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Merci monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires.
C’est un honneur et une grande opportunité de pouvoir m’exprimer devant le comité sur ce sujet qui affecte grandement tant le Canada que l’Argentine. Je m’adresse à vous, en ce jour, à deux titres: tout d’abord, en tant qu’ancienne secrétaire d’État à l’environnement, du précédent et de l’actuel gouvernement Argentin, et d’autre part, en tant qu’actuelle présidente du Centre pour les droits de l’homme et l’environnement, une organisation basée à Córdoba, en Argentine, qui est reconnue dans le monde entier et qui a su développer un rayonnement international. Mes fonctions de secrétaire d’État à l’environnement sont à rapprocher de celles occupées par mes homologues canadiens dans leurs ministères. En matière d'environnement, j’étais la plus haute responsable fédérale et je relevais directement du chef de cabinet du conseil des ministres et du président. .
Vous n’êtes pas sans savoir que les activités minières menées de façon irresponsable sont parmi les investissements industriels les plus controversés. C’est parce que ces controverses existent, que les débats que vous menez aujourd’hui sur les compagnies canadiennes exploitant à l’étranger, sont aussi fondamentaux pour la promotion d’une responsabilisation des investissements mondiaux.
Après des décennies, voire des siècles de quasi-indifférence à l’égard de l’environnement, j’ai, en tant que secrétaire d’État de 2006 à 2008, amené l’Argentine à développer et approfondir ses efforts pour la protection environnementale. Parmi les nombreuses actions et succès à relever au cours de cette période, je pourrais citer les avancées substantielles en matière de protection forestière, d’application des codes de l’environnement par les sociétés, notamment les dispositions relatives aux bassins d’eau contaminés, l’adoption de lois fondamentales en matière de forêt nationale et d’éducation environnementale, la création d’une institution fédérale d’investigation en matière environnementale, la régulation des assurances environnementales, entre autres choses.
Au niveau international, mon secrétariat a oeuvré activement en étant chef de file lors des négociations sur le changement climat, et notamment en proposant, ici même au Canada, lors de la réunion préalable au Protocole de Montréal, les engagements essentiels qui ont, par la suite, été approuvés, pour éliminer progressivement les substances appauvrissant la couche d'ozone et contribuant au réchauffement climatique. Je suis navrée d’avoir à reconnaître, que l’une des matières dans laquelle nous avons rencontré le plus de difficulté, est le secteur minier.
Vous êtes évidemment conscients des très grands projets miniers entrepris par la société canadienne Barrick Gold en Argentine. Malheureusement, je dois dire que, loin d'être le modèle de l'exploitation minière durable et écologique que nous espérons pour le XXIe siècle, Barrick Gold illustre parfaitement comment des puissants groupes économiques sans scrupule manipulent les pouvoirs politiques locaux et contournent les autorités de contrôle environnemental et social afin de maximiser les profits, minimiser les risques d'investissement, et ignorer la culture locale et des communautés au détriment des objectifs plus globaux de développement durable.
En tant que secrétaire d’État à l'environnement, je peux personnellement témoigner de tactiques d'obstruction, employées par Barrick, au pouvoir étatique de contrôle et de conformité. J'ai été témoin du recours par Barrick à des propagandes énergiques, à des trafics d'influence sur les fonctionnaires, ainsi qu’à des campagnes de sensibilisation et à des manoeuvres en tout genre afin de convaincre les communautés locales. Dans le cadre des mes fonctions de secrétaire d’État à l’environnement et de mon pouvoir de juridiction sur la Réserve de biosphère de San Guillermo (site de l’UNESCO), un parc national situé dans la province de San Juan, où la mine Veladero exploitée par Barrick se trouve, j’ai, en 2006, eu l’occasion d’approcher Barrick, en vue d'installer des unités de mesure de la contamination dans toute cette région. Barrick a refusé à mes équipes l’accès à leurs sites d'exploitation et ont entravé tous les efforts ultérieurs pour faciliter cette entrée, jusqu’à ce que les conditions météorologiques aient changé si radicalement (au début de l'hiver) que le travail de mon équipe dans la région devienne matériellement impossible.
J'avais tenté, avec l’appui des autorités provinciales et nationales, de réformer le Code minier et de placer le suivi et le contrôle des impacts des activités minières dans le champ de compétence du secrétaire à l'environnement. Le secteur minier s'est opposé à une telle participation des autorités environnementales argentines, et a exercé de fortes pressions sur le gouvernement national et sur le Congrès afin d’entraver de tels efforts, laissant l'exploitation minière (et leurs impacts) dans le champ d’attribution des seules agences minières qui privilégient l'exploitation et non l'environnement. .
En 2008, le Congrès a adopté un projet de loi sur la protection des glaciers. La loi nouvelle sur les glaciers aurait interdit l'exploitation minière sur, sous ou dans des périmètres des glaciers, rien de bien surprenant pour les Canadiens, étant donné que, comme nous, vous venez de l'une des régions les plus riches du monde en glaciers.
Les entreprises canadiennes opérant en Argentine ne veulent pas d'une loi sur la protection des glaciers limitant leurs perspectives d'exploitation minière, et elles ont, par la suite, fait pression sur le Président pour qu’il mette son veto au projet de loi. Si le Président n’usait pas de son droit de veto, Barrick aurait oeuvré pour bloquer d'autres projets de loi de finance essentiels à la stabilisation de l'économie argentine dans la crise financière mondiale. Le Président a capitulé devant la pression de Barrick et mis son veto au projet de loi, aujourd’hui connu par euphémisme sous le nom de « veto de Barrick ».
Barrick a lancé plusieurs projets miniers controversés en Argentine et manifesté à maintes reprises sa mauvaise foi à l'égard des préoccupations de la communauté sociale et environnementale, engendrées par ces importants intérêts miniers. L’un des projets aurifères de Barrick, appelé Pascua-Lama, est exploité au sommet de cinq glaciers. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Barrick avait commodément oublié de mentionner ce fait dans ses EIAs originaux déposés auprès des autorités environnementales. Ce n'est qu'à la suite des protestations des populations locales sur le choix du site, soulignant la présence de glaciers, que Barrick a reconnu qu'en effet, ses projets miniers se déroulaient sur au moins cinq glaciers. Or, d’ici là, par la seule prospection, la plupart des glaciers avaient déjà été gravement touchés par l'exploration de Barrick. Le projet Pascua-Lama continue à inspirer une forte résistance des populations locales et des communautés agricoles, fortement concernées par la gestion et la disponibilité de l’eau, la contamination et les impacts sur l'habitat naturel et les réserves.
En tant que secrétaire à l'environnement de l'Argentine, j'ai beaucoup combattu pour la promotion du développement durable et la responsabilisation. J'ai été confrontée à de nombreux secteurs d'entreprise, les faisant participer au nettoyage coûteux, mais responsable. Beaucoup n'ont pas aimé cette intervention, mais ont finalement accepté l’inversion des courants. Ils ont compris que la responsabilité du respect des droits de l'homme et des normes environnementales était indispensable à leur propre survie et développement durable.
Le secteur minier, toutefois, je suis désolée de le dire, a réagi très différemment du reste. Ils étaient plus résistants, plus agressifs et plus dangereux. Mes plus proches collaborateurs et moi-même avons été personnellement et physiquement menacés à la suite de notre action politique. Mes enfants ont été menacés. Mes bureaux ont été mis sur écoute. Mon personnel a été acheté et les fonctionnaires publics qui ont effectué une mission de contrôle pour Barrick sont devenus des employés rémunérés de Barrick Gold. Ma mission et notre mission en tant que nation, de contrôler l'exploitation minière a été compromise et, finalement, j'ai été forcée de démissionner en raison des pressions insurmontables exercées par des compagnies comme Barrick Gold, qui obtiennent finalement ce qu’elles désirent quand nos institutions n'arrivent pas à contrôler leurs activités et leur bonne conformité.
En tant que plus haute autorité environnementale de mon pays, j'ai pu constater que les entreprises telles que Barrick Gold n'adhèrent pas aux réglementations environnementales internationales et reconnues. J'ai été témoin de violations des droits de l’homme de la part du secteur minier qui ne seraient pas tolérées au Canada, mais qui sont considérées comme étant le prix des affaires dans des pays comme l'Argentine. C'est pourquoi il est si important que vous continuiez ce débat et que vous trouviez les moyens de promouvoir la responsabilisation du secteur minier, de votre point de vue. Enfin, il est important de comprendre que l'image du Canada est inévitablement liée au comportement de ces sociétés. Lorsque les sociétés minières canadiennes agissent d'une manière qui ne convient pas à la réalité du Canada, c’est la réputation du Canada et de son peuple qui en souffre.
Je ne vous demande pas d'être contre l'exploitation minière, je vous demande d'être contre l'impunité. Je ne vous demande pas d'être contre les sociétés minières canadiennes, je vous demande de veiller à ce que les compagnies minières canadiennes agissant à l'étranger appliquent vos propres standards les plus élevés. Je ne vous demande pas d'empiéter sur la compétence souveraine des pays qui souhaitent promouvoir leurs industries minières; mais, j’interviens auprès de vous pour que vous preniez en compte le fait que les dispositions que vous prendrez sur l’obligation des compagnies canadiennes de rendre des comptes, non seulement peuvent, mais influencent la manière dont elles feront des affaires.
Même les plus petites améliorations dans les mécanismes de reddition de comptes, ici au Canada, pourraient contribuer au long chemin restant à parcourir pour éliminer les problèmes historiques que ce secteur a disséminés auprès de nombreuses populations dans le monde entier. Pour cela, je vous demande de réfléchir sérieusement à la situation difficile que vous avez devant vous et chercher au mieux de vos capacités, les meilleurs moyens d’influencer les schémas comportementaux et de minimiser les impacts des entreprises minières canadiennes opérant à l'étranger avec l'apport financier du contribuable canadien.
Merci, monsieur le président.
Merci de me recevoir cet avant-midi.
Ma contribution a pour objectif de démontrer les avantages que procurerait la mise en application des mécanismes de traitement des plaintes proposés par le projet de loi , particulièrement sa capacité de rassembler des informations de différentes sources, à partir de deux cas précis en République démocratique du Congo, dont il a été fait mention à quelques reprises ici.
D'abord, quelques mots sur l'expertise de l'Entraide missionnaire qui rassemble une bonne partie des communautés missionnaires catholiques francophones du Canada. Depuis 1988, l'Entraide missionnaire anime une table de concertation sur la région des Grands Lacs. Elle a pour objectif d'informer et de sensibiliser le public et les autorités du Canada aux réalités complexes de ce pays. Cette concertation s'est intéressée de plus près au secteur minier congolais à partir de 1997, durant la première guerre du Congo, quand nos partenaires congolais nous ont demandé de les renseigner sur la nature et les objectifs des entreprises minières canadiennes qui signaient des contrats avec l'une ou l'autre partie en conflit. Depuis lors, avec nos partenaires congolais, nous suivons de près les transformations du secteur minier au Congo.
Sur le Congo, je me contenterai de vous rappeler que le pays a été en guerre de 1996 à 2003, guerre qui a failli dégénérer en conflit régional alors que sept pays y étaient engagés. Ces guerres ont fait des millions de morts, des millions de réfugiés, des millions de déplacés et ont achevé de détruire les structures politiques et administratives du pays. Depuis les élections de 2006, le gouvernement congolais tente de rétablir son autorité et ses services administratifs sur l'ensemble du territoire, mais sans y parvenir. C'est dans ce contexte de violence et de conflit armé, de déficit démocratique majeur et de désorganisation administrative généralisée que des entreprises canadiennes, comme d'autres, sont venues s'installer au Congo, à leurs risques —, risques qu'elles n'ont pas toujours su ou voulu évaluer.
Voici un premier cas. En juin 2000, alors qu'il était devenu évident que l'exploitation illégale des ressources naturelles était un des motifs premiers de la guerre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a mis sur pied un groupe d'experts pour faire la lumière sur les liens entre le conflit et l'exploitation de ces ressources. Jusqu'en juin 2003, le groupe a produit une série de rapports identifiant des pays, des entreprises, des individus réunis dans des « réseaux d'élite », selon son expression, qui tiraient profit du climat de violence et d'insécurité pour accaparer des richesses du Congo, des richesses minières en premier lieu.
En plus de ces « réseaux d'élite » directement impliqués dans le conflit, le groupe d'experts a identifié, dans son avant dernier rapport d'octobre 2008, près d'une centaine d'entreprises étrangères, dont sept minières canadiennes, comme étant en violation directe des Principes directeurs de l'OCDE. Concrètement, le groupe d'experts accusait ces entreprises de participer indirectement au prolongement de la guerre et aux violations massives des droits humains qui en résultaient, en continuant de mener des affaires avec l'un ou l'autre groupe rebelle ou le gouvernement central, en payant les frais d'acquisition des concessions minières, des redevances ou des taxes dont les montants servaient à l'achat d'armes.
En plus, il accusait, preuves documentaires à l'appui, une des entreprises canadiennes de corruption à l'endroit de personnes proches du gouvernement pour obtenir certaines concessions. Devant le tollé soulevé par cette accusation par un instrument des Nations Unies, le Conseil de sécurité a prolongé le mandat du groupe pour qu'il reçoive les explications de la part des entreprises visées. Dans son dernier rapport, le groupe d'experts a classé comme étant « résolus » les cas de 43 de ces entreprises étrangères dont les 7 canadiennes, tout en spécifiant que cela « [...] n'invalid[ait] nullement les renseignements obtenus antérieurement par le Groupe d'experts concernant les activités des parties ».
De plus, le président du Conseil de sécurité appelait tous les États concernés à entreprendre leurs propres enquêtes sur les révélations du groupe d'experts. Il spécifiait également que tous les documents « à usage restreint mais non confidentiel » relatifs aux enquêtes seraient disponibles pour les États qui en feraient la demande.
Le Sénat belge a tenu une commission d'enquête parlementaire et les Points de contact nationaux de Grande-Bretagne, des États-Unis et de Belgique ont examiné le cas de 13 de leurs entreprises citées dans le rapport. Les instances qui en ont fait la demande ont obtenu les documents réclamés auprès du Service légal des Nations Unies. En général, ces initiatives firent ressortir un laxisme important de la part des entreprises dans leur relation avec les autorités politiques ou militaires du Congo. En Belgique, les révélations de la commission sénatoriale menèrent à des enquêtes judiciaires pour corruption et blanchiment d'argent. Dans trois cas, les Points de contact nationaux émirent des communiqués pour indiquer qu'il y avait problème. Ces communiqués sont restés sans suite. En ce qui concerne le comité sénatorial belge, la plupart des recommandations contenues dans son rapport furent oubliées. Le comité sénatorial n'avait aucun pouvoir de sanction.
Ici au Canada, de 2002 à 2004, des groupes de la société civile canadienne et internationale ainsi que des groupes congolais ont demandé au ministre des Affaires étrangères ainsi qu'au Point de contact national d'obtenir cette documentation et de poursuivre ces enquêtes selon la recommandation du président du Conseil de sécurité. En 2005, notre Point de contact national nous a annoncé sa décision de n'entreprendre aucune action pour donner suite au rapport du groupe d'experts.
À titre d'information: pour l'exercice financier 2008, le Régime de pensions du Canada détenait 297 millions de dollars en actions pour six des entreprises citées dans le rapport du groupe d'experts. En 2004, le Fonds d'investissement du Canada pour l'Afrique a octroyé un montant de 15 millions de dollars à une entreprise citée par le groupe d'experts. Aujourd'hui, ce montant se situe autour de 5 millions de dollars.
Voici un deuxième cas, qui vous est connu, je crois bien. L'entreprise Anvil Mining et son personnel canadien sont soupçonnés de complicité de crime contre l'humanité. Le Régime de pensions du Canada détenait en 2008 pour 20 millions de dollars d'actions de cette compagnie. En octobre 2004, six ou sept rebelles prirent le contrôle de la ville de Kilwa, près de l'exploitation minière d'Anvil Mining. Les employés de la compagnie furent réquisitionnés par les autorités congolaises pour transporter par avion et par camion des militaires pour reprendre la ville. La compagnie a également fourni des rations alimentaires aux soldats et a payé leur salaire. La ville fut reprise dans les 48 heures, mais ses habitants avaient fui.
La mission d'observation de l'ONU au Congo a mené une enquête sur place. Cette enquête a permis d'établir que plus de 100 personnes avaient été tuées au cours de l'opération militaire, dont 28 par exécution sommaire. Selon les témoins, les soldats se sont livrés au pillage de la ville, à des arrestations arbitraires, ont violé des femmes et ont torturé des prisonniers. Le rapport indique également que la compagnie Anvil Mining a fourni un appui logistique à l'opération. Les témoins ont affirmé que la compagnie avait non seulement transporté les soldats, les prisonniers et les blessés, mais qu'elle avait également transporté les corps des civils tués pour les enterrer dans une fosse commune.
En juin 2005, à la Chambre des communes, une question avait été posée à ce sujet par le député de Louis-Hébert, Roger Clavet, à la ministre de la Coopération internationale. À ce jour, cette question est restée sans réponse.
Un procès militaire s'est déroulé au Congo en 2007. Trois employés expatriés d'Anvil Mining, dont un Canadien, ont été appelés à témoigner. Le tribunal a acquitté la compagnie et ses trois employés des accusations de complicité de crime contre l'humanité. Quatre Congolais ont été condamnés à la prison à vie, mais pour des charges qui n'étaient pas reliées au massacre. Présente à la même époque au Congo, la Haute-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Louise Arbour, avait affirmé ceci:
Je suis troublée des conclusions de la cour selon lesquelles les événements de Kilwa étaient les résultats accidentels de combats, en dépit de la présence au procès de témoignages oculaires substantiels et de preuves matérielles indiquant que de sérieuses violations des droits humains avaient été délibérément commises.
Elle pressait la Cour d'appel d'évaluer toutes les preuves et de tenir compte des droits des 144 victimes. L'appel tant attendu par Louise Arbour a malheureusement été rejeté par un tribunal militaire un peu plus tard. Dès juin 2005, des organisations canadiennes, congolaises et internationales ont réclamé du gouvernement qu'il fasse sa propre enquête sur ces événements. Ces demandes ont été acheminées aux ministres concernés et au Point de contact national. De même, après la décision rendue en Cour d'appel, la plupart de ces organisations ont demandé aux gouvernements d'Afrique du Sud, d'Australie et du Canada de faire enquête sur la compagnie et sur leurs propres ressortissants impliqués, comme il devenait évident que les victimes ne pouvaient être entendues au Congo.
Pour toute réponse, le Point de contact national du Canada a dit qu'il avait rencontré la compagnie et qu'il lui avait bien fait comprendre les attentes du gouvernement du Canada, soit qu'elle respecte les Principes directeurs de l'OCDE, spécialement les recommandations concernant les droits humains. Aucune enquête ne serait menée.
Voici quelques leçons que je vous invite à tirer de ces deux cas.
Les deux cas illustrent, d'après nous, les avantages qu'aurait présentés une loi issue du projet de loi pour les entreprises, le gouvernement du Canada et les groupes et les individus qui se sont sentis lésés par certaines activités minières.
Dans les deux cas, il ne s'agissait pas de plaintes frivoles ou vexatoires. Des enquêtes avaient été menées, et des membres des autorités comme le président du Conseil de sécurité des Nations Unies et le Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies ont donné leur avis sur le bien-fondé des accusations. Pourtant, aucune instance au Canada n'a donné suite à ces plaintes. Personne n'a rendu de compte pour ces décisions.
Le fait de n'avoir pas donné suite à ces demandes d'enquête et ainsi de confirmer ou contredire ces accusations a fragilisé la position des entreprises et celle du gouvernement du Canada.
Sur place, au Congo, à cause de la corruption ambiante et du manque de transparence quant aux conditions de signature des contrats miniers, la légitimité des contrats est toujours mise en doute. Dans le contexte actuel d'extrême pauvreté pour la grande majorité de la population, cela pourrait signifier des coûts additionnels pour les entreprises pour assurer la sécurité de leurs exploitations face aux communautés locales qui ne profitent pas de l'exploitation de leurs ressources.
Un peu comme le disait le témoin précédent, le Canada est en train de perdre sa réputation.
Le personnel diplomatique du Canada a été et continue d'être très actif pour soutenir les entreprises canadiennes au Congo, malgré les doutes qui subsistent quant à l'intégrité de leurs contrats et de leurs comportements. À plusieurs reprises, le personnel de l'ambassade et, à l'occasion, l'ambassadeur ont publiquement pris parti pour appuyer des entreprises malgré des litiges qui les opposaient soit au gouvernement soit aux communautés locales.
Plus important encore, le Canada bloquerait actuellement un règlement de la dette du Congo auprès du Club de Paris. Cette dette qui tourne autour de 4 ou 5 milliards de dollars a été occasionnée par les frasques de Mobutu. C'est un règlement nécessaire pour que le pays ait accès au programme Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du Fonds monétaire international, dont le pays a grand besoin. Cela, parce qu'une des entreprises canadiennes citées dans le rapport du groupe d'experts est insatisfaite du résultat de la renégociation d'un de ses contrats miniers. Le gouvernement congolais a en effet décidé d'annuler un de ces contrats.
Sans les enquêtes réclamées aux échelles canadienne et internationale, on peut se demander sur quelle base le gouvernement du Canada a décidé de soutenir si fortement des entreprises dénoncées dans un rapport des Nations Unies.
Pendant plusieurs années encore, le Congo va continuer d'être un pays faible démocratiquement et de présenter une gouvernance bien en deçà de ce qui constitue un contexte d'affaires propices. Il est à prévoir des tensions politiques à l'approche des élections de 2011. Des tensions sociales dans le secteur minier se traduisant par des grèves, des manifestations et une éviction des creuseurs artisanaux et des communautés locales sont déjà en cours et risquent de durer encore longtemps.
Dans ce contexte également, l'agence Exportation et développement Canada a déjà annoncé son intention de soutenir le projet Tenke Fungurume Mining dont un des partenaires, la canadienne Lundin, a également été cité par le groupe d'experts.
Pour conclure, dans ce contexte particulier instable pour les affaires, une loi issue du projet de loi offrirait un avantage certain.
Mesdames et messieurs, bonjour. Je tiens à vous remercier de cette occasion de vous faire part de mes réflexions sur un sujet d'une extrême importance.
Je m'appelle Marketa Evans et il y a environ un mois, j'ai été nommée conseillère en responsabilité sociale des entreprises de l'industrie extractive. Je ne suis pas ici pour prendre position sur le projet de loi et je ne représente ni le gouvernement, ni les industries extractives, ni la société civile. J'ai pour mission prioritaire de contribuer à un débat public stratégique qui, tirant parti de la place prédominante occupée par l'industrie extractive canadienne, pourrait contribuer à la réalisation de nos objectifs en matière de développement humain. D'après moi, ce potentiel reste largement inexploité sur le plan stratégique. J'estime en outre, qu'il existe actuellement parmi les acteurs de ce secteur, un large courant d'opinion allant dans ce sens.
Par souci d'utilité, j'entends me concentrer sur deux points avant de passer aux questions. Dans un premier temps, donc, je donnerai au comité quelques précisions me concernant et concernant la mission qui m'a été confiée. Après cela, je souhaite aborder certaines des questions sur lesquelles le comité pourrait se pencher dans le cadre de son examen du projet de loi.
D'abord, donc, permettez-moi de me présenter un peu et de vous dire quelques mots du rôle qui incombe à la conseillère en RSE.
Je n'ai jamais travaillé ni dans l'industrie extractive, ni dans la fonction publique. Lorsque je travaillais à l'université de Toronto, j'ai effectué des recherches sur l'engagement social des entreprises dans le monde en général et sur l'engagement social des entreprises et des ONG dans les pays en développement. Dans le cadre de mes recherches, j'ai procédé à une étude assez poussée de deux cas où le Canada intervenait. Le premier était le cas de Talisman au Soudan et le second la question des diamants de la guerre, qui sont à l'origine du Programme de certification du processus de Kimberly. Les propos que je vais tenir devant le comité découlent donc des recherches que j'ai effectuées et qui comprennent les milliers d'entretiens que j'ai eus avec des personnes très diverses qui m'ont très généreusement fait profiter de leurs avis et de leurs connaissances; de ce que j'ai pu apprendre aussi de mes étudiants dans le cadre du cours d'études supérieures que, pendant plusieurs années, j'ai donné sur la question, du rôle que j'ai joué dans le cadre de l'Initiative Devonshire, un forum qui réunit des ONG à vocation internationale et l'industrie minière canadienne afin d'engendrer la confiance et favoriser les partenariats; ainsi que de mes visites dans des exploitations minières de pays émergents.
Dernièrement, j'ai travaillé pour l'une des plus anciennes et des plus importantes ONG, qui se consacre à l'aide et au développement dans presque 50 pays en développement. Dans ces conditions là, il n'est guère surprenant que le succès des fonctions qui viennent de m'être confiées, dépendra de la réponse à la question de savoir si le sort des populations des pays en développement s'est amélioré du fait de l'action d'une entreprise canadienne. Je vais, en cela, m'intéresser particulièrement aux plus démunis, aux femmes et aux enfants, car non seulement ce sont eux qui souffrent le plus de la pauvreté, de la faim, de la maladie et de la discrimination, mais ce sont également eux qui sont les principaux agents du changement.
Mes réflexions sur la question ont été orientées par quelques considérations précises. Au départ, je ne songeais nullement à l'industrie extractive. Je me suis penchée sur l'activité des entreprises en général mais je me suis rapidement rendue compte que les objectifs de développement du millénaire dépendaient essentiellement des secteurs miniers, métallifères et énergétiques. Sans ces industries, on ne peut pas espérer améliorer le niveau de vie des populations, et il n'y aurait ni électrification, ni eau, ni hygiène, ni infrastructure.
Et puis, je me suis rendue compte aussi que, de plus en plus, les gouvernements des pays en développement souhaitent non seulement obtenir des conseils quant à la meilleure manière de gérer leurs ressources et leurs revenus, mais ils s'intéressent de plus en plus aux industries d'extraction de ressources et aux investissements.
Troisièmement, on reconnaît de plus en plus que l'essor du secteur privé est un facteur essentiel de développement social et d'atténuation de la pauvreté. Les bonnes pratiques internationales s'orientent de plus en plus vers des projets lancés en collaboration avec plusieurs parties, plusieurs intervenants, y compris le secteur privé. Les ONG comprennent l'importance qu'il y a à réorienter le mode de penser et la manière de faire de l'industrie extractive. On en voit la preuve dans les partenariats qui, à l'échelle de la planète, se sont noués entre, par exemple, CARE et Anglo-American, entre Shell and International Alert, entre BirdLife et Rio Tinto, pour ne citer que quelques exemples.
Mais, chacun comprend qu'il ne suffit pas de créer de la richesse. D'après moi, le Canada est actuellement bien placé pour prendre la tête de ce mouvement et jouer pleinement le rôle qui lui revient dans le domaine du développement. Dans le seul secteur minier, les investissements des entreprises canadiennes égalent ou dépassent les sommes que l'ACDI consacre aux pays en développement, et en plus, elles investissent à long terme — c'est-à-dire à 10, 20 ou 30 ans, ce qui favorise, justement, les changements dont ont besoin les pays en développement.
Le rapport rendu en 2005 par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, les recommandations issues de la table ronde, le rapport du groupe consultatif, tout cela a contribué au lancement de ce qui me semble être un débat national important. Le gouvernement a pris longtemps à réagir au rapport, mais même en l'absence d'une réponse officielle, d'importants progrès ont été faits au cours de ces deux ans. Vous êtes naturellement au courant de ce qui s'est fait et notamment des Principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne, de notre participation à l'Initiative relative à la transparence des industries extractives, du lancement de l'initiative Devonshire et de e3 Plus.
De nombreuses organisations de la société civile, et d'autres encore ont souligné l'importance particulière qu'il convient d'attacher aux droits de la personne dans le cadre de l'activité des industries extractives. Il convient de signaler le travail important accompli par le professeur John Ruggie, représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la question des droits de l'homme, des sociétés transnationales et autres. Il en est maintenant à la quatrième année d'un mandat de six ans et, dès le début, le Canada a soutenu un ensemble de mesures dorénavant reconnues comme sérieuses et crédibles permettant de faire avancer ce dossier essentiel.
Début novembre, le professeur Ruggie et moi-même avons assisté à Toronto, à une consultation de deux jours qui a eu lieu à la Osgoode Hall Law School. Y ont notamment participé de nombreux experts canadiens. Il en est ressorti qu'aucun pays ne propose actuellement que les entreprises adoptent, en matière de droits de la personne, des normes mêmes volontaires et qu'aucune directive n'a été adressée aux entreprises à cet égard. Aux termes du schéma défini par le professeur Ruggie, adopté l'année dernière par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, les obligations incombant à un État en matière de droits de la personne ne s'appliquent pas en les même termes aux entreprises car si celles-ci ont effectivement des responsabilités en ce domaine, ces responsabilités sont quelque peu différentes de celles des États. Le professeur Ruggie s'attache actuellement à les préciser.
Permettez-moi maintenant de dire rapidement quelques mots du rôle que je suis appelée à jouer. J'ai été nommée à ce poste pour un mandat de trois ans. Je relève directement du ministre du Commerce international. M. Day et moi-même sommes d'accord que mon action doit être indépendante du gouvernement et de son ministère et je m'attache à asseoir ces nouvelles fonctions sur la crédibilité et l'action.
Le décret en conseil portant ma nomination à ce poste définit les deux éléments de mon rôle. Le premier est d'examiner les questions dont mon bureau est saisi soit par des ONG, soit par des entreprises; et le second est de donner aux parties intéressées des conseils sur le respect des lignes directrices.
Certains insistent sur le fait que je n'ai pas le titre d'ombudsman. Je me suis penchée avec attention sur les recommandations formulées dans le rapport du groupe consultatif, et je ne vois guère de différence entre les recommandations figurant dans ce rapport et le rôle qui m'est confié.
Certains estiment que cette nouvelle fonction se révélera inefficace. Ils relèvent pour cela l'absence de tout pouvoir de contrainte, car le décret en conseil prévoit explicitement qu'un examen ne peut avoir lieu que si les deux parties s'entendent sur cela. Je ne vois pas très bien comment une telle participation pourrait être rendue obligatoire, même si je n'ai sur ce point aucune opinion arrêtée. Mon hypothèse de travail est basée sur une double constatation. D'abord, on ne voit pas très bien l'intérêt d'un examen entrepris sans le consentement des deux parties puisqu'un tel exercice suppose qu'on a accès aux collaborateurs, aux dossiers et aux locaux. Deuxièmement, les parties ont déjà de bonnes raisons de vouloir participer à un tel exercice, puisque cette participation leur permet de peser sur les conclusions, alors que le refus de participer risque de porter atteinte à la réputation d'une entreprise qui va devoir s'en expliquer devant ses investisseurs, ses bailleurs de fonds et les médias. Dans tous les cas, un rapport public sera publié. Je peux néanmoins imaginer qu'il pourrait arriver qu'une ONG ou une entreprise ait de bonnes raisons de ne pas vouloir participer, même si je n'ai en tête aucun exemple de cela.
La seconde critique adressée à la fonction qui m'a été confiée est l'absence de sanctions automatiques. Je n'ai, sur ce point non plus, aucune idée arrêtée. Avant de me décider, il me faudra mieux comprendre comment et dans quelles conditions les sanctions permettent effectivement de prévenir les abus et d'améliorer les comportements. Quoi qu'il en soit, je recommande que la question des sanctions soit étudiée dans le cadre du rapport du groupe consultatif, j'entends par cela des sanctions mesurées, proportionnelles à l'infraction et assorties de moyens et de délais permettant de corriger la situation, d'un plan d'action qui viendrait couronner une procédure offrant toute garantie et qui viendrait s'ajouter aux moyens déjà en place. D'après le rapport du groupe consultatif, on ne recommanderait un éventuel retrait du soutien financier et/ou non financier, qu'en cas d'infraction grave et dans l'hypothèse où une entreprise refuse les mesures correctives.
Je comprends fort bien que certaines organisations de la société civile voient dans la procédure d'examen prévue dans le rapport de la table ronde un compromis d'ensemble alliant un ombudsman à un comité d'examen tripartite, mais le décret en conseil ne dit rien de la manière dont cette procédure d'examen doit être établie et rien n'interdit la création d'un comité comprenant plusieurs des parties intéressées, si la création d'un tel comité est souhaitée ou semble s'imposer. Je précise d'ailleurs qu'un comité exécutif tripartite est en cours de constitution. Ce comité aura pour rôle de conseiller et de soutenir l'action du centre d'excellence de la RSE.
J'insiste sur le fait qu'il n'existe actuellement pas de procédure d'examen et que la mise en place d'une telle procédure et la manière dont celle-ci est appelée à fonctionner, n'est soumise à aucune condition préalable et n'est pas définie à l'avance. L'établissement d'une procédure d'examen sérieuse et crédible constitue un de mes objectifs prioritaires et je m'engage à ce que l'instauration d'une telle procédure soit marquée par la transparence et la participation. J'entends faire appel aux meilleures connaissances, à m'inspirer des procédures qui ont fait leurs preuves et à en tirer les leçons qui s'imposent. J'estime qu'une telle procédure sera plus fructueuse et plus productive si elle s'inscrit dans le cadre d'un large débat sur des questions que je souhaite maintenant aborder.
D'abord, il s'agit de bien comprendre le problème. Nous avons pris connaissance d'un certain nombre d'études de cas très instructives, et nous sommes au courant de ce qui se passe. Des exemples très précis ont été cités et, dans certains cas, on est revenu sur la corrélation bien connue entre l'exploitation des ressources et la violation des droits de la personne ou la détérioration de l'environnement. Certaines des allégations dont il a été fait état remontent à 10 ou 15 ans.
D'après moi, il nous faut affiner notre diagnostic et mieux comprendre pourquoi ce genre de chose se produit. Les entreprises sont-elles idiotes, entêtées ou aveugles? Peut-on encore affirmer que l'industrie n'a toujours pas compris l'impératif d'une RSE? N'ont-elles rien appris? Peut-on conclure que le problème s'est aggravé, ou qu'il s'est au contraire amélioré? Une étude empirique plus complète du problème permettrait de mieux comprendre ses causes profondes, les enseignements que l'on peut en tirer et les moyens qui permettraient d'y faire face. Nous devrions préciser davantage nos objectifs et, aussi, les indicateurs du succès. Quels sont les résultats ou les changements que nous souhaitons voir dans les 3, 5 ou 10 prochaines années? À quoi voulons-nous aboutir et comment entendons-nous mesurer les progrès accomplis? Selon moi, ce genre d'approche nous permettrait de former un dessein précis et productif et de nous concentrer sur les points les plus importants.
Deuxièmement, il va nous falloir être mieux renseignés quant aux éventuels effets pervers des mesures que nous envisageons de prendre. En matière de ressources naturelles, la demande mondiale augmente et les sources en seront donc exploitées, sinon par des entreprises canadiennes, par d'autres. Le retrait des entreprises canadiennes risquerait d'entraîner un recours au travail des enfants sous ses pires formes avec, en bout de ligne, la dégradation de l'environnement. L'exploitation risquerait d'être reprise par des sociétés d'État, celles-ci ayant, en matière de droits de la personne, d'assez mauvais antécédents. La concession minière pourrait aussi simplement être reprise par une société qui n'a pas à répondre de ses activités devant les médias, ses actionnaires, les militants ou les autorités gouvernementales. L'entreprise canadienne pourrait également simplement être rachetée par un fonds souverain, ce qui se produit de plus en plus.
Vous avez entendu les représentants d'Amnistie internationale dire qu'ils n'exigent pas que Talisman se retire du Soudan. Lors des entrevues que j'ai menées avec elles dans le cadre de mes travaux de recherche, plusieurs ONG qui participaient, cependant, à la campagne contre Talisman, m'ont dit la même chose, mais c'est la première fois que je l'entendais dire publiquement. Les entreprises sont capables de modifier sensiblement leurs comportements et Talisman compte maintenant parmi les 50 compagnies qui, au Canada, adhèrent au concept de RSE. C'est dire qu'il va nous falloir davantage réfléchir aux conséquences que pourrait entraîner un retrait des entreprises canadiennes.
Et puis, troisièmement, il va nous falloir mieux tirer profit de l'effet multiplicateur et, dans toute la mesure du possible, oeuvrer de concert avec des pays, des donateurs ou des organismes qui ont adopté la même approche que nous. Nous voulons que, dans les pays en développement, tous les citoyens aient voix au chapitre, pas seulement ceux qui habitent près d'une mine exploitée par une entreprise canadienne. Nous voulons que tous puissent faire entendre leur voix sur les divers problèmes, et il nous faut, pour cela, en faire beaucoup plus pour promouvoir une plus grande autonomisation des citoyens, et notamment des membres des groupes marginalisés ou sous-représentés, pour renforcer nos efforts en matière d'éducation, susciter une plus grand réactivité de la part des gouvernements locaux, et nous attaquer de manière plus efficace à la corruption, à la question de la responsabilisation, etc.
C'est une des raisons pour lesquelles je prône, dans le cadre de ce débat, une beaucoup plus forte participation des ONG non seulement afin de faire évoluer les comportements des entreprises, mais aussi parce que les ONG ont un rôle essentiel à jouer si l'on veut parvenir à accroître l'autonomie des citoyens et faire en sorte que leurs voix comptent davantage.
Cela dit, les procédures d'examen ne sont pas une panacée. Ce genre d'exercice est à la fois coûteux et difficile. Il est rare qu'il permette de régler définitivement une question ou un problème. Certains mécanismes d'examen semblent ne pas servir à grand-chose. Il est clair que l'on peut toujours améliorer les moyens et les procédures, mais les mécanismes les plus perfectionnés ne permettent pas nécessairement d'affiner que l'entreprise ne respecte effectivement pas telle ou telle norme en matière de responsabilité sociale.
La stratégie du gouvernement en matière de RSE et le projet de loi , se réfèrent tous les deux aux critères de performance de la SFI définis en avril 2006 et qui sont à la base des principes de l'Équateur adoptés par le secteur banquier. Les critères de performance de la SFI sont au nombre de huit, et concernent les domaines sociaux et culturels, la main-d'oeuvre et les conditions de travail, l'hygiène, la sécurité et la sûreté communautaires, la biodiversité, l'environnement et les populations autochtones. Chacun de ces critères est accompagné de nombreuses recommandations concernant les évaluations, les systèmes de gestion, la formation, la participation communautaire, les activités et moyens de surveillance, etc. Ces huit critères occupent 34 pages de texte et les lignes directrices applicables à leur mise en oeuvre en occupent à elles seules 170.
Étant donné que ces normes sont destinées à être appliquées dans des environnements très divers et à des entreprises de nature très différente, elles se prêtent à des interprétations subjectives. Permettez-moi de vous citer un exemple simplement pour vous donner une petite idée du problème.
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Merci, monsieur le président.
Madame Evans, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et je vous félicite de votre récente nomination à ce poste.
Je tiens à rappeler que la table ronde qui a réuni le gouvernement et les diverses parties intéressées a permis la rencontre, dans le cadre d'un grand exercice de consultation, d'ONG, d'entreprises minières, etc. Cette conférence a donné lieu à de nombreuses recommandations, et notamment à celle qui est à l'origine de votre nomination ainsi qu'à la création du centre d'excellence. Par rapport aux autres pays, le Canada fait figure de chef de file en matière de responsabilité sociale des entreprises.
Mais ce qui me surprend le plus, c'est que nous ne laissons pas les choses suivre leur cours. Dans la mesure où les situations que nous avons évoquées ici ont été mises en lumière et que chacun a eu la possibilité de donner son avis et de discuter d'éventuelles solutions, il faut bien que quelque chose se fasse, car nous ne voulons pas que dans deux ans, rien n'ait été fait et que l'on constate que les situations dont il a été fait état se reproduisent. Il faut donc aller de l'avant.
Or, ce qui me gêne avec ce projet de loi, c'est qu'il ne laisse pas suffisamment de temps au temps. Il semble fondé sur un certain nombre d'idées préconçues concernant ce qui va se passer, et ne semble tenir aucun compte de ce qui s'est fait dans le cadre de la table ronde. Je dirais même que les consultations auxquelles il a été procédé avant de rédiger ce projet de loi sont tout à fait insatisfaisantes et, maintenant que les parties intéressées commencent à se manifester, l'auteur du projet de loi cherche par tous les moyens en modifier le texte alors qu'il aurait dû, dès le départ... Je ne sais pas s'il a participé à la table ronde, où il aurait pu prendre connaissance de ce que font les autres parties intéressées. Or, ce qui se passe, c'est que nous accueillons ici certaines personnes qui viennent nous dire ce qu'il conviendrait de faire...
Il est important de rappeler, comme vous l'avez vous-même fait, qu'on en est au début d'un processus qui va progressivement monter en puissance. Il s'agit d'un processus qui va mettre le Canada en position de chef de file.
L'affaire de l'entreprise Talisman au Soudan montre très nettement comment de telles situations peuvent évoluer et comment le vide laissé par les entreprises canadiennes peut être comblé par d'autres pays qui, en matière de responsabilité sociale des entreprises, nous sont très inférieurs. Nous constatons qu'en Afrique, la Chine occupe une place de plus en plus importante. Comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, les pays en développement souhaitent accélérer l'exploitation de leurs ressources naturelles pour se donner les moyens d'améliorer le sort de leurs populations.
Je tiens donc à vous demander si d'autres pays ont institué une fonction analogue à celle de notre conseiller en responsabilité sociale des entreprises, ou créé en ce domaine un centre d'excellence soutenu par l'ensemble des parties intéressées. Sommes-nous en cela des précurseurs?
Deuxièmement, ne pouvons-nous pas logiquement prévoir une montée en puissance de vos services...? Vous avez, dans le cadre de votre témoignage, à plusieurs reprises indiqué qu'il vous fallait recueillir davantage de données avant de pouvoir apporter une réponse à vos propres interrogations. Cela étant, ne devrions-nous pas simplement vous laisser aboutir au lieu de formuler des recommandations très critiques à l'égard de l'industrie?