:
Bonjour, chers collègues.
En ce mercredi 11 février 2009, nous entamons la troisième séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous allons étudier des éléments clés de la politique étrangère canadienne.
Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de M. Frank Graves, président de la société Les Associés de recherche Ekos.
Récemment, le 8 décembre 2008, M. Graves a fait un exposé lors de la conférence sur le projet Canada-É.U. qui a eu lieu au Centre de conférences du gouvernement, à Ottawa. Son exposé s'intitulait « Public Perspectives: Emerging Opportunities for Canada-U.S. Cooperation ». J'ai lu une partie de cet exposé dans le site Web. J'y ai trouvé une très grande quantité de données qui traduisent l'opinion de la population canadienne au sujet de nombreuses facettes de notre relation avec les États-Unis.
Notre comité est très intéressé à ce que vous avez à nous dire, monsieur Graves. Nous reconnaissons, évidemment, que les États-Unis sont notre plus important partenaire commercial ainsi que nos voisins et nos alliés les plus proches, alors nous sommes impatients de vous entendre.
Sachez que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté de venir témoigner devant nous aussi rapidement. J'imagine que le fait que vos bureaux ne soient pas loin d'ici facilite les choses, mais il demeure que nous vous en sommes reconnaissants.
Monsieur Graves, le greffier a distribué l'ordre du jour. Vous disposerez d'environ dix minutes pour faire votre exposé, et ensuite, nous allons passer au premier tour de table. Chaque parti disposera se sept minutes, et par la suite, nous procéderons à un deuxième, puis un troisième tour de table.
:
Je vous remercie beaucoup monsieur le président.
Je suis ravi de m'adresser à vous aujourd'hui.
Le sujet que je veux aborder avec vous me fascine. Cela fait déjà plus d'une décennie que j'étudie relativement en profondeur cette question. Je ne me suis pas uniquement attardé à l'opinion des Canadiens, car j'ai aussi sondé les Américains et parfois même les Mexicains. Tout au long de notre étude, nous avons pu compter sur le soutien des gouvernements des trois pays en question et de nombreux organismes du secteur privé.
Je dispose de séries chronologiques passablement utiles. Grâce à cela, au lieu de vous montrer l'état de la situation à un moment bien défini, je peux vous donner une idée de la manière dont les choses ont évolué, de ce qui a changé et ce qui n'a pas changé de même que de ce qui est particulièrement pertinent dans le contexte actuel. À bien des égards, certains aspects de cette relation ont passablement évolué.
Je dois dire qu'il me manque certaines données au sujet de l'opinion américaine — mes chiffres datent d'environ un an — mais le reste des données sont assez actuelles.
J'en aurai seulement pour quelques minutes. C'est un sujet extrêmement complexe. Je ne peux penser à aucun autre sujet qui relève du domaine des recherches ou des sondages de nature sociologique qui soient aussi complexes, aussi pertinents et qui présentent un intérêt aussi grand.
Je pourrais prendre le temps de vous montrer une présentation qui vous donnerait une idée tout à fait différente de l'ensemble des conclusions. L'opinion publique et les attitudes de la population, surtout, sont des moyens bien plus stables d'évaluer la situation. Nous ne faisons pas que sonder l'opinion; nous nous penchons aussi sur les attitudes et nous comparons les valeurs, ce qui fait ressortir une multitude de contradictions. C'est une tâche assez ardue que de déterminer ce que les Canadiens pensent véritablement de la relation entre le Canada et les États-Unis. C'est bien plus difficile que bien des sondages d'opinion que nous menons.
J'aimerais parler en particulier de deux conclusions fondamentales à propos de l'opinion actuelle concernant la relation en question.
Bien qu'il y ait des ambiguïtés au chapitre des attitudes et des valeurs des Canadiens et des Américains, les ressemblances sont beaucoup plus frappantes que les différences. Plus important encore, nous pouvons observer qu'avec le temps, les différences entre les deux pays sur le plan des valeurs fondamentales et des attitudes s'amenuisent plutôt que de s'amplifier. C'est là un élément important, puisqu'il va à l'encontre d'un grand nombre des perceptions qui existent au sujet de la relation qu'entretiennent les deux pays.
J'attribuerais au narcissisme le fait que les Canadiens s'imaginent que les différences sont plus grandes. Bien des Canadiens voudraient que les différences soient plus importantes qu'elles ne le sont. Au fond de leur coeur, toutefois, les Canadiens savent que les différences ne sont pas très grandes et qu'en fait elles s'amenuisent. C'est d'ailleurs ce qui ressort de nombreuses études sérieuses menées par des universitaires.
Certes, il existe tout de même d'importantes différences; suffisamment pour nourrir un sentiment d'identité nationale distincte. Il n'en demeure pas moins que dans l'ensemble, il serait très difficile de trouver deux pays développés du monde occidental qui auraient des systèmes de valeurs plus similaires que ceux du Canada et des États-Unis.
La deuxième chose que je voudrais souligner concerne les changements récents survenus dans nos perceptions réciproques — comment nous percevons les Américains et vice-versa — changements qui, conjugués à la transformation du paysage politique, ont accru les possibilités de revenir à un programme nord-américain bilatéral, et peut-être même trilatéral, plus ambitieux. Je vais vous faire part de quelques résultats du sondage pour étayer ces affirmations, sans toutefois entrer dans les détails.
J'aimerais d'abord signaler que les Canadiens donnent des réponses très différentes lorsqu'on leur demande si nous sommes en train de devenir plus ou moins semblables aux Américains, et ce qu'ils souhaitent à cet égard. La différence est très marquée. La vaste majorité des Canadiens souhaitent que le Canada ressemble moins aux États-Unis. C'est ce qui constitue en fait une partie de la différence. S'il y a une chose qui, dans le passé, a contribué à définir notre identité nationale, c'est que même si nous n'étions pas exactement sûr de notre identité, nous étions sûrs au moins de n'être pas Américains.
Et puis quand on demande si le Canada ressemble de plus en plus aux États-Unis, les Canadiens affirment que oui, dans une proportion similaire. Comme je le disais tout à l'heure, quand on compare les données de diverses périodes et que l'on compare les valeurs, qui correspondent à ce que l'on trouve dans la documentation internationale, on constate que les différences entre les valeurs canadiennes et américaines sont relativement modestes et qu'elles s'amoindrissent plutôt que de s'accentuer.
Il y a un autre aspect qui présente passablement d'ambiguïté dans la relation entre le Canada et les États-Unis et le point de vue des Canadiens sur la question. En dépit des vives réserves qu'expriment les Canadiens à l'égard des États-Unis, au sujet de la politique étrangère du pays, de son leadership, etc., nous trouvons intéressant qu'environ 95 p. 100 des Canadiens jugent qu'il est à tout le moins assez important de consolider les liens entre les deux pays. Que répondent les Américains à cette question? La proportion est exactement la même. En dépit de la multitude d'irritants qui ont caractérisé la relation ces dix dernières années, les Américains croient fermement que les liens devraient être resserrés, tout autant dans leur intérêt que celui des Canadiens.
Il est également intéressant de noter que les tensions dans les relations observées ces dernières années se sont en fait dissipées dans une large mesure, et que la perspective des Américains et des Canadiens sur l'Amérique s'est assouplie. Soit dit en passant, ce changement a commencé avant le changement d'administration. De fait, il s'est amorcé il y a deux ans. Les Canadiens sont donc également d'avis que la relation s'est améliorée et qu'il est important que les liens se resserrent.
Il est vrai que la perception des Américains à l'égard du Canada, en général, va de très favorable à bonne. Très peu d'Américains en ont mauvaise opinion. De fait, ils sont moins de 10 p. 100, et rarement plus. La proportion des Canadiens qui ont une mauvaise opinion des Américains est plus élevée, mais j'attribuerais cela à ce narcissisme d'indifférence dont j'ai déjà parlé et je soulignerais qu'il ne s'agit pas d'un sentiment profond car, malgré le fait que le pourcentage des Canadiens qui ont une perception défavorable des États-Unis se situe aux alentours de 30 p. 100 ou 40 p. 100, selon les périodes, environ 75 % de la population canadienne affirme que les États-Unis sont notre meilleur ami. Aussi, comme je l'ai dit également plus tôt, près de 100 p. 100 des Canadiens sont d'avis que nous devrions consolider cette relation. En réalité, le nombre de Canadiens qui ont une perception favorable à l'égard des États-Unis est en hausse.
Je vais maintenant aborder un autre point de comparaison, qui permet de réfuter bon nombre des idées reçues qui circulent dans chacun des pays sur les attitudes à l'égard de l'ALENA et du libre-échange. Par exemple, nous observons tant parmi les Canadiens que les Américains, d'après des commentateurs comme Lou Dobbs, une ferme opposition au libre-échange et que le protectionnisme est à la hausse. Il est clair qu'il y a eu une période où les États-Unis ont mis en place des politiques quasi isolationnistes, à la suite de l'internationalisme excessif résultant des événements du 11 septembre et de l'inefficacité apparente de la politique étrangère d'y faire face. Nous avons constaté que, malgré ces perceptions, les relations avec le monde extérieur ne sont pas au beau fixe et le désir de s'isoler grandit. Nous avons constaté que le pourcentage des Américains qui continuent d'être en faveur du libre-échange se situe entre 60 p. 100 et 70 p. 100, et au Canada cette proportion est un peu plus élevée.
Ces dernières années, l'appui au libre-échange a vacillé quelque peu, et c'est quelque chose à quoi nous devrions prendre garde. En général, lorsque nous examinons les attitudes à l'égard du commerce, de la libre circulation des Canadiens aux États-Unis, des inquiétudes que suscite la menace pour la sécurité émanant du Canada, etc., nous constatons que des Américains ont une relativement bonne opinion du Canada. De fait, aucun autre pays au monde n'est perçu comme étant relativement moins menaçant que le Canada. Ce n'est pas dire que les Américains ne se préoccupent pas de la sécurité en ce qui concerne notre pays, ce serait faux. Ils sont préoccupés par la sécurité en ce qui a trait à l'ensemble des pays de la planète, y compris le leur.
Certaines données indiquent que la déontologie de la sécurité qui s'est implantée en Amérique du Nord depuis le 11 septembre commence à s'effilocher, surtout aux États-Unis. C'est un changement qu'il sera intéressant d'observer.
Je poursuis avec une autre contradiction. Nous constatons maintenant que la majorité de la population est en faveur du libre-échange, que ce soit au Canada, aux États-Unis et même au Mexique, ce qui n'a pas toujours été le cas. En effet, en 1990, c'était le contraire. Une nette majorité de la population dans les trois pays s'opposait au libre-échange. Nous jugeons que cette opinion va de pair avec le sentiment que le libre-échange n'a pas été particulièrement avantageux pour soi et son pays. Chaque pays estimait que le libre-échange avait été plus avantageux pour les autres pays. Il est donc important de noter qu'en dépit de cette perception négative, on constate un assez grand enthousiasme à l'égard du libre-échange.
J'ai parlé plus tôt du resserrement des liens entre les deux pays qui a été amorcé avant le changement d'administration, mais les Canadiens ont exprimé presque uniformément un sentiment d'envie des Américains depuis l'élection du président Obama. Ils ont observé avec intrigue et une certaine envie cette frénésie, suscitée par Obama, qui s'est emparée des Américains et ont l'impression que c'est quelque chose qui pourrait changer fondamentalement nos rapports avec nos voisins du Sud. Environ la moitié des Canadiens estiment que cette nouvelle situation n'aura pas beaucoup d'incidence, mais l'autre moitié est d'avis qu'elle va profondément transformer la relation entre les deux pays. Et lorsque nous allons plus loin et leur demandons si c'est une bonne ou d'une mauvaise chose, un pourcentage nettement supérieur des répondants juge que les changements seront positifs. Ce n'est pas dire que les Canadiens ne sont pas critiques, malgré leur grande admiration pour le président Obama. Quand on les interroge sur certains types de politiques comme celle concernant le commerce, ils se disent profondément s'inquiéter de possibles mesures protectionnistes. Ils ne voient pas non plus d'un bon oeil une éventuelle demande de prolongation de la mission en Afghanistan. Bref, même s'ils sont admiratifs, les Canadiens demeurent assez circonspects en ce qui concerne les politiques qui ont une incidence sur la relation entre les deux pays.
Pour conclure, j'aimerais parler d'une question intrigante qui semble susciter un appui au plus haut niveau. Nous avons demandé dans quels domaines nous devrions nous concentrer pour avoir un programme bilatéral renouvelé plus ambitieux. Certains ont lancé cette idée de l'approche mixte pour s'occuper des changements climatiques, de l'économie et de la sécurité, approche en vertu de laquelle nous pourrions élaborer collectivement une stratégie afin de nous attaquer à l'obsolescence éventuelle de notre secteur de la construction automobile. On a le sentiment que même si les Canadiens appuient fortement le Protocole de Kyoto, ils considèrent qu'essayer de gérer la planète entière est une bonne idée en théorie, mais extrêmement difficile à réaliser dans la pratique. Se limiter au continent constitue maintenant une alternative assez intéressante.
On estime également que faire de l'autosuffisance énergétique un instrument de négociation ne contribuera pas à relâcher certaines des tensions que l'on a vu monter à la frontière. Les Canadiens reconnaissent de plus en plus que les problèmes à la frontière ont compliqué les déplacements pour affaires vers les États-Unis, et les données économiques fiables semblent indiquer qu'il y a eu un ralentissement de l'activité également.
Je pense que j'ai écoulé les dix minutes auxquelles j'avais droit; je vais donc m'arrêter ici. Je suis prêt à répondre à vos questions. J'ai toutes sortes d'informations, au cas où vous voudriez me poser des questions sur ce que j'ai dit ou sur d'autres sujets connexes.
Merci.
:
Certainement. J'en ai déjà publié quelques-unes. Un certain nombre de mes articles ont paru dans des revues savantes, et d'autres dans un format plus accessible. Je serai heureux de les communiquer au Comité.
Les différences d'attitude entre les diverses régions du Canada à l'égard des États-Unis sont relativement simples et très faciles à comprendre. Par exemple, de façon générale, on considère que les Albertains sont plus sympathiques et favorables à l'égard des États-Unis et que les Ontariens le sont presque autant.
Un seul se démarque: le Québec. Cette province a traversé une période au cours de laquelle les États-Unis y étaient relativement mal perçus. Les données récentes que j'ai vues à ce sujet laissent entrevoir une amélioration considérable à cet égard. L'attitude du Québec est un peu celle qu'elle était pendant le débat sur le libre-échange, lorsque les Québécois étaient, à certains égards, en avance pour ce qui est de l'attitude envers le libre-échange au début des années 1990.
On note aussi d'autres différences intéressantes. Les plus intéressantes, je crois, concernent davantage les catégories démographiques que les classes sociales. Aux États-Unis, les différences régionales sont extrêmement difficiles à saisir, car elles sont très complexes.
J'ai mentionné que dans l'ensemble, les Américains et les Canadiens sont relativement semblables concernant de nombreuses questions et valeurs de base, mais pour ce qui est de l'hétérogénéité interne, de la différenciation interne, les différences sont beaucoup plus marquées aux États-Unis qu'au Canada. La société américaine est bien plus divisée au chapitre des classes sociales et de la race. Au Canada, il y a davantage de consensus sur de nombreuses questions clés qu'aux États-Unis.
Oui, il existe des différences. C'est certainement le cas dans les États frontaliers, mais certains d'entre eux sont vraiment déroutants. Je peux vous transmettre les données là-dessus. On observe des tendances récurrentes, mais aux États-Unis, ces tendances sont bien plus difficiles à comprendre dans le cadre de recherches que celles que l'on trouve au Canada, qui sont plus stables, plus familières et franchement moins exagérées.
:
Ici encore, la population canadienne est bien plus consciente de la nature interdépendante de nos économies. Cette sensibilité à l'importance de notre relation vient en partie du fait que nous voyons les Américains comme nos meilleurs amis, mais également d'une véritable compréhension politique des solides occasions d'affaires découlant de cette relation.
La société américaine est loin d'être aussi sensibilisée. Par exemple, nous avons effectué des recherches pour voir si les Américains savent que le Canada est leur principal partenaire commercial. Or, ils l'ignorent. Ils le classeraient au sixième ou au septième rang, loin dans la liste. Comprennent-ils le processus à valeur ajoutée permettant l'échange transfrontalier des biens? Non.
Il est toutefois intéressant de noter que les Américains, contrairement à leurs voisins du Nord, croient que les Canadiens sont comme eux, ce qu'ils considèrent comme un compliment. Ils croient que les Canadiens sont « tout comme eux », peut-être un peu différents, qu'ils habitent au Nord, sous un climat un peu plus froid, mais qu'ils sont fondamentalement comme les Américains et l'on n'a pas à s'en préoccuper beaucoup. C'est ce qu'ils considéreraient comme une opinion favorable. Comme je l'ai indiqué au début de mon exposé, pareille déclaration ne manquerait pas de faire sursauter les Canadiens, qui se voient très différents et qui ne voudraient pas être réduits à une copie conforme des Américains, même si nous leur ressemblons sur bien des points.
Soit dit en passant, le degré d'ignorance dont fait montre le public américain au sujet de ce qui se passe au Canada, qui est peut-être plus préoccupant lorsqu'il touche l'élite de la société américaine, constitue peut-être un moindre mal. Par exemple, nous avons cherché à déterminer si les Américains savaient que le Canada combattait avec leurs soldats en Afghanistan. Eh bien non, la plupart l'ignoraient ou étaient peu au courant. Lorsqu'ils l'apprenaient, ils affirmaient que c'était une bonne chose et leur opinion s'améliorait légèrement. Curieusement, dans cette même enquête, lorsqu'on leur demandait si les Canadiens combattaient aux côtés des Américains en Irak, ils répondaient que oui. La sensibilisation du public pourrait se révéler une arme à deux tranchants; il faut donc faire preuve se circonspection.
Je n'ai pas tellement fois en l'opinion publique des Américains, qui est très favorable à l'égard du Canada. Il sera extrêmement ardu de la faire changer tant elle est inerte. On rêve en couleurs en pensant qu'un discours rationnel permettra de sensibiliser les Américains et de corriger la situation. Selon moi, il faut des mesures bien plus ciblées et stratégiques.
:
Eh bien, c'est un point que nous avons examiné à divers moments.
Par exemple, nous avons constaté que lorsque l'on demande à des Canadiens, à des Américains ou même à des Mexicains s'il conviendrait d'adopter une approche bilatérale ou trilatérale dans certains dossiers, quand il était question d'environnement, les répondants disaient toujours que l'environnement ne se limite pas à la géographie politique, que les espèces traversent les frontières et que l'air et l'eau se déplacent, et qu'il est donc logique de coopérer à cet égard — peut-être même davantage là qu'ailleurs. Ils n'étaient toutefois pas certains de souhaiter de politique commune dans d'autres domaines, comme l'immigration.
Fait intéressant, lorsque l'on prend les questions de l'environnement et des changements climatiques et que l'on ajoute l'autosuffisance énergétique à l'équation, on se retrouve avec une proposition bien plus alléchante pour les États-Unis, qui aimeraient ne plus devoir s'approvisionner auprès de régions où la situation géopolitique est instable, car ils considèrent qu'ils s'exposent ainsi à des risques accrus. Si l'on analyse des avantages que retireraient les Canadiens et les Mexicains, on constate qu'il serait de l'intérêt de tous d'avoir un accès plus libre à une frontière moins hermétique.
Il semble que l'on s'entende de plus en plus pour dire que la réaction au climat et aux changements climatiques constitue le plus gros défi à long terme. Ce n'est pas qu'une question de vertu sociale, mais une exigence économique bien réelle. Les gens voient les difficultés auxquelles le secteur manufacturier est confronté et se demandent comment les segments aisés de la population nord-américaine évolueront pour relever le défi de la société post-carbone.
Ainsi, on peut voir que le Mexique, le Canada et les États-Unis se montrent beaucoup plus favorables lorsque les questions de l'énergie, des frontières et des changements climatiques sont prises concurremment. L'Amérique du Nord dans son ensemble voit là un projet très intéressant.
Je m'empresse de faire remarquer qu'il est beaucoup plus facile d'aborder le sujet dans un cadre bilatéral. Cependant, pour certaines questions où l'on veut faire intervenir la sphère politique, il vaut parfois mieux considérer qu'elles concernent toute l'Amérique du Nord et inclure le Mexique dans les débats. Le processus serait donc un peu plus long.
:
Ce sont de bonnes questions. Je vais tenter de répondre à quelques-unes d'entre elles.
Les attentats du 11 septembre — l’événement le plus regardé de l’histoire du Canada et des États-Unis — ont provoqué toute une onde de choc. Les gens sont restés marqués pendant la période qui a suivi immédiatement l’événement et par la suite. L’impact a été extrêmement profond et les preuves tendent à démontrer qu'il a touché toute une génération: il ne s’est pas dissipé. Pour donner une meilleure idée de la situation, les Canadiens se sentaient presque embarrassés d’avoir eu des opinions désavantageuses ou négatives concernant les États-Unis. De façon générale, ils considéraient que nous étions tous américains maintenant.
Cette attitude explique l'appui solide que nous avons eu à l'égard de certaines mesures, comme l’intervention en Irak et en Afghanistan. Ce sentiment s’est toutefois considérablement atténué avec le temps, à mesure que s’érodait notre conviction que les Américains agissaient adéquatement. Aujourd'hui, nos deux pays étant confrontés à des difficultés économiques, nous avons davantage l'impression d'être unis dans le malheur. Malgré certaines différences, nous sommes maintenant plus compréhensifs ou sympathiques à l’égard de l’administration américaine.
Est-ce que je juge que les Canadiens risquent de renier ou de sacrifier leur sentiment d’identité unique? C’est une possibilité que nous devons envisager, même si je crois que c'est peu probable. Ces vingt dernières années, le sentiment d’identité des Canadien a évolué d’une certaine manière qui fait que nous n’avons pas nécessairement besoin de nous définir comme n’étant pas Américains, car nous avons un sentiment positif de l'identité canadienne. C’est une conception positive: nous nous voyons comme étant Canadiens plutôt que comme n’étant pas Américains.
Je ferais également remarquer que lors de la mise en œuvre du libre-échange, d’aucuns ont affirmé que cette initiative entraînerait, tant comme condition préalable que comme résultat, une plus grande unification des valeurs et, par la suite, de l’identité. En fait, c’est exactement ce qui s’est produit à Maastricht, en Europe, bien que ce soit pour des raisons différentes. En Europe, de nos jours, il y a presque autant de gens qui se considèrent aussi Français, par exemple, qu’Européens, alors que les chiffres étaient très différents quand le libre-échange a été instauré.
Ce qui s’est passé en Amérique du Nord est totalement différent. Ici, malgré le fait que des niveaux d’interdépendance économique sont aussi, sinon plus, élevés qu’en Europe, les identités nationales se sont raffermies au fil des ans. Si l’on observe les tendances des 20 à 30 dernières années, le nombre de gens qui s’identifient principalement à leur pays, au Canada, aux États-Unis et probablement au Mexique, est bien supérieur à ce qu’il était au départ. Ce qui a diminué, c’est l’attachement à la collectivité locale. En Europe, l’attachement au continent et à la collectivité locale s’est accru, alors qu'au Canada, le sentiment d’appartenance à l’Amérique du Nord est relativement faible.
En fait, nous suivons une sorte de trajectoire différente. Je décrirais plutôt la situation comme une mosaïque de fortes identités coexistant dans un marché commun. Je ne vois rien qui viendra modifier le contexte dans un proche avenir. Peut-être qu’une autre grave atteinte à notre sécurité pourrait bouleverser les choses, mais personnellement, je crois qu’au Canada, aux États-Unis et au Mexique, les identités sont relativement bien ancrées.
Quant aux genres de risques que prédisaient les nationalistes canadiens dans les années 1980, il semble que le sentiment d’identité soit resté très fort — en fait, il s’est peut-être renforcé — pendant cette période de libéralisation des marchés. Tout improbable que soit cette éventualité, je crois que cela répond à la question: il y a de fortes chances que tout aille bien et que nous pourrons entretenir des relations cordiales avec la nouvelle administration sans pour autant renier notre sentiment de souveraineté ou d’identité.
:
C’est, une fois encore, une excellente question, très complexe. Je crois que nous devrions porter une attention particulière à ce dossier dans l’année qui vient, car ce resserrement des frontières, un terme qui ne plaît pas aux Américains, n’est pas particulièrement sain.
Nos recherches indiquent qu’une grande partie des Américains et des Canadiens ne voyageront tout simplement pas en raison de l’Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental. C’est particulièrement le cas chez les moins nantis, ceux qui traversent la frontière avec leur véhicule. Pour ce qui est des voyages aériens, les effets se sont largement résorbés et 95 p. 100 des gens ont obtenu leur passeport.
Le fait que des gens qui devaient faire un voyage décident de ne pas l'entreprendre aurait des conséquences économiques très graves.
Pour être optimiste toutefois, si l’on analyse les risques eux-mêmes, il existe de meilleures manières de résoudre la question avec un coût économique moindre. Ces mesures pourraient être bien accueillies, compte tenu de l’évolution de l’opinion du public et du gouvernement américains.
Nous pouvons également dégager d’autres idées intéressantes des recherches que nous avons réalisées sur la sécurité et les frontières. Par exemple, tant les Canadiens que les Américains semblent favorables à l’adoption des technologies électroniques et des technologies de l’information pour réduire les perturbations, les coûts, les délais et les inconvénients à la frontière. S’ils reconnaissent que ces mesures sont un mal nécessaire, ils considèrent qu’on pourrait procéder autrement et utiliser la technologie pour leur éviter d'avoir à subir une fouille ou de devoir enlever leur ceinture et leurs souliers. Dans un monde idéal, on constate qu’un nombre croissant de Canadiens appuient le concept d’une carte d’identité nationale à données biométriques. On pourrait croire que pareille mesure ferait peur, mais en fait, la vaste majorité des Canadiens disent maintenant que ce serait une bonne idée. J’ai découvert, en réalisant un sondage aux États-Unis, un pays qui devrait être totalement allergique à une carte d’identité nationale compte tenu de sa tradition libertarienne, qu’une mince mais notable majorité d’Américains soutiendrait l’adoption d’une telle mesure.
Pour les Canadiens, la solution idéale consisterait à avoir un système de passeports virtuels activé par les attributs biométriques faciaux, qui permettrait aux machines de détecter les gens malintentionnés et éviterait aux voyageurs d’avoir à enlever leur ceinture, leurs souliers et tout le tralala. Nous avons des raisons de croire qu'à défaut d'atteindre l’objectif plus évident d’adoucir ou d’éliminer certaines des mesures de l’Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental, les progrès technologiques permettront à tout le moins de rendre la situation plus gérable et tolérable. La résistance augmente chez les consommateurs.
Autre fait intéressant, les Canadiens verraient d'un bon oeil l’idée d’une approche unifiée de gestion de la sécurité et approuveraient donc la création d’une liste des personnes interdites de vol en Amérique du Nord. Ils ne voudraient pas que cette liste soit imposée, particulièrement pour les voyages intérieurs, mais seraient d'accord pour qu'elle soit gérée conjointement. C’est un point où les Canadiens et les Américains seraient favorables à des approches communes pour la gestion des renseignements. Pour les Canadiens, la solution passe de plus en plus par la fusion de l’information et de la technologie.
:
Monsieur le président, il y a deux choses que je voudrais dire.
Tout d’abord, j’espère que pour des questions de style et de pratique, le comité directeur pourra travailler fort à l’ordre des travaux et nous donner une idée de l’orientation à suivre. Il faudra faire des compromis, et nous avons tous des intérêts et des sujets qui nous tiennent à coeur. J’entends par là que nous pourrions passer beaucoup de temps à débattre des motions proposées, mais nous devons réfléchir à la manière dont nous voulons organiser notre emploi du temps. Quelles sont les questions que nous voulons examiner? Dans quel ordre voulons-nous procéder? J’espère que pour une simple question de style de travail, nous pourrons nous décider.
La dernière fois, nous avons décidé d’effectuer l'examen général et de commencer à dresser la liste des témoins. J’ai mentionné quelques dossiers, et M. Obhrai a proposé une motion à ce sujet — le Sri Lanka, le Zimbabwe, des régions aux prises avec de graves crises auxquelles nous devons réagir et accorder régulièrement des séances.
Je préférerais simplement que nous entrions dans le vif du sujet. Nous devons comprendre qu'à vouloir suivre tous les sentiers, nous nous perdrons en route. Nous devons nous efforcer de garder le cap. Autrement, nous pouvons passer notre temps à débattre de motions.
Comme je l’ai indiqué, je serais heureux si nous pouvions passer une journée à parler du Sri Lanka, à entendre quelques témoins qui pourront nous donner de l’information et tenir un débat de fond sur le sujet. Ce serait utile et nous pourrions procéder ainsi.
Je ne suis toutefois pas certain, si l'on tient compte des motions de M. Dewar, du moment où nous pourrons aborder la question. Est-ce que cela accaparera du temps que nous accorderions à autre chose? Comme pourrions-nous intégrer ce débat au reste de nos travaux?
Je crois que ce sont des sujets qui devraient être plutôt débattus au sein du comité directeur, qui est mandaté pour les étudier.
:
Non. La session parlementaire a été levée. Nous avons pu en discuter à peine cinq minutes, et c'était fini.
Il en va de même pour le rapport sur Khadr. Si vraiment vous insistez pour que je retire ce rapport de la motion, je le ferai, mais je croyais...
Ces trois éléments sont des dossiers sur lesquels le Comité des affaires étrangères précédent avait travaillé et s'était entendu. Il venait tout juste de déposer les rapports à la Chambre avant la levée de la session parlementaire.
Voilà le pourquoi de ma motion. Je ne souhaite ni alourdir notre programme, ni nous retarder dans nos travaux. Cette motion ne vise qu'à finir le travail entrepris par le Comité lors de la dernière législature.
À mon avis, il est important non seulement que le Comité fasse son travail, mais également qu'il le mène à terme. Comme vous le savez, notre travail ne s'arrête pas ici: encore faut-il que la Chambre des communes adopte nos recommandations, sinon notre travail perdrait toute utilité et serait une perte de temps.
J'ai donc repris ces trois dossiers tout simplement pour les clore, si vous voulez.
En ce qui concerne le deuxième dossier, je suis prêt à ce qu'on l'incorpore à d'autres travaux, si Bob ou quelqu'un d'autre le souhaite. Quant aux résolutions 1325 et 1820, ce sont des résolutions que le gouvernement a appuyées et auxquelles il donne suite. Je ne fais pas cela pour montrer qui que ce soit du doigt. La motion donne suite aux délibérations du Comité, lorsqu'on a parlé du Congo et du Darfour et du rôle du Canada — c'est la résolution 1325 qui a été adoptée et qui porte sur le rôle des femmes dans le maintien de la paix. La résolution 1820 approfondit la question et donne des indications quant à la réalisation de ce rôle.
Plutôt que de proposer de se pencher sur un pays en particulier, je voulais examiner les principes qui ont été adoptés par l'ONU, et ce, dans un certain contexte. Cependant, je suis tout à fait prêt à incorporer ce dossier aux travaux proposés par le comité de direction.
Je n'y vois pas d'inconvénients, si c'est ce... je tiens cependant à ce que cela fasse partie de notre étude. Si c'est le cas, tant mieux. À condition que le dossier avance. En ce qui concerne les deux autres dossiers, comme je l'ai dit à M. Obhrai, c'est lui qui a amendé la motion sur la responsabilité sociale des entreprises, sans doute selon le bon vouloir du gouvernement d'alors. Je veux tout simplement m'assurer que ces deux études, ainsi que le rapport sur l'Afghanistan, franchissent toutes les étapes. Nous n'avons pas pu le faire à cause de la prorogation.