:
Bonjour, chers collègues. C'est la cinquième rencontre du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le mercredi 25 février 2009. Aujourd'hui, nous poursuivrons l'examen des éléments clés de la politique étrangère canadienne.
Au nom du Comité, j'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à nos invités et témoins aujourd'hui, et les remercier de comparaître.
Au cours de la première heure, nous accueillons comme témoin M. André Plourde, professeur au Département de science économique à l'Université de l'Alberta. Il a travaillé à l'Université de Toronto et à l'Université d'Ottawa. Il a occupé pendant un an le poste de directeur des études économiques et de l'analyse des politiques au ministère des Finances Canada. Au cours de l'année universitaire 2003-2004, M. Plourde a pris un congé d'un an et a été nommé sous-ministre adjoint associé au Secteur de l'énergie à Ressources naturelles Canada. Il a été membre de nombreux comités consultatifs. Ses intérêts de recherche portent principalement sur l'économie de l'énergie et sur les questions en matière de politique de l'environnement et de l'énergie au Canada.
Nous accueillons également Thomas d'Aquino, chef de la direction et président du Conseil canadien des chefs d'entreprise. M. d'Aquino siège sur de nombreux conseils d'administration et comités consultatifs au Canada et à l'étranger. Il a été décrit comme l'un des ambassadeurs les plus efficaces des entreprises canadiennes dans le monde. Il est régulièrement invité comme commentateur à la radio et à la télévision, et il donne fréquemment des conférences au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Amérique latine. Il est accompagné de M. David Steward-Patterson, vice-président directeur du Conseil canadien des chefs d'entreprise, et de M. Sam Boutziouvis, vice-président, Économie et commerce international.
D'après la structure de notre comité, nous nous attendons à une déclaration préliminaire d'environ 10 minutes. Nous passerons ensuite à la première série de questions, d'une durée de sept minutes par parti, puis à la seconde série de questions, qui dure cinq minutes.
Je ne sais plus trop qui nous avions décidé de faire passer en premier. Puisqu'il est un concitoyen de l'Alberta, je devrais peut-être afficher ma préférence aujourd'hui et demander à M. Plourde, de l'Université de l'Alberta, de commencer. Je dois aussi dire que dans ma circonscription de Camrose, nous avons le Collège universitaire Augustana, un excellent campus qui fait partie de l'Université de l'Alberta.
Sur ce, monsieur Plourde, nous attendons vos commentaires avec intérêt.
:
Merci beaucoup. Peut-être que le fait que je vienne du Nouveau-Brunswick équilibrera l'exposé.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, je tiens à vous remercier de l'invitation que vous m'avez faite à venir vous adresser la parole aujourd'hui.
L'arrivée du président Obama à la Maison-Blanche marque un changement de la dynamique des relations énergétiques et environnementales entre le Canada et les États-Unis. Les prochains mois constituent une occasion dont le gouvernement canadien se doit de tirer profit afin d'influencer les grandes tendances de l'évolution de la politique publique en matière de liens entre l'énergie et l'environnement à l'échelle du continent nord-américain, et ce afin de s'assurer que les intérêts des Canadiens et des Canadiennes y sont représentés et pris en compte.
Si vous me le permettez, je continuerai ma présentation en anglais. Par contre, je répondrai avec plaisir à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
En raison de l'absence de l'infrastructure de transport requise, les États-Unis représentent les seuls marchés d'exportation viables pour la production énergétique canadienne, une situation qui durera encore plusieurs années. L'accès aux marchés américains est d'une importance cruciale pour l'industrie énergétique du Canada.
Comme vous le savez, le discours sur l'indépendance énergétique et l'autosuffisance énergétique entendu au cours de la récente élection présidentielle américaine n'a rien de nouveau. C'est un vieux thème de la politique énergétique des États-Unis, qui remonte au moins au milieu du siècle précédent. Toutefois, il est aussi illusoire aujourd'hui qu'il l'était à l'époque. Le coût de l'autosuffisance énergétique est si élevé, que cette autosuffisance constitue un objectif inatteignable pour les États-Unis dans un avenir prévisible.
Depuis que le Canada est le plus important fournisseur d'énergie importée par les États-Unis, la situation de dépendance mutuelle existe donc entre les deux pays. Les producteurs canadiens d'énergie ont besoin d'avoir accès aux marchés américains, et les consommateurs américains ont besoin du flux d'importations du Canada pour améliorer la fiabilité des structures d'approvisionnement, et aider à maintenir le coût énergétique relativement bas.
Dans ce contexte, il serait peu judicieux pour le gouvernement du Canada d'utiliser les exportations énergétiques comme monnaie d'échange lors des discussions sur les politiques avec les États-Unis. Tout simplement, en l'absence d'autres possibilités de marchés viables, les coûts pour le Canada des exportations énergétiques réduites vers les États-Unis sont si élevés que les menaces de réductions du flux des exportations résultant d'une politique délibérée ne seraient pas crédibles.
Une approche beaucoup plus prometteuse consisterait à tirer parti de cette dépendance mutuelle pour positionner le Canada comme source d'approvisionnement énergétique certaine pour les États-Unis, et, par conséquent, de faire ressortir la possibilité d'une initiative d'orientation avantageuse pour les deux parties. Le principal objectif de cet exercice serait d'en arriver à quelque chose de conforme à l'esprit, du moins, sinon, à la lettre, de l'Accord de libre-échange nord-américain, notamment que la production énergétique canadienne ne soit pas traitée différemment de la production américaine, du point de vue des politiques des États-Unis.
Nous pouvons aller beaucoup plus loin. Le Canada et les États-Unis peuvent prendre des mesures pour élaborer une approche conjointe à la gestion des relations entre l'énergie et l'environnement, et, ainsi, répondre à l'un des plus grands défis stratégiques auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Je concède, le développement de nouvelles technologies visant à réduire les répercussions de la production énergétique et de l'utilisation de l'énergie sur l'environnement est un objectif important, mais il doit être fixé dans le contexte d'une approche élargie en matière de politique, une approche qui amène les producteurs et les consommateurs d'énergie des deux côtés de la frontière à faire des choix énergétiques qui respectent davantage l'environnement. C'est là qu'une approche conjointe canado-américaine en matière de politique peut s'avérer très intéressante.
Comme vous le savez, une des principales préoccupations des Canadiens dans le débat sur les politiques entourant le changement climatique, c'est les conséquences néfastes possibles sur la compétitivité canadienne qui pourraient résulter de l'adoption, au Canada, d'une approche en matière de politique plus rigoureuse que celle des États-Unis, de loin nos meilleurs partenaires commerciaux. L'élaboration d'une approche conjointe canado-américaine en matière de politique élimine une grande partie de cette préoccupation, si non toute. Une approche commune en matière de politique aurait fort probablement des répercussions sur les structures de coût de production de biens et services, qui seraient assez semblables dans les deux pays. Les producteurs canadiens ne seraient pas placés devant un désavantage concurrentiel résultant d'une politique délibérée par rapport à leurs homologues américains.
Si le Canada et les États-Unis adoptent une approche conjointe en matière de politique climatique, il serait également plus facile de veiller à ce que toutes les sources canadiennes et américaines d'émissions de gaz à effet de serre, y compris celles liées à la production énergétique, soient traitées systématiquement et de la même façon dans les deux pays. Ainsi, il n'y aurait pas lieu de montrer du doigt des types de production énergétique en particulier, comme les sables bitumineux de l'Alberta, et de leur réserver un traitement spécial. Une telle approche en matière de politique pourrait être conçue de façon à relier explicitement les conséquences sur l'environnement au traitement prévu pour différentes sources d'énergie, et à le faire d'une manière qui soit cohérente et prévisible du point de vue politique.
Le gouvernement du Canada doit agir maintenant. Des efforts doivent être déployés avant que les orientations stratégiques des États-Unis soient fermement établies, afin qu'il soit possible que l'approche globale en matière de politique et la conception des outils spécifiques de mise en œuvre respectent les intérêts canadiens.
Récemment, le président Obama a fait part de son intérêt envers une démarche visant à gérer les relations entre l'énergie et l'environnement, qui rassemble les trois partenaires de l'ALENA. Le Canada doit être réceptif envers ces intérêts exprimés par les États-Unis, malgré les défis posés par le fait que les dispositions relatives à l'énergie inscrites dans l'entente ne s'appliquent pas au Mexique. Malgré ces différences, le Canada et le Mexique peuvent toujours avoir des intérêts communs, car les deux pays produisent beaucoup de pétrole brut lourd et exportent la plus grande partie de leur production vers les États-Unis. Le Canada et le Mexique pourraient tirer beaucoup d'avantages d'une approche commune en matière de politique pour la gestion des conséquences sur l'environnement découlant de la production et de l'utilisation de l'énergie, ce qui assurerait un accès continu et garanti au marché américain.
Le gouvernement du Canada doit saisir cette occasion de contribuer à façonner la future politique énergétique et la future politique énergétique et environnementale en Amérique du Nord. Ce n'est pas le temps de menacer de prendre des mesures non crédibles, ni le temps de laisser d'autres intervenants adopter des approches en matière de politique qui pourraient nuire aux intérêts canadiens sans chercher à influencer leurs décisions. Les Canadiens du nord au sud et d'est en ouest seront mieux servis par un gouvernement qui est engagé dans l'élaboration d'une politique énergétique et d'une politique énergétique et environnementale en collaboration avec notre principal partenaire commercial.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir écouté aussi attentivement.
:
Mesdames et messieurs les membres du Comité, mesdames et messieurs les témoins, mesdames et messieurs, c'est avec un grand plaisir que je comparais de nouveau devant le Comité. Nous vous félicitons pour le travail difficile et très important que vous effectuez ici.
Inutile de vous rappeler que l’économie mondiale traverse une période de grande morosité. Nous traversons actuellement le premier ralentissement simultané de l’ensemble de l’activité économique mondiale depuis la Grande Dépression — une crise qui touche les familles et collectivités partout dans le monde.
Le caractère mondial de cette crise exige manifestement un niveau sans précédent de coopération internationale. C’est pourquoi je suis heureux que votre comité ait décidé d’examiner les éléments clés de la politique étrangère du Canada, en particulier sa relation avec son ami et allié le plus proche, les États-Unis. Le fait qu’elles suivent de quelques jours la première visite officielle dans notre pays du président Barack Obama rend ces audiences particulièrement opportunes. Je désire remercier le Comité de m’avoir invité à faire part de quelques-uns des points de vue du Conseil canadien des chefs d’entreprise.
Depuis plus de 30 ans, l’organisation que je dirige prend fait et cause pour une coopération plus étroite entre le Canada et les États-Unis. Nous avons été à cet égard les leaders du secteur privé lors de la campagne en faveur de l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis et de l’Accord nord-américain de libre-échange.
Le Conseil et ses entreprises membres sont également actifs sur la scène mondiale. Nous avons été aux premières lignes des négociations du Cycle d’Uruguay ayant mené à la création de l’OMC et nous continuons de soutenir les progrès entourant le Programme de Doha pour le développement. Nous avons été très actifs dans nos démarches touchant des initiatives commerciales régionales comme l’APEC et nous avons joué un rôle clé dans le lancement d’initiatives bilatérales telles que le Partenariat Canada-Mexique (PCM). Le PCM continue de faire un bon travail en permettant à nos gouvernements et à nos communautés d’affaires d’aborder d’importantes questions économiques, mais je crois que beaucoup plus peut être fait et doit être fait pour élargir et approfondir la relation du Canada avec le Mexique. Nous accordons actuellement une attention particulière aux efforts visant à former des partenariats économiques plus étroits avec l’Union européenne, la Chine et l’Inde.
En ce qui concerne l’Union européenne, nous et nos homologues de la communauté européenne des affaires avons milité en faveur d’un accord élargi qui pourrait prévoir, notamment, la suppression de toutes les barrières tarifaires et non tarifaires existantes, l’ouverture des marchés des services financiers et autres, l’élargissement de l’accès réciproque aux marchés publics et un accord de coopération ambitieux en matière de réglementation. Des hauts fonctionnaires des gouvernements s’affairent actuellement à déterminer ce qui sera et ce qui ne sera pas inclus dans les pourparlers et nous espérons le lancement de négociations formelles ce printemps. On ne saurait exagérer l’importance de cette initiative: les 27 États membres de l’UE représentent le plus grand marché de la planète au chapitre du PIB et un accord Canada-UE élargi procurerait des avantages énormes aux entreprises canadiennes de plusieurs secteurs.
Mesdames et messieurs, le temps est également venu de tisser des liens beaucoup plus solides avec l’Inde. Le mois dernier, notre ministre du Commerce international, Stockwell Day, et le ministre du Commerce de l’Inde, Kamal Nath, ont convenu d’entamer des discussions exploratoires sur un éventuel partenariat économique étendu. L’an dernier, le Conseil canadien des chefs d’entreprise s’est associé avec la Confédération des industries indiennes pour préparer un rapport conjoint sur les avantages potentiels d’un tel partenariat.
Toutes ces initiatives s’appuient sur notre croyance fondamentale que le commerce mondial et la libéralisation des investissements sont et resteront des moteurs puissants du progrès humain et du développement social. En disant cela, je sais très bien que, dans le contexte actuel, des intervenants mettent en doute les avantages de l’intégration économique internationale. Certains vont même jusqu’à prétendre que la crise financière mondiale témoigne de l’échec de la mondialisation.
Selon moi, cette analyse est erronée à deux égards. Tout d’abord, elle ignore le fait que le processus de l’intégration économique mondiale est en marche depuis des milliers d’années et qu’il est mû non pas par les gouvernements et les élites, mais par la volonté humaine innée d’aller vers les autres, de construire et d’interagir. Par ailleurs, elle fait fi des innombrables moyens par lesquels les marchés libres ont contribué au progrès humain et à la démocratisation, en réduisant les inégalités et en sortant des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Comme l’a déjà souligné l’ancien président des États-Unis Bill Clinton, la mondialisation est « le meilleur moyen que nous connaissons pour rehausser les niveaux de vie et pour construire une prospérité partagée ». L’ancien secrétaire des Nations Unies, Kofi Annan, avait pour sa part déclaré en ce sens: « Je crois que les pauvres sont pauvres non en raison de trop de mondialisation, mais par manque de mondialisation. »
Comme je l'ai mentionné précédemment, les défis économiques auxquels nous faisons face actuellement exigent une coopération encore plus étroite entre les pays. L'année qui s'amorce sera douloureuse et parsemée d'imprévus, mais la crainte se dissipera éventuellement et la confiance renaîtra. La rapidité à laquelle la situation se redressera dépendra grandement de la présence de politiques rationnelles, de la volonté d'accepter des changements transformateurs, d'un leadership fort et enraciné dans des principes et d'un engagement de renouveler et de renforcer le système de commerce multilatéral qui sous-tend la prospérité.
Dans ce contexte, je désire appuyer les commentaires exprimés par le à l'issue de sa rencontre avec le président Obama la semaine dernière en ce qui concerne l'importance du partenariat Canada-États-Unis. Le premier ministre a souligné que la relation bilatérale entre nos deux pays était plus forte que toute autre relation bilatérale dans le monde. C'est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts en vue de resserrer la coopération et d'ouvrir des portes sur de nouvelles possibilités — aux plans bilatéral, régional et mondial.
En ce qui concerne l'enjeu spécifique des relations Canada-États-Unis, mes collègues du Conseil et moi avions esquissé nos priorités immédiates dans un énoncé, quelques jours avant la visite du président Obama à Ottawa. Nous y affirmions que la crise économique mondiale accentuait particulièrement l'importance de l'instauration d'initiatives bilatérales dans trois domaines: l'économie; l'énergie et l'environnement; la défense et la sécurité. Avec votre permission, j'exposerais brièvement nos points de vue à l'égard de ces trois éléments.
Tout d'abord, le Canada et les États-Unis doivent travailler en étroite concertation en vue d'accélérer la reprise économique. Les gouvernements doivent faire de leur mieux pour veiller à ce que les mesures de soutien à l'industrie soient complémentaires et éviter toute action susceptible de faire obstacle au commerce entre nos deux pays et d'augmenter les coûts de production. Parallèlement, les deux partenaires devraient accélérer leurs efforts en vue de réduire les coûts liés au fait de faire des affaires de l'autre côté de leur frontière commune en améliorant les infrastructures frontalières et en adoptant des mesures afin de supprimer les disparités mineures, mais coûteuses, qui subsistent au chapitre de la réglementation. En outre, nous devons commencer dès maintenant à parler des mesures à prendre en vue de renforcer notre compétitivité lorsque la reprise aura été enclenchée.
La deuxième priorité concerne la nécessité de lancer une initiative bilatérale en matière d'énergie et d'environnement. Le président Obama et le ont tous les deux exprimé le souhait d'explorer les possibilités d'un marché nord-américain d'émissions de gaz à effet de serre et nous recommandons qu'ils lancent des pourparlers formels en ce sens. L'adoption d'une démarche concertée en matière de gestion des gaz à effet de serre est essentielle au maintien de la compétitivité de notre économie. Nos pays sont également des alliés naturels en ce qui concerne la progression des négociations internationales sur les changements climatiques vers une solution durable et véritablement mondiale.
À cet égard, nous recommandons que le Canada et les États-Unis élaborent une stratégie conjointe en vue d'améliorer les technologies d'énergie propre et d'élargir la production et la distribution sûres de toutes les formes d'énergie en Amérique du Nord tout en réduisant leur impact global sur l'environnement.
Notre troisième priorité a trait à la nécessité de renforcer la coopération bilatérale et internationale en matière de sécurité. Le Canada et les États-Unis sont des partenaires naturels de la promotion des droits de la personne et du respect de la règle de droit et ils demeurent des alliés fermes dans la lutte mondiale contre le terrorisme.
Plus près de chez nous, nous recommandons que les deux pays entreprennent des discussions sur des mesures d'amélioration de la gestion conjointe de nos frontières. En particulier, nous appuyons l'idée d'un élargissement de la mission globale de surveillance, d'alerte et de contrôle de NORAD aux domaines terrestre et maritime afin de créer un système unifié et homogène de défense pour l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Permettez-moi de conclure, monsieur le président. En tant que chefs d'entreprise, nous sommes heureux de constater que des éléments importants de ces trois priorités sont pris en compte dans la déclaration émise par le et le président Obama après leur rencontre de la semaine dernière. En particulier, nous saluons le désaveu ferme du président Obama à l'égard du protectionnisme et des politiques de « chacun pour soi », qui ne feraient qu'empirer le ralentissement économique mondial actuel. Nous estimons également importante la décision de lancer un nouveau dialogue sur l'énergie propre, qui portera sur les besoins en énergie du XXIe siècle en tant qu'éléments clés d'une reprise plus large de l'économie et des efforts de réinvestissement.
En résumé, j'espère que la rencontre de la semaine dernière entre le président et le premier ministre marque le début d'une nouvelle ère de coopération entre nos deux pays. La tâche qui nous attend est énorme, mais les membres de la communauté des affaires se sont engagés à faire leur part pour contribuer à ce que le Canada et les États-Unis surmontent les défis économiques qu'ils doivent tous deux affronter et qu'ils sortent plus forts que jamais du ralentissement actuel.
Pour faire valoir l'urgence de nos efforts, je suis heureux de signaler que mon organisation convoquera un Sommet des chefs d'entreprise du Canada à Washington, DC, les 23 et 24 mars, au cours duquel nos membres rencontreront des hauts fonctionnaires de l'Administration et des responsables politiques clés.
Je vous remercie monsieur le président et mesdames et messieurs. Cela conclut ma déclaration préliminaire. Si vous avez des questions, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
:
Merci monsieur Rae. Je suis également heureux de vous voir.
Le resserrement des contrôles frontaliers est une question qui nous préoccupe grandement, dans les faits, depuis les événements du 11 septembre. Vous savez tous ce qui s'est passé et je ne reviendrai pas là-dessus — le fait que pour les camions, les 8 à 10 minutes nécessaires pour franchir la frontière sont passées à 18 heures. Je vous le dis, cela a été toute une prise de conscience pour nous tous parce que nous expédions beaucoup de marchandises aux États-Unis, mais également pour les 39 États qui considèrent que le Canada constitue leur plus grand marché.
Depuis, malgré l'initiative pour une frontière intelligente lancée par l'ancien gouvernement, qui contenait de nombreux excellents éléments — M. Manley et M. Ridge —, et malgré tous les efforts déployés depuis, l'énorme appareil qu'est le département de la Sécurité intérieure et qui, selon ce qu'on m'a dit, est plus gros que toute la fonction publique du Canada, a établi sa propre cadence. Je dois dire que — étant donné que j'ai participé à deux conférences au sommet où les deux présidents et le premier ministre étaient présents, la première à Montebello en 2007 et la deuxième à la Nouvelle-Orléans en 2008 où la question était à l'ordre du jour — malgré les garanties fermes du président des États-Unis et les importants efforts du président du Mexique et de notre premier ministre qui ont dit qu'il fallait faire quelque chose et malgré les propos de ceux d'entre nous qui ont dit au secrétaire américain à la Sécurité intérieure, sous les yeux du président, qu'il fallait aller de l'avant, la réalité est que nous reculons plutôt que d'avancer.
Pour répondre à votre question, monsieur Rae, je pense que nous devons exercer une très, très grande pression. Je sais que c'est ce que a fait lors de sa rencontre avec le président Obama. Je pense qu'il est important que les deux milieux d'affaires continuent d'intensifier leurs efforts. Et ce n'est pas facile. Nous nous y employons depuis trois ou quatre ans, plus intensément depuis 2001-2002, et nous nous heurtons souvent à un mur lorsque nous abordons la question avec bien des gens, dont les représentants du Congrès et du Sénat qui affirment qu'ils sont de notre côté et qu'ils veulent agir. Mais il n'y a encore rien de fait.
Selon nous, il est crucial de s'attaquer à l'inertie, et de le faire rapidement. Ça veut dire d'utiliser les sommes consacrées aux infrastructures de part et d'autre de la frontière pour améliorer l'accès aux points frontaliers. Ça veut dire d'examiner les tunnels et les ponts, y compris un pont privé — qui, soit dit en passant, a grandement choqué le président des États-Unis qui n'arrivait pas à croire qu'un pont si important pour les deux pays était privé —, mais également de nous atteler à la tâche afin d'améliorer les liens qui auraient dû être améliorés bien avant les attaques du 11 septembre. Que cela se fasse dans le cadre du Partenariat pour la sécurité et la prospérité, au-dessus duquel un nuage noir plane, ou grâce à des efforts bilatéraux accrus — même si je crois que les Mexicains peuvent également contribuer —, nous devons vraiment intensifier nos efforts, fixer des objectifs clairs et agir.
Pour terminer, la raison pour laquelle nous devons aller de l'avant est que nous devons remercier notre bonne étoile du fait qu'il n'y a pas eu d'autres attaques terroristes majeures. Nous aurions alors fait face à d'immenses problèmes une fois de plus. Une attaque grave aurait pu porter un coup fatal au commerce bilatéral. Nous sommes là, retenus en otage par la possibilité qu'une telle attaque se produise, et nous sommes toujours confrontés au problème d'étanchéité de la frontière.
La deuxième chose dont nous devons nous assurer est que les responsables des deux côtés de la frontière et ceux qui assurent la sécurité frontalière utilisent la technologie la plus intelligente et la meilleure afin de faciliter les passages frontaliers. Et vous savez quoi? Cette technologie existe depuis une décennie. Nous aurions pu l'utiliser bien avant mais, inexplicablement, personne ne semble voir l'urgence de régler le problème.
Lorsqu'il est question de passages frontaliers, la technologie des cartes dites « intelligentes », qui est utilisée pour diverses formes de transport transfrontalier, devrait servir à plus grande échelle et, plus particulièrement, être examinée au plus haut niveau politique — et je crois que la déclaration du président Obama et du premier ministre Harper y a contribué, et je présume que a fait la même chose...
:
Permettez-moi de répondre dans la langue de Shakespeare et non pas celle de Molière.
En bref, comme vous le savez, les Canadiens et les Américains sont parmi les plus grands consommateurs d'énergie au monde. Vous n'êtes pas sans savoir non plus que notre bilan carbone est parmi les plus élevés au monde. Nous sommes deux fédérations, et nous devons tenir compte de la façon dont se déroulent les choses dans nos deux pays: dans certains dossiers, les États américains avancent plus rapidement que le gouvernement de Washington. Cette même situation au Canada a gravement affecté le milieu des affaires pendant un certain temps. Au lieu d'avoir une approche cohérente pour combattre les changements climatiques, nos provinces vont chacune dans des directions différentes, et les députés de différents partis défendent des idées radicalement opposées. Ceci a eu pour résultat de nous faire perdre des années.
Je dis bien des années. Si l'on pense aux années 1990, le Canada était non seulement perçu comme un leader environnemental sur la scène internationale mais également comme l'un des premiers à s'impliquer dans la foulée des travaux de la Commission Brundtland dans la recherche d'une solution aux changements climatiques. Au début, nous étions des leaders mondiaux en matière de participation volontaire. À titre d'organisation, nous avons été la première entreprise au monde à avoir reconnu le principe du développement durable.
Depuis, nous avons perdu beaucoup de terrain et notre crédibilité en a souffert. Ce qui s'offre à nous aujourd'hui est la possibilité de lier les circonstances à nos intérêts: un nouveau chef des États-Unis ainsi qu'un premier ministre et un chef de l'opposition qui sont plus qu'heureux de travailler étroitement avec les Américains. Nous ne devons pas rater cette occasion. Notre compétitivité en dépend. Nous devons, ensemble, transposer notre alliance naturelle dans les forums internationaux qui travaillent aux prochaines étapes de la lutte contre les changements climatiques. Il faut présenter dans ces forums nos technologies communes, notamment les techniques de capture et de séquestration de carbone ou toute autre technologie. Nous, en Amérique du Nord, pourrions être les chefs de file dans le développement de ces technologies. Plus nous agissons rapidement, en collaboration avec nos amis américains au sein d'une économie étroitement intégrée non seulement dans le domaine de l'énergie, mais aussi de l'industrie, plus notre crédibilité et notre influence seront grandes dans le monde.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Plourde, vous avez un nom qui est très connu à Rivière-du-Loup. Mon adversaire politique conservateur, que j'ai battu deux fois, était votre homonyme, mais je ne vous en veux pas pour ça.
Avec le retard faramineux que le Canada a pris en matière environnementale avec M. Bush, aux États-Unis, et M. Howard, en Australie, pourra-t-on avoir un coup de fouet suffisant pour respecter l'objectif que M. Obama a mis sur la table la semaine dernière, soit arriver à Copenhague au mois de décembre avec une position démontrant qu'on va reprendre le terrain perdu?
De quelle façon va-t-on s'assurer que des deux côtés, on reconnaisse les efforts déjà fournis? Par exemple, le Québec a fait des efforts importants au cours des dernières années, de même que plusieurs États américains. Ils voudront que ces efforts soient reconnus. Sans trop entrer dans le détail des échéances fixes comme 1990 ou 2006, de quelle façon voyez-vous les choses? Est-il possible de rattraper ce retard?
:
Comme mes ancêtres sont originaires de Rivière-Ouelle, il est fort possible que mon homonyme ait des liens de parenté avec moi.
Concernant le terrain perdu, on peut voir les prochaines années de façon plus optimiste. En effet, la politique américaine évoluera de façon différente et la réaction canadienne au potentiel posé par la politique sur le changement climatique a été largement influencée par la réaction américaine. Au cours des prochaines années, il sera possible de faire beaucoup pour reprendre le terrain perdu. Par contre, il faudra prendre en considération le fait qu'on a perdu beaucoup de terrain concernant notre approche en vue des négociations à Copenhague.
Il faut revoir notre position selon laquelle on va à Copenhague à cause des engagements pris à Kyoto. Comme M. d'Aquino l'a mentionné, il sera certainement important que le Canada et les États-Unis aient une approche et une position communes sur les changements climatiques, s'ils veulent avoir plus d'influence sur le plan international. Aurons-nous assez de temps pour en arriver là? C'est une autre question. Ces deux pays sont des fédérations et il faut qu'il y ait coopération entre les provinces et les États, mais un certain temps est nécessaire pour y arriver. Je crois qu'on devrait pouvoir se mettre d'accord sur les grandes lignes et avoir une approche commune lorsqu'on arrivera à Copenhague.
Les efforts déjà fournis sont importants dans certaines régions du pays et varient beaucoup d'une région à l'autre. Il faut développer une approche canadienne ou nord-américaine de ces questions, et qu'elle intègre les efforts déjà fournis aux éléments de politique. Il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions très précises, mais c'est clairement un élément important dans la structure de l'approche qui en ressortira.
:
Merci, c'est une très bonne question.
[Traduction]
Nous débattons cette question depuis la publication du rapport Brundtland... Voilà pourquoi je dis, avec beaucoup de fierté, que nous avons été la première entreprise du monde à endosser le concept du développement durable. Qu'entendons-nous par développement durable? Cela suppose évidemment de concilier partout dans le monde le besoin de créer des emplois et de favoriser la croissance avec le respect de l'environnement.
Mais venons-en au contexte actuel. Nous avons créé en 2007 un groupe de travail formé de 33 dirigeants issus des plus importantes entreprises au Canada, qui représentent tous les secteurs de la production et de la consommation. Nous avions un plan très ambitieux. Nous voulions faire du Canada en même temps une superpuissance environnementale et une superpuissance énergétique.
Notre démarche s'appuyait sur notre très ferme croyance voulant que le développement économique et le respect de l'environnement ne soient pas des notions incompatibles et souhaitant voir la créativité des hommes et des femmes mise à profit de manière à atténuer les frictions qui peuvent exister entre ces deux objectifs.
Cela peut être fait de différentes façons. Tout d'abord, bien entendu, par la conservation. Nous savons tous à quel point la conservation est importante. Il y a également l'utilisation efficace de la technologie, tout comme le fait de s'assurer que les nouvelles méthodes de production adoptées dans ce monde axé sur le consommateur soient beaucoup plus respectueuses de l'environnement. Une autre solution serait d'envisager l'optique planétaire comme unique moyen d'enrayer le problème.
Nous ne partagions pas l'avis de ceux qui disaient que les pays industrialisés doivent aller de l'avant sans attendre l'engagement des pays en développement. En réalité, il ne sera pas possible de régler le problème des changements climatiques dans le monde ni de faire face aux grands enjeux environnementaux à moins que la Chine, l'Inde, le Mexique, le Brésil et d'autres pays participent également aux efforts.
Je ne dis pas là qu'il faudra nous abstenir d'exercer notre leadership, bien au contraire. Mais nous avons affirmé — et je l'ai dit également dans un discours en 1989 — que le rapprochement de l'économie et de l'environnement constitue l'enjeu le plus important pour la planète. Je suis toujours de cet avis. Et bon nombre de nos membres — assurément ceux faisant partie de notre groupe de travail sur le leadership environnemental — le sont également.
:
C'est une très bonne question.
[Traduction]
Selon moi, la question de savoir comment reconstituer le capital de nos banques et composer avec la situation avec laquelle nous sommes aux prises aujourd'hui, la mise à rude épreuve de nos institutions financières dont la valeur est évaluée à plus de 100 milliards de dollars, est d'une importance capitale. Il faut voir le système financier comme une entité à renflouer, comme un cœur qui doit recommencer à apporter du sang aux différentes parties du corps, pour lui redonner vie. Voilà le problème auquel il faut s'attaquer, et la relance est déjà entreprise. Je prédis qu'il ne sera pas facile d'y arriver, mais qu'on y parviendra.
À l'heure actuelle, la plus grande menace qui pèse sur nous, qui risque de nous entraîner tous vers le fond, c'est le protectionnisme. Je vous concède que le protectionnisme est un réflexe tout à fait humain. Lorsque les gens perdent leurs emplois, que les taux de chômage montent en flèche et que des entreprises sont forcées de mettre fin à leurs activités, les gens deviennent très inquiets. Lorsque des sommes importantes de l'argent des contribuables sont utilisées pour venir au secours d'industries ou lorsqu'on fait porter au gouvernement l'odieux de la démarche, je crois qu'il est très, très important, lorsque des particuliers disent « écoutez, si l'argent que je verse au gouvernement à titre de contribuable doit servir à sortir l'industrie X du pétrin, je ne veux pas que l'industrie X se tourne vers le Canada ou le Mexique pour assurer sa production », de nous opposer très fermement à ce raisonnement, tout particulièrement lorsqu'il est question du Canada et des États-Unis. Le niveau d'intégration est tel entre ces deux pays que vous vous tirez dans le pied en insistant pour que le Canada soit exclu de participer à l'industrie X, Y ou Z.
Ceci m'amène à la question suivante: qu'arriverait-il si les États-Unis, en vertu de leurs lois de reconstruction et de rétablissement, offraient une dérogation au Canada? En principe, nous devrions nous opposer au protectionnisme sous toutes ses formes. Si nous acceptons cette dérogation, ce qui, selon certains, servirait les intérêts de notre pays parce qu'une grosse partie de cet argent est dépensée au niveau des États, nous irions à l'encontre de certains de nos principes. Ou on est en faveur du protectionnisme ou on ne l'est pas. J'estime que nous devons nous y opposer. L'opposition doit commencer ici même. C'est d'ailleurs pourquoi il m'a fait tant plaisir de voir le président Obama et le premier ministre Harper s'exprimer contre les mesures protectionnistes.
Les dirigeants des pays du G20 se sont réunis à Washington en novembre dernier. Qu'ont-ils promis? Ils ont promis d'essayer de réparer le système et aussi de résister à toute nouvelle forme de protectionnisme. À peine certains d'entre eux venaient-ils de rentrer à la maison qu'ils avaient déjà entrepris de cautionner les mesures protectionnistes. Il faut y résister. Ce n'est pas facile et pour y arriver, nous en convenons, il faut du courage politique.
Aux paliers inférieurs, nous devons répéter ce que nous disons déjà dans nos propres entourages, c'est-à-dire n'allez pas à Ottawa, n'allez pas à Québec ou à Queen's Park pour demander d'être mis à l'abri sous condition d'exclure tous les autres. Dès que vous commencez à agir de la sorte, vous vous engagez sur un terrain glissant.
L'exemple doit être donné dès les plus hautes sphères du pouvoir, et je crois qu'il faut le répéter sans cesse. Quand j'entends ces bouffons comme Lou Dobbs prendre l'antenne chaque soir à CNN et tenir des propos comme quoi la plupart des emplois sont perdus au profit du Mexique alors qu'en réalité, ils le sont au profit de la Chine ou d'autres pays, c'est ce genre de propos qu'il faut réfuter. Honnêtement, nous constatons non sans inquiétude que nous n'avons pas su, au niveau politique ni au niveau des dirigeants d'entreprises, rejeter avec suffisamment de fermeté l'hypothèse selon laquelle le protectionnisme est le moyen qui permettra, d'une manière ou d'une autre, de nous tirer d'affaire.
Voici une petite statistique. Peut-être la connaissez-vous déjà. Lorsque la loi Smoot-Hawley a été adoptée et que des droits de douanes ont été imposés sur 22 000 articles aux États-Unis, en 18 mois, le pourcentage total du commerce mondial avait diminué des deux tiers. Nous n'avons pas à revivre les erreurs du passé pour comprendre à quel point le protectionnisme est dangereux.
:
Merci, monsieur le président. Merci de nous avoir entraînés dans une discussion très intéressante jusqu'ici.
Je veux d'abord revenir sur les propos de nos chefs d'entreprise et de M. d'Aquino. Je suis heureux que vous ayez souligné trois préoccupations de première importance — l'énergie, l'économie, la défense et la sécurité — avec beaucoup de doigté et d'à-propos. Nous avons eu une bonne discussion à cet égard. Je veux revenir sur l'aspect de la défense et de la sécurité.
J'ai remarqué dans votre rapport que vous parliez d'une gestion conjointe des frontières, une mission complète du NORAD. Je pense que nous avons raté des occasions, et que nous revenons là-dessus. Les moyens que nous consacrons à la protection de nos immenses frontières sont plutôt maigres. Il est parfaitement logique de travailler sur notre périmètre de défense nord-américaine.
Je crois que la frontière est vraiment un de nos points d'accrochage. Nous avons déjà abordé précédemment la question du renforcement des frontières, et nous avons parlé de l'énorme appareil mis en place aux États-Unis pour assurer la sécurité intérieure dont la taille, semble-t-il, serait plus importante que celle de l'ensemble de la fonction publique canadienne.
Voici ce que je crains. Vous avez parlé des changements radicaux que les événements du 11 septembre aux États-Unis ont entraînés à la frontière entre nos deux pays. Vous avez dit que de 300 000 à 400 000 personnes traversent cette frontière chaque jour et que nous sommes à la recherche de trois à cinq types de menaces potentielles. Cette menace particulière — c'est tout le problème avec le terrorisme — recèle un énorme pouvoir, même si elle ne réussit pas à perturber le fonctionnement normal de notre société. Nous avons évité de peu un attentat quand Ahmed Ressam a été intercepté à la frontière en possession d'armes pour attaquer l'aéroport de Los Angeles.
Il nous faut trouver le moyen de renforcer la frontière entre nos deux pays. Nous avons pris d'assez maigres mesures pour surveiller la frontière et nous sommes probablement très au-dessus de ce qu'il faudrait pour y assurer une véritable protection. En raison du 11 septembre, les États-Unis ont évidemment leurs propres problèmes d'immigration, du fait que des gens traversent cette frontière. Que faisons-nous pour renforcer la protection? Nous déployons des efforts pour armer nos gardes-frontières et pour solidifier l'infrastructure frontalière; ces mesures ont été mentionnées. Comment faire pour régler ce problème et faciliter le commerce tout en préservant notre souveraineté?
Soit dit en passant, monsieur le président, je partage mon temps avec Lois.
:
D'abord, je reviens sur la question de la perception. Je sais que beaucoup d'entre nous dans cette salle ont probablement été offusqués, pas seulement une fois mais parfois deux ou trois fois, par les propos de personnes qui devraient être plus avisées, et par les assertions faites aux États-Unis — sans oublier tout ce qui a été véhiculé par les émissions-débats — selon lesquelles les responsables de l'attentat du 11 septembre venaient du Canada ou avaient traversé la frontière canadienne, mais même lorsque la fausseté de cette déclaration a été clairement démontrée, certaines personnes occupant en ce moment même de très hautes fonctions ont continué de la propager.
Ce qui est profondément déconcertant, c'est que ces perceptions, une fois établies, peuvent se répandre très rapidement et très largement. Comment faire pour les contrer? En l'occurrence, notre ambassadeur et d'autres représentants sont allés voir ces personnes pour démentir leurs affirmations, rétablir les faits, et ces personnes ont dit qu'elles avaient compris. Mais les États-Unis sont un grand pays, où les émissions-débats... et tous les Américains, je crois, sont encore plus obsédés par la souveraineté de leur pays que nous le sommes. C'est ce que je soutiens depuis toujours. Alors, à moins d'opposer démenti sur démenti, nous aurons de la difficulté à gagner cette bataille.
Deuxièmement, certains ont l'impression que le Canada a toujours mal traité ses réfugiés, ses immigrants, et ainsi de suite, et cette perception s'est en quelque sorte évanouie. J'aime toujours choquer nos amis américains en disant, « Ne venez pas nous dire quoi faire. Selon des estimations du gouvernement, il y aurait en gros 15 millions de personnes dont vous connaissez la présence chez vous, mais dont vous n'avez aucune idée de l'endroit où elles se trouvent, ni de leur identité, ni de ce qu'elles font ». Je leur dis aussi: « Vous savez, quand je vais me coucher le soir, je devrais davantage m'inquiéter des gens montant vers le nord que vous devriez vous inquiéter des gens qui descendent vers le sud. » Parfois ça fonctionne, d'autres fois non, et parfois ils me regardent avec la plus totale incrédulité. Je pense que le premier ministre Harper, au cours de sa conférence conjointe avec le président Obama, a beaucoup insisté sur le fait que la sécurité des États-Unis nous importe autant qu'elle importe aux Américains, et inversement, même si cette vérité semble souvent échapper aux Américains et à certains Canadiens.
Je crois qu'il faut essayer de faire passer ce message, mais il faut le faire vigoureusement et systématiquement.
Une autre chose doit être faite. Lorsque nous rencontrons des obstacles à la collaboration, nous devons vraiment en tenir compte. L'un des obstacles qui nous ont vraiment abasourdis, c'est la question de la protection des renseignements personnels; nous en étions presque arrivés à une entente quant à la manière de traiter les personnes jugées suspectes — sans oublier la question de savoir qui sera armé et qui ne le sera pas.
Je suis porté à penser que les temps ont changé. Aussi longtemps que les protocoles des droits de la personne peuvent être respectés des deux côtés de la frontière, et surtout nous entendre sur qui est autorisé à porter des armes et qui ne l'est pas, qui peut se présenter à un poste-frontière pour s'en éloigner, les Américains insistant sur le fait que cette personne peut être un terroriste tandis que nous disons que nous n'avons aucune prise sur cette personne... Nous avons eu une idée: pourquoi ne pas simplement amener cette personne à l'écart, lui demander de s'identifier, de dire ce qu'elle fait, où elle est, puis tirer nos propres conclusions et faire rapport aux Américains? Quoi qu'il en soit, tout s'est effondré, le département de la Sécurité intérieure a supprimé la possibilité d'une collaboration renforcée à cet égard, et la situation persiste. À ma connaissance, à moins que mes collègues sachent des choses que je ne connais pas, elle est toujours sans solution.
Je crois que nous pouvons faire certaines choses très concrètes et si nous faisons preuve de bon sens, nous aurons des résultats.
Et finalement, parlons de la technologie comme moyen d'assurer la surveillance. Pour moi, la technologie est la réponse que nous cherchons parce qu'il est impossible de surveiller une frontière qui s'étend sur plus de 4 000 milles, qui traverse de vastes étendues vides, sans utiliser la technologie. Nous n'avons pas, et les Américains non plus, les effectifs qu'il faudrait pour patrouiller la frontière d'un bout à l'autre. Ils ont déployé des Predators dans le ciel — et heureusement, ils ne sont pas porteurs de missiles — pour la surveillance du sol. Mais l'utilisation de la technologie, d'une manière ou d'une autre... Je ne vois rien d'insultant au déploiement des Predators, du moment qu'ils regardent des deux côtés de la frontière.
:
Oui, merci. Je voudrais simplement revenir brièvement sur la question de l'empreinte énergétique du Canada.
C'est vrai, la consommation et la production d'énergie au Canada sont importantes pour une petite population, mais, si on considère l'étendue de notre pays et les véritables facteurs, je ne vois pas pourquoi nous nous excuserions d'être de gros consommateurs d'énergie. C'est la nature de notre pays qui exige cette consommation par habitant. Nous avons un grand pays, un immense pays. La question des transports a donc une importance particulière. Elle pose un problème particulier aux députés ici présents simplement pour se rendre au Parlement, ce qui n'est pas le cas de la plupart de leurs homologues ailleurs dans le monde. Naturellement, les États-Unis ont des défis semblables, mais, ailleurs dans le monde, il n'est pas nécessaire de franchir plusieurs fuseaux horaires pour se rendre au Parlement. Donc, les transports sont un facteur non négligeable au Canada. De plus, le climat est froid l'hiver et chaud en été.
Nous sommes donc de gros consommateurs, c'est notre réalité et c'est celle de l'endroit où nous nous trouvons. Les choses étant ce qu'elles sont, je pense qu'il faudrait cesser un peu de nous excuser pour des facteurs propres aux réalités de notre vie, ce qui ne veut pas dire que nous sommes incapables d'être responsables ni d'être conscients que le monde est en train de changer.
Pour en revenir à la question des modèles de changement climatique, pensez-bien à ceci. Dès qu'on s'attaque à une question qui a une dimension scientifique, dès qu'on se sert de modèles sans disposer de la totalité de l'information, les modèles ne valent jamais plus que ce que valent les hypothèses. Je suis sûr que le milieu des affaires est constamment en train de jongler avec des hypothèses. C'est tout un défi de faire des prévisions économiques aujourd'hui.
C'est juste une question que nous voulons soulever. Des informations récentes sur les volcans sous-marins de la région subarctique, par exemple, n'ont pas été prises en considération quand les modèles ont été établis par les comités internationaux qui discutaient de ces questions. Une immense chaîne de volcans sur la dorsale de Gakkel, dont on a parlé en décembre 2008 dans le magazine Nature — une chaîne de 17 kilomètres où se produisent des éruptions qui montent jusqu'à 2 kilomètres sous les glaces de l'Arctique et qui projettent des morceaux de roc à des kilomètres à la ronde —, pourrait être liée au rejet d'énormes quantités de dioxyde de carbone, à commencer déjà par les éruptions de 1999, survenues au moment où la fonte des glaces de l'Arctique s'est accélérée.
:
Monsieur le président, je sais très bien où vous voulez en venir. Je dois vous dire — et mes collègues peuvent le confirmer — que nous avons passé énormément de temps depuis le début des années 1990 à débattre de l'aspect scientifique. Le problème, c'est que nous ne savons pas. Il y a des scientifiques des deux côtés. En fait, nous allions jusqu'à consigner qui avait dit quoi, qui était pour, qui était contre, qui avait des preuves, et qui n'en avait pas. Même si nous savons que beaucoup prennent des libertés avec les chiffres et sans trop d'égard aux questions de crédibilité, nous en sommes arrivés à la conclusion que, même si à mon avis c'était stimulant sur le plan intellectuel, ce débat sur la science nous empêchait de faire un grand nombre de choses que nous devrions faire de toute façon.
Notre organisme — 150 PDG qui gèrent collectivement 3,5 billions en actifs et qui sont responsables de la majeure partie du PIB — a adopté... Nous avons conclu que nous devions être prudents sur le plan de la science. Autrement dit, sans avoir de certitudes, nous voyons des indices de plus en plus inquiétants. Alors, qu'est-ce que nous avons conclu? Nous avons dit: « plutôt que de gaspiller notre énergie à débattre de ce qui est vrai ou faux, pourquoi ne pas faire les choses que nous devrions faire de toute façon? » Pourquoi ne pas investir dans les technologies intelligentes? Pourquoi ne pas investir dans les innovations environnementales? Même s'il est vrai que nous sommes un grand pays, froid et vaste — il y a des hivers où nous aurions parfois souhaité un réchauffement climatique — et même si la situation démographique favorise l'augmentation des émissions de CO2, nous en sommes arrivés à cette conclusion. Pourquoi ne pas nous tourner vers ces nouvelles technologies et ces pensées scientifiques, puisque c'est la chose à faire de toute façon, si nous voulons être moins dépendants des ressources pétrolières?
Une fois que nous sommes sortis de ce débat, nous nous sommes dit: « Que ce soit le charbon, l'éthanol, l'énergie nucléaire, le pétrole, le gaz naturel, les sables bitumineux, l'énergie hydroélectrique, ou la biomasse, toutes ces sources d'énergie sont pertinentes. Je ne veux pas voir personne dans cette salle, pas un PDG se disputer avec un autre... » C'est fou combien on peut entendre: « Je suis dans les sables bitumineux, donc je suis correct; toi, tu es dans le charbon, donc tu ne l'es pas. » Et nous nous sommes dit: « Nous ne voulons pas ce débat, parce que nous devons tous contribuer à répondre aux besoins énergétiques de la planète d'une façon ou d'une autre, alors essayons de le faire de la façon la plus intelligente possible. »
Nous avons donc laissé le débat scientifique derrière nous. Ça ne veut pas dire que nous ne lisons plus sur le sujet. Ça ne veut pas dire que nous ne prêtons pas attention aux nouvelles études. C'est ce que nous avons choisi de faire. C'est ce que j'appelle l'approche prudente, avec laquelle nous en serons en bout de ligne des citoyens plus responsables, plus efficaces, qui appliquent et utilisent les meilleures technologies.
Voici mon dernier point. Nous sommes arrivés à une conclusion dans une étude importante que nous avons faite en 1990 avec M. Michael Porter. Plus vite nous adopterons des technologies durables sur le plan environnemental, plus nous serons compétitifs à l'aube du XXIesiècle. Nous le croyons toujours aujourd'hui. Je ne crois pas que nous en avons fait assez, loin de là, mais nous pouvons et nous devons en faire plus.
:
Merci, monsieur le président, et merci à nos invités qui ont pris le temps de venir ici aujourd'hui.
Je voulais justement commencer avec la question de l'énergie, de l'environnement et de l'économie, un « triple e » différent de celui dont on entend habituellement parler ici et qui, à mon avis, est le bienvenu. Si on jette un coup d'œil à l'approche que nous avions proposée — je ne parle pas des dernières élections, mais des deux élections précédentes —, c'était manifestement une approche qui tenait compte de l'environnement et qui appuyait l'idée d'un système de plafonnement et d'échange.
Ma première question s'adressera à vous, monsieur Plourde.
Nous avions trois raisons pour proposer un modèle de plafonnement et d'échange pour l'environnement. Premièrement, ce modèle était utilisé en Europe, même s'il reste quelques mises au point à faire. Deuxièmement, il tient compte de la nature du problème des changements climatiques, qui n'ont pas besoin de passeport, puisque le problème est d'ordre continental. Troisièmement, lorsque nous examinons les émissions de gaz à effet de serre ainsi que la manière de gérer les changements climatiques, nous nous sommes rappelés qu'il s'était produit un phénomène similaire entre le Canada et les États-Unis au sujet des pluies acides. Lorsqu'on a imposé un plafond absolu en matière de pluies acides et qu'on a dit: « Voilà, si vous n'arrivez pas à satisfaire à ces critères, vous aurez une amende »... On sait bien sûr ce qui s'est produit par la suite.
Je dois dire que cela s'est produit après que l'on ait mis beaucoup de pression sur le plan politique. Je me souviens que lorsque j'étais étudiant à l'université, nous manifestions contre Bill Davis pour qu'il fasse quelque chose au sujet des pluies acides. Ce n'était pas quelque chose qu'ils appuyaient. Au début, ils disaient: « Allez-vous-en et laissez-nous tranquilles. » Les entreprises n'appuyaient pas vraiment la cause non plus. Elles disaient: « Vous allez nous mettre en faillite. » C'est pour cette raison que nous avons envisagé le système de plafonnement et d'échange, qui constitue une solution sensée.
Nous sommes maintenant devant un dilemme. Je dois dire que la visite de M. Obama a été une réussite et j'approuve les commentaires qui ont été faits à ce sujet, cette première visite étant en soi une bonne nouvelle, mais je crois que nous avons pris un peu de retard dans ce dossier.
Je voulais votre opinion à ce sujet parce que j'ai lu vos commentaires. Vous croyez qu'il est correct d'avoir une approche continentale, mais sur la question d'un système de plafonnement et d'échange, si vous croyez que c'est la solution que nous devons adopter — et nous nous en allons dans cette direction —, pour quels aspects avons-nous du rattrapage à faire?
Deuxièmement, qui au gouvernement devrait en prendre la direction? Peut-être que vous n'avez pas d'opinion sur le sujet, et ce n'est pas grave si c'est le cas. Quel ministère devrait diriger? Ou bien y aurait-il un modèle qui utiliserait une approche non ministérielle?
Que l'on utilise un mécanisme de plafonnement et d'échange ou tout autre type d'instrument économique — qu'il s'agisse de redevances, de taxes, d'impôts ou autre —, ce qui arrive, c'est qu'on répartit les risques différemment. Dans le cas d'un mécanisme de plafonnement et d'échange, si on le conçoit d'une certaine manière, on sait avec exactitude la quantité d'émissions que l'on aura. On ne connaît cependant pas précisément les coûts qui seront engendrés. Si l'on perçoit une taxe, on a une bonne idée de ce qu'il en coûtera par émission et aussi du type de réactions comportementales et technologiques que l'on obtiendra, mais on ignore le niveau exact d'émissions qui seront produites.
On peut évidemment conjuguer les deux systèmes en créant un mécanisme de plafonnement et d'échange qui permet d'échapper à la contrainte que représente le plafond en payant un certain prix, et en chargeant un organisme d'émettre les permis.
Je crois qu'il y a de véritables avantages, quelle que soit l'approche utilisée, à obtenir un mandat aussi large que possible en ce sens; d'où l'approche continentale — en partie parce que les gens les mieux informés à ce sujet, qui sont mieux placés que les fonctionnaires et les gens qui travaillent dans des bureaux, comme moi, peuvent déterminer quels sont les moyens les plus économiques de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je n'ai aucun scrupule à cet égard. Je crois que ça laisse la responsabilité d'agir aux personnes les mieux placées pour le faire.
Si on va de l'avant avec un mécanisme de plafonnement et d'échange ou un autre système de ce genre, il est important de le concevoir de façon à permettre aux intéressés qui y prennent part de trouver la façon la plus économique de régler le problème.
Deuxièmement, il faut tenter de coordonner ce processus le mieux possible, en ce sens qu'il faut éviter ce que l'on tend à observer en ce moment, tous ces petits États, et ces petites villes dans certains cas, qui prennent des initiatives concernant des problèmes qui sont, comme nous l'avons fait valoir, d'ordre planétaire ou, à tout le moins, continental. Alors, je crois qu'il est important de trouver une manière d'agir de façon intégrée à l'échelle du continent, mais aussi au sein de chaque pays, de façon à éviter le chevauchement des efforts.
Dans un certain sens, la question de savoir qui devrait orchestrer ce processus est secondaire, parce que cela dépend en réalité de l'instrument choisi et du type de contraintes qu'on désire imposer. S'il s'agit essentiellement d'un système de permis qui ne sont pas attribués librement, un système où chacun participe à un système d'enchères, qui le gère n'a pas vraiment d'importance. De façon générale, on pourrait créer un organisme et le laisser agir même s'il s'agit d'un organisme du secteur privé chapeauté par le gouvernement.
Plus important encore, je crois qu'il faut éviter de tenter de trop en faire avec un seul instrument. C'est le genre de problème que nous avons rencontré les quinze dernières années, si ce n'est plus, avec cette politique. Nous avons tenté de concevoir un large système d'émission de permis dont le fonctionnement était si compliqué, en ce qui a trait à l'attribution des permis, des autorisations, etc., qu'il s'est pour ainsi dire effondré. Ce système était trop compliqué à gérer. Si l'on estime qu'il existe des problèmes au niveau de la distribution, que l'on n'aime pas la manière dont la charge est répartie, que l'on croit qu'il subsiste des problèmes liés à la pauvreté, par exemple, ou encore qu'il existe des problèmes de compétitivité, il faut se servir d'autres outils pour les résoudre. Il faut éviter d'essayer de tout régler à l'aide de l'outil que l'on veut utiliser pour ce problème en particulier.
Il est certain que je désire mettre en place cette approche, et je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il ne faut pas brouiller les cartes; l'objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, non pas de se doter d'une panoplie d'instruments de politique sociale, etc. Je suis d'accord avec ça.
En fait, je pense à la situation au Manitoba — j'ai un frère qui y habite et qui connaît un peu le dossier. Le gouvernement a choisi de promouvoir l'économie d'énergie et a proposé des prêts à intérêt réduit pour effectuer des rénovations. Il a ensuite permis aux gens de rembourser ces prêts à l'aide des économies réalisées sur leurs factures de consommation d'énergie, et cela a évidemment réduit la quantité d'énergie utilisée par les consommateurs et les entreprises. Une bonne nouvelle, donc, pour le Manitoba, parce que les surplus d'énergie peuvent être vendus.
Je le souligne parce qu'ils ont réussi à réduire de 40 p. 100 leur consommation d'énergie, une énergie qu'ils peuvent maintenant vendre. Ce qui est triste dans cette histoire — non pas pour le Manitoba mais pour le Canada, d'une certaine manière — c'est qu'ils n'avaient récemment, bien que cela ait changé quelque peu, que des acheteurs provenant des États du Nord. Le Québec est aux prises avec le même phénomène.
Je veux en venir au fait que nous avons entendu le président et parler d'investir dans un réseau intelligent. Nous nous félicitons de cette décision. Au cours des deux dernières élections, nous avons fait campagne en faveur de la création d'un réseau est-ouest.
Que pensez-vous — et j'invite les personnes intéressées à me donner leur avis — des conversations qui ont eu lieu à ce jour concernant les politiques énergétiques et les infrastructures? En d'autres termes, de quelle manière devrions-nous investir dans le réseau? Le réseau est-ouest semble nécessiter certains travaux, si nous décidons d'aller dans cette direction. Mais certains pensent que nous devrions concentrer nos énergies à établir un réseau nord-sud, ce qui serait plus sage. Il semble que les Américains s'orientent dans cette direction. Ils ont annoncé de nombreux investissements en ce sens, et ce projet est à l'avant-plan de leur politique énergétique.
Comment devrait agir le Canada dans ce dossier? Devrions-nous nous contenter d'établir un réseau est-ouest? Devrions-nous agir sur les deux fronts? Comment cela devrait-il fonctionner?
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais entendre et M. Plourde et M. d'Aquino sur le sujet étant donné qu'ils ont tous deux abordé cet aspect dans leurs remarques. J'aimerais commencer mon intervention par une anecdote personnelle. En juin dernier, j'ai eu un accident assez grave à la main qui m'a quelque peu inspiré une image de ce qui se passe sur notre marché. On pourrait dire que la main invisible du marché est sérieusement handicapée par certaines des décisions en matière de politiques que nous avons prises et par l'intervention du gouvernement, et je reprends en quelque sorte le commentaire de M. d'Aquino sur la nécessité d'assurer la reprise de la circulation, ce que j'ai eu à faire avec ma blessure à la main.
Monsieur Plourde, vous parlez d'adopter des politiques communes et vous, monsieur d'Aquino, vous parlez de l'interdépendance de nos économies. J'aimerais avoir vos commentaires sur le sujet suivant: comme nos économies sont de plus en plus interreliées, comment pouvons-nous nous assurer que les décisions en matière de politiques que nous prenons n'entraveront pas la bonne marche de l'économie?
Monsieur Plourde, dans votre intervention, vous dites quelques mots au sujet d'un système de plafonnement et d'échange et de la nécessité de laisser les forces du marché s'exercer. À votre avis, comment cela peut-il se produire compte tenu des décisions en matière de politiques que nous devons prendre en tant que fédérations d'Amérique du Nord, deux fédérations dont les économies sont étroitement liées?
:
Je vais aborder le sujet du point de vue des relations Canada-États-Unis dans le domaine énergétique, mais pas les aspects environnementaux, sur lesquels je reviendrai plus tard.
En ce qui a trait aux relations Canada-États-Unis sur le plan énergétique, de grands pas ont été faits du point de vue de la libéralisation du marché au cours des 25 dernières années et, dans une certaine mesure, nous avons obtenu exactement le genre de résultats auxquels il fallait s'attendre, à savoir: de fortes augmentations de la production énergétique canadienne et de fortes augmentations au niveau des exportations d'énergie du Canada vers les États-Unis. Toutefois, depuis quelque temps, nous constatons l'émergence de problèmes de réglementation tant entre les diverses compétences au Canada qu'entre le Canada et les États-Unis. C'est ainsi qu'il devient beaucoup plus difficile d'établir une capacité de transmission d'énergie, de construire des pipelines et de créer une infrastructure énergétique de ce type, en partie en raison des approches réglementaires adoptées par le Canada, par les provinces et également les États-Unis.
À mon avis, ces considérations devraient tenir une place importante dans tout programme stratégique éventuel si nous voulons assurer une meilleure collaboration sur le plan de la réglementation tant au Canada qu'au-delà de nos frontières internationales pour ainsi régler ce genre de problème à l'avenir. Toutefois, c'est un peu compliqué, parce qu'il faut tenir compte des questions concernant les premières nations et d'autres facteurs du même genre, mais le gouvernement fédéral a le devoir, que dis-je, la responsabilité, d'assumer un rôle de leader dans ce domaine.
Du point de vue de l'environnement, j'estime qu'il n'est pas possible de régler ou d'aborder ce problème de façon efficace et valable sans l'intervention du gouvernement. Parmi les divers agents de l'économie, le gouvernement est celui qui peut établir les règles qui dictent le comportement. Qu'il s'agisse de développement technologique et d'adoption de nouvelles technologies, de la façon dont les producteurs d'énergie se comportent ou consomment eux-mêmes l'énergie, ou encore de la façon dont les consommateurs d'énergie se comportent, il n'en demeure pas moins que le gouvernement est l'agent de l'économie qui doit établir le contexte. J'ajouterais même qu'il est de la responsabilité d'un gouvernement de non seulement établir le contexte, mais de le faire d'une façon qui nous permette de régler le problème de la façon la plus économique possible, ce qui est le champ de bataille de la politique environnementale et énergétique canadienne depuis de nombreuses décennies. En fait, nous n'avons pas été en mesure d'installer une synergie adéquate pour créer ensemble une approche stratégique efficace et crédible permettant de faire progresser réellement le programme stratégique, mais également d'obtenir des résultats à un moindre coût.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue.
Monsieur d'Aquino, vous êtes là depuis un bon moment. Vous avez donc vu défiler de nombreuses administrations. J'aimerais vous poser une question d'ordre politique. Évidemment, depuis toutes ces années où vous cherchez à adopter un modèle pour votre organisation, vous avez assisté au spectacle d'États qui doivent se battre constamment contre l'administration fédérale américaine tandis que les provinces, ici, se dotent de normes différentes; vous avez observé des groupes comme l'industrie de l'automobile, par exemple, qui essaie de respecter toutes ces normes diverses et éprouve de grandes difficultés à le faire, et vous avez été à même de constater que les administrations fédérales, tant au nord qu'au sud de la frontière, ne réussissent pas à mettre sur pied le genre de réseau nécessaire pour soutenir toutes ces choses que nous voulons construire.
Vous parlez des deux fédérations et de la façon dont elles doivent harmoniser leurs activités. Je comprends tout cela. Mais la question politique intervient toujours et je reviens un peu sur ce qu'a dit Mme Brown. Il me semble qu'ici, au Canada, notre vie est rythmée par une succession de parlements minoritaires. Alors, chaque fois que vous réussissez à élaborer un modèle pour votre organisation, des élections sont soudainement déclenchées et il y a encore des changements. Je sais que cela arrive et je suis content de ne pas être dans la salle de réunion pour vous entendre en parler, mais je sais que ces situations sont terriblement frustrantes. Chaque fois que vous croyez faire un pas en avant, tout à coup les choses changent.
Voici donc ma question. En ce qui a trait aux institutions qui forment le gouvernement fédéral et indépendamment de qui est au pouvoir à un moment donné, à votre avis, comment peut-on renforcer ces institutions pour leur permettre de survivre à ces périodes de transition? En d'autres mots, un nouveau gouvernement peut être élu et adopter une norme très différente en matière d'environnement ou dans d'autres domaines. Je sais que vous réfléchissez à cela. Vous aimeriez pouvoir prévoir à long terme alors que souvent notre horizon s'arrête à la prochaine année ou à la prochaine élection. Comment pouvez-vous, dans votre organisation, nous aider à faire la transition de sorte que, peu importe qui est au pouvoir à un moment donné, nous puissions compter sur des institutions capables de nous aider à consolider les acquis?
:
Vous avez absolument raison de dire que nous en parlons de façon régulière, mais j'ajouterai que je ne voudrais pas que vous pensiez que nous sommes plus catholiques que vous. Nous avons notre part de conflits au sein de notre propre famille, de notre communauté. Un peu plus tôt, j'ai parlé de certaines choses qui nous divisent, entre producteurs d'énergie. Il est dans la nature des choses que diverses personnes aient des points de vue différents. C'est d'ailleurs l'une des vertus de la grande démocratie dans laquelle nous vivons de laisser s'exprimer les opinions différentes, les intérêts différents, et de disposer d'institutions où il est permis d'en débattre.
Vous avez dit qu'il s'agit d'une question politique. Vous me permettrez donc de répondre dans une optique politique, si je puis dire. Premièrement, je pense — et je crois que bon nombre de mes collègues partagent le même avis — que malgré toutes les faiblesses et les difficultés que nous avons, nous vivons vraiment dans le meilleur pays au monde. Ce ne sont pas des paroles en l'air; nous le pensons sincèrement. Et nous le pensons entre autres parce que nous avons une fédération où les échanges de vues sont possibles et que nous disposons de la souplesse voulue dans un pays aussi gigantesque, où l'on dénombre beaucoup de groupes d'intérêts et de régions différentes, et pourtant, nous avons réussi à nous donner un système. Lorsque j'étais encore jeune avocat, que je faisais mes études de deuxième cycle, et que j'étudiais la Constitution, nous faisions l'étude comparée de constitutions, des États-Unis, de la République fédérale d'Allemagne, de l'Inde — celle-là était particulièrement intéressante — et du Canada. La conclusion à laquelle j'en suis alors venu était que nous pouvons vraiment nous féliciter de vivre dans une fédération dotée d'un régime parlementaire.
Je répondrai maintenant spécifiquement à votre question. En premier lieu, nous devons examiner de près notre fonction publique, une ressource extrêmement importante qui assure la transition lorsque les gouvernements changent, ou lorsque le paysage politique se transforme, et je pense que nous n'avons pas su faire les choses comme il convient. L'une des grandes forces du Canada dans la période qui a précédé et suivi la Seconde Guerre mondiale, était que nous avions une fonction publique professionnelle, indépendante et respectée tant par l'opposition que par le parti au pouvoir. À cette époque, politiciens et fonctionnaires travaillaient en collaboration. Aujourd'hui je constate que les choses ne fonctionnent plus aussi bien. Nous avons une fonction publique qui a perdu beaucoup de son lustre, une fonction publique quelque peu démoralisée, et je pense que notre fonction publique est entravée dans son action par des obstacles artificiels, et je crois que cette situation est malsaine.
Je dirais que l'une des façons d'assurer la transition pendant les périodes de changement est de disposer d'une fonction publique saine, forte, impartiale et professionnelle, constituée des éléments les plus brillants et les meilleurs.
Deuxièmement, je dirais aussi — et c'est facile pour moi de le dire, je ne siège pas dans ce creuset de la démocratie, le Parlement — que de l'extérieur, il est évident que nous aimerions voir une collaboration plus étroite au sein même des partis et entre eux. Vous serez probablement tentés de me dire que je vis sur une autre planète, que je n'ai jamais été élu, que je ne comprends pas. Que ce soit pour faire face aux difficultés économiques extrêmes, comme c'est le cas maintenant, ou pour tenter d'en arriver à une politique nationale sur l'environnement qui convienne à toutes les régions du pays, ou pour nous entendre sur la façon de contrer le terrorisme en Amérique du Nord, ou pour quoi que ce soit d'autre, nous aimerions voir plus de coopération et voir la partisanerie mise de côté, au profit d'un réel effort en vue de s'attaquer aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Troisièmement, j'aimerais parler de la relation entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous avons vu de meilleures relations que celles qui existent actuellement, dans le passé. Et il y a eu des périodes où les relations étaient abominables. Lorsqu'on examine tous les domaines dans lesquels une influence s'exerce de part et d'autre, que ce soit en matière de réglementation financière, qu'il s'agisse d'un débat pour savoir s'il doit y avoir un organisme national de réglementation, qu'il s'agisse de politique environnementale, de politique sur la gouvernance, de politique énergétique, dans tous les domaines où il y a chevauchement, il est réellement important que les deux institutions collaborent aussi étroitement que possible entre elles.
Voilà une réponse très politique, qui peut ne pas vous paraître très satisfaisante, mais lorsque nous regardons d'autres pays dans le monde, malgré quelques-uns des problèmes auxquels nous faisons face, nous ne nous en tirons pas si mal. Nous aimerions que les choses fonctionnent beaucoup mieux dans certains cas, et il n'en tient qu'à vous qu'il en soit ainsi.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais commenter les observations de mon collègue concernant les grandes distances que nous avons au Canada; elles existent, c'est indéniable, et c'est à cause d'elles qu'il y a tant de déplacements par avion. L'avion électrique n'a pas encore été inventé; alors, nous devons continuer à nous accommoder de ce qui existe. Il est vrai également que les îles Turks et Caicos sont plus proches d'Ottawa que ne l'est la circonscription d'Edmonton-Est.
Nous devons être prudents lorsque nous créons des institutions environnementales. Je prendrai ici l'exemple de Sudbury, où la méthode choisie pour assainir le secteur de l'International Nickel a été de construire une cheminée d'usine de 600 pieds. Oui, il est vrai que les pelouses ont commencé à pousser à Sudbury, mais cette cheminée a simplement rejeté la pollution plus haut dans les airs et l'a répandue sur des milliers de milles carrés. Et vous me demanderez, quelle leçon en avons-nous retenue?
Je suis allé dans les Caraïbes, et j'y ai vu des camions japonais. Je me suis demandé s'il y avait une communauté japonaise là-bas. Eh bien non. Dans le port, il y avait un immense navire, et apparemment, ce qui se passe... Il est vrai que les Japonais font un excellent travail dans le domaine des contrôles environnementaux; ils retirent de la circulation les véhicules non conformes aux normes d'émission de polluants, mais ils mettent ces véhicules sur des bateaux et les expédient dans les Caraïbes, où ils les vendent. Quel gain net en résulte-t-il? Nous devons adopter des approches réalistes dans ce domaine.
Ceci n'était qu'un commentaire, au passage. Vous me permettrez d'aborder la question du maintien de l'approvisionnement canadien, car je crois que cette question est aussi importante que peut l'être le maintien de l'approvisionnement américain. La région du Golfe est souvent frappée par des ouragans. Comme nous l'avons vu l'été dernier, l'approvisionnement a été interrompu, et les coûts ont grimpé, des deux côtés de la frontière. Sommes-nous capables de maintenir l'approvisionnement au Canada pendant ces périodes, sans devoir subir par la suite des prix très élevés et une baisse de l'approvisionnement, même ici au Canada? Voilà pour cette préoccupation.
Mon dernier commentaire porte sur l'épineuse question des frontières. A-t-il été envisagé, en particulier pour le transport par les États-Unis à destination du Mexique ou même à destination des Caraïbes et plus loin encore, d'utiliser nos ports côtiers, sur l'Atlantique et sur le Pacifique, en combinaison avec les ports côtiers américains? Comme le temps, c'est de l'argent, je me dis qu'il y aurait peut-être un avantage financier à contourner certaines zones frontalières particulières — à emprunter plutôt des ports moins utilisés des Amériques ou encore à entrer directement dans des marchés comme le Mexique — plutôt que de passer par le Canada.
Il y aurait là matière à réflexion.
[Traduction]
Monsieur le président, je crois que certains des témoins ont déjà parlé de la question du Mexique. Laissez-moi simplement dire qu'il y a 15 ou 18 ans, les relations entre le Canada et le Mexique, qu'on voyait uniquement comme un bel endroit de villégiature, n'existaient pour ainsi dire pas du tout. Nous n'entretenions pratiquement aucune relation politique. Nos relations sur le plan du commerce, des échanges et des investissements étaient très certainement non existantes. Quand le Canada et les États-Unis ont ratifié l'accord de libre-échange, la première mission des principaux dirigeants commerciaux mexicains en sol canadien est arrivée très vite, et les Mexicains nous ont dit que, comme ils avaient un nouveau président et un cabinet formé de diplômés des grandes universités, ils voulaient faire partie de cet accord de libre-échange. Un de mes collègues a dit: « Disons d'ici les vingt prochaines années ». On lui a répondu: « Non, disons d'ici un an ou deux ».
Pour bon nombre d'entre nous, cette rencontre a été la première manifestation du fait que le Mexique avait réellement commencé une véritable révolution, ce que les Mexicains appellent apertura, l'ouverture. C'était un pays qui partageait une longue histoire torturée avec les États-Unis, qui avait un énorme bagage, une structure syndicale cartellisée et une industrie oligarchique. Il nous était difficile de croire que ce pays, dont environ 40 p. 100 de la population vivaient dans une pauvreté terrible, voudrait faire partie de l'Accord de libre-échange nord-américain.
En conséquence, les rapports qui se sont créés entre nous et nos collègues mexicains ont rapidement pris de l'ampleur et sont devenus très, très étroits. Nous avons développé des amitiés profondes qui nous ont amenés à collaborer étroitement avec les quatre derniers présidents. Comme vous le savez, une fois l'ALENA ratifié, ce modèle est devenu le premier exemple dans le monde où un pays qui était sans conteste en développement a signé un accord de libre-échange avec deux des pays les plus riches.
Il y a donc eu l'ALENA, puis le PSP, et nos relations ont continué à se développer et à s'approfondir. À nos yeux, la relation avec le Mexique, comme je le mentionne dans le document, est extrêmement importante. Je le dis parce que le Mexique est un pays d'environ 100 millions d'habitants. C'est un pays qui prend une très grande place sur le continent, et qui laisse sa trace particulièrement aux États-Unis. Les échanges et les investissements bilatéraux ont augmenté de façon exponentielle.
Nous voyons beaucoup de potentiel à pousser cette collaboration plus loin. Nous aimons les Mexicains. Nous travaillons bien avec eux. C'est pourquoi nous croyons que le Mexique devrait être une priorité — tout comme les États-Unis, l'Union européenne, la Chine, l'Inde et le Japon —, car c'est un pays auquel il faut consacrer beaucoup de temps.
Permettez-moi de conclure en disant que nous avons eu quelques désaccords avec certains de nos proches collaborateurs — quelques-uns ont comparu devant vous, je crois — qui prétendaient que l'approche tripartite n'était pas à notre avantage, que chaque fois que nous nous lançons dans des discussions trilatérales en Amérique du Nord, c'est la relation canado-américaine qui en pâtit.
Nous avons fait l'expérience directe de cette réalité. Elle n'est pas totalement fausse. C'est en partie pour cette raison que même si nous encourageons encore fortement la coopération trilatérale, nous déployons beaucoup plus d'efforts pour intensifier les relations bilatérales avec les États-Unis et le Mexique. Nous pensons que c'est extrêmement important de le faire avec le Mexique parce que, il faut bien le dire, si on observe la croissance du commerce de l'investissement et le développement des relations politiques entre nos deux pays, on peut prédire que d'ici cinq à dix ans, le Mexique sera un important facteur pour le Canada aussi.
Je veux laisser de côté mes questions sur l'environnement, l'énergie et les prochaines étapes à parcourir pour me pencher sur certains des processus qui ont existé. Je vais m'adresser à M. d'Aquino sur ce point.
Certains d'entre nous critiquent ouvertement le PSP. Je n'ai pas l'impression que ce partenariat mène quelque part. Récemment, M. Hart a comparu devant notre comité pour nous dire que tout allait bien et que nous n'avions pas à nous en faire avec ça.
Bien des gens étaient mécontents à cause du processus. Il semble qu'il existe au moins un gouvernement, celui des États-Unis, qui prétend vouloir faire les choses différemment. Ne croyez-vous pas que si vous parlez de responsabilités partagées, ce qui était censé se trouver dans la réglementation, ce serait peut-être mieux de le faire au grand jour?
Nous n'étions pas tenus informés. Beaucoup plus de débats ont fait rage dans ce pays au sujet du libre-échange parce que nous savions ce qui était en jeu. Et pour expliquer le PSP à mes électeurs, une fois les éléments politiques enlevés — qui étaient nombreux des deux côtés, je l'admets —, je ne pouvais rien leur dire sur le contenu de ce partenariat. Aucun document ne décrivait ce qui s'y trouvait; nous n'avions rien pour nous permettre de décider si nous devions l'accepter ou non.
Reconnaissez-vous tout de même que le processus était problématique?
:
Je crois qu'il est très important que nous soyons tous très honnêtes les uns avec les autres.
En 2003, mon organisme a mis en œuvre une initiative importante que nous appelons l'Initiative nord-américaine de sécurité et de prospérité. Nous n'avons pas exigé de droits d'auteur lorsque les trois gouvernements ont signé, en 2005, le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité, mais lorsque nous avons élaboré l'idée originale, nous avions un objectif très simple en tête.
Après le 11 septembre, nous avons vu la terrible menace qui planait sur le Canada — sur nos emplois, nos industries, nos familles — si jamais les attaques terroristes en sol américain se poursuivaient. Nous croyions, dans un premier temps, que ce serait merveilleux de commencer le XXIe siècle en reconnaissant que l'intégration économique entre le Canada et les États-Unis était un processus irréversible, en ce sens que nous avions parcouru tant de chemin que nous devions le reconnaître d'une certaine façon et chercher à améliorer les choses — tout particulièrement pour en faire profiter le Canada —, et, dans un deuxième temps, que l'Amérique du Nord ne serait jamais à l'abri du danger à moins que toutes les parties concernées n'attachent la même importance à la sécurité.
Le plus gros problème des Américains était le Mexique. La frontière méridionale du Mexique, comme l'a déjà dit un président de ce pays, est une véritable passoire. Du point de vue des habitants du Sud du continent, garantir la sécurité de l'Amérique du Nord pose de réels problèmes.
En fait, nous voulions passer un message: si on laisse cette question entre les mains de chaque ministère — l'agriculture avec l'agriculture, l'environnement avec l'environnement et le commerce avec le commerce —, nous n'aurons jamais de vision; nous ne réussirons jamais à retenir l'attention de la Maison-Blanche pour faire en sorte qu'elle s'attaque à certains de ces problèmes.
À l'origine, le PSP visait à élever cette idée et cette vision à un niveau supérieur pour que les gens s'y intéressent et décident de la mettre en pratique. On s'est mis à utiliser l'expression « discuter à trois, mais agir à deux », si vous vous rappelez, pour différencier les relations entre le Mexique et les États-Unis et les relations entre le Canada et les États-Unis. Essentiellement, nous considérons la frontière comme notre priorité.
Il y a aussi certains domaines où l'harmonisation de la réglementation nous permettrait d'être plus concurrentiels. Nous reconnaissons que la plus grande menace qui plane sur l'Amérique du Nord... Bien franchement, je ne parle jamais de « menace », mais plutôt de « défi ». Le plus grand défi, donc, qui plane sur l'Amérique du Nord, autre que les terroristes, est celui de la concurrence, particulièrement de l'Asie. Comment réagir à ce défi, qui touche nos industries automobiles, nos industries financières, toutes nos industries? C'est alors que nous avons pensé: pourquoi pas sous l'égide d'une même grande organisation qui nous permettrait d'attirer l'attention de deux présidents et d'un premier ministre pour discuter de ces questions?
Le même principe s'applique pour ce qui est des ressources. Nous sommes le plus important fournisseur d'énergie étranger aux États-Unis, et la grande majorité des Américains n'en savaient rien. Comment pourrions-nous, pour reprendre l'expression de M. Plourde, mieux tirer parti de cette dépendance mutuelle?
C'est la même chose en ce qui concerne l'idée d'un périmètre de sécurité: nous avons pensé que si nous pouvions établir des périmètres efficaces au-delà de nos frontières, nous n'aurions plus vraiment de problème avec la frontière que nous partageons avec les États-Unis.
En gros, c'est ce qui sous-tendait notre initiative.
Monsieur Dewar, vous avez tout à fait raison quand vous dites que le PSP était une énorme zone de flou pour les gens, et c'est vrai que c'est devenu un sujet d'attaques fréquentes par votre parti, très certainement par mon amie Maude Barlow et d'autres...
:
Oui, cela fait maintenant partie d'une vaste conspiration visant à homogénéiser l'Amérique du Nord.
Mais je veux dire qu'en fait le PSP a été mal vendu — mal vendu aux États-Unis, très mal vendu au Canada par le gouvernement précédent et par le gouvernement actuel, et mal vendu au Mexique. L'une des raisons pour lesquelles il a été mal vendu est que, tout bien considéré, la population trouve les fondements mêmes de ce partenariat parfaitement ennuyants.
Je vais vous donner un exemple. Vous dites qu'il a toujours été dans l'ombre, mais il n'a jamais été dans l'ombre; il a toujours été là. Vous pouvez trouver n'importe lequel des rapports du PSP sur Internet. Chaque sommet qui s'est tenu a publié des rapports. Le Conseil nord-américain de la compétitivité, dont nous faisons partie, faisait aussi partie du PSP. Nos rapports ont été publiés dans les minutes qui ont suivi la rencontre des trois dirigeants, et sur Internet. Vous savez quel était le problème? Presque tout cela était si totalement et complètement assommant que personne n'y a prêté attention.
La chef des Raging Grannies, qui est une bonne amie à moi et qui vit dans ma rue, est venue me voir un jour en me disant « Tu sais, vous étiez à Fort Pearson derrière des portes closes, à comploter... Nous n'avons rien vu. » Je lui ai demandé « As-tu vu notre rapport sur notre site Web hier? » Elle m'a répondu « Non. Est-ce qu'il est là? Est-ce que c'est possible? »
Tout ça pour dire qu'aucune autre institution n'a été plus calomniée pour les mauvaises raisons que le PSP. Mais vous avez raison, l'une des raisons pour lesquelles il a souffert d'une si horrible réputation est que nous avons tous fait un travail exécrable en vendant le PSP.
Pour conclure, je crois que le PSP est sans doute mort, parce que je crois que sous le président Obama, nous allons voir autre chose. Mais comme mes collègues peuvent le confirmer, nous disons toujours entre nous que ça n'a pas d'importance que le PSP soit aboli maintenant, il y a six mois ou il y a deux ans; vous savez ce qui va arriver? Autre chose va le remplacer. Et il sera remplacé parce que l'énergie, l'environnement, le commerce, la réglementation financière et l'agriculture sont toutes des choses qui amènent tous les jours à des millions d'échanges commerciaux transfrontaliers, parce qu'elles doivent être coordonnées et qu'elles le seront.
Donc, même s'ils finissent par l'appeler autrement — on entend déjà quelques noms du côté de Washington — ça n'a pas d'importance. Mais vous savez ce que je vous prédis? Peu importe le nom qu'ils lui donneront, si on se revoit ici dans trois ans, vous me direz, monsieur Dewar — ou peut-être pas vous mais d'autres me diront — « Vous savez quoi? Nous ne savons rien de ce nouvel accord. » Et les quelques personnes qui auront pris le temps d'en prendre connaissance diront « Mon Dieu, c'est un excellent somnifère. » Quand vous parlez de tarifs et de réglementation, de toutes ces choses pas sexy du tout, vous n'arrivez pas à capter véritablement l'attention.