre ONG s'intéressant à la communication en tant qu'outil de développement économique et de promotion de la paix.
Puis, il conviendrait d'offrir un cours ou un ensemble de modules en communication mettant en valeur le modèle canadien qui est un modèle de tolérance et de vigilance dans la défense de la liberté d'expression et de communication et conclure pour cela un accord avec un établissement pédagogique sri lankais de premier plan tel que l'institut Lakshman Kadirgamar pour les relations internationales et les études stratégiques, ou bien offrir, dans le cadre d'une grande école de commerce ou de gestion, un cours ou un ensemble de modules sur la gestion de la communication .
On pourrait, troisièmement, offrir à l'intention de fonctionnaires, de parlementaires, de membres d'organisations non gouvernementales et de professionnels sri lankais des relations publiques un ensemble de modules sur divers aspects de la communication.
Vous vous demandez sans doute pourquoi? Eh bien, d'après moi, ce projet fournirait aux universitaires, aux responsables politiques et aux professionnels de la communication les outils d'analyse nécessaires à l'examen des problèmes liés aux conflits nationaux, ethniques et religieux dans le contexte de la communication telle qu'on l'envisage au Canada, c'est-à-dire dans une optique de tolérance, de respect de l'autre et de négociation. Il s'agirait, en effet, de situer ces divers types de conflits dans un contexte plus large, faisant pour cela appel aux recherches en politique comparée, en histoire, en sociologie, en anthropologie culturelle et génétique, ainsi qu'en théorie de la politique et des relations internationales dans ses aspects touchant plus particulièrement le Sri Lanka, ses communautés ethniques et ses relations avec le reste du monde. La communication est un domaine interdisciplinaire et ce projet devrait également offrir un aperçu des travaux effectués, après 1980, sur les problèmes liés au nationalisme et aux conflits ethniques, utilisant pour cela des études de cas portant sur la situation dans les diverses régions du monde.
Ce projet accroîtrait les capacités d'analyse critique des débats politiques, tout en améliorant le travail d'équipe ainsi que les compétences en matière de communication écrite et orale. Il contribuerait en outre à la création de centres d'archivage des données sur le nationalisme à partir de sources de renseignements sur le Sri Lanka, tant imprimées qu'électroniques.
Chacun pourrait alors mesurer l'étendue des ressources disponibles et de voir ce qui a été dit, par qui et avec quels résultats. Un tel projet devrait en outre aboutir à une prise de conscience procurant aux citoyens et aux acteurs de la scène politico-ethnique une base solide à partir de laquelle on peut espérer voir naître de nouvelles solutions aux problèmes découlant du nationalisme et des conflits ethno-religieux et ethniques au Sri Lanka en mettant particulièrement l'accent sur les conséquences de la guerre.
Le Canada s'est beaucoup impliqué dans la fourniture aux pays en développement de programmes et de matériels audiovisuels, notamment de programmes et de documents faisant ressortir de manière très efficace les clivages entre classes sociales, et mettant en évidence les différences entre oppresseurs et opprimés.
Mais ce que le Canada n'a pas fait, c'est de chercher à transférer ses savoirs en ce domaine car, effectivement, c'est très difficile à faire. Les Canadiens comptent, dans le monde, parmi les meilleurs communicateurs. Cela nous offre une formidable occasion de procéder à des transferts de connaissances au lieu de simplement en exporter les produits.
Je vous remercie.
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Mesdames et messieurs, je m'appelle Noor Nizam. Je représente la communauté musulmane minoritaire au sein des Sri Lankais d'expression tamoule. Je tiens à vous remercier tous et en particulier MM. Paul Crête et David Sweet, de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole.
Je passe directement à notre sujet d'aujourd'hui, c'est-à-dire les relations entre le Canada et le Sri Lanka. La situation actuelle au Sri Lanka préoccupe beaucoup les Canadiens d'origine sri lankaise. L'interdiction, aux termes du , du groupe militant des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, a provoqué au sein de la diaspora un changement d'attitude, et un regain d'intérêt pour les relations entre le Sri Lanka et le Canada.
Étant donné que la situation au Sri Lanka retient l'attention du monde entier, la question que je tiens à évoquer devant vous est celle de savoir ce que nous, Canadiens, entendons faire pour atténuer les malheurs qui en découlent et pour panser les plaies qui en résultent, notamment parmi la diaspora.
Les Canadiens auront-ils la volonté d'aider la minorité musulmane du Sri Lanka qui compte 1,7 million de personnes, dont 40 p. 100 vivant dans la région du nord-est? Cette communauté a été entièrement tenue à l'écart de l'Accord de cessez-le-feu et du processus de paix. Or, il y a presque 18 ans déjà, les musulmans ont contribué, de manière notable à l'engagement de ce processus de paix.
Mais ce n'est pas la seule question préoccupant la communauté musulmane. Celle-ci s'inquiète en effet énormément du sort des Tamouls et des enfants, notamment des enfants soldats. Je vous rappelle que de 10 à 12 des résolutions du Conseil de sécurité n'ont pas été mises en oeuvre par l'Unicef, le Fonds des Nations Unies pour le secours de l'enfance. Si le Canada ne réagit pas, que va-t-il arriver aux 7 200 enfants mis en péril par cette guerre? Certains d'entre eux risquent de mourir. Allons-nous leur venir en aide? Quelles sont, à cet égard, les responsabilités du Canada?
J'oeuvre, moi aussi, dans le domaine de la communication, sujet que j'enseigne à McMaster, mais je prends aujourd'hui la parole devant vous à titre personnel. Mes collègues et moi-même demandons que soit organisée, à l'instar de la table ronde sur l'Afghanistan, une table ronde sur le conflit au Sri Lanka afin de se pencher sur le sort des enfants soldats et de ranimer la campagne pour l'enfance que le Sri Lanka avait lancée avec l'appui de l'UNICEF.
Nous souhaitons également, dans le cadre de cette table ronde, évoquer la question gravissime de l'aide humanitaire et de l'aide au développement. J'ai ici un coffret que je souhaite vous montrer. Il m'a été remis par Partenaires Canadiens pour la Santé Internationale.
Le Canada a distribué trois millions de dollars à diverses organisations, mais aucune partie de cette somme n'est allée à l'antenne PSI à Vavuniya. Je me suis entretenu, hier, avec des représentants de CARE Canada, qui, après quelques hésitations, ont reconnu qu'effectivement, cette organisation n'avait lancé aucune initiative au Sri Lanka. Elle n'a fait que transmettre l'argent à Care International. Or, la somme en question a été versée par le Canada le 26 février, mais pas la moindre partie de l'argent n'est allée au Sri Lanka.
Les Sri Lankais, les Musulmans, les Tamouls, les Singhalais et les Burghers ont recueilli des dons. Nous avons tous participé et nous avons obtenu de Partenaires Canadiens pour la Santé Internationale pour 30 000 $ de médicaments que nous avons acheminés à nos frais.
Un de nos bénévoles se rendra sur place dans quelques jours grâce au billet gratuit que nous a procuré Air Canada. Je tiens à remercier l'honorable David Sweet de l'aide qu'il nous a accordée. La compagnie Sri Lankan Airlines assurera gratuitement le transport de ces médicaments.
Voilà en quoi consiste l'aide humanitaire du Canada. Mais on ne peut pas simplement faire un don de trois millions de dollars et négliger entièrement son affectation en se flattant cependant, aux yeux du monde, des efforts consentis par le Canada. Qu'a-t-il été fait?
Je suis Canadien, et c'est en tant que Canadien que je pose la question au pays. Comment se fait-il que vous ne puissiez pas en faire davantage? Est-ce entièrement à nous de recueillir, parmi nos proches, au sein de nos communautés, de la communauté d'expression tamoule, et plus précisément, de la communauté musulmane d'expression tamoule, l'aide humanitaire nécessaire? Je ne vois là l'expression d'aucune solidarité plus large, et pourtant nous faisons tous partie du même peuple, de la même nation canadienne.
Messieurs du comité, j'en appelle à vous. Dites à l'ACDI de prendre ses responsabilités en toute indépendance, de renoncer aux vieux calculs et de ne pas limiter son aide aux membres d'un club restreint. Envisagez de participer à des projets tels que celui-ci dont je viens de faire état. Mettez de côté les vieux critères qui nous excluent parce que nous n'avons pas tel ou tel nombre d'années d'expérience, parce que nous n'avons pas de rapports annuels certifiés par des vérificateurs. Va-t-on tout de même exiger cela lorsqu'il y a urgence, et qu'il s'agit d'envoyer des secours aux personnes sinistrées. En de telles circonstances, il faut prendre ses responsabilités et agir de manière décisive.
Notre appel s'adresse à tous les Canadiens. Les sommes en question sont l'argent du contribuable et le Canada est reconnu internationalement pour la générosité de son aide. Pourtant, M. Dan McTeague, votre collègue député a lui-même dit que les 200 millions de dollars affectés au fonds de secours créé après le tsunami n'ont pas encore été employés. La Croix-Rouge n'a toujours pas rendu compte de son emploi des 200 millions de dollars accordés pour secourir les victimes du tsunami. J'en ai ici les preuves et je vous somme d'engager contre moi des poursuites si je vous dis quelque chose qui n'est pas exact.
Trois millions de dollars ont été distribués à divers organismes, dont 500 000 $ à Care Canada, et pourtant, pas la moindre parcelle de cette somme n'est allée aux victimes du conflit sri lankais. Sept cents femmes enceintes y sont actuellement privées de médicaments. Des enfants continuent à souffrir.
Le gouvernement du Sri Lanka fait peut-être tout ce qu'il peut, mais son action nous échappe. Nous ne pouvons pas en effet, nous immiscer dans les activités du gouvernement. Nous pouvons, cependant, intervenir dans le cadre de la société civile. C'est là notre terrain d'action. Nous vous demandons d'envisager les possibilités d'intervenir en ce domaine.
Nous vous demandons aussi de comprendre que la communauté musulmane a elle aussi souffert. Nous avons fait l'objet d'un véritable génocide. Cent soixante-quatorze membres de notre communauté ont été assassinés à la mosquée de Kattankudi. En 1990, 80 000 des nôtres ont été expulsés.
Je ne vous en tiens aucunement responsable. Tout cela est imputable au conflit. Tout cela est la faute de la communauté internationale et des ONG internationales qui ont présenté les faits sous un faux jour.
J'ai apporté avec moi des preuves démontrant que la presse et les médias internationaux... Et je dis cela en tant que chercheur dans le domaine des médias. Je rédige sur le terrorisme des articles de journalisme d'investigation. Mes articles sont tenus pour sérieux aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France. J'affirme donc, que les médias ne respectent pas les règles de déontologie qui sont censées les inspirer; les journalistes écrivent un peu ce qui leur passe par la tête et cela est à l'origine d'un certain nombre de problèmes entre le Canada et le Sri Lanka.
Nous vous demandons donc de donner aux jeunes la possibilité... C'est nécessaire afin que la jeune génération de Tamouls nés au Canada — et de musulmans d'expression tamoule — ne soient pas nourris par la haine. C'est pourtant ce qui se passera si l'on ne parvient pas à créer de nouveaux liens. L'écart entre les deux pays se creusera, avec toutes les hostilités qui en naîtront. Aidons ici la jeune génération à comprendre ce qui se passe au Sri Lanka et aidons les jeunes là-bas qui sont en proie à de si grandes difficultés.
Je vous remercie.
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Honorable président de la Commission, membres du Parlement, mesdames et messieurs, je vous remercie tous de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous faire part de nos idées sur ce qui se passe actuellement au Sri Lanka.
Je m'appelle Hasaka Ratnamalala. Je suis un Sri Lankais du Canada. Au Sri Lanka j'ai été à la fois avocat et journaliste. Dans le cadre de ma carrière de journaliste, j'ai eu l'occasion de me rendre dans toutes les régions de l'île. J'ai été, en fait, le premier journaliste cinghalais à pouvoir me rendre, en 1993, dans la région de Jaffna contrôlée alors par les LTTE.
Lors de ma visite, j'ai pu interroger les dirigeants des LTTE, tels Anton Balasingham, Thamil Chelvem et Aiyathurai Nadesan. J'ai pu ainsi acquérir une connaissance directe de l'action des LTTE. Mes articles ont été publiés en cinghalais dans le Ravaya, journal appartenant à la presse parallèle.
J'ai également fait partie d'un groupe réunissant des gens qui estimaient que la paix pourrait revenir au Sri Lanka, si le gouvernement sri lankais acceptait de prendre langue avec les LTTE. L'expérience m'a plus tard démontré que cela n'était en fait pas possible, car les LTTE n'entendaient rien céder de leurs exigences, le conflit devant selon eux se solder par la reconnaissance d'un État indépendant.
C'est pour cela que le conflit perdure. C'est sans doute d'ailleurs ce que veulent les LTTE. Cela étant, les idées de pourparlers de paix ou de « cessez-le-feu » n'ont plus, au Sri Lanka, le moindre sens. Au Sri Lanka, les cessez-le-feu conclus avec les LTTE n'ont signifié que mort, destructions, complots occidentaux, hypocrisie de l'Occident, néo-impérialisme, réarmement, regroupement et nouvelles attaques, autrement dit, des bombardements à n'en plus finir.
Or, aujourd'hui, pour la première fois, les forces de sécurité sri lankaise ont montré au reste du monde que la force permet effectivement de vaincre le terrorisme. Les LTTE, le mouvement terroriste le plus impitoyable du monde, sont acculés aux limites d'un petit territoire de 20 kilomètres carrés. Un danger existe cependant, car les LTTE ont pris en otage plusieurs milliers de civils dont ils se servent comme bouclier humain. Cependant, le conflit armé prendra fin et il nous faut donc dès maintenant, engager une réflexion sur les répercussions de cette guerre. Le gouvernement du Sri Lanka envisage déjà une solution politique.
Dans un premier temps, le gouvernement sri lankais a entrepris la mise en oeuvre du 13e amendement à la Constitution qui, à l'issue d'une conférence réunissant l'ensemble des parties, entraînera une décentralisation des pouvoirs au bénéfice des provinces. La question fait actuellement, au Sri Lanka, l'objet d'un débat national qui est un indice de progrès mais, malheureusement, cette partie de la diaspora qui soutient l'action des LTTE ne veut pas de ce débat au sein de la diaspora sri lankaise.
Au Sri Lanka lui-même, on constate l'élimination progressive de tous les obstacles qui jusqu'ici empêchaient les Tamouls de se considérer comme des Sri Lankais à part entière. On a supprimé ce vestige de la colonisation britannique qui est l'inscription de l'appartenance ethnique sur les certificats de naissance. Les Tamouls ne parvenaient pas à s'intégrer à la vie nationale du Sri Lanka et leurs dirigeants politiques ont tout intérêt à faire en sorte qu'il en demeure ainsi. Les obstacles tombent en même temps que les LTTE. Les dirigeants tamouls qui acceptent d'agir en tant que Sri Lankais commencent à se manifester et il me semble important de le relever.
Aujourd'hui, plus de 60 p. 100 de la population tamoule vit au sein de la majorité cinghalaise, dans des régions autres que le nord et l'est. Voilà, donc, la situation telle que nous pouvons la constater.
Je vous remercie.
Je m'appelle Muttukumaru Chandrakumaran. Il me faut corriger une légère erreur faite lors des présentations. Je suis directeur international du Rotary Club de Pickering. Notre club monte des projets internationaux.
Je tiens à remercier les membres du comité de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous exposer nos idées sur la situation au Sri Lanka et sur ce que le Canada pourrait faire pour aider à instaurer une paix durable.
Je suis un démocrate tamoul. Je suis né à Jaffna, mais j'ai déménagé à Kandy, ville considérée encore parles cinghalais comme la capitale. Ma famille et mes parents y ont vécu en paix. Puis, je suis allé vivre à Colombo, où j'ai grandi. J'ai fréquenté des gens de toutes appartenances ethniques et y ai lié de solides amitiés. Malheureusement, l'entente entre communautés a été rompue par des hommes politiques avides de pouvoir. C'est ce qu'ils voulaient plus que toute autre chose et il n'y a pas à chercher ailleurs la principale cause de la violence qui a marqué, depuis des années, la vie de ce pays.
J'ai quitté le Sri Lanka en 1978 après les violences communautaires de 1977, au cours desquelles j'ai failli perdre la vie. Après tant de souffrances, les Sri Lankais ont dû attendre 1985 pour que la violence s'atténue, mais l'accord de paix n'a été signé qu'en 2002.
C'est l'année où ma famille a pu, pour la première fois depuis 22 ans, se rendre au Sri Lanka en visite. Pouvant circuler librement dans Colombo et la région sud du pays, j'avais l'impression de retrouver mes jeunes années. Que ce soit parmi les Cinghalais ou parmi les Tamouls, nous pouvions circuler librement, en toute sécurité.
Nous avons éprouvé des problèmes, cependant, lorsque nous nous sommes rendus dans la région contrôlée par les LTTE, où nous nous sommes retrouvés parmi les membres d'un groupe ayant subi un entraînement spécial et... [Note de la rédaction: Inaudible]. Lorsque j'ai pénétré dans Thandikulam, la région contrôlée par les LTTE, j'ai été sommé de m'expliquer. Qu'est-ce qui m'amenait là? Qui m'avait demandé de venir? Où allais-je être hébergé? Enfin, voilà le genre de questions qui m'ont été posées. Les jeunes de cette région ne disposent guère d'établissements scolaires et sont coupés de l'extérieur. Leur isolement doit être rompu.
Si le Canada souhaite participer au processus de paix et voir effectivement s'instaurer une paix durable, il lui faudrait par contre commencer par balayer devant sa porte. Je dis cela parce que la situation ici, pour les Canadiens tamouls originaires du Sri Lanka, est pire que dans la région contrôlée par les LTTE. Faute de moyens, la police ne peut cependant rien faire. On ne peut même pas déménager.
Lorsque nous avons contacté, en 2007, afin d'organiser une première réunion pour la paix, il a répondu de manière positive. La réunion a permis une rencontre sans précédent entre les trois communautés, cinghalaise, tamoule et musulmane. Nous souhaitions parvenir à une solution, mais un certain groupe l'a contacté pour essayer de le dissuader d'y prendre part. Ils ont envoyé des courriels et même tenté d'empêcher la tenue de la réunion. Les participants s'y sont quand même rendus, mais ce groupe a envoyé des perturbateurs. Heureusement, nous avions prévu un dispositif de sécurité.
Même les Tamouls sri lankais souhaitent vivre en harmonie, mais il faudrait pour cela faire cesser les menées de ce groupe. Les enfants et les jeunes Tamouls à Vanni, au Sri Lanka, se sont vu retirer leurs droits, leurs valeurs familiales, toute occasion de s'instruire, de se développer et de communiquer avec le monde extérieur.
Je vous ai montré un certain nombre de photos. Regardez ces enfants.
Après le tsunami, j'ai mis sur pied un programme pédagogique à l'intention de Vanni et d'Ampara. J'ai sollicité, pour cela, le soutien de l'agence canadienne spécialement chargée de ce genre de chose, mais elle a refusé de m'aider. Nous avons dû financer cela nous-mêmes en recueillant 30 000 $ parmi les membres de notre communauté. Les autorités canadiennes ne font rien pour nous aider. Comment faire?
Pour nous, au Canada, le plus grave problème est lié à la jeune génération. La haine s'est installée entre jeunes Tamouls et jeunes Cinghalais. Si nous ne faisons rien pour remédier à la situation, le problème ne fera que s'aggraver.
Je vous ai distribué un disque compact contenant des renseignements à ce sujet. Je vous demande à tout le moins de le consulter. On y voit des jeunes, mêmes des enfants en uniforme militaire, se comportant comme des combattants de la liberté, voire comme des... Je ne saurais dire. Que peut-on en attendre? Cela les a profondément marqués.
Même la GRC n'a pas les moyens d'agir. Personne n'a les moyens de s'y opposer selon la législation canadienne, en effet, c'est une question de liberté d'expression. Mais à quoi va nous mener cette liberté d'expression? Cela finira par le terrorisme, ici même, au Canada. Le groupe dont je vous parle ne veut pas voir la paix s'instaurer au Sri Lanka. Ses membres se paient ici, une existence luxueuse. Certains d'entre eux ne travaillent même pas. On les voit avec quatre maisons et des voitures de luxe. Que font-ils?
Une dame de 65 ans est venue me dire « Le matin je sors tôt. Je me lève à 7 h, je mange un petit peu et je pars travailler. Mais ces gens-là, on les voit dormir jusqu'à 10 h, s'habiller élégamment et venir m'extorquer de l'argent, sans quoi ils m'empêcheront de rentrer chez moi ». On leur donne de l'argent et personne ne peut s'y opposer, mais personne ne sait, non plus, à quoi sert cet argent.
Pourquoi le Canada ne peut-il pas ouvrir un compte spécial et dire à tous les Tamouls que ce compte existe, que leurs contributions leur donneront droit à un crédit d'impôt et que le gouvernement contribuera à parts égales? On pourrait faire beaucoup et peser sur la situation au Sri Lanka.
Je vous ai distribué quelques disques compacts qui vous permettront de constater comment... Même pour les élections que nous organisons au Canada, il faut obtenir au préalable la permission de ce groupe. On ne sait pas trop ce qu'ils font ici. La plupart des gens ne le savent pas, mais j'ai mis tout cela sur le CD. On ne peut rien faire sans leur permission.
Ce groupe fomente la haine parmi les Tamouls. Il y a, au Canada, davantage de députés sikhs que la population ne... [Note de la rédaction: inaudible]. Or, en tant que Canadiens, on ne se dit pas, tel député est sikh, tel autre est musulman, ou Français. Nous travaillons tous ensemble en tant que Canadiens.
Nous laissons ce groupe continuer à agir de la sorte, et la GRC ne peut rien y faire. Personne ne peut s'y opposer, car les lois sont très nettes sur ce point et on ne peut rien y faire. D'ailleurs, personne ne consulte la GRC avant d'admettre certains de ces individus au Canada. Voilà où commence le problème. N'importe qui peut venir s'installer ici. Que font, à cet égard, nos dirigeants? Rien.
Je peux vous dire que quand je vous quitterai, aujourd'hui, après vous avoir dit tout cela, je serai exposé, moi et ma famille, à de graves difficultés. Ça c'est une réalité pour la plupart de nous, Tamouls, vivant au Canada, et particulièrement à Toronto. Il se passe des tas de choses ici, mais on ne fait rien pour remédier à la situation. Rien. Comment pouvons-nous prétendre aider les autres à régler leurs problèmes, si on ne fait pas avant cela le ménage chez soi?
En visionnant les disques compacts que je vous ai remis, vous verrez quelle est effectivement la situation. Même les médias et la télévision ne peuvent pas diffuser ces informations sans obtenir, au préalable, la permission des membres de ce groupe. Vous verrez, tout est archivé sur le disque compact. Le présentateur raconte ce qu'il en est. Comment pourrais-je, moi, un homme seul, oser faire quelque chose?
Permettez-moi de vous citer quelques exemples. Ils sont, à trois reprises, venus me trouver chez moi pour me demander de l'argent. Ils m'ont réclamé 2 000 $. Puis ils m'ont demandé mon NIP, mon numéro d'identification personnel. Je leur ai répondu que je ne possédais pas une telle somme. Ils m'ont alors dit que je devrais quitter ma petite maison, la vendre et leur donner l'argent. Or, le type qui est venu me soutirer de l'argent a effectué, dans sa propre maison, des travaux d'embellissement. Il s'est acheté une camionnette. Avec quel argent? Que pouvons-nous faire?
Ils ont pour règle d'attendre la veille pour annoncer leurs réunions publiques. Ce n'est qu'à 18 h qu'ils annoncent la réunion, et le lieu de sa tenue. Dans ces conditions-là que peut y faire la GRC? Compte tenu de la législation en vigueur, personne ne peut s'opposer à leurs agissements. À quoi servent nos services de sécurité, s'ils ne sont pas à même d'intervenir? Nous risquons d'avoir de graves problèmes si nous ne parvenons pas à modifier les lois canadiennes applicables en ce domaine.
Je vous remercie.
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Je m'appelle Andrew, et je suis aumônier catholique à Montréal. Je prends la parole devant vous en tant que représentant à la fois de la communauté catholique tamoule de Montréal et de la communauté catholique du Sri Lanka.
Pour comprendre l'histoire du Sri Lanka et la manière dont le catholicisme s'y est développé, il nous faut d'abord nous pencher sur la période précédant l'arrivée des Portugais. Il existait, avant l'arrivée des Portugais, deux royaumes, le royaume tamoul et le royaume cinghalais. Bien qu'ils aient introduit le catholicisme au Sri Lanka, les Portugais n'ont pas fait disparaître les structures existantes. Puis, ce sont les Hollandais qui ont colonisé le pays de 1656 jusqu'au XVIIIe siècle. Après cela, les Britanniques sont arrivés et ont tenté de soumettre le pays à un gouvernement central britannique. En 1833, ils ont nommé un administrateur général et ont tenté de gouverner le pays jusqu'en 1948, date à laquelle le Sri Lanka a accédé à l'indépendance.
Je suis un Tamoul de la région de Jaffna, Vasavilan, où je suis né, a beaucoup souffert de la guerre civile. Ce village a été occupé par les forces sri lankaises et nous avons dû en partir. Nous nous sommes installés à Jaffna, mais même là, nous n'avons pas pu nous maintenir. Les Tamouls sont obligés de déménager constamment pour échapper à la guerre civile.
Pendant une longue période de leur histoire, les Tamouls se sont efforcés de tolérer la communauté cinghalaise. Ils ont essayé de cohabiter en paix, mais les manoeuvres politiciennes de dirigeants cherchant à s'attirer les voix de la majorité cinghalaise ont abouti à des violences intercommunautaires.
Aujourd'hui, au Sri Lanka, il y a chaque jour des morts civils et même ceux qui ont quitté le Sri Lanka sont affectés par ces tueries. Mes paroissiens m'ont parlé de leurs proches qui ont été tués. La semaine dernière encore, un d'entre eux qui souhaitait envoyer de l'argent au Sri Lanka pour aider sa famille qui se trouve dans la zone où sévissent les combats, n'a pas pu le faire faute de pouvoir contacter les personnes les plus touchées.
La situation des Tamouls doit donc être replacée dans le contexte de la longue histoire du Sri Lanka. Il faut comprendre que les Tamouls ont le droit de vivre dans leur propre pays. Ils ont le droit de voir respecter leurs valeurs. Les Tamouls qui vivent dans la zone la plus touchée ont du mal à en partir en raison du sentiment d'insécurité que leur inspire la perspective de l'exil. Les Tamouls canadiens demandent donc au gouvernement d'appeler à l'arrêt de cette guerre civile, à l'arrêt des violences, et d'engager des négociations de paix afin de faire respecter les droits des Tamouls.
Dans l'immédiat, nous proposons un arrêt des hostilités. Il conviendrait de donner aux expatriés la possibilité de répondre aux besoins des personnes les plus touchées. En raison du blocus économique des régions en cause, les populations manquent actuellement de nourriture et de médicaments. Il faut que les ONG internationales réagissent aux besoins de ces populations, et les Tamouls installés au Canada demandent au gouvernement canadien de prendre des dispositions leur permettant de venir en aide à leurs amis et parents au Sri Lanka.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je tiens à vous remercier, tous les cinq, d'avoir répondu à notre invitation. Je vais maintenant presser un peu le pas car le temps file.
M. Nizam nous a parlé, tout à l'heure, des Partenaires pour la santé. Je connais très bien cet organisme, ayant moi-même, lors de voyages en Afrique, acheminé des médicaments. C'est une association qui fait du grand travail. Je tiens à le dire et nous sommes, effectivement, au courant de ses activités.
J'aurais, maintenant, M. Nizam, une question à vous poser.
Vous avez proposé l'organisation d'une table ronde afin d'apporter à ce conflit une solution pacifique. Permettez-moi d'abord de vous demander comment vous envisagez cette paix? Il semble que les LTTE soient appelés, à brève échéance, à cesser le combat. Sous l'égide de la Norvège, les pays scandinaves avaient engagé un processus de paix qui a, à l'époque, donné d'excellents résultats. Mais, pourtant, tout est à recommencer. Si j'ai bien compris, ce conflit remonte à la présence britannique au Sri Lanka et le gouvernement tamoul, le nouveau gouvernement c'est-à-dire, souhaite obtenir l'indépendance... Les Cinghalais constituent tout de même 80 p. 100 de la population. Il y a donc des problèmes communautaires, auxquels s'ajoutent des problèmes religieux.
Parlons un peu, si vous le voulez bien, des problèmes religieux. Comment, d'après vous, cela va-t-il se passer? Qui est le mieux placé pour ramener la paix? Ma question s'adresse à tous nos témoins.
J'ai, en outre, une question pour le révérend père de Montréal. J'aimerais savoir — mais les représentants de la communauté musulmane pourraient également répondre sur ce point — si les catholiques éprouvent les mêmes difficultés que les Sikhs et les Hindous d'expression tamoule? Y a-t-il, parmi cette communauté de 200 000 personnes, des gens qui sont retenus en otage dans le nord-est par les LTTE? Avez-vous, dans cette région, des proches parents? Quelle est, à cet égard, la situation?
D'abord, M. Nizam.
Je connais bien le processus de paix étant donné que, comme l'indique ma biographie, j'en suis un des initiateurs.
L'échec du processus de paix n'est pas dû à un manque de volonté du peuple tamoul, du peuple cinghalais ou de la communauté musulmane. Si le processus de paix a échoué, c'est essentiellement parce que ceux qui l'ont piloté se sont montrés injustes envers les musulmans. Nous avons été tenus à l'écart de ce processus. Notre communauté compte 1,7 million de personnes. Les Tamouls, eux, représentent 13 p. 100 de la population et les Cinghalais, 72 p. 100. Comment ramener la paix sans engager une négociation globale entre les trois communautés, comme nous l'avions fait il y a 50 ans? Nous parlons le tamoul, nous avons la même culture et la seule chose qui nous différencie des autres Tamouls c'est notre foi. Les Cinghalais sont des Sri Lankais. Ils font partie du même pays. Leurs enfants et nos enfants vivaient côte à côte, mais après 1956 et 1972, il y a eu une cassure.
D'après moi, si l'on parvient à une solution politique de ce conflit, et si la communauté internationale exerce des pressions sur le gouvernement sri lankais, et que celui-ci accepte de se pencher sur la situation qui suivra la cessation des combats, le Canada aura, d'après moi, un rôle important à jouer. Mais ne pensez pas en termes de processus où il faudrait, avant d'agir, engager une longue réflexion quant aux mesures qu'il conviendrait d'adopter. Soyez décisifs et dites tout de suite les moyens que vous êtes prêts à mettre en oeuvre...
Permettez-moi de rappeler que l'intervention au Sri Lanka de la force indienne de maintien de la paix, l'IPKF, s'est faite en dehors des règles du droit international. Pourquoi le Canada ne peut-il pas proposer aux Tamouls, aux Musulmans aux Sri Lankais et aux Cinghalais, un pacte qui serait commun à tous? Le Canada aurait en cela un rôle à jouer. Nous avons, dans ce pays, des experts en communication capables d'amener les représentants des diverses communautés à la table des négociations. Mais, en fait, la paix est moins essentielle pour nous que pour la prochaine génération.
Je vous remercie.
Je tiens en premier lieu à remercier le Canada de ce qu'il a fait pour le Sri Lanka, comme vous venez de nous l'expliquer.
Mais je préfère parler du présent et de l'avenir. C'est pour cela que je dis que le Canada doit venir en aide aux populations du Sri Lanka et contribuer aux divers efforts humanitaires.
L'ACDI, organisme dispensateur de l'aide internationale, relève du ministère des Affaires étrangères. Personne ne conteste que l'ACDI a, le 26 février, débloqué un crédit de trois millions de dollars. Je l'ai moi-même relevé. En outre, 500 000 $ ont été remis à CARE Canada. Or, ces sommes semblent être, en quelque sorte, bloquées.
Il y a, au Sri Lanka, des gens qui souffrent. Je ne parle pas seulement des habitants de la région de Vanni et des personnes qui parviennent à quitter l'enclave contrôlée par les LTTE. Il y en a d'autres encore qui souffrent et il existe des organisations, des petites organisations, qui seraient en mesure de les secourir. Je disais tout à l'heure que les PCSI nous ont donné des médicaments, mais que, en raison de la modicité de nos moyens financiers, nous avons du mal à les acheminer. Chaque cargaison de cinq ou six colis, nous coûte de 4 000 à 5 000 $ en frais de transport. Voilà la difficulté que j'évoquais devant vous.
Le même problème se pose au niveau de la communauté musulmane. Nous sommes, depuis 23 ans, tenus à l'écart. Nous sommes une communauté minoritaire d'expression tamoule. Nous sommes tenus à l'écart depuis 23 ans, mais nous commençons à percevoir une éclaircie, un début de paix, à éprouver un regain d'espoir.
Pourquoi le Canada ne prend-il pas en compte notre situation? Pourquoi insiste-t-il pour ne tenir aucun compte d'une communauté de 1,7 million de personnes qui, à 40 p. 100, vivent dans le nord-est. Pourquoi ne pas leur envoyer des secours médicaux.
Songez aux programmes mis en place après le tsunami. Il n'est pas possible ici de vous faire un exposé sur la question, mais je suis en mesure de vous fournir suffisamment d'éléments pour démontrer que le programme de développement à l'intention de la communauté musulmane semble s'être perdu dans les sables.
Le gouvernement a fait preuve de générosité. Le problème des musulmans au Sri Lanka provient du fait qu'ils sont attachés à la démocratie, aux institutions démocratiques et à la paix, et que nous sommes attachés aux autorités constituées. Que le gouvernement au pouvoir soit un gouvernement tamoul, un gouvernement cinghalais, ou un gouvernement burgher, nous le soutenons.
Nous ne nous sommes, dans notre histoire, jamais exprimés par la violence. Je suis aujourd'hui Canadien, mais je suis fier de me dire originaire du seul pays qui n'ait jamais eu recours à la guerre. Cela dit, le conflit qui sévit au Sri Lanka nous a anéantis. On nous a pris nos demeures, nos enfants, notre système de soins de santé, nos médicaments, nos cliniques.
Je vous invite, monsieur, à vous rendre au Sri Lanka, notamment dans les régions de l'Est. Vingt-sept étudiants de l'Université McMaster se sont rendus à Kinniya, un petit village. Ils en sont revenus en larmes. Ils ont décidé de s'impliquer et ils construisent actuellement des maisons sans la moindre aide de l'ACDI. Ils n'en veulent pas d'ailleurs et ont décidé de s'en passer.
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Merci, monsieur le président. Je tiens à mon tour à remercier nos invités.
Nous entendons dire, par les médias, par les témoins qui comparaissent devant le comité et par les rapports qui nous proviennent du Sri Lanka, que le conflit qui y sévit actuellement est une guerre d'usure et qu'il s'agit, en premier lieu, d'éliminer les Tigres. Plusieurs ont fait état des préoccupations que leur inspire l'action des LTTE. La communauté internationale et le Canada s'inquiètent à l'idée qu'il s'agirait simplement d'attendre que l'armée parvienne à anéantir ses opposants. Ce n'est pas une perspective très réjouissante. Voilà, pourtant, la situation qui nous a été, à maintes reprises, dépeinte.
Plusieurs idées ont été émises concernant le rôle que le Canada pourrait jouer. Le Canada pourrait notamment exprimer très nettement la préoccupation que lui inspire la force employée par l'armée, même si le gouvernement a le droit de combattre les insurgés. Ce qui est inquiétant, c'est que les moyens employés par l'armée ont provoqué une forte augmentation du nombre de personnes déplacées, et que nous avons du mal à cerner l'ampleur du problème. Quelque 23 000 personnes ont quitté le nord-est en mars, et en février il y en aurait eu 33 000.
Le gouvernement du Canada devrait-il envoyer au Sri Lanka un représentant, un ministre par exemple, pour faire part au gouvernement sri lankais de nos préoccupations? Nous avons déjà envoyé une aide financière, qui est sans doute bienvenue, dans la mesure bien sûr où elle parvient à ceux qui en ont besoin. Quelles sont, par contre, les autres formes d'aide que nous pourrions envoyer, et en quelle quantité?
La question s'adresse d'abord à M. Sévigny.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je tiens, messieurs, à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation.
Ma question fait suite à ce que vient de dire ma collègue, Lois Brown.
La plupart des questions que nous vous avons posées jusqu'ici concernent la situation au Sri Lanka, sujet qui revêt bien sûr une importance vitale. Je souhaiterais, pour ma part, évoquer la situation au Canada. Plusieurs d'entre vous ont évoqué le problème. Ce n'est, bien sûr, pas la première fois que nous entendons parler de ça, mais je tiens à savoir ce que, d'après vous, le gouvernement fédéral devrait faire pour réagir énergiquement aux menaces, tant physiques que verbales, dont font l'objet les communautés installées dans diverses régions du Canada.
Vous n'êtes, hélas, pas la seule communauté à subir de telles exactions. Il s'agit là d'une conséquence regrettable de l'immigration — je dis bien « regrettable », car cela fait des années que je me penche sur les divers types de problèmes liés à l'immigration — et l'on trouve, au sein de certaines communautés, des groupes qui s'intéressent beaucoup plus à ce qui se passe dans leur pays d'origine qu'à ce qui se passe ici. Ces personnes consacrent toutes leurs énergies à la situation dans leur pays d'origine. Il s'agit donc, pour les Canadiens et notamment pour tous ceux qui exercent des fonctions officielles, d'un problème délicat, car nous tenons à respecter le multiculturalisme, donc la religion, les origines et la langue des nouveaux arrivants — ce que nous faisons effectivement — mais en même temps, nous sommes soucieux d'assurer leur intégration à la vie canadienne et la cohésion de notre tissu social.
Cela étant, j'estime que certains groupes vont trop loin. Je n'en citerai aucun et je sais qu'ils sont minoritaires au sein de leurs communautés mais, dans la communauté sri lankaise du Canada, ils constituent une minorité très agissante. Ils consacrent à ces activités beaucoup de temps, beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent, très souvent illégalement.
Quelles seraient donc, d'après vous, les mesures que le gouvernement pourrait prendre? Puis-je vous demander de me répondre de manière aussi concrète que possible. Ma question s'adresse d'abord à M. Ratnamalala, et M. Nizam souhaitera peut-être lui aussi me répondre. Le temps m'est compté et je vous demande donc d'être très brefs dans vos réponses.
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Madame, je voudrais répondre à cela de manière approfondie. Il y a deux principaux points à examiner.
Premièrement, il faut penser aux jeunes canadiens qui forment la diaspora de Sri Lankais et qui sont nés au cours des 23 dernières années. Ils sont Canadiens. Ils n'ont pas de liens, pas de culture, pas de traditions, en dehors de ce que leur apprennent leurs familles.
Deuxièmement, il y a le réseau culturel, le réseau des médias de masse, et la faute du CRTC. Vous connaissez tous le CRTC. Vous et moi, lorsque nous suivons une émission télévisée — qu'il s'agisse de Bell ou de Rogers ou autre — nous sommes certains de pouvoir comprendre les programmes anglais. Mais je ne peux pas le faire s'il s'agit d'un programme français.
Ce qui se passe dans les programmes culturels télévisés est si dangereux qu'il m'est arrivé de téléphoner au CRTC et à la Société Radio-Canada pour leur poser certaines questions. Ils ont accordé des licences pour la télévision culturelle, mais ce que celle-ci diffuse n'est rien d'autre qu'une instigation au terrorisme. Les films indiens, les films hindis, les films tamouls montrent tout ce qui se passe dans le monde entier, en particulier lorsqu'il s'agit de Jaya TV, et aucun de ces services n'est en anglais. Vous verrez qu'ils encouragent la violence.
Quel est leur public? Les jeunes qui forment 30 p. 100 de la diaspora parlant tamoul. Ils découvrent la violence dans ces émissions. Et l'effet de cette incitation sur eux... Voulez-vous qu'on crée un autre Khadr dans la communauté canadienne tamoule, pour qu'il se rende au Sri Lanka se faire sauter? Non. Ce n'est pas ce que nous voulons. Ce n'est pas ce que veulent les Canadiens. C'est là la raison.
Encore une fois, il ne s'agit pas des lois dont il parle, mais du CRTC. J'ai dit à celui-ci à maintes reprises de prendre cela en considération. Je vous remercie.
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Un pacte est fondé sur un engagement écrit et la promesse de rechercher la paix. Je ne vais pas vous faire une leçon d'histoire. Vous savez comment la Croix-Rouge a été créée et comment les Nations Unies l'ont été.
S'il y a une entente entre trois groupes de communautés — les Singhalais, les Tamouls et les musulmans qui restent, et si cette entente est signée et documentée, les signataires et les garants de ces pactes — en particulier le Canada au sein de la communauté internationale — peuvent tenir responsables le gouvernement sri lankais ou les trois communautés si le pacte n'est pas respecté.
Je crois qu'il y a déjà un pacte. Il n'a pas encore été signé. Je ne me souviens pas exactement, mais l'alliance s'appelle l'APRC. Les structures de gestion opérationnelles mises en place après le tsunami ont été violemment attaquées — je ne mentionnerai pas de nom — par des groupes intéressés qui ne voulaient pas de la participation de la communauté musulmane, des modalités de partage convenues.
Mais voyons ce qui devrait se passer à l'avenir. Il faut agir dès maintenant si nous voulons que notre avenir se réalise. Nous pouvons proposer un pacte. Un pacte pour la paix est en voie d'être adopté. Je crois que le 13e amendement est allé un peu plus loin. Hier ou avant-hier, le gouvernement sri-lankais a dit que c'est un point positif à étudier. Il est prêt à aller plus loin, et il est également prêt à accorder ce que l'on appelle un cessez-le-feu temporaire.
C'est de cela que je parle. C'est cela que je vous dis. Nous avons besoin d'utiliser l'outil de communication pour porter tout cela à la connaissance des Sri-lankais, de vous, les Canadiens, et aussi de moi-même, qui suis un Canadien sri lankais. J'ai en quelque sorte un pied de chaque bord.
Quoi qu'il en soit, si nous pouvons faire cela, le pacte fonctionnera certainement. Croyez-moi, monsieur, si vous demandez à 33 p. 100 des jeunes Tamouls qui vivent ici: « Voulez-vous la paix, voulez-vous aller dans votre pays? » Ils vous répondront tout de suite: « Oh, je suis prêt à y aller... Nous voulons le voir. Nous voulons y aller. Nous n'hésiterons pas un seul instant. Nous voulons le voir. » Malheureusement, ils ne peuvent pas le faire.
S'il y a un pacte et un gouvernement pour en faciliter l'application... Je crois que le gouvernement sri-lankais apportera une aide et que les chefs tamouls et les politiciens musulmans en feront autant. Si la communauté internationale peut nous aider, nous commencerons à faire la paix. C'est par cela qu'il faut commencer.
Je vous remercie.