:
Merci, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici avec vous et les membres de votre comité aujourd'hui.
[Traduction]
Le Budget principal de l'ACDI témoigne des efforts constants que nous déployons pour nous assurer que l'aide internationale fournie par le Canada permet d'appuyer les personnes les plus vulnérables dans le monde, de façon responsable et efficace.
Au cours des dernières décennies, la communauté internationale a accompli de grands progrès pour aider à diminuer la pauvreté dans le monde. Le pourcentage de la population qui vit avec moins de 1,25 $ par jour a diminué de moitié. Cela signifie qu'entre 1981 et 2005, 500 millions de personnes ont réussi à se sortir de l'extrême pauvreté. C'est un chiffre incroyable.
Jusqu'à tout récemment, la crise économique avait très peu touché les pays en développement. Cependant, la Banque mondiale estime maintenant que 40 pays à faible revenu sont hautement vulnérables. Selon les tout récentes prévisions, la crise économique pourrait faire passer de 50 à 90 millions le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté.
De toute évidence, l'aide étrangère doit faire partie de la solution pour atténuer les incidences de la crise économique sur les pays en développement. En effet, il n'existe pas de solutions miracles dans ces pays. Les répercussions des crises sur la vie des gens y sont plus profondes et plus généralisées, et il faut plus de temps pour y remédier.
Compte tenu de la crise économique actuelle, il est crucial que les pays donateurs maintiennent l'aide publique au développement à son niveau actuel. D'ailleurs, notre gouvernement est sur la bonne voie pour doubler son aide internationale grâce à un budget annuel prévu de 5 milliards de dollars d'ici l'année prochaine. Cette année, nous avons également respecté notre engagement de doubler notre aide à l'Afrique, qui a totalisé 2,1 milliards de dollars. Nous avions pris cet engagement au Sommet du G8, et nous avons atteint notre objectif un an plus tôt que prévu. Nous avons aussi pris des engagements pluriannuels pour appuyer le développement dans les Amériques, en Europe de l'Est, au Moyen-Orient et en Asie, y compris en Afghanistan.
Plus important encore, notre gouvernement respectera ses engagements. Depuis son entrée en fonction, notre gouvernement s'est engagé à rendre l'aide internationale du Canada plus efficiente et à améliorer de façon tangible la vie des gens qui sont dans la pauvreté en rendant notre aide plus efficace, plus ciblée et plus responsable.
Pendant des dizaines d'années, il était courant que les pays donateurs consentent une aide en imposant des conditions. C'est ce qui s'appelle l'aide liée; cela signifie qu'en échange de l'aide, les biens et services requis doivent provenir du pays donateur. L'OCDE estime qu'à cause de l'aide liée, les contributions des donateurs internationaux sont moins efficaces de 30 p. 100, un pourcentage qui s'élève à 35 p. 100 dans le cas de l'aide alimentaire.
Je sais que ce n'est pas le genre de résultats auxquels les Canadiens s'attendent de notre part. C'est pourquoi j'ai annoncé, en avril dernier, que le Canada délierait complètement et immédiatement toute son aide alimentaire. Des organismes, comme le Programme alimentaire mondial, peuvent maintenant utiliser l'argent du Canada pour acheter les aliments nécessaires aux meilleurs prix et à proximité de régions touchées par la faim. De plus, monsieur le président, nous délierons toute notre aide d'ici 2012-2013, afin de maximiser encore plus les contributions du Canada.
En tant qu'agence, l'ACDI elle-même prendra des mesures pour devenir plus efficace. Lorsque les gens sont sur le terrain, qu'ils peuvent voir les conditions de vie dans un pays donné, ils sont mieux placés pour réagir rapidement, pour évaluer les besoins, pour trouver les solutions appropriées et pour faciliter le processus décisionnel. C'est pourquoi nous augmentons le nombre d'employés sur le terrain, nous leur déléguons plus de pouvoirs et nous leur accordons la souplesse dont ils auront besoin. Cela permettra de réduire les lourdeurs administratives et le besoin de passer par l'administration centrale.
Mais, la décentralisation seule ne suffira pas à rendre l'ACDI plus efficace et à lui permettre de répondre aux attentes des Canadiens. Nous sommes résolus à renforcer la surveillance et l'évaluation de nos programmes d'aide. Ainsi nous retiendrons les services de vérificateurs indépendants pour mesurer les résultats obtenus. Et, des représentants de l'extérieur de l'Agence siégeront au Comité d'évaluation interne de l'ACDI.
La responsabilisation signifie également être transparent et fournir des renseignements aux Canadiens. Par conséquent, en plus de présenter ses rapports annuels au Parlement, l'ACDI produit dorénavant un rapport intitulé Le développement axé sur les résultats, qui montre aux contribuables canadiens comment leur argent permet d'apporter des changements concrets. Nous mettrons tout en oeuvre pour renseigner la population sur les résultats significatifs que nous avons obtenus, et nous ferons ouvertement part des revers qui contrecarrent parfois nos meilleurs intentions.
Par ailleurs, je crois également qu'on peut atteindre une plus grande efficacité et obtenir de plus grandes retombées en agissant de façon plus ciblée. Nous mettons davantage l'accent sur notre programmation bilatérale, qui appuie principalement les programmes et les projets de développement dans les pays, et qui représente environ 53 p. 100 du budget global de l'aide de l'ACDI.
On a dit que l'aide bilatérale du Canada était tellement dispersée entre un trop grand nombre de pays et de thèmes qu'il était difficile de déterminer comment et où elle débouchait sur des résultats concrets. Pour remédier à cette situation, j'ai annoncé que l'ACDI investirait 80 p. 100 de ses ressources bilatérales dans 20 pays de concentration. Nous avons choisi ces 20 pays en fonction de plusieurs critères, soit en analysant leurs besoins, leur capacité à utiliser l'aide de sorte que nos efforts de développement puissent déboucher sur des résultats positifs, et leur capacité à appuyer les priorités du Canada en matière de politique étrangère. Pour assurer la cohérence de notre démarche, toute modification à la liste des 20 pays de concentration exigera l'approbation du Cabinet.
Comme je l'ai déjà dit — et je me permets de le répéter — les autres pays — ceux qui ne font pas partie des pays de concentration — continueront à recevoir de l'aide du Canada par l'entremise d'autres programmes de l'ACDI. Ils demeureront admissibles pour recevoir du financement — du budget d'aide restant, soit 47 p. 100 de notre budget total pour l'aide. Et, bien entendu, le Canada sera toujours là pour répondre aux besoins des populations touchées par des catastrophes naturelles ou des conflits, par l'entremise du Programme d'aide humanitaire de l'ACDI.
Outre une plus grande concentration géographique, les efforts internationaux du Canada doivent aussi se concentrer sur un plus petit nombre d'activités et de secteurs. Depuis ses débuts, l'aide consentie par l'ACDI a été trop éparpillée et diluée entre des douzaines d'activités et de secteurs différents. Cela a eu pour conséquence que l'argent investi avait des retombées limitées, sans la masse critique nécessaire pour obtenir de véritables gains.
Nous avons maintenant établi trois thèmes prioritaires qui orienteront dorénavant le travail de l'ACDI: accroître la sécurité alimentaire, encourager une croissance économique durable, et assurer un meilleur avenir aux enfants et aux jeunes.
Permettez-moi de vous parler brièvement de chacun de ces thèmes.
Je commence par la sécurité alimentaire. À la même période l'an dernier, la crise alimentaire, causée en grande partie par la hausse du prix des aliments, a retenu l'attention de la communauté internationale. Selon les estimations de la FAO, le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans le monde a augmenté de 75 millions en 2007 et de 40 millions en 2008. Et la crise économique aura des incidences énormes sur la capacité de millions de personnes à éviter la famine. Les plus pauvres du monde vivent avec moins de 2 $ par jour, et ils consacrent 50 à 80 p. 100 de cette somme à leur alimentation. En fait, on s'attend à ce que le nombre de personnes souffrant de faim chronique dépasse un milliard cette année.
L'ACDI continuera à répondre aux besoins en matière d'aide alimentaire d'urgence. Le Canada est le troisième plus important pays donateur au Programme alimentaire mondial. Les projets qui répondent aux besoins des personnes pauvres en matière de micronutriments seront aussi une priorité pour l'ACDI.
Mais, sans un approvisionnement suffisant en nourriture, le développement est impossible. Selon les estimations de la Banque mondiale, la croissance du PIB dans le secteur agricole contribue à accroître de deux à quatre fois plus les revenus des pauvres que la croissance du PIB dans d'autres secteurs de l'économie. À la lumière de ces faits, et puisqu'une grande partie des pays en développement ont une économie basée sur l'agriculture, je crois que nous devons davantage tenir compte de l'agriculture dans nos efforts de développement. Qu'il s'agisse de moyens de production améliorés, de ressources techniques, de la remise en état de terres dégradées ou d'irrigation, toutes ces mesures déboucheront sur une plus grande autonomie et une plus grande sécurité alimentaires — ce qui constitue notre première priorité thématique.
Nous avons constaté à quel point une économie solide peut réduire la pauvreté. Des pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique ont montré à maintes reprises que la croissance de l'économie est la meilleure façon d'aider la population à sortir définitivement de la pauvreté. La croissance économique jouera donc un rôle essentiel pour aider les pays en développement à traverser l'actuelle crise économique.
Lors des récentes réunions de la Banque mondiale et du FMI, les responsables ont souligné le fait que, dans les pays en développement, la croissance économique se chiffrera seulement à 1,6 p. 100 cette année, comparativement à 6,1 p. 100 l'an dernier. Le Canada a versé des contributions importantes au FMI, à la Banque mondiale et aux banques de développement régionales afin de les aider à assurer du financement à davantage de pays en développement; toutefois, on a noté que c'est le secteur privé qui y génère 9 emplois sur 10. Nous devons donc créer plus de débouchés pour les entreprises, appuyer l'entrepreneuriat et soutenir le développement industriel dans les pays en développement, ce qui permettra aux pauvres d'avoir accès à des emplois productifs et à des revenus.
Différents facteurs appuient la croissance économique: la formation axée sur les compétences, l'accès à du financement, par exemple, au moyen du microcrédit — la protection des biens et l'infrastructure d'appui nécessaire. Bien sûr, tous nos efforts de développement, que ce soit en agriculture ou en économie, doivent tenir compte des incidences sur l'environnement. De plus, tous les gains obtenus doivent pouvoir bénéficier aux générations futures. Le sort des enfants et des jeunes qui vivent dans la pauvreté extrême est l'une des plus grandes tragédies de notre époque. Chaque année, 10 millions d'enfants meurent de maladies évitables. Des millions d'autres n'ont toujours pas accès à une éducation décente. Plus de la moitié des enfants dans les pays en développement, soit environ un milliard d'enfants, vivent dans la pauvreté.
Notre gouvernement a fourni et continue de fournir un appui important pour aider les enfants et les jeunes dans cette situation. Et, nous continuons nos efforts pour améliorer la santé des femmes, afin de diminuer la mortalité maternelle et infantile. Mais nous devons faire plus. Garder les enfants en vie n'est qu'une partie de l'équation. Nous voulons que ces enfants et ces jeunes puissent grandir et prospérer. Pour cela, nous voulons leur offrir une éducation et une formation de base de qualité, afin qu'ils puissent mener des vies productives et bien remplies, et qu'ils puissent participer pleinement à la vie de leur collectivité. Cela s'avère particulièrement important à l'heure actuelle, alors qu'on prévoit une forte croissance démographique dans ce groupe de la population. À l'heure actuelle, dans 67 pays, jusqu'à 60 p. 100 de la population a moins de 30 ans. D'ici 2020, quelques-uns des pays les plus pauvres du monde et, souvent, les plus politiquement instables, compteront les plus fortes populations de jeunes — entre autres, l'Afghanistan, le Pakistan et la Colombie, de même que certains pays d'Afrique. C'est pourquoi il est impératif d'améliorer de façon tangible la vie des enfants d'aujourd'hui, si nous voulons un avenir où règnent la stabilité et la sécurité.
Ces trois thèmes que je viens d'exposer — la sécurité alimentaire, la croissance économique et les enfants et les jeunes — seront au coeur des activités de l'ACDI dans les mois qui viennent. Mais, nous le voyons bien en Afghanistan: il ne peut pas y avoir de développement sans sécurité et stabilité.
Un milliard de personnes, parmi les plus pauvres de la planète, habitent actuellement dans des États où les activités criminelles, la violence, l'insécurité et la sédition font partie de leur réalité quotidienne. Assurer la sécurité et la stabilité est de la plus haute importance, et les mesures prises par le Canada mettront à profit son esprit d'engagement et les leçons apprises dans des pays tels que l'Afghanistan, Haïti et le Soudan. Nous visons à tout mettre en oeuvre pour que les besoins fondamentaux des gens soient comblés, tout en aidant les pays qui le souhaitent à acquérir leur autonomie gouvernementale. Au lieu de la dépendance à l'aide, nous visons la responsabilité et la prise en charge locale des projets et des programmes. Pour y parvenir, le principe de la bonne gouvernance doit être intégré à toutes nos activités dans les pays en développement — tout comme de bonnes pratiques de gestion et de viabilité environnementales.
Pour terminer, monsieur le président, notre gouvernement s'est engagé à rendre le Programme d'aide internationale du Canada plus efficace, plus ciblé et plus responsable — bref, meilleur.
Le déliement de l'aide, la décentralisation, une plus grande responsabilisation et des priorités thématiques et bilatérales mieux ciblées: voilà les mesures que nous prenons pour y parvenir. Établir des priorités signifie essentiellement faire des choix. Cependant, je demeure persuadée que notre programme pour accroître l'efficacité de l'aide reflète les valeurs de tous les Canadiens. Nous sommes déterminés à faire en sorte que notre aide améliore de façon tangible la vie des gens qui sont dans la pauvreté.
Monsieur le président, merci de m'avoir donné aujourd'hui l'occasion de m'exprimer devant le comité.
[Français]
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci infiniment de votre question.
Pour ce qui est des organismes internationaux multilatéraux, en général, nous voulons nous assurer que, lorsque l'ACDI accorde des crédits à un organisme, ce dernier sera en mesure d'atteindre les objectifs et d'obtenir les résultats que nous lui avons fixés; il s'agit donc de favoriser les organismes les plus efficaces et les mieux gérés.
Comme on pourra vous le confirmer, lorsque les organismes font l'objet d'une évaluation ou d'une vérification, je demande à lire le rapport moi-même. Quand certaines remarques sont faites au sujet des améliorations qui s'imposent dans un organisme, avant que l'Agence n'accepte d'accorder de nouveau des crédits, je m'assure toujours de demander quelles mesures correctives ont effectivement été prises.
Le fait est que nous devons bien cibler nos efforts, même en ce qui concerne les crédits que nous accordons aux organismes multilatéraux. Nous voulons déterminer quels organismes sont les plus efficaces, mettent l'accent sur les résultats concrets, sont bien gérés, font preuve de responsabilité budgétaire, etc.
Donc, cet examen est en cours, mais nous n'avons pas encore fait de sélection; le travail se poursuit à l'heure actuelle. Je peux vous dire que nous avons déjà déterminé que certains organismes sont extrêmement responsables et efficaces en ce qui concerne leur action multilatérale. Le Programme alimentaire mondial en est un bon exemple, de même que la Croix-Rouge. Nous avons déjà déterminé quels organismes faisant partie du réseau des Nations Unies sont les plus efficaces, à notre avis.
S'agissant de l'ONU, vous m'avez posé une question au sujet de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, appelé l'UNRWA, notamment par rapport au Moyen-Orient et à la bande de Gaza. J'ai eu une rencontre avec le responsable de l'Office et nous avons eu des discussions très franches. Je sais que cet organisme joue un rôle très important en Cisjordanie et dans la bande de Gaza au nom de la communauté internationale. J'ai posé un certain nombre de questions au responsable de l'UNRWA et j'ai obtenu des réponses à la fois très franches et objectives.
Nous appuyons les efforts de l'Office car ce dernier joue effectivement un rôle important. Par contre, il y a un certain nombre de questions qui se posent au sujet de cet organisme. Je pense que nous nous rappelons tous du fait que l'ONU avait fait savoir, pendant le conflit, que les écoles étaient bombardées. J'ai donc demandé au responsable de l'Office pourquoi il avait fallu attendre trois semaines avant qu'on ne corrige cette information: en fait, les écoles elles-mêmes n'ont pas été bombardées, et les bombardements avaient lieu à l'extérieur des écoles. Je lui ai fait comprendre que cette information était très importante. En tant que membre de la communauté internationale, nous avons besoin des rapports préparés par les organismes de l'ONU pour connaître la situation, et nous nous attendons à ce que les rapports en question soient exacts. Il a reconnu que de tels organismes ont effectivement cette responsabilité, et ils vont donc se pencher sur la question.
Nous avons également tenu d'autres discussions. Je sais que vous êtes au courant d'autres difficultés touchant l'UNRWA et le système d'éducation qu'il a mis en place. Nous avons donc eu des discussions très franches à ce sujet-là.
Nous appuyons les efforts de l'Office, mais cela ne veut pas dire que nous ne remettons jamais rien en question ou que nous ne cherchons pas à nous assurer qu'un organisme que nous appuyons est parfaitement fiable, capable de répondre à nos attentes et répond non seulement à nos besoins mais à ceux des populations qu'il est censé desservir.
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Merci. Premièrement, permettez-moi de vous affirmer que nous allons effectivement viser un budget de 5 milliards de dollars d'ici l'année prochaine. En ce qui concerne la relation, le plus récent rapport de l'OCDE, diffusé en mars de cette année, indiquait que le niveau de l'APD accordée par le Canada a augmenté de 12 p. 100, du fait que nous avons relevé progressivement la somme globale affectée à l'aide au développement de même que celle versée à la Banque mondiale. Le Canada est l'un des 10 pays du monde pour les crédits versés en 2008 au titre de l'Aide publique au développement. En fait, nous avons même dépassé des membres du CAD, la moyenne des pays membres de l'Union européenne, et la moyenne des pays du G7. Comme vous le savez certainement, nous sommes passés à 0,32 p. 100.
Comme vous le savez également, le rapport de l'APD au RNB dépend de l'économie du pays concerné et, par conséquent, vu la situation dans laquelle se trouvent tous les pays développés à l'heure actuelle, je suis de près le niveau des versements.
Le Canada a d'ailleurs maintenu son engagement à augmenter les sommes versées au titre de l'aide internationale. C'est ce que nous faisons chaque année. Or, d'autres pays font l'inverse. L'Italie, par exemple, a menacé de diminuer les sommes qu'elle verse au titre de l'aide internationale de 57 ou de 58 p. 100. À la suite de discussions internationales, elle a diminué le montant de la réduction prévue mais, malheureusement, elle compte toujours réduire son aide de plus de 40 p. 100. Face à cette réalité, nous devons toujours nous assurer que notre action est vraiment efficace et que l'accent est mis sur une meilleure coordination entre les différents pays.
Voilà qui m'amène à vous parler de la sélection des pays. Le Canada n'est pas le seul à opter pour la concentration géographique. D'autres pays ont fait de même — d'ailleurs, certains d'entre eux l'ont fait avant le Canada. En ce qui concerne les différents pays, et notamment les pays d'Afrique, je suis ce que font les pays donateurs en ce qui concerne le montant des crédits, leur niveau d'engagement et leurs efforts, et nous aussi, nous devons nous intéresser à l'efficacité de nos activités. Nous voulons travailler de près avec les pays africains. D'ailleurs, nous collaborons avec l'Union africaine. Nous appuyons également la Banque africaine de développement. Certains pays préfèrent l'approche multilatérale parce que cela leur permet de rapprocher le centre de contrôle, et ils ont aussi plus d'influence en ce qui concerne les activités qui peuvent être menées dans les pays concernés, et nous envisageons donc d'adopter cette même approche.
S'agissant des différents pays et des effets des activités qui y sont menées, je dois vous dire qu'en général, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont augmenté le niveau de leur aide en Afrique, alors que c'est la tendance inverse dans les Amériques. Les Pays-Bas, par exemple, envisagent maintenant de se retirer complètement de Haïti — et j'en ai même discuté avec le responsable de l'agence néerlandaise.
Dans le cas de l'Australie, ils ont décidé de mettre l'accent sur la zone du Pacifique-Sud et donc de concentrer leurs efforts dans les pays situés dans leur région. Donc, nous assistons actuellement à une sorte de réalignement régional.
Pour ce qui est de notre examen des pays africains, comme je vous l'ai déjà dit, le niveau des besoins et de la pauvreté constituait l'un des critères — un critère important — mais pas le seul critère. Le deuxième mérite tout autant notre attention que le niveau de pauvreté, me semble-t-il. En fait, les sommes investies par les pays occidentaux en Afrique dépassent 23 billions de dollars. C'est un chiffre qui est tout aussi décourageant pour moi que pour les autres. Voilà pourquoi nous devons absolument nous assurer que notre apport financier — et les autres pays font la même chose — débouche sur des résultats concrets. Il faut absolument examiner la façon dont les programmes d'aide sont exécutés, etc. L'enjeu critique est la capacité des pays concernés.
C'est une véritable tragédie. Bien souvent nous avions l'impression que certains pays réalisaient des progrès véritables, mais si vous regardez leur situation maintenant… Prenons l'exemple de l'Afrique du Sud: ce pays a remporté un succès triomphal, et nous étions convaincus que la situation progressait très bien. Or, nous constatons à présent qu'il a encore d'importants défis à relever. Le Kenya a bien progressé également, mais si vous examinez sa situation maintenant… En même temps, nous assistons à un accroissement du nombre de conflits et de situations qui génèrent des réfugiés, etc. Donc, les événements actuels font évoluer la situation de ces pays.
Par exemple, nous nous demandons quels pays ont des gouvernements qui sont prêts à assumer leurs responsabilités. Même si c'est seulement dans un secteur, nous préférons toujours collaborer avec un gouvernement qui désire vraiment agir dans ce secteur.
J'ai récemment rencontré l'ambassadeur d'un pays africain qui possède d'énormes richesses naturelles. Son PIB augmente de façon importante, mais il est également aux prises avec un problème humanitaire. J'ai donc demandé à l'ambassadeur — et j'espère recevoir l'information que j'ai demandée — ce que son gouvernement est prêt à faire pour régler ce problème humanitaire. Nous comptons justement travailler en partenariat avec eux; nous allons travailler ensemble.
En même temps, nous savons que, pour permettre à la population d'un pays de sortir progressivement de la pauvreté et de redresser sa situation économique à long terme, il faut aider les gouvernements de ces pays à assumer cette responsabilité; sinon, certains pays continueront à dépendre de l'aide qu'ils reçoivent d'ailleurs. Et, à mon avis, cela n'aide en rien la stabilité sociale et politique d'un pays. Les citoyens souhaitent que leurs propres dirigeants soient en mesure de répondre à leurs besoins. Voilà donc un critère très important.
Le troisième critère que nous avons établi comme gouvernement concerne les politiques et les priorités que nous avons établies; par contre, nous n'avons pas et nous n'aurons pas comme pratique d'accorder notre aide uniquement aux pays qui nous intéressent pour des raisons commerciales ou économiques. Il est vrai que nous sommes en négociations commerciales avec le Pérou et la Colombie, mais il y a d'autres pays sur cette même liste à l'égard desquels nous n'avons pas d'intérêts ni commerciaux ni économiques. Les besoins sont immenses et nous pouvons effectivement faire évoluer les choses dans ces pays.
:
Merci, monsieur Abbott.
Pour vous dire la vérité, nous étions effectivement présents dans une multiplicité de pays différents. Certains prétendent que nous sommes passés de 127 à 69 ou 78 pays, mais le fait est que l'ancien gouvernement avait publié une liste de 25 pays. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, je me suis posé des questions: « Qu'est-ce que cela signifie? Qu'est-ce qui a été fait pour concentrer nos efforts dans ces pays, comme l'avait décidé l'ancien gouvernement? Y a-t-il eu du mouvement? Les ressources ont-elles été réorientées? Les activités aussi? » Il y avait effectivement une liste, comme vous dites. Cependant, il n'y avait aucune véritable indication de ce que voulait dire l'ancien gouvernement en parlant de « pays de concentration » et il n'y avait pas non plus eu de déclarations publiques concernant la façon dont les efforts seraient concentrés dans ces pays, etc.
Donc, il s'agit de faire preuve de justice. Nous ne sommes pas passés de 100 et quelques pays ou de 78 pays à une vingtaine. Il y avait une liste de 25 pays. Il est vrai que certains changements ont été apportés à cette liste de pays. Certains de ceux qui figuraient sur l'ancienne liste ne recevaient en tout qu'environ 4 millions de dollars par l'entremise d'un programme bilatéral. La majorité des crédits accordés à ces pays passait par notre Programme d'aide humanitaire, en raison d'un problème humanitaire, d'une catastrophe naturelle ou encore — et c'était souvent le cas — d'un conflit. Dans ce contexte, le meilleur moyen de s'attaquer aux difficultés les plus importantes dans un pays de ce genre consiste à déployer des efforts pour aider le réfugié à s'établir, fournir de l'aide alimentaire, intervenir face aux problèmes de sécheresse, etc. Si vous examinez ce qui est fait dans chacun des pays, vous allez voir que, selon le pays concerné, le fait de rajuster la programmation bilatérale ne réduit en rien l'aide humanitaire qui lui est fournie.
Maintenant, pour répondre à votre question sur les autres problèmes à l'ACDI, je dirais qu'il y a une autre chose qui me préoccupe. Maintenant que nous avons opté pour des priorités thématiques, j'ai la conviction que nous ne possédons pas au sein de l'ACDI l'expertise voulue. Par le passé, l'ACDI avait chez elle l'expertise nécessaire. Mais, au cours des 10 ou 15 dernières années, l'Agence a plus ou moins cessé de l'avoir. Donc, lorsqu'on a besoin d'expertise dans un domaine, on engage des consultants. Or, selon moi, si nous voulons fixer des priorités, il nous faut au moins posséder le niveau d'expertise voulu au sein de l'Agence.
L'autre élément, et je pense que nous en sommes tous témoins, concerne le fait que, lorsqu'on travaille dans un gros ministère qui a des activités et des intérêts à la fois sectoriaux et géographiques — et cette même observation a déjà été faite au sujet des gouvernements et de la fonction publique — les activités tendent à se compartimenter, si bien que l'interaction, le dialogue et le partage des renseignements disparaissent. Les gens finissent donc par travailler en vase clos. Il peut s'agir d'une direction générale chargée de programmes multilatéraux, d'une direction générale chargée de partenariats ou d'une direction générale chargée d'un pays particulier. Étant donné qu'elles ne se parlent pas, l'une ne sait pas ce qui se passe dans le secteur de la santé, alors que c'est un secteur qui bénéficie de l'aide du Canada. Je ne prétends pas qu'il s'agit d'un problème grave, mais le fait est qu'il n'y avait pas de vase communiquant qui aurait naturellement favoriser ce genre d'interaction. Par conséquent, nous prenons des mesures pour changer cela.
Ce sont les deux observations que je pourrais faire à ce sujet. À mon avis, nous aurions avantage à créer une plus grande expertise au sein de l'Agence, et aussi, à nous assurer d'encourager le dialogue entre les différents services et de travailler ensemble à l'Agence. En Afrique, par exemple, j'ai demandé à la Direction générale de l'Afrique de se mobiliser pour que, lorsque nous entamerons nos discussions avec les représentants de la communauté africaine, nous aurons déjà fait des recherches et accompli tout le travail nécessaire pour savoir ce qu'il convient de faire à l'échelle de l'Afrique dans son ensemble, à l'échelle régionale, et dans chacun des différents pays.
Par exemple, la région des Grands Lacs inclut de nombreux pays, et il est donc évident que ces pays ont certains problèmes et intérêts communs. Dans ce cas, peut-être convient-il de retenir une stratégie davantage régionale, au lieu d'exécuter une série de programmes différents dans trois, quatre ou cinq pays qui s'attaquent tous au même problème. Voilà le genre d'approche qui devrait, selon moi, caractériser l'action de l'ACDI.
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Merci, monsieur le président, distingués députés, mesdames et messieurs.
À la suite de notre doyen, Son Excellence M. Amelete, ambassadeur du Togo au Canada, et en ma qualité de porte-parole, permettez-moi de remercier chacune et chacun pour votre disponibilité et votre accueil et vous exprimer tout notre plaisir d'être ici cet après-midi pour partager avec vous nos vues sur le Partenariat Afrique Canada.
D'entrée de jeu et avant tout propos, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais affirmer avec force que nous venons cet après-midi en tant qu'amis du Canada, convaincus du rôle que ce grand pays membre du G8 doit jouer en Afrique.
Qu'il soit bien clair que nous ne venons pas cet après-midi pour quêter l'aumône, nous venons vous porter nos convictions, nos questionnements, dans le souhait d'un partenariat renouvelé et mutuellement avantageux avec votre beau pays.
Il ne s'agit pas pour nous ici de remettre sur d'autres la responsabilité de nos difficultés de développement. Nous sommes responsables en premier de nos erreurs de choix stratégiques en matière de plans et programmes de développement, des insuffisances de nos systèmes de gouvernance, notamment nos faiblesses en matière d'imputabilité, de transparence et de corruption, mais nous affirmons avec force qu'à côté de ces images abondamment distillées d'une Afrique tournant résolument le dos à la paix et au progrès, il y a cette Afrique jeune, dynamique et industrieuse qui innove, qui se bat et qui obtient des résultats positifs.
Mes collègues et moi pensons fortement que dans l'histoire d'une amitié comme la nôtre, il arrive des moments où il est nécessaire et important de prendre le temps de communiquer davantage, de nourrir un nouveau dialogue pour renforcer et redonner solidité et vigueur à cette amitié. C'est de cela qu'il s'agit cet après-midi.
Mesdames et messieurs distingués députés, les relations diplomatiques de l'Afrique avec le Canada sont très anciennes et datent, pour la plupart de nos États, des lendemains de leur indépendance, dans les années 1960. Aujourd'hui, l'ensemble de nos États entretiennent des relations diplomatiques ou économiques et commerciales avec le Canada. Mais que représente le Canada pour l'Afrique?
Vu d'Afrique, le Canada est un pays empreint d'amitié, un pays développé ami, sans passé colonial, multiculturel et bilingue, un pays soucieux de la paix et de la sécurité dans le monde, un partenaire loyal en amitié, mais qui sait se montrer indépendant d'esprit même vis-à-vis de ses meilleurs alliés lorsque ses propres valeurs sont en jeu, un ami qui comprend les défis de l'Afrique parce qu'il en vit plusieurs de même nature, même si ce n'est pas à la même échelle.
Comme plusieurs pays d'Afrique, l'économie canadienne est tributaire du destin des marchés des matières premières. Plusieurs de ses régions sont monoproductrices et elles ressentent avec acuité la précarité de cette dépendance. Mais sur ce terreau de fragilité, le Canada a su bâtir une économie forte basée sur le savoir, le savoir-faire, la performance technologique, et se situe aujourd'hui parmi les huit grands de ce monde. Nous, Africains, voudrions en tirer une source d'émulation.
Pour nous, le Canada est un pays dont le peuple sait exprimer de manière tangible sa solidarité envers les groupes vulnérables, chez eux et ailleurs dans le monde, un pays qui utilise avec intelligence, prudence, retenue, dextérité et efficacité les outils de l'intervention publique au soutien du bon fonctionnement des marchés dans l'intérêt public.
Pour nous, Africains, parmi les très grands de ce monde, le Canada est un partenaire à portée de main. Ses entreprises et ses institutions n'ont pas le gigantisme et l'anonymat de celles des autres puissances économiques mondiales. Il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'à maintes occasions dans les foras internationaux, le Canada s'est tenu aux côtés de l'Afrique pour défendre ses intérêts. Il en a été ainsi notamment de la question des subventions à l'agriculture, particulièrement pour ce qui concerne le coton.
Ce Canada-là est celui que l'Afrique connaît, fréquente et avec qui elle veut aller de l'avant.
C'est pour toutes ces considérations que, sans remettre en cause le droit du Canada en tant que pays souverain de déterminer ses priorités et les politiques qui les accompagnent, nous avons été très émus par les dernières décisions du gouvernement concernant notre continent et qui sonnent pour nous comme les prémisses d'un glas des beaux jours de nos relations privilégiées avec le Canada.
En évoquant cela, nous pensons: aux fermetures des ambassades dans certains pays africains; à l'établissement des pays prioritaires bénéficiaires de l'aide canadienne; à la réduction des listes de ces mêmes pays; aux chiffres qui nous indiquent une tendance baissière de l'aide canadienne à l'Afrique au profit d'autres régions du monde. En effet, selon quelques sources, comme celle du Conseil canadien pour la coopération internationale, avec la liste des 25 pays de concentration, 70 p. 100 de l'aide bilatérale canadienne allait à l'Afrique. Avec 20 pays, cette proportion devrait tomber à 35 p. 100 après 2010.
Ces constats nous sont d'autant plus incompréhensibles qu'ils interviennent à un moment où de nouvelles puissances comme le Brésil, la Chine et l'Inde se bousculent à nos portes et y investissent des sommes importantes pour s'y faire de la place.
Se peut-il que notre ami de toujours ait choisi de laisser la place à d'autres et d'ignorer les nombreuses études, tant des institutions financières internationales que privées, qui concluent toutes au rôle géostratégique important que jouera l'Afrique dans la prochaine décennie avec son milliard cinq cents millions de personnes d'ici 2020, dont 60 p. 100 auront moins de 25 ans? L'honorable Peter MacKay, député et ancien ministre des Affaires étrangères du Canada, ne disait-il pas, et je cite: « Pour ce qui est de savoir si l'Afrique est un défi à long terme, je vous dirai que même si le terrorisme domine dans l'actualité, l'Afrique sera le défi le plus important de ma génération et de celle qui suivra ».
Pour nous, Africains, le défi de demain, c'est déjà celui d'aujourd'hui. Sur le plan des investissements privés, de nombreuses firmes canadiennes investissent dans plusieurs secteurs en Afrique, dont principalement les mines, et se présentent avantageusement par rapport à la concurrence. Par ailleurs, malgré quelques îlots de difficultés, une meilleure gouvernance se concrétise dans la plupart de nos États avec, notamment, une plus grande démocratisation des régimes et l'organisation d'élections régulières et pluralistes, qui donnent parfois même lieu à des alternances à la tête des pays.
Des systèmes judiciaires plus autonomes et mieux outillés se mettent en place. Des sociétés civiles se développent et s'expriment. La presse est de plus en plus libre et plurielle. Des mécanismes nouveaux s'instaurent et permettent de renforcer la qualité des gouvernances économique et politique des pays et autorisent l'optimisme et de grands espoirs de développement et de paix pour l'Afrique. Il s'agit notamment: de la Revue des pairs, qui permet une autoévaluation des systèmes de gestion des pays; du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, qui s'attaque à la prévention et au règlement des conflits; de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du droit des affaires, qui assainit le climat des affaires et donne une meilleure sécurité juridique aux investissements; du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, qui dote l'Afrique d'un programme cohérent de développement.
Ce sont des progrès importants, en quelques années, pour un continent qui a été longtemps le théâtre de toutes les vicissitudes issues de la guerre froide avec ses conséquences de l'affrontement des blocs Est-Ouest. À ces importants progrès en matière de démocratie et de gouvernance, nous pouvons ajouter les immenses potentialités minérales dont regorge l'Afrique et qui font dire à certains que notre continent est un scandale géologique. En effet, l'Afrique possède d'énormes ressources naturelles, d'immenses gisements d'énergie solaire, un potentiel hydroélectrique qui représente de 30 à 40 p. 100 du total mondial, des réserves en pétrole et en gaz naturel considérables, 97 p. 100 du chrome mondial, 85 p. 100 du platine, de 60 à 80 p. 100 de l'or et du diamant, 64 p. 100 du manganèse, plus de 9 milliards de tonnes de bauxite en haute teneur, d'importantes réserves de phosphate, une faune et une flore abondantes, etc.
Malheureusement, le tsunami de la crise financière risque d'annihiler tous les efforts faits et d'hypothéquer toutes les opportunités que représentent ces ressources.
En effet, alors que le continent avait enclenché un programme de redressement et de réforme quasi générale, réalisant un taux de croissance moyen de 6 p. 100 par année de 2004 à 2008, voilà que la crise importée brisera cet élan et précipitera le taux de croissance autour de 2,8 p. 100 en 2009. Cette réduction de moitié réduit à néant l'amélioration espérée du revenu par habitant, vu la croissance démographique qui est du même ordre.
Selon une estimation de la Banque mondiale, le nombre de pauvres, c'est-à-dire ceux qui vivent avec l'équivalent de 1,25 $ US ou moins, va augmenter de 2 p. 100 pour atteindre 500 millions de personnes, dont 50 millions en Afrique, avec toutes les conséquences qui en découleront pour les populations africaines. Moins de ressources signifie moins de repas, moins d'enfants à l'école, moins de soins de santé. La crise risque aussi d'emporter avec elle entreprises, mines, emplois et moyens d'existence.
En Afrique, pas moins qu'ailleurs, le temps presse, et l'adoption de mesures décisives ne peut plus attendre. Les pays riches ont pu mobiliser en un temps record plusieurs centaines de milliards de dollars au profit de leurs citoyens et de leurs entreprises. L'Afrique demande, en tant que victime collatérale de cette crise, qu'une part infime, soit 0,7 p. 100 du PIB mondial, lui soit consacrée.
Une étude récente de la BAD estime les besoins du continent à un minimum de 106 milliards de dollars US sur deux ans, de 2009 à 2010, juste pour rétablir le rythme précédent de croissance de 6 p. 100. Mais pour véritablement relancer la machine et atteindre les 7 p. 100 de croissance nécessaires à la réalisation des infrastructures de base et à la réduction de moitié de la pauvreté d'ici 2015, il faudrait 247 milliards de dollars US pour la même période de référence. Ça équivaut aux sommes prévues dans le programme de relance mis de l'avant par le président Barack Obama pour les seuls États-Unis. C'est l'équivalent de 10 p. 100 des réserves de change de la Chine. Autant dire que ce n'est pas dans le domaine de l'impossible quand on parle de toute la communauté internationale et quand il s'agit du sort de milliards de personnes.
C'est pourquoi nous voulons que notre ami de toujours, le Canada, reprenne toute sa place de leader de la conscience sociale du monde qui a tant fait pour sa réputation et sa crédibilité.
Aussi, nous formulons une série de recommandations, en page 9, qui constituent pour nous une plateforme intéressante de propositions concrètes. Nous souhaitons, de la part des parlementaires que vous êtes, un soutien quant à ces propositions, un examen attentif de celles-ci et une compréhension des autorités et des populations, pour que des actions vigoureuses et urgentes soient entreprises en faveur de l'Afrique. Ces recommandations sont relatives aux questions politiques de la démocratie, de la gouvernance, de la paix et de la sécurité, aux infrastructures, à l'énergie, à l'agriculture, au développement humain, à la formation professionnelle, etc.
Certes, nous comprenons, comme nous l'avons déjà évoqué, que chaque pays choisit ses politiques en fonction de ses moyens, de ses contraintes propres et de ses priorités. Néanmoins, il est utile de rappeler que le Canada, à l'instar des autres pays développés, a pris l'engagement, au sommet de Copenhague, confirmé par l'Assemblée générale des Nations Unies à l'occasion de l'adoption des Objectifs du Millénaire, de porter sa contribution d'aide publique au développement à 0,7 p. 100 de son PIB et d'oeuvrer pour la réduction de la pauvreté de moitié d'ici 2015.
Or, malheureusement, les pauvres se trouvent en Afrique. Aujourd'hui, avec 0,32 p. 100 et une 16e place au rang des 22 pays développés (source: OCDE), nous sommes très loin du compte.
Selon les Nations Unies, les Objectifs du Millénaire visant une réduction de 50 p. 100 de la pauvreté d'ici 2015 ne seront pas atteints tant que les différents bailleurs bilatéraux, dont le Canada, ne respecteront pas leur engagement de consacrer 0,7 p. 100 de leur PIB à l'APD. Les mêmes experts affirment que si le rythme actuel persiste, l'Afrique ne pourra espérer une réduction de moitié de sa pauvreté qu'en 2150, c'est-à-dire dans 130 ans.
Certes, nous apprécions énormément les efforts importants qui ont été faits par le Canada en matière d'éducation de base et de lutte contre le VIH-sida, la malaria et d'autres pandémies en Afrique, de même que sa contribution en matière de paix et de sécurité.
Toutefois, aujourd'hui, plus encore qu'hier, nous devons regarder la réalité en face. La prospérité, la paix et la sécurité sont de la même fratrie. Elles se nourrissent mutuellement et grandissent ensemble. Aussi, il est très important d'oeuvrer ensemble dès aujourd'hui avec notre ami de toujours pour éteindre les prémisses de phénomènes comme le transfert de violence et de terrorisme qui apparaissent ici et là en Afrique, plus particulièrement des actes d'enlèvement, de piraterie, etc.
Il est illusoire, comme le pensent certains, de considérer qu'on peut séparer la sphère des affaires de celles du développement et de la sécurité. L'une ne va pas sans les autres.
Pour nous, le choix fait par le Canada en faveur d'autres contrées ne doit pas se faire au détriment de l'Afrique. Malgré tout cela, et forts de l'expression de l'amitié et de la solidarité des Canadiennes et des Canadiens, de celles des nombreuses personnalités du monde politique, de la presse et de la société civile, au nombre desquelles la voix autorisée de l'ancien premier ministre, le très honorable Joe Clark, dans le Globe and Mail, en faveur d'un maintien d'une solidarité préférentielle envers l'Afrique, nous demeurons optimistes et nous sommes confiants que les relations Canada-Afrique peuvent continuer de s'affermir et de se développer de manière mutuellement fructueuse pour relever les défis du développement, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion de la sécurité et de la paix dans le monde.
Mesdames et messieurs, l'engagement du Canada en faveur de l'Afrique, toujours critique, précieux et ciselé, doit demeurer indéfectible et conforme à ses valeurs plus souvent qu'autrement en convergence avec celles de l'Afrique. C'est pourquoi, tout en prenant acte des nouvelles mesures et du message quelque peu ambigu envoyé à l'Afrique, nous restons confiants et prenons bonne note des assurances données par nos interlocuteurs au ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI.
Nous ne nions pas l'importance des contributions multilatérales, mais nous pensons que les valeurs profondes du Canada, les potentialités et les enjeux du développement du continent africain militent en faveur d'une stratégie politique africaine spécifique, globale et renouvelée.
Enfin, mesdames et messieurs les députés, en un mot comme en mille, nous souhaitons voir le Canada reprendre sa place et son leadership en Afrique, dans le cadre d'un partenariat global, dans une perspective de win-win situation, convaincus que nous sommes que le pays de Pearson, Trudeau, Joe Clark, Kim Campbell, Jean Chrétien, Paul Martin, Brian Mulroney et tant d'autres illustres fils et filles du Canada, a toujours su répondre « présent » et positivement chaque fois qu'il s'est agi d'oeuvrer pour un monde meilleur parce que plus solidaire, plus équitable et profitable à tous.
Je vous remercie. Je m'excuse d'avoir pris un peu trop de temps, mais je pense que l'importance du sujet le commandait.
Merci de votre attention.
Je voudrais orienter cette discussion vers le volet qui est avant tout la raison de notre présence ici aujourd'hui, c'est-à-dire le partenariat avec l'Afrique. L'Afrique s'intègre, se construit et se développe énormément. Je crois que l'aide au développement n'est pas le seul élément sur lequel nous concentrons nos efforts aujourd'hui. Ce n'est pas l'objet de notre réunion.
Nous proposons le développement à nos amis canadiens parce que sans le développement économique et social de l'Afrique, l'aide au développement restera toujours un problème. Comme on l'a dit déjà, la pauvreté va alors demeurer pendant plus d'un siècle. Notre appel est vraiment dans le but d'établir un partenariat. Les autres partenaires, notamment la Chine, l'Inde, et l'Union européenne, l'ont compris.
En 2007, on a tenu un important sommet à Lisbonne au cours duquel l'Afrique et l'Union européenne ont établi les jalons du nouveau partenariat entre l'Europe et l'Afrique. Nous avons établi la base d'un partenariat important et bénéfique entre le Japon et l'Afrique. Nous interpellons aujourd'hui le Canada pour qu'il se positionne à cet égard. Nous ne voulons pas qu'il réduise sa présence en Afrique à un point tel que nous nous demandions un jour où est passé le Canada. Nous ne souhaitons pas en arriver là. Nous sommes des ambassadeurs accrédités, ici à Ottawa. Nous défendons le Canada et les intérêts canadiens dans nos pays, sur notre continent, mais nous défendons aussi nos intérêts. Nous souhaitons qu'un partenariat multisectoriel et global, d'égal à égal, soit établi dans le cadre d'une conférence au sommet entre l'Afrique et le Canada. Nous pouvons nous réunir chaque année, tous les deux ans ou à la fréquence que vous voulez, mais nous voulons, à l'échelle politique, économique, sociale et culturelle, discuter avec les Canadiens et étudier cet important partenariat qui nous élèvera au niveau que nous souhaitons atteindre.
J'ai assisté, hier à Toronto, à une conférence des Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Cette importante conférence se tient chaque année dans le but d'évaluer les relations économiques et commerciales du Canada. Ce que je perçois correspond à l'impression que nous avons ici comme groupe africain, à savoir qu'aussi bien sur le plan politique qu'économique, l'Afrique ne figure pas sur les radars du Canada. Dans la politique canadienne, rien ne porte sur l'Afrique.
Hier, je suis intervenu auprès des entrepreneurs et des hommes d'affaires canadiens qui débattaient de leurs problèmes avec les États-Unis. Le thème de la conférence était Buy American. Les Canadiens, bien sûr, discutaient et examinaient le problème des relations économiques avec les États-Unis. Je leur ai dit que nous avions le même problème avec le Canada et que nous voulions en discuter, comme ils étaient en train de le faire au sujet des États-Unis. Nous voulons réellement que notre partenaire canadien puisse saisir les occasions qu'offre l'Afrique. L'Afrique est vraiment un continent d'espoir et d'avenir. Le Canada a beaucoup de crédit, de moyens, de possibilités. Pourquoi ne pas se développer et accomplir d'importants progrès ensemble?
Il s'agit donc vraiment d'un appel. Nous ne sommes pas ici pour critiquer le gouvernement ou toute autre entité canadienne. Nous invitons tous les Canadiens, toutes les forces politiques et économiques du Canada, à établir un partenariat avec l'Afrique. Je parle ici de l'Afrique en entier puisqu'il y a l'Afrique qui se développe, celle qui a besoin d'aide, et l'Afrique émergente. Certains pays comme la Tunisie, qui est un pays émergent, méritent l'appui du Canada. Je voulais transmettre ce message, qui va au-delà de l'aide au développement.
Je vous remercie, monsieur le président.