FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 25 mars 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi tout le monde.
Ceci est la 11e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mercredi 25 mars 2009. Cet après-midi, nous poursuivons nos audiences sur la situation du Sri Lanka.
Pendant la première heure, nous accueillons, à titre personnel, Robert Dietz, qui est le coordonnateur du programme pour l'Asie du Comité pour la protection des journalistes.
Comme vous le savez, le comité laisse à chaque témoin le temps de faire une brève déclaration préliminaire. Ensuite, il y a eu une première, puis une deuxième et une troisième tournées de questions.
Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui, monsieur Dietz. Veuillez commencer. Nous sommes impatients d'entendre vos observations et nous vous sommes reconnaissants d'être ici aujourd'hui pour parler de ce sujet très important.
Je vous remercie beaucoup de me donner cette occasion de témoigner devant vous, membres du comité.
Mes commentaires, ici, aujourd'hui, sont fondés sur la recherche qu'a effectuée CPJ, notamment une enquête journalistique d'une durée de 10 jours à Colombo, soit du 21 janvier au 1er février 2009. J'y étais il y a environ un mois et demi. J'ai aussi soumis au comité une version plus longue de ma présentation, qui a été versée en ligne sous le titre « Dossier spécial: absence d'enquêtes au Sri Lanka ». Le dossier est accessible dans le site Web de CPJ. Je l'ai aussi remis au personnel du comité.
Je vais résumer ce dossier spécial et en faire une mise à jour, pour vous informer des nouveaux développements. Je crains que cette mise à jour ne fasse que confirmer les sujets de préoccupation qui ont été soulevés dans la première version du rapport.
Le gouvernement du Sri Lanka poursuit les journalistes qui osent le critiquer, et le climat d'impunité dans lequel des journalistes ont été tués, menacés et harcelés sous le régime de Rajapakse ne s'est pas apaisé. Je suis allé à Colombo parce que les journalistes du Sri Lanka font l'objet d'une attaque intensive. Le gouvernement a manqué à son devoir de mener des enquêtes efficaces et crédibles sur les meurtres et les attaques de journalistes qui mettent en question la guerre qu'il mène contre les séparatistes tamouls ou qui critiquent l'établissement militaire, par tous les moyens qu'ils trouvent.
Trois attaques ont eu lieu en janvier, qui ciblaient les médias grand public et qui ont attiré l'attention du monde sur le problème, mais des journalistes de haut calibre sont tués, attaqués, menacés et harcelés depuis que le gouvernement s'est résolu à la fin de 2006 à remporter une victoire militaire absolue sur les Tigres de libération de l'Eelam tamoul, les TLET. Bien des journalistes locaux et étrangers et membres de la communauté diplomatique pensent que le gouvernement est complice de ces attaques. L'objet de mon voyage, en janvier, était de faire enquête sur trois de celles-ci.
Le 6 janvier, la salle de commande principale de Sirasa TV, le plus grand télédiffuseur indépendant du Sri Lanka, a été détruite quand un dispositif, très probablement une mine Claymore a explosé à 2 h 35 du matin, lors d'un raid mené par 15 à 20 hommes masqués.
Deux jours plus tard, le 8 janvier, Lasantha Wickramatunga, le rédacteur en chef du journal indépendant The Sunday Leader a été tué alors qu'il se rendait au travail. Il a été attaqué par huit hommes montés sur des motocyclette. Il est mort d'une blessure à la tempe droite causée par un objet pointu, très probablement une barre d'acier, qui a percé son tympan. L'attaque est survenue à quelque 200 mètres d'une importante base aérienne du Sri Lanka. Après l'attaque, les hommes encapuchonnés sont repartis dans cette direction. Bien que l'agent de médecine judiciaire, l'équivalent sri lankais d'un coroner, ai déposé son rapport le 6 février, celui-ci n'a pas été publié.
Le 23 janvier, Upali Tennakoon, un éditeur du journal Sinhalese Rivira, et son épouse, ont été attaqués d'une manière similaire à l'attaque sur Wickramatunga. Dans ce cas-ci, il y avait quatre hommes en motocyclette. Ils ont attaqué avec des bâtons de bois et des barres d'acier; ils ont défoncé le pare-brise de la voiture, puis ils ont percé les mains de Tennakoon et lui ont fait une large entaille sous l'oeil droit. Le couple a quitté le Sri Lanka peu après que Tennakoon ait été libéré de l'hôpital.
Dans les trois cas, le gouvernement a promis des enquêtes approfondies.
Maintenant, permettez-moi de faire une brève mise à jour sur ces affaires. Ce sont des renseignements assez récents, reçus depuis un ou deux jours.
Aucune arrestation n'a eu lieu, et il n'y a pas eu d'autres renseignements au sujet de la bombe à Sirasa TV. De fait, à toute fin pratique, l'enquête a été close, sans conclusion.
Dans le cas d'Upali Tennakoon, la police dit n'avoir fait aucun progrès vers l'arrestation de qui que ce soit pour l'attaque et considère que l'enquête a atteint un cul-de-sac.
Le meurtre de Lasantha Wickramatunga est un peu plus complexe. Il y a eu une audience, très récemment, le 19 mars. Pour ce qui est du rapport de l'agent médical judiciaire, vous connaissez très probablement cette expression. Aux États-Unis c'est un coroner. Le rapport du coroner n'a toujours pas été rendu public, bien que le magistrat qui a entendu l'affaire a dit que le décès de Wickramatunga était attribué à une blessure par balle. Le magistrat n'a rien dit du rapport de l'agent médical judiciaire — le rapport du coroner — et n'a fixé aucune date pour sa diffusion. L'arme du meurtre n'a pas été trouvée. Aucune balle n'a été extraite de la tête de Wickramatunga et aucune douille n'a été trouvée sur la scène du crime.
L'épouse de Wickramatunga, Sonali, a écrit à l'inspecteur général de la police pour demander qu'il enregistre une déclaration du porte-parole du ministre de la Défense, Keheliya Rambukwella, dévoilant l'identité des assassins de Wickramatunga. Peu après le meurtre, Rambukwella a dit aux médias que lui et le président Rajapakse connaissaient l'identité des assassins et que le président divulguerait les faits connus le 15 février. Depuis cette déclaration, ces promesses, on n'a plus entendu parler de ce dossier.
Il convient maintenant de parler de deux dossiers pertinents dont les tribunaux ont été saisis.
Nadesapillai Vithyatharan, l'éditeur du quotidien tamoul Sudar Oil, a été arrêté lors des funérailles de son ami dans une banlieue de Colombo le 26 février. Depuis lors, dans le but de porter des accusations contre l'éditeur sous le régime de lois antiterroristes, la police fouille des relevés téléphoniques pour essayer d'établir un lien entre l'éditeur et les TLET séparatistes.
Le secrétaire de la Défense Gotabhaya Rajapakse a déjà établi un lien entre l'éditeur et une attaque aérienne suicide le 20 février survenue à Colombo, lors de laquelle deux avions des TLET ont été abattus, deux pilotes tués, et plus de 45 personnes ont été blessées. Quand l'affaire a été portée devant un magistrat le 23 mars à Colombo, il a autorisé le maintien en détention de l'éditeur, sans accusation, tandis qu'ils continuent de retracer ses appels.
L'autre affaire concerne aussi un éditeur tamoul, J.S. Tissainayagam, qui va finalement avoir un procès après un an. Tissa, comme on l'appelle, est détenu sans accusation depuis le 7 mars 2008, et n'a pas reçu la moindre explication pendant près de six mois. En août, des accusations ont été portées contre lui sous le régime de la loi sur la protection contre le terrorisme et le règlement d'urgence. Le cas de Tissa est le premier où un journaliste sri-lankais est accusé sous le régime de cette loi pour ses écrits. La défense a commencé à présenter ses arguments, et le procès devrait très probablement se terminer à la fin d'avril ou au début de mai.
Le 20 mars, Tissa a témoigné encore, comme il l'avait fait lors de plusieurs autres audiences, qu'il avait été forcé de signer de faux aveux après que des prisonniers et des collègues aient été battus devant lui, ce qu'il a répété à plusieurs reprises devant le tribunal. Tissa explique avoir un décollement de la rétine aux deux yeux. La police sait, ou ses ravisseurs savent, qu'il subit des coups graves à la tête, qu'il pourrait perdre la vue, et ce serait, pour Tissa, un motif d'argument.
Aussi, dans le dossier Vithyatharan, hier seulement, pour, je crois, la cinquième fois en trois ans, une grenade a été lancée dans l'immeuble du journal jumeau de Vithyatharan, Uthayan, qui est imprimé à Jaffna.
Ce que nous craignons, c'est que le recours aux lois sur la sécurité de l'État ou sur la lutte contre le terrorisme pour poursuivre des journalistes est du déjà vu, particulièrement dans les pays dirigés par des gouvernements autoritaires. Nous craignons fort que le Sri Lanka ait pris cette direction.
L'absence d'enquêtes fiables sur ces crimes perpétue le long passé d'impunité pour ceux qui ont attaqué des journalistes au Sri Lanka. Dix journalistes de CPG ont été les victimes de meurtres prémédités depuis 1999, sans qu'il y ait eu la moindre poursuite judiciaire ni qu'aucune accusation ne soit portée. Le gouvernement de Rajapakse et ses prédécesseurs doivent au moins être tenus responsables du climat d'impunité dans lequel ont lieu les attaques contre les journalistes, et bien du monde considère les gouvernements antérieurs et le gouvernement Rajapakse comme étant eux-mêmes responsables de certaines de ces attaques.
La plupart des meurtres que nous comptons ont eu lieu alors que le président Rajapakse était premier ministre, à partir du 24 avril, depuis qu'il a entamé un mandat de six ans comme président en novembre 2005, et jusqu'à maintenant. D'après les dossiers de CPG, pendant cette période où il occupait un poste élevé au Sri Lanka, huit journalistes ont été les victimes de ce que CPG considère comme des meurtres prémédités. Personne n'a subi de procès dans aucune de ces affaires. Le nombre de morts ne comprend pas les journalistes tués dans des tirs croisés ou dans d'autres situations alors qu'ils faisaient des reportages sur la guerre. Nous parlons ici de gens qui ont été tués délibérément.
J'ai longuement parlé des attaques contre les journalistes sri-lankais, mais je dois aussi parler d'une autre chose. Aucun étranger ou journaliste sri-lankais n'a récemment été autorisé à se rendre, à titre indépendant, sur la ligne de front du conflit avec les TLET. Il n'y a pas eu moyen pour des journalistes indépendants de faire enquête sur des allégations de méfaits contre un ou l'autre des protagonistes de ce conflit. Ce n'est pas que le gouvernement qui restreint l'accès; les TLET aussi.
Les journalistes ont dû se fier sur des renseignements obtenus de tiers, de part et d'autre du conflit, et des quelques groupes de secours qui peuvent encore circuler dans la zone de combat et autour d'elle. CPG appelle les deux côtés à permettre à tous les journalistes d'évaluer personnellement les risques encourus et à voyager sur la ligne de front de cette guerre qui a déjà coûté tant de vies, et à en parler librement.
Je terminerai par une simple phrase: Compte tenu de l'absence d'enquêtes et d'un soupçon réaliste que les acteurs du gouvernement sont complices de la violence dont sont victimes les journalistes, le temps est venu pour la communauté internationale d'agir.
J'ai une liste de recommandations, mais je pense que j'arrêterai pour répondre à vos questions, si vous voulez bien.
Merci beaucoup, monsieur Dietz.
Nous entamons la première tournée de questions. Monsieur Rae, vous avez la parole.
Je vous remercie, monsieur Dietz. Merci infiniment.
Je vous préviens que j'aurai deux questions à vous poser, parce que n'avons que très peu de temps pour les questions et les réponses. La première est un peu personnelle, si on veut, et concerne votre vaste expérience en Asie et en bien d'autres lieux.
Vous avez vécu en Asie en une époque où s'est largement détériorée la qualité de vie au Sri Lanka et dans la situation générale. Que diriez-vous du climat en général, au plan de la pratique du journalisme au Sri Lanka, comparativement aux autres pays de l'Asie où vous avez travaillé?
Parlons directement du Sri Lanka. Pendant longtemps, le Sri Lanka, en dépit de toute la pression que subissaient les journalistes, avait une presse très dynamique. C'était largement attribuable au fait qu'elle est très souvent liée à un parti ou à un autre, à un groupe politique ou à un autre. C'est encore le cas. Il y a encore des journaux qui sont publiés en tamoul, en cinghalais et en anglais, qui critiquent ouvertement le gouvernement, mais ils sont de moins en moins nombreux.
À bien regarder la situation, j'entrevois à l'horizon une plus grande répression des médias au Sri Lanka. Nous voyons que l'espace où les journalistes peuvent évoluer se ferme rapidement.
CPG connaît huit journalistes chevronnés — et nous ne parlons pas ici du menu fretin — qui ont quitté le pays. Ils ont cessé d'écrire. Ils ont fui pour leur sécurité, très inquiets. Ils sont Tamouls, Musulmans et Cinghalais. Beaucoup étaient des chroniqueurs de la défense, qui est une très vaste industrie au Sri Lanka. Nous avons constaté que ceux qui osent s'en prendre à l'établissement militaire de quelque façon que ce soit — reportage critique sur la guerre, la corruption dans l'armée, ou l'acquisition d'armes, ce genre de dossiers — ont été critiqués, harcelés, et pris à partie spécifiquement par le ministère de la Défense.
Le secrétaire de la Défense, Gotabhaya Rajapakse, est le frère du président Mahinda Rajapakse. Il a tenu des propos très secs à l'égard des journalistes qui oseraient critiquer l'armée ou l'établissement militaire, et il n'hésite pas à user du qualificatif de traître. Le terme « traître » est beaucoup plus qu'une arme démagogique, très franchement; c'est un crochet par lequel on peut jeter les assises de poursuites judiciaires.
Plus que jamais, je le crains, les médias sont attaqués au Sri Lanka. Je m'inquiète de leur avenir.
Je vous remercie, j'apprécie vos commentaires.
Vous avez dit à la fin de vos observations que vous aviez des recommandations à faire. Je suis sûr que le comité y serait intéressé.
Je m'excuse, je vois qu'elles sont ici. Mais peut-être voudriez-vous qu'elles soient au compte rendu.
Permettez-moi d'expliquer cette liste de recommandations.
Quand j'étais à Colombo, j'ai eu des entretiens avec des membres de trois missions diplomatiques différentes, mais pas la mission canadienne. Ils ont dit trouver que le gouvernement était assez réfractaire et qu'ils chercheraient des moyens pour tenter de dialoguer avec le Cabinet du président, surtout au sujet de la critique internationale et des pressions internationales. On avait l'impression qu'il existait peu de moyens, voire aucun, pour pousser le gouvernement à agir. Il a été question de prêts du FMI, d'ententes commerciales et tarifaires avec l'Union européenne, et ce genre de choses pour essayer de convaincre le gouvernement de modifier sa tactique, bien sûr, relativement à toute une gamme d'enjeux concernant les droits de la personne et les libertés civiles.
Très franchement, je pense qu'il faut continuer d'exercer ce genre de pression. Je sais que certaines ambassades — du moins les ambassades avec lesquelles je me suis entretenu — s'étaient exprimées haut et fort quand ces enjeux ont été soulevés. Je comprends aussi que d'autres ambassades et d'autres missions diplomatiques préfèrent agir de façon plus subtile ou discrète.
De toutes les solutions et de tous les espoirs que l'on a de convaincre le Cabinet du président — et vous allez voir que c'est vraiment une question de personnalité à ce point-ci — j'estime important de tenter de convaincre la famille Rajapakse de commencer à adhérer à une espèce de norme et à faire preuve de civisme.
Le fait est que nous avons constaté que ces attaques contre les médias coïncident d'assez près avec l'intensification des activités militaires du gouvernement dans le Nord et la lutte contre les TLET. Une fois que le gouvernement a décidé de remporter une victoire écrasante et de tenter de mettre fin à cette guerre une fois pour toutes, il a clairement décidé qu'il ne tolérerait plus chez lui la moindre critique des journaux de l'opposition ou de qui que ce soit d'autre. Il y a une corrélation assez claire entre l'action vers cette guerre et la hausse très nette de la suppression des médias.
Ce sont mes recommandations.
Nous espérons que des gouvernements comme celui du Canada et certainement de mon propre pays, les États-Unis, s'engageront et le feront de manière à signifier très clairement aux gens au pouvoir que la situation n'est pas acceptable. Il y a des solutions, et il y a d'autres moyens. Pour être franc, je vois encore dans le président Rajapakse quelqu'un de dur, entouré de gens favorables à ce genre d'intervention militaire, mais j'entrevois tout de même une possibilité de l'engager, avec des membres de l'autre gouvernement, pour tenter de modifier leurs politiques.
Je pense avoir un peu débordé du temps qui m'était alloué. Veuillez m'en excuser.
[Français]
Monsieur Dietz, combien de journalistes sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions depuis 10 ans?
[Traduction]
Nous en avons compté, je crois, 10 depuis 1999. Le plus grand nombre de ces décès est survenu sous le régime Rajapakse. C'est là que nous avons constaté une accélération.
Le plus grand problème, ici, c'est que les journalistes ont souvent été dans la ligne de mire, au Sri Lanka. En dépit de l'ouverture des médias, c'est un milieu assez dur. Sous le régime Rajapakse, nous avons constaté une accélération des attaques contre les médias. Très franchement, nous le savions et nous avions les données. Mais après que je sois allé à Colombo, que j'en sois revenu et que j'ai commencé à examiner les données et à les analyser, nous avons constaté que les choses s'étaient accélérées et amplifiées pendant cette période.
[Français]
[Traduction]
Dix ont été tués intentionnellement, d'après mon point de vue. Comme je l'ai dit avant dans ma présentation, nous ne comptons pas ceux qui ont été pris dans des feux croisés alors qu'ils faisaient des reportages sur la guerre ou qui peuvent être morts accidentellement dans un accident d'hélicoptère ou quelque chose du genre. Ces dix personnes ont été tuées délibérément, et c'était selon nous des meurtres prémédités.
[Français]
Vous avez mentionné la diversité ethnique et confessionnelle. Y a-t-il une partie des médias de langue cinghalaise qui critique le gouvernement? La presse cinghalaise appuie-t-elle tout le temps le gouvernement?
[Traduction]
Non, le plus grand nombre de victimes, le plus grand nombre de journalistes qui ont été tués, étaient Tamouls. Mais Lasantha Wickramatunga, par exemple et Upali Tennakoon — les deux cas dont j'ai parlé — sont tous les deux Cinghalais. Le ciblage ne semble pas tant être lié aux origines ethniques qu'aux affiliations politiques, au fait que l'on soit critique ou non.
J'aimerais aussi souligner qu'alors qu'il y a ceux-là qui ont été tués, nous avons aussi huit journalistes qui ont fui leur pays pour, selon eux, sauver leur vie. Ce sont des gens qui n'ont pas été tués et qui, en vérité, ne pensent pas retourner chez eux de sitôt. Ces attitudes couvrent un large éventail de réponses, et en toute franchise, on m'a demandé de ne pas citer de noms ou, en tout cas, de ne pas créer de cibles ni de faire la publicité de leur cas. Beaucoup d'entre eux veulent retourner à leur famille, à leur pays, à leur carrière, mais estiment ne pas jouir de la protection de la police — même quand ils la demandent, et elle leur a parfois été enlevée — pour pouvoir rentrer chez eux en toute sécurité.
Alors, en plus de ce nombre de journalistes qui ont été tués, songez aussi qu'il y a au moins huit autres victimes, en réalité. Et il y a beaucoup de gens — des Cinghalais, des Musulmans, des Tamouls — qui, très franchement, ont peur de retourner chez eux, justement parce qu'ils craignent d'être tués. Ajoutez cela à votre liste mentale de personnes dont la vie est en danger.
[Français]
En fait, que recommandez-vous à la communauté internationale de faire pour assurer la sécurité des journalistes au Sri Lanka?
[Traduction]
Je pense que la meilleure chose que puissent faire les gouvernements, c'est d'amorcer un dialogue, au niveau gouvernemental et diplomatique, avec le Sri Lanka, pour continuer d'exprimer ces préoccupations, dialoguer avec le Cabinet du président, avec le bureau du procureur général et, si possible, avec le ministre de la Défense, bien que je pense que ce seront les plus difficiles à atteindre. Trouvez ces membres du gouvernement, en partant du Cabinet du président et en aval, identifiez-les, travaillez avec eux, et continuez d'exercer ce genre de pression diplomatique.
Ce n'est pas un gouvernement rempli de maniaques en délire, ni de gens radicaux, aiguillonnés par leur idéologie. Je pense que beaucoup de ses membres appuient cet effort de guerre, lequel suscite, à l'échelle internationale en tout cas, des sentiments mitigés. Mais je pense toutefois qu'il y a encore au sein du gouvernement du Sri Lanka des personnes et des ministères qui sont prêts à écouter ces messages et à les transmettre en amont au président et au reste de sa famille.
Il existe des solutions de sanctions, des solutions d'isolement, des solutions de pressions financières, et je pense qu'il faudrait les envisager. Cependant, je considère encore que c'est un groupe qui a adopté une approche très radicale, mais à qui il est encore possible de parler.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Dietz, je vous remercie de vous être déplacé.
C'est un tableau des plus sombres, mais nous sommes conscients que ces choses arrivent. À part vous, quels autres groupes de journalistes connaissez-vous qui s'expriment contre la guerre, comme l'indique votre dossier spécial « Absence d'enquêtes »? Laissons de côté les gouvernements. Qu'en est-il des journalistes?
Il est certain que nos collègues et Journalistes sans frontière ont fait un très bon travail. Ils vont dans le pays et en sortent, comme nous. Il est un peu inquiétant qu'au Sri Lanka, les syndicats de journalistes sont surtout organisés sur des bases ethniques ou confessionnelles. Il y a l'alliance des médias tamouls; il y a les journalistes musulmans, les journalistes cinghalais, etc. Il y a aussi un groupe appelé Free Media Movement, qui est l'organisation qui chapeaute tous ces groupes. Dans le passé, ils ont pu préserver une espèce de solidarité dans une culture qui est marquée par les différences ethniques. Ils ont pu surmonter cela en partie.
Le Free Media Movement lui-même a de la difficulté à survivre. Il est rongé par des problèmes internes. Il y a des organisations de journalistes et des organisations d'éditeurs de journaux qui rencontrent le président et qui exercent des pressions sur lui. Il y a une alliance des médias de l'Asie du Sud. Il y a plusieurs autres groupes. Il est clair que le Sri Lanka reconnaît qu'il y a problème. Il y a des gens engagés qui déploient des efforts relativement concertés pour tenter de raisonner avec le gouvernement.
Les groupes comme le nôtre sont repoussés du revers de la main. L'ambassadeur canadien ou américain, ou quelqu'un des États-Unis a plus de poids. Nous parlons avec les missions diplomatiques, qui comptent sur nous pour les renseigner. À notre tour, nous comptons sur eux pour donner de la profondeur à nos démarches. Alors il y a un front relativement uni contre cette oppression. L'un des problèmes, c'est que quand on commence à critiquer le gouvernement, la question qui est tout de suite posée, c'est si on soutient ou non les TLET. C'est toujours amené très rapidement dans la discussion. La plupart des groupes ont été capables de se démarquer, de ne pas se laisser embarquer dans le débat à savoir si la guerre contre les TLET est pertinente ou non, si c'est une violation des droits de la personne, ou si c'est une réponse valable au terrorisme. Il y a bien des angles à cette question.
Nous avons relativement pu garder le point de mire sur la question des journalistes et de leur liberté. J'ai témoigné devant le Sénat américain dans le cadre d'une audience assez similaire à celle-ci. Je témoigne ici. Je prononce souvent des allocutions devant toutes sortes de groupes à Washington. Je suis étonné et ravi de pouvoir dire que les questions liées au journalisme, aux droits du journalisme et à ce qu'ils représentent dans une société libre ont été traitées avec le plus grand sérieux. Je ne pense pas que les enjeux soient passés inaperçus. Ils sont bien représentés, et longuement débattus. Il faut interpréter la répression des journalistes et du journalisme dans le cadre d'un enjeu plus vaste lié aux droits de la personne au Sri Lanka.
Ces attaques sur lesquelles vous avez fait enquête, ont-elles augmenté après l'échec du processus de paix?
Oui, mais nous comptons les dix meurtres dont nous parlons à partir de 1999. Quand nous avons compris que le processus de paix allait échouer et que le gouvernement était décidé à gagner la guerre, c'est là que nous avons constaté une augmentation des attaques. Le journalisme est un jeu dur. Quand on est journaliste, on est une cible facile, au Sri Lanka. Mais avec l'échec des négociations pour la paix, avec l'intensification de l'effort militaire, nous avons aussi constaté l'accroissement des attaques contre les journalistes au pays.
Pouvez-vous parler de ce journaliste qui a été tué et qui avait dit « Si je meurs, le président saura qui sont mes assassins. » C'était un ami du président. Est-ce que cela ne serait pas signe, en quelque sorte, que si le président le sait, pour une raison ou une autre, il est faible, ou est-ce que vous seriez porté à dire que c'est quelqu'un de très fort?
Lasantha n'avait pas peur d'exprimer sa pensée. Il avait déjà un dossier au CPJ: menace d'attaque terroriste, incendie, à deux reprises, des presses à imprimer, je crois. Il n'y allait pas de main morte. C'était un partisan. Il avait travaillé pour un gouvernement antérieur comme porte-parole, et était l'un des pugilistes dans ce match de boxe.
Il était Cinghalais. Je ne l'ai pas connu personnellement. J'ai rencontré Lal, son frère, et j'ai eu de longs échanges avec lui.
L'article publié après sa mort a été trouvé chez lui déjà rédigé à moitié ou aux trois quarts. L'équipe s'est unie pour le terminer. Je pense que cela montre combien le gouvernement devient dur et ne cherche plus à se voiler. Dans cette situation...
Oui.
Peut-être peut-on me permettre de donner une réponse. Nous n'avons jamais accusé le gouvernement d'aucuns de ces meurtres. Nous avons accusé le gouvernement de ne pas faire d'enquêtes, de ne pas porter d'accusations et de ce climat d'impunité qui permet l'assassinat des journalistes. Nous n'en dirons pas plus. Lasantha est allé plus loin, et je soupçonne qu'il avait de bonnes raisons de penser comme il le faisait.
Nous demandons au gouvernement de saisir les tribunaux de ces cas — les meurtres, le harcèlement, les incendies criminels et les menaces. Le matin ou Lasantha a été tué, il faisait des courses avec son épouse, ils ont été poursuivis par des motocyclettes, et ils ont téléphoné à des amis. Il a ramené sa femme — ils venaient de se marier, je pense depuis à peine un mois — et l'a déposée chez eux. Elle lui a rappelé d'être prudent, et il a répondu: « Qu'est-ce que je peux faire? » Il est parti en voiture pour le travail, et a été tué en chemin.
Puis-je avoir une autre minute, ou voulez-vous passer aux questions?
À la façon dont ces attaques ont été menées en janvier, il y avait intention de terroriser. Si on analyse ces attaques...
La première a eu lieu le 6 janvier, quand à 2 heures du matin, de 15 à 20 hommes, avec une précision toute militaire, ont envahi la station de télévision sans se buter à la moindre résistance de gardiens à peine, sinon pas armés, des gardiens de sécurité, en réalité. Ils sont entrés, sachant exactement où aller, ils ont déroulé des câbles dans un labyrinthe de couloirs de la station de télévision jusqu'à la salle de contrôle, qui venait d'être convertie de l'analogique au numérique à fort prix, ils ont relié les fils à une mine Claymore dehors, près de l'entrée des voitures. Ils ont appuyé sur le détonateur, puis l'ont emporté.
Lasantha — les médias se sont trompés, ils citaient des gens du journal — n'a pas été tué avec une arme à feu, comme si quelqu'un était entré et l'avait emmené. Lasantha a été tué par huit hommes montés sur quatre motocyclettes, qui ont défoncé son pare-brise, et qui très probablement avec une barre, peut-être un bâton de bois, ont percé son crâne, ont fait faire un tour à la barre, puis l'ont retirée. Nous savons que c'est ce qui s'est passé. Je vais rester sur mes gardes, à ce sujet, à cause de la source, mais nous sommes convaincus dans ce dossier, parce que des employés de l'hôpital, qui ont demandé à ne pas être cités — l'administration de l'hôpital leur avait dit que c'était un cas très controversé et qu'elle ne voulait pas y être mêlée — ont dit au frère de Lal qu'ils sont retournés voir le médecin qui traitait Lasantha quand il a été admis à l'hôpital et il a dit: « Je ne vais ni le confirmer, ni le nier. On m'a commandé de ne rien dire. » Mais Lal a ses droits, et je lui ai parlé après le meurtre.
Upali Tennakoon est un homme plus âgé, comme moi, qui est près de la retraite. Il se rendait au travail avec sa femme. Il y a eu quatre hommes montés sur deux motocyclettes. Deux étaient armés de bâtons de bois, avec lesquels ils ont défoncé le pare-brise, et avec une barre d'acier cette fois — nous savons que c'était une barre d'acier parce que la femme d'Upali, Dhammika l'a vue — a été projetée vers lui. Il conduisait du côté droit de la voiture, il a levé les mains comme ceci, et la barre les a percées. J'ai des photos d'Upali, avec des morceaux de bois dans ses mains et une blessure. Je l'ai vu à l'hôpital à Colombo, et j'ai dit: « Mon Dieu, mais qui a fait cela? Que faisaient-ils? » Il a répondu: « Ils essayaient de nous tuer, Bob. » Sa femme, en fin de compte, l'a sauvé. Elle s'est jetée sur lui et a mis fin à l'attaque.
Ce n'était pas des fusillades au volant, qui n'est pas une tactique terroriste très courante dans mon pays, c'est trop commun, mais des tentatives pour tuer d'une manière terrifiante, terrorisante, et c'était le but visé. Je pense que c'était le moyen le plus efficace de clouer le bec aux médias critiques.
Excusez-moi.
Non, c'est bon. Je voulais vous laisser parler parce que j'estime important que nous tous, au comité, entendions ce que vous avez à dire dans le contexte de ce qui arrive, et non seulement selon la perspective des victimes, mais aussi des personnes qui en parlent.
Je voulais vous interroger sur l'effet de dissuasion évident de ces actes, parce que comme vous l'avez souligné dans vos propos, c'est envisagé. Vous n'avez pas accusé le gouvernement de quoi que ce soit, vous ne faites qu'en parler. C'est votre rôle. Quand vous analysez les résultats et les effets de ceci, certains des documents que vous nous avez fournis laissent entendre que les histoires ne sont pas racontées, et alors la vérité sur ce qui se passe ne circule pas.
La question que j'ai à vous poser concerne le citoyen moyen. Quelle preuve a-t-il de ce qui se passe, dans ce conflit? Où peut-il se renseigner? Nous avons, comme vous l'avez dit, le Daily Mirror, qui ne parle que de la situation des réfugiés. Je veux dire, mon Dieu, il est évident qu'un conflit fait des réfugiés, et les habitants des villes les voient arriver par vagues. Où obtiennent-ils de l'information, ou même, est-ce que l'information est diffusée?
Évidemment, l'information sur ce qui se passe dans la zone de guerre est limitée, comme nous l'avons fait remarquer. Ni un côté, ni l'autre, ne laisse entrer des journalistes indépendants.
La population générale du Sri Lanka a beaucoup de choix en fait. Même si je suis très critique à l'égard du gouvernement et je dis que l'espace des médias s'amenuise, en fait, les diffuseurs internationaux — CNN, CBC, BBC — sont accessibles, les services de dépêches continuent de diffuser de l'information, il reste encore des journaux qui critiquent ouvertement le gouvernement. Sirasa TV est indépendante, et c'est probablement le télédiffuseur le plus regardé. Il possède trois stations de télévision et quatre stations de radio, qui continuent de diffuser. C'est en partie de l'actualité générale, mais elles traitent aussi du gouvernement, et de manière critique. Les pressions exercées sur elles s'amplifient.
Je pense que l'une des choses que nous devons tous comprendre, c'est que le gouvernement Rajapakse n'est pas un gouvernement impopulaire, que des élections seront déclenchées très probablement en mai cette année, et qu'il s'attend à les remporter haut la main. Il a adopté une voix populiste et très nationaliste, ce qui a éveillé des échos au sein de la communauté cinghalaise.
Je m'inquiète du moment où il y aura ces élections. Je crains que l'espace du journalisme devienne encore plus restreint et s'amenuise encore. Comme cela arrive si souvent, dans n'importe quel pays ou société, les gens écoutent l'actualité qu'ils veulent connaître. Beaucoup est consommé et beaucoup... Bien des citoyens, au Sri Lanka, ne sont pas si mécontents de la façon dont la guerre se déroule. Je ne dis pas qu'ils sont contents qu'il y ait tant de morts, mais ils pensent pouvoir le tolérer; d'autres moins.
Alors il serait important que le Canada, et aussi les États-Unis, se fassent entendre avant les élections.
Nous avons parlé aux autres témoins et leur avons demandé si nous devrions envoyer quelqu'un là-bas — pas seulement notre ambassadeur, mais un représentant de notre gouvernement. Est-ce que vous voudriez que quelqu'un, un haut fonctionnaire de notre gouvernement, aille là-bas et dise franchement ce que nous pensons de la situation et ce que, selon nous, ils devraient faire?
Je l'y inciterais. Je l'y inciterais à cause de ce que je disais sur l'engagement continu et la pression continue sur le Cabinet du président et le bureau du procureur général, qui semble être le plus réceptif à ce type de pression. En tant qu'organisation journalistique sans but lucratif, nous ne demandons pas aux gouvernements de jouer un rôle, mais, très franchement, oui, je pense qu'il serait utile d'exercer autant de pression internationale que possible sur le gouvernement du Sri Lanka. Je pense que c'est la seule façon de le convaincre de changer.
Peut-être devrais-je vous poser cette question plutôt qu'à notre attaché de recherche. Il y a deux ou trois choses.
Est-ce que ces meurtres de journalistes sont en partie des représailles? Est-ce que les Tigres ont ciblé des journalistes favorables au gouvernement?
M. Robert Dietz: Oui.
Le président: Est-ce que c'est une guerre de journalistes, ou une guerre entre les protagonistes pour avoir le contrôle des médias?
La réponse à cela est oui. Bien des journalistes ont été victimes des TLET. Des journalistes tamouls qui essaient de faire des comptes rendus indépendants, ou équitables ou ouverts ont été ciblés — pas toujours tués, mais mis de côté, menacés, intimidés, et tués — par les TLET.
Il faut que vous compreniez que ce que nous disons c'est que les décès de journalistes n'ont pas fait l'objet d'enquêtes. Dans une situation de guerre comme celle qui sévit maintenant dans le nord du Sri Lanka, il y a beaucoup de représailles, particulièrement quand la situation devient plus tendue et difficile, et nous supposons que les TLET jouent un rôle là-dedans aussi.
Je n'en dirai pas plus. Nous ne disons pas que l'un ou l'autre côté est admirable, c'est très clair.
Quand les journalistes tués sont favorables au gouvernement, peut-être tués par les Tigres, est-ce qu'il y a des mises en accusation dans ces cas-là? Ou est-ce vraiment unilatéral? Je veux dire par là que c'est le fait des deux côtés. Ce n'est pas qu'on s'en prend sciemment aux meurtriers d'un côté; la situation est lamentable des deux côtés.
Merci, monsieur le président.
Dans le même ordre d'idée, est-ce qu'on dirait de Namal Perera, l'analyste pigiste de la défense, qu'il fait des déclarations anti-gouvernementales, qu'il est contre le gouvernement?
Est-ce qu'il faisait des déclarations problématiques qui ont été... ou serait-ce l'une des attaques des Tamouls? Qui pourrait avoir mené cette attaque, dans ce cas-là?
Namal a été attaqué par des hommes qui l'ont suivi dans une fourgonnette Toyota Hiace blanche aux vitres teintées, et munie de plaques sans chiffres. Ces fourgonnettes ont été vues autour de Colombo, au moins, relevant des cibles politiques, surtout des Tamouls. Quand Namal a été attaqué, il était en voiture avec un membre du Haut-Commissariat britannique.
C'est ce que je voulais dire. Il travaillait avec un haut représentant du Haut-Commissariat britannique, est-ce que cela n'aurait pas déclenché des signaux d'alarme à Londres, et suscité de profondes préoccupations? Est-ce que cette discussion ne pourrait pas être orientée vers le Commonwealth? Le Sri Lanka fait encore partie du Commonwealth, il me semble. Le cas échéant, est-ce qu'il ne serait pas pertinent d'avoir cette conversation avec le Commonwealth, surtout comme il est question de droits de la personne et de démocratie? Les principes les plus fondamentaux de la démocratie sont la liberté d'expression et la liberté de presse.
Qu'en dites-vous? Votre organisation devrait être en position de faire une présentation devant le Commonwealth et de l'amener à en discuter.
Eh bien, je pense qu'ils ont, l'an passé, eu ce genre de discussion avec des pays. Si vous voulez des pressions politiques, je ne doute pas que quelque chose qui viendrait du Commonwealth exercerait d'énormes pressions pour engendrer le changement.
Nous pouvons comprendre donc qu'il y ait eu des discussions avec les Nations Unies, et entre gouvernements, mais je dirais que le véritable marteau politique, ici, serait le Commonwealth.
Je ne sais pas comment fonctionne l'organisation du Commonwealth. Est-ce que le Canada peut soulever la question auprès du Commonwealth, et demander si nous pouvons faire cela?
C'est justement ce dont je voulais parler. J'aimerais que nous discutions un peu de qui est votre groupe, ce qu'il représente, peut-être la capacité qu'il a, et ses ressources. Peut-être pourriez-vous m'en parler un peu — le nombre de membres, les ressources, et d'où vient le financement?
Je vois que vous avez fait des présentations à Washington. Est-ce que vous faites des présentations de ce genre sur d'autres scènes, comme le Commonwealth, peut-être, ou d'autres organisations?
Une dernière remarque, puis nous allons conclure.
Je tiens à signaler également, d'après ce que j'ai compris, que votre organisme a refusé quelque paiement que ce soit de notre comité, même le remboursement de vos frais de déplacement, car vous ne voulez pas donner l'impression d'accepter quoi que ce soit du gouvernement.
C'est exact.
Je peux vous expliquer pourquoi en 35 secondes environ. Ce principe est bien clair pour nous.
Notre comité a été fondé en 1981 par des journalistes américains revenant d'Amérique du Sud qui avaient constaté qu'ils obtenaient toute la gloire, toutes les signatures des articles et tout l'argent, mais que les journalistes sud-américains qui les aidaient à faire les reportages étaient menacés, harcelés ou tués. Le milieu a donc réagi à cette situation.
Nous n'acceptons aucune aide financière des gouvernements quels qu'ils soient. Pour nous, cela revient au même qu'un journaliste américain qui paierait pour son propre billet, alors qu'il couvre l'élection présidentielle ou quelque chose du genre. Nous essayons de travailler sans l'argent des gouvernements. Nous acceptons des fonds de donateurs comme l'OSI, l'Open Society Institute. Nous fonctionnons comme une ONG, mais nous sommes déterminés à refuser l'argent des gouvernements.
Notre personnel compte 25 à 30 personnes, et nous avons des représentants à l'étranger. Notre budget est à peine suffisant. Nous tâchons de mobiliser des ressources en collaborant avec d'autres groupes de défense des droits des journalistes. Nous nous efforçons de nous concentrer sur ces questions.
Avant le voyage du CPJ à Colombo, en janvier, on a discuté du budget afin de déterminer si ce voyage serait rentable. Nous avons fait ce voyage, et maintenant, nous tentons d'utiliser l'information et les contacts recueillis pour garder ce récit bien vivant. Nous pouvons faire des présentations. Et nous pouvons certainement faire des voyages de reportage.
Je suis journaliste depuis les années 1970, et à mes yeux, c'est simplement un moyen de prolonger ma carrière. Je ne suis plus vraiment employable dans une salle de nouvelles, mais j'ai maintenant l'occasion de faire les mêmes choses que j'ai faites pendant longtemps en réalisant des reportages. Nous défendons des droits; c'est la cause à laquelle nous nous consacrons.
Je dois vous dire que je suis totalement pris de court par cette idée de faire appel au Commonwealth. Je trouve que c'est quelque chose de vraiment...
Une voix: Nous sommes à Ottawa.
Monsieur Dietz, merci de votre présence. Vos propos font réfléchir. Ils sont difficiles à entendre pour nous, et je suis certain que c'est tout aussi difficile pour vous d'en parler, mais nous tenons tous à vous féliciter pour l'important travail que vous accomplissez et les sacrifices que vous consentez.
J'ai deux brèves questions.
Dans d'autres zones de conflit dans le monde où les journalistes éprouvent des difficultés, il y a souvent de l'intimidation auprès des familles et autres choses du genre. Les groupes de soutien qui tâchent d'aider les familles là-bas connaissent aussi des problèmes, et cela tend également à entraver la liberté d'expression. Je tenais à le souligner.
La deuxième question que j'aimerais vous poser est celle-ci: je suis conscient qu'il y a des opérations dirigées par l'État, mais quelle est l'influence d'Internet là-bas? Les journalistes utilisent-ils Internet pour rejoindre le monde extérieur? S'écoule-t-il une certaine période avant qu'on découvre qu'ils utilisent ce médium?
L'intimidation des familles fait partie intégrante du problème. Je pourrais vous citer quantité de cas, mais je dois protéger l'identité des intéressés. Je vais rester très vague. Je vais tenter de vous parler d'un ou deux cas seulement. Cela pourrait vous paraître... Croyez-moi.
Un journaliste émérite que j'ai eu l'occasion de bien connaître, et qui a quitté le pays, a d'abord été victime d'intimidation en 1999. Des agents de la force aérienne sont entrés chez lui et ont menacé sa famille avec une arme à feu. Il avait peur de rentrer à la maison après.
Je suis navré. Je ne peux vous en parler sans révéler trop de renseignements.
Oui, les familles en subissent les conséquences — les veuves, évidemment. Les familles sont brisées, démoralisées et effectivement, elles sont l'objet d'actes d'intimidation. J'évite d'utiliser le terme « terrorisme », parce qu'il est très fort, mais c'est une façon d'intimider les gens et leur famille. Il y a de terribles répercussions et un prix personnel considérable à payer.
Internet est présent au Sri Lanka, mais pas de la même manière qu'il a pénétré la Chine ou la Thaïlande. On a fermé des sites Internet. Certains sites sont ciblés. On utilise les SMS pour faire circuler l'information très rapidement.
J'ai fait partie d'un réseau de communications entre Sri Lankais qui se trouvent là-bas, au Canada, en exil ou à l'extérieur du pays pour une raison ou une autre... Il s'agit d'un groupe de diplomates et de plusieurs organisations comme la mienne. Donc, lorsqu'un incident survient, nous recevons souvent un courriel. Nous apprenons à dormir près du téléphone, et si quelque chose arrive à 2 heures du matin, quand il est 14 heures à Colombo — du genre « Untel a été enlevé; il est porté disparu, on s'est emparé de lui alors qu'il assistait à des funérailles. Agissons rapidement », nous appelons nos contacts à l'ambassade. J'ai déjà dit que le corps diplomatique à Colombo était prêt à réagir. Ces gens interviennent et font les appels voulus. Nous pouvons donc aussi recourir à ce type de réseau.
Internet est un outil précieux en ce moment; il permet de diffuser du contenu médiatique. Mon site préféré est E-Ianka News; il a été lancé par un imprimeur commercial. Ses bureaux sont maintenant dans l'usine où se trouvaient auparavant les presses à imprimer, et il n'y a là que quelques types avec des ordinateurs.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous, monsieur Dietz.
Je trouve cela très troublant, comme vous tous, j'imagine. Les gens qui, comme nous, croient en la liberté d'expression, trouveraient très déconcertant de savoir que ces choses ont lieu.
J'aimerais cependant que vous nous mettiez un peu en contexte, d'après l'expérience de votre organisation. Avez-vous des statistiques relatives à d'autres conflits où autant de journalistes sont visés? Cette situation est-elle propre au Sri Lanka?
J'aimerais qu'il en soit ainsi, mais ce n'est pas le cas. Je suis chargé de l'Asie, alors je vais me limiter aux pays...
Nous avons vu le cas du Pakistan, où cela a été un grave problème, et où le gouvernement, encore une fois, a été très souvent accusé d'être le maître d'oeuvre de ces actes.
Permettez-moi de répondre autrement. Oui, le problème existe également dans d'autres pays; il varie en intensité et il est clairement lié à la situation politique. Ce que nous voyons actuellement au Sri Lanka diffère de ce que nous avons observé là-bas par le passé, en ce sens que le gouvernement est de plus en plus autoritaire, et que les choses évoluent de telle sorte qu'elles ne feront qu'empirer pour les journalistes. On parle aux gens en leur disant « Eh bien, les élections approchent » ou « Quand croyez-vous pouvoir retourner au Sri Lanka? », et les gens répondent « La situation ne s'améliorera pas, du moins pas dans un avenir prévisible ». Quelqu'un a parlé de cinq ou six ans avant que le conflit ne se termine.
Nous pouvons d'ailleurs voir que le Sri Lanka commence à avoir la main de plus en plus lourde sur les médias, et il y a certainement un bâillonnement de la couverture médiatique relativement au conflit et à l'établissement de la défense, mais nous nous attendons à ce que cela débouche sur d'autres problèmes également. On peut lire encore certaines critiques dans les journaux sur la manière dont le gouvernement gère l'économie, négocie de nouveaux prêts ou autres choses du genre, et ces médias demeurent ouverts et constituent la meilleure diversité d'opinions. Mais nous voyons cet espace médiatique se réduire de plus en plus. Au Sri Lanka, nous ne voyons aucune force assez puissante pour renverser la tendance. Je pense que cette force, ou ce pouvoir, devra venir de l'extérieur.
Je sais que notre temps est compté, et mon intervention fait suite à cette question et à un élément dont M. Pearson a glissé mot.
Avec la disponibilité d'Internet, il est possible que certains journalistes quittent le Sri Lanka. Y a-t-il une menace constante pour ces expatriés qui écrivent peut-être d'ailleurs? Cela arrive-t-il?
J'ai deux réponses.
Comme on le sait, au Canada, il y a une vaste diaspora sri-lankaise, composée en majeure partie de Tamouls, mais aussi de Cinghalais. Et au sein de ces communautés, il y a beaucoup d'affrontements, de disputes. En toute franchise, j'ai tenté de me tenir le plus loin possible de ces groupes, parce que c'est un véritable piège, mais je sais que des gens s'intimident et se menacent les uns les autres.
Je sais qu'au sein des communautés d'expatriés, et pas seulement sri-lankaises, lorsqu'on est absent de chez soi pendant une période prolongée, on tend à perdre ses repères, et les problèmes anodins prennent de grandes proportions. Je l'ai constaté au sein de cette communauté.
Je vais faire une brève remarque avant de conclure. L'autre problème, c'est qu'on ne peut faire de reportages sur le Sri Lanka depuis Toronto, Bangkok ou Londres. Le journalisme consiste à se rendre à un endroit, à se renseigner sur les faits, puis à revenir pour les relater et enquêter à leur sujet. La solution aux pressions que subissent les journalistes au Sri Lanka n'est pas de leur faire faire des reportages à partir de l'étranger; la solution est d'éliminer ces pressions.
Je suis navré d'avoir pris autant de temps.
Merci beaucoup, monsieur Dietz. Nous apprécions votre venue. Et nous vous souhaitons certainement la meilleure des chances, à vous et à votre organisme. Je crois que nous comprenons tous, ici, l'importance du travail qu'accomplissent les journalistes. En tant qu'élément du développement de la démocratie dans les pays, la liberté de presse est essentielle.
Merci de votre comparution.
Nous allons interrompre la séance pendant une trentaine de secondes pour vous permettre de quitter la salle et pour laisser nos autres témoins prendre place, si vous le voulez bien.
Nous poursuivons les audiences du comité sur la situation au Sri Lanka.
Au cours de cette heure, nous recevrons les témoignages de délégués du Congrès tamoul canadien. Nous avons également parmi nous Jonathan Papoulidis, conseiller principal en politiques, consolidation de la paix et questions humanitaires, Vision mondiale Canada.
Je sais que vous étiez tous assis ici au cours du dernier exposé, et vous savez donc un peu comment cela fonctionne. Je vais vous demander de vous présenter. Il y a de bonnes chances pour que je prononce vos prénoms correctement, mais pour ce qui est de vos noms de famille, c'est moins sûr. Veuillez vous présenter si vous faites un exposé; nous passerons ensuite à notre première série de questions.
Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Il est bon de vous recevoir, et nous sommes impatients d'entendre vos remarques.
Allez-y, madame.
Je m'appelle Harini Sivalingam et j'appartiens au Congrès tamoul canadien. C'est moi qui ferai la déclaration. Je suis accompagnée de David Poopalapillai et de Sharmila Rajasingam, qui m'aideront à répondre à vos questions aujourd'hui.
Bonjour, monsieur le président et honorables membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Je me nomme Harini Sivalingam et je suis avocate de profession, de même que directrice des politiques auprès du Congrès tamoul canadien, une organisation enregistrée comme organisme sans but lucratif qui se porte à la défense des intérêts de la communauté tamile canadienne depuis 2000. Comme je l'ai déjà dit, je suis accompagnée de David Poopalapillai, le porte-parole national du CTC, et de Mme Sharmila Rajasingam, membre du CTC de Montréal.
Le CTC est une organisation nationale qui compte des sections régionales à Toronto, Ottawa, Montréal, Vancouver, Edmonton et Winnipeg, et qui représente les Tamouls canadiens partout au pays. Nous tenons d'abord à vous remercier de nous accorder cette occasion de comparaître devant votre comité pour traiter d'un sujet de la plus haute importance pour les 300 000 Tamouls canadiens vivant au pays. Nous nous présentons devant vous non seulement en tant que membres de la communauté tamoule fortement préoccupée par la situation critique des Tamouls dans le nord-est du Sri Lanka, mais aussi et surtout, comme des Canadiens qui partagent l'objectif commun de promouvoir leurs valeurs nationales de paix et de justice partout dans le monde.
Pendant plus de 60 ans, les Tamouls de l'île du Sri Lanka ont subi l'oppression, la discrimination et la violence des gouvernements successifs du Sri Lanka. Aujourd'hui, le conflit armé qui fait rage depuis 25 ans est à un tournant. En raison des combats intenses qui ont repris après que le gouvernement du Sri Lanka eut unilatéralement rompu, en janvier 2008, un cessez-le-feu de six ans négocié par le gouvernement norvégien, plus d'un quart de million de Tamouls sont coincés dans une petite enclave de terre au milieu de la zone de conflit entre le gouvernement du Sri Lanka et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul.
Des milliers de vies ont été fauchées par les bombardements aveugles du gouvernement dans des zones soit disant sécuritaires, en violation directe de la Convention de Genève. Des centaines de milliers de personnes déplacées, principalement des femmes et des enfants, sont en train de mourir de faim. Des hôpitaux ont été délibérément visés par des bombes et les convois transportant les malades et les blessés ont été la cible d'attentats. Ces actes ont été largement qualifiés de crimes de guerre par des acteurs internationaux. Les défenseurs des droits de la personne, les travailleurs humanitaires et, comme nous l'avons entendu plus tôt, les journalistes, courent un danger s'ils dénoncent les exactions du gouvernement. Malgré les appels à un cessez-le-feu immédiat par les hauts dirigeants des Nations Unies, notamment le secrétaire général et le haut commissaire aux droits de l'homme, par des ONG internationaux et par des gouvernements étrangers comme celui du Canada, le gouvernement du Sri Lanka a refusé d'envisager un cessez-le-feu et poursuit énergiquement une campagne militaire agressive contre la population tamoule, dans le but « d'éliminer les Tigres tamouls ». En effet, on anéantit la population tamoule restée dans le nord-est du Sri Lanka. Non seulement le gouvernement du Sri Lanka a-t-il rejeté les appels internationaux au cessez-le-feu, mais il fait aussi obstruction à l'aide humanitaire internationale qu'on tente de faire parvenir aux civils pris au piège dans la zone de conflit, ce qui va directement à l'encontre du droit humanitaire international.
En septembre 2008, en préparation à ces attaques militaires des régions tamoules, le gouvernement du Sri Lanka a ordonné à tous les travailleurs humanitaires internationaux de quitter les secteurs tamouls, où il ne reste aujourd'hui que le Comité international de la Croix-Rouge et le Programme alimentaire mondial. Je pense que lundi dernier, vous avez reçu une représentante de la Croix-Rouge canadienne, qui a décrit la situation là-bas. Le CICR a déclaré qu'en raison de l'escalade de la violence là-bas, il ne pouvait fonctionner efficacement dans la région. Le gouvernement du Sri Lanka porte également des accusations contre des groupes d'aide internationaux qui oeuvrent au Sri Lanka, comme Care International, en prétendant que ceux-ci appuient le terrorisme et alimentent le conflit armé comme on le déclarait hier sur le site Internet du ministère de la Défense du Sri Lanka.
Parallèlement, la situation humanitaire catastrophique se détériore quotidiennement au Sri Lanka, donnant lieu à des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne. Le CICR a déclaré ce qui suit dans son dernier point sur les activités, le 17 mars 2009:
Des dizaines de milliers de personnes confinées dans une zone qui rétrécit rapidement se sont dirigées vers la côte pour échapper aux combats. Elles étaient en quête d'un lieu sûr, de nourriture et de soins médicaux. Mais le nombre de personnes se trouvant dans la bande côtière tenue par les TLET a considérablement augmenté ces dernières semaines, et l'eau potable est rare. Tous les jours, la zone est frappée par des bombardements, et le manque d'espace, d'eau et de systèmes d'assainissement corrects augmentent les risques d'épidémies.
Dans une lettre datée du 5 mars 2009, le représentant du gouvernement pour le district de Mullaithivu dans le nord-est demandait en ces termes des rations alimentaires dont on avait grandement besoin:
... chaque jour, les personnes déplacées à l'intérieur du territoire font pression sur nous pour obtenir de la nourriture, mais nous ne sommes pas en mesure de satisfaire à leur demande. Ces personnes innocentes, dont des femmes et des enfants, se trouvent dans un état pitoyable et mourront sous peu à cause de la famine. Le directeur régional des services de santé à Mullaithivu nous a informés que 13 personnes sont déjà mortes de faim.
Au sein de la diaspora, nous craignons que bien d'autres subiront le même sort dans les jours et les semaines à venir.
En outre, l'effondrement de la primauté du droit est très apparent au Sri Lanka. Selon le Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations Unies, le Sri Lanka vient au deuxième rang après l'Irak pour le nombre de disparitions. Ces chiffres datent déjà. Compte tenu de la conjoncture actuelle en Irak et de la détérioration de la situation au Sri Lanka, je présume donc que ce dernier pays vient probablement au premier rang désormais.
M. Mangala Samaraweera, ancien ministre des Affaires étrangères du Sri Lanka aurait admis au Sunday Leader qu'une personne est enlevée toutes les cinq heures dans son pays. Il a ajouté que « les enlèvements et les meurtres sont devenus monnaie courante ». C'est un ancien ministre du gouvernement qui s'exprime ainsi.
Comme nous l'avons entendu dans les témoignages de cet après-midi, le Sri Lanka est également l'endroit le plus dangereux au monde pour les journalistes et les travailleurs de l'information. D'après Amnistie Internationale,15 journalistes ont été tués au Sri Lanka depuis 2006. Le plus récent incident a eu lieu le mois dernier, avec la soi-disant arrestation de M. N. Vithyatharan, rédacteur en chef du seul quotidien tamoul encore publié dans le Nord du pays. M. Vithyatharan a un frère qui vit au Canada, et il s'est rendu ici l'automne dernier pour parler de la détérioration de la situation dans son pays.
C'est la triste réalité avec laquelle doivent composer les Tamouls du Sri Lanka. Les Canadiens d'origine tamoule se sentent impuissants chaque jour qu'ils apprennent dans les actualités les pertes de vie et la destruction dans cette île. Le débat sur le conflit entre le Sri Lanka et les Tamouls n'est pas simplement un débat théorique ou politique pour nous. Ce ne sont pas que des statistiques ou des chiffres pour nous. Il s'agit de tragédies qui touchent des personnes que nous aimons, nos familles et nos amis, qui subissent un grave préjudice quotidiennement.
Au cours des derniers mois, les Canadiens d'origine tamoule de tous les horizons, des enfants aux personnes âgées, de Vancouver à Halifax, ont pris part à des manifestations, rassemblements, chaînes humaines et veilles pour sensibiliser les gens à la situation critique des Tamouls au Sri Lanka et demander un cessez-le-feu immédiat afin de permettre d'acheminer l'aide humanitaire aux personnes prises au piège dans la zone de conflit.
Lors des travaux du comité de lundi, plusieurs ont évoqué le rôle de la diaspora tamoule dans ce conflit. Ce rôle, en particulier celui des Canadiens d'origine tamoule, est essentiel. Cependant, ces derniers éprouvent un profond sentiment de frustration, car nous avons pu laisser derrière nous la brutalité et la persécution qui étaient notre lot chez nous pour nous réfugier dans des pays sûrs et accueillants comme le Canada. Ceux que nous avons laissés derrière nous sont silencieux. Nous sommes ici aujourd'hui pour être leur porte-parole dans l'espoir que la communauté internationale, à commencer par le Canada, prendra des mesures décisives.
Nos doléances ont été entendues. La population canadienne est au fait de la crise humanitaire qui sévit au Sri Lanka, grâce notamment à la couverture des médias locaux. Les parlementaires canadiens ont également réagi. Lors du débat d'urgence tenu au Parlement le 4 février dernier, des députés de tous les partis politiques ont dénoncé la violence qui se perpétue dans ce conflit. Plusieurs d'entre vous y ont participé, et nous vous en remercions. Aujourd'hui, votre comité écoute nos doléances. Je sais que certains d'entre vous sont très au courant du conflit et s'efforcent personnellement et professionnellement de sensibiliser le public.
Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour en appeler d'une plus grande participation du Canada afin d'empêcher que ne se détériore davantage une situation humanitaire déjà catastrophique. L'influence du Canada dans les tribunes internationales comme les Nations Unies et le Commonwealth est nécessaire pour contraindre le gouvernement sri lankais à se conformer au droit international humanitaire et au droit international en matière de droits de la personne.
Pourquoi le Canada? Eh bien, le Canada est un chef de file dans la promotion des droits de la personne et la consolidation de la paix. Les doctrines canadiennes comme la sécurité humaine et la responsabilité de protéger sont la pierre d'assise de la réflexion internationale en matière de droits de la personne. Des Canadiens renommés comme Louise Arbour, Stephen Toope, Allan Rock et Stephen Lewis sont les ténors de cette réflexion. S'il y a un pays qui peut faire bouger les choses pour mettre fin au conflit au Sri Lanka, c'est sûrement le Canada.
L'histoire le prouve, le gouvernement sri lankais est dépourvu de la volonté politique nécessaire afin de mettre en branle une solution négociée. Différents gouvernements sri lankais ont rejeté les tentatives répétées de négocier politiquement la fin du conflit, du Pacte Bandaranaike-Chelvanayakam à l'Accord indo-sri lankais -- le seul accord de paix international signé par le gouvernement sri lankais — et de l'Autorité intérimaire autonome à la Structure de gestion opérationnelle post-tsunami. Cependant, les pressions internationales accrues, y compris l'isolement économique par des sanctions commerciales, pourraient contraindre le Sri Lanka à mettre fin à la guerre contre les Tamouls.
Une citation me vient à l'esprit: « La paix, ce n'est pas l'absence de guerre, mais la présence de tranquillité. » Si l'on s'en tient à cette définition de la paix, celle-ci a été absente du Sri Lanka depuis des générations. Bien avant la création des TLET, la minorité tamoule faisait l'objet d'une oppression, et il y avait des troubles politiques. Même pendant le cessez-le-feu, la violence menaçait de reprendre.
Les Tamouls du Sri Lanka et de la diaspora veulent une paix juste et durable qui tienne compte des aspirations légitimes des Tamouls à diriger leur destinée politique dans leur patrie. Le gouvernement canadien peut prendre plusieurs mesures à cet égard. Je vous en expose quelques-unes de mes recommandations.
Premièrement, il faut presser le gouvernement sri lankais de suspendre immédiatement les opérations militaires à l'encontre des civils, de décréter un cessez-le-feu et de reprendre les négociations afin de résoudre pacifiquement le conflit armé.
Deuxièmement, il faut presser le gouvernement sri lankais d'autoriser immédiatement l'acheminement de l'aide humanitaire dans la zone du conflit et d'accorder aux travailleurs de l'aide internationale l'accès total aux endroits touchés.
Troisièmement, il faut presser le gouvernement sri lankais de respecter la liberté de la presse et de donner aux journalistes l'accès à la zone de conflit afin qu'ils puissent rendre compte de la situation dans le nord et dans l'est.
Quatrièmement, il faut presser les autres pays membres du Commonwealth d'envisager d'enlever au Sri Lanka les avantages de faire partie du Commonwealth, tant que ce pays continuera à violer les droits de la personne et le droit humanitaire.
Cinquièmement, il faut envisager d'imposer des sanctions économiques et diplomatiques au gouvernement sri lankais pour avoir violé la Convention de Genève ainsi que pour avoir enfreint d'une manière systématique et flagrante les droits de la personne.
Toute une génération de jeunes Tamouls a grandi sans connaître autre chose que la guerre et la violence. Plus d'un million de Tamouls ont été déplacés dans différents pays du monde, et un million supplémentaire ont été déplacés à l'intérieur du territoire. Ce conflit armé a tué plus de 80 000 personnes, et la vaste majorité des Tamouls tués l'ont été par le gouvernement sri lankais. Nous espérons que, tous ensemble, nous pourrons empêcher le sacrifice d'une autre génération à l'autel de ce conflit.
En terminant, pour que vous saisissiez bien le conflit entre le Sri Lanka et les Tamouls, j'aimerais vous inviter à une exposition remarquable intitulée « Comprendre la guerre au Sri Lanka », laquelle se tiendra dans la Salle du Commonwealth, pièce 238, sur la Colline du Parlement, de 14 à 18 heures. Compte tenu de la détérioration de la situation, cette remarquable exposition arrivera à point nommé pour nous rappeler les circonstances tragiques qui ont amené plus de 300 000 Canadiens d'origine tamoule à quitter patrie, amis et famille pour faire du Canada leur foyer.
Merci.
David et Sharmila, je pourrai répondre aux questions avec vous.
Monsieur le président et honorables membres du comité, nous vous remercions infiniment de nous donner l'occasion de vous exposer la situation qui règne au Sri Lanka. Vision mondiale est présente dans ce pays depuis plus de 30 ans, et notre exposé se justifie par cette longue présence et notre engagement concret à l'égard de l'aide humanitaire et du développement.
Je vous dirai d'entrée de jeu que ce qui nous tient surtout à coeur, ce sont les 150 000 civils pris au piège dans la zone de conflit. Leur situation critique ne peut qu'empirer à mesure que le conflit se circonscrit à une bande de terre plus restreinte et que la résistance se fait de plus en plus désespérée. Notre priorité absolue, ce sont les enfants touchés par ce conflit. Des centaines ont déjà été tués, et des milliers d'autres sont pris au piège avec la faible possibilité d'y échapper.
En janvier, le conflit nous a obligés à mettre fin à la distribution d'urgence d'eau et de nourriture à Wanni. Nous sommes très conscients que des vies sont menacées, que la dignité humaine se délite et que la faim et la maladie se propagent rapidement.
Nous reconnaissons que, devant une telle situation, le gouvernement canadien a demandé un cessez-le-feu pour des raisons humanitaires pour permettre une évacuation sûre des populations prises au piège. Dans une déclaration conjointe, Vision mondiale, les Nations Unies et d'autres organismes d'aide ont exigé qu'on puisse se déplacer en toute sécurité, qu'on fasse preuve de retenue et que toutes les parties respectent le droit international humanitaire. Nous continuons de demander au gouvernement canadien d'utiliser tous les moyens bilatéraux et multilatéraux pour garantir la protection des civils et plus particulièrement la protection et le bien-être des enfants.
Nous reconnaissons également que le Canada s'efforce de trouver des solutions pratiques et innovatrices pour protéger les civils lors de conflits armés. À ce chapitre, la récente évolution du cadre normatif international nous encourage, notamment la modification de l'aide-mémoire du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la protection des civils afin de mieux tenir compte des besoins des enfants et des femmes lors d'un conflit. Néanmoins, ce conflit fait ressortir d'emblée qu'il est urgent que davantage de progrès soient accomplis.
Le Canada faisant activement campagne pour obtenir un siège au Conseil de sécurité, nous le pressons de prendre des mesures supplémentaires pour faciliter la mise en oeuvre de l'aide-mémoire modifié du Conseil de sécurité, compte tenu particulièrement des violations qui auraient été commises à l'égard des zones de sécurité et des vaines tentatives d'établir des corridors humanitaires temporaires.
Premièrement, nous pressons le gouvernement canadien d'appuyer les appels internationaux en vue de nommer un envoyé spécial des Nations Unies dans le cadre de cette crise et, le cas échéant, de fournir des crédits à cet égard. Nous sommes conscients que d'autres États membres ont tenté, sans trop de succès, d'affecter dans cette région leurs propres envoyés afin d'y assurer un suivi. D'après nous, les chances de succès seraient optimales si le Canada prenait l'initiative de cet effort international. Le gouvernement sri lankais a établi que les Nations Unies sont le point de contact dans le cadre de la stratégie des partenaires internationaux. Il sera donc possible de coordonner le tout et de donner des conseils directement.
Un envoyé onusien compétent pourrait formuler des recommandations pour assurer la protection des enfants et des populations en danger. Il pourrait également appuyer le gouvernement sri lankais dans sa stratégie. Nous exhortons les membres du comité permanent à appuyer les appels en faveur d'un tel envoyé spécial des Nations Unies.
Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement demande la tenue de négociations sur le déploiement d'une équipe de protection des Nations Unies, qui comprendrait des experts canadiens et qui recevrait des crédits du Canada. Nous recommandons en outre que le Canada participe à ces négociations. Selon nous, les chaînes de commandement offrent des possibilités d'assurer la protection grâce à la retenue et à l'improvisation. Une telle équipe pourrait appuyer le gouvernement sri lankais, les Nations Unies et les organismes d'aide en leur faisant part des pratiques exemplaires et des solutions en matière de protection des civils dans les zones de conflit et de stratégie plus générale à l'égard des populations déplacées.
Troisièmement, en sa qualité d'organisme d'aide humanitaire voué au développement et à la défense des intérêts, Vision mondiale est prête à collaborer avec le gouvernement et le comité permanent pour que nous puissions profiter de nos expériences respectives et explorer davantage les moyens pratiques d'assurer la protection des civils, particulièrement celle des enfants. La création d'un groupe de travail interministériel sur la protection des enfants serait une étape importante. À titre de membre du comité de direction d'un réseau international —Watchlist on Children in Armed Conflict et le Forum on Children and Armed Conflict du Peacebuilding Network —, Vision mondiale serait heureuse d'une telle collaboration qui permettrait de profiter des compétences et de l'expérience de chacun au cours de la présente crise et des crises ultérieures. Nous exhortons le Canada à se servir de la situation actuelle des enfants au Sri Lanka pour mettre sur pied un tel groupe.
À l'heure actuelle, Vision mondiale joue un rôle actif face au bien-être et aux besoins immédiats des enfants et des populations qui sont déplacés. Plus de 50 000 personnes se trouvent dans 16 camps à Vavuniya, au nord. On s'attend à ce qu'il y en ait des milliers d'autres. La situation change constamment au moment où les organismes d'aide tentent rapidement d'évaluer les besoins et de s'y attaquer. Le gouvernement sri lankais a établi les camps et assure leur surveillance. Il se prépare à en construire d'autres.
Nous mettons à contribution nos relations étroites avec les populations et nos relations de travail avec le gouvernement sri-lankais pour offrir des mesures axées sur des principes pour venir en aide rapidement aux personnes déplacées. Dans les camps, les réfugiés sont épuisés physiquement et mentalement, mais continuent de tenir bon en gardant l'espoir de regagner leur foyer. Vision mondiale escompte appuyer entièrement les personnes déplacées dans le cadre des efforts déployés par les groupes des Nations Unies voués à la protection des enfants ainsi qu'à l'aide alimentaire et aux autres formes d'aide. Nous sommes particulièrement heureux de continuer notre travail avec l'appui du gouvernement canadien, notamment grâce aux subventions de l'ACDI.
La distribution d'eau d'urgence s'effectue dans les camps de personnes déplacées auxquels nous avons accès. Nous fournissons également les suppléments alimentaires afin que les normes humanitaires minimales soient atteintes, des trousses hygiéniques et des articles de maison, ainsi que des abris temporaires dans les camps.
Élément important, nous aménageons, de concert avec nos partenaires, dont l'UNICEF, des places pour assurer la protection vitale des enfants traumatisés, victimes d'abus et non accompagnés. Comme Dave Toycen, président de Vision mondiale, l'a fait remarquer à la reprise des combats: « C'est déchirant de voir que des enfants sont prisonniers de ce conflit. Ils ont tellement déjà souffert à cause du tsunami et du conflit armé. »
Les mesures d'aide humanitaire sont axées sur la préservation de la dignité, des droits et de la sécurité des populations déplacées ainsi que sur leur espoir de regagner leurs foyers dans un proche avenir. En conséquence, nous nous préparons à intervenir énergiquement dans les étapes du retour et de la reconstruction, en appuyant les ministères travaillant à la gestion des catastrophes et à la réinstallation ainsi qu'en collaborant avec les groupes interorganisations et les autres organismes analogues.
Notre stratégie comprendra des projets de démarrage offrant des moyens de subsistance et des perspectives économiques. Cependant, nous n'oublions pas les besoins immenses découlant de la remise en état et de la restauration de la région touchée. À cette fin, Vision mondiale escompte, à court terme, mettre en oeuvre des projets régionaux et locaux susceptibles de prendre de l'expansion et de durer au moins dix ans.
À cette étape de la remise en état et de la restauration, on ne saurait trop insister sur l'importance de s'adapter à la dynamique et à la réalité nouvelles de la région. Le gouvernement sri-lankais exerce un contrôle sur un plus vaste territoire que dans les années 1980, ce qui entraîne des répercussions et des perspectives qu'il faut comprendre et traiter correctement pour appuyer la consolidation de la paix. À ce moment crucial, nous exhortons le gouvernement canadien à appuyer le gouvernement sri-lankais dans les mesures qu'il prendra pour garantir une paix et un développement durables.
Le Canada devrait appuyer un rétablissement de la paix durable qui s'attaque aux causes profondes du conflit, qui habilite les collectivités et les administrations locales, et qui contribue à restaurer les services essentiels et l'infrastructure de base. Selon nous, il faudrait surtout qu'une délégation se rende au Sri Lanka, de préférence au cours des trois prochains mois. Composée de parlementaires de tous les partis, de hauts fonctionnaires, d'experts et de représentants d'organismes d'aide, la délégation ferait le bilan de la situation humanitaire et formulerait des recommandations au gouvernement et au comité sur la façon de favoriser la paix, la restauration et le développement à long terme dans la région touchée.
Le Canada entretient des relations directes avec le Sri Lanka et son gouvernement depuis au moins les années 1950. Il fait partie, comme lui, d'institutions importantes comme les Nations Unies et le Commonwealth. En matière de consolidation de la paix et de bonne gouvernance, le Canada y a appuyé des expériences et des projets novateurs. Nous sommes convaincus que le temps est venu d'offrir un appui de taille et d'encourager une réflexion avant-gardiste. Le Sri Lanka ne fait peut-être plus partie des pays de partenariat renforcé en matière d'aide au développement en raison des retombées dans le sillon du tsunami, mais nous estimons que les réalités justifient un réexamen de la situation.
Le temps est venu d'aider à court terme et à long terme les Sri-Lankais. Vision mondiale a toujours à coeur d'appuyer les Sri Lankais, particulièrement les enfants touchés par le conflit.
Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités. Je serai ravi de répondre à vos questions.
Merci.
Nous allons passer très rapidement à la première ronde de questions.
Juste avant, je tiens à préciser aux membres du comité que la sonnerie d'appel retentira à 17 h 30. J'ai l'intention d'entendre nos témoins jusqu'à 17 h 30, puis d'adopter très rapidement le rapport du comité de direction, de façon à ce que notre greffier et notre recherchiste puissent continuer la planification de ce voyage. C'est le plan.
Monsieur Patry, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui.
Précisons d'abord que nous avons reçu plusieurs témoins, et j'ai aussi le privilège d'avoir un temple tamoul dans ma circonscription. Je comprends les atroces souffrances de votre communauté. Cette situation est terrible pour ceux qui vivent dans les camps et ceux qui sont pris en otage dans la région du Nord-Est.
Vous avez mentionné, madame Sivalingam, qu'un cessez-le-feu avait fonctionné sous la tutelle de la Norvège, mais qu'il n'y en avait plus eu d'autres par la suite. Vous demandez maintenant à notre gouvernement de faire pression sur les Nations Unies pour qu'on continue à pousser dans cette direction. Cela ne semble toutefois pas avoir beaucoup d'effet sur le gouvernement du Sri Lanka. Il s'en lave les mains. S'il avait voulu agir, il aurait eu l'occasion de le faire. Ce n'est que lorsqu'on aura défait les Tigres tamouls qu'il se décidera à bouger. Je me trompe peut-être, mais c'est ainsi que je comprends la situation.
Quels sont les pays... [Note de la rédaction: inaudible]... le gouvernement du Sri Lanka et les Tigres tamouls? Si ça ne fonctionne pas avec les Nations Unies, peut-être pourrions-nous faire appel au Commonwealth? Peut-être aurions-nous plus de succès de cette façon? C'est un peu ce qui s'est passé au Zimbabwe et ailleurs dans le monde. Mais quels autres pays pourraient appuyer notamment le Canada à mettre de la pression sur le gouvernement?
Y a-t-il un quelconque espoir de cessez-le-feu? J'en connais peu au sujet des Tigres tamouls. Tout ce que je sais sur eux, je l'ai entendu des témoins qui sont venus nous parler. Il semble qu'ils seront vaincus. Ils sont localisés dans une toute petite région du Nord-Est. Je ne veux pas insinuer qu'on arrivera à les faire disparaître complètement, mais en attendant, peut-on parler d'un cessez-le-feu (des deux côtés)?
Pour répondre à votre première question, vous avez absolument raison de croire que le gouvernement ne fait montre d'aucune volonté politique à l'heure actuelle. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il faut, selon moi, faire davantage pression sur lui.
David et moi étions à Genève il y a quelques semaines au Conseil des droits de l'homme, et nous avons rencontré des représentants des Nations Unies au Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Ils nous ont dit qu'il serait bon de faire pression sur quelques pays du Commonwealth, comme la Suède et l'Australie. La négociation du processus de paix a été menée sous l'égide de pays nordiques principalement, comme nous l'avons mentionné. Je crois qu'il faut sans contredit faire appel à l'Union européenne pour adopter un régime de sanctions et essayer de convaincre le Sri Lanka de se conformer aux normes en matière de droits de la personne.
Le Commonwealth britannique des Nations est sans doute un forum très important aussi, car le Canada lui-même en fait partie, de même que le Sri Lanka. Je crois qu'en faisant pression par l'entremise de ce forum... Par le passé, les pressions exercées dans le cadre de ce forum ont contribué à mettre fin à l'apartheid et à pousser l'Afrique du Sud à respecter les normes en matière de droits de la personne.
Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir si on peut espérer un cessez-le-feu, à moins que la communauté internationale n'exerce beaucoup de pression, je crois qu'avec le gouvernement en place... Le gouvernement actuel a rejeté toute demande de cessez-le-feu immédiat. Les Tigres tamouls étaient prêts à collaborer et à conclure une telle entente, surtout pour laisser passer l'aide humanitaire, mais le gouvernement du Sri Lanka a refusé.
Je ne sais pas si David veut ajouter quelque chose à ce sujet.
Depuis 60 ans, tout ce qu'on a connu du gouvernement sri-lankais, c'est la trahison. J'estime que la communauté internationale a suffisamment mis de pression sur le gouvernement du Sri Lanka pour que ce dernier accepte un cessez-le-feu. Les mots et les déclarations ne suffisent pas. Nous voulons que notre gouvernement et la communauté internationale prennent des mesures radicales, comme appliquer des sanctions, imposer un embargo commercial dans les pays du Commonwealth et des Nations Unies ou présenter une résolution aux Nations Unies. Ce serait sans doute très efficace.
[Français]
Dans un premier temps, j'aimerais vous saluer et vous remercier de nous livrer votre témoignage sur le sujet qui nous préoccupe. Nous avons entendu, au cours des derniers jours, plusieurs témoins qui ont décrié la situation actuelle au Sri Lanka. Il y a eu entre autres des témoignages relatifs à divers niveaux politiques concernant l'aspect humanitaire. Le témoin précédent nous a parlé de la situation que vivent actuellement les gens des médias, les journalistes. Ils font l'objet d'une certaine oppression ou d'une répression. Vous faites appel au gouvernement pour qu'il intervienne de diverses façons, que ce soit sur le plan politique ou humanitaire.
Monsieur Papoulidis, vous avez évoqué la possibilité qu'une délégation parlementaire se rende sur place. Des élections vont se tenir prochainement dans ce pays. D'après vous, serait-il intéressant qu'une délégation se rende là-bas afin d'observer le processus électoral? Il serait possible, du même coup, d'évaluer l'impact de cette délégation sur le gouvernement.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je crois que ce serait un autre genre de mission si une délégation s'y rendait pour observer le processus électoral. Celle que nous proposons vise à examiner comment collaborer pour assurer le rétablissement et la réhabilitation de la région touchée, tout en soutenant l'instauration de la paix, ainsi que les efforts du gouvernement en ce sens. Les missions d'observation du processus électoral sont très normalisées et doivent respecter des paramètres très clairs. Il faudrait en discuter différemment.
La présence d'observateurs électoraux en cette période d'élection au Sri Lanka serait sans doute très bénéfique. Les citoyens qui tentent d'exercer leur droit de vote sont souvent victimes de violence. Les députés élus tamouls sont aussi victimes de violence. Certains ont même été assassinés. La démocratie est certainement en péril au Sri Lanka, et je crois que la présence d'observateurs électoraux contribuerait grandement à ce que la démocratie et le droit de vote soient respectés, à tout le moins pendant la période électorale.
[Français]
Permettez-moi de dire quelques mots en réponse à votre question.
Bien sûr, il serait très important que des représentants autres que des gens du Sri Lanka soient sur place. Le but serait d'observer comment la justice du pays est appliquée. Au Sri Lanka, la voix des Tamouls n'est pas toujours écoutée par le gouvernement. Dans le nord du pays, nous ne sommes pas représentés de façon juste au Parlement. Le fait qu'il s'agisse de personnes d'un pays étranger connaissant bien la situation actuelle du Sri Lanka serait très significatif, surtout dans le cadre des prochaines élections, alors même qu'on parle très clairement de génocide et de crise humanitaire. De ce fait, la réponse à votre question est clairement oui. Je pense que c'est vraiment une obligation. Il ne s'agit pas simplement d'être là: c'est un droit, une chose qui devrait être faite.
Merci.
[Traduction]
Monsieur le président, je poserai une brève question avant de céder la parole à ma collègue Lois.
Je veux simplement indiquer à Jonathan que le gouvernement sri-lankais a accusé tous les organismes d'aide de partisanerie.
J'aimerais permettre à votre association de répliquer à cette accusation, de façon à ce que ce soit écrit noir sur blanc. Je céderai ensuite la parole à Lois.
Je peux vous dire que Vision mondiale travaille dans ce pays depuis 30 ans. Dans le cadre de nos interventions à la suite du tsunami, nous avons tissé des liens importants avec la communauté et une solide relation de travail avec le gouvernement. À l'heure actuelle, notre priorité est de pouvoir continuer à aider les personnes déplacées et la population de la région touchée.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais qu'on m'explique mieux la situation, si vous le voulez bien. Je sais qu'il y a quatre joueurs clés au Sri Lanka: les Tigres libérateurs, le gouvernement sri-lankais, le Front de libération du peuple et le Parti d'union nationale. Vous avez parlé brièvement un peu plus tôt de certaines initiatives d'instauration de la paix qui ont échoué, si je comprends bien. Pouvez-vous d'abord nous dire quelles initiatives avaient été prises, en quoi elles consistaient, quels compromis avaient été faits de chaque côté, et qui a violé ces ententes de paix? Il est important que nous comprenions tout ça, parce que nous devons savoir quelles initiatives locales d'instauration de la paix ont été entreprises pour déterminer ce que pourrait faire notre gouvernement.
On tente depuis très longtemps déjà de trouver une solution politique à la crise qui secoue le Sri Lanka, depuis l'indépendance du pays en 1948, en fait, à la fin du règne britannique. Je n'essaierai pas de vous donner un cours d'histoire ce matin, car je sais que la plupart d'entre vous connaissez bien certains aspects de l'histoire du Sri Lanka. Je préciserai toutefois que les Britanniques ont quitté l'île et accordé l'indépendance au Sri Lanka, en en faisant un État unitaire. Cela a suscité d'énormes craintes parmi les différents partis politiques tamouls à l'époque, même durant le débat concernant l'indépendance. Donc, comme je l'ai indiqué, plusieurs ententes de paix ont été conclues depuis la première négociation d'un accord de paix ou d'un plan de transfert avec le Pacte Bandaranaike-Chelvanayagam, et ça remonte aux années 1950 et 1960, en plus des autres tentatives durant les conflits armés. Plus récemment, les Tigres libérateurs ont proposé comme solution politique de mettre en place une autorité autonome intérimaire.
Dans la plupart des cas, la communauté tamoule concédait l'idée d'un État distinct au profit d'une autonomie politique locale. Quelques-uns des principaux enjeux consistent à avoir mainmise sur la langue et l'éducation, ce qui implique un transfert de pouvoirs du gouvernement central.
Je vais demander à David de vous dire qui a dérogé à ces ententes.
Harini a mentionné le Pacte Bandaranaike-Chelvanayagam, qui a été conclu entre la première ministre sri lankaise et le leader tamoul, M. Chelvanayagam, en 1957. Le pacte a été carrément aboli par les leaders sri lankais.
Lundi dernier, j'ai entendu un témoin dire clairement que les moines bouddhistes s'étaient opposés au pacte, et que celui-ci avait été aboli. L'histoire ne cesse de se répéter. Chaque fois que les partis tamouls tentent d'arriver à un accord de paix et d'acquérir une certaine autonomie, un énorme compromis par rapport à l'organisation fédérale réclamée dans les années 50, 60 et 70, tout tombe à l'eau. Des pactes ont pourtant été signés, mais ils ont été unilatéralement brisés par les leaders sri lankais. Pourquoi? À cause des partis de l'opposition... Vous avez mentionné les deux partis, les deux principaux joueurs, le Front de libération du peuple et le Parti d'union nationale. Si un de ces deux partis arrive à une entente, l'autre s'y oppose.
C'est malheureusement ainsi que les choses se passent au Sri Lanka.
Tout récemment, en 2002, lorsque plusieurs joueurs internationaux ont amené les Tigres tamouls et le gouvernement sri lankais à un cessez-le-feu, les Tigres tamouls ont proposé de mettre en place une autorité autonome intérimaire. La diaspora tamoule avait grandement contribué à façonner le plan en question. Ils réclamaient beaucoup moins qu'un État distinct, mais aucun des acteurs cinghalais, incluant le gouvernement au pouvoir, n'a daigné regarder la proposition. Il ne voulait ni la voir, ni en parler.
C'est la triste histoire du Sri Lanka. C'est pourquoi nous maintenons qu'il sera très difficile de trouver la paix au Sri Lanka si le monde extérieur, des pays comme le Canada, les États-Unis et d'autres, n'exerce pas plus de pression et ne prend pas de mesures drastiques — par exemple, des sanctions diplomatiques ou un embargo sur les voyages ou le commerce, peu importe. C'est la triste réalité du pays.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos invités pour leur témoignage.
D'autres témoins nous ont affirmé qu'il était important pour le Canada d'assurer une présence sur place ou de laisser sa marque diplomatique là-bas, si vous voulez. Nous avons aussi entendu qu'il faudrait faire appel au Commonwealth, aux Nations Unies et aux pays d'Europe.
Je crois que personne ne s'opposera à l'idée d'envoyer un haut fonctionnaire au Sri Lanka.
Croyez-vous qu'il soit plausible de convoquer une réunion d'urgence des pays du Commonwealth? Est-ce que quelqu'un a pensé à former un groupe de contact constitué du Canada et d'autres pays membres du Commonwealth, surtout considérant le rôle crucial et honorable qu'a joué la Norvège? Ce que je veux savoir, en fait, c'est si cette avenue a été envisagée et s'il s'agit d'une option viable.
Je sais qu'il faut intervenir rapidement, car des mesures doivent être prises avant la tenue des élections, et ces mesures devront évidemment être maintenues tant que le conflit ne sera pas réglé. A-t-on proposé cette idée? Avez-vous des réserves à l'égard des options que j'ai avancées?
Harini.
À ma connaissance, l'idée de réunir différents pays pour former un groupe de contact n'a pas encore été explorée. Il serait sans doute utile de rassembler des pays aux vues similaires pour constituer un groupe de travail et établir un plan d'action pour le Sri Lanka. J'estime que ça vaudrait vraiment le coup.
Je voulais mentionner un autre détail concernant la délégation de hauts fonctionnaires, ou la mission d'enquête, que l'on entend envoyer au Sri Lanka. Il est très important qu'une telle mission, ou la visite du pays par un groupe de parlementaires, ne se passe pas qu'aux environs de Colombo, mais dans toutes les régions du pays. Il faut à tout le moins insister auprès du gouvernement pour explorer d'autres régions, comme le Nord, et Jaffna, particulièrement. Étant donné la conjoncture actuelle, il serait dangereux ou risqué de se rendre dans les zones de conflit; mais vous devriez au moins rencontrer des parlementaires tamouls et avoir accès non seulement à la région de Colombo, mais aussi à d'autres. Je crois que c'est vital dans le cadre d'une telle mission.
Il y a 22 représentants élus tamouls au Sri Lanka. Ils viennent des régions tamoules. Ils ont été élus démocratiquement. Leur collaboration pourrait s'avérer précieuse pour établir la paix au Sri Lanka.
J'ai deux jeunes enfants. Beaucoup de familles tamoules au Canada ont de jeunes enfants. Je vous prie d'écouter ceci très attentivement, honorables membres. Lorsque nos enfants voient ces images à la télévision, ils se demandent pourquoi leur pays n'intervient pas dans ce conflit. Pourquoi le Canada collabore-t-il aux efforts d'instauration de la paix en Irlande du Nord et au Népal, mais pas au Sri Lanka?
En tant que Canadiens, il est très difficile pour nous, les parents, de répondre à cette question.
Je voulais poser une question à Jonathan.
Les témoins que nous avons entendus lundi nous ont dit à quel point l'esprit militaire était ancré dans la culture. Quelqu'un a déclaré que même si on obtenait un cessez-le-feu demain matin, l'économie dépend tellement des forces militaires que... On nous a notamment parlé de l'importance de la démobilisation, d'offrir des solutions de rechange aux conflits et aux forces militaires.
Est-ce que votre organisation s'est donnée cette mission? De retirer, si on veut, les gens de cette vocation, particulièrement les jeunes, pour les démobiliser et leur offrir d'autres choix?
Merci.
Nous ne participons à aucun processus officiel de démobilisation. Toutefois, nous favorisons l'autosuffisance des populations et offrons l'espace requis pour tenir des marchés. Nos initiatives s'adressent donc particulièrement aux gens cherchant du travail, surtout des jeunes, dans les régions où nous travaillons. Nous offrons actuellement 31 programmes de développement régional et nous fournissons des services à l'ensemble des sept districts de la région touchée.
Je vais vous poser une question difficile, mais pas dans un but antagoniste.
Vous savez que j'ai participé aux négociations et visité le pays à de nombreuses occasions. Tous les observateurs neutres et toutes les grandes ONG qui ont pris part au processus d'évaluation du conflit — dont l'International Crisis Group et Human Rights Watch, qui se sont joints aux efforts récemment — jettent en partie le blâme sur les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul pour toute la violence et les mauvais traitements dont les civils ont été victimes et pour les circonstances brutales dans lesquelles est maintenant plongé le pays.
Quelle est l'opinion du congrès à ce sujet?
Nous comprenons qu'on puisse avoir des réserves à cet égard. Nous demandons aux joueurs internationaux de visiter ces régions en personne. Je demande à nos honorables membres d'envoyer une délégation de parlementaires à Jaffna, à Vavuniya et dans les autres zones de guerre, pour que ces derniers se fassent leur propre idée du conflit. Nous voulons que les journalistes des médias libres s'y rendent aussi. Par « médias libres », j'entends des chaînes comme CNN et CBC. Les organisations respectées et réputées doivent envoyer des représentants sur place pour rapporter les faits directement. Quand suffisamment de gens iront étudier la situation de près, la vérité finira certainement par sortir.
Oui, c'est une question qui nous préoccupe.
Merci pour votre réponse. Je suis certain que nous aimerions tous avoir l'occasion d'y aller. Bien sûr, le problème est d'avoir accès aux endroits à visiter au moment voulu.
J'ai une question à vous poser très directement. Estimez-vous que nous sommes capables d'en faire plus avec l'aide du Commonwealth et des Nations Unies? Nous sommes tous frustrés — moi sûrement, mais je ne suis pas le seul. J'ai passé beaucoup de temps à me demander ce que je pouvais faire de plus. Ce n'est pas qu'on soit demeuré inactif. On a gagné le gouvernement à la cause; il a raffermi sa position. D'autres gouvernements ont fait de même. Cependant, on semble incapable de provoquer des changements qui améliorent la situation vraiment horrible qui règne dans le Nord et l'Est du pays.
Que pouvons-nous faire de plus, selon vous?
Il y a beaucoup de possibilités. Prenons l'exemple de l'Afrique du Sud. Qui eut cru que le régime de l'apartheid, lorsqu'il était à son plus fort, aurait une fin? Le Canada y a joué un rôle considérable, ce pour quoi il est respecté depuis lors.
Nous voulons qu'il joue le même rôle, qu'il soit plus présent sur la scène. Allez-y, demandez l'aide de l'ONU et du Commonwealth. C'est ainsi que nous avons réussi à faire abolir l'apartheid dans les années 1970. Nous souhaitons que le Canada reprenne le flambeau.
Je vous remercie, monsieur le président.
Il y a quelques minutes, nous disions qu'il y aurait très bientôt des élections. Qui seront les observateurs dépêchés sur place — des parlementaires du Commonwealth ou de l'OSCE, des Européens? Habituellement, qui s'en occupe? Je présume que c'est une tâche très importante. Évidemment, il y a également beaucoup à faire sur le plan du développement, des droits de la personne, de la reddition de comptes, ainsi que de l'amélioration et de la réforme des institutions démocratiques.
Au cours des derniers jours, nous avons reçu des mémoires provenant principalement de la collectivité tamoule. Lorsque le précédent témoin a parlé des meurtres ou mises à mort de journalistes, il m'a semblé qu'il n'y a pas qu'eux qui sont victimes. Des membres de diverses collectivités ont été tués, et pas seulement des Tamouls. Puisque vos organisations représentent principalement les Tamouls, nous n'avons en fait le point de vue que de 10 ou 20 p. 100 des personnes concernées. Ma question est plutôt rhétorique: comment connaître le point de vue des autres, de manière à nous faire une idée juste?
Si vous me le permettez, j'utiliserai vos prénoms étant donné la difficulté que me posent certains noms de famille.
Jonathan, pourriez-vous nous éclairer quant à l'importante question de l'aide reçue? On laisse entendre qu'en réalité, c'est le gouvernement qui empêche l'acheminement de l'aide. Est-ce vrai ou est-ce que le problème vient des deux côtés — ou des quatre, comme vous le dites? À mon avis, le plus urgent pour nous, c'est de voir à ce que l'aide débloque. Quel est l'obstacle réel?
Je crois que l'obstacle réel est le conflit comme tel et le fait qu'il y a des échanges de tirs. On a tenté d'établir des corridors humanitaires et des périmètres de sécurité. Je crois que c'est la nature du conflit entre les belligérants qui empêche l'aide de se rendre jusqu'à la population.
C'est sensiblement l'absence de donnant-donnant. Le gouvernement en est-il le seul responsable? Est-ce lui qui ne coopère pas ou est-ce une responsabilité commune combinée à un manque de coopération dû à plusieurs facteurs?
Nous demandons à tous de respecter le droit humanitaire international, ainsi que d'aider et de protéger les civils.
Il ne suffit donc pas de demander au gouvernement de mettre en place des corridors — ce qui pourrait se faire selon moi. Si le gouvernement du pays fait partie du Commonwealth, il peut être préférable de demander au Commonwealth britannique des Nations de le faire. Toutefois, il semble que ce n'est pas aussi simple, puisque d'autres factions empêchent l'établissement du corridor.
C'est exact. De plus, l'objectif de protection principal demeure un cessez-le-feu.
Au fond, ce que nous tentions de faire ressortir, c'est que dans un conflit, il faut toujours s'en remettre à son jugement et faire preuve de retenue dans la façon dont sont traitées les populations civiles, y compris celles où se cachent des combattants. L'envoi de personnel humanitaire ayant pour mandat de protéger — notamment l'équipe PROCAP de l'ONU composée de spécialistes de la protection, dont trois Canadiens — peut aider à envisager des scénarios et des solutions possibles. Même si l'objectif principal est un cessez-le-feu, nous croyons également que des microdécisions peuvent être prises et des micro-options, mises de l'avant. Nous l'avons aussi demandé parce que nous estimons qu'il faut tout faire pour atténuer les conséquences du conflit sur les civils.
Selon vous, quels sont les problèmes majeurs qui font que la situation s'aggrave sans cesse? D'après ce que je comprends, avant et pendant la période d'indépendance, il n'y avait certainement pas de problèmes profonds, enracinés. Qu'est-ce qui selon vous a depuis lors donné naissance au problème? Pouvez-vous nous éclairer?
Au cours des derniers jours, on vous a dit qu'il s'agit d'un contexte opérationnel très complexe et qu'il y a divers groupes et des différences au sein même des factions. Les options et les outils utilisés pour consolider la paix et la gouvernance semblent également complexes. Il est difficile de cerner les causes du conflit, de repérer les mesures qui se sont avérées efficaces sur le terrain et celles qui ne l'ont pas été et, enfin, de formuler des recommandations utiles pour consolider la paix.
Il est impératif qu'une délégation mixte s'y rende afin d'observer la situation actuelle et la base de certaines de nos hypothèses quant aux opérations.
Merci beaucoup.
Voilà qui met fin à la séance. Je ferai toutefois une brève observation.
Aujourd'hui, nous avons donné l'exemple de l'Afrique du Sud à quelques reprises. Je me trompe peut-être, mais il me semble que le Canada y a joué un très grand rôle. Cependant, certains invoqueront le fait que le régime en place tirait à sa fin. Le monde entier, y compris le Canada, faisait pression sur lui.
La différence est peut-être que le gouvernement sri-lankais actuel demeure plutôt fort. Nous avons entendu dire aujourd'hui qu'il sera probablement réélu aux prochaines élections. Que vous soyez d'accord ou non avec moi, il me semble qu'il faut trouver une solution qui irait presque jusqu'à influencer ce gouvernement, qui a politiquement toutes les chances de gagner l'élection. Il faut continuer, avec l'aide d'autres États, de le convaincre d'agir. Il n'est pas question de lui faire honte forcément, mais de multiplier les démarches pour lui faire comprendre à quel point la réputation du Sri Lanka et de son gouvernement est en jeu et qu'un cessez-le-feu redorerait incontestablement son blason auprès d'autres gouvernements, particulièrement des membres du Commonwealth.
Nous vous remercions à nouveau d'être venus témoigner. Il faut que le comité réfléchisse à la situation et à la manière d'inciter les Sri-Lankais à changer, même si le gouvernement risque d'être reconduit au pouvoir. C'est là que réside le défi.
Je vous remercie infiniment pour vos suggestions.
Chers collègues, dans quelques secondes, nous allons vous distribuer un rapport du comité de direction. J'espère que vous ne voyez pas trop d'inconvénients à ce que nous nous en occupions rapidement. La sonnerie d'appel retentira d'un instant à l'autre.
Vous avez devant vous le rapport du sous-comité qui s'est réuni mardi. Le sous-comité nous demande d'examiner l'ébauche de rapport sur la situation au Sri Lanka le lundi 27 avril. On me dit que nos attachés de recherche auront alors préparé un texte et que nous pourrons l'examiner le 27 avril. En outre, vous y trouverez quelques propositions de témoins pour l'étude sur l'Afrique. Le troisième point porte sur les personnes à rencontrer à Washington.
Plaît-il au comité d'adopter le rapport du comité de direction?
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Merci beaucoup. J'entends la sonnerie d'appel.
La séance est levée.
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