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Merci beaucoup, monsieur Sorenson, et bonjour à tous les membres du comité.
C'est un plaisir de témoigner une fois de plus devant vous. Je suis particulièrement heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de nos préoccupations et recommandations sur un sujet qu'Amnistie Internationale suit de très près depuis bon nombre d'années. Au fil des années, il y a eu un nombre croissant d'affaires très médiatisées qui ont montré clairement qu'à bien des égards, les Canadiens qui sont emprisonnés dans des pays étrangers subissent de sérieuses violations des droits de la personne.
Ces affaires ont également démontré que la responsabilité de ces violations est attribuable non seulement au pays où la personne en cause est détenue, mais aussi, bien souvent, à la complicité ou à la négligence des fonctionnaires canadiens ou à l'intervention directe de fonctionnaires de pays tiers. Certaines affaires ont été très complexes à cet égard. Elles s'inscrivent dans des contextes très divers, notamment des enquêtes de sécurité nationale, des accusations criminelles, des conflits commerciaux et des allégations de fraude en matière de passeport.
Les droits de la personne sont une affaire sérieuse et les violations subies par un nombre croissant de Canadiens ont été sévères: torture, mauvais traitements, arrestation arbitraire, discrimination, emprisonnement illégal, possibilité de peine de mort, refus des droits consulaires, accès à un avocat, contact avec des membres de la famille, et autres violations. L'éventail des pays en cause est également considérable: Syrie, Bulgarie, Égypte, Arabie saoudite, Éthiopie, Jordanie, Chine, Iran, États-Unis, Kenya, Soudan et autres.
Beaucoup de Canadiens qui se sont retrouvés dans de telles situations ont fini par être libérés, dans certains cas après de longues années, et ont pu retourner au Canada. Souvent, ce dénouement est arrivé seulement après des pressions du public et une attention médiatique considérable et soutenue.
Certaines de ces affaires ont été examinées de manière approfondie, notamment par deux enquêtes judiciaires très médiatisées, dans le cadre de diverses instances qui sont en cours devant les tribunaux au Canada et à l'étranger, des enquêtes journalistiques parfois très fouillées, des documentaires et maintenant un certain nombre de livres.
Les noms et les histoires tragiques sont devenus malheureusement trop connus des Canadiens: Maher Arar, Abdullah Almalki, Ahmad El Maati, Maziar Bahari, William Sampson, Abousfian Abdelrazik, Arwad Al-Boushi, Kunlun Zhang, Michael Kapustin, Suaad Mohamud, et d'autres.
Il y a aussi ceux qui ne sont jamais rentrés. Je rappelle la mort tragique de la photojournaliste irano-canadienne Zahra Kazemi, morte en Iran en 2003 après avoir été brutalement torturée et violée dans la tristement célèbre prison d'Evin.
D'autres Canadiens croupissent encore à l'étranger dans des prisons où ils subissent continuellement de graves violations des droits de la personne et semblent actuellement avoir peu d'espoir d'être libérés. Je tiens absolument à rappeler aujourd'hui au comité les cas de Huseyin Celil, condamné à la prison à vie en Chine; Bashir Makhtal, condamné à la prison à vie en Éthiopie; Mohamed et Sultan Kohail, qui sont menacés d'être exécutés en Arabie saoudite; et Omar Khadr, qui demeure dans les limbes juridiques et dont la situation injuste ne semble pas avoir de fin à Guantanamo Bay. Tous ont connu la torture ou de mauvais traitements, tous ont subi des procès profondément injustes et tous ont dénoncé l'insuffisance des efforts du gouvernement canadien pour défendre leurs droits.
Ce qui est devenu parfaitement clair depuis maintenant de nombreuses années, c'est que les lois, politiques et arrangements institutionnels canadiens ne protègent pas adéquatement les droits des Canadiens qui se retrouvent dans de telles situations.
Je voudrais passer en revue rapidement trois domaines clés dans lesquels des changements s'imposent, selon Amnistie Internationale: la complicité avant la détention, une protection valable pendant la détention, et l'accès à la justice après la détention.
Je vais commencer par vous exposer mes préoccupations au sujet de la complicité avant la détention. Il y a eu récemment des révélations fréquentes et très troublantes sur la manière dont les interventions des fonctionnaires canadiens, y compris la GRC, le SCRS et les Affaires étrangères, ont contribué directement aux violations des droits de la personne subies par des Canadiens dans d'autres pays. Ces craintes ont été confirmées par deux enquêtes judiciaires, diverses instances devant les tribunaux et des renseignements qui sont maintenant clairement du domaine public.
Il ne suffit pas de condamner la complicité ou d'exprimer ses regrets. Il faut mettre en place des changements juridiques et institutionnels pour nous prémunir contre une telle complicité à l'avenir.
L'une des propositions les plus importantes à cet égard est la recommandation faite par le juge Dennis O'Connor de mettre en place un modèle nouveau et complet pour garantir un examen et une supervision attentive des organismes canadiens qui sont en cause dans les affaires de sécurité nationale, domaine dans lequel les préoccupations en matière de complicité sont courantes.
Le juge O'Connor a proposé ce nouveau modèle dans un important rapport publié en décembre 2006 dans le cadre de l'enquête menée dans l'affaire Maher Arar. Mais près de trois ans plus tard, rien n'a été fait pour mettre en place le nouveau modèle et le gouvernement n'a pas encore indiqué quelles sont ses intentions à cet égard.
La première recommandation d'Amnistie Internationale est de mettre en place sans plus tarder ce modèle pour un examen approfondi de toutes les organisations en cause dans les activités en matière de sécurité nationale.
Le juge O'Connor a fait également une série de recommandations d'une vaste portée visant toutes à réduire au minimum la probabilité de complicité canadienne dans les violations des droits de la personne à l'encontre de Canadiens détenus à l'étranger et à renforcer la qualité de l'aide consulaire fournie aux Canadiens détenus. Trois ans plus tard, on n'a signalé publiquement aucun progrès ni donné le moindre détail quant à la mise en oeuvre de ces recommandations. Un rapport d'étape doit être rendu public de toute urgence.
Je passe maintenant à la deuxième phase: nos préoccupations quant à la protection fournie pendant la détention. Qu'il y ait eu ou non complicité canadienne dans les circonstances ayant mené à leur emprisonnement, les Canadiens détenus à l'étranger constatent souvent que les fonctionnaires canadiens sont incapables de leur offrir une protection valable une fois qu'ils sont détenus, ou ne sont pas désireux de le faire. Souvent, les fonctionnaires canadiens, pressés d'intervenir énergiquement dans une affaire, mettent dans la balance d'autres considérations de politique étrangère que le Canada peut avoir avec le pays en cause, y compris le commerce, les investissements et la coopération en matière de sécurité.
Dans certains cas, le fait que le Canadien en cause ait la double nationalité impose des contraintes aux efforts diplomatiques canadiens. Parfois, les fonctionnaires canadiens font des efforts considérables, mais en vain, parce que le gouvernement étranger accueille avec indifférence ou même hostilité les ouvertures canadiennes. Dans d'autres cas, les fonctionnaires tournent le dos, même s'il est clair qu'un effort minimal permettrait presque certainement d'obtenir des résultats. Beaucoup trop souvent, les fonctionnaires n'envisagent même pas de recourir à des stratégies novatrices comme de lancer un appel à d'autres gouvernements pour seconder les efforts du Canada ou de recourir davantage aux organes multilatéraux.
La responsabilité de superviser les efforts du gouvernement canadien au nom des Canadiens détenus à l'étranger incombe à la Division des services consulaires du ministère des Affaires étrangères. Ce n'est pas un organisme indépendant et il est donc susceptible d'être influencé par diverses considérations politiques qui peuvent à l'occasion limiter ou orienter ses efforts. Nous croyons que le temps est venu d'opérer une réforme de manière à établir clairement en droit canadien que l'aide consulaire est un droit, excluant ainsi toute possibilité que l'aide consulaire soit refusée ou réduite au minimum à cause d'autres considérations.
Nous recommandons donc, premièrement, que la loi canadienne soit modifiée de manière à établir que tous les citoyens du Canada qui sont emprisonnés ou qui subissent des violations des droits de la personne dans d'autres pays ont le droit de recevoir des services consulaires et la protection du gouvernement canadien.
Deuxièmement, nous recommandons de nommer un ombudsman expert ou de créer un bureau indépendant auquel pourraient s'adresser les Canadiens détenus ou menacés de violations des droits de la personne à l'étranger quand ils ne reçoivent pas suffisamment d'appui ou de protection du gouvernement canadien.
Enfin, qu'arrive-t-il après la détention? Même après que les Canadiens détenus à l'étranger aient été libérés et soient rentrés au Canada, les violations de leurs droits fondamentaux continuent souvent. Cela peut comprendre l'incapacité de demander et d'obtenir réparation pour les violations qu'ils ont subies. Le droit d'obtenir réparation pour de graves violations des droits de la personne comme la torture est en soi un droit reconnu internationalement. Pour les Canadiens qui ont subi de telles violations dans d'autres pays, cela veut dire qu'ils doivent pouvoir demander réparation et indemnisation au pays étranger en cause et, lorsqu'il y a complicité canadienne, aux autorités canadiennes également.
Dans la plupart des cas, à cause de la nature du système de justice dans le pays en question, la possibilité de s'adresser aux tribunaux étrangers pour obtenir réparation n'est qu'une illusion. On comprendra donc que les Canadiens doivent pouvoir recourir aux tribunaux canadiens pour obtenir réparation des gouvernements étrangers. Pourtant, le droit canadien rend cela impossible. La Loi canadienne sur l'immunité des États met les gouvernements étrangers à l'abri de poursuites judiciaires intentées devant les tribunaux canadiens, à moins que l'affaire ne mette en cause un conflit commercial. Cela est indéfendable. Les Canadiens devraient pouvoir poursuivre les gouvernements étrangers et non pas seulement pour bris de contrat; ils doivent aussi pouvoir exiger une indemnisation quand il y a eu une atteinte aussi grave que la torture.
Cette loi est contestée devant les tribunaux devant un certain nombre d'instances, mais il ne faudrait pas s'en remettre aux tribunaux. Le Parlement doit intervenir et faire en sorte que cette loi soit modifiée.
Il s'est également révélé très difficile d'obtenir que les fonctionnaires canadiens rendent des comptes pour le rôle qu'ils ont joué dans les violations des droits de la personne subies par certains Canadiens détenus à l'étranger. L'affaire Maher Arar est une heureuse exception parce qu'il a reçu une indemnisation et des excuses. D'autres doivent livrer une longue lutte devant les tribunaux dans un effort pour obtenir peut-être un jour une compensation quelconque. Nous devons également adopter une nouvelle approche à cet égard.
Je vais me limiter à cette triple recommandation et j'exhorte les membres du comité à y réfléchir très soigneusement dans le cours de leurs délibérations. Il faut agir avant la détention, durant la détention et après la détention pour mieux protéger les droits des Canadiens qui se retrouvent dans de telles situations.
Merci.
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Bonjour. Cela me fait grand plaisir d'avoir cette occasion de vous adresser la parole, aujourd'hui. Dans le temps qui m'est alloué, une dizaine ou une douzaine de minutes, je vais faire deux choses: parler tout d'abord de la Convention de La Haye sur l'enlèvement international d'enfants; ensuite, discuter de protection diplomatique en droit international et en droit interne canadien, avec l'idée contemporaine du devoir de protéger
a duty to protect, comme on le dit en anglais.
D'abord, parlons de la Convention de La Haye. Mardi dernier, un des témoins en a parlé adéquatement, surtout de son idée de base de statu quo et du rétablissement du statu quo par rapport aux enfants s'il y a enlèvement. Pour ma part, je veux faire trois courtes remarques, ce matin, au sujet de la Convention de La Haye.
Premièrement — c'est une question de droit international public général —, il y a ce qu'on appelle le principe de la réciprocité en ce qui concerne, de façon générale, les traités internationaux. Voici ce que cela signifie. En principe, le Canada étant partie prenante à la Convention de La Haye, nous sommes obligés à l'égard des autres parties prenantes à ce traité international. A contrario, le Canada n'est pas, à strictement parler, obligé de s'en tenir aux obligations de la Convention de La Haye par rapport aux pays qui ne sont pas parties prenantes à ce traité, dont plusieurs pays islamiques, y compris l'Arabie Saoudite.
À l'égard des pays non membres, le Canada peut vouloir respecter les obligations contenues dans la Convention de La Haye, de bonté de coeur ou sur la base d'un sentiment d'obligation erga omnes, comme le veut le jargon de droit international. Cependant, le Canada n'a pas à le faire et à insister sur la Convention de La Haye pour justifier une inaction dans un dossier impliquant des enfants à l'étranger. Disons-le simplement: cela sonne souvent comme une excuse d'apparence, un smoke screen, comme on le dit en anglais.
Cela m'amène à mon deuxième point concernant la Convention de La Haye, à savoir l'exception explicite au principe du statu quo contenu dans l'article 13 de la convention, qui se lit ainsi:
Nonobstant les dispositions de l’article précédent, [...] n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque [...]
b) [...] il existe un risque grave que le retour de l’enfant [le maintien du statu quo] ne l’expose à un danger physique ou psychique [...]
Cela veut dire essentiellement que le principe du statu quo n'est pas absolu. Pour les autorités canadiennes, dans un dossier impliquant des enfants à l'étranger, si l'on veut invoquer la Convention de La Haye de bonté de coeur, même si l'on n'a pas l'obligation de le faire, c'est correct, mais qu'on le fasse adéquatement, avec l'allusion au principe général du statu quo, mais aussi — c'est primordial, selon moi — avec référence à cette grosse exception de l'article 13 concernant les dangers pour l'enfant.
Cela m'amène à mon troisième point concernant la Convention de La Haye. Pour le dire le plus simplement possible, les traités en droit international, c'est comme les lois en droit interne, ça ne s'utilise pas, ça ne s'interprète pas dans un vacuum; on doit les utiliser en contexte. Pour nous, cela signifie que la Convention de La Haye doit être interprétée, si on choisit de le faire, en considérant la Convention internationale des droits de l'enfant —, le plus gros morceau en matière de protection des enfants sur le plan du droit international. Son principe phare, c'est l'idée du meilleur intérêt de l'enfant. Par conséquent, toutes les décisions touchant les enfants devraient être prises en ayant principalement en tête leur meilleur intérêt. Concrètement, je suggère que le principe de base de la Convention de La Haye sur le statu quo, c'est correct, mais il doit être compris et appliqué en s'assurant qu'il ira de pair avec l'idée du meilleur intérêt de l'enfant. Cela veut donc dire, à mon avis, l'exception de l'article 13 concernant les dangers pour l'enfant.
Cette question est à prendre avec le plus grand des sérieux. En effet, vous conviendrez avec moi qu'il en va du meilleur intérêt des enfants.
[Traduction]
Je me ferai évidemment un plaisir de revenir sur ces trois points pendant la discussion.
[Français]
La deuxième partie de ma présentation porte sur la protection diplomatique. D'entrée de jeu, je précise que la protection diplomatique est un concept de droit international public qui s'applique lorsqu'un État traite les dossiers de ses citoyens à l'étranger. En droit international, la protection diplomatique existe depuis longtemps. On dit qu'il a été articulé une première fois en 1924 dans le cadre de l'affaire Mavromatis.
Le droit international comporte-t-il un droit à la protection diplomatique? La réponse est oui. À qui ce droit appartient-il? À l'État, et non aux individus. Autrement dit, c'est la position traditionnelle en droit international. Les nationaux d'un État n'ont pas droit à une protection diplomatique exécutable devant une instance judiciaire internationale. Par contre, si ça n'existe pas en droit international, est-ce à dire qu'un citoyen canadien pourrait quand même invoquer le droit à la protection diplomatique? C'est là où les choses se compliquent un peu. La réponse est oui, en vertu du droit interne de l'État souverain, en l'occurrence en vertu du droit interne canadien.
Voici comment, dans le cadre de l'affaire Barcelona Traction, la Cour internationale de Justice expliquait la situation:
[Traduction]
Le législateur national peut imposer à l'État l'obligation de protéger ses citoyens à l'étranger. Il peut également accorder aux citoyens le droit d'exiger que cette obligation soit respectée et assortir ce droit de sanctions.
[Français]
Autrement dit, un national qui provient d'un État souverain peut revendiquer un droit à la protection diplomatique devant un tribunal national, non pas en vertu du droit international mais en vertu du droit interne. Dans notre cas, c'est en vertu du droit canadien et de la Charte canadienne des droits et libertés.
En matière de droit national au Canada, comme nous vous l'avons expliqué mardi dernier, la protection diplomatique et les questions de relations internationales en général relèvent des prérogatives royales de la Couronne. Le gouvernement a généralement une marge de manoeuvre entière en la matière. Peut-on dire que les citoyens canadiens ont néanmoins un droit à la protection diplomatique? Autrefois, peut-être pas, mais de nos jours, certainement. C'est la position que je défends et que d'autres défendent également, en raison de la Charte canadienne des droits et libertés et à la lumière des décisions judiciaires récentes, notamment dans les affaires Abdelrazik, Ronald Smith et Omar Khadr. Le Canada n'est pas le seul à défendre cette position. L'Allemagne et, plus récemment, l'Afrique du Sud reconnaissent un droit national à la protection diplomatique.
Le Canada — et ce sera certainement confirmé par la Cour suprême du Canada dans la deuxième phase de l'affaire Khadr — a le devoir, rien de moins, de protéger ses citoyens à l'étranger, donc d'octroyer la protection diplomatique. Il faut évidemment que les conditions aient été remplies, notamment celle d'avoir épuisé l'ensemble des recours locaux. Ce devoir de protéger serait fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés. Dans ces conditions, le gouvernement n'a plus carte blanche, dans le cadre de ces dossiers. Il doit respecter des obligations minimales de protection à l'égard de ses citoyens à l'étranger.
Contrairement à mon collègue de l'Université d'Ottawa, Amir Attaran, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'adopter une nouvelle loi sur la protection des Canadiens à l'étranger. Comme on l'a confirmé ce matin, c'est également la position défendue par Amnistie Internationale. On pourrait le faire, mais ce n'est pas nécessaire. Pourquoi? Parce qu'on a la Charte canadienne des droits et libertés, une loi qui se situe au-dessus des autres lois et qui dicte déjà un devoir de protéger. Il s'agit de l'articuler. La Cour suprême va certainement nous aider à préciser ce devoir de protéger les citoyens canadiens à l'étranger dont la vie, la sécurité ou la liberté sont en péril. Ces termes calquent évidemment l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Ce devoir de protection diplomatique est-il une obligation de moyens ou de résultat? Compte tenu du fondement juridique, soit la Charte canadienne des droits et libertés, nous sommes plusieurs à penser que le devoir de protéger constitue aujourd'hui une obligation de résultat. C'est davantage que faire son possible: il faut plutôt obtenir le recours approprié dans les circonstances. Le résultat est souvent relativement simple. Il s'agit à tout le moins de faire la demande et de déployer tous les efforts possibles pour obtenir le rapatriement du citoyen canadien aux prises avec des problèmes à l'étranger.
Je tiens à clarifier ceci: je ne prétends pas que la Charte canadienne, en tant que fondement du droit des Canadiens à la protection diplomatique, est applicable en territoire étranger. Elle peut l'être, mais dans des circonstances exceptionnelles. Il n'y a pas de doute que la Charte canadienne s'applique en territoire canadien. Les décisions du gouvernement fédéral concernant les dossiers relatifs au traitement des citoyens canadiens à l'étranger se prennent au Canada, à Ottawa. Selon ce raisonnement, absolument rien ne justifie que le gouvernement ne soit pas assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés dans le cadre de ces décisions. À mon avis, ce n'est donc pas une question d'application extraterritoriale de la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci s'applique au Canada aux gens qui prennent des décisions concernant la protection diplomatique au Canada.
Finalement, quand je suggère qu'il y a un devoir de protection des citoyens canadiens à l'étranger en vertu de la Charte canadienne, que cela dicte les moyens à prendre afin de voir au bien-être de nos citoyens et qu'il y a une obligation de résultats, il n'y a pas de conflit quelconque avec le droit étranger. C'est essentiellement une question de droit national qui relève de notre gouvernement fédéral, c'est-à-dire des décisions et des mesures prises par les autorités canadiennes en vertu du droit canadien et non en vertu du droit étranger.
Permettez-moi donc de terminer sur ce point. Sans détour, je dirai qu'à mon avis, invoquer le droit étranger pour justifier l'inaction et les actions insuffisantes des autorités canadiennes dans des dossiers de protection diplomatique relève trop souvent du prétexte. Il s'agit d'une mesure dilatoire, dirait-on en droit, et il faut la dénoncer pour ce qu'elle est.
Je vous remercie de votre attention. Je pourrai évidemment répondre à toutes vos questions lors de la discussion.
Merci.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.
À mon avis, tous les Canadiens sont vivement préoccupés par toute la question de savoir comment nous pouvons améliorer les services consulaires offerts aux Canadiens à l'étranger. Aujourd'hui, j'entends proposer certaines mesures simples et pratiques qui pourraient s'avérer utiles pour éviter des problèmes à l'avenir et pour résoudre les problèmes actuels rapidement ou efficacement.
Bien que ces mesures puissent être intégrées dans la loi et protégées par une mesure législative — ce qui serait utile, à mon avis —, leur mise en oeuvre peut se faire dans le cadre de la politique gouvernementale. Par conséquent, dans un sens, je suis d'accord avec le professeur Beaulac: on peut faire beaucoup en l'absence d'une mesure législative. On peut faire beaucoup dans l'immédiat. Au bout du compte, notre action reflète notre volonté d'améliorer les choses, et nous devrions tous collaborer ensemble pour y arriver.
La première chose que nous devons faire est de confier clairement à un ministère la responsabilité de traiter avec les Canadiens ou les Canadiens présumés qui sont à l'étranger. Un seul ministère devrait être chargé de faire respecter les droits découlant de la Charte, qui englobent le droit de tout citoyen canadien d'entrer au Canada, en vertu du paragraphe 6(1); le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale, en vertu de l'article 7; et le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
Le ministère des Affaires étrangères, qui chapeaute Passeport Canada, est aussi habilité à fournir des assurances diplomatiques aux gouvernements étrangers, ce qui est souvent nécessaire pour assurer ou négocier un procès juste, une remise en liberté ou des garanties d'évacuation d'un pays. Le ministère des Affaires étrangères devrait assumer tous les efforts pour aider les Canadiens à l'étranger. Il devrait être la première autorité, et avoir préséance sur le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et le ministère de la Sécurité publique.
En pratique, ni l'un ni l'autre de ces deux derniers ministères collabore ensemble dans des dossiers et ni l'un ni l'autre n'a clairement pour mandat d'assurer le respect des droits positifs des citoyens. Plus spécifiquement, le mandat du ministère de la Sécurité publique est essentiellement de déceler les irrégularités ou les abus mais non de prêter assistance aux personnes qui se retrouvent dans des situations difficiles. Par conséquent, il faut qu'il y ait un ministère unique qui est le chef de file, le répondant ultime, celui qui assume la responsabilité du dossier, pour s'assurer que l'on s'attache à déterminer s'il y a moyen de résoudre le problème de la personne.
Le caractère sacré des assurances diplomatiques est très important. Il faut protéger les assurances diplomatiques de tout commentaire négatif dans les différends concernant un citoyen. Lorsque des Canadiens auront besoin d'aide consulaire à l'avenir, leur situation sera compromise si des commentaires publics laissent entendre que des assurances diplomatiques fournies dans le passé afin d'obtenir l'évacuation de Canadiens étaient fausses ou douteuses.
Lorsque le ministère des Affaires étrangères donne une assurance à un gouvernement étranger — par exemple, qu'il a la preuve que la personne en question n'est pas coupable d'une infraction en vertu de la loi du pays, ou qu'il est convaincu que cette personne est un citoyen et devrait être évacuée, il importe que l'on considère impossible de bafouer cette assurance fournie par le Canada. Même si l'on pouvait la bafouer ou la pervertir dans le contexte privilégié d'une discussion ou d'une poursuite en justice, la sécurité future de citoyens canadiens s'en trouve compromise. En effet, pourquoi les gouvernements croiraient-ils le Canada si, après avoir fourni des assurances, on les remet en question ultérieurement?
Il est impératif d'intégrer tôt dans le processus une perspective et une défense des droits indépendante. La pensée groupale s'installe lorsque les fonctionnaires ont une perception négative de quelqu'un. Cela peut survenir pour de multiples raisons étant donné que le mandat des fonctionnaires est essentiellement de déceler les abus ou ce peut être tout simplement qu'une fois qu'on a évoqué la possibilité que la personne en question soit suspecte, les gens craignent de déroger du groupe et de prendre le risque de défendre cette personne.
Cela ne vaut pas uniquement pour la bureaucratie, mais aussi pour le milieu politique et les médias. En tant que députés, si vous prenez fait et cause pour quelqu'un qui s'avère au bout du compte sujet à caution, cela risque de compromettre votre propre carrière politique.
Même au sein des médias, bien des gens sont convaincus qu'ils ne devraient pas se porter à la défense de quelqu'un ou parler de son cas. Ils pensent que s'ils connaissaient le fin fond de l'histoire, ils pourraient découvrir que cette personne est terriblement suspecte.
Une fois que la pensée groupale s'est installée, même les gens très compétents au sein d'un ministère, bien au fait des dossiers, se sentent intimidés et hésitent à proposer de bonnes idées. Par exemple, un professeur de droit a suggéré très tôt dans l'affaire Mohamud de lui faire passer un test d'ADN, ce que l'on a refusé, qualifiant sa suggestion de coûteuse et d'inutile. Lorsque l'on est dans un groupe et qu'une perception répandue ou une décision doit être justifiée, il est difficile de se démarquer du groupe et d'être la personne qui veut savoir pourquoi on ne peut pas emprunter une autre voie.
Par conséquent, dans un contexte de groupe, le bon sens ne s'impose pas rapidement. Je propose de créer un bureau de défense des citoyens qui pourrait être indépendant du groupe. Il pourrait proposer des droits et des mesures positives et défendre courageusement la personne concernée. Le bureau pourrait être installé à Ottawa. Dans les grandes villes, des avocats seraient en mesure de faire la liaison avec les familles ou les collectivités. Ce bureau aurait accès à une information privilégiée, tout comme le bureau de l'avocat spécial dans le cas des certificats de sécurité. Il est possible que l'avocat allie indépendance et accès.
L'un des problèmes qui se posent dans le contexte du travail de l'avocat spécial, c'est que les gens doivent se rendre dans ce que l'on appelle de façon peu flatteuse « le bunker », un bureau fermé à Ottawa, pour prendre connaissance des renseignements privilégiés. À l'ère de l'électronique, il n'y a pas vraiment de raison qui justifie que l'information ne soit pas aussi accessible dans des bureaux à l'extérieur d'Ottawa. Je propose de créer une plaque tournante à Ottawa dotée de responsables de l'accueil où les fonctionnaires d'un gouvernement étranger, du gouvernement du Canada, ou des personnes tout simplement préoccupées par le sort de quelqu'un, pourraient appeler et signaler un problème à résoudre. Des conseillers à l'accueil subalternes pourraient souvent résoudre les problèmes à l'interne. Ce pourrait en fait être un mélange d'action indépendante et à l'interne. Il y a énormément de problèmes que l'on pourrait résoudre rapidement et à peu de frais avant qu'ils ne prennent des proportions démesurées. Et c'est mieux pour tout le monde. Cela dit, lorsque l'on ne peut résoudre une question facilement, il peut s'avérer nécessaire de s'adresser à d'autres instances. Il peut même être nécessaire de s'adresser à la Cour fédérale en tant que voie de recours, ou à des instances étrangères ou internationales.
L'intervention commencerait immédiatement, indépendamment que l'on choisisse d'agir ou non. Elle se fonderait sur la nécessité. Le bureau d'accueil devrait être ouvert 24 heures sur 24. À l'heure actuelle, le ministère des Affaires étrangères est en mesure d'accepter les appels à Ottawa en tout temps. Dans l'affaire Mohamud, c'est ce qui est arrivé. Mais le hic, c'est que si les gens qui prennent les appels au consulat font état d'un doute ou de problèmes, le superviseur accepte immédiatement la parole de son subordonné. Par conséquent, on n'évite pas l'écueil de la pensée groupale.
Pour ce qui est de l'accessibilité à la Cour fédérale, il devrait être possible d'obtenir rapidement des brefs de mandamus et des recours d'urgence. C'est à cette étape qu'une modification législative serait nécessaire, mais la cour devrait pouvoir délivrer des ordonnances d'habeas corpus, ce qu'elle n'a pas le droit de faire présentement.
L'une des raisons pour lesquelles la Cour fédérale doit être partie prenante du processus ou être accessible à un avocat, c'est que c'est l'instance qui peut fournir des recours. C'est aussi l'endroit où l'on peut prendre connaissance de renseignements privilégiés. Il appartient au juge en chef de la Cour fédérale de désigner un juge qui décidera si les documents pertinents sont protégés. Il devrait aussi y avoir une procédure rapide pour acheminer sans délai à la cour tous les dossiers concernant une personne pour que celle-ci puisse les examiner et décider ce qui devrait et ne devrait pas être protégé. À l'heure actuelle, il faut attendre très longtemps avant d'avoir accès à quoi que ce soit.
En résumé, je propose, premièrement, que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international assume clairement un rôle de premier plan; deuxièmement, que le caractère sacro-saint des assurances diplomatiques obtienne davantage de respect au Canada; et, troisièmement, que l'on mette sur pied un bureau de défense des droits des citoyens.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je vous remercie, ainsi que les membres du comité, de cette invitation qui me donne l'occasion de partager avec vous ma réflexion au sujet de mon expérience concernant la détention ou l'incarcération de Canadiens à l'étranger. J'ai représenté quelques Canadiens à l'étranger, certains bien connus et d'autres moins, et j'ai vécu des expériences similaires dans tous ces cas.
Dans mon exposé, j'essaierai de ne pas répéter certains des excellents arguments avancés par d'autres témoins, et j'aborderai deux ou trois points au sujet desquels j'exprimerai un léger désaccord.
Imaginez que votre bureau reçoit un appel d'une mère affolée qui dit que son fils travaille pour une compagnie à l'étranger. Il vient de lui apprendre par un coup de téléphone d'une trentaine de secondes qu'il a été arrêté dans ce pays étranger, et elle ne sait pas quoi faire. Elle a appelé le ministère des Affaires étrangères et on lui a dit qu'on l'informerait dès que possible. Ce coup de téléphone a eu lieu il y a six heures, et elle est extrêmement inquiète. Le pays en question n'a pas une très bonne réputation pour ce qui est du respect des droits de la personne. Il souffre de troubles de santé, et elle n'est pas certaine qu'il ait accès à ses médicaments. Elle veut savoir ce que nous pouvons faire.
Pour certains d'entre vous, cela n'est peut-être pas un cas fictif. Le genre de problèmes que l'on soumet à vos bureaux ont souvent trait à la législation fédérale, à l'assurance-chômage, au RPC, et ainsi de suite. Je suis sûr que vous avez tous d'excellents assistants qui savent quoi faire en pareils cas. Ils savent comment aider vos commettants.
Cependant, dans un cas comme celui-là, que font-ils? Je suis sûr que vous seriez tous décontenancés. Vous vous demanderiez qui vous connaissez. Peut-être certains d'entre vous ont-ils la chance de connaître M. Cannon personnellement et de pouvoir lui passer un coup de fil. Peut-être connaissez-vous aussi le directeur général des affaires consulaires et vous pouvez alors lui téléphoner. Il n'y a absolument rien de mal à cela. Malheureusement, l'incertitude et l'arbitraire règnent en ce qui concerne les droits des Canadiens à une protection ou à l'aide consulaire lorsqu'ils sont détenus à l'étranger. Tout est ponctuel. Tout est très arbitraire et, dans le pire des scénarios, il existe une perception de discrimination.
Cela tient, semble-t-il, au fait qu'il n'existe pas de lois, de lignes directrices ou de normes spécifiques régissant les droits des Canadiens à l'étranger. Je sais que les Affaires étrangères ont un manuel à ce sujet, et que celui-ci a sans doute été remis à votre comité. Ses directives ne sont pas toujours appliquées à la lettre, et il ne semble pas y avoir de mécanisme de surveillance ou de reddition de comptes pour en assurer la conformité.
Pour en revenir à mon exemple fictif, vous essayez d'aider cette mère, votre commettante. Elle vous rappelle le lendemain pour vous dire qu'après avoir parlé à quelqu'un au ministère des Affaires étrangères, on y est au courant de la situation. On a obtenu auprès du gouvernement étranger la confirmation que son fils est en prison, mais on ne peut lui en dire plus en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les fonctionnaires refusent de divulguer toute information au motif que cela violerait la confidentialité des renseignements personnels concernant son fils.
Encore une fois, il ne s'agit pas d'un cas fictif; c'est l'expérience d'une cliente. Les fonctionnaires des Affaires étrangères ont déclaré qu'ils ne pouvaient rien lui dire parce que cela reviendrait à lui communiquer des renseignements personnels sur son fils. Je peux vous dire d'entrée de jeu qu'à mon avis, ce n'est qu'une façon d'esquiver la responsabilité de faire quelque chose. Étant donné qu'il n'existe aucune autre loi ou mécanisme de surveillance, ces familles sont laissées à elles-mêmes.
La prochaine question est de savoir quels devraient être ces droits. Le droit à la protection est un principe formidable, mais si l'on regarde la façon dont il est appliqué en droit canadien, ce n'est simplement qu'un principe. Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai entendu des avocats du ministère de la Justice me dire, et dire aux tribunaux qu'il existe effectivement un droit. Le Canada a le droit d'intervenir pour venir en aide aux Canadiens incarcérés à l'étranger, mais il n'existe pas de devoir exécutoire. Cela signifie que l'action gouvernementale est discrétionnaire, et qu'elle n'est soumise à aucune norme. C'est ainsi qu'on se retrouve avec des réponses arbitraires et ponctuelles dans les cas où des Canadiens sont jetés en prison à l'étranger et qu'ils risquent d'être victimes de sérieuses violations des droits de la personne.
Dans son exposé, le professeur Beaulac a laissé entendre que la Charte peut protéger les Canadiens dans de telles situations. Tout ce que je peux dire aux membres du comité, c'est que j'aimerais bien que ce soit le cas. J'ai représenté un client, Abousfian Abdelrazik, et, dans son cas, nous avons réussi à invoquer la Charte pour obtenir gain de cause, mais c'était sur une question très pointue concernant la possibilité de faciliter son retour au Canada. Le droit d'entrer au Canada est exprimé très clairement dans la Charte. Mais pour ce qui est de protéger les Canadiens qui sont en prison à l'étranger et de les soustraire à la menace d'atteinte aux droits humains fondamentaux, je peux vous dire que la position du gouvernement du Canada est que la Charte ne s'applique pas en pareilles situations, du moins à l'heure actuelle.
Il faut donc qu'il y ait autre chose. Il faut qu'il y ait une codification quelconque, sous forme de loi ou de règlement, qui exige des fonctionnaires du gouvernement canadien qu'ils prennent des mesures spécifiques. Je trouve très bonne la suggestion de faire appel à un avocat ou à un protecteur du citoyen qui aurait accès à des renseignements confidentiels. Cela serait très utile.
Il y a un autre point que je voudrais soulever au cours du bref laps de temps qui m'est alloué. Il porte sur ce que j'ai vu dans certains cas: la fonction consulaire est parfois influencée ou supplantée par les préoccupations ou les priorités d'autres ministères ou organismes gouvernementaux. C'est une préoccupation qu'a exprimée le juge O'Connor dans le cadre de l'enquête sur l'affaire Arar. J'ai pu moi-même constater cela dans un de mes cas. Les agents consulaires ont parfois été induits en erreur ou influencés par d'autres organismes gouvernementaux, ce qui les a amenés à ne pas intervenir.
Monsieur le président, je sais que vous nous avez conseillés de ne pas nous attarder trop longuement à des cas spécifiques, mais je ferai référence au cas d'un de mes clients pour illustrer ce que je veux dire. Quand Abousfian Abdelrazik a été arrêté par la police secrète soudanaise en septembre 2003, les membres de sa famille l'ont su. Convaincus qu'il avait été arrêté, ils ont communiqué avec les Affaires étrangères. Les agents consulaires leur ont dit qu'ils n'avaient pas obtenu de leurs homologues soudanais la confirmation qu'il avait été arrêté. Ils ont continué à dire à sa famille, au Canada, où résidaient sa femme et ses enfants, et au Soudan, qu'ils n'avaient aucune information. Pendant que les agents consulaires des Affaires étrangères disaient cela à sa famille, des documents montrent que précisément au même moment, une autre direction des Affaires étrangères appelée ISI, ou Direction de la sécurité et du renseignement qui traite avec le SCRS... ISI et le SCRS étaient en communication constante et le SCRS avait avisé ISI, le jour de l'arrestation de M. Abdelzarik, qu'ils étaient au courant qu'il avait été incarcéré et ils étaient en communication constante. En fait, M. Abdelrazik a été interrogé au Soudan par des agents du SCRS pendant qu'en même temps, en octobre 2003, des agents consulaires affirmaient à sa famille que le gouvernement du Canada ne savait absolument pas où il se trouvait.
À mon avis, monsieur le président et membres du comité, cela est tout à fait inacceptable. Je pense que nous pouvons tous en convenir, mais la question est de savoir quelles lois peuvent empêcher qu'une pareille chose se produise. De toute évidence, ces fonctionnaires estimaient que rien ne les empêchait d'agir ainsi. Il faut que des lois encadrent ces agents du gouvernement afin qu'ils sachent que telle ou telle chose est acceptable ou que telle ou telle autre ne l'est pas, des lois qui assurent la protection des Canadiens.
Autre point fondamental, tous les Canadiens ont le droit d'être protégés contre les mauvais traitements et les violations des droits humains fondamentaux. On ne parle pas de Canadiens qui sont arrêtés dans le cadre de poursuites judiciaires normales où les fonctionnaires canadiens sont appelés à examiner une situation. Par exemple, lorsqu'une personne est interpellée pour possession de drogue. De toute évidence, les fonctionnaires canadiens vont surveiller cela. Mais je parle des situations plus exceptionnelles où un Canadien est emprisonné dans un pays qui, pour de multiples raisons, n'a pas la capacité institutionnelle nécessaire pour avoir un système de justice qui fonctionne adéquatement et où le non-respect des droits de la personne est monnaie courante. Que ce soit simplement parce que le pays ne peut y faire échec ou, dans d'autres cas, comme l'Iran et aussi la Syrie, parce que les violations des droits humains fondamentaux sont utilisées systématiquement par l'État.
En pareils cas, le gouvernement du Canada doit intervenir avec fermeté, et le niveau d'intervention doit être proportionnel à la menace qui plane sur le citoyen canadien. Si le cas exige une intervention au niveau ministériel, si, d'après l'évaluation des agents consulaires sur le terrain, un Canadien risque peut-être, ou risque sérieusement d'être torturé, il devrait exister des protocoles, sinon des lois, qui obligent le ministre à intervenir.
Nous connaissons tous l'affaire Arar. Il a fallu un certain temps avant que le ministre des Affaires étrangères finisse par intervenir. Encore là, c'était une situation ponctuelle où, à cause des pressions exercées par l'opinion publique, il a décidé d'agir.
Dans le cas de M. Abdelrazik, encore une fois pour étayer mon argument et non pour m'étendre sur ce cas — j'entends respecter mon temps de parole —, nous savions aussi... J'ai interrogé le chef de la mission, qui m'a dit qu'au cours de la seconde période de détention de M. Abdelrazik, en 2004 et 2005, les fonctionnaires soudanais ont complètement interrompu toute visite. Pendant six mois, personne n'a pu lui rendre visite, ni les agents consulaires, ni les membres de sa famille. Le chef de la mission m'a dit qu'il croyait à l'époque que M. Abdelrazik était sans doute torturé. Il a déclaré sous serment que c'est ce qu'il croyait, mais la question est la suivante: qu'a-t-il fait à ce sujet? Il ne pouvait rien faire d'autre.
Voilà certaines considérations que je voulais soumettre au comité, certaines suggestions. À l'évidence, je ne les ai pas présentées de façon aussi systématique que M. Neve et M. Beaulac, mais je pense que c'est une question qui préoccupe de nombreux Canadiens. J'espère que le comité prend très au sérieux ces préoccupations et qu'il fera des recommandations au gouvernement.
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Merci beaucoup à vous quatre.
Je n'en parlerai pas longtemps, mais mon bureau et moi-même nous occupons du cas d'une femme. Dans certains pays en particulier, le fait d'être une femme transforme tout ce que vous avez dit, parce qu'elle doit composer avec des conditions négatives supplémentaires. On a consacré beaucoup de temps à ce cas. Même quand on est député et qu'on a un adjoint ou une adjointe qui s'occupe d'un cas, ce n'est pas facile. Mon adjointe s'est même fait dire qu'elle devait cesser d'appeler à l'ambassade dans un pays donné et que je devais cesser d'appeler l'ambassadeur. Heureusement qu'on ne me l'a pas dit directement.
On ne l'a pas soulevé, mais les ambassades, quand on les visite autrement que pour parler des détenus, ont des responsabilités importantes dans les rapports économiques avec le pays où elles sont implantées. Les mêmes personnes dont on aurait besoin pour défendre des personnes détenues par rapport aux locaux se trouvent dans une sorte de conflit d'intérêts et peuvent craindre de ne pas bien défendre les intérêts.
Je voudrais parler à M. Beaulac. J'ai trouvé son intervention extrêmement claire et encourageante. Elle s'appuie sur le devoir de protéger en fonction de la législation récente. Or il me semble que même si tout est prévu dans la Charte pour qu'un parti dise qu'il en fait son guide d'action dans les rapports entre lui-même, ses citoyens et l'étranger, on n'est pas rendu là. Je voudrais qu'on y soit, mais pour l'instant, ce n'est pas le cas. Il faut rappeler que, jusqu'à ce que les personnes aient obtenu ces jugements, elles n'étaient pas du tout traitées de la sorte.
Je ne dis pas que les gens qui travaillent pour le gouvernement et dans les ambassades n'ont pas de bonnes intentions. J'en connais plusieurs, mais je conviens que c'est difficile.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Comment finira-t-on par changer les choses? Même si une loi était créée, cela reviendrait au même parce qu'elle devrait être adoptée.
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Monsieur le président, je ne serai pas long. Je veux aussi m'assurer de laisser du temps pour d'autres travaux du comité.
Après avoir entendu nos interventions d'aujourd'hui, après ce que nous avons entendu cet été, après ce que nous avons entendu tout récemment, après des recommandations royales, des livres qui ont été écrits, etc., je pense que le temps est venu pour notre gouvernement de passer à l'action.
Je tiens à dire cela directement aux députés ministériels. Je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit au gouvernement aujourd'hui, ou en tout cas parmi les députés ministériels qui sont membres de notre comité, qui verrait dans cette motion un jugement de ma part à leur égard, à l'égard du gouvernement. J'ai dit sans relâche à notre comité qu'il faut faire quelque chose dans ce dossier, et sans préjudice. Certaines affaires dont nous nous sommes occupés, certaines affaires qui ont fait les manchettes dans les médias, certaines affaires qui ont été étudiées, qui ont fait l'objet de rapports, remontent aux gouvernements précédents. J'implore donc les membres du comité de le reconnaître. Ce n'est pas nous, personnellement, qui sommes en cause. Cela ne nous met pas en cause en tant qu'agents politiques, sinon que cela nous donne l'occasion, à titre de députés au Parlement, de faire quelque chose. L'esprit de cette motion est de faire en sorte que nous puissions répondre aux perceptions des gens selon lesquelles il y a préjudice et que nous pouvons y faire quelque chose.
Je pense que ce que nous avons entendu aujourd'hui nous donne matière à réflexion quant à la manière dont nous pouvons appuyer les Canadiens à l'étranger. Cette motion est donc présentée dans l'intention — et j'implore les députés ministériels de bien comprendre cela — de faire un pas en avant; il ne s'agit nullement de marquer des points politiques.
J'entends M. Obhrai glousser. Je lui en ai parlé personnellement, je lui ai dit qu'il était nécessaire de faire des changements pour que nous puissions aider les Canadiens à l'étranger, pour que notre gouvernement ne soit pas placé dans cette situation fâcheuse. Et, compte tenu des scénarios que nous avons vu se dérouler sous nos yeux et des problèmes structurels qui existent, il faut faire quelque chose. Voilà ce que l'on tente de faire avec cette motion, qui se veut positive. C'est une motion de proposition; ce n'est pas une motion d'opposition, dans le sens que l'on tenterait de coincer quelqu'un, d'essayer de mal les faire paraître. Il n'y a rien d'autre dans cette motion qu'une proposition positive visant à faire quelque chose dans ce dossier, pour que nous n'ayons plus à entendre des gens qui viennent dire devant notre comité que l'on a des problèmes à obtenir des services; que notre gouvernement ne nous vient pas en aide.
Tel est donc l'esprit de cette motion. Je compte sur votre appui à tous et je pense que notre comité serait bien servi si une telle motion avait l'appui de tous les députés.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, je pense qu'il est vraiment important de consigner au compte rendu certains faits avant de discuter de cette motion.
Il est important de signaler qu'en 2008, les Canadiens ont fait plus de 53 millions de voyages à l'étranger. Pour un pays de 33 millions d'habitants, 53 millions de voyages à l'étranger, cela vous donne une idée du nombre incroyable de nos concitoyens qui voyagent partout dans le monde. On estime que 2,5 millions de Canadiens résident à l'extérieur du Canada.
Voici maintenant un autre chiffre qu'il importe vraiment de se rappeler: à chaque minute de chaque jour, le service consulaire reçoit trois demandes d'aide à l'un de ses points de service. À toutes les 20 secondes, partout dans le monde, il y a un Canadien qui demande le service consulaire. En 2008-2009, plus de 1,3 million de Canadiens ont reçu de l'aide à l'étranger.
Voici où je veux en venir: nous visons dans cette motion des cas assez rares, des exceptions dans le service fourni par le gouvernement — et je veux dire autant le gouvernement précédent que l'actuel — et par la fonction publique. Ce sont des chiffres vraiment énormes.
Premièrement, je vais vous expliquer pourquoi cette motion me pose problème. Elle semble fondée sur l'hypothèse fausse qu'il existe un devoir constitutionnel de protéger les Canadiens à l'étranger. Cela n'existe pas. Le droit au retour est établi à l'article 6 de la Charte. Cependant, tous les citoyens, y compris les Canadiens, sont assujettis aux lois locales à l'extérieur du Canada. Le service consulaire est fourni exclusivement en pays étranger et le cadre international régissant ces services est la Convention de Vienne sur les relations consulaires conclue en 1963. Dans la mise en oeuvre des politiques consulaires et l'élaboration de nouvelles politiques à cet égard, comme pour la manière d'aborder la question de la citoyenneté, qui est le déterminant fondamental des services consulaires, notre gouvernement compare ces dossiers avec un certain nombre de partenaires occidentaux clés. Leurs services sont dans les grandes lignes semblables aux nôtres.
Notre ministre des Affaires étrangères possède un effectif de professionnels compétents sur le terrain, qui ont l'appui de notre administration centrale, qui travaillent déjà de concert avec les autorités locales pour fournir des services consulaires. Des mécanismes sont en place pour répondre aux citoyens canadiens qui sont mécontents du niveau de services consulaires qu'ils reçoivent à l'étranger. Notre gouvernement a établi une ligne téléphonique d'urgence accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Les gens peuvent communiquer avec leurs députés au Parlement ou le ministère des Affaires étrangères, ou bien ils peuvent communiquer avec notre mission sur place.
Notre gouvernement a amélioré les ressources mises à la disposition des Canadiens à l'étranger. Ils ont également des ressources à leur disposition à leur retour à la maison s'ils estiment n'avoir pas été bien servis et s'ils réclament une enquête parce qu'ils ne sont pas satisfaits.
J'ai fait quelques recherches là-dessus et je crois savoir qu'il existe un seul pays, l'Allemagne, qui oblige son gouvernement à fournir des services consulaires. Cette obligation se trouve dans la Loi sur les agents consulaires, qui définit leurs tâches et leurs pouvoirs et qui a été adoptée en 1974. La loi est générale sur bien des plans, étant donné que les circonstances et la capacité de fournir des services varient d'un pays à l'autre. Par exemple, l'article 5 de cette loi stipule que « les agents consulaires doivent aider les Allemands qui se trouvent dans leur district consulaire et qui ont besoin d'aide, s'il n'y a pas d'autres moyens de remédier à leur détresse ».
L'obligation ne s'applique pas aux Allemands ou aux ressortissants qui ont la double nationalité et qui habitent habituellement dans un État étranger. L'aide peut être refusée si la personne a abusé d'une telle aide dans le passé. Le paragraphe 5 stipule que « la nature, la forme et le degré de l'aide dépendent des conditions qui règnent dans l'État bénéficiaire ».
À ma connaissance, d'après les documents de recherche qui m'ont été remis, c'est la seule loi de ce genre parmi les pays qui ont à peu près les mêmes normes que les nôtres, qui oblige vraiment l'État allemand à fournir des services consulaires. Mais en fait, une lecture attentive permet de voir qu'elle n'oblige pas vraiment l'Allemagne à le faire. Il s'agit essentiellement de l'équivalent de la situation actuelle au Canada.
Et les États-Unis? Il y est fait mention d'une obligation en application de la loi américaine pour le gouvernement de fournir de l'aide consulaire. C'est loin d'être clair. L'article 1732 du chapitre 23, « Protection des citoyens à l'étranger », du chapitre 22, « Relations étrangères », du code des États-Unis stipule que le Président doit exiger la libération de tout citoyen américain emprisonné à tort à l'étranger et prendre des mesures, sans aller jusqu'à la guerre, pour obtenir la libération du citoyen. Cette loi, soit dit en passant, remonte à 1868.
Cependant, le Manuel des Affaires étrangères du Département d'État des États-Unis, au volume 7, qui est l'équivalent de notre manuel des opérations consulaires, ne fait nulle mention d'une quelconque obligation, en application de la loi américaine, de fournir de l'aide. Il y est plutôt fait mention du pouvoir de fournir une telle aide. La partie 7(1) du chapitre 22 des règlements fédéraux américains énonce les pouvoirs permettant d'accorder la protection consulaire aux Américains à l'étranger.
Dans certains commentaires, il est question de l'obligation de fournir les services consulaires mentionnés dans diverses dispositions de la loi américaine, mais les premières recherches ont seulement permis de trouver ce qui est cité ci-dessus.
Essentiellement, cette motion s'aventure sur un terrain qu'aucun autre pays n'a exploré, à part l'Allemagne. Je le répète, nous avons déjà vu que le statu quo au Canada ne diffère pas sensiblement de ce qui existe actuellement dans ce grand pays qu'est l'Allemagne.
Donc, monsieur le président, je crois que cette motion est fondée sur une fausse prémisse. Je ne peux imaginer un moyen quelconque de la mettre en oeuvre. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment elle pourrait être le moindrement utile. Dans certains témoignages que j'ai entendus aujourd'hui — avec tout le respect que je dois à nos témoins, qui connaissent bien leur sujet et qui ont beaucoup d'expérience —, il m'apparaît que ce que l'on demande au Canada de faire, dans le cas du Soudan, c'est d'envoyer des militaires pour envahir le pays dès que l'on soupçonne qu'il y a torture ou quelque chose du genre.
Comment le Canada aurait-il pu agir ou réagir autrement dans une telle situation? Je me rends compte que mon exemple peut sembler absurde, mais tel est l'aboutissement quand nous exigeons que telle ou telle chose se fasse, faute de quoi nous passerons à l'action. Nous devons reconnaître que, de la même manière que le Canada est un pays souverain, nous devons respecter la souveraineté des autres pays, hormis les cas de force majeure absolue.
En conséquence, monsieur le président, je le répète, cette proposition, cette motion, ne peut absolument pas être appuyée par le gouvernement.
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Il est vrai que l'alinéa 6(3)a) apporte certaines précisions: « Les droits mentionnés au paragraphe (2) sont subordonnés aux lois et usages d'application générale en vigueur dans une province donnée... » Il en découle assurément que les droits des citoyens canadiens, notamment la liberté de circulation, sont assujettis aux lois canadiennes. Par voie de conséquence, ils sont également assujettis aux lois applicables dans d'autres pays du monde.
Je lis aussi à l'article 7: « Chacun a droit... à la liberté... de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale », sauf qu'on ajoute à l'article 11:
g) de ne pas être déclaré coupable en raison d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d'après le droit interne du Canada ou le droit international et n'avait pas de caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations.
On ne dit pas d'après le droit canadien, mais bien d'après les principes généraux de droit. Cela peut certainement être interprété de diverses manières.
Je pense qu'il existe un besoin, à savoir de mieux renseigner beaucoup de Canadiens qui voyagent à l'étranger pour qu'ils soient bien conscients du fait que chaque pays a sa propre juridiction, sa propre souveraineté et ses propres lois qui peuvent entrer en conflit avec les lois canadiennes. Quiconque part en voyage doit être bien conscient de cette situation.
Je voudrais maintenant commenter le passage qui se lit « Adopter une loi visant à garantir que des services consulaires soient fournis de façon systématique... à tous les Canadiens en détresse ». D'après nos renseignements, des services consulaires sont fournis constamment aux plus de 50 millions de Canadiens qui voyagent dans le monde et au grand nombre de gens qui demandent l'intervention des services consulaires. Bien sûr, comme les demandeurs sont tellement nombreux, il peut y avoir certains écarts. Mais on nous dit que, dans l'ensemble, il y a uniformité.
Le troisième élément que je veux commenter est le passage qui se lit « Ordonner au ministre des Affaires étrangères de protéger un Canadien en détresse ». Eh bien, que veut dire protéger? Cela veut-il dire protéger en application de la Charte des droits et libertés ou bien de la Constitution du Canada? Est-ce ce qu'on laisse entendre? Encore une fois, c'est fondé sur une hypothèse de base qui est fausse, à savoir que la Charte des droits et libertés s'applique internationalement.
J'ai donc des objections à cette motion d'un bout à l'autre, à cause de son libellé et de ses répercussions; elle est fondée sur une idée fausse, à savoir que la Constitution et la Charte des droits et libertés s'appliquent internationalement et dans toutes les juridictions dans le monde.
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Merci, monsieur le président.
Je veux exprimer mes préoccupations. Premièrement, nous avions convenu d'avoir une discussion très générale sur cette question; or les interventions d'aujourd'hui étaient consacrées à des points très précis. Je pense que cela a des conséquences sur la suite des choses.
Ce qui me préoccupe dans cette motion, c'est que je n'y discerne aucun signe qu'on prend acte de la responsabilité des Canadiens qui voyagent à l'étranger. Tout ce que j'entends est à propos des droits des Canadiens et de la responsabilité du gouvernement.
Quand nous avons reçu l'autre jour des représentants du ministère des Affaires étrangères, ils nous ont parlé de l'importance de sensibiliser les Canadiens qui voyagent à l'étranger. Ils nous ont décrit les ressources que notre gouvernement a mises en branle au fil des années pour faire en sorte que l'information soit accessible aux voyageurs. Ils nous ont parlé en long et en large du registre des Canadiens à l'étranger. Ils nous ont dit que des services consulaires sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept. On nous a dit également que le ministère des Affaires étrangères publie sur son site Web des avis aux voyageurs qui sont mis à jour régulièrement.
Pour que je sois à l'aise avec cette motion, il faudrait qu'il y soit fait mention de la responsabilité des voyageurs. Cela veut-il dire que, dorénavant, les voyageurs canadiens seront tenus par la loi de s'inscrire au ministère des Affaires étrangères avant d'avoir l'autorisation de partir en voyage? Cela veut-il dire qu'on leur refusera des visas pour des pays qui font l'objet d'un avertissement aux voyageurs publié et mis à jour par le ministère des Affaires étrangères? Cela veut-il dire que les voyageurs sont maintenant tenus par la loi de donner une procuration relative aux soins de la personne et aux biens, pour que quelqu'un au Canada, par l'entremise du ministère des Affaires étrangères, ait le droit d'avoir accès à leurs renseignements personnels? Cela fera-t-il partie de la loi envisagée?
Tout ce que je vois dans cette motion, c'est une responsabilité qu'on attribue au gouvernement, mais ce n'est pas du tout équilibré. Avant que je puisse appuyer une telle motion, il faudrait que je constate un tel équilibre.
Merci, monsieur le président.
Premièrement, je dois dire à M. Dewar que, franchement, à titre de député ministériel, je me sens offusqué par la position de M. Dewar qui prétend que son intervention n'est pas une petite manoeuvre politique destinée à coincer l'adversaire.
Les députés de l'opposition ont eu l'occasion d'interroger les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. Chacun des partis de l'opposition a eu son tour pour poser ses questions. Quand arrive le tour du gouvernement, nous avions sept minutes pour interroger nos témoins. J'ai eu pour ma part une minute et j'avais d'assez bonnes questions que j'aurais aimé poser à nos témoins. Cette possibilité m'a été enlevée, mais M. Dewar prétend que ce n'est là qu'une petite motion innocente visant à faire progresser ce dossier.
J'ose dire que je me sens offusqué par cette prétention de M. Dewar. Comme le dit l'adage: « La dame fait trop de protestations, ce me semble » — je pense que c'est tiré de Shakespeare. Quelqu'un pourra le vérifier pour moi. Je pense qu'en insistant là-dessus, monsieur Dewar, vous avez révélé, en fait, vos propres motifs.
Maintenant, pour revenir à la question qui nous occupe, monsieur le président, un certain nombre de questions n'ont toujours pas été résolues par notre discussion jusqu'à maintenant. La discussion porte sur le droit à la protection consulaire et le devoir d'un pays de fournir cette protection. Je pense que c'est la formulation que M. Neve a employée. Dans le cas d'un État voyou, un État à haut risque qui ne respecte ni notre gouvernement ni les agences du gouvernement canadien ni nos principaux alliés qui représentent parfois nos intérêts dans certains pays, à quel point pouvons-nous avoir confiance que l'ombudsman aurait les pouvoirs voulus pour se faire respecter par cet État voyou? Jusqu'où le gouvernement devrait-il aller, selon les gens qui voudraient que l'on règle chacun de ces problèmes? Ce n'est pas notre position. Nous ne sommes pas un pays envahisseur. Nous ne déclarons pas la guerre aux autres pays. Jusqu'où voulez-vous que nous allions pour protéger les droits de certains citoyens qui se retrouvent dans des situations difficiles?
D'après les témoignages que nous avons entendus devant le comité — nos collègues l'ont d'ailleurs mentionné —, il y a quelque 53 millions de voyages à l'étranger. Les Canadiens sont un peuple privilégié. Nous voyageons beaucoup, probablement plus par habitant que la plupart des autres nations du monde. Nous sommes parmi les gens les plus privilégiés de la planète. Mais beaucoup de pays du monde ne jouissent pas des avantages auxquels les Canadiens sont habitués ni des protections que nous avons ici chez nous. Je pense que lorsqu'on voyage dans des pays qui n'ont ni les institutions ni le système judiciaire indépendant que nous avons ici au Canada — et même au Canada, nous avons à ce sujet des préoccupations et nous travaillons constamment à améliorer notre démocratie —, des pays qui sont soit de nouvelles démocraties, soit, bien souvent, des États effondrés, et nous avons toute une liste de pays au sujet desquels nous émettons des avis aux voyageurs, des avis au sujet des risques auxquels on s'expose... Quand un citoyen se rend dans l'un de ces pays, il doit comprendre qu'il y a un risque associé à ce voyage. Le gouvernement ne peut pas fournir une protection illimitée à des gens qui prennent des risques illimités ou très graves. On ne pourra jamais fournir une protection complète à 100 p. 100 dans les États voyous et nous avons des cas tragiques comme celui de Zahra Kazemi. Je pense que c'est M. Neve qui a mentionné son cas.
Je me demande quelles sont vos intentions en proposant cette motion. J'avais des questions que j'aurais aimé poser à nos témoins et qui demeureront sans réponse.
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C'est une très bonne question.
Premièrement, c'est vraiment la première fois que cela arrive depuis longtemps. Je ne me rappelle pas qu'une motion ait été présentée pendant l'audition de témoins.
Je suis très heureux de constater que nos témoins sont encore présents et que tous les quatre sont encore assis à la table et écoutent attentivement.
Une voix: Nous n'en savons rien.
Le président: Ils ont l'air d'écouter attentivement.
De bonnes questions sont posées par des députés de part et d'autre et j'encourage les témoins, quoique vous n'avez pas la parole et que je ne peux pas vous l'accorder pour répondre à ces questions, mais quand vous l'aurez, vous voudrez peut-être répondre à certaines questions qui sont posées, au lieu de faire des déclarations de portée générale.
Par ailleurs, je voudrais préciser que notre invitation a été envoyée en retard et que nous n'avons donc aucun mémoire écrit de votre part. Si vous avez des documents que vous voudriez présenter, non pas des travaux de longue haleine que vous avez faits, mais des documents à l'appui de vos notes d'allocution d'aujourd'hui, nous vous en serions très reconnaissants. Si des questions sont posées, même si vous ne pouvez pas y répondre aujourd'hui tant que M. Lunney ou un autre membre du comité traite de la motion — quand M. Lunney pose des questions au sujet de l'ombudsman, c'est dans le contexte de la motion à l'étude, et c'est une motion de portée très générale — si vous voulez répondre à ces questions, vous pourrez le faire.
Je vais redonner la parole à M. Lunney.
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Merci. L'argument que je voulais soulever faisait suite à la discussion sur le devoir de protéger et l'application extraterritoriale de la Charte canadienne, dans un pays étranger.
J'ai entendu un témoin dire que ces droits devraient suivre les Canadiens où qu'ils aillent, ou en tout cas c'est l'impression que ses propos ont donnée. J'ai entendu un autre témoin dire, en réponse à cela, que c'est une notion intéressante. Il m'a semblé qu'il y a eu une petite discussion même entre les témoins, certains disant que c'était une idée intéressante et que l'on aimerait bien que ce soit le cas. J'ai entendu cela de la part d'un autre témoin ici présent.
Par conséquent, si nous voulons en arriver à une conclusion quelconque et donner des conseils au gouvernement, nous devons discuter de la question de manière plus approfondie que nous n'avons eu la possibilité de le faire jusqu'à maintenant.
Quand on examine nos services consulaires fournis aux Canadiens à l'étranger, en une journée donnée, il y a en moyenne plus de 142 000 dossiers consulaires actifs, il y a eu 686 nouveaux cas en 2008-2009 et quelque 1 600 Canadiens reçoivent de l'aide d'urgence dans plus de 26 incidents séparés. Nous parvenons à résoudre la plupart de ces incidents avec beaucoup de succès. Dieu merci, nous pouvons compter sur le bon travail que font nos services consulaires partout dans le monde pour essayer de résoudre ces problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissent.
Les problèmes très graves représentent un très petit nombre de cas dans des situations à haut risque, la plupart du temps dans des États qui ne respectent pas la loi ou du moins pas tel que nous l'entendons au Canada. J'ai donc quelques difficultés avec cela.
Je voulais aborder un autre point, mais je ne retrouve plus mes notes.
Le dernier point que je voudrais aborder pour l'instant dans le cadre de cette discussion est que lorsque les Canadiens voyagent à l'étranger, ils demeurent assujettis aux lois des pays dans lesquels ils se rendent. Je pense que les Canadiens doivent prendre cela en considération quand ils voyagent dans des endroits où il existe des pratiques douteuses et où ils savent que les risques sont élevés. Nous devons prendre en compte le fait que les citoyens eux-mêmes doivent assumer une certaine responsabilité quand ils se placent dans des situations à haut risque et doivent être conscients de ces risques et des limites de la capacité du gouvernement de leur fournir une protection dans tous les cas.
Monsieur le président, je vais m'en tenir là, mais j'aurai certainement d'autres observations à faire là-dessus.