FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 3 juin 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi à tous. Je déclare ouverte cette 24e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui nous poursuivons notre examen des éléments clés de la politique étrangère canadienne.
Comme vous le savez, nous tenons des audiences sur les régions des Grands Lacs en Afrique. Nous accueillons cet après-midi, du Conseil canadien pour l'Afrique, M. Lucien Bradet, président-directeur général du Conseil.
Nous avons également un certain nombre d'autres invités qui se joignent à nous cet après-midi. Nous accueillons M. Robert Blackburn, vice-président principal de la Division Afrique de SNC-Lavalin, et M. Karl Miville-de Chêne, président de Contacts Monde, Montréal.
Bienvenue au comité à chacun d'entre vous.
Si je ne m'abuse, monsieur Bradet, vous souhaitez faire un exposé liminaire, après quoi nous vous inviterons à répondre à quelques questions des membres du comité. Vous avez la parole.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers membres du comité, mesdames et messieurs, bonjour.
[Traduction]
Nous souhaitons, tout d'abord, remercier le comité de nous donner l'occasion de discuter des relations entre le Canada et l'Afrique. Cette question revêt une grande importance pour le CCA, et nous sommes d'avis qu'il s'agit également d'une question importante pour les nombreux Canadiens qui travaillent actuellement en Afrique.
Nous espérons que notre exposé, de même que les questions et réponses qui vont suivre, aideront le comité à préparer des recommandations précises à soumettre à l'examen du Parlement. Nous croyons savoir que c'est ainsi que fonctionnent les comités parlementaires.
Je voudrais, d'abord, vous dire quelques mots au sujet du Conseil canadien pour l'Afrique, pour ceux qui ne nous connaissent pas. Le Conseil a été fondé en 2002. Nous avons pour mission d'essayer d'approfondir les relations économiques entre l'Afrique et le Canada. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui compte environ 150 membres au sein d'entreprises, d'universités, de collèges et de gouvernements provinciaux — comme le Québec, l'Ontario, l'Alberta et le Nouveau-Brunswick — ainsi qu'un certain nombre de ministres et d'organismes gouvernementaux à Ottawa.
Nos activités couvrent une vaste gamme de projets liés au développement économique, à savoir l'accueil de délégations africaines qui viennent au Canada, des missions en Afrique et la préparation de colloques, d'ateliers de travail, de bulletins d'informations quotidiens et de documents de recherche — si bien que nous avons l'impression d'être tout à fait uniques au Canada. Personne en dehors du gouvernement n'effectue ce genre de travail au Canada.
La semaine dernière, vous avez reçu un groupe de 19 diplomates africains, dont le mémoire était intitulé « Pour un partenariat renouvelé avec le Canada ». Il s'agit d'une réaction tout à fait honorable dont il faut souligner le caractère positif et le recul qui l'anime, car il s'agit, selon moi, d'un message de dynamisme et de reconstruction.
Il ne fait aucun doute que les nations africaines souhaitent que le Canada les aide davantage. Elles désirent renforcer leurs relations diplomatiques avec le Canada, de même que leurs liens économiques, et elles souhaitent également que la liste prioritaire de l'ACDI comporte davantage de noms de pays africains. Vous avez bien entendu ce message, à savoir qu'à leurs yeux, la présence du Canada sur leur continent diminue. C'est une perception, et nous voulons justement voir avec vous s'il s'agit d'une simple perception ou d'une réalité. De nombreuses excellentes recommandations vous ont été faites et devraient aider le comité à rédiger ses propres recommandations.
Le Conseil canadien pour l'Afrique partage les préoccupations des missions diplomatiques africaines. Au cours des dernières années, nous avons observé une nette tendance, de la part du gouvernement canadien en général, à diminuer sa présence en Afrique, alors que la population canadienne y travaille de façon de plus en plus intensive. Nous nous présentons devant vous aujourd'hui afin de nous assurer que cette préoccupation soit clairement communiquée aux députés et que le comité y voit une grande priorité. Nous savons que vous avez nécessairement de nombreuses priorités, mais à notre avis, celle-ci doit être examinée avec le plus grand sérieux.
Selon nous, la situation est urgente et il faut absolument que le Parlement prenne les mesures nécessaires pour y mettre fin et pour déclarer un moratoire sur les réductions budgétaires et la fermeture des ambassades, en attendant l'élaboration d'une stratégie complète après la tenue de consultations auprès des Canadiens.
Permettez-nous donc de vous parler des trois domaines qui constituent une source de préoccupations pour nous: les relations diplomatiques, le commerce international et l'aide internationale.
S'agissant des relations diplomatiques, il y a quelques années, le gouvernement du Canada a fermé deux ambassades, celles de la Guinée et du Gabon. Plus récemment, il y a environ un an, il a été décidé de garder l'ambassade du Canada au Burkina Faso, à Ouagadougou, mais sans y affecter un ambassadeur. Cette décision a été contestée et les contestataires ont eu gain de cause, si bien que nous avons de nouveau un ambassadeur dans ce pays.
La semaine dernière, il a été annoncé que deux autres missions seront fermées en Afrique, celles situées à Cape Town et au Malawi. Par simple coïncidence — ou peut-être à dessein, je ne le sais pas — un mois et demi auparavant, le Malawi a été supprimé de la liste prioritaire de l'ACDI. Est-ce quelque chose qui est susceptible de continuer à se produire? D'abord nous supprimons certains pays de la liste de l'ACDI et ensuite nous fermons nos ambassades? Je ne le sais pas; je pose simplement la question.
Selon des discussions officieuses que nous avons tenues avec des personnes bien renseignées à Ottawa, il semble que d'autres fermetures d'ambassades en Afrique pourraient suivre. Ainsi il serait bon que le comité — à mon avis, c'est une tâche que vous devriez entreprendre — se renseigne auprès des différents ministères et organismes responsables pour que ces derniers vous informent officiellement ce en quoi consiste le processus d'examen, les objectifs fixés pour chaque continent, et les fermetures qui sont prévues au cours des trois prochaines années. Sinon, nous craignons que, d'ici la fin de l'exercice de fermeture des ambassades, il ne reste plus beaucoup de missions en Afrique. D'après ce qu'on nous a donné à entendre, il est question d'en fermer encore quelques-unes — or le nombre pourrait ne pas être aussi petit que cela.
Le Canada est fier d'être membre du G8. Il s'est battu pour en faire partie et a été l'hôte du sommet du G8 à plusieurs reprises. Par contre, en ce qui concerne notre présence en Afrique, nous sommes très loin derrière les autres pays membres du G8.
Pour les besoins de cet exposé, nous avons préparé la liste complète des ambassades des pays du G8 en Afrique. Malheureusement, je n'ai pas pu vous la distribuer; je pensais que la version anglaise suffirait, mais on m'a fait savoir à mon arrivée qu'il fallait également une version française.
Donc, je me contente de vous donner les chiffres: les États-Unis, 39 ambassades; la France, 38; l'Allemagne, 33; la Russie, 33; le Royaume-Uni, 24; l'Italie, 20; et, le Canada, 16. Donc, nous sommes vraiment au tout dernier rang.
La France et l'Allemagne, par exemple, en ont deux fois plus, et si la tendance actuelle se maintient, comme prévu, nous deviendrons de fait un acteur mineur en Afrique. Est-ce le rôle d'un membre du G8 de reculer alors que bon nombre d'autres pays s'investissent davantage et établissent de nouvelles relations avec le continent africain?
En tant que membre du G8, nous avons une longue tradition de liens amicaux avec l'Afrique. D'ailleurs, l'un des avantages que nous possédons, mais qu'aucun autre membre du G8 ne possède, est le fait que nous avons comme langues officielles l'anglais et le français, ce qui nous aide à assurer une présence dans un plus grand nombre de pays du continent.
Faut-il réduire ou même stabiliser le nombre d'initiatives canadiennes en Afrique? À notre avis, la réponse est non. Lorsque le Conseil canadien pour l'Afrique a rencontré l'ancien ministre du Commerce, il nous a demandé, par l'entremise des cinq représentants qui faisaient partie de la délégation, quelle serait la plus importante contribution que le Canada puisse apporter à notre travail en Afrique. Il lui ont répondu, tout simplement et à l'unanimité: la représentation canadienne sur le terrain. Il est très important que le gouvernement canadien soit présent sur le terrain. Ils ne veulent rien de moins que cela.
S'agissant de commerce international, lorsque les ambassadeurs africains ont comparu la semaine dernière, ils ne disaient pas simplement qu'ils veulent « plus »; ils disaient qu'ils veulent « plus de développement économique ». Ils veulent développer leur économie; ils veulent approfondir leurs relations économiques avec le Canada. Une économie prospère est garante de l'avenir. C'est d'ailleurs ce qu'a laissé entendre la ministre Oda dans son propre discours, dans lequel elle déclarait que le développement économique est la deuxième grande priorité de l'ACDI.
Le développement économique signifie diverses choses: soit les investissements, les exportations et les importations, mais aussi des partenariats, comme les cours de formation professionnelle et intensive dispensés aux exportateurs potentiels en Afrique, pour que leurs activités d'exportation vers l'Occident, y compris vers le Canada, soient plus efficaces; l'éducation au niveau collégial dans les métiers, comme les cours de formation dispensés aux jeunes du secteur minier en Tanzanie, pour que ces derniers puissent remplacer les expatriés qui y sont très nombreux; l'élaboration de nouveaux programmes d'études au niveau universitaire à l'Université du Botswana. Je pourrais citer toutes sortes d'initiatives qui font partie du développement économique.
Toutes ces différentes formes de développement économique supposent des ressources et l'aide de professionnels qui ont de vastes connaissances du Canada, une capacité que requiert l'Afrique. Il n'est pas possible d'improviser de telles connaissances. Il faut des gens qui se consacrent justement à tout ce qui peut aider les Canadiens et les Africains à travailler ensemble. Il s'agit de ce qu'on appelle les délégués commerciaux.
Bien que nos investissements en Afrique augmentent de façon importante depuis plusieurs années, ayant atteint presque 21 milliards de dollars en 2008 — ce n'est pas une somme dérisoire, évidemment — les ressources, et surtout les ressources humaines affectées au secteur commercial par le gouvernement ont considérablement diminué, et je ne veux pas dire depuis seulement un an. Cette diminution est cours depuis plusieurs années. Le Canada a maintenant 25 délégués commerciaux pour 47 pays subsahariens représentant en tout quelque 800 millions de personnes. Par contraste, l'Amérique latine compte 13 pays, 300 millions d'habitants et 68 délégués commerciaux.
En d'autres termes, si l'on compare l'Amérique latine avec l'Afrique, une région comptant seulement un quart du nombre de pays en Afrique, et moins de la moitié de sa population, dispose de trois fois plus de délégués commerciaux.
Dans un contexte d'équilibre et de croissance, ce facteur est important. De toute évidence, il y a quelque chose qui ne va pas. Pourquoi devrions-nous être moins présents que n'importe quel autre pays qui rivalise avec nous en Afrique? Tout le monde dit qu'il s'agit de la dernière frontière du développement économique, et de nombreux secteurs connaissent une très grande prospérité, pas seulement les secteurs primaires, mais également l'infrastructure, l'électricité, l'énergie, les communications, les technologies de l'information, le secteur agroalimentaire, et la santé. Pourquoi le Canada accepterait-il d'être relégué au second plan pour ce qui est du développement de l'Afrique de l'avenir, l'un des grands phénomènes du XXIe siècle?
Nous nous félicitons d'être une nation exportatrice et une nation qui accueille volontiers les importations, comme le prouvent des initiatives telles que celle portant sur l'accès multilatéral, qui favorise les importations de pays moins développés, mais il est évident que les ressources actuelles ne cadrent pas avec les objectifs qui ont été fixés.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le MAECI, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et nous y avons des amis à chaque étage mais, malheureusement, il devient clair que les ressources affectées aux activités en Afrique sont tout à fait insuffisantes. Voilà qui nuira au Canada si nous ne trouvons pas de solution.
Le troisième élément est celui du développement international. Cela concerne le programme d'aide du Canada. Comme nous l'avons entendu la semaine dernière, lors du discours de la ministre Oda et pendant la période des questions… le fait est que nous partageons bon nombre des préoccupations des membres du comité. Le Conseil canadien pour l'Afrique était très déçu d'apprendre qu'un certain nombre de pays africains seraient supprimés de la liste des pays de concentration. Nous étions déçus parce que nous avions l'impression que le gouvernement — pas celui actuellement au pouvoir, évidemment — avait déjà réalisé des réductions en 2005, quand le nombre de pays est passé de 69 à 25, de même qu'une répartition différente des ressources financières qui a fait que les pays de concentration devaient désormais bénéficier de 80 p. 100 du financement, par rapport à 20 p. 100 pour les autres pays. Rappelez-vous que nous en avons beaucoup parlé la semaine dernière.
Nous dire aujourd'hui que ces réductions budgétaires ont pour objet de rehausser l'efficacité des programmes semble superflu, étant donné que cet objectif avait déjà été atteint.
Nous vous avons fourni une autre annexe, qui existe en format bilingue. Au bas de la page, vous allez voir qu'en 2008 et 2007, les pays de concentration en Afrique ont reçu 90 p. 100 de l'aide disponible — non pas 50 p. 100, mais 90 p. 100. Donc, l'objectif global en ce qui concerne la répartition 80 p. 100/20 p. 100 a été atteint. Ce n'est qu'un échantillon. Ce n'est pas la totalité de l'argent disponible. Mais c'est un bon échantillon, qui indique que cet objectif a déjà été atteint. Nous nous rendons bien compte que cela ne couvre pas le 1,5 milliard de dollars affecté en 2007, mais ce montant comprend tout de même l'ensemble des subventions et contributions supérieures à 25 000 $. De plus, nous n'avons pas inclus les chiffres pour les organismes multilatéraux, étant donné qu'il n'est pas facile d'obtenir ces chiffres. Il est donc possible de conclure que plus de 90 p. 100 des subventions avaient déjà bénéficié aux pays de concentration, par rapport à seulement 10 p. 100 pour les pays non prioritaires.
La deuxième conclusion qu'on peut tirer de ce tableau, si vous regardez la partie en jaune, est que six pays africains qui restent sur la liste ont bénéficié d'une augmentation de l'aide qu'ils ont reçue du Canada correspondant à 143 p. 100 entre 2007 et 2008, ce qui signifie que, sans l'avoir annoncé, la liste de 2009 était déjà plus ou moins en vigueur en 2008. Cette liste de six pays s'appliquait déjà, si bien que les pays qui avaient autrefois été jugés prioritaires, mais qui ne se trouvaient plus sur la nouvelle liste, ont connu une diminution de leur aide de 64 p. 100 en deux ans. Il ne faut donc pas se leurrer: cette tendance se manifestait déjà. Nous ne le savions pas, mais nous en sommes conscients maintenant.
Troisièmement, comme le Conseil canadien pour la coopération internationale, un organisme fort respecté, nous ne pensons pas qu'il soit possible d'accorder 80 p. 100 de l'aide consentie par l'ACDI à sept pays, par l'entremise de programmes bilatéraux, et seulement 20 p. 100 aux 40 autres pays subsahariens sans que personne ne soit perdant. Un tel calcul est impossible.
Nous sommes donc convaincus, comme le Conseil canadien pour la coopération internationale, que l'aide bilatérale consentie à l'Afrique, qui correspondait à 70 p. 100 de l'aide globale, passera au cours des deux ou trois prochaines années à seulement 35 p. 100. En même temps, nous ne sommes pas convaincus que les Canadiens acceptent le principe qui sous-tend cette annonce, à savoir qu'il convient de moins aider les régions les plus pauvres de cette terre et les pays dont les besoins sont les plus impérieux.
Monsieur le président et honorables membres du comité, notre objectif en nous présentant devant vous cet après-midi était de vous faire part d'un certain nombre d'éléments qui nous semblent alarmants, étant donné notre conviction que, si nous n'agissons pas par rapport à ce phénomène dans un proche avenir, la réputation du Canada risque d'être considérablement compromise. Si cela se produit, les Canadiens n'auront pas été bien servis, ni dans le secteur public, ni dans le secteur privé.
Finalement, nous remettons en question l'engagement de notre pays vis-à-vis du développement de l'Afrique. Or, nous ne pouvons pas supposer que la bonne réputation que nous avons acquise par le passé restera intacte si cela se produit. Nous devons continuer à multiplier les initiatives canadiennes en Afrique, non pas sur un seul front, mais sur trois: les relations diplomatiques, le commerce international et l'aide publique au développement. Le Canada doit prendre les mesures qui s'imposent pour demeurer un partenaire de choix en Afrique, car nous sommes d'avis que ce continent est en pleine évolution. Il est en pleine croissance. D'ailleurs, je regardais les chiffres il y a quelques jours. Le nombre d'habitants a atteint 1 milliard le 1er janvier 2009, et la population du continent sera de 1,5 milliard d'ici 10 ans environ. C'est donc une région du monde en pleine croissance qui jouera un rôle important dans l'orientation du monde demain.
Merci beaucoup. Mes collègues sont également à votre disposition pour répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Bradet.
Les membres de l'opposition ouvriront la période des questions.
Monsieur Pearson, vous disposez de sept minutes.
Monsieur Bradet, je voudrais vous remercier, ainsi que les autres personnes qui vous accompagnent, de votre présence parmi nous cet après-midi.
J'ai trois questions à vous poser. Je vous donnerai le temps voulu pour y répondre.
La première concerne votre impression du message livré la semaine dernière par les 18 ou 19 ambassadeurs qui ont comparu devant le comité. Je sais que, pour les membres, c'était une situation sans précédent qui nous a pris un peu au dépourvu, car nous ne nous y attendions pas. S'agissant d'aide au développement en Afrique, nous parlons souvent de la nécessité pour les Africains de trouver leur propre voix. Eh bien, il semblait ce jour-là qu'ils l'avaient justement trouvée et qu'ils étaient résolus à s'exprimer devant nous. En ce qui me concerne, c'est formidable; c'est tout à fait ça qui devait se produire.
Mais, je voudrais connaître vos propres impressions. Qu'est-ce que cela veut dire, d'après vous?
Deuxièmement, vous faites énormément de réseautage. Quelle est la perception dans le reste du monde, et même au Canada, de ce retrait progressif de l'Afrique de la part du Canada? Je sais que quand j'en ai parlé avec des ministres responsables du développement au sein de l'Union européenne ou en Grande-Bretagne, par exemple, ils m'ont fait comprendre qu'ils ont leurs propres opinions. Je n'essaie pas d'influencer votre réflexion; je tenais simplement à vous le dire. Il est clair que d'autres prennent également des décisions par suite de ce qu'ils ont observé au Canada.
Ma dernière question est celle-ci: le gouvernement continuera… ce dernier nous réplique en disant qu'ils ont effectivement décidé de modifier la structure de leurs activités de développement en Afrique, mais qu'en réalité, le montant de l'aide consentie à l'Afrique va doubler.
Donc, j'aimerais connaître vos impressions et savoir ce que vous pensez de cette déclaration.
Je vais répondre à votre première question, et peut-être demander à mon collègue de répondre à la deuxième, en se fondant sur ce qu'il a observé dans le cadre de ses déplacements dans les différentes régions du monde. Mais, je vais répondre à la première question.
J'occupe mon poste actuel depuis sept ans. J'ai fait mes études au Rwanda quand j'étais jeune, et j'ai donc l'Afrique dans le sang depuis une quarantaine d'années. Je dois dire que l'événement auquel j'ai assisté la semaine dernière était tout à fait historique: 19 ambassadeurs, qui sont en dehors de leur pays respectif, se sont rassemblés et, en six semaines — étant donné que l'annonce a été faite il y a environ six semaines — ont réussi à s'entendre sur un document qui présente une vingtaine de recommandations.
Il faut y voir un sentiment très profond, une déception réelle; c'est quelque chose qu'ils devaient dire et dire clairement. Il a fallu beaucoup de courage pour le faire, mais il a surtout fallu beaucoup de discussion entre eux. Je n'étais pas dans la salle avec eux. Cela m'a surpris, comme vous, d'ailleurs, mais c'était un grand événement, en ce qui me concerne, et j'espère que le comité y verra quelque chose de rare et d'important.
Je ne sais pas si vous avez déjà accueilli autant d'ambassadeurs d'un même continent devant le comité, mais c'est ce que vous avez fait la dernière fois et il s'agit effectivement d'un événement historique. Quoi qu'on pense du contenu de leur document — certains seront d'accord et d'autres, non — le consensus qui existe manifestement entre eux indique bien qu'il y a un problème.
Bob, voulez-vous répondre à la question sur la perception du reste du monde par rapport à des décisions de ce genre de la part du Canada?
S'agissant de notre position, SNC-Lavalin est présent dans la plupart des pays africains. L'année dernière, nous travaillions dans environ 27 pays africains, y compris au Maghreb, c'est-à-dire l'Afrique du Nord.
Il est très important pour nous, et pour nos clients qui sont actifs dans ces pays, que le gouvernement canadien y assure une présence et qu'il y ait des visites de haut niveau. Je crois que Lucien dirigera une mission en Angola la semaine prochaine, et nos représentants, qui étudient le marché angolais, nous disent qu'il faudrait un ministre canadien et surtout, qu'il y ait une ambassade du Canada dans ce pays. Comme le Mozambique, l'Angola sort d'un conflit. C'est un pays très riche, qui a besoin des entreprises canadiennes. Il a besoin de gouvernance canadienne — d'une véritable relation avec le Canada.
Il y a énormément de potentiel dans ce pays. Nous y travaillons depuis environ deux ans dans le cadre d'un projet particulier. Mais c'est très difficile. Comme vous l'expliquait Lucien, tant de nos concurrents sont déjà sur place. Et, c'est un signe de respect, entre autres. Que les représentants d'entreprises soient présents en vue de décrocher des contrats, ce n'est pas tout à fait la même chose que d'établir des relations diplomatiques respectueuses et de favoriser des échanges culturels et éducatifs qui permettent d'approfondir la relation.
Nous avons moins d'ambassades, moins de délégués commerciaux, et une présence moindre dans un pays qui constitue sans aucun doute un marché émergent très important, comme vous l'expliquait Lucien tout à l'heure.
À propos, notre chiffre d'affaires en Afrique a atteint 1 milliard de dollars l'année dernière. L'année précédente, il était de l'ordre de 1,3 milliard de dollars. C'est donc un marché important pour nous dans plusieurs secteurs, et il a un potentiel incroyable… ses perspectives d'avenir sont extrêmement riches. Mais, il faut que des Canadiens soient sur place. On ne peut pas traiter avec des gens qu'on ne connaît pas.
[Français]
Je préférerais répondre moi-même, en partie, à la deuxième question.
SNC-Lavalin est une énorme entreprise. Consultation Contacts Monde est une petite entreprise. Le point de vue de la petite entreprise est important aussi. Dans le contexte africain, nos mandats sont beaucoup moindres que ceux liés aux milliards de dollars dont on a entendu parler tout à l'heure. Cependant, l'appui que nous obtenons, ou que nous n'obtenons pas, fait toute la différence et peut nous permettre de gagner quelque chose.
Nous avons des compétiteurs français, par exemple, en Afrique francophone, qui sont bien appuyés par leur État, autant sur le plan financier que sur le plan de l'aide gouvernementale et de la logistique sur place, ce que nous obtenons de moins en moins. Il devient donc de plus en plus difficile de nous tailler des parts de marché. Les services que nous exportons en Afrique représentent 50 p. 100 de notre chiffre d'affaires. Il est donc primordial de continuer d'avoir et d'augmenter ce soutien, afin que d'autres entreprises canadiennes, particulièrement dans le secteur des services, puissent bénéficier de ces économies en croissance.
[Traduction]
La question de l'aide est complexe. Le jeu des chiffres peut être mortel. La semaine dernière, la ministre parlait d'un budget de 5,1 milliards de dollars. Elle parlait des 2,1 milliards de dollars consentis précédemment aux pays africains. Le problème, c'est que, dans le contexte actuel, les questions liées à la paix et à la sécurité l'emportent parfois sur celles qui correspondent davantage, d'après nous, à de l'aide.
Au Darfour, par exemple, il y a un peu de tout. Si vous y investissez 200 millions de dollars, en ce qui nous concerne, il n'est pas toujours possible de savoir si c'est vraiment de l'aide ou non. Si vous donnez 300 millions de dollars à l'Afghanistan pour des activités liées à la fois à la défense, à la paix, à la sécurité et au commerce, il devient difficile de s'y retrouver.
Le monde de l'aide est un monde opaque. Les statistiques préparées par l'ACDI sont difficiles à comprendre. Mais, je ne fais aucun reproche.
Je ne suis pas en train de vous dire que c'est bien ou mauvais. Je vous dis simplement que c'est complexe. Pour moi, le comité devrait continuer à faire ce qu'il a essayé de faire la semaine dernière, c'est-à-dire, poser des questions et essayer de savoir dans quoi l'argent est investi.
On m'a raconté, par exemple, que l'argent est souvent versé directement au gouvernement et que, quand c'est le cas, les gens en dehors de la capitale bénéficient moins des crédits canadiens. Pourquoi? Je ne le sais pas. Le fait est qu'une plus grosse part reste dans la capitale. C'est donc une question très complexe, et c'est pour cela que ce que vous faites me semble aussi important. Je vous ai donné quelques statistiques, entre autres, l'augmentation de 143 p. 100 en une seule année; c'est une augmentation considérable, alors que les autres pays, surtout des pays francophones, ont perdu 65 p. 100, et… je ne comprends pas pourquoi. Était-ce volontaire? Cela fait-il partie d'une stratégie à grande échelle? Était-ce involontaire ou accidentel?
Je ne peux pas porter de jugement là-dessus; je me contente d'examiner les faits.
[Français]
Monsieur le président, je vais commencer, si vous me le permettez. Je suis madame Deschamps.
Bienvenue, monsieur. Merci beaucoup. J'ai pris quelques moments pour jeter un coup d'oeil au petit bulletin que vous nous avez remis. C'est très intéressant. Il s'en dégage un certain message d'espoir. On assiste à une évolution et à la mise en place de beaux projets.
Vous constatez que je parle français. Je suis originaire d'une région du Nord de Montréal, les Laurentides, où on essaie d'organiser des projets en éducation en lien avec l'Afrique, entre autres.
Il y a un problème qui m'inquiète un peu actuellement. Plusieurs pays francophones d'Afrique ont vu leur ambassade fermer. De plus, on constate que l'aide canadienne aux pays francophones a été réduite. La semaine dernière, nous avons reçu une importante délégation. J'ai été très impressionnée, moi aussi, de voir des ambassadeurs se déplacer pour nous sensibiliser aux problèmes actuels que vivent ou que pourraient vivre ces pays d'Afrique. Sans vouloir être démagogue, je me pose beaucoup de questions. Je trouve qu'il y a un profond écart entre l'aide canadienne qui est versée aux pays francophones et celle qui est versée aux pays anglophones. Je ne sais pas comment on peut redresser la situation. Actuellement, on demande au gouvernement d'essayer d'arrêter cette hémorragie. Le fait d'avoir rayé huit pays francophones de la liste pour la coopération internationale est davantage inquiétant.
Avez-vous des solutions à nous proposer? On comprend très bien l'inquiétude que ressentent les ambassadeurs africains de même que toute la société civile africaine.
Je pense que pour résoudre le problème, il faut amorcer une discussion franche, transparente et ouverte avec les Canadiens. Vous connaissez tous des Canadiens autour de la table. Oui, je crois qu'ils traversent une crise économique. Cependant, je ne crois pas qu'il faille pour autant laisser tomber les Africains.
J'arrive de l'Afrique de l'Ouest, où j'ai dirigé une mission à laquelle participaient 22 organisations. Quatre pays en 12 jours, vous allez dire que c'est rapide. J'ai assisté à 159 réunions avec trois présidents en 12 jours. C'étaient trois pays francophones sur quatre: le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Togo et le Sénégal. Les besoins sont immenses. Lorsqu'on me dit que l'aide n'y est pas utilisée de façon aussi efficace qu'au Kenya ou en Tanzanie, je dis que c'est possible. Toutefois, choisirons-nous maintenant d'apporter notre aide aux pays qui fonctionnent le plus efficacement, qui sont les moins pauvres et les plus débrouillards? Je ne le sais pas.
Je vais vous donner un autre exemple, celui MAI.
[Traduction]
Je ne sais pas si vous avez entendu parler du MAI, soit l'Initiative relative à l'accès multilatéral.
[Français]
C'est la même chose que l'AGOA. Cependant, par l'intermédiaire du MAI, il est possible d'importer tous les produits des pays en voie de développement, sauf les produits laitiers et la volaille. Or, si vous demandez aux gens des pays africains s'ils connaissent ce programme, ils vous répondront qu'ils ne le connaissent pas. On n'en fait pas la publicité parce qu'on n'a pas les gens pour le faire. Il est très important d'impliquer les Africains dans l'exportation de leurs produits, parce que c'est de cette façon que l'économie se développera. Or, ce programme n'est pas assez accessible.
Regardez ce qui s'est produit au Burkina Faso. On est passé de 24 millions de dollars en 2007 à 800 000 $ en 2008. Or, le Burkina Faso n'est plus sur la liste, et on dit quand même aux gens de ce pays de pas s'inquiéter, qu'ils ne perdront rien. Je ne suis pas convaincu de ça. Je n'ai pas vu les chiffres de 2009 et j'ai peur qu'ils aient baissé à 400 000 $. Le Burkina Faso, dont le président Compaoré offre un exemple de bonne gestion et de bonne gouvernance — c'était un des critères concernant la liste des 25 pays —, n'est plus sur la liste. Les gens de ce pays se demandent pourquoi.
Je ne suis pas convaincu que c'était un bon coup que de passer de 25 à 20 pays. Déjà, 90 p. 100 de nos dépenses étaient engagées pour ces 25 pays. Quelle était cette idée de concentrer ces dépenses dans moins de pays encore?
En réponse à votre question à savoir ce qu'on devrait faire, je vous dis de parler aux Canadiens et aux gens du gouvernement, d'essayer de les sensibiliser à la réalité africaine. Comme je le dis souvent à mes enfants et à d'autres, quand j'étais petit, je payais les missionnaires; maintenant, on est des missionnaires au Canada, et on continuera à l'être.
[Traduction]
[Français]
Merci beaucoup, messieurs Bradet, Blackburn et Miville-de-Chêne.
C'était impressionnant de rencontrer les ambassadeurs, la semaine dernière. Je n'expliquerai pas pourquoi, mais je pense avoir compris que pour eux, il avait été difficile de se réunir, de présenter un seul document commun et de demander ce partenariat avec le Canada. J'espère qu'on sera plus nombreux à appuyer ce partenariat, de façon à ce que ça devienne une association pouvant contribuer au développement économique dont vous avez parlé.
Vous avez mentionné le Burkina Faso. Or, j'ai participé à la grande tournée de Paul Martin. Où pensez-vous que Paul Martin est allé, en Afrique? Au Burkina Faso, après avoir fait un saut au Soudan. Ces deux pays ont donc été visités par une importante délégation. Il me semble — et ici, je ne fais que répéter ce que j'ai dit déjà — qu'il est important de ne pas donner l'impression que le Canada abandonne l'Afrique. Vous avez parlé plus tôt d'un moratoire sur les compressions et les fermetures d'ambassades.
Pensez-vous que si nous étions un certain nombre à prendre position à ce sujet, ça pourrait changer quelque chose pour ces pays?
Je ne sais pas si ça serait efficace. En fait, ça le serait autant que peut l'être un comité parlementaire. Je crois qu'un comité parlementaire représente quand même une voix importante au sein de la démocratie. Vous faites rapport de vos activités au Parlement et faites des recommandations.
Je sais que d'autres ambassades vont fermer, même si je ne sais pas lesquelles. On a déjà fermé celles de la Guinée et du Gabon, il y a deux ou trois ans, et on en a fermé deux autres la semaine passée. Si on en fermait encore un nombre égal — et je ne sais pas si c'est un nombre égal —, ce serait plutôt terrible. Avec sept ou huit ambassades sur ce continent, on ne pourrait plus dire que le Canada s'intéresse à l'Afrique. Soyons sérieux. À mon avis, ce serait manquer à notre devoir en tant que pays du G8. On parle ici du continent qui compte le plus grand nombre de pauvres et qui représente 60 p. 100 des pays les moins développés. Nous devrions être présents dans la majorité de ces pays.
Je vous ai dit plus tôt que nous étions présents dans 13 pays de l'Amérique latine. Il y a là-bas trois fois plus d'agents qu'en Afrique. Or, il y a 700 millions d'habitants en Afrique subsaharienne. Cette position n'est pas défendable, surtout quand on sait que les autres pays du G8 augmentent leur contribution. S'ils la diminuaient tous, je comprendrais qu'on le fasse aussi, mais ce n'est pas le cas. Je ne crois pas que le milliard de dollars fourni il y a quelques semaines par le G8 soit suffisant pour sortir l'Afrique de ses problèmes.
[Traduction]
Merci, monsieur Bradet.
La parole est maintenant au représentant du parti ministériel, soit M. Obhrai.
Merci infiniment de votre présence.
Je sais que vous tous avez de vastes activités en Afrique. Étant donné que le titre de votre organisme est le Conseil canadien pour l'Afrique, il est évident que l'Afrique constitue votre grande priorité. Moi-même je viens de l'Afrique, et je suis donc tout à fait au courant des enjeux liés à ce continent.
S'agissant de notre politique, il nous semble normal… d'ailleurs, il est tout à fait clair que la politique a été modifiée; il n'y a pas de doute à ce sujet. Le premier ministre a d'ailleurs déclaré en termes très explicites en quoi doit consister notre politique. Mais, cela ne veut pas dire que l'Afrique doit se sentir visée.
Je voudrais vous parler très brièvement des fermetures que vous avez mentionnées, et je crois que mon collègue, Jim Abbott, compte aborder la question de l'aide étrangère. Lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, il a regroupé ses dépenses et a établi un processus d'examen. Les premières fermetures ont eu lieu en Europe, et non pas en Afrique. Elles visaient les villes de Milan et de Tokyo. Par la suite, il y a eu des changements en Afrique. Étant donné qu'on parlait d'un territoire plus important, il était normal que le gouvernement se penche sur ses activités en Afrique. Mais, la fermeture des ambassades — et j'arrive du Malawi et de Zambie où les ambassades vont justement être fermées — n'avait pas pour objet de réduire les services ou de supprimer certaines activités; il s'agissait plutôt de mieux utiliser les ressources disponibles.
Donc, il ne faut pas y voir une décision de la part du gouvernement d'accorder moins de priorité à l'Afrique. L'Afrique continue d'être une grande priorité pour nous. Nous voulons simplement consolider nos ressources. Et, ces mesures seront efficaces, non seulement en Afrique, mais dans toutes les autres régions que j'ai mentionnées — c'est-à-dire, en Europe, en Asie ou n'importe où dans le monde où nous sommes d'avis que les ressources du gouvernement doivent être utilisées de façon plus rationnelle. Voilà le principe de base. Vos conjectures au sujet de la fermeture des sept ou huit ambassades qui restent en Afrique ne tiennent pas debout. Nous ne savons pas exactement ce qui va se passer, mais je peux vous garantir que la politique du gouvernement actuel ne consiste pas, et ne consistera jamais à réduire notre action en Afrique ou à abandonner ce continent.
Ayant exprimé cette opinion politique et abordé la question de la fermeture des ambassades, de façon à ce que notre position soit bien claire, je vais maintenant céder la parole à mon collègue, qui abordera la question de notre politique en matière d'aide.
Je suis un peu curieux; je regarde vos chiffres et, si je les ai bien compris, le Mali serait passé de 30 millions de dollars à 162 millions de dollars; ensuite, le Sénégal est passé de 45 millions de dollars à 106 millions de dollars. Les crédits accordés à la Tanzanie se sont multipliés par neuf.
Je constate également sur cette feuille qu'il y a également eu des réductions. J'en suis parfaitement conscient. Mais, étant donné que, en 2003-2004, l'aide consentie à l'Afrique par la population canadienne a légèrement dépassé 1 milliard de dollars, et qu'au 31 mars de cette année, elle avait atteint 2,1 milliards de dollars, je serais curieux de savoir comment vous pouvez prétendre que le gouvernement canadien ne s'intéresse plus à l'Afrique. Ce sont vos propres paroles, me semble-t-il. Je regarde vos chiffres, et je constate que les sommes accordées à certains pays ont doublé, ont triplé ou ont été multipliées par neuf, alors qu'on parle de millions de dollars, et d'un apport financier total de 2,1 milliards de dollars à l'Afrique par le gouvernement canadien.
Cela me laisse tout à fait perplexe. Je ne comprends pas comment vous pouvez en conclure que l'Afrique ne nous intéresse plus.
Je peux répondre à vos deux questions, en commençant par celle qui concerne les ambassades.
Je me rends bien compte que le gouvernement du Canada — pas seulement le gouvernement actuel, mais celui qui l'a précédé — a examiné la possibilité de fermer certaines ambassades. Je ne m'y oppose pas. Peut-être faut-il effectivement fermer certaines ambassades. Mais, ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que, s'il y a une région du monde où il ne faut pas fermer les ambassades, c'est bien l'Afrique. Mon propos est donc très simple. Je ne cherche aucunement à me cacher derrière d'autres considérations.
J'étais à Hambourg il y a six mois. Peut-être vous en faut-il une à Hambourg; mais, si vous n'en avez pas à Hambourg, celle de Berlin sera parfaitement en mesure de se charger de tout. Mais, si vous fermez l'ambassade au Malawi au mois de juin, alors que vous l'avez déjà supprimé de la liste des pays prioritaires au mois d'avril, dites-moi ce que les responsables du pays en question devraient y voir. Je vous conseille de lire l'éditorial de Geoffrey York dans le Globe and Mail de cette semaine, qui vous permettra de très bien comprendre ce qui se passe à l'heure actuelle.
Pour répondre à la question de M. Abbott au sujet des chiffres, je suis tout à fait d'accord pour dire que certains pays devraient recevoir plus d'argent — d'ailleurs, c'est normal, car c'est le continent où les besoins sont les plus impérieux. Mais, si nous nous opposons à la décision du gouvernement du Canada de réduire environ de moitié, en faisant passer le nombre de pays de 25 à 14, alors que ce sont les pays qui ont le plus besoin d'aide, c'est à cause de la pauvreté. Voilà la raison de notre position. Nous n'acceptons pas, d'une part, que vous ayez réduit le nombre de pays à 20 et, d'autre part, que vous ayez réduit de 50 p. 100 le nombre de pays africains sur la liste des 20, en excluant des pays comme le Niger, le Burkina Faso et le Malawi car, si vous avez visité ces pays, vous devez savoir que ces derniers ont des besoins considérablement plus importants, comparativement au Pérou, par exemple, alors que vous allez discuter de la possibilité d'un accord de libre-échange avec ce dernier la semaine prochaine.
C'est aussi simple que cela. C'est ça la différence.
Si vous permettez qu'on poursuive la discussion sur l'Afrique encore un peu, êtes-vous prêt à admettre au moins que nous avons doublé le montant de l'aide consentie à l'Afrique au cours des trois dernières années par rapport au niveau en 2003-2004, puisque le montant actuel est de 2,1 milliards de dollars? Êtes-vous également prêt à admettre que nous avons fait cela un an avant tous les autres pays du G7? Je ne comprends pas…
Parce que ce que vous dites concerne l'année dernière. Pour ma part, je regarde vers l'avenir, et l'avenir me fait peur.
J'étais là la semaine dernière. J'ai vu la ministre la semaine dernière. Premièrement, je ne l'ai pas entendu renouveler son engagement. Deuxièmement, je ne l'ai pas non plus entendu parler de l'augmentation de 8 p. 100. Je n'ai rien entendu de tout cela, et avant que quelque chose ne se produise, je voudrais m'assurer que nous allons pouvoir en discuter. Voilà ce que je vous dis.
Je ne prétends pas que l'ACDI compte diminuer ses dépenses. Mais, monsieur Abbott, si nous avons la possibilité de dépenser 50 p. 100 de la somme de 2,1 milliards de dollars sous forme d'aide bilatérale — soit presque 1,1 milliard de dollars — mais seulement six pays vont bénéficier de 80 p. 100 de cette somme… Si cet argent ne va pas être réparti entre les pays en fonction de la formule 80 p. 100/20 p. 100, à quoi cet argent va-t-il servir?
Non, parce qu'elle a dit que l'aide bilatérale représente 53 p. 100 du budget. Voilà ce qu'elle a dit. Je n'ai pas inventé ce chiffre.
Très bien; merci à vous deux.
La parole est maintenant à Mme Chow.
Bienvenue au comité. Nous sommes ravis de vous accueillir. Vous disposez de sept minutes.
Je vous remercie.
S'agissant de l'avenir, les premières prévisions de la Banque mondiale pour la période d'ici à 2005 indiquent que 2,8 millions d'enfants de plus pourraient mourir à cause du ralentissement économique, ralentissement qui n'a pas été causé par eux et qui est sans doute le fait de la déréglementation et de la cupidité. Ce chiffre de 2,8 millions correspond à une population qui serait légèrement supérieure à celle du Manitoba et légèrement inférieure à celle de la ville de Toronto. Mais, en même temps, on parle de 46 millions de personnes de plus qui vivront dans la pauvreté, puisqu'elles auront un revenu inférieur à 1,25 $ par jour. La plupart de ces personnes vivent en Afrique, d'ailleurs, et bon nombre des mères perdent leur emploi à l'heure actuelle. Or, aux dernières nouvelles, les banques ont bénéficié d'un apport de financement de 8,4 billions de dollars en janvier de cette année.
À votre avis, quel est le niveau réel de l'aide canadienne accordée à l'Afrique? Voilà ma première question. J'en ai deux autres. C'est une petite question au sujet du montant précis en dollars.
Ma deuxième question concerne le fait que les minéraux africains qui sont vendus en Occident ont parfois pour effet d'entretenir les conflits. Prenons l'exemple du Congo. L'un des matériaux utilisés pour la fabrication des téléphones cellulaires, soit le coltan, est en cause dans ce pays. À l'heure actuelle, le Congrès américain envisage d'adopter un projet de loi pour régler le problème. Ce projet de loi exigerait que les entreprises qui utilisent de tels minéraux documentent l'origine des minéraux, afin de s'assurer qu'elles ne se servent pas de minéraux qui engendrent des conflits. Que pensez-vous d'un tel projet de loi?
Troisièmement, je vois que vous parlez de Barrick Gold dans votre dépliant. Les régimes de retraite de la Norvège refusent d'investir dans Barrick Gold en raison de leurs mines à ciel ouvert. À votre avis, le Régime de pensions du Canada devrait-il investir dans de telles compagnies, par exemple, étant donné certaines de leurs pratiques en Afrique?
Voilà donc mes trois questions.
Je ne veux pas vous parler de Barrick, car je ne représente pas cette entreprise. Elle est membre de notre organisme, et j'estime qu'il faut travailler avec elle, étant donné qu'elle fait tout de même de bonnes choses dans diverses régions du monde.
Je me rappelle que, lorsque j'étais jeune et que j'habitais Jonquière, au Saguenay, mon père avait l'habitude de dire que les Américains nous volaient nos ressources. Voilà ce qui se disait au Québec. À votre avis, est-il vrai qu'ils nous volent encore nos ressources? Non, parce que nous avons appris à faire les choses nous-mêmes. Voilà ce que font justement les pays africains. C'est le cas de la Tanzanie, du Rwanda et de la République démocratique du Congo. Ils sont en train de renégocier certains accords pour être sûrs d'obtenir leur juste part. A-t-on abusé d'eux? Je n'en suis pas sûr. Je ne vais pas prétendre qu'il n'y a pas eu d'abus. Mais les gens tirent rapidement les enseignements de chaque expérience.
Je peux vous dire que nos membres, y compris Barrick, font de très bonnes choses en matière de développement économique. Par exemple, dans le cadre d'un projet qui se déroule en Tanzanie, ils ont installé un pipeline d'eau de 200 kilomètres et, à 10 endroits différents, ils ont installé un système de pompe pour la population du village, qui n'avait pas accès à l'eau auparavant. Cela n'a rien à voir avec la mine, mais c'est ce qu'ils ont fait.
Donc, je pense qu'on peut toujours trouver des histoires d'horreur. Je peux vous le garantir, madame. Mais, comme vous le constatez d'après cette feuille, nous venons de publier un livre qui présente 50 choses qui ont été faites par des entreprises canadiennes et qui seraient certainement approuvées par n'importe quel Canadien.
A-t-on abusé d'eux? Oui. Mais, est-ce que des initiatives positives sont également prises? La réponse est oui.
Par contre, on peut se demander combien d'argent devrait être dépensé en Afrique. À mon avis, il faut atteindre 0,7 p. 100. Peut-être ne pourrons-nous pas faire cela pour le monde entier, mais il faut le faire pour l'Afrique au moins, car l'Afrique est la dernière région du monde où il existe encore énormément de pauvres, d'enfants en danger et de femmes qui ne sont pas bien traitées. C'est là que les emplois vont être créés. À mon avis, l'investissement actuel du Canada — les 21 milliards de dollars — permettra de créer ces emplois. Et il faut former ces gens, car ils peuvent être nos yeux, en plus d'être nos amis.
Je vous donne un petit exemple. J'ai rencontré les membres de la Chambre de commerce du Sénégal il y a un mois. Dans la salle avec les membres de la Chambre de commerce sénégalaise, il y avait un Canadien. À votre avis, qui se trouvait dans le coin de la salle? C'était le représentant français qui avait été prêté gratuitement à la Chambre. Pensez-vous que notre petite rencontre avec les membres de la Chambre de commerce n'était pas connue des responsables français à Paris le lendemain? En fait, le jour même, ils l'ont su à Paris. Donc, ne soyons pas naïfs. Il est essentiel que nous soyons présents sur un continent où la concurrence est importante et les Canadiens sont bien reçus. Ils veulent qu'on soit là. Nous avons la technologie nécessaire, et nous avons également les ressources humaines.
Il ne faut pas croire, madame, que nous allons y exporter des locomotives et du ciment. C'est notre savoir-vivre que nous allons y exporter. Voilà ce qu'ils apprécient chez les Québécois, les gens de Montréal, etc.
Donc, à la question de savoir si l'aide consentie est suffisante, je répondrais non, et que nous devrions essayer d'aller plus loin en Afrique qu'ailleurs.
La question à laquelle vous n'avez pas répondu est celle qui concerne les minéraux africains qui sont vendus ici et qui finissent par entretenir ou favoriser les conflits, comme dans la République démocratique du Congo. Le Canada devrait-il adopter un projet de loi exigeant que l'on connaisse la source des minéraux pour que cet argent ne finisse pas par financer des conflits en permettant aux gens d'acheter des armes?
À mon avis, le gouvernement actuel a bien agi lorsqu'il a pris la décision au sujet de l'étiquetage. Voilà un exemple.
Deepak ne m'écoute pas.
Monsieur Ohbrai, je suis en train de dire du bien de vous, mais vous ne m'écoutez pas.
Des voix: Oh, oh!
M. Deepak Ohbrai: Pouvez-vous répéter? Dites-le deux fois.
M. Lucien Bradet: La députée parlait de la source des métaux, et je répondais en disant que le gouvernement actuel a pris la bonne décision en prévoyant que la source des produits soient indiquée sur l'étiquette, pour que les citoyens soient au courant.
Pour ma part, je crois au commerce équitable. Je crois aussi aux pratiques équitables, et je pense qu'il convient de mieux renseigner la population à ce sujet. En même temps, des organismes comme le PAAC — soit le Partenariat africain contre la corruption — font un excellent travail, notamment en ce qui concerne le commerce des diamants.
Le seul gouvernement du monde qui travaille avec les ministères des Mines d'Afrique est le gouvernement canadien, par l'entremise du ministère des Ressources naturelles. Ce dernier aide l'Afrique à établir de bonnes règles. Nous sommes le seul pays à être accepté dans ce cercle.
Donc, on ne peut pas tout changer, mais nous prenons de très bonnes initiatives. La situation n'est pas parfaite, et nous devrions faire davantage, mais nos efforts vont dans le bon sens.
[Français]
Notre influence est toujours excellente.
[Traduction]
Notre influence est toujours bonne.
Pourrais-je poser une autre question? Au Congo, par exemple, dans un contexte de guerre, les femmes sont le plus souvent les victimes de violence; on se sert d'elles comme armes. Il y a un certain nombre de projets qui se déroulent dans ce pays, entre autres, un projet partiellement financé par le Canada qui vise à lutter contre la violence sexuelle. Est-ce le genre d'initiatives ou de projets positifs dont vous parlez et que nous devrions multiplier, notamment pour protéger les femmes?
Je vous en donne deux exemples.
Mme Ramazani du Congo était présente, et nous parlions la semaine passée de la violence faite aux femmes. J'ai été dans la République démocratique du Congo, et j'ai pu constater à quel point la situation est difficile. Mais, il y a un certain nombre de compagnies du même secteur qui y sont présentes et qui essaient de prendre des initiatives positives — mais, le Canada devrait faire plus.
Je vous donne un exemple qui concerne le Congo, et c'est un excellent exemple. Il y a une compagnie biopharmaceutique de Montréal qui a mis sur pied un programme visant à apprendre aux Congolais à planter des herbes médicinales et à explorer leurs possibilités. Cette compagnie, avec le concours des Jésuites du Congo, a réussi à créer une nouvelle industrie dont la valeur est extrêmement élevée.
Une voix: Il s'agit de médecine biologique?
M. Lucien Bradet: C'est exact.
Voilà le genre de projet qui peut être la population. Qui est le plus important bailleur d'activités de ce genre? C'est Lundin Mining de Vancouver.
Donc, les ramifications de nos activités sont visibles partout. Mais, sans l'appui de l'ACDI, bon nombre de ces projets ne verraient jamais le jour.
Très bien; merci beaucoup. Notre temps est écoulé.
J'aimerais vous remercier de votre présence devant le comité aujourd'hui. Dans un autre ordre d'idées, je vous encourage également à examiner le projet de loi C-300, qui est également examiné par le comité.
Non, car notre temps est malheureusement écoulé.
Mais, j'ai noté que les compagnies qui sont membres de votre Conseil ont toutes communiqué avec nous au sujet de ce projet de loi, si bien que votre position sur la question nous est connue, me semble-t-il.
Monsieur le président, si nous adoptons une telle orientation, ce sera un quatrième secteur où nous allons nuire à l'Afrique, car nous ferions obstacle à beaucoup de bons investissements qui sont bien intentionnés et qui peuvent déboucher sur des mesures positives.
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