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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 11 mars 2009

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international en est aujourd'hui, le mercredi 11 mars 2009, à sa neuvième séance, au cours de laquelle il poursuivra son examen des éléments clés de la politique étrangère canadienne.
    Nous avons aujourd'hui comme témoin M. Howard Mains, membre du conseil d'administration du Conseil des affaires canado-américaines.
    L'un de nos témoins n'est pas encore arrivé. Pour l'instant, personne n'a confirmé qu'il serait absent.
    Nous sommes très heureux de recevoir également M. Jack Granatstein, historien et professeur. Il a comparu devant le comité par le passé et a rédigé un certain nombre d'ouvrages. Monsieur Granatstein, le comité apprécie toujours vos commentaires.
    Nous accordons dix minutes à chacun des témoins pour qu'ils fassent leur déclaration préliminaire et, à la suite de chaque témoignage, nous passons à une première série de questions pour laquelle chaque intervenant aura sept minutes.
    Je céderai d'abord la parole à M. Mains; j'ai cru comprendre qu'il est ici en remplacement d'une personne qui ne pouvait se présenter et qu'il doit assister à une conférence téléphonique dans 20 minutes environ. Monsieur Mains, la parole est à vous.
    Je suis venu ici aujourd'hui en tant que porte-parole du Conseil des affaires canado-américaines, communément appelé le CABC, et en tant que représentant du conseil de l'Association of Equipment Manufacturers, qui fait partie du conseil du CABC. Je dresse brièvement un portrait pour vous: l'Association of Equipment Manufacturers est une association commerciale qui représente les fabricants d'équipement lourd utilisé entre autres dans les champs et les mines. Nous avons des membres du Sud-Ouest de l'Ontario, par exemple Sellick Equipment, et des membres de l'Ouest du Canada, notamment MacDon Industries, au Manitoba.
    Passons à l'exposé. Comme le président l'a dit plus tôt, je remplace une personne qui est retenue à l'aéroport en raison des conditions météorologiques, qui, vous le savez, sont si clémentes au Canada! Vous devrez donc vous contenter de moi.
    Mesdames et messieurs membres du comité et témoins, je vous remercie d'avoir invité le Conseil des affaires canado-américaines à témoigner devant le comité. Mes propos ne traduisent pas la position des entreprises membres de l'Association of Equipment Manufacturers; je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que représentant du conseil d'administration du CABC.
    Depuis 1987, le CABC encourage le Canada et les États-Unis à travailler en étroite collaboration et joue un rôle de leader pour ce qui est de promouvoir le point de vue du secteur privé quant aux enjeux qui influent sur les relations entre les deux pays. Plus précisément, il aide à renforcer la relation tout à fait spéciale qui existe entre le Canada et les États-Unis et les multiples liens qui les unissent. Mon exposé d'aujourd'hui portera principalement sur la nouvelle ère des relations entre le Canada et les États-Unis.
    Le Conseil des affaires canado-américaines fait la promotion des avantages du libre-échange et s'oppose aux montées de protectionnisme qui surgissent de temps en temps d'un côté ou de l'autre de la frontière canado-américaine. De plus, le conseil appuie une approche axée sur la collaboration pour ce qui est de l'approvisionnement en énergie et de la sécurité, et d'une approche concertée dans le cadre des initiatives de lutte aux changements climatiques.
    Le CABC s'efforce également de faciliter la circulation légale de biens, de personnes et de ressources naturelles à la frontière et de la prestation de services licites d'un pays à l'autre, tout particulièrement alors que notre économie traverse une période difficile. Les difficultés économiques que nous connaissons en ce moment donnent effectivement l'occasion au Canada d'influer sur la politique américaine de façon déterminante. L'adoption de mesures de protectionnisme, quoi qu'en soit l'intention, ne fera qu'aggraver et prolonger la crise économique actuelle; le Canada peut aider à faire passer ce message aux décideurs des États-Unis.
    Le CABC et les entreprises membres, qui sont établies partout au Canada et aux États-Unis, sont actifs des deux côtés de la frontière et participent grandement au dialogue entre les deux pays. Le CABC a joué un rôle clé dans le cadre d'initiatives bilatérales et régionales comme celles de la Région économique du Nord-Ouest du Pacifique et du Conseil nord-américain de la compétitivité.
    La relation entre le Canada et les États-Unis est fondée sur une interdépendance commerciale et une prospérité commune. Deux cents ans d'histoire témoignent des sentiments d'admiration, de respect mutuel, de loyauté et d'amitié qui se sont intensifiés au fil du temps et qui ont jusqu'à ce jour assuré à l'Amérique du Nord une économie vigoureuse. La relation unique de collaboration qui existe entre les deux pays est et restera un modèle de paix et de prospérité pour le monde. L'exceptionnel partenariat qui unit le Canada et les États-Unis a constitué un pilier de l'économie mondiale. Il est donc primordial que nous continuions d'assumer ce rôle de chef de file.
    Le président Harry S. Truman s'est d'ailleurs exprimé avec grande éloquence à ce sujet dans le discours qu'il a prononcé en 1947 devant le Parlement du Canada:
« [L]'amitié qui a caractérisé les relations canado-américaines pendant de nombreuses années n'est pas née spontanément. L'accord qui existe entre nos deux pays n'est pas uniquement dû à d'heureuses circonstances géographiques. Il tient pour une part, à la proximité, et pour neuf parts, à la bonne volonté et au sens commun. »
    Le premier ministre Harper et le président Obama ont récemment exprimé ce même sentiment à l'égard de la relation unique qu'entretiennent le Canada et les États-Unis. En effet, les liens de collaboration qui unissent les deux pays sont uniques au monde; aucune nation n'entretient de liens aussi solides avec une autre. Cela m'amène au vif du sujet de mon exposé: la nouvelle ère des relations entre le Canada et les États-Unis.
    Mes collègues du CABC et moi-même avons récemment défini nos priorités pour les prochains mois en ce qui concerne la collaboration entre le Canada et les États-Unis. Avant le passage du président Obama à Ottawa, nous avons diffusé des deux côtés de la frontière notre message sur l'importance de la relation entre les deux pays et de l'impact qu'elle peut avoir.
(1540)
    Je suis heureux de venir aujourd'hui au nom du CABC vous présenter une série de mesures que le Canada pourrait et devrait prendre pour améliorer ses relations avec les États-Unis.
    Comme vous le savez, il y a de nombreux nouveaux acteurs sur la scène politique aux États-Unis. Outre la nouvelle équipe du président Obama, dont plusieurs membres restent à confirmer, on compte les nouveaux membres du Congrès américain, les comités du Congrès et les gouvernements des gouverneurs. Il est maintenant temps que le Canada sensibilise ces nouveaux législateurs — de la fédération comme des États — des gouvernements à l'importance que revêt la relation entre les deux pays pour les Américains.
    Dans mes commentaires, je tiendrai compte intentionnellement des éléments qui sont importants aux yeux des Américains pour montrer au comité que les législateurs américains se préoccupent avant tout des intérêts des Américains. Lorsqu'il présente sa position aux États-Unis, le gouvernement du Canada aurait avantage à mettre de l'avant des arguments qui présentent un intérêt pour les Américains. Tout comme le gouvernement du Canada s'efforce de protéger les intérêts des Canadiens, le gouvernement des États-Unis cherche d'abord et avant tout à obtenir ce qu'il y a de mieux pour les Américains. Par exemple, les lobbyistes du gouvernement du Canada qui mènent des activités contre la Buy American Act devraient insister sur les répercussions néfastes des lois de ce genre sur l'emploi aux États-Unis.
    Je commencerai mon résumé des trois priorités du CABC par quelques analogies qui, je l'espère, vous sembleront utiles et amusantes.
    Tout d'abord, je vous invite à effacer de votre esprit l'analogie de la souris et de l'éléphant du premier ministre Trudeau et à la remplacer par un concept qu'on pourrait appeler le « syndrome des jumelles ». Ce syndrome représente la façon dont les deux pays se voient l'un l'autre. Le Canada voit les États-Unis comme il les verrait normalement à l'aide de jumelles; il les voit donc clairement. Les États-Unis, quant à eux, voient le Canada comme s'ils le regardaient à travers les mêmes jumelles, mais du mauvais côté; ils ont donc une image embrouillée et imprécise. C'est comme si les deux pays, au lieu de regarder dans la même direction à l'aide des mêmes jumelles, s'observaient, chacun de leur côté, à travers la même lentille. Le Canada et les États-Unis devraient mettre de côté ces jumelles pour voir la vraie nature de l'autre.
    J'aimerais également aborder la façon dont les électeurs canadiens perçoivent l'étroite relation qui unit le Canada et les États-Unis. M. Gordon Giffin, ancien ambassadeur des États-Unis au Canada, a été le premier à utiliser l'expression « syndrome de Boucle d'or » pour décrire la mince marge de manoeuvre dont disposent les dirigeants canadiens lorsqu'ils établissent des relations avec leurs homologues américains. Comme dans Boucle d'or et les trois ours, les premiers ministres du Canada doivent opter pour une relation ni bouillante ni glaciale, que les Canadiens jugeront tempérée. Il y a là matière à réflexion.
    Espérons que la popularité du président Obama chez les Canadiens permettra de détendre quelque peu la corde raide sur laquelle les dirigeants canadiens doivent marcher. L'appui des Canadiens à la collaboration avec les États-Unis est essentiel à la viabilité de l'économie du Canada; les Canadiens doivent donc être disposés à accepter que le Canada et les États-Unis entretiennent une relation étroite pour que notre économie se rétablisse rapidement. Les dirigeants canadiens doivent pour leur part être prêts à défendre, au Canada et auprès des Canadiens, cette collaboration avec les États-Unis.
    La première des trois priorités du CABC que je souhaite vous présenter aujourd'hui est la suivante: militer pour le libre-échange et le commerce à grande échelle. Les gouvernements du Canada et des États-Unis doivent conjuguer leurs efforts pour défendre le libre-échange, qui est essentiel au redressement de l'économie des deux pays, et ce, pour bien des raisons. Les gouvernements doivent s'opposer fermement au protectionnisme et réprouver les tentatives des gouvernements des États et des provinces de prendre des mesures de ce genre. L'organisme que je représente est un fervent défenseur du libre-échange et s'est toujours opposé aux mesures de protectionnisme adoptées tant par le gouvernement des États-Unis que celui du Canada.
    Je passe maintenant à la deuxième priorité: promouvoir une approche axée sur la collaboration pour ce qui est de l'approvisionnement en énergie et de la sécurité, et une approche concertée dans la lutte aux changements climatiques.
(1545)
    Le Canada est le plus important fournisseur d'énergie des États-Unis. Notre pays est le mieux placé sur le plan de la sûreté, de la sécurité et de la fiabilité pour répondre aux besoins énergétiques de ce pays. Étant donné cette réalité, il est dans l'intérêt des deux pays de travailler en collaboration afin de mettre en oeuvre des politiques stratégiques permettant d'établir un approvisionnement énergétique nord-américain qui est sûr, sécuritaire, fiable et durable.
    Le Conseil des affaires canadiennes-américaines encourage le développement responsable sur le plan de l'environnement des sables bitumineux par la collaboration et la coopération entre les gouvernements, l'industrie et les collectivités de part et d'autre de la frontière canado-américaine. Il appuie le développement de nouvelles technologies et l'élaboration de programmes novateurs afin de réduire les répercussions sur l'environnement et sur la consommation d'eau et de carburant dans le cadre du développement de telles ressources.
    Troisièmement, le conseil fait valoir qu'il faut simplifier la circulation légitime efficace à la frontière canado-américaine des marchandises, des services, des personnes et des ressources. La relation étroite et importante qui unit les États-Unis et le Canada transparaît dans le volume ahurissant d'échanges commerciaux bilatéraux — l'équivalent de 1,5 milliard de dollars par jour en marchandises — et de contacts personnels entre les gens. Environ 300 000 personnes traversent quotidiennement notre frontière commune. Puisque le Canada est le plus important marché d'exportation de la plupart des États, la gestion efficace et optimale de la frontière canado-américaine est essentielle au bien-être et à la subsistance de millions d'Américains.
    Les gouvernements sont rendus à un point décisif dans l'administration des mouvements transfrontières. Les gouvernements canadiens et américains devraient examiner attentivement les mesures qui ont pour but d'entraver la circulation des importations et des exportations. En cette nouvelle ère de relations entre le Canada et les États-Unis et en cette occasion particulière qui se présente à la suite du changement de l'administration américaine, le Canada a la chance de faire passer son message à Janet Napolitano, la secrétaire de la Sécurité intérieure. Le Canada pourrait coordonner ses efforts en vue d'améliorer l'efficacité des contrôles frontaliers en démontrant que le département de la Sécurité intérieure s'occupe autant de sécurité économique que de tout autre type de sécurité.
    Permettez-moi de conclure avec une dernière observation. Je crois que toute personne qui connaît le fonctionnement du commerce au Canada sera d'accord avec moi. Nos échanges commerciaux avec les États-Unis ne se résument pas à un simple échange entre consommateurs d'un côté et fabricants de l'autre. Nous faisons les choses ensemble. Nous fabriquons les choses ensemble. Une foule d'exemples montrent que certaines composantes, qu'il s'agisse d'une pièce d'équipement fabriquée par nos fabricants du sud-ouest de l'Ontario ou de l'ouest... Ces pièces d'équipement traversent la frontière dans les deux sens. J'encourage le comité à s'assurer que le fait que les entreprises canadiennes et américaines travaillent ensemble soit bien compris. Par conséquent, nous devrions faire tout ce qui est en notre possible pour que cela se produise.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Mains.
    Je cède la parole à M. Granatstein, et je souhaite la bienvenue à M. Douglas.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité.
    Permettez-moi de commencer par quelques truismes. Le Canada fait partie de la communauté internationale. Il a, et aura toujours, des intérêts et des obligations multilatéraux, mais nous faisons incontestablement partie de l'Amérique du Nord, et même si certains Canadiens souhaiteraient changer cette situation, cela est impossible. Nous sommes collés aux États-Unis et cela ne peut changer. Les Américains peuvent apporter des modifications importantes à leurs positions stratégiques à travers le monde, mais la situation de notre pays, au nord de la frontière américaine, oblige les États-Unis à faire valoir ses intérêts stratégiques auprès du Canada.
    En 1938, le président Roosevelt a dit: « Je vous assure que le peuple américain ne restera pas les bras croisés si la souveraineté du territoire canadien est menacée par un autre empire. » Quelques jours plus tard, le premier ministre Mackenzie King a pris un engagement réciproque: « Nous avons également des obligations à respecter à titre de voisin amical, notamment voir à ce que... notre pays soit aussi protégé contre une attaque ou une invasion possible que nous pouvons raisonnablement l'espérer, le cas échéant... les forces ennemies ne devraient pas pouvoir poursuivre leur incursion aérienne, maritime ou terrestre à destination des États-Unis en passant par le territoire canadien. »
    Avec ces engagements, les deux pays pensaient à leurs propres intérêts. Déjà à cette époque, les Canadiens sensés comprenaient que la défense de leur pays était en bout de ligne assurée par les États-Unis. Ils reconnaissaient également que le Canada ne pouvait laisser sa défense tomber en décrépitude d'une manière qui aurait laissé croire aux Américains que leur sécurité était menacée par la faiblesse canadienne. Cela aurait obligé les Américains à prendre en main la défense complète de la partie nord du continent, peu importe ce que les Canadiens peuvent en dire. La répercussion d'une telle mesure sur la souveraineté canadienne est évidente, et rien ne diffère aujourd'hui des années du règne de Mackenzie King. En fait, les attaques du 11 septembre 2001 garantissent que l'intérêt américain pour la géographie canadienne demeure aussi important qu'il l'a été au cours du siècle dernier.
    De la même manière, la prospérité économique du Canada dépend du marché américain. Les efforts déployés pour trouver d'autres marchés d'échanges commerciaux ont toujours échoués. Les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ont récemment connu un ralentissement en raison de la récession, mais ils sont néanmoins bien plus importants qu'il y a 15 ans au moment où l'ALENA a été signé. Chaque jour, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis totalisent près de 2 milliards de dollars. Près de 80 p. 100 des exportations de marchandises canadiennes vont aux États-Unis ou transitent par ce pays, plus de 20 p. 100 des exportations américaines viennent du Nord et les Américains achètent plus du tiers de notre PIB.
    De toute évidence, la survie économique du Canada dépend du marché américain. Cependant, l'attitude ambivalente des Canadiens à l'égard de leurs voisins américains demeure obstinément la même. Les Canadiens aiment croire qu'ils comprennent mieux les Américains que les autres, malgré le peu de preuves qui étayent cette affirmation. Nous voulons jouir de tous les avantages du niveau de vie nord-américain et nous considérons avoir le droit de commercer avec les États-Unis et de visiter ce pays, tout en lisant des livres et des magazines américains et en regardant des émissions de télévision produites aux États-Unis. Du même coup, nous nous moquons des États-Unis, nous déplorons leur patriotisme exardibé et l'agressivité de leurs politiques internationales, et nous sommes presque persuadés que nous pourrions réellement mieux diriger le monde qu'eux.
    L'antiaméricanisme endémique du Canada, un produit de l'histoire, de la proximité et de la culture institutionnelle différente ne fait pas honneur aux Canadiens. Cependant, cette attitude ne changera pas sans le leadership de ces élites politiques, culturels et médiatiques, qui continuent regrettablement à utiliser leur antiaméricanisme pour leurs propres fins.
    Le gouvernement actuel a le mérite de ne pas reprendre les dogmes antiaméricains à des fins politiques, mais il devrait être évident pour tout le monde que l'antiaméricanisme canadien nuit à ses relations avec cette superpuissance qui partage notre continent. Malheureusement, trop de Canadiens sont inconscients de cette vérité fondamentale, ou ne veulent tout simplement pas la voir. Combattre l'antiaméricanisme, qui est temporairement à son plus bas en raison de l'admiration que nous vouons au président Obama, devrait être une priorité du gouvernement. L'histoire l'a prouvé: l'enthousiasme actuel pour les États-Unis ne durera tout simplement pas.
(1550)
    Permettez-moi de parler brièvement des intérêts nationaux du Canada.
    Nous chérissons certaines valeurs, comme notre appui en faveur de la liberté et de la démocratie, notre croyance en une société libérale, laïque et pluraliste, mais la vérité fondamentale, c'est que mis à part ces caractéristiques canadiennes, peu nombreuses mais importantes, les valeurs sont pour les individus, tandis que les nations privilégient surtout les intérêts.
    Les Canadiens doivent savoir ce que leur gouvernement considère comme étant les intérêts nationaux du Canada, et c'est particulièrement important dans nos rapports avec notre voisin superpuissant.
    Les intérêts nationaux ne sont pas difficiles à préciser pour la plupart des pays, et ceux du Canada sont en réalité très clairs. Premièrement, nous devons protéger notre territoire, la sécurité de notre population, notre unité. Deuxièmement, nous devons nous employer à protéger et à accroître notre indépendance. Troisièmement, nous devons favoriser la croissance économique du pays afin d'appuyer la prospérité et le bien-être des Canadiens. Quatrièmement, nous devons travailler avec des pays qui partagent la même optique à l'intérieur et à l'extérieur de forums internationaux, afin de protéger et de renforcer la démocratie et la liberté.
    Ces principes, ces intérêts, sont volontairement énoncés sans ambages, et, évidemment, j'omets de nombreuses subtilités. Les premier, deuxième et troisième sont indéniablement nos objectifs internes, et ils ne menacent aucun autre peuple ou pays. Ils annoncent simplement et clairement que tout pays doit agir dans ses propres intérêts. Il est clair que notre premier intérêt national, c'est que nous devons assurer la sécurité de notre territoire et protéger la population. À cette fin, nous devons coopérer avec les États-Unis, tout en faisant bien attention de ne pas permettre aux Américains de s'ingérer dans nos affaires.
    La question de l'unité est beaucoup plus difficile, étant donné notre longue histoire. Tout ce qui doit être mentionné, c'est que c'est une erreur d'agir contre la volonté de toute vaste région du pays. En même temps, c'est une erreur de ne pas agir à l'étranger si la plupart des Canadiens veulent le faire. Il est essentiel pour tout gouvernement de gérer cet intérêt national avec soin et comme il convient.
    Le deuxième intérêt national, protéger notre indépendance, pourrait être interprété par certains comme étant dirigé contre les États-Unis, le seul État qui peut compromettre notre souveraineté dans un avenir prévisible. Les Américains ne constituent pas pour nous un enjeu militaire et ne le sont pas depuis plus d'un siècle, mais les États-Unis sont néanmoins une menace inoffensive. Leur puissant pouvoir d'attraction peut remettre en question l'indépendance du Canada.
    C'est dans notre intérêt manifeste que cela ne se produise pas, et nous devons trouver les façons d'assurer notre survie en tant que pays indépendant, et protéger vigoureusement notre souveraineté, contrôler notre territoire, et faire en sorte que notre capacité de défendre notre partie de l'Amérique du Nord n'est jamais mise en doute, surtout à Washington. N'importe quelle autre situation peut permettre à une administration américaine de nous offrir son aide si nous ne pouvons pas la refuser.
     Le troisième intérêt national, favoriser notre bien-être économique, force pratiquement le gouvernement du Canada à favoriser des échanges commerciaux avantageux avec l'énorme marché qui se trouve au sud. La tension entre les deux intérêts, les deux objectifs nationaux, existera toujours, mais elle doit être gérée. Arriver à un juste équilibre entre ces intérêts constitue un test clé de la capacité de tout gouvernement.
    Le quatrième énoncé d'intérêt national, travailler avec des pays qui partagent la même optique pour défendre et faire progresser la démocratie et la liberté, est un moyen de permettre l'avancement de la sécurité canadienne, et il peut sembler plus controversé aux yeux de certains Canadiens aujourd'hui qu'il ne l'était pour nos ancêtres, mais il reflète simplement notre propre histoire, l'évolution mondiale au cours du dernier siècle, et l'inquiétante façon dont le présent siècle s'est amorcé.
    La coopération avec nos amis et alliés est le moyen par lequel nous avons survécu et prospéré. Le Canada a été menacé dans le passé par la montée de la dictature et de l'oligarchie, et l'essor de la liberté, de la démocratie et de la liberté économique demeure la meilleure garantie contre les risques futurs auxquels nous pourrions être exposés. Nous désirons sincèrement travailler avec nos amis, et cela signifie habituellement avec les États-Unis en tête, pour aider à protéger et à encourager l'essor de la liberté politique et économique dans le monde. Évidemment, nous pouvons décider quand et comment nous allons participer à l'étranger, mais nous devons prendre en considération l'ensemble de nos intérêts nationaux pour prendre de telles décisions. Si, de temps à autre, nos dirigeants énonçaient nos intérêts nationaux, les expliquaient, et certainement agissaient pour les défendre et les faire progresser, cela aiderait les Canadiens à comprendre l'importance que revêtent ces intérêts.
(1555)
    Je m'arrête ici. Pour moi, notre politique à l'égard des États-Unis doit être fondée sur nos intérêts nationaux et sur un intérêt personnel bien compris qui reconnaît que nous obtenons de grands avantages parce que nous vivons à côté d'un géant. Les critiques sont une caractéristique canadienne, mais il est certainement temps de se rendre compte qu'elles ne nous avancent à rien du tout dans nos rapports avec notre voisin superpuissant.
    Merci beaucoup.
(1600)
    Merci, monsieur Granatstein.
    M. Douglas fait partie de la Chambre de commerce Plattsburgh-North Country. Il en est le président et chef de la direction. Bienvenue.
    Merci. Tout d'abord, je vous transmets les salutations de Plattsburg, dans l'État de New York, la banlieue américaine de Montréal.
    Lorsqu'on examine les relations canado-américaines, je pense que deux réalités s'opposent profondément. La première est résumée par mon philosophe canadien préféré, Wayne Gretzky, qui nous dit de patiner vers l'endroit où la rondelle se trouvera. Je pense que cette rondelle se trouvera là où existe la compétitivité sur les marchés mondiaux, et la réalité qu'aucun pays agissant seul peut dorénavant être concurrentiel à l'échelle mondiale. À deux, nous avons une chance. Le moment venu, multilatéralement, nous devons former les sortes de blocs qui nous donneront le capital intellectuel et autre pour être concurrentiels au cours de ce nouveau siècle.
    L'autre réalité qui s'oppose grandement à cette notion vient d'un philosophe de l'autre côté de la frontière, Al Capone, qui a déjà dit qu'il ne savait pas sur quelle rue était le Canada. Je ne veux pas vous insulter, mais ce n'est pratiquement pas une exagération du manque de sensibilisation, de compréhension et de connaissances dans des endroits comme Washington, où cette connaissance est si essentielle pour le Canada. Ils savent que vous êtes ici. Ils savent certaines choses à votre sujet, comme le hockey, le bon whiskey et autres bonnes choses. Mais sur le plan de l'importance économique du Canada par rapport à leur propre pays, même s'ils prennent quotidiennement des décisions à propos de l'avenir des États-Unis, ils ne savent même pas sur quelle rue ça se passe.
    Voilà donc les grands conflits auxquels nous sommes aux prises lorsque nous essayons de gérer l'efficacité de la politique canadienne aux États-Unis. C'est ce dont je vais parler, plutôt que de la politique en soi. Nous sommes en présence d'une ignorance générale, surtout à Washington et parmi les décideurs et les leaders d'opinions américains, et j'inclus les médias dans ce groupe. Il faut savoir que l'ignorance constitue toujours une menace, surtout une ignorance aussi vaste et profonde au sujet de quelque chose d'aussi important et de potentiellement aussi fragile.
    L'autre grande menace avec laquelle nous sommes aux prises et qui a été mentionnée ici, c'est le protectionnisme, qui, pour cause d'ignorance, est une menace même durant les bonnes périodes, mais devient une menace encore plus grave durant une récession comme celle que nous traversons tous deux maintenant. À titre d'individu qui se considère comme un des meilleurs amis du Canada aux États-Unis — et je suis fier de me considérer votre ami — je vous offre ces réflexions sur la façon dont le Canada, ses provinces et les parties intéressées peuvent contribuer à la sensibilisation, à la compréhension et à un engagement positif au sud de la frontière, à la poursuite des intérêts économiques et des possibilités que nos deux pays partagent.
    En premier lieu, il faut reconnaître l'importance des partenariats locaux. Partout sur le continent, il existe diverses organisations, coalitions et alliances se consacrant à la promotion et au développement d'une prospérité binationale à l'échelle régionale ou du corridor. Notre propre Coalition Corridor Québec-New York, codirigée par la Chambre de commerce Plattsburgh-North Country et la Fédération des chambres de commerce du Québec, joue un rôle majeur depuis 2001 en favorisant des partenariats entre la province de Québec et l'État de New York dans les domaines du transport, des installations et des opérations frontalières, de la technologie, du tourisme et de l'énergie, ainsi que dans d'autres secteurs.
    Elle a participé notamment à la défense commune de causes à Washington, à l'établissement de liens directs avec des sénateurs, des membres de la Chambre et d'autres membres du gouvernement américain, et à l'atteinte de résultats avantageux pour le Canada, qui n'auraient jamais pu être obtenus par les seuls efforts du Canada. J'ai dirigé des activités liées au Congrès pendant 14 ans. Je sais comment Washington fonctionne. C'est pourquoi je ne dors pas bien la nuit. Je me rends à Washington au moins une fois par mois, parfois deux. Je suis souvent accompagné de mes collègues du Québec, notamment de représentants du gouvernement du Québec, des chambres de commerce du Québec, et d'entreprises québécoises, parce que je sais que c'est ce qui va leur donner de la crédibilité devant les sénateurs et les membres du Congrès, contrairement aux rencontres de courtoisie qu'ils auraient autrement, s'ils arrivaient à en obtenir.
    La Coalition Corridor Québec-New York ainsi que d'autres groupes binationaux, petits et grands, représentent la meilleure voie afin de poursuivre les intérêts canadiens à Washington et ailleurs aux États-Unis. Dans notre région, le consulat général du Canada à Buffalo est et demeure un partenaire actif, et je veux le souligner. Je ne critique aucunement le profond engagement et l'excellent travail de nos partenaires au consulat. Mais je pense que le Canada peut et doit faire beaucoup mieux pour mobiliser le pouvoir des réseaux locaux et en encourager d'autres chaque fois que cela est possible. Ceci est particulièrement vrai pour s'assurer la participation des agents responsables à Washington.
    De concert avec ce qui précède, le Canada doit également reconnaître et embrasser pleinement le rôle crucial des gouvernements provinciaux et des villes dans la poursuite de partenariats positifs et des intérêts économiques canadiens. En fait, contrairement à l'Europe, l'ALENA était beaucoup plus une fin qu'un moyen tant pour le gouvernement canadien que pour le gouvernement américain, donnant l'occasion aux États et aux provinces de s'afficher comme leaders en mettant sur pied de nouveaux programmes favorisant progrès et collaboration transfrontaliers. Ils ont comblé le vide depuis la signature de l'ALENA.
(1605)
    Dans notre région, le gouvernement du Québec soutient depuis longtemps les efforts populaires, l'établissement de nouvelles relations et connexions, et la poursuite d'occasions partagées de tous genres. Un excellent travail réalisé par les provinces et les États doit toujours être reconnu et encouragé et ne doit absolument pas être réduit ou considéré de quelque façon que ce soit comme une concurrence importune par rapport aux efforts diplomatiques du gouvernement fédéral.
    À cet effet, laissez-moi raconter un fait intéressant. Au cours de mes 16 dernières années à titre de président et de président-directeur général de la Chambre de commerce de Plattsburgh-North Country, grâce à l'ensemble de mon engagement dans les questions canado-américaines et frontalières, le gouvernement du Québec m'a fréquemment demandé de me joindre au premier ministre du Québec et à d'autres fonctionnaires québécois pendant des visites aux États-Unis, de participer à divers programmes et discussions, et de fournir des conseils et de l'aide dans divers dossiers concernant les États-Unis. En comparaison, nous jouissons d'un engagement actif du consulat canadien de Buffalo, comme je l'ai mentionné, mais non de manière soutenue du ministère ou de l'ambassade située à Washington. Il y a beaucoup à apprendre du Québec et des autres provinces qui collaborent avec les États-Unis.
    Actuellement, nous commençons des travaux avec nos amis et partenaires de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain en vue de lutter spécifiquement contre un éventuel protectionnisme aux États-Unis, en aidant à identifier et à joindre les chambres de commerce des villes américaines ciblées dans le but d'examiner la possibilité d'organiser des visites et d'autres activités visant à contribuer à la sensibilisation à l'importance majeure du Canada en ce qui concerne l'économie américaine, et ce, partout aux États-Unis, y compris dans ces villes. Ceci est un autre des nombreux exemples de manières efficaces de promouvoir les intérêts du Canada en commençant par la base.
    Dans le cadre de la politique étrangère du Canada, il faut augmenter et appuyer activement tous ces genres d'activités de rayonnement, en recrutant des partenaires aux États-Unis et en reconnaissant leur valeur, ce qui peut ouvrir des portes, des oreilles et des esprits.
    Troisièmement, il faut se concentrer sur les sujets d'actualité. Une des façons de toucher le coeur et l'esprit des décideurs américains est de saisir les occasions qui se présentent de montrer les intérêts communs. Actuellement, et probablement pendant un certain temps encore, toutes les discussions portant sur l'économie à Washington et à d'autres niveaux aux États-Unis, y compris à l'échelon des États, portent tôt ou tard sur la poursuite de programmes « verts », en allant du développement de sources d'énergie renouvelable ou autres à la production de diverses technologies vertes comme sources d'emploi et à des chaînes d'approvisionnement et de transport plus efficaces.
    Le Canada a beaucoup à offrir dans ce nouveau et vaste domaine de politique publique et de développement économique; par conséquent, nous devons saisir chaque occasion possible où nous pouvons en tenir compte dans nos efforts partagés et nos activités de rayonnement. La façon d'avoir une conversation sérieuse est de pouvoir parler avec la personne dont vous souhaitez obtenir quelque chose d'un sujet qui l'intéresse déjà. Cependant, encore une fois, les partenaires de base comme les provinces, les États, les municipalités, les chambres de commerce, les universités et autres intéressés joueront un rôle crucial si l'on veut que cela aille au-delà de nobles déclarations ou ambitions et d'opérations de relations publiques et se traduise en efforts et en résultats tangibles qui, dès lors, renforceront véritablement le profil du Canada parmi ceux qu'ultimement nous voulons gagner à notre cause.
    Quatrièmement, agir de façon bilatérale et non trilatérale. Chaque fois que c'est possible, le Canada devrait agir à l'extérieur du cadre de l'ALENA et s'engager dans des conversations et des efforts bilatéraux. Et cela doit comprendre l'importance souvent signalée des groupes populaires et des communautés intéressées. Le président Clinton et le premier ministre Chrétien ont amorcé quelque chose de potentiellement puissant en 1999 avec la mise sur pied du Programme du partenariat Canada-États-Unis, le PCEU. Celui-ci devait favoriser un élargissement et un approfondissement de l'engagement des intérêts américains et canadiens de tous genres, et donner lieu à deux rencontres majeures avant d'être, malheureusement, doucement abandonné par la nouvelle administration Bush. Il est temps que le Canada ravive ce programme, ou un cadre de travail similaire, pour soutenir l'engagement important et durable des parties intéressées dans les pourparlers canado-américains.
    Cinquièmement, ne pas oublier la frontière. Il est tout à fait compréhensible que les attentats du 11 septembre aient suscité une attention sans précédent sur la sécurité de la frontière. Heureusement, de nombreuses mesures mises en oeuvre à la frontière par les États-Unis et le Canada au nom de la sécurité étaient en fait des initiatives que nous désirions depuis longtemps au nom de la modernisation et de la facilitation. Compte tenu des changements récents à Washington, nous pourrons peut-être éviter d'avoir à consacrer autant d'énergie à lutter contre des idées aberrantes ou arrogantes, et travailler plutôt dans l'esprit de l'Accord du Canada et des États-Unis sur leur frontière commune en vue d'élaborer des politiques et des pratiques censées, de reconnaître dûment la sécurité économique et la sécurité physique, et de saisir les nombreuses occasions économiques communes que nous avons partiellement oubliées tandis que nous étions occupés, par exemple, à essayer de repousser et de gérer l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental.
    Laissez-moi dire trois choses concernant la frontière dans le cadre de mes remarques d'aujourd'hui.
    Premièrement, nous devons, dans la mesure du possible, continuer de trouver des façons d'avancer vers un périmètre commun autre que l'Amérique du Nord si au bout du compte nous voulons réduire les pressions exercées sur nos frontières internes.
    Deuxièmement, nous devons voir les partenariats provinces-États et les partenariats populaires mentionnés précédemment comme le meilleur moyen pour le Canada d'aborder ses préoccupations à la frontière américaine. Ce qui a été fait au poste de Champlain-Lacolle est un parfait exemple de cela. À cet endroit, nous avons mis la dernière main aux nouvelles installations frontalières qui ont coûté 107 millions de dollars. Alors que la plupart des autres régions du Canada se plaignent du resserrement des contrôles frontaliers et des retards de la circulation commerciale, nous avons totalement éliminé les délais pour le passage des camions au poste de Champlain-Lacolle. Ainsi, grâce aux efforts déployés à la base à Washington, nous pouvons trouver des solutions et obtenir des ressources.
(1610)
    En outre, le Canada doit continuer de faire tout ce qu'il peut pour veiller à ce qu'aucun incident terroriste aux États-Unis ne soit lié de quelque façon que ce soit au Canada ou à qui que ce soit entrant aux États-Unis par le Canada. Rien ne pourrait arrêter la forte réaction du peuple américain et du Congrès, ce qui plongerait le Canada et les États-Unis dans une crise économique profonde. Et il ne fait pas de doute que ceux qui veulent nuire à nos intérêts et à l'Occident savent trop bien tout cela.
    Enfin, nous avons besoin d'un nouveau vocabulaire. Autant que possible, nous devons cesser de parler d'échange lorsque nous discutons de la relation économique entre le Canada et les États-Unis. Même si nous ne ressemblons pas à la communauté européenne qui désormais ne possède pratiquement pas de frontière de Sofia à Dublin, il est évident que nous ne sommes pas les États-Unis et la Bulgarie ni le Canada et la Thaïlande.
    Nous faisons de plus en plus de choses ensemble, et nous sommes de plus en plus interconnectés, liés et économiquement intégrés. Cependant, le vocabulaire démodé et les mesures désuètes en matière d'échange donnent une image inexacte de notre relation en s'attardant sur les présumés surplus et déficits, alimentant le manque d'information et de compréhension que nous devons renverser et entretenant simultanément les voix protectionnistes que nous devons faire taire.
    À mon avis, la notion voulant que l'on traite de la disponibilité du pétrole, du gaz et de l'électricité provenant d'un voisin sûr et amical comme d'un négatif économique en l'englobant dans un déficit commercial calculé est extrêmement bizarre.
    Les mots sont importants, et l'ancien terme « échange » ne correspond plus à la réalité des relations économiques entre les États-Unis et le Canada. Toutefois, il sert les programmes de ceux qui veulent nous entraîner sur la dangereuse pente du protectionnisme.
    Merci beaucoup, monsieur Douglas.
    Nous commençons maintenant la première série de questions.
    Monsieur Patry.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Granatstein et monsieur Douglas.

[Français]

    Premièrement, monsieur Douglas, je voudrais vous féliciter de nous avoir fourni le document dans les deux langues officielles du Canada, soit en français et en anglais. C'est un signe qu'on apprécie beaucoup lorsqu'on vient du Québec.

[Traduction]

    Ma question s'adresse à vous, monsieur Douglas, et nous n'avons pas beaucoup de temps.
     En premier lieu, j'ai été très surpris lorsque vous avez dit qu'il existait un manque de sensibilisation et de compréhension dans votre pays en ce qui concerne l'importance du Canada, pour la prospérité économique actuelle et future des États-Unis. Vous êtes allé un peu plus loin en disant que le consulat du Canada à Buffalo collabore généralement très bien avec votre association, mais que la collaboration est assez difficile avec Washington.
    Comme nous étudions la situation à la frontière, et comme votre dernier commentaire portait sur la frontière entre nos deux pays, en tant que coprésident du conseil du corridor canado-américain, pouvez-vous me dire si ce conseil couvre tout le territoire d'est en ouest, des provinces maritimes à la Colombie-Britannique?
    Est-ce que les deux pays vous ont consulté sur la question de la sécurité aux frontières? Il semble que chaque fois que nous rencontrons nos homologues, les membres du Congrès des États-Unis, ils parlent de leurs craintes de tout ce qui vient du Canada en raison de la longue frontière qui nous sépare.
    Je répondrais tout simplement non à votre dernière question. Ce n'est pas volontaire, mais je crois qu'il n'y a pas eu suffisamment d'efforts concertés de la part du Canada pour identifier — et je ne crois pas qu'il soit difficile de les identifier — des personnes intéressées, des groupes et des porte-parole efficaces qui défendent activement les intérêts du Canada aux États-Unis, et partout sur le continent. Il n'y a pas eu non plus suffisamment d'efforts concertés pour les utiliser d'une façon plus coordonnée, cohérente et soutenue afin d'aider le Canada à passer ses messages et à garantir ses accès.
    Si je m'arrêtais là, et que je devais laisser un seul message, ce serait qu'il faut faire un effort beaucoup plus concerté et soutenu dans ce domaine. Des efforts bien intentionnés sont faits de temps en temps, çà et là, mais ils ne sont ni soutenus, ni coordonnés de façon cohérente.
    Vous avez parlé des membres du Congrès de chaque État et vous avez dit que vous aviez de bonnes relations avec eux. Nous avions un problème, pas pour rencontrer les membres du Congrès des États, mais plutôt ceux de Washington. La question est politique. Nous examinons la possibilité de nous rendre à Washington à la fin du mois.
    Quel conseil pourriez-vous nous donner? Dans les circonstances, lorsque nous les rencontrons, c'est pour une très courte période. Comment devrions-nous nous y prendre avec eux? Avez-vous des conseils précis? Il semble que vous ayez eu beaucoup de succès en ce qui concerne la frontière et le Québec.
(1615)
    À chaque fois que vous vous entretenez avec un membre du Congrès ou avec un sénateur des États-Unis, il est toujours préférable de tirer parti de la présence d'amis américains auprès de vous au cours d'une conversation ou pendant la visite, ça vous donne plus de poids. Tout comme lorsque vous vous trouvez dans votre circonscription. Vous accordez alors plus d'attention à une entreprise, à un homme d'affaires, à la chambre de commerce ou à un citoyen de votre circonscription qu'à une personne venant des États-Unis et qui vient vous dire combien les États-Unis sont importants pour le Canada. Le contraire est également vrai, étant donné la vaste superficie des États-Unis. La grande majorité des membres du Congrès ainsi que des sénateurs des États-Unis vivent loin de la frontière du nord, ils n'ont jamais eu de réelle raison de s'occuper de ce sujet, de s'en interroger ou même de s'en inquiéter.
    Je n'insisterai pas assez sur l'insensibilité des membres du Congrès et des sénateurs envers l'importance économique du Canada dans la vie de chaque Américain, plus particulièrement au niveau du personnel, c'est-à-dire ceux qui écrivent les documents, les déclarations de principe, les communiqués de presse, les horaires, etc. Il ne s'agit pas seulement des Américains qui habitent au Michigan ou dans l'État de New York, mais aussi de ceux qui sont en Iowa, au Kentucky et en Floride. Beaucoup plus doit être fait, pour le bien de nous tous, pour faire passer le message. Afin que ce soit efficace, ce doit être fait en collaboration avec les Américains.
    Il ne s'agit donc pas simplement d'une question de courtoisie; recevoir des collègues d'un autre pays, faire la conversation et faire preuve de bonne volonté. Quand la réunion prendra fin, ils n'y accorderont pas plus d'importance d'autant plus que leurs électeurs les entraîneront dans d'autres directions.
    Merci beaucoup, monsieur Douglas.
    Nous allons passer à M. Crête, s'il vous plaît.

[Français]

    Ce matin, il y avait un article dans le quotidien The Globe and Mail qui rapportait que le plan d'investissement de M. Obama — il va dépenser beaucoup d'argent — ne contient pas de mesures protectionnistes lorsqu'il s'agit des dépenses du gouvernement américain. Cependant, lorsque les dépenses seront faites par des États ou des grandes villes, il y aura obligation de s'approvisionner auprès de fournisseurs américains.
    Dans ma circonscription, il y a un cas très concret. Une entreprise qui vend de l'aluminium s'est fait dire par un client américain que, malheureusement, il avait reçu l'ordre d'acheter d'un fournisseur américain. Vous l'avez dit vous-même, on a une économie très intégrée. Une porte-parole de l'association des équipements manufacturiers pour les eaux et les égouts a même dit que cela va paralyser l'économie.
    Supposons que vous êtes premier ministre du Canada ou que vous occupez un poste élevé. Que pourriez-vous faire pour convaincre les personnes concernées aux États-Unis que cette pratique est non fondée parce qu'elle nuit à la fois à l'économie canadienne et à l'économie américaine? Compte tenu de votre connaissance des États-Unis, que feriez-vous pour trouver une solution, du moins à court terme, à cette situation?

[Traduction]

    Merci, monsieur Crête.
    Monsieur Douglas.
    Comme je l'ai déjà mentionné, le protectionnisme est imminent à cause de la réalité économique. Il se pointe lorsque tout le monde s'inquiète au sujet des emplois sans comprendre que l'on perd beaucoup plus d'emplois que l'on en gagne avec le protectionnisme. Si vous êtes l'un de ceux qui cherchent à protéger ses propres intérêts, il vous est très difficile de regarder l'autre côté de la médaille. C'est tout simplement la réalité.
    Je dois encore une fois insister sur le fait que cette importance doit être comprise non seulement des législateurs à Washington mais également des gouverneurs, des maires, des dirigeants syndicaux et des services de nouvelles en particulier. Ils ont tous un rôle à jouer dans l'importance que l'on accorde à une nouvelle et sur la façon dont cette nouvelle est transmise, surtout lorsqu'ils parlent de ce type de dispositions, pour faire comprendre que l'intégration économique est d'une importance capitale. Encore une fois, je crois que plus vous vous éloignez du thème du commerce dans vos discussions, le mieux ce sera.
    Le mot « commerce » est à proscrire. Je ne sais pas pourquoi. Cela n'a aucun sens. Il s'agit en fait de la seule force économique positive qui ait servi à élever la qualité de vie des gens dans le monde entier et au cours de l'histoire. Ce terme n'a toutefois pas beaucoup de partisans. Sortez-le de votre vocabulaire et parlez plutôt d'impacts économiques et d'impacts sur les emplois des citoyens moyens de l'Iowa, ou des citoyens ordinaires de la Caroline du Sud qui pensent que le Canada n'a aucun lien avec eux à part lorsque les médias leur apprennent que les pertes d'emplois sont d'une façon ou d'une autre causées par l'ALENA.
    Également, le Canada est trop souvent mêlé aux réalités et aux préjudices que l'opinion américaine a envers le Mexique. L'ALENA c'est l'ALENA et de toute façon tout ce qui va mal c'est à cause de l'ALENA. Encore une fois, ça se fait dans les deux sens. Il faut éviter que les discussions au Canada se trouvent liées aux différentes réalités du Mexique et vous devez agir auprès des intervenants américains.
    Je crois que ce que la Chambre de commerce de Montréal souhaite est d'aller dans des endroits comme Pittsburgh par exemple, et tenter de sensibiliser la chambre de commerce locale à l'importance que le Canada peut avoir chez eux; là où la plus grande préoccupation est de vendre l'acier américain. Il faut leur faire comprendre qu'il est possible de concilier les intérêts de tous. C'est là le chemin à suivre.
(1620)

[Français]

    Monsieur Granatstein, dans une perspective à plus long terme de la relation Canada—États-Unis, quels efforts devrait faire le Canada pour vraiment recréer avec les Américains la relation qu'il a peut-être connue il y a 10 ou 15 ans? On a peut-être la nostalgie du passé, mais quel geste serait-il important de poser de la part du premier ministre, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, pour qu'on puisse tenir des discussions plus avancées assez rapidement?

[Traduction]

    Nous avions de bonnes relations il y a environ 15 ans lorsque M. Mulroney était premier ministre. En fait, elles étaient si étroites que beaucoup de Canadiens pensaient que nous étions toujours du côté des Américains, ce qu'ils n'appréciaient pas beaucoup. Il est très difficile de trouver un juste équilibre. Comme le premier témoin d'aujourd'hui l'a dit, nous devons vraiment trouver le moyen de tolérer notre relation avec les États-Unis. C'est exactement ce que nous devons faire.
    Nous devons travailler avec les Américains dans nos propres intérêts, mais il ne faut pas oublier qu'ils sont une superpuissance. Ils ont des intérêts mondiaux. Parfois, nous devons aussi faire notre part du sale boulot dans le monde. Les Américains ont longtemps pensé, en fait pendant environ 50 ans, que nous n'avions pas assumé notre part de responsabilités à titre de pays occidental pouvant assumer sa part du sale travail. Ils savent que nous ne sommes pas une grande puissance militaire, mais ils savent également que nous avons tendance, comme l'a déjà dit John Manley il y a quelques années, à nous éclipser lorsque la facture arrive. Nous ne pouvons plus agir ainsi. C'est un monde différent et nous devons montrer que nous sommes prêts à faire notre part.
    Selon moi, notre présence en Afghanistan, bien qu'elle nous ait coûté très cher, a eu un impact substantiel sur les États-Unis. L'ancien gouvernement américain ainsi que le gouvernement actuel ont l'impression aujourd'hui que le Canada est beaucoup plus fiable et que notre collaboration est beaucoup plus étroite qu'elle ne l'était dans le passé.
    Merci, monsieur Granatstein.
    Passons maintenant à M. Goldring.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Lunney.
    Vous avez environ cinq minutes, vous allez donc devoir vous dépêcher.
    Bienvenue, messieurs.
    Monsieur Granatstein, vous en avez beaucoup dit sur la longue histoire en matière de sécurité que nous partageons avec les États-Unis. Tel que nous en avons déjà discuté il y a quelques années, cette histoire est illustrée par la commémoration de Roosevelt et de Churchill sur les murs de la ville de Québec. Malheureusement, pour une raison quelconque, nous célébrons les autres chefs qui ont participé, mais pas notre premier ministre canadien qui a été mis à l'écart.
    Ma question concerne le passage du Nord-Ouest et la position des Américains à ce sujet, à l'opposé de celle, disons, des Russes. Les Russes sont d'accord pour dire qu'il s'agit d'un territoire canadien. Les Américains veulent que cette voie navigable soit internationale. Du point de vue de la sécurité stratégique, ne serait-il pas mieux de déterminer qu'il s'agit bien d'une juridiction canadienne et non internationale? Bien franchement, si l'on considère cette voie navigable comme étant internationale, est-ce que cela ne laisse pas la liberté aux autres de l'utiliser? Et ça, c'est lorsqu'elle est à l'état liquide. Qu'arrive-t-il quand cette voie est gelée? Peut-on la traverser à bord d'un véhicule?
    Oui, on peut circuler en véhicule, et oui, on peut voler au-dessus si c'est un territoire international. Cela cause de sérieux problèmes pour les Américains si le passage du Nord-Ouest est internationalisé.
    D'un autre côté, les Américains se soucient beaucoup plus de certains autres passages internationaux dans le monde qui n'ont pas de problème avec la glace la plus grande partie de l'année. Jusqu'à maintenant, ils n'ont pas réussi à définir les différences entre le passage du Nord-Ouest et les détroits libres de toute glace.
    De notre point de vue évidemment nous voulons que ce soit désigné comme un territoire canadien souverain. Mais de façon plus réaliste, nous devons nous préparer à ce que, d'après la loi internationale, nous ne puissions gagner une telle cause et que nous serions peut-être, et je dis bien peut-être, mieux de trouver une façon de partager la responsabilité internationale dans le nord-ouest plutôt que de tenter de tout garder pour nous.
    Nous devons également être réalistes et reconnaître que si le réchauffement climatique continue au rythme qu'il progresse aujourd'hui, dans 10, 15 ou même 20 ans, le passage du Nord-Ouest sera peut-être bel et bien ouvert et qu'en fait, le pôle nord sera transformé en eaux libres. Si les choses se passent ainsi, le passage du Nord-Ouest disparaîtra à tire de voie d'importance. Pourquoi passer par les eaux canadiennes, par un chemin sinueux et tordu, si l'on peut passer par le chemin situé près du pôle, ce qui est beaucoup plus court et nous évite d'avoir à respecter la réglementation environnementale du Canada? C'est probablement ce qui nous attend dans un avenir proche.
(1625)
    Monsieur Lunney.
    Je reviendrai sur le sujet.
    J'ai trouvé intéressantes nombre de vos observations, monsieur Granatstein, au sujet de l'attitude de certains Canadiens par le passé qui n'a pas été particulièrement utile. J'aime bien votre commentaire sur nos propres intérêts et sur le fait que le Canada s'est en fait montré un peu comme un allié qui a peut-être été perçu par les Américains comme un allié de premier plan.
    Mais revenons aux questions de la frontière et du Nord et aux efforts que nous déployons dans le Nord pour établir une présence, accroître les installations de formation, les établissements scientifiques et surveiller les activités dans le Nord, avez-vous d'autres recommandations pour améliorer la situation de notre périmètre, la sécurité du périmètre nord-américain, de concert avec les Américains? Et, bien sûr, notre frontière commune, que pourrait-on faire de plus?
    Je ne suis pas un spécialiste en matière de frontière. Je ne prétends pas être expert en matière de sécurité du périmètre.
    Je crois que nous serons inévitablement contraints d'établir un périmètre de sécurité. Ce qui nous causera de sérieux problèmes. Nous devrons changer nos politiques en matière d'immigration et du statut de réfugié. Mais je crois que nous serons, dans notre propre intérêt, notamment sur le plan économique, obligés de reconnaître que nous devrons faire ces changements pour préserver l'accès à notre marché le plus important.
    Beaucoup de Canadiens pensent que le vaste marché de la Chine ou de l'Inde prendra la place qu'a le marché des États-Unis pour le Canada. Je n'y crois pas une minute. Le marché américain est de demeurer le plus riche au monde, et nous devons simplement maintenir notre accès par tous les moyens nécessaires. Si cela signifie un périmètre de sécurité commun, nous l'établirons.
    Merci, monsieur Lunney.
    Passons à M. Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leurs présentations aujourd'hui. Monsieur Granatstein, j'ai lu presque tous vos livres...
    Je vous ferai passer un examen.
    D'accord. Assurez-vous d'inclure Creighton et certains autres — j'ai pris quelques cours d'histoire et j'ai obtenu un diplôme dans certains de nos établissements.
    Vous avez mentionné la notion des valeurs canadiennes et vous avez parlé de liberté et de démocratie. Je doute qu'on soutienne le contraire, mais il y a aussi les valeurs canadiennes de paix, d'ordre et de bon gouvernement. Ce que nous voyons actuellement — surtout lorsque vous juxtaposez notre structure de gouvernance à celle de la structure américaine — lorsqu'il est question de réglementation, on nous envie sans doute en raison de notre système bancaire.
    Je tiens à dire que je sais que notre gouvernement aime déclarer qu'il s'agit d'un avantage — je suis d'accord avec lui — mais je vous signale que dans les années 1980, le gouvernement actuel voulait déréglementer. Je pense donc que nous devons être clair quant à la façon dont nous maintenons un système solide que les gens envient.
    Je voulais juste le préciser, parce que si nous restons dans la dichotomie que vous avez présentée, d'être indépendant — mais évidemment lié géographiquement — lorsqu'il est question de réglementation et de politique, quels sont les pièges qu'il faut connaître?
    Je suis totalement d'accord avec vous sur le fait qu'il est facile de mettre la faute sur les Américains pour ceci ou cela. Ça ne nous mène nulle part, et ça insulte mes cousins qui vivent là-bas. Mais il faut faire preuve d'intelligence. Lorsqu'il est question de politique étrangère et de politique continentale, ce n'est pas sans restriction. Nous ne voulons pas seulement leur lever notre chapeau.
    Quels sont donc les pièges et les choses pour lesquels nous devrions vraiment faire preuve de prudence pour ce qui est de nos relations avec Washington?
(1630)
    C'est une bonne question.
    Si nous faisons ce que j'ai suggéré, c'est-à-dire toujours faire passer nos intérêts nationaux lorsqu'il faut faire des choix en matière de défense, de politique étrangère et d'économie, alors nous aurons au moins des lignes directrices. Je ne crois pas que nous ayons appliqué le critère de l'intérêt national à ce que nous faisons. Certaines choses n'auraient pas été faites si nous l'avions fait. À mon avis, c'est la seule façon de faire. Nous devons reconnaître que nous pouvons gagner de nombreuses batailles avec les États-Unis dans le cas de questions particulières, mais nous n'avons aucun espoir de gagner la guerre. Et eux deviendront toujours plus puissants, et leur volonté prévaudra, s'il le faut. Nous devons donc être très habiles lorsque nous voulons nous battre ou que nous voulons reculer. Autrement dit, nous devons savoir ce que nous devons protéger, promouvoir, défendre. Si c'est clair dans notre tête, nous pouvons obtenir de très bons résultats dans nos négociations avec les Américains.
    Nous devons toutefois reconnaître, comme je l'ai indiqué, que si une vraie bataille est engagée, nous ne pouvons pas gagner. Les gros bataillons l'emportent toujours. C'est la réalité. Il demeure tout de même dans notre intérêt de négocier avec les Américains. Nous n'avons pas le choix, nous devons le faire. C'est toujours dans notre intérêt de le faire, mais nous devons reconnaître que parfois nous ne gagnerons pas. Parfois, nous remporterons des demi-victoires; nous remporterons même peut-être une victoire complète, mais ce ne sera qu'à de rares occasions.
    Merci.
    Monsieur Douglas, rapidement, parce que je pense qu'il ne reste que peu de temps, vous avez mentionné l'économie verte. Nous comptions sur la nouvelle administration, et certains de nous ont été très heureux de constater un changement. Le système de plafonnement et d'échanges est une politique que beaucoup d'entre nous ont défendue par le passé. Il verra le jour en Amérique du Nord.
    Quels sont certains des avantages le long de la frontière, en particulier concernant l'élaboration d'initiatives vertes, et pouvez-vous nous donner des exemples de travaux sur lesquels vous collaborez déjà avec les États-Unis?
    Ce programme vert est, à mon avis, un exemple de quelque chose qui est devenu très populaire, mais que personne n'a encore bien défini. On peut parler à six personnes et elles donneront six définitions différentes. Il signifie le système de plafonnement et d'échange et le bilan carbone, il signifie la technologie propre, il signifie l'énergie de remplacement — il signifie toutes ces choses. Il se définit de plus en plus. Le Canada a la chance d'aider à le définir, parce qu'encore une fois, je crois que presque chaque responsable des politiques, décideur, magnat des médias, peu importe, du côté américain de la frontière connaît beaucoup de succès à l'heure actuelle, et le Canada a beaucoup à offrir.
    Je connais particulièrement la situation du Québec, parce que ce sont avec ces gens que nous collaborons le plus étroitement. L'hydro-électricité a un énorme potentiel. C'est déjà un fournisseur très important. Il a un énorme potentiel pour en fournir beaucoup plus, pour répondre aux besoins en électricité du Nord-Est des États-Unis dans l'avenir grâce à une source d'énergie renouvelable propre. Il reste encore énormément de chemin à parcourir pour y arriver.
    Je pense qu'il existe une certaine synergie avec le développement de l'énergie éolienne. New York en est un exemple; on le voit très bien dans ma région de New York. Une grande partie de l'équipement vient du Canada. Je pense que le Canada a l'infrastructure technologique qui peut le permettre.
    Beaucoup de recherches universitaires et de travaux de recherche et développement sont en cours. Le Canada a particulièrement tendance à être plus avancé que les États-Unis sur de nombreux aspects de la recherche et du développement. Il y accorde beaucoup plus d'importance que nous le faisons aux États-Unis, il a donc une contribution à apporter aux nouvelles technologies propres.
    Merci beaucoup.
    Nous voulons vous remercier tous d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Nous nous excusons du démarrage tardif de la séance. Un de nos collègues des médias, un ami, est décédé hier soir, et un hommage lui a été rendu à la Chambre des communes. Je tenais à vous expliquer pourquoi nous avions ce cinq minutes de retard.
    Nous voulons certainement vous remercier d'avoir présenté vos exposés. Soyez assurés que vos déclarations seront consignées dans les bleus et que nous aurons tous l'occasion de prendre connaissance des observations que vous avez faites. Le comité se penche actuellement sur l'examen des différents éléments clés de la politique étrangère du Canada, le premier étant bien entendu la relation entre le Canada et les États-Unis. Si vous avez d'autres commentaires à nous transmettre, nous serions heureux de les recevoir.
    Nous allons suspendre les travaux pendant une minute. Ceci permettra à nos invités de prendre congé et aux nouveaux arrivants de s'asseoir.

(1635)
    Le moment est venu de reprendre nos travaux.
    Au cours de la deuxième heure, dans le cadre de notre examen des principaux éléments de la politique étrangère du Canada, nous avons, de l'Université du Québec à Montréal, le professeur Stéphane Roussel. Il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes et spécialiste des relations canado-américaines dans l'Arctique.
    Nous entendrons également Steven Staples, président de l'Institut Rideau sur les affaires internationales.
    De l'École Norman Paterson de l'Université Carleton, Colin Robertson est agrégé supérieur de recherche et directeur du projet Canada-États-Unis du Centre de droit et de politique commerciale.
    Chaque témoin aura le temps de présenter une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la première série de questions. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.
    Je crois que Mme Deschamps, qui est un membre apprécié de notre comité...

[Français]

    J'aimerais transmettre un message, si vous me le permettez, et souhaiter la bienvenue à un groupe de visiteurs. Je sais qu'ils vont partir bientôt, mais un groupe de l'École nationale d'administration publique de Montréal a assisté aujourd'hui aux travaux de notre comité. Je voudrais remercier ces personnes de leur intérêt qu'ils portent à nos travaux.

[Traduction]

    Merci.
    Il arrive parfois que des étudiants assistent aux travaux du comité.
    Bienvenue sur la Colline du Parlement. Soyez assurés que vous êtes entre très bonnes mains avec Mme Deschamps. Il me fait plaisir de constater qu'elle a pu vous faire visiter un peu les lieux. Profitez bien du reste de votre journée.
    Nous passons au premier tour. Monsieur Robertson, la parole est à vous. Si vous pouviez vous limiter à une dizaine de minutes, nous pourrions soumettre davantage de questions. Je vous rappelle une fois de plus que nous sommes en retard, et que les cloches commenceront à se faire entendre à 17 h 30.
    Monsieur Robertson, je vous souhaite de nouveau la bienvenue parmi nous.

[Français]

    Au cours de la dernière année, l'École Norman Paterson de l'Université Carleton et son Centre de droit et de politique commerciale ont réuni une équipe d'experts afin de réfléchir à la façon dont le Canada pourrait défendre au mieux ses intérêts grâce à des relations plus productives avec le nouveau gouvernement Obama et le Congrès à Washington. Ce plan d'action reflète nos discussions et offre des suggestions aux gouvernements canadiens, national et provinciaux, pour l'élaboration d'un programme d'efforts bilatéraux pour un engagement soutenu. Voici nos conclusions.
    C'est le moment d'entreprendre des efforts de rapprochement. Premièrement, la crise financière internationale exige une coopération soutenue et rapide. Les interconnections entre les secteurs financier et manufacturier des deux pays, les problèmes du secteur automobile, par exemple, feraient échouer tout effort orienté sur des situations purement canadiennes.
    Il est particulièrement important pour le Canada de faire preuve d'audace et d'inspiration si on veut profiter de notre place unique à la porte des États-Unis. La solution se trouve dans le leadership et le respect mutuel. Les relations personnelles des chefs des gouvernements sont les conditions sine qua non de toute bonne relation. Cela est souligné plusieurs fois par nos interlocuteurs américains. Le premier ministre devra tout d'abord proposer au président de rétablir les sommets annuels. Le programme est clair, mais nous devons dépasser l'incrementalism et la gestion des irritants que nous avons connus récemment pour nous concentrer sur des efforts intégrés mutuellement bénéfiques visant à régler de grandes questions. Cela veut dire que le problème bilatéral le plus pressant sera de repenser le mode de gestion de l'espace économique nord-américain, la sécurité énergétique et le développement durable; « réimaginer » la frontière; adopter une réglementation unique applicable de part et d'autre de la frontière; et accroître la capacité de réglementation mixte.
    Nous croyons que les Canadiens sont prêts. Selon des sondages — et je sais que Frank Raves était ici —, les Canadiens sont, de façon générale, favorables à une relation qui les sert, et ils sont prêts à soutenir des efforts gouvernementaux visant à améliorer leur économie et leur sécurité. Il existe déjà tout un éventail de contacts institutionnels transfrontaliers au palier fédéral. Il existe aussi des connections cachées entre les États et les provinces, surtout entre les premiers ministres et les gouverneurs, entre les entreprises, ainsi qu'entre les parlementaires. Cela pourra renforcer les buts et objectifs nationaux.
(1640)

[Traduction]

    Les pères fondateurs ont bâti le système américain sur les assises que James Madison appelait les intérêts concurrents et les aspirations du peuple. Les pratiques diplomatiques traditionnelles font figure de rituel autant que de protocole.
    Dans le contexte actuel, il n'est ni suffisant ni pertinent de se fier au département d'État et, à l'occasion, à l'organe exécutif pour défendre nos intérêts. Pour défendre et faire progresser les intérêts du Canada dans une relation qui, chaque jour, voit se brouiller de plus en plus les limites entre les dossiers internationaux et les dossiers nationaux, il faut mener une campagne permanente et réserver un rôle à chacun.
    En tant que parlementaires, vous avez une place de choix auprès de vos collègues législateurs, membres du Congrès qui siègent à la Chambre des représentants et au Sénat. Le Congrès est à l'origine de bon nombre de nos problèmes, parfois sciemment, si on pense aux dossiers du bois d'oeuvre, du boeuf canadien et des exigences concernant les passeports, mais également — et tout aussi souvent — parce qu'il entraîne des dommages collatéraux en adoptant des mesures commerciales qui visent d'autres pays mais qui se répercutent sur le Canada, vu l'étroite relation entre nos deux pays.
    À titre de chef du secrétariat de défense des intérêts du Canada à Washington, j'ai travaillé aux côtés des coprésidents du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, les députés Greg Thompson puis Rob Merrifield, et Jerry Grafstein, qui y siège depuis toujours.
    J'ai été enchanté de constater que les parlementaires pouvaient désormais inclure Washington dans leurs crédits de voyage. Si ce n'est déjà fait, je vous demanderais d'étendre ces crédits à l'ensemble des États-Unis, pour permettre aux membres de ce comité de visiter les membres du Congrès dans leurs districts. Les bonnes relations sont un gage de succès diplomatique. Dans le contexte américain, les représentants élus partagent une expérience particulière. Votre rôle est vital et important, et je ne saurais assez insister sur la valeur que représente le travail que vous effectuez entre législateurs.

[Français]

    En conclusion, nous pensons qu'il est possible de faire de grands progrès en toute confiance en partenariat dans des dossiers importants pour les Canadiens et les Américains. La seule question, selon nous, est de savoir s'il y a la volonté de prendre l'initiative et d'y mettre la persévérance nécessaire.

[Traduction]

    Les situations de crise ouvrent la voie à différentes possibilités. Des changements s'opèrent déjà, que ce soit dans le secteur financier ou dans l'industrie de l'automobile. L'administration Obama a ouvert la porte, et le Canada peut maintenant établir un partenariat constructif qui fera passer sa relation avec les États-Unis à un autre niveau, celui-là valorisant.
    Une fois de plus, les Canadiens pourront travailler, avec les Américains, à bâtir et à faire fonctionner des institutions bilatérales et mondiales nouvelles ou renouvelées. Les forces protectionnistes sont à l'oeuvre autant à la Chambre des représentants qu'au Sénat, tous deux à majorité démocrate, et la gravité de la crise économique américaine peut facilement causer une agitation qui ne sera pas sans risques pour ceux qui se trouvent au plus près de la mêlée.
    Le sens de la nuance du nouveau président et son véritable intérêt pour les relations internationales n'ont toujours pas été mis à l'épreuve et demeurent en grande partie inconnus. Il s'est déclaré être un citoyen du monde, mais compte tenu des pressions qui sont exercées sur lui, nous ne savons pas encore combien d'attention il pourra consacrer à ses voisins.
    Les événements ne font que faire ressortir davantage l'importance du leadership national, de l'initiative et d'une campagne permanente, au regard desquels les parlementaires auront un rôle clé à jouer. Les astres sont alignés: les Canadiens sont à l'aise avec Obama, et les provinces et le milieu des affaires s'accordent quant à l'importance d'entreprendre des choses avec les États-Unis.
    Notre proximité géographique ainsi que le réseau mondial que nous avons et qui reflète notre pluralisme nous confèrent une sensibilité et une perspective uniques du point de vue des relations internationales. Ces renseignements sont une précieuse monnaie d'échange diplomatique, tout particulièrement à Washington. En jouant habilement ses cartes, le Canada peut se tailler une place unique dans un monde où tous les autres joueurs cherchent à comprendre ce que pensent les États-Unis et à déterminer s'ils se préoccupent véritablement du sort du reste du monde.
    Voici donc l'occasion d'établir un partenariat judicieux avec les États-Unis, dont le Canada pourra tirer parti. C'est une occasion à ne pas rater. Étant donné que les trois quarts de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis et que notre prospérité dépend du commerce, les effets d'un partenariat infructueux se feraient sentir très rapidement d'un bout à l'autre du pays. La difficulté du contexte actuel exige du Canada qu'il poursuive un but précis et qu'il le fasse avec détermination.
    Merci, monsieur le président.
(1645)
    Merci, monsieur Robertson.
    Monsieur Staples, la parole est à vous.
    Membres du comité, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité ici aujourd'hui pour parler des relations entre le Canada et les États-Unis.
    Mon exposé portera surtout aujourd'hui sur deux secteurs qui apparaissent de plus en plus comme prioritaires pour l'administration Obama, et qui donnent au Canada la possibilité de faire valoir ses intérêts nationaux tout en rendant notre planète plus sûre. Le premier de ces secteurs est la sécurité de l'espace et l'autre, l'appui du désarmement nucléaire et de la non-prolifération des armes nucléaires.
    Commençons par l'espace.
    Les Canadiens ont de nouveau pris conscience de la valeur des investissements du gouvernement dans l'espace lorsqu'il a été question de vendre la division aérospatiale de MacDonald, Dettwiler et Associates, y compris le satellite de télédétection RADARSAT-2 et toute la propriété intellectuelle connexe. Nous avons vécu des moments forts lorsque nous avons vu prendre soudainement de l'ampleur le mouvement d'opposition publique à cette vente totalisant 1,3 milliard de dollars à une société de défense des États-Unis. Le ministre de l'époque, Jim Prentice, a été applaudi lorsqu'il a interdit la vente en vertu de la Loi sur Investissement Canada, une première historique depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1985.
    Au cours des mois qui ont suivi, le président de l'Agence spatiale canadienne, M. Steven MacLean, a dirigé l'élaboration d'une nouvelle stratégie spatiale qui sera rendue publique sous peu. En soulignant l'importance de l'espace du point de vue de l'efficacité de la prestation de services aux Canadiens, M. MacLean a consulté neuf ministères différents, qui dépendent tous des technologies spatiales pour réaliser leurs mandats respectifs.
    La prochaine étape pour ce qui est d'appuyer notre puissance spatiale et les avantages pour le gouvernement qui en découlent se déroulera sur la scène internationale. Les intérêts nationaux du Canada dépendent de la sécurité spatiale à l'échelle internationale, laquelle est définie dans l'Index de sécurité de l'espace comme étant l'accès sûr et durable à l'espace et un usage sûr et durable de celui-ci, libre de menaces basées dans l'espace. L'index est appuyé par le ministère des Affaires étrangères du Canada.
    Au cours des deux dernières années, des choses inquiétantes se sont produites dans l'espace. La Chine a détruit un de ses satellites vétustes au moyen d'un missile antisatellite, ce qui a créé un énorme nuage de débris dans l'espace. Les États-Unis ont également détruit un de leurs propres satellites au moyen d'un missile conçu pour son système controversé et déstabilisant de défense antimissile balistique. Et, il y a quelques semaines à peine, deux satellites sont entrés en collision dans l'espace, une quasi-impossibilité statistique qui démontre à quel point l'environnement spatial est devenu dangereux, sans oublier que les champs de débris qui s'ensuivent posent un danger pour la station spatiale internationale.
    Les débris, les armes satellites et les armes antisatellites sont tous des dossiers auxquels les pays qui ont des programmes spatiaux doivent s'attaquer pour préserver la sécurité de l'espace.
    L'administration Obama prend la sécurité de l'espace très au sérieux. Le président Obama a pris l'engagement suivant sur le site Web de la Maison-Blanche:
    
L'administration Obama-Biden rétablira le leadership des États-Unis dans les dossiers qui concernent l'espace, et cherchera à bannir dans le monde entier les armes qui risquent de porter atteinte aux satellites militaires et commerciaux.
     Leur plan, soit dit en passant, est plus vaste et inclut également d'autres initiatives qui portent sur la sécurité de l'espace.
    Demain, l'Institut Rideau et la fondation Un monde en sécurité tiennent leur table ronde annuelle sur l'espace, à laquelle participent des spécialistes, des représentants du gouvernement et des représentants de l'industrie, de même qu'un conseiller clé auprès du président Obama sur les questions spatiales, M. John Logsdon. M. Logsdon vient au Canada parce que l'administration Obama cherchera à s'unir à des partenaires dans la communauté internationale pour réaliser ses objectifs en matière de sécurité de l'espace. Certains fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères travaillent discrètement aux dossiers qui concernent les problèmes de sécurité de l'espace, s'attirant ainsi le respect de nos alliés. Ce travail doit s'intensifier et accroître son envergure si nous espérons apporter une contribution significative.
    Pour y parvenir, j'aimerais formuler les recommandations suivantes: que ce comité demande au ministère des Affaires étrangères et aux hauts fonctionnaires de la Division de la non-prolifération et du désarmement de communiquer aux membres de ce comité comment le Canada peut soutenir les efforts internationaux de sécurité de l'espace; deuxièmement, que les membres du Parlement établissent un réseau informel composé de représentants de tous les partis pour étudier les défis auxquels le Canada est confronté, entendre des solutions proposées par des experts et les parties intéressées et susciter la coopération parlementaire sur ces questions; troisièmement, que le gouvernement soit encouragé à formuler une politique nationale de l'espace qui oriente l'approche gouvernementale globale à l'espace, en mettant au coeur de son action des principes d'utilisation pacifique de l'espace, de coopération internationale et d'excellence scientifique et technique canadienne.
    Au cours des quelques minutes qu'il me reste, j'aimerais parler du deuxième secteur où, selon moi, le Canada et les États-Unis partagent un intérêt commun, c'est-à-dire le désarmement nucléaire.
(1650)
    Pour illustrer à quel point il est dangereux de conserver un arsenal nucléaire, y a-t-il exemple plus éloquent que celui de la collision survenue il y a quelques semaines au fond de l'océan entre deux sous-marins lance-missiles balistiques, dont l'un était français et l'autre britannique? Cet exemple s'ajoute aux raisons que font valoir de nombreux experts en sécurité qui demandent que soit réduit le nombre d'armes nucléaires stockées à travers le monde, qui s'élève à 20 000. Des gens comme Henry Kissinger, George Shultz, William Perry et Sam Nunn ont uni leurs voix pour demander la réduction du nombre de ces armes et, ultimement, leur élimination.
    En plus de s'engager à empêcher la militarisation de l'espace, le président Obama cherche à renouveler l'engagement en faveur d'une réduction des armes nucléaires. Dans le célèbre discours qu'il a prononcé à Berlin pendant sa campagne électorale, Obama, qui était alors sénateur, est allé jusqu'à exprimer son appui à l'abolition des armes nucléaires. Aujourd'hui, le président ne perd pas de temps. La secrétaire d'État Hillary Clinton s'est rendue à Moscou la semaine dernière, et après qu'elle eut rencontré pour la première fois en personne son homologue russe Sergei Lavrov, ils ont tous deux convenu qu'il fallait améliorer les relations entre les États-Unis et la Russie. Comme point de départ, ils travailleront à un traité de désarmement nucléaire qui devrait être conclu avant la fin de l'année.
    Le mouvement est déjà en marche et les Canadiens doivent emboîter le pas. Dans un important discours présenté devant la Chambre haute le mois dernier, le sénateur Hugh Segal a rappelé aux membres le rôle traditionnellement joué par le Canada en faveur du désarmement nucléaire. Il a dit que la volonté d'éviter une guerre nucléaire est l'un des fondements de la politique étrangère canadienne en matière de défense depuis la fin des années 1950, et il a demandé au Canada de prendre les devants afin que puisse être évitée une catastrophe nucléaire avec l'Iran.
    Le Moyen-Orient nous donne l'occasion de le faire, mais également l'Europe. Cette année, nous soulignons le 60e anniversaire de l'OTAN. Cette organisation continue d'adhérer à un concept stratégique fondé sur les armes nucléaires, qui n'a pas été revu depuis une décennie.
    Le Canada siège au Groupe des plans nucléaires. À vrai dire, que notre pays puisse siéger à un groupe portant un nom aussi odieux devrait surprendre plus d'un Canadien.
    De nombreuses organisations, telles l'Initiative des puissances moyennes, qui, jusqu'à cette année, était menée par un ex-député conservateur d'Edmonton et par le sénateur indépendant Douglas Roche, préparaient le terrain à l'OTAN en vue de la réforme sur la politique nucléaire, en travaillant avec de nombreux autres États non nucléaires comme le Canada.
    D'autres groupes comme la Conférence de Pugwash, qui a obtenu le prix Nobel de la paix et qui tire son nom d'après le village en Nouvelle-Écosse où s'est tenue sa première réunion, ainsi que les Médecins pour la survie mondiale (Canada), demandent au Canada de réaffirmer son engagement à l'égard du désarmement nucléaire en cette année d'anniversaire de l'OTAN.
    Outre les prochaines réunions de l'OTAN, il convient de noter que l'ONU se préparera en vue du prochain examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires prévu en 2010. Nous aurons là également une autre occasion.
    Enfin, j'aimerais vous présenter les recommandations finales qui font suite aux trois premières. La recommandation numéro quatre serait que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international profite de l'année à venir pour explorer comment le Canada pourrait contribuer au désarmement international, puisque, dans les mots du sénateur Segal prononcés au Sénat: « nous avons envers le monde le devoir de faire preuve d'une pensée nouvelle et de mettre de l'avant de nouvelles idées car les risques géopolitiques de tous n'ont jamais été aussi grands » [avec les États-Unis].
    Merci, monsieur Staples.
    Passons maintenant à M. Roussel. Vous avez 10 minutes.
    Je suis très content d'avoir été invité, puisque c'est ici que j'ai commencé ma carrière il y a 19 ans pendant la guerre du Golfe, comme stagiaire au comité des affaires étrangères.
(1655)

[Français]

    Mes remarques porteront essentiellement sur un aspect des relations canado-américaines, c'est-à-dire la question de la gouvernance dans l'Arctique. Il s'agit d'une question importante. Je crois qu'à cette heure-ci, le ministre Cannon fait une déclaration à ce sujet à Yellowknife.
    Je tiens à souligner que les réflexions que je partagerai avec vous aujourd'hui découlent en grande partie des travaux que j'ai menés avec ma collègue Samantha Arnold de l'Université de Winnipeg. Toutefois, mes propos n'engagent que ma seule responsabilité.
    En guise d'entrée en matière, je vous dirais que les problèmes auxquels fait face le gouvernement canadien dans l'Arctique sont de trois ordres. Premièrement, il faut gérer les conséquences immédiates des changements climatiques sur la faune, sur la flore, sur les communautés humaines et sur l'environnement.
    Deuxièmement, le Canada fait face à quatre contestations territoriales, donc quatre questions de souveraineté. Deux de ces conflits sont absolument insignifiants: ce sont les deux conflits avec le Danemark, l'un sur l'île de Hans et l'autre dans la mer de Lincoln. Par contre, deux autres de ces conflits sont plus importants et mettent en cause les États-Unis. L'un concerne la mer de Beaufort; l'autre, plus important, correspond à la querelle sur le statut du passage du Nord-Ouest.
    Le troisième type de problèmes auxquels on fait face, c'est la croissance potentielle des activités humaines dans cette région, notamment l'augmentation de la navigation, l'exploitation des ressources naturelles et même l'augmentation éventuelle d'activités criminelles. Je tiens à souligner ici le mot « potentielle ». En effet, on est dans le domaine des scénarios. On ne sait pas ce qui va se produire d'ici à 15, 20 ou 30 ans. Ce sont des menaces ou des problèmes qui se poseront éventuellement. Je m'intéresserai surtout à ces deux derniers problèmes parce que ce sont ceux qui touchent le plus aux questions de gouvernance.
    Depuis 2004, le gouvernement canadien a pris un certain nombre d'initiatives pour renforcer sa présence dans le Grand Nord, notamment la construction de brise-glaces, l'achat d'hélicoptères, la construction d'infrastructures portuaires et d'entraînement, l'augmentation des effectifs du corps de Rangers et la tenue d'exercices militaires réguliers dans le Grand Nord. Ces initiatives sont les bienvenues. Le Canada a été trop longtemps absent dans le Grand Nord. Elles permettent au gouvernement d'assurer une présence effective dans cette région et de remplir ses responsabilités.
    Toutefois, je me permets ici de faire une remarque. Je fais preuve d'un optimisme prudent sur ce plan. En effet, tout ce qui a été annoncé demeure des annonces, et non pas encore des mesures concrètes déployées sur le terrain. Il faut de 10 à 20 ans pour mettre en service un brise-glace. Le problème, c'est que la crise financière à laquelle on fait face actuellement pourrait très bien inciter le gouvernement à réduire ses efforts et à sabrer dans certains des programmes annoncés, comme cela a été le cas notamment en 1989.
    L'autre problème, c'est que la guerre en Afghanistan demande beaucoup de ressources financières, humaines et matérielles. Je ne crois pas que, dans le contexte actuel, le Canada puisse se permettre d'intervenir à la fois en Afghanistan et dans l'Arctique. Tôt ou tard, le gouvernement sera appelé à faire des choix importants.
    Toutefois, même en présumant que ces initiatives seront effectivement mises en oeuvre, une autre question se pose: ces mesures, qui sont essentiellement unilatérales, sont-elles suffisantes pour atteindre les objectifs que se donne le gouvernement canadien dans le Nord? À mon avis, ces initiatives unilatérales ne seront pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées d'une offensive diplomatique. Ces mesures unilatérales doivent être accompagnées de la signature d'ententes avec d'autres gouvernements pour que les prétentions du Canada soient reconnues et que les services gouvernementaux soient offerts le plus efficacement possible.
    Plusieurs de mes collègues et moi-même estimons qu'il y a une fenêtre d'opportunités. Colin Robertson l'a clairement exprimé. Il y a probablement une possibilité d'améliorer les relations avec le gouvernement américain et, notamment, de créer de nouvelles institutions. Les initiatives diplomatiques auxquelles je faisais allusion peuvent être de deux ordres: il y a les initiatives multilatérales, dont je ne parlerai pas ici pour l'instant, et les initiatives bilatérales.
    Le Canada entretient d'excellentes relations avec les États-Unis, ce qu'on tend à oublier lorsque de petits conflits opposent les deux pays. Par le passé, les deux États ont montré une très grande capacité à résoudre leurs conflits de manière satisfaisante et à trouver des compromis qui satisfassent leurs intérêts mutuels. On peut donc avoir, ici encore, un optimisme modéré quant à la possibilité de résoudre les conflits dans l'Arctique.
    Toutefois, je tiens à insister sur une chose. Le facteur le plus important des relations canado-américaines, ce sont les institutions bilatérales mises en place par les deux pays. Dans le seul domaine de la défense, plus de 850 ententes unissent les deux pays. À mon avis, ces institutions ont largement contribué à améliorer et à maintenir de bonnes relations entre les deux pays.
(1700)
    Au cours des deux dernières années, de très nombreux chercheurs ont suggéré la création d'une nouvelle institution bilatérale canado-américaine qui permettrait de gérer les problèmes et les défis dans le Grand Nord.
    De façon très succincte, ces propositions rejoignent trois modèles qui existent déjà dans les relations canado-américaines. Le premier modèle est celui des organisations de gestion et d'entretien des couloirs de transport maritime, par exemple la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, dont le pendant aux États-Unis est la Saint Lawrence Seaway Development Corporation. C'est une société de la Couronne chargée de veiller à l'entretien des infrastructures de navigation dans le Saint-Laurent et d'assurer la sécurité des navires qui empruntent cette voie maritime.
    Le deuxième type d'organisation est le NORAD, une organisation de défense conjointe des deux pays. Il y a deux ans, le NORAD s'est vu confier un mandat maritime. Je suis assez sceptique quant à la possibilité que le NORAD puisse fournir des services adéquats dans le Grand Nord, mais ce modèle est souvent évoqué.
    Le troisième modèle — celui qui est peut-être le plus intéressant et utile pour nous —, ce sont les institutions de gestion des conflits et de gestion de la coopération. Les deux exemples les plus connus sont la Commission permanente mixte de défense, le CPMD, ou, en anglais, le Permanent Joint Board on Defence, le PJBD, qui a été formé en 1940, et la Commission mixte internationale, ou l'International Joint Commission, qui a été formée en 1909. Ces deux organisations fonctionnent très bien. Elles sont chargées de faire des recommandations aux deux gouvernements dans leurs domaines de compétence. Elles entreprennent des études et elles peuvent éviter les sujets trop politisés.
    Si un modèle devait être adopté pour gérer les relations canado-américaines, à la fois les conflits mais aussi les défis communs dans le Grand Nord, ce devrait être celui du CPMD.
    En terminant, on doit remplir un certain nombre de conditions si on veut créer une telle institution bilatérale dans le Grand Nord.
    Premièrement, il faut mettre de côté les questions de souveraineté. Ces questions empoisonnent les relations canado-américaines et soulèvent des débats inutiles. Il n'y a aucune urgence de résoudre immédiatement les questions de souveraineté. Au contraire, les évoquer peut simplement entraîner des blocages dans les discussions entre les deux pays.
    Deuxièmement, cette institution doit avoir un caractère fonctionnel et très technique. Elle doit se concentrer sur des problèmes qui ne sont pas politiques, mais sur des problèmes concrets, par exemple la surveillance et l'aide à la navigation, la recherche et le sauvetage ou encore la protection de l'environnement.
    Troisièmement, on doit privilégier une approche à petits pas. Il faut mettre sur pied des initiatives à portée limitée, lesquelles pourraient éventuellement servir de base pour construire une organisation plus ambitieuse.
    Quatrièmement, il faut impérativement s'assurer que les gouvernements locaux, c'est-à-dire le gouvernement de l'Alaska, le représentant des territoires canadiens et le représentant des groupes autochtones, soient adéquatement représentés dans cette institution. Ce sont les premiers concernés par ce qui se passe dans l'Arctique.
    Finalement, il faut s'assurer que le mandat de cette future organisation n'entre pas en contradiction avec les engagements multilatéraux du Canada et du gouvernement américain dans le Grand Nord. Ce mandat doit être formulé de manière à permettre à d'autres joueurs d'être invités ou à ajouter d'autres domaines de coopération. L'organisation doit donc être flexible, tant dans son membership que dans sa portée.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Roussel.
    Passons à la première série de questions. Nous entendrons M. Pearson et ensuite M. Patry.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être avec nous aujourd'hui. Nous en sommes très heureux.
    Monsieur Robertson, il y a quelques semaines nous avons reçu Thomas d'Aquino, qui est à la tête du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Il est resté avec nous assez longtemps. Nous avons discuté de certains des éléments qui perturbent la relation entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne le commerce, les entreprises et les sociétés. Je lui ai demandé ce que nous pouvions faire pour améliorer cette situation et faire bouger les choses plus rapidement. J'ai été surpris de l'entendre répondre qu'il fallait renforcer la fonction publique au Canada. Il a aussi parlé de renforcer le service diplomatique au Canada pour les relations canado-américaines.
    J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec son évaluation. Comme vous possédez une riche expérience en la matière, dites-nous ce que nous pourrions faire pour y arriver?
(1705)
    Monsieur le président, je fais toujours partie du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je suis prêté à l'Université Carleton. Je pense que notre fonction publique est solide, mais je pense aussi que des mesures visant à accroître sa capacité sont toujours les bienvenues.
    D'accord, merci.
    Monsieur Staples, je sais que vous avez récemment participé à une émission de la CBC. Je suis désolé, mais ma question ne porte pas sur le sujet dont vous êtes venu nous parler aujourd'hui, mais plutôt sur celui que vous avez abordé à l'émission, l'Afghanistan. Si je me souviens bien, vous aviez des idées bien arrêtées à ce sujet. Vous ne croyez pas que nous devrions rester plus longtemps là-bas; nous devrions nous retirer, si je vous ai bien compris.
    J'aimerais savoir si vous estimez qu'un règlement sur la façon d'y arriver devrait être négocié. Vous avez certainement des idées sur la façon dont nous pourrions nous y prendre si nous devions nous retirer. Pourriez-vous nous éclairer sur le sujet?
    Bien sûr, avec plaisir. Merci pour votre question.
    Je pense que votre comité a aussi reçu l'ancien premier ministre Joe Clark. Nous l'avons invité à notre dîner annuel, et il a fait une présentation tout à fait passionnante où il a décrit les compressions des dépenses subies par le ministère des Affaires étrangères. Alors, si vous vous demandez pourquoi nous en faisons moins que ce que nous devrions, suivez la trace de l'argent, comme le veut l'expression.
    Pour ce qui est d'un règlement négocié, j'ai en fait participé en 2006, ici même dans la salle 130-S, à la première conférence de presse où il en a été question. Il était évident que ce qui se passait en Afghanistan, c'était en fait une guerre civile qui n'avait jamais pris fin. À cela est venue s'ajouter la guerre contre le terrorisme le 11 septembre. En réalité, ce qu'il fallait, c'était faire taire les récriminations locales liées à de nombreux aspects de l'insurrection.
    Il fallait établir une stratégie pour éliminer les éléments de l'insurrection que le gouvernement afghan pouvait prendre en main, en essayant de régler une partie des plaintes et des problèmes, qui sont pour la plupart de nature locale. Il y aurait probablement des fauteurs de trouble, comme on les appelle. Mais peut-être que, grâce à la formation des policiers et des militaires, les forces nationales afghanes seraient en mesure de faire face à ce problème et d'assurer, comme il se doit, la sécurité du pays. Nous pourrions alors mettre en oeuvre des mesures d'aide et de développement.
    Je crois toujours fermement que le règlement négocié est la solution. Je trouve remarquable que la discussion à ce sujet ait lentement évolué vers cette solution au cours des dernières années, et que même le président Obama examine de nouveau la situation aujourd'hui et en vienne à cette conclusion.
    Donc, à mon avis, un règlement négocié est sans aucun doute la meilleure solution.
    Permettez-moi de vous interrompre. Notre discussion aujourd'hui porte plus expressément sur les relations canado-américaines. Bien que les négociations avec qui que ce soit en Afghanistan présentent un intérêt, vous pourriez peut-être vous concentrer davantage sur ce que serait la réaction des Américains si nous quittions l'Afghanistan maintenant.
    Je ne suis pas certain que ce soit exactement ce que M. Pearson voulait savoir, mais...
    La réponse de M. Robertson m'a coupé l'inspiration, et je n'ai rien ajouté...
    Je ne suis pas certain, monsieur Staples, que quelqu'un ici sait exactement qui sont les négociateurs de l'autre côté en Afghanistan, mais essayons de nous concentrer sur la réaction des États-Unis, sur ce genre de discussion.
    Oui.
    Je serai donc très bref. À mon avis, il est évident que c'est la voie que les États-Unis souhaitent emprunter. Parallèlement, il va y avoir un accroissement des troupes là-bas. Les Américains vont constituer un front diplomatique. C'est le ton qui est proposé.
    Le Canada devrait prendre une part active à l'examen de la stratégie, qui est en cours actuellement aux États-Unis, et je pense que nous devons montrer très clairement que la solution ne sera pas de nature militaire. Nous devons aider à trouver des moyens de favoriser cette réconciliation, comme certains l'appellent, ou cette négociation, peu importe le nom que vous voulez donner à ce processus, et permettre aux États-Unis de bénéficier de notre expérience et de notre savoir-faire en matière diplomatique.
    Merci, monsieur Staples.
    Monsieur Patry.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Roussel, vous avez parlé de l'Arctique et c'était très intéressant. Le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer en 2003. En 2013, on devra soumettre le dossier à la commission. On travaille énormément à préparer ce dossier. D'ailleurs, le comité a commencé à l'étudier. Cette préparation comprend l'établissement de la cartographie et des lignes alpha, bêta, etc. Je ne peux pas vous en parler, car c'est comme du grec, pour moi.
    Lorsque le Canada déposera son dossier en 2013, de quelle façon fonctionnera cette commission? Combien de temps cela peut-il prendre?
    Comme vous êtes un spécialiste dans ce domaine, j'ai un conseil à vous demander. Le comité veut étudier la question de l'Arctique dans un avenir assez rapproché, probablement au début de juin. Dans votre présentation, vous avez dit que la question de l'Arctique est très vaste. Vous avez parlé d'environnement, de défense, etc. Sur quoi le comité devrait-il se concentrer afin de mener une étude utile et de ne pas s'égarer dans des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence?
(1710)
    Merci, monsieur Patry.
    Que se passera-t-il après le dépôt du dossier canadien à la commission? Il sera étudié par des experts, comme cela a été le cas déjà pour le dossier des Russes. Il faudra probablement attendre que s'écoule un délai d'un an ou deux. Je pense que cela devrait aller assez rapidement, mais le véritable test sera de savoir quand les Américains vont se décider. Ils le feront éventuellement, ils se joindront à la convention, mais tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas toutes les pièces en main, c'est-à-dire que tous les dossiers nationaux n'auront pas été déposés, validés et confrontés, ça restera plutôt un exercice théorique.
    Deuxièmement, si j'avais un conseil à vous donner, membres du comité, quant à ce qui devrait être étudié dans l'Arctique, je vous suggérerais de vous pencher vraiment sur des problèmes concrets. Peut-être devriez-vous laisser de côté la question de la souveraineté, même si c'est très « sexy » pour les journalistes. En effet, c'est ce qui vient les chercher le plus. Il faudrait plutôt concentrer vos efforts sur la façon dont le gouvernement peut apporter des services aux communautés qui sont là-bas, et occuper le terrain. Je parle des menaces contre l'environnement, des opérations de recherche et sauvetage, des opérations scientifiques. Vraiment, il faudrait voir comment le gouvernement peut manifester sa présence sur le terrain, donc s'attaquer à des problèmes qui sont de caractère plus technique.

[Traduction]

    Merci, monsieur Roussel.
    Nous passons maintenant à M. Crête et à Mme Deschamps, qui devront se partager le temps de parole. Oui?

[Français]

    Je vais laisser aller mon collègue parce que je sais que le sujet dont il est question le passionne énormément.
    Merci.
    Monsieur Robertson, vous avez assisté à mes premiers balbutiements à titre de parlementaire lorsque vous étiez responsable du bureau à l'ambassade aux États-Unis. Vous en avez parlé un peu aujourd'hui. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le plan d'action qu'il faudrait avoir pour que l'action canadienne sur le territoire américain, à partir des parlementaires ici, des provinces, tout cela... Quelle serait l'envergure de l'effort additionnel qu'il faudrait faire pour qu'on puisse vraiment répondre à ce que M. Douglas a dit plus tôt, à savoir que la deuxième problématique aux États-Unis est toujours le fait que beaucoup de monde, incluant les parlementaires américains, ne savent pas grand-chose du Canada? Vous avez parlé de permettre aux parlementaires de voyager davantage, de sortir des quatre coins de Washington. C'est du moins de que j'ai cru comprendre. Pouvez-vous nous dire davantage de choses à ce sujet?
    C'est certainement la raison pour laquelle nous devons faire des visites, surtout à Washington, pour engager les députés, parce que franchement, les relations entre les élus est spéciale, surtout avec le Congrès aux États-Unis.

[Traduction]

    J'aimerais simplement dire que le système américain, comme nous le savons, est constitué... il y a l'exécutif, avec lequel nous avons des rapports bien établis, et il y a le Congrès, qui regroupe des élus comme nous. C'est du Congrès que nous viennent la plupart de nos problèmes. Si je me fie à mon expérience, c'est un domaine où nous pouvons vraiment influencer le cours des événements, si vous prenez les choses en main.
    Je me suis rendu plus de 300 fois sur la Colline du Parlement et j'ai pu observer de près que, lorsque j'étais accompagné de parlementaires, la discussion se déroulait à un niveau supérieur, parce que vous vous comprenez, parce que vous avez beaucoup en commun, parce que vous êtes tous élus. Cela nous aide beaucoup, surtout à Washington. Mais ensuite, il faut miser sur ces relations, parce qu'elles sont toutes personnelles, et aller dans les districts pour inviter les parlementaires à venir ici. J'ai souvent entendu des membres du Congrès de longue date, qui sont aujourd'hui bien placés, des présidents de comité qui décident des mesures visant... parce qu'ils avaient des relations avec des parlementaires canadiens. À mon avis, les deux parlementaires canadiens les plus efficaces sont Jerry Grafstein et Colin Kenny, notamment parce qu'ils sont là depuis longtemps — ils travaillent régulièrement de manière soutenue avec les membres du Congrès. C'est là que vous pouvez changer les choses parce que c'est là que les problèmes commencent.
    À mon avis, les campagnes diplomatiques que nous menons aux États-Unis doivent être différente de celles que nous menons dans le reste du monde. Et je le répète, les parlementaires, comme vous, constituent un élément essentiel. J'ai été très heureux d'apprendre que vous étiez autorisés à vous rendre à Washington; mais je vous encourage fortement à demander que cette autorisation soit élargie pour que vous puissiez aller dans les districts. J'encourage aussi les parlementaires provinciaux à faire de même.
(1715)

[Français]

    Par exemple, j'ai vu les députés de l'Assemblée nationale du Québec un peu partout dans le pays.

[Traduction]

Je les ai aussi vus dans des assemblées législatives des États de l'Ouest, parce que cela fonctionne à tous les niveaux.
    Prenez par exemple Darrell Dexter, de la Nouvelle-Écosse, le chef de l'opposition. Il est allé rencontrer ses homologues du Maryland et de l'État de New York, et il a permis d'éviter des problèmes qui auraient pu découler de la politique d'achat aux États-Unis en faisant valoir la relation avec l'Atlantique, plus particulièrement avec la Nouvelle-Écosse dans ce cas-là. Il y a aussi John Tory qui, à l'époque où il était chef de l'opposition en Ontario, a rendu visite aux membres du Congrès. Les membres du Congrès l'ont compris, parce qu'il était le leader de la minorité à l'assemblée législative provinciale. Cette visite a vraiment donné des résultats tangibles. On ne le fera jamais assez.
    Merci, monsieur Robertson.
    Passons maintenant à M. Crête.

[Français]

    En ce qui concerne l'Arctique, vous avez parlé beaucoup de l'importance — en tout cas, c'est ce que j'ai compris — de dépasser l'approche que vous appelez de la souveraineté, mais qu'on appelle aussi l'approche militariste. J'ai compris dans votre message que lorsqu'on dénonce le fait qu'un bombardier russe est venu près de la limite frontalière mais qu'il n'est pas entré dans le territoire canadien, on descend les marches plutôt que de les monter. Je ne vous demanderai pas de commenter la situation sur le plan politique, mais c'est ce que je comprends.
    J'aimerais que vous nous parliez plus en détail du mode d'organisation bilatérale que vous privilégiez. Vous avez parlé de la voie maritime et de NORAD comme étant deux aspects quelque peu différents, l'un touchant la défense; l'autre, la gestion courante. C'est l'aspect gestion courante qui m'intéresse le plus. Quelle forme concrète cela pourrait-il prendre? Les deux pays seraient-ils réunis autour d'une table comme à la commission mixte ou serait-ce différent?
    J'ai mentionné ces trois modèles. Si on parle de modèles de gestion courante, par exemple la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, ce sont deux organismes de la Couronne, un américain et l'autre canadien, qui ont le mandat de gérer la Voie maritime du Saint-Laurent, notamment les écluses. On n'en retrouve pas dans le Grand Nord, mais on retrouve des problèmes similaires. On pourrait avoir une organisation bicéphale ou même binationale qui serait chargée de surveiller les glaces et de porter assistance à la navigation dans le passage du Nord-Ouest. Plusieurs auteurs suggèrent cette approche. Pour ma part, je la trouve plus risquée parce que, inévitablement, la question de savoir où s'arrête la frontière va ressurgir. Dans le Saint-Laurent ou les Grands Lacs, l'endroit où s'arrête la frontière canado-américaine est clairement indiqué. Par contre, dans le Grand Nord, ce n'est pas clair. Donc, je suis prudent face à ce modèle.
    Je préfère le modèle de la Commission mixte internationale ou encore le modèle du PJBD, le Permanent Joint Board on Defence, où il y a trois Canadiens et trois Américains, qui sont choisis en fonction de leur compétence et de leur expertise dans le domaine. Ils mènent des études sur des problèmes concrets bien précis, et chacun retourne à son gouvernement pour dire ce qu'il suggère, en travaillant avec les autres, pour régler les problèmes. En faisant cela, on avance, on progresse, on apprend mieux à se connaître et à se faire confiance. Ce qui a été mis en place avec le PJBD ou avec la Commission mixte internationale pourrait relativement facilement être mis en place pour le Grand Nord. C'est le modèle que je privilégierais.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Roussel.
    C'est maintenant le tour du gouvernement. Nous avons M. Abbott et Mme Brown.
    Monsieur Staples, vous avez parlé de la stratégie de la firme MDA en ce qui a trait à l'espace, de la non-prolifération, de l'utilisation de l'espace et des menaces spatiales, du désarmement et de la table ronde sur l'espace du Groupe de planification nucléaire de l'OTAN. Et vous recommandez que nous demandions au ministre de la Défense nationale de se présenter devant le comité pour expliquer la position du Canada à l'égard du Groupe de planification nucléaire de l'OTAN.
    J'imagine que je m'attendais plutôt à ce que vous parliez d'un sujet d'intérêt commun au Canada et aux États-Unis, comme le changement climatique, le défi lié au territoire, le passage du Nord-Ouest, l'ALENA, le resserrement des contrôles frontaliers, la sécurité frontalière, les enjeux liés au périmètre ou la gestion des problèmes communs, peut-être par l'entremise du NORAD ou de la Commission mixte internationale. Je ne m'attendais pas vraiment à ce que votre exposé porte sur l'espace. Compte tenu du sujet de la discussion d'aujourd'hui, qui, je crois, vous a été communiqué, je me demandais pourquoi vous aviez choisi un sujet qui, pour un profane comme moi, semble un peu obscur.
(1720)
    Je pense que c'est une excellente occasion d'aborder ce sujet. Merci pour votre question.
    Je pense que ces enjeux présentent un intérêt pour nos deux pays, et je pense que la sécurité dans l'espace et le désarmement nucléaire sont en train de devenir deux priorités importantes pour l'administration Obama. Dans cette optique, nous devons examiner les domaines dans lesquels nous avons des points forts et dans lesquels nous pouvons contribuer aux priorités des États-Unis.
    Pour ce qui est de notre relation avec les États-Unis, je me suis intéressé à un élément soulevé par de nombreux intervenants, soit la nécessité de trouver des possibilités de contribuer à leurs priorités. Nous devons trouver des domaines dans lesquels nous pouvons collaborer. Je pense notamment que nous pouvons contribuer énormément à ces deux priorités. Je suis d'accord avec le sénateur Segal, qui a souligné que nous avions une longue histoire dans ce domaine. Il parlait plus particulièrement de l'Iran, qui constitue aussi une source de préoccupation pour l'administration Obama. Je pense que nous pouvons collaborer avec la nouvelle administration à l'égard de cette question, ce que nous ne pouvions pas faire aussi facilement avant, avec l'administration Bush.
    C'était l'intention que j'avais en venant ici aujourd'hui.
    Merci, monsieur Staples.
    Madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous pour vos présentations. Je les ai trouvées tout à fait fascinantes. Elles ont toutes les six été formidables.
    Ce qui revient toujours, c'est cette intégration de ce qui se passe en Amérique du Nord. Nous parlons de l'intégration de notre sécurité, ce qui nous amène à discuter des enjeux concernant la frontière, et nous parlons de l'intégration de notre économie.
    Je représente la circonscription de Newmarket-Aurora, qui compte un nombre considérable de fabricants de pièces d'automobiles. Je reconnais tout à fait que, pour construire un véhicule automobile, ces pièces traversent souvent la frontière dans une direction comme dans l'autre.
    Comment est-il possible pour les Canadiens de bien s'imposer, compte tenu de la taille de la population américaine et de son influence dans le monde? Que pouvons-nous faire pour conserver notre influence à l'échelle mondiale? Comment pouvons-nous conserver notre influence et avoir notre mot à dire dans le marché nord-américain? Que faisons-nous pour garantir ce résultat, pendant qu'ont lieu toutes ces intégrations?
    Monsieur Robertson, vous avez parlé de « relations », et j'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet, si vous le voulez. Je crois fermement qu'en entretenant notre relation, nous pourrons continuer d'exprimer notre point de vue. J'adore le fait que vous nous ayez décrit comme des parlementaires qui tendent la main en signe d'amitié à leurs homologues américains. J'aimerais beaucoup que vous me donniez une liste de personnes à qui je pourrais téléphoner ou écrire pour me présenter. Comme je suis nouvelle au Parlement, il faut absolument que je le fasse.
    Peut-être que chacun de vous pourrait décrire brièvement ce que nous devons faire pour continuer d'avoir voix au chapitre.
    Merci, madame Brown.
    M. Robertson pourrait peut-être commencer.
    Merci, monsieur le président.
    C'est le pouvoir des idées. J'ai passé toute ma carrière à servir le Canada, mais j'ai passé la moitié de ma carrière à l'étranger. En fait, nous sommes meilleurs que nous ne le pensons.
    On observe une certaine déférence à l'égard des Canadiens, et c'est sans doute une bonne chose. Le reste du monde nous regarde avec une pointe d'envie et avec beaucoup d'intérêt, surtout en raison de notre situation, nous qui occupons la partie supérieure de l'Amérique du Nord, au-dessus des États-Unis. On fait souvent appel à nous pour comprendre ce géant qui se trouve au sud de notre frontière. Personne n'est mieux placé que les Canadiens pour comprendre les États-Unis, parce que nous avons une sensibilité particulière. Nous savons, par exemple, ce qu'est une fête d'avant-match (tailgate party). Ce sont ces petites choses qui font la différence.
    Lorsque nous faisons usage du pouvoir des idées, et parce que nous faisons dans le multilatéralisme — il le faut bien, à cause de notre taille relativement modeste —, là encore, le reste du monde écoute avec attention. Les Américains, de leur côté, sont de plus en plus perplexes face à ce qui se produit dans le reste du monde. Avec l'arrivée de M. Obama, une occasion se présente à nous, maintenant qu'il a dit souhaiter une réouverture de la part des États-Unis.
    Comprenons-nous bien. L'Amérique n'a jamais été fermée. Mais nous avons la possibilité aujourd'hui d'entrer dans le jeu. Lorsque nous le faisons, et je crois que nous devons le faire, nous savons habituellement tirer notre épingle du jeu. Ce n'est pas véritablement un jeu, bien sûr; mais c'est quelque chose que nous, Canadiens, maîtrisons, sans en être toujours pleinement conscients. Encore une fois, je dirai que nous nous en tirons plutôt bien.
(1725)
    Merci, monsieur Robertson.
    J'aimerais simplement mentionner, parce que dans vos observations vous avez effectivement parlé de l'importance d'organisations comme le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, que ces comités et groupes ont effectivement une influence, et que tous les partis travaillent en collaboration et cherchent des idées sur la façon de cultiver ce genre de relations.
    Je remercie M. Robertson d'en avoir parlé et d'avoir souligné le bon travail des membres du comité.
    Monsieur Dewar, à vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos invités pour les exposés qu'ils nous ont présentés.
    J'aimerais commencer par la question de l'Arctique, et des modèles qui pourraient fonctionner. Si l'on considère tous les points de vue qui ont été exprimés et les grandes envolées auxquelles nous avons assisté dernièrement, alors qu'il a été largement question de l'ours russe bien plus que de protéger l'habitat des ours polaires, nous pouvons voir à quel point il est nécessaire de définir clairement dans quelle direction nous souhaitons aller.
    Je prends cet exemple pour illustrer le fait que dans une certaine mesure, le gouvernement s'emploie à créer ce genre de polémique, c'est du moins comme cela que je le vois, que ce soit avec les Russes ou avec les Américains. En fait, lorsque nous voyons les efforts de collaboration que déploient entre eux les scientifiques, je pense qu'il est de notre devoir de les appuyer dans ce qu'ils font.
    Quel rôle entrevoyez-vous pour les scientifiques dans cet effort de gestion conjointe? Entrevoyez-vous un rôle effectif pour eux? Pensez-vous qu'ils pourraient apporter des données et soutenir les projets conjoints? J'ai l'impression qu'il y a bien plus de coopération entre le Canada et les États-Unis que nous ne le pensons. Quelle serait la place des scientifiques et des chercheurs dans les modèles dont vous nous avez parlé?
    Ce modèle mettrait à contribution des gens du gouvernement — des Affaires étrangères, de la Défense nationale, d'Affaires indiennes et d'Environnement Canada — et leurs homologues américains. Au fond, ces comités, à l'exemple de la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis, sont constitués de représentants officiels, et non de gens de l'extérieur.
    Les scientifiques peuvent toujours agir en qualité de conseillers. Bien évidemment, nous pourrions créer certains comités qui seraient chargés d'étudier une question en particulier.
    Une autre difficulté que nous posent les enjeux liés à l'Arctique est que nous sommes hypersensibles dans ces dossiers et que les gens réagissent trop intensément face au conflit dans cette région. Nous oublions — et ce que vous avez dit est réellement important — qu'il y a une grande collaboration sur le terrain. Les représentants canadiens ainsi que l'armée canadienne travaillent de façon soutenue avec leurs homologues des États-Unis. Nous n'en parlons pas parce que c'est informel ou, au contraire, parce que cela découle d'un protocole d'entente. Mais c'est important. Je crois que nous devrions miser sur cette collaboration, et donner à ces gens une structure plus élaborée.
    Vous avez dit — et nous l'avons entendu dire au moins trois fois jusqu'à maintenant — que le désarmement et la non-prolifération nucléaire pourraient être des raisons de faire cause commune avec les États-Unis.
    À la lumière de la situation qui règne à Washington et de l'orientation que les États-Unis sont en voie de prendre dans ce dossier, que peut faire le Canada?
    Je crois que le Canada peut faire beaucoup.
    En tant que puissance moyenne par tradition, nous avons été en mesure de travailler avec d'autres pays qui sont un peu comme nous, d'avoir des rapports avec d'autres pays dans un engagement plus vaste. Je crois que nous comptons sur beaucoup de gens très talentueux au ministère des Affaires étrangères, qui ont travaillé dans ce dossier, qui ont eu à faire des vérifications et à chercher des moyens de prévenir ces types de menaces.
    Alors, je pense que nous avons dans ce domaine une longue tradition, que nous avons peut-être un peu oubliée. Mais nous sommes en mesure de faire quelque chose dans ce domaine.
    J'aime bien l'idée. Et je pense également que nous devons aussi penser à collaborer avec les États-Unis, à de multiples niveaux, entre autres par la mise à contribution d'organisations non gouvernementales. Nous travaillons avec la fondation Un Monde en Sécurité et avec d'autres organisations américaines. J'espère vraiment que le ministère des Affaires étrangères, qui sera présent à New York en mai prochain, comptera un représentant d'organisations non gouvernementales dans sa délégation, comme cela a déjà été le cas dans le passé. Je crois savoir que le ministère n'a pas encore confirmé ce qu'il entend faire, mais j'espère vraiment qu'il y aura un représentant parce que je pense que c'est un outil important dans notre arsenal diplomatique.
    J'aimerais m'adresser, pour terminer, à M. Robertson.
    Lorsque vous parlez de cette approche et de cet engagement, je pense que beaucoup d'entre nous seraient d'accord avec vous. Je pense que nous ne pouvons pas dire qu'il y ait eu une grande collaboration entre députés et membres du Congrès.
    Je suis d'accord avec le président lorsqu'il dit que des associations de ce genre ont donné de bons résultats dans le passé, mais pour enchaîner là-dessus, avons-nous effectivement fait des jumelages de ce genre dans le cadre d'autres structures ou d'autres démarches dont vous connaîtriez l'existence, ou à tout le moins, avez-vous envisagé des moyens de collaborer davantage avec les législateurs des États-Unis?
(1730)
    Monsieur le président, je suis conscient qu'en situation minoritaire, il devient plus difficile de faire des voyages, mais au niveau subnational, dans la région économique du nord-ouest de l'Amérique du Nord, les jumelages dont nous avons parlé existent effectivement entre la Colombie-Britannique, le Yukon, l'Alberta et maintenant la Saskatchewan, d'un côté, et l'Alaska, Washington, l'Orégon et l'Idaho, du côté américain. Et ce jumelage est très efficace.
    Je n'ai pas à vous rappeler que dans le système américain il y a plusieurs paliers, d'abord les villes, puis les comtés, le Congrès et enfin le Sénat, sans oublier les États et leurs gouverneurs et le Sénat américain. Et n'oubliez jamais ceci: quatre des six derniers présidents étaient auparavant gouverneurs. Le président actuel a été à la fois sénateur d'État, puis sénateur américain. Ces relations sont extrêmement importantes. Dans mes nombreux rapports antérieurs avec le Congrès — et je le précise, des deux côtés, car il importe peu qu'il s'agisse de républicains ou de démocrates — d'un côté comme de l'autre, ils parlaient de leurs rapports avec les législateurs canadiens, aussi bien au niveau provincial qu'avec les députés fédéraux que vous êtes. Et cela fait toute une différence.
    Alors, je pense qu'il y a de nombreux moyens d'établir ces relations. Mais les relations personnelles que vous nouez... Je parlais récemment avec Rob Merrifield, qui a été coprésident du comité avant son départ. Il avait notamment établi une très bonne relation avec Louise Slaughter, qui est maintenant présidente du très important comité des règlements et qui a aussi coprésidé le groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Cela vaut pour tous les partis.
    Jerry Grafstein sera en mesure d'élaborer quelque peu au sujet des très intéressantes relations qu'il a établies, et il sait de quoi il parle. Il fut un temps où je collais aux semelles de Jerry, partout où il a travaillé sur la Colline du Parlement, parce que je le répète, il y a des portes qu'il est à l'avantage de tous d'ouvrir. Voilà un avantage que vous avez, et que personne d'autre n'a, c'est un véritable atout que nous avons, parce que nous nous comprenons mutuellement, et nous comprenons en particulier que le fait d'être des députés, des élus, fait une différence.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous remercier tous de votre présence ici aujourd'hui. Vous avez soumis diverses idées, de bonnes idées, et nous apprécions la contribution que vous avez apportée à notre comité.
    La séance est levée.
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