Passer au contenu
;

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues, et bonjour à tous. Il s'agit de la 42e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le jeudi 26 novembre 2009. À l'ordre du jour, nous avons la reprise de l'étude du projet de loi C-300, Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement.
    Le groupe de témoins d'aujourd'hui comprend, de Barrick Gold Corporation, Peter Sinclair, directeur principal, Responsabilité sociale des entreprises; de Goldcorp Inc., Dina Aloi, vice-présidente à la responsabilité sociale des entreprises; et de Kinross Gold Corporation, Marc Penney, directeur des relations gouvernementales. Nous accueillons également, du cabinet d'avocats Fasken Martineau DuMoulin, Michael Bourassa, associé, Raymond Chrétien, associé et conseiller stratégique, et l'honorable James Peterson, conseiller juridique du cabinet.
    Nous avons invité les témoins d'aujourd'hui à rester pendant les deux heures de séance pour que les députés puissent poser le plus de questions possible. J'invite chacun des témoins à faire une brève déclaration d'ouverture. Nous passerons ensuite à la première série de questions.
    Je crois que Mme Lalonde invoque le Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, j'apprécie la présence de ces éminents procureurs et avocats que nous avons avec nous ce matin. Permettez-moi de le dire en français, il s'agit d'avocats topnotch des entreprises minières, etc., du Canada. Nous n'avons pas, par contre, d'avocats ou de spécialistes qui pourraient, mieux que nous, les contredire. Je ne suis pas avocate et je ne suis pas spécialisée dans ce domaine, alors je vais me retrouver simplement dans la position où je présenterai des objections qu'ils vont démolir tout de suite. Je ne serai pas certaine que, comme comité, on aura pu tout faire, comme on l'espère, avant d'adopter cette loi. Monsieur le président, je regrette vivement que cela se passe ainsi et je crains que cela ne fasse perdre de la valeur à ces deux heures de travail.

[Traduction]

    Madame Lalonde, permettez-moi de dire une ou deux choses.
    D'abord, il me semble que vous accordez beaucoup trop de crédit à ces avocats. Je siège avec vous aux comités depuis des années, et j'ai grande confiance en votre capacité d'interroger les témoins et d'obtenir l'information que vous cherchez. Le rôle du comité, à mon sens, est de recevoir de l'information et de poser des questions. Il ne s'agit pas forcément de mener un contre-interrogatoire et de démolir toute l'argumentation de tout le monde. J'ai toute confiance en vous.
    J'ajoute que nous avons essayé de faire comparaître aujourd'hui des tenants du point de vue inverse. Le Sierra Club devait comparaître mardi dernier. Ses représentants ont été retenus à Toronto à cause du brouillard. Le matin même, j'ai appris qu'ils ne pouvaient pas comparaître. Nous avons réorganisé les choses. Nous les avons invités aujourd'hui, et nous avons cru comprendre qu'ils pourraient être ici jeudi. Hier soir, nous avons appris que ce n'était pas le cas.
    D'autres témoins veulent comparaître mardi. Nous les ferons venir. Par ailleurs, des tenants de la position inverse voudront peut-être témoigner mardi. Ils risquent d'être seuls, à moins que nous ne trouvions quelqu'un d'autre. Nous essaierons. Nous avons déjà essayé. Je suis persuadé que, comme tous les membres du comité, vous ferez un excellent travail.
    À vous, monsieur Obhrai.
(0905)
    Rappel au Règlement.
    Nous sommes en démocratie. Nous entendons le point de vue de tous, qu'il plaise ou non.
    C'est justement ce que je dis. Merci de m'appuyer
    Il y a eu des avocats dans le camp adverse également.
    Je vous invite à commencer.
    Désolé. Vous avez la parole, madame Brown.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je crois que la dame qui a témoigné par vidéoconférence mardi matin a dit qu'elle était avocate.
    Et il y a eu l'ancien ministre de l'Environnement et...
    Nous donnons aux deux parties l'occasion de s'exprimer.
    Oui, c'est exact.
    Allons-y. D'habitude, je préfère donner la priorité aux dames.
    Nous avons donné à Mme Aloi la possibilité d'intervenir en premier, mais elle a poliment décliné.
    Très bien.
    Ce sera donc M. Penney.
    Monsieur le président, honorables députés, je m'appelle Mac Penney, et je travaille chez Kinross Gold. Je suis accompagné aujourd'hui par Dina Aloi, vice-présidente à la responsabilité sociale des entreprises chez Goldcorp, et Peter Sinclair, directeur principal de la responsabilité sociale des entreprises chez Barrick Gold.
    Nous représentons trois des plus importantes sociétés aurifères internationales au Canada, et nous sommes heureux de pouvoir informer le comité de certaines de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-300, mesure qui, selon nous, vise un bon objectif, mais de très mauvais moyens de l'atteindre. Nos sociétés ont un problème fondamental: le projet de loi propose un modèle de responsabilité sociale des entreprises qui, d'après notre expérience sur le terrain, ne peut tout simplement pas marcher.
    Notre expérience nous dit que la responsabilité sociale des entreprises exige une approche de collaboration, souple et complexe, ce qui est aux antipodes du modèle proposé dans le projet de loi C-300. Le comité a déjà recueilli le témoignage du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, d'Exportation et développement Canada, du Régime de pensions du Canada, de l'Association minière du Canada, de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, de la Chambre de commerce du Canada et d'un certain nombre de juristes qui ont parlé des multiples lacunes de fond du projet de loi.
    Nous approuvons ces mémoires qui soulignent entre autres choses l'absence de l'application régulière de loi, l'absence d'équité procédurale, le problème de l'application extraterritoriale, les lacunes constitutionnelles, le recoupement et la confusion des règles et processus, la négligence du renforcement des capacités, le manque de mesures d'atténuation, l'impact du ciblage des entreprises canadiennes et le manque de consultation de l'industrie minière.
    Vous serez soulagés d'apprendre que nous n'entendons pas revenir sur tous ces points ce matin. Nous mettrons l'accent sur les problèmes d'ordre pratique que le projet de loi occasionnera aux entreprises canadiennes qui doivent assumer des responsabilités sociales au quotidien. Permettez-moi de signaler trois points pour situer le contexte de nos exposés.
    D'abord, les minières sont soumises à une extrême surveillance et ont des comptes rigoureux à rendre. En soi, l'exploitation minière est encadrée par une législation et une réglementation très lourdes et elle est soumise à une étroite surveillance par les législateurs, les organismes de réglementation, des groupes d'intérêt, des OSC et les médias dans le monde industrialisé et en développement. Cette surveillance et cette responsabilisation sont indissociables du contexte de notre exploitation.
    Deuxièmement, les sociétés qui comparaissent aujourd'hui et les minières canadiennes en général sont reconnues au niveau international comme des chefs de file en matière de responsabilité sociale. Pour nous, il s'agit d'une compétence centrale aussi importante à la réussite que l'efficacité opérationnelle et la sécurité. Elle est essentielle si nous voulons obtenir et garder l'autorisation de mener nos activités. Tout député qui souhaite étudier notre bilan en matière de responsabilité sociale peut consulter nos rapports sur la question, annexés au mémoire officiel remis au comité.
    Vous constaterez que nos documents donnent la preuve concrète que nous reconnaissons que les entreprises canadiennes doivent être tenues responsables de leurs pratiques commerciales à l'étranger. Nous acceptons et appuyons la promotion du développement durable et des droits de la personne au niveau international, et notre appui va bien au-delà des bonnes intentions et des discours.
    Troisièmement, nos observations d'aujourd'hui reposent sur notre expérience collective des responsabilités et défis d'ordre social, juridique et environnemental complexes qui sont ceux d'entreprises actives dans bien des pays qui sont à des stades de développement variables et ont des régimes juridiques et politiques différents, des cultures et des valeurs différentes. À nous tous, nous exploitons quelque 45 mines dans 16 pays de cinq continents et nous employons plus de 36 000 personnes. C'est donc un champ d'activité que nous connaissons.
    Nous appuyant sur cette expérience, nous croyons que l'approche relativement simpliste, unidimensionnelle et punitive de la responsabilité sociale des entreprises proposée dans le projet de loi est vouée à l'échec. Pour nous, le projet de loi a des imperfections rédhibitoires de conception et de construction, et nous croyons qu'il est préjudiciable et nocif dans ses effets non seulement pour les sociétés canadiennes, mais aussi pour les pays et les localités où elles mènent leurs activités. Et l'essentiel, c'est qu'il n'atteindra pas les objectifs visés, à notre avis.
    Pour illustrer ce que je viens de dire et montrer pourquoi, selon nous, le projet de loi est contreproductif et impossible à amender et ne devrait pas être adopté, Peter va parler surtout des lignes directrices qui sont au coeur du projet de loi et expliquera comment elles exposent même l'entreprise canadienne la plus socialement responsable à des risques juridiques indus. Je dirai un mot des conséquences du projet de loi sur le plan financier non seulement du point de vue du financement des projets, mais aussi de l'impact sur le rôle d'EDC et des conséquences plus vastes du projet de loi pour la situation du Canada comme chef de file en financement de l'exploitation des ressources. Pour conclure, Dina parlera des répercussions injustes et injustifiées du projet de loi sur l'industrie en général.
    Là-dessus, monsieur le président, j'invite M. Peter Sinclair à participer au dialogue.
(0910)
    Bonjour à tous. Je m'appelle Peter Sinclair et je suis directeur principal chargé de la responsabilité sociale des entreprises chez Barrick Gold. Un mot de mes antécédents. J'ai passé les 20 dernières années à travailler avec des collectivités du monde en développement et plus récemment avec l'industrie minière. Avant cela, j'ai travaillé pendant 15 ans dans les ONG de développement international et d'aide humanitaire.
    J'ai vécu et travaillé en Afrique pendant plus de sept ans, au Rwanda, au Ghana, au Swaziland et au Congo, et j'ai été consultant auprès de la Banque mondiale, de l'Union européenne et d'ONG comme Vision mondiale.
    Je me permets d'abord de répéter que nous acceptons les objectifs du projet de loi. Personne ne prétend que les sociétés canadiennes ne doivent pas respecter les normes les plus élevées de responsabilité sociale, où qu'elles aient leurs activités, mais nous ne croyons pas que le projet de loi permettra d'atteindre cet objectif. Il risque aussi de nuire gravement à l'industrie minière canadienne et aux pays où elle investit.
    Comme Mac l'a dit, je voudrais insister sur un seul problème d'ordre pratique du projet de loi: les lignes directrices que le ministre utiliserait pour évaluer la culpabilité des entreprises canadiennes.
    Comme vous le savez, les lignes directrices doivent normalement être rédigées dans les 12 mois suivant l'adoption du projet de loi. Elles reprendraient les publications de la SFI et les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme ainsi que des normes internationales non précisées en matière de droits de la personne.
    Au cours d'une audience antérieure, M. Janda a dit clairement au comité que ces lignes directrices se prêtent mal à une intégration directe et littérale dans le projet de loi, mais il s'agit là, selon lui, d'un simple problème de rédaction qui est soluble. Toutefois, quiconque a une connaissance poussée de l'application des lignes directrices et a de l'expérience à cet égard sait qu'il faut bien plus qu'un libellé habile pour transformer les lignes directrices en règles absolues pour l'industrie.
    Pour reprendre l'analogie d'un mémoire antérieur, sur le plan juridique, la différence entre ces publications et des textes exécutoires est la même que celle qui existe entre un manuel sur la sécurité de la route et le Code de la route. Les lignes directrices ont été conçues à une certaine fin, pour guider les banques et les sociétés dans l'amélioration de leurs résultats en matière de responsabilité sociale. Elles sont bien adaptées à cette fin, mais elles n'ont pas la clarté qu'une loi exige et elles ne peuvent s'adapter pour servir les fins législatives du projet de loi. Le processus proposé ne tient pas compte du fait que les politiques et les programmes de responsabilité sociale réussis sont adaptés au contexte et tiennent compte de la situation et des priorités locales. Le projet de loi propose un modèle unique voulant que les entreprises appliquent une même série de règles dans un millier de situations différentes.
    J'illustre mon propos par un exemple. L'engagement des collectivités est un élément essentiel de ce que fait notre société minière. Une ligne directrice de la SFI en la matière dit: « La nature et la fréquence de l’engagement des communautés refléteront les risques et impacts négatifs du projet sur les communautés affectées. »
    Une société minière ne s'engage pas avec une collectivité sans tenir compte de ses caractéristiques culturelles, politiques et sociales propres. Il s'agit d'un principe général d'engagement et d'un élément essentiel des pratiques exemplaires. Aujourd'hui, aucune société minière ne s'élèvera contre un programme bien adapté d'engagement de la collectivité. Elle le ferait à son propre péril. Toutefois, et c'est le point essentiel, si le principe de l'engagement est universel, ses modalités sont aussi variées que les collectivités où nous menons nos activités. Pour savoir ce qui est suffisant et acceptable, il faut avoir une compréhension poussée du projet et de la dynamique locale ainsi qu'une grande compétence en matière d'engagement avec les collectivités. Ce n'est pas le genre de décision que le cabinet d'un ministre peut prendre.
    Il serait si difficile d'établir si telle entreprise se conforme aux lignes directrices que, en l'absence d'un processus d'enquête équitable, transparent et doté de ressources suffisantes, même les entreprises les plus responsables socialement risqueraient d'avoir des décisions injustes prises à leur encontre. Pour ne pas être voulue, la conséquence serait néanmoins bien réelle. Compte tenu du risque additionnel que le projet de loi apporterait, des sociétés responsables pourraient être dissuadées d'investir dans des pays en développement, ce qui priverait ces pays d'investissements étrangers et d'emplois dont ils ont grand besoin.
(0915)
    Merci beaucoup de votre attention. Je rends la parole à Mac, qui traitera des effets négatifs du projet de loi sur le financement à venir de projets de prospection et de mise en valeur.
    Merci, Peter.
    L'une des nombreuses sanctions prévues dans le projet de loi est le retrait du financement d'EDC, qui a été qualifié de façon variable de sanction modeste ou légère. Paradoxalement, toutefois, les partisans du projet de loi disent que ce qui les rend, lui et l'approche modèle de la responsabilité sociale, supérieurs à tout le reste, c'est que les sanctions ont du mordant. Et l'une des dispositions sévères du projet de loi est censée être le retrait du financement d'EDC.
    Je voudrais dire un mot du risque que cela représente pour les entreprises canadiennes et de la façon dont elles géreront ce risque. Il est probable qu'EDC sera marginalisé pour ce qui est du financement de projets canadiens à l'étranger. Paradoxalement, le projet de loi perdra son mordant à cause de la stratégie de gestion du risque qu'il poussera les entreprises à adopter.
    Le fait est qu'aucun projet d'extraction ou de mise en valeur, aucune coentreprise d'une société canadienne avec une autre société canadienne ou étrangère ne peut se réaliser sans un financement suffisant et sûr, ni, selon le lieu, une assurance du risque politique. Le plus souvent, les sociétés canadiennes se financent auprès des organismes de développement des exportations comme EDC et de prêteurs commerciaux classiques, des banques classiques. Il est clair que le projet de loi crée un nouveau risque pour le financement en prévoyant une sanction directement liée à l'une des sources de fonds, Exportation et développement Canada. La gravité du risque dépendra d'un certain nombre de facteurs liés entre eux, comme l'état de santé général des marchés du crédit et la solvabilité des sociétés en cause. Sur les marchés du crédit difficiles et hostiles au risque comme ceux que le Canada et ses entreprises connaissent depuis environ un an, l'accès aux fonds d'un organisme de crédit devient bien plus important. Il s'agit parfois de la plus importante source de financement. La perte ou la menace de la perte de cette source de financement est un problème grave pour l'entreprise.
    À cause de ces risques et de ces incertitudes, les minières et les sociétés pétrolières et gazières canadiennes présentes à l'étranger auront du mal à se fier à EDC pour financer leurs projets. Le risque inhérent au projet de loi, c'est que, si nous avons un financement d'EDC, faisant partie d'un consortium bancaire, et qu'on juge que nous ne respectons pas les lignes directrices, non encore établies, nous pouvons perdre ce financement. Nous aurions alors du mal avec nos associés, et le projet même serait en difficulté, puisque nous n'aurions pas un financement sûr pour réaliser le projet.
    Pour gérer ce risque, nous devrons nous tourner vers d'autres sources de fonds et EDC pourrait se retrouver en touche, en ce qui concerne le développement de l'activité minière canadienne à l'étranger. Résultat: ou bien l'investissement ne se fera pas du tout, et le Canada et le pays d'accueil seront privés de la valeur de cet investissement, ou bien le projet sera réalisé par un concurrent étranger, ou encore, il sera réalisé avec une plus forte proportion des fonds venant de l'étranger.
    Dans tous ces cas, le projet échapperait aux sanctions du projet de loi, puisque EDC ne le financerait pas. EDC serait donc écarté, le projet de loi n'aurait plus aucun mordant et il n'aurait rien fait pour renforcer la responsabilité sociale des entreprises. Voilà un paradoxe particulier propre au projet de loi.
    Je dirais également que le projet de loi risque de menacer la situation du Canada comme un chef de file mondial dans le financement. Je ne veux pas exagérer cette menace, mais je vais déposer le document pour la gouverne du comité. Récemment, le groupe de travail de Toronto sur les services financiers a signalé que les admissions en bourse dans le domaine des mines, de l'énergie et des minéraux au Canada créent et soutiennent 7 000 emplois dans le secteur financier. Il a recommandé un objectif plutôt ambitieux: le Canada devrait essayer d'atteindre d'ici 2015 70 p. 100 des inscriptions en bourse sur ce secteur du marché. Selon ses estimations, qui ont été faites par le Boston Consulting Group, une part de 70 p. 100 dans ce secteur permettrait de créer de 4 000 à 6 000 emplois directs de plus et entre 10 000 et 15 000 emplois indirects et d'ajouter entre 1 et 1,5 milliard de dollars au PIB.
    Nous disons au comité que les intentions exprimées dans le projet de loi C-300 vont directement à l'encontre de cet objectif plutôt ambitieux qui permettrait d'exploiter un secteur où le Canada possède un net avantage concurrentiel et une expertise particulière.
     Nous sommes d'avis que, au lieu d'adhérer à l'approche du financement préconisée dans le projet de loi C-300, le Canada ferait mieux de souscrire, tout comme EDC, aux Principes de l'Équateur, et de les appuyer. Ce sont des principes de financement qu'ont acceptés les prêteurs multilatéraux et classiques. Une quarantaine d'institutions majeures représentant des prêteurs qui fournissent 80 p. 100 du financement mondial dans ce secteur souscrivent à ces principes. Si, comme sociétés, nous voulons obtenir des fonds pour réaliser des projets, nous devons respecter également ces principes. Selon nous, l'approche multilatérale est bien préférable dans ce domaine.
(0920)
    Là-dessus, je vais demander à Dina de conclure notre exposé.
    Honorables députés, merci de cette occasion de vous adresser la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Dina Aloi et je suis vice-présidente à la responsabilité sociale des entreprises chez Goldcorp.
    Quels sont mes antécédents? J'ai un diplôme en sociologie rurale et une maîtrise en anthropologie. Je suis arrivée dans le secteur minier et chez Goldcorp après 15 ans de travail dans des ONG qui s'occupent des droits de la personne et du développement international. Je demeure dévouée à ces causes importantes, et je suis heureuse d'apporter mon expérience à une société où mon engagement en matière de droits de la personne trouve un écho.
    Le comité a souvent entendu cette question oratoire: s'il est vrai que les minières canadiennes respectent dans leurs activités les normes les plus élevées de responsabilité sociale et doivent rendre compte de leurs pratiques minières à l'étranger, pourquoi sont-elles contre le projet de loi? Nos observations d'aujourd'hui constitueront une réponse. En bref, le projet de loi C-300 ne touchera pas les sociétés dont les normes sont inférieures, mais il fera plutôt un tort considérable aux sociétés canadiennes responsables. Dans toutes nos interventions d'aujourd'hui, nous voulons expliquer comment et pourquoi le projet de loi nuira aux minières canadiennes responsables.
    Le projet de loi ne fait rien pour améliorer la responsabilité sociale des entreprises à l'étranger, ce qui est pourtant essentiel à un succès durable. Il mettra en place un nouveau processus de plaintes et d'enquête axé sur la confrontation. Il est certain que les opposants habituels de l'exploitation minière s'en serviront. Il expose aussi les minières canadiennes responsables à la stigmatisation et à des atteintes à leur réputation à cause d'un processus d'enquête mal conçu appliqué par un cabinet ministériel mal équipé pour faire ce travail.
    S'il veut comprendre pourquoi le projet de loi est si préjudiciable, le comité doit comprendre le contexte mondial dans lequel nous travaillons. L'industrie est souvent la cible de fausses allégations de mauvaise conduite dans les pays où elle est active. Justifiées ou non, les allégations ont un effet durable sur la réputation de l'industrie. D'après mon expérience, les preuves qui démentent les allégations ou encore les rétractations d'allégations fausses passent souvent inaperçues.
    Ainsi, une accusation extraordinairement grave a été portée contre une minière canadienne, qui aurait été mêlée à la mort de 50 mineurs artisans en Tanzanie. Ils auraient tous été enterrés vivants. À la demande d'une ONG, des instances indépendantes dignes de foi, dont la Banque mondiale, ont fait une vaste enquête sur ces allégations. La société a acquis l'actif en 1999, trois ans après l'incident allégué. En 2002, l'ombudsman de la Banque mondiale a entrepris d'évaluer ces allégations. Il y a eu une enquête complète, qui a conclu que les allégations n'avaient aucun fondement. Cette société a été lavée de tout soupçon et l'ombudsman a vertement reproché aux ONG qui ont lancé les allégations leur irresponsabilité, mais ces allégations graves et extraordinaires reviennent encore contre elle, y compris pendant les audiences de ce comité-ci.
    J'ai deux autres exemples d'allégations qui, si le projet de loi était adopté, se retrouveraient probablement sur le bureau du ministre et feraient l'objet d'une enquête. Une ONG canadienne nous a accusés récemment de fomenter un coup d'État. Nous avons également été accusés d'avoir contaminé l'eau dans un autre pays avec un produit chimique que nous n'utilisons même pas. Les deux allégations n'ont aucun fondement. Si le projet de loi s'était appliqué et s'il y avait eu une enquête de l'État, les allégations auraient été injustement accréditées, ce qui aurait causé un tort injustifié et inquiété nos associés et nos actionnaires, nos employés et nos partenaires locaux, et la réputation de notre société en aurait souffert.
    En ce moment, il est facile d'accuser les minières canadiennes de toutes sortes de comportements contraires à l'éthique et scandaleux. Mais il est très difficile de rétablir la vérité des faits. Vous me demanderez peut-être pourquoi, si nous travaillons déjà dans un contexte où il est possible de faire des plaintes et où il faut accepter de les tolérer à perpétuité, le processus de plaintes prévu par le projet de loi nous inquiète particulièrement,
    Les accusations injustes d'un particulier ou d'une ONG dans un communiqué ou un blogue causent déjà du tort. Mais ce préjudice n'est pas du même ordre lorsque la plainte fait l'objet d'une enquête du ministre, car cela donne à penser que la plainte a un certain mérite et, en vertu du projet de loi, justifie une enquête de notre propre gouvernement.
(0925)
    Le projet de loi prévoit un mécanisme qui permet au ministre de rejeter une plainte sans enquête si la plainte est jugée fausse, frivole, vexatoire inspirée par la mauvaise foi. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une accusation grave qui vient d'un pays lointain, il est impossible de concevoir qu'un ministre puisse rejeter une plainte sans enquête et sans y consacrer des ressources. Il est également troublant que le projet de loi ne prévoie aucune conséquence pour le particulier ou l'organisation qui fait des allégations frivoles, vexatoires ou inexactes ou qui le fait de façon répétée. Au mieux, une rétractation du ministre sera publiée dans la Gazette des mois après. Ce n'est pas une publication très lue dans bien des milieux. Une fois que le mal est fait, la rétractation passe inaperçue.
    Les relations entre les minières canadiennes et les pays hôtes reposent sur le respect mutuel. Elles seraient mises à mal par le processus de plaintes et d'enquête. Les sociétés canadiennes actives à l'étranger s'efforcent de bâtir des relations fondées sur le respect avec les intervenants locaux et les gouvernements des pays d'accueil. Affaiblir ces relations constructives ne fera que nuire à notre compétitivité dans l'industrie minière et à notre capacité d'influencer des sociétés étrangères pour qu'elles adoptent des normes exigeantes de responsabilité sociale. Nos concurrents étrangers, dont beaucoup ont des normes moins rigoureuses, se feraient un plaisir de profiter du fait que notre réputation de bons citoyens est flétrie et de nous déloger de nos mines à l'étranger.
    Je tiens à souligner que l'industrie minière canadienne n'a pas peur des contrôles lorsqu'il s'agit de rendre compte de son mode d'exploitation au Canada et à l'étranger, mais le projet de loi nous inquiète parce qu'il nous fera du tort même si nous appliquons les normes les plus élevées de responsabilité sociale. Chacune des sociétés représentées ici aujourd'hui tient à mener son exploitation d'une façon responsable des points de vue environnemental et social, à protéger les droits de la personne et à avoir une influence constructive dans les localités où elle est présente. Comme Mac l'a dit, nous appuyons les objectifs du projet de loi et nous prenons au sérieux les exigences et complexités de la responsabilité sociale des entreprises. Nous nous attendons à devoir rendre des comptes, et nous les rendons. Mais nous ne souhaitons pas être soumis à une mesure législative qui nous fera du tort, peu importe comment nous nous comporterons.
    Merci beaucoup d'avoir écouté nos interventions.
    Merci beaucoup à vous trois.
    Nous allons maintenant passer à l'honorable James Peterson. De nouveau, bienvenue sur la colline du Parlement et au comité.
    Monsieur le président et honorables députés, merci beaucoup. C'est un plaisir d'être parmi vous. J'ai eu l'honneur de siéger pendant 23 ans aux Communes et d'être ministre du Commerce international. Je suis très heureux d'être maintenant avocat chez Fasken Martineau. Deux collègues m'accompagnent aujourd'hui, Raymond Chrétien et Michael Bourassa.
    Avant de devenir associé et conseiller stratégique chez Fasken, Raymond Chrétien a servi avec grande distinction dans la fonction publique du Canada pendant 38 ans. Il a été ambassadeur du Canada en France, aux États-Unis, en Belgique, au Mexique et en République démocratique du Congo. De 1988 à 1991, il a été sous-secrétaire d'État délégué aux Affaires étrangères.
    Michael Bourassa est coordonnateur et codirecteur du Groupe Mines de notre société. Il est également administrateur de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs et il siège au bureau de direction de la section du droit minier de l'Association internationale du barreau.
    Depuis cinq ans, Fasken est reconnue par l'International Who's Who of Business Lawyers, publication londonienne, comme la première société d'avocats du monde dans le secteur minier. Il ne fait pas de doute que les sociétés canadiennes doivent se conduire de façon responsable et rendre des comptes. Le gouvernement fédéral travaille en ce sens avec les sociétés depuis plusieurs années. En 2005, le gouvernement libéral d'alors, dont je faisais partie, a commandé un rapport à ce comité-ci. Il a lancé un processus de consultation dont le point culminant a été la publication par le gouvernement fédéral, en mars dernier, de Renforcer l'avantage canadien.
    Les intentions qui sous-tendent le projet de loi C-300 sont louables, car elles portent sur la responsabilité sociale des entreprises. Nous soutenons cependant que le projet de loi est mal conçu et très préjudiciable pour le secteur minier canadien. Comme vous êtes nombreux à le savoir, l'exploitation et la prospection minières sont très importantes pour notre économie. Elles assurent 5 p. 100 de notre PIB et emploient 351 000 Canadiens. En 2008, l'industrie a versé aux trois ordres de gouvernement des impôts et redevances de 11,5 milliards de dollars. Elle fait aussi une contribution importante à la R-D. En 2006, les minières ont injecté 648 millions de dollars uniquement dans la R-D au Canada.
    Les minières canadiennes ont exporté leur expertise aux quatre coins du globe et le Canada est maintenant le chef de file mondial dans le secteur minier de la planète. En 2008, plus de 75 p. 100 des sociétés de prospection et d'exploitation minières avaient leur siège social au Canada et leurs activités s'étendaient à 100 pays. Comme Mac Penney l'a signalé, le Canada s'est affirmé comme un centre mondial du financement du secteur minier.
    Le Boston Consulting Group a déclaré que nous avions maintenant au Canada la plus grande concentration d'expertise dans le financement du secteur des mines, des métaux et de l'énergie. Le financement du secteur minier emploie 7 000 personnes dans le secteur financier. Les bourses canadiennes sont au centre de cette activité. Des sociétés minières ouvertes du monde entier, 57 p. 100 sont inscrites au TSX ou à la Bourse de croissance TSX. Avec Vancouver, Toronto est la plus grande source au monde de capital-actions pour les sociétés minières qui se livrent à la prospection et à la mise en valeur.
    Les minières canadiennes, y compris les petites sociétés, emploient beaucoup de Canadiens et font appel à un grand nombre d'industries et de fournisseurs de services pour appuyer leurs activités minières internationales: fabricants de matériel, entrepreneurs, consultants, comptables, conseillers juridiques en finances, et institutions financières.
    Il y a 3 140 fournisseurs canadiens de biens et services qui répondent aux besoins du secteur minier. Nous avons des centres d'excellence d'un bout à l'autre du Canada: Bathurst, Québec, Montréal, Val d'Or, Rouyn-Noranda, Sudbury, North Bay, Timmins, Toronto, Mississauga, Yellowknife, Saskatoon, Edmonton, Kelowna, Kamloops et Vancouver.
(0930)
    Je conclus. Compte tenu de l'importance des mines pour le Canada et du leadership et de l'expertise de notre pays dans les activités minières à l'étranger, nous soutenons qu'un centre d'intérêt premier pour le gouvernement du Canada et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, notamment, devrait être la promotion de notre industrie minière, tant au Canada qu'à l'étranger et la collaboration avec les entreprises canadiennes pour renforcer continuellement les normes de responsabilité sociale des entreprises.
    Merci.
    Raymond.

[Français]

    Monsieur le président, distingués membres du comité, c'est un plaisir pour moi de revenir témoigner devant le comité pour la première fois depuis mon départ de la fonction publique, en 2003.
    Voici quelques commentaires sur le sujet à l'ordre du jour. Les compagnies minières canadiennes, comme l'ont mentionné les orateurs précédents, doivent être responsables et, en ce sens, fonctionner de manière responsable partout dans le monde. Toutefois, la préoccupation que mes collègues et moi partageons est que ce projet de loi adopte une approche punitive plutôt que multilatérale et collaboratrice. Je préférerais que le projet de loi soit élaboré afin d'aider l'industrie extractive à améliorer sa performance concernant la responsabilité sociale et à ainsi améliorer l'avantage compétitif international du Canada dans le secteur minier.
(0935)

[Traduction]

    L'exploitation minière dans les pays en développement s'accompagne souvent d'un manque de prévisibilité et de difficultés, surtout si l'entreprise travaille dans une région où la gouvernance n'est pas solide. Dans ces contextes d'incertitude, il peut y avoir et il y a effectivement des difficultés en matière de responsabilité sociale. Le projet de loi, s'il est adopté, pourrait éloigner les entreprises des pays en développement les moins stables. À mon sens, le projet de loi ne donne aux sociétés aucune chance de s'attaquer au problème et d'apporter des correctifs sans faire immédiatement l'objet d'une plainte, voire d'une enquête et de sanctions.
    Si les sociétés canadiennes responsables sont dissuadées d'investir à l'étranger, cela pourrait compromettre d'importantes possibilités de développement à l'étranger. Lorsque j'ai été ambassadeur dans des pays en développement qui ont un secteur minier, par exemple le Mexique et la République démocratique du Congo, j'ai pu voir à bien des reprises que les minières canadiennes contribuaient très souvent à l'amélioration de la santé, de l'éducation et de l'infrastructure dans ces pays. Elles sont donc les bienvenues et elles sont bien considérées en raison de leurs investissements.
    Merci.
    Nous passons à M. Bourassa.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Michael Bourassa. C'est un honneur d'être parmi vous.
    J'ai une opinion très ferme sur cette question. Le Canada a excellé dans la prospection et l'exploration minière au niveau international. Nos concurrents reconnaissent cette réussite. Je crains que le projet de loi ne compromette la position concurrentielle du Canada, n'améliore que fort peu la responsabilisation, en matière de responsabilité sociale des entreprises, et ne nuise à l'activité économique au Canada et dans les pays en développement.
    L'honorable Jim Peterson vous a parlé de la vigueur et du leadership du Canada dans le secteur minier mondial. Si on veut que l'industrie minière canadienne continue de réussir, il faut que les entreprises puissent livrer concurrence sur le marché mondial. S'il est adopté, le projet de loi C-300 sapera la position concurrentielle des entreprises canadiennes. Elles pourraient quitter le Canada, qui risque de devenir un pays moins attrayant pour les investissements miniers
    Le projet de loi s'appliquera uniquement aux entreprises canadiennes actives dans les pays en développement. Elles seront donc désavantagées face à leurs concurrents. Voici un exemple hypothétique. Une société canadienne et une société étrangère souhaitent toutes deux acquérir une mine où il y a eu par le passé des problèmes de relations avec la collectivité. La société canadienne a un solide programme de responsabilité sociale et est connue pour ses succès dans la collaboration avec les collectivités locales et les gouvernements pour remédier à ces problèmes. Toutefois, elle serait assujettie à un projet de loi d'application rétroactive et sans effet de remédiation. Si elle acquérait la mine, elle serait immédiatement visée par une plainte, avec possibilité d'enquête et de sanctions, y compris la perte de financement. Le concurrent étranger ne serait pas exposé aux mêmes risques et incertitudes. Il est évident que la société canadienne serait désavantagée face à la concurrence,
    Le projet de loi pourrait aussi désavantager le Canada comme pays de prédilection pour les investissements miniers. Un grand nombre de minières ont leur siège social et sont inscrites au Canada grâce à la grande expertise du pays dans ce secteur. C'est une expertise que font valoir activement la plupart des provinces et le gouvernement fédéral. Depuis quatre ans, par exemple, j'assiste à une conférence internationale sur les mines à Vancouver et chaque année, le premier ministre de la Colombie-Britannique a fait remarquer que l'exploitation minière était l'industrie la plus importante de la province. Le Québec cherche aussi à se mettre en valeur comme destination de choix pour les investissements miniers et, selon un sondage de 2009, il serait la première administration au monde pour les encouragements aux investissements miniers. Terre-Neuve-et-Labrador, l'Alberta, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Ontario se classent aussi de façon avantageuse.
    Si le projet de loi est adopté, toutes les sociétés canadiennes et toutes les sociétés qui songent à s'implanter au Canada devront faire une sérieuse analyse de rentabilité avant de décider de s'installer chez nous.
    Merci beaucoup, Michael.
    Outre les problèmes que Michael Bourassa vient de signaler, le projet de loi imposerait aussi un lourd fardeau, celui des enquêtes, au ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, un fardeau qui pourrait entraîner de graves pressions financières pour ce ministère.
    Comment un ministre pourrait-il faire enquête sur des plaintes multiples dans des pays étrangers sans subir des coûts importants et sans mettre sur pied un nouvel organisme à cette fin? L'actuel ministère n'est pas équipé pour relever les défis du projet de loi.
    Le projet de loi pourrait également occasionner des pressions de nature diplomatique pour le Canada. La capacité d'une minière canadienne de travailler avec son propre gouvernement pour remédier à un problème serait compromise. Souvent, dans les situations difficiles qui surgissent, nos ambassadeurs et délégués commerciaux assurent la liaison avec les gouvernements des pays hôtes et conseillent les entreprises canadiennes. Mais une fois une plainte déposée, le rôle du service extérieur serait modifié. Au lieu de collaborer au règlement d'un problème, il deviendrait enquêteur. La minière canadienne serait larguée et devrait se débrouiller seule. Ce ne serait pas servir nos ressortissants à l'étranger ni notre propre intérêt économique.
    De plus, les enquêtes à l'étranger risquent de rendre les relations plus tendues avec d'autres États souverains. À mon avis, le projet de loi n'est pas applicable. Le ministre pourrait être placé dans une situation très inconfortable sur le plan diplomatique, car il ferait des enquêtes sans le consentement du pays hôte ou essaierait de faire de son côté des efforts que le pays hôte fait déjà. À mon avis, cela aurait un effet sur les relations du Canada avec d'autres pays et son influence auprès d'eux — surtout les pays avec lesquels le Canada essaie de faire avancer le dossier de la responsabilité sociale des entreprises.
    Monsieur Bourassa.
(0940)
    Je voudrais conclure en décrivant deux scénarios différents. L'actuelle conjoncture économique au Canada, dans notre secteur minier qui réussit fort bien, se résume par l'invitation suivante lancée aux minières et aux investisseurs: « Venez au Canada ou restez au Canada. Nous avons créé des centres d'excellences dans le domaine minier, et nous vous aiderons à obtenir des fonds et vous procurerons un soutien technique. »
    Voici le scénario A, si le projet de loi C-300 est adopté. En plus de l'invitation que je viens de signaler, nous dirions: « Toutefois, si vous avez un problème de responsabilité sociale ou si vous en avez eu par le passé, vous pourriez être visés par des plaintes du gouvernement du Canada. Si vous êtes nommés dans une plainte, vous n'aurez pas l'occasion de corriger ou de résoudre le problème. Le gouvernement ne vous aidera pas à améliorer vos résultats. Il fera plutôt enquête sur vos activités et vous risquez de graves sanctions, dont la perte de financement et des torts à votre réputation. »
    Voyons l'autre scénario, le B, que le gouvernement propose actuellement. Outre l'invitation dont j'ai parlé en début de conclusion, nous dirions: « Le gouvernement vous aidera en cas de difficultés de responsabilité sociale en proposant une médiation et un soutien et peut-être en offrant une expertise en renforcement des capacités dans les régions du monde où il y a des difficultés. »
    Quel scénario est le plus propice à une industrie plus vigoureuse et dynamique pour le Canada? Quel scénario permettra d'appliquer des normes plus exigeantes en matière de responsabilité sociale? Quel scénario permettra d'accroître l'activité économique au Canada et dans les pays en développement?
    Nous soutenons respectueusement que l'approche fondée sur la collaboration est le meilleur choix. Le projet de loi repose sur de bonnes intentions, mais, selon nous, il est inapplicable et il nuira beaucoup au climat d'investissement et aux minières canadiennes.
    Merci beaucoup de nous avoir permis de témoigner aujourd'hui. Nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir à poser.
    Merci beaucoup à tous nos témoins.
    Passons à la première série de questions. Monsieur Rae.
    Bienvenue à tous. Il est agréable de revoir de vieux amis et d'en rencontrer de nouveaux.
    Monsieur Peterson, aux pages 6 et 7 de la présentation de Fasken Martineau, vous donnez la liste de tout ce qui se fait en matière de responsabilité sociale. Vous avez fait de l'excellent boulot aujourd'hui en présentant ce que lord Denning appelait le « défilé des horreurs », c'est-à-dire les conséquences que le projet de loi pourrait avoir. Corrigez-moi si j'ai tort, mais EDC et la Société financière internationale doivent tenir compte de la responsabilité sociale avant d'accorder des fonds. Le gouvernement, dont vous faisiez peut-être alors partie, je crois, a insisté pour qu'EDC tienne compte du respect des normes environnementales avant de rendre ses décisions sur le financement.
    Madame Aloi a parlé du rapport de l'ombudsman de la Banque mondiale, ce qui semble indiquer que la Banque mondiale a mis en place un processus pour assurer la responsabilité sociale des entreprises avant l'octroi de fonds et toute autre décision. Les journaux débordent d'articles sur les activités des entreprises minières et d'allégations provenant de diverses personnes. Le gouvernement a mis sur pied un bureau de conseils qui recevra maintenant les plaintes. Celles-ci deviendront tout à fait publiques et ce seront des sujets de préoccupation publique très importants.
    Vous êtes déjà dans un contexte où bien des choses injustes se disent des entreprises que vous représentez, et vous devez répondre. En même temps, de grandes organisations internationales ainsi qu'EDC, chez nous, doivent tenir compte expressément de la réglementation environnementale avant de prendre des décisions en matière de financement. Vous exagérez peut-être un peu l'impact du projet de loi, s'il était adopté, même dans sa version actuelle. Je ne trouve pas très convaincants les efforts que vous faites pour montrer qu'il existe un énorme écart entre ce que le projet de loi prévoit et ce qui existe déjà actuellement. Vous allez toujours devoir affronter une série de problèmes difficiles que vous devez déjà gérer en ce moment.
    Vous pourriez dire: voici nos problèmes, d'autres pays en ont des semblables, mais une grande partie de ce que vous décrivez me semble... Je comprends fort bien pourquoi vous agissez comme vous le faites, je comprends votre volonté d'écarter le projet de loi, mais il me semble que vous ne pouvez pas écarter la question de la responsabilité sociale des entreprises et que vous ne pouvez pas demander non plus à des institutions publiques d'en faire abstraction lorsqu'elles prennent leurs décisions.
(0945)
    Monsieur Bourassa.
    Je me ferai un plaisir de répondre le premier.
    Monsieur Rae, ce que vous avez décrit dans certaines de ces institutions, que ce soit EDC ou la SFI, ce sont des processus que toute entreprise doit prendre au sérieux. Ces institutions ont leurs processus normaux à appliquer, des normes de responsabilité sociale, et les sociétés ont l'occasion de répondre. C'est un processus en place. Il peut même permettre d'apporter des mesures correctives.
    Dans le cas du projet de loi C-300, ce qui est nuisible, c'est en somme qu'une plainte auprès du ministre porte le problème à un très haut niveau. Une fois qu'un ministre a été saisi d'une plainte — et vous pouvez voir les informations des derniers jours —, le discours prend une toute nouvelle ampleur. Ce ne sont que des allégations contre des entreprises. Elles sont sérieuses. Il ne s'agit pas de faits, et personne...
    Je comprends.
    Quelque chose s'ajouterait à la publication dans les journaux: pouvoir dire que telle entreprise est visée par une plainte remise à un ministre porte l'affaire à un niveau tout nouveau pour ce qui est des perceptions dans le reste du monde.
    C'est différent d'une plainte auprès d'un conseiller?
    Le projet de loi ne prévoit aucune espèce de conseiller.
    Non, il y en a déjà un. Le gouvernement a créé un poste de conseiller.
    Effectivement, il y a un conseiller, mais je parle ici du projet de loi.
    Il y a probablement lieu de revoir le processus appliqué par le conseiller, mais au moins, c'est un processus qui permet d'apporter des correctifs. Il y a médiation, et les deux parties peuvent discuter du problème. C'est un moyen de résoudre le problème.
    Je ne vois pas en quoi le projet de loi donne l'occasion de rectifier la situation. Une plainte est formulée. Et on décide si la société a respecté ou non telle ligne directrice ou telle norme de responsabilité sociale.
    Ce que je veux dire aussi, c'est que, comme la plainte est portée au niveau ministériel, elle sera utilisée contre les entreprises ailleurs également. Vous avez reçu un témoin de l'Argentine, il y a un jour ou deux. J'ai pris connaissance de certains des mémoires de cette dame. Elle a dit que, si le projet de loi avait été en vigueur lorsqu'elle était ministre, elle aurait pu s'en servir.
    Les sociétés sont aux prises avec des situations très difficiles dans bien des pays. Leurs permis peuvent être révoqués ou annulés. Dans certains de ces pays, il n'y a rien de mieux que de dire qu'une entreprise a fait l'objet d'une plainte. Même pas la peine que l'entreprise ait été jugée en dérogation. Ce seul fait peut être utilisé contre les intérêts canadiens, et le tort peut être considérable.
    Ce que dit M. Raymond Chrétien, c'est que, lorsqu'il y a plainte, il est difficile pour notre ministère des Affaires étrangères de travailler avec les entreprises visées. Comment peut-il aider, collaborer, contribuer à améliorer les choses et peut-être à rectifier le problème? Ce sont des situations très difficiles. Les entreprises prennent ces questions très au sérieux. Notre ministère des Affaires étrangères, au lieu d'aider et de jouer un rôle de conciliation, voire de négocier avec le gouvernement ou les collectivités, au lieu de donner des conseils, devrait dire: « Désolé, nous ne pouvons rien faire. Vous faites l'objet d'une enquête. »
(0950)

[Français]

    Merci beaucoup à nos témoins.
     Cela nous fait plaisir de vous recevoir ce matin. J'ai lu les documents qui...

[Traduction]

    Très rapidement, monsieur Patry.
    Oui, d'accord.

[Français]

    Mon premier commentaire est pour M. Bourassa. Vous avez mentionné que vous appuyez le scénario B. Vous savez très bien que ce dont le gouvernement a accouché, c'est d'un conseiller sans aucun pouvoir, une coquille vide, en ce sens que le conseiller n'a pu

[Traduction]

    ... faire un examen avec le consentent écrit exprès des parties en cause.

[Français]

    Cela veut dire que c'est une coquille vide. Je ne crois pas que les compagnies que vous représentez ont besoin d'un conseiller, ce sont quand même de très grandes compagnies.
     Vous avez beaucoup parlé d'EDC. Dans un pays, quelle peut être le pourcentage de financement provenant d'EDC pour un projet donné?
    J'ai une autre question. Y a-t-il des pays où vous ne pouvez pas faire de l'extraction sans avoir de partenaire et qu'arrive-t-il à ce moment-là?

[Traduction]

    Je crois que la question m'était adressée. Il y a là toute une série de questions.
    Je l'adresse à n'importe lequel des témoins.
    Je vais me charger de la première partie. Il a été question d'une part du conseiller et d'autre part du pourcentage de financement provenant d'EDC. Peut-être que le représentant d'une société pourra en parler. Je crois que le dernier point portait sur...
    N'avez-vous pas des associés dans certains autres pays? Quelles seraient les conséquences pour les partenariats que vous avez dans d'autres pays?
    Pour notre part, nous avons trois arrangements financiers différents avec EDC. Deux concernent des projets et l'autre est une ligne de crédit générale pour les questions environnementales.
    Quant aux partenariats dans d'autres pays, nous avons une coentreprise avec une autre minière canadienne pour exploiter l'une de nos mines. Dans le cas de notre mine de Kupol, en Russie, le gouvernement autonome de la région de Chukotka a une participation de 25 p. 100 au projet, et nous détenons les 75 p. 100 restants.
    Je le répète, nous avons un associé dans une coentreprise. Il s'agit de Barrick, à Round Mountain, une mine située au Nevada, aux États-Unis.
    L'inquiétude que suscite le projet de loi, pour ce qui est des coentreprises, d'EDC ou du financement en général, c'est que, dans un partenariat de coentreprise, les associés conviennent d'assumer certaines responsabilités financières à l'égard de la conception et de la réalisation du projet. Si un associé savait que nous risquons de perdre le financement d'EDC, il ne serait probablement pas très heureux. Il ne serait pas très content qu'il soit possible que, à mi-chemin dans la réalisation d'un projet de 2 milliards de dollars, s'il se produit quelque chose et qu'on décide que nous ne respectons pas des lignes directrices, EDC soit tenu de retirer son financement, son crédit et parfois même l'assurance du risque politique.
    Il y aurait de terribles complications pour le partenariat. Nous aurions perdu notre financement, et nous pourrions être poursuivis par notre associé, ce que nous ne souhaitons pas. Cela inciterait aussi d'autres minières à y penser à deux fois lorsqu'elles songent à s'associer à des minières canadiennes pour des coentreprises.
    Merci, monsieur Penney.
    Je vais devoir vous interrompre. Nous aurons une deuxième tournée de questions aujourd'hui, je l'espère.

[Français]

    Madame Lalonde, vous avez la parole.
     Nous allons partager le temps de parole.
    Madame Deschamps?
    Bonjour, messieurs, madame.
    Dans un premier temps, je voudrais vous dire que je suis impressionnée de m'adresser à une telle brochette d'experts. Je me lance quand même.
    Je ne pense pas que qui ce soit autour de cette table soit contre les compagnies minières. Pour ma part, cependant, s'il y a une chose à laquelle je m'oppose, c'est bien l'impunité. C'est un peu déchirant. Depuis plusieurs semaines, on se penche sur le projet de loi C-300. On entend beaucoup de témoignages d'individus et d'ONG, qui nous rapportent des atrocités ayant cours en Afrique, en Amérique du Sud et aux Philippines. Que l'on le veuille ou non, ça nous interpelle énormément. Ce n'est pas d'hier que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international réalise ce genre d'étude. Déjà en 2005, le comité se penchait là-dessus.
     Un rapport — le 14e rapport — est intitulé « L'exploitation minière dans les pays en développement et la responsabilité sociale des entreprises ». Le gouvernement de l'époque y avait répondu. Dans sa réponse, on pouvait lire notamment ceci: « En conséquence, il est probable que les problèmes comme ceux que soulève le Comité augmenteront et s'aggraveront au cours des prochaines années [...] »
     Or nous sommes en 2009, bientôt en 2010, et nous en sommes encore à débattre de ce sujet. De 2005 à aujourd'hui, une vaste consultation a eu lieu. Elle s'est étalée sur deux ans. Il en est résulté un rapport, qui comportait plusieurs recommandations. Un large consensus s'est établi entre les membres de la société civile, les experts et les gens des compagnies minières.
     Selon vous, pourrait-on élaborer un projet de loi qui encadrerait ces recommandations du rapport des tables rondes? À votre avis, est-ce que ce serait mieux que le projet de loi C-300. Selon vos dires, ce dernier est...
(0955)

[Traduction]

    Merci.
    La question, au fond, c'est ce qui est actuellement proposé dans le document Renforcer l'avantage canadien, par opposition au projet de loi C-300. Voilà à quoi la question se résume.
    Je crois que le projet de loi est inapplicable. Je ne vois même pas comment on pourrait l'amender pour le rendre applicable sans apporter des modifications radicales et en faire une mesure toute nouvelle. Si on prévoyait un conseiller ou un ombudsman, il faudrait en définir les pouvoirs. Bien sûr, cela entraînerait des dépenses, ce que ne peut prévoir un projet de loi d'initiative parlementaire.
    Au fond, la façon dont le projet de loi est conçu, avec la présentation de plaintes à un ministre dans le cadre du processus... Cet élément n'est pas modifiable, à notre sens. Nous y sommes complètement opposés.
    Quant au document Renforcer l'avantage Canadien que le gouvernement a déposé, il nous semble tout à fait utilisable. C'est un bon début. Il prévoit une foule de choses, en dehors du poste de conseiller. Il y est question de centres d'excellence et de programmes visant à renforcer les capacités dans les pays où des sociétés canadiennes sont actives.
    À notre avis, Renforcer l'avantage Canadien propose une approche bien meilleure. Nous croyons qu'il mènera à de meilleures pratiques. Il sera préférable pour l'industrie et préférable pour les normes de responsabilité sociale.

[Français]

    J'aimerais compléter la réponse de Michael Bourrassa.
    Madame Deschamps, vous avez raison de soulever la question de l'imputabilité des grandes compagnies minières. Elles doivent être responsables de leurs actions et faire preuve d'une responsabilité sociale parfaite. Toutefois, laissez-moi vous faire part de quelques-unes de mes inquiétudes, concernant ce projet de loi. Il donnerait lieu à la situation suivante.
     Le Canada a un ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, dont l'un des objectifs principaux est de promouvoir les intérêts du Canada à l'étranger, notamment les intérêts commerciaux et économiques. Tous nos délégués commerciaux et nos ambassades à l'étranger travaillent très fort pour réaliser cet objectif. Si ce projet de loi devait être mis en vigueur, une autre partie du ministère serait créée, et celle-ci ferait exactement le contraire, en l'occurrence elle mènerait des enquêtes sur les compagnies que nous devons aider en vertu du mandat du ministère.
     Si un tel projet de loi devait être mis en vigueur, je me demande si la loi en vertu de laquelle le ministère des Affaires étrangères a été créé ne devrait pas être modifiée. Je ne sais pas si ça vous intéresse, mais j'aimerais vous dire ce qui se passerait, en réalité, si une plainte sérieuse était déposée aujourd'hui auprès de notre ministre des Affaires étrangères. J'aimerais bien vous l'expliquer.
    C'est à mon tour?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Plusieurs compagnies se sont mérité une fort mauvaise réputation. Or ne craignez-vous pas que ce phénomène, qui est en train de se développer, nuise bien davantage au développement de l'industrie minière canadienne que ne le ferait une loi de ce genre, qui propose aux entreprises de se conformer à des normes? Les entreprises sont intelligentes; elles savent où est leur intérêt et sont capables de s'ajuster rapidement.
(1000)

[Traduction]

    Merci.
    Je peux comprendre. Si vous ajoutiez foi à tout ce que vous avez entendu au comité et lu dans les journaux ces deux dernières semaines au sujet des minières canadiennes à l'étranger, vous penseriez que l'industrie minière canadienne est en état de guerre à l'étranger, qu'elle a un comportement répréhensible. Je peux vous dire, monsieur le député, que toutes les allégations lancées contre une société sont prises au sérieux.
    Je peux ajouter aussi que les minières canadiennes sont actuellement engagées dans 5 000 projets, je crois. La vaste majorité d'entre eux sont bien gérés, gérés de façon responsable, et ils sont appuyés à fond par la collectivité locale.

[Français]

    Répondez à ma question. Je vous parle de la mauvaise réputation du Canada.

[Traduction]

    Je dis simplement qu'il faut avoir une solution proportionnée au problème. Qu'il s'agisse d'un conseiller, d'un ombudsman — quel que soit le titre qu'on emploie —, ce qui manque dans le projet de loi et ce dont nous avons besoin, ce sont des normes claires, un processus établi, des protections procédurales. Il nous faudrait une certaine assurance qu'il y aura des conséquences pour ceux qui présentent des plaintes sans aucun fondement, des plaintes mensongères.
    Dans ce que le comité a entendu au cours de la dernière semaine — je n'ai pas lu le compte rendu, mais les députés étaient là —, j'ai entendu beaucoup d'allégations, mais rien pour les étayer. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'il s'agit là d'un présage de ce à quoi les minières canadiennes peuvent s'attendre si le projet de loi est adopté.
    Merci, monsieur Penny.
    Monsieur Sinclair, vouliez-vous intervenir?
    Merci. Je voudrais simplement confirmer le point de vue de Mac.
    Le projet de loi risque de causer beaucoup plus de tort à la réputation des minières canadiennes parce qu'il ne propose pas de lignes directrices claires et transparentes, de normes qui permettraient de rendre une décision juste, ni de moyens de faire enquête sur les plaintes. Il ouvre la porte aux abus et nous croyons que les abus seront plus nombreux et que la réputation de l'industrie subira des torts bien plus importants.
    Merci beaucoup, monsieur Sinclair.
    Passons du côté du gouvernement.
    À vous, madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous d'être ici, mesdames et messieurs.
    D'abord, une observation.
    Étant donné les deux mémoires que nous avons ici qui dénoncent le manque de consultations auprès de l'industrie minière, et vu, monsieur Peterson, votre expérience au gouvernement et maintenant dans l'industrie minière, je suis horrifiée qu'il y ait eu si peu de consultations.
    Tous deux, vous signalez: « À notre connaissance, aucune société n'a été consultée au sujet de la rédaction du projet de loi », et le résumé dit: « Nous soutenons respectueusement, toutefois, que le projet de loi a été proposé sans aucune consultation de quelque nature auprès d'une entreprise extractive ou d'une association de l'industrie... » Cela me dérange, pour dire le moins.
    Voici ma question. L'autre jour, nous avons amorcé cette étude... Mais peut-être M. Chrétien peut-il poursuivre. L'autre jour, nous avons entendu de la bouche d'un témoin des accusations que me semblent accablantes au sujet de Barrick Gold. Selon lui, la société est détachée, réticente, agressive et dangereuse:
Mes plus proches collaborateurs et moi-même avons été personnellement et physiquement menacés [...]. Mes enfants ont été menacés. Mes bureaux ont été mis sur écoute. Mon personnel a été acheté et les fonctionnaires publics qui ont effectué une mission de contrôle pour Barrick sont devenus des employés rémunérés de Barrick Gold
    Voilà des propos incendiaires à propos des sociétés, mais ma question est la suivante: si le projet de loi C-300 avait été en place, que serait-il arrivé à une industrie minière visée par ces accusations?
    Monsieur Chrétien, peut-être pourriez-vous poursuivre ce que vous vouliez dire à Mme Lalonde.
(1005)
    Vous faites ressortir un très bon point. Permettez-moi d'expliquer étape par étape ce qui se passerait aujourd'hui.
    Si une plainte sérieuse était présentée au cabinet du ministre, celui du Commerce international ou celui des Affaires étrangères, que ferait le ministre? Il se tournerait vers son sous-ministre, comme le font tous les bons ministres, et le sous-ministre lui répondrait: « Monsieur le ministre, quelles sont les normes et les lois qui permettraient à une équipe d'inspecteurs du ministère de se prononcer correctement? Où sont les procédures claires qui protègent les parties en cause? Quelle est la légitimité d'une intervention? Quelle autorité les Canadiens et le ministère des Affaires étrangères ont-ils pour faire enquête à l'étranger? Monsieur le ministre, je dois vous dire que je n'ai pas les ressources voulues pour mener ces enquêtes. Le ministère est à court. Nous avons notre propre service d'inspection qui fait trois grands voyages par an et sans doute seulement deux en ce moment. Je n'ai pas ce qu'il faut, monsieur le ministre, pour faire ce travail. » Enfin, il demanderait au ministre qu'on responsabilise ceux qui abusent du système.
    C'est un point excellent. Ces sociétés doivent rendre des comptes. Mon opinion est simplement que le projet de loi n'assure pas cette reddition des comptes.
    Dans la réalité concrète, je m'inquiète aussi des inspections à mener au Soudan ou au Kivu, au Congo, pour faire enquête sur des minières. Que se passera-t-il? Le ministère n'a pas les ressources voulues. Il devrait probablement engager des consultants, des avocats, des comptables, les regrouper en équipes, essayer de leur assurer une autorisation de sécurité suffisante, de leur obtenir un visa pour aller au Congo. Les Congolais répondraient: « Vous venez ici faire enquête sur une société canadienne qui emploie des Congolais. Nous avons notre mot à dire. Nous voulons participer à l'enquête. »
    Il faut des mois, simplement pour lancer l'enquête. Ces types arriveraient à l'ambassade de Kinshasa. Que se passerait-il? Notre ambassadeur leur ferait rencontrer leurs homologues au ministère des Affaires étrangères. Des Congolais devraient faire partie de l'équipe. Il faudrait ensuite se rendre au Kivu. Comment faire? Il y a un vol par semaine. C'est la guerre civile, là-bas, et il y a des victimes. Vous allez faire une enquête dans une mine au Kivu. Présumons que vous pouvez la faire, je vous accorde ce crédit. Que faire ensuite? Il faut revenir à Kinshasa, puis à Ottawa. Vous essayez de rédiger un rapport à partir de la situation chaotique observée là-bas. Que faire du rapport? Il passe des services d'inspection au sous-ministre, puis au ministre. Le ministre dira: « Qu'est-ce que c'est? Je suis d'accord. » Ou bien: « Je ne suis pas d'accord. » S'il approuve le rapport, qu'en fera-t-il?
    Tous cela, monsieur le président, manque complètement de clarté. C'est pourquoi je redoute une énorme confusion, la pagaille qu'il y aurait si les lignes directrices n'étaient pas bien meilleures qu'elles ne le sont maintenant.
    Merci.
    Monsieur Lunney.
    Merci beaucoup. J'ai trouvé votre exposé intéressant.
    Écoutez, toute cette histoire de RSE a pris une ampleur considérable depuis une dizaine d'années, et tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut élaborer des principes pour régir la RSE. Cela dit, l'ONU est en train d'élaborer des principes visant les enquêtes sur la responsabilité. Et il y a les lignes directrices du FMI, qui ont donné naissance aux Principes de l'Équateur.
    À mon avis, le Canada est reconnu en tant que chef de file dans ces domaines, mais parce que nous sommes l'acteur le plus important, nous sommes aussi, j'imagine, la cible de ceux qui ont, disons, des griefs.
    Mais l'initiative du Canada... j'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet. Nous discutons de quatre initiatives en ce moment, qui ont été mentionnées brièvement ici. Ces initiatives prévoient la création d'un centre d'excellence, en cours, et le soutien continu à l'ACDI pour favoriser la gouvernance dans les pays en voie de développement ainsi que les capacités de gouvernance et de réglementation, qui sont, évidemment, déficientes dans bon nombre de ces pays. Il y a aussi la promotion de ces lignes directrices, reconnues à l'échelle mondiale. Nous voulons poursuivre dans ce sens. Enfin, il y a la conseillère en RSE. Elle était présente à la dernière séance, elle venait tout juste d'être nommée. Elle s'appelle Marketa Evans. Elle possède de nombreuses compétences et connaissances dans la promotion de la RSE.
    Mais un des reproches entendus est que la participation à ce processus est volontaire. Le fait que la participation soit volontaire, est, pour une raison quelconque, perçu comme une grave faiblesse. Pouvez-vous imaginer qu'une entreprise refuse d'aider à régler un conflit, une situation qui attire l'attention, en raison d'un problème important? Pouvez-vous imaginer qu'une entreprise rejette le processus de RSE, au risque de s'attirer les foudres du public lorsque les rapports seront rendus publics? Selon moi, ça devrait inciter fortement les entreprises à participer. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
(1010)
    En effet, oui. Merci.
    Nous avons étudié la réponse du gouvernement. Comme l'a mentionné mon collègue, c'est une réponse constructive. Ce qui est positif dans cette réponse, c'est qu'elle vise plusieurs parties. C'est une façon coopérative d'améliorer la RSE. L'exemple que vous avez donné sur l'ACDI décrit parfaitement une approche coopérative où l'industrie peut travailler de pair avec cette agence. C'est cette approche qui nous intéresse, à la fois très transparente et coopérative.
    Vous avez mentionné l'aspect volontaire du poste de conseiller. Ça m'intrigue, parce que, si j'ai bien compris, on a demandé aux ONG si elles renonceraient à leur droit de consentir à une enquête, et elles ont répondu que non. Mais alors, comment cette approche garantit-elle l'obligation de rendre compte des deux parties?
    Et voici un autre aspect intéressant de la participation volontaire aux enquêtes. Le MAECI, lors de son témoignage devant ce comité, a mentionné qu'il avait réalisé une étude à laquelle toutes les entreprises sollicitées avaient accepté de participer. Elles y ont consenti parce que c'était la chose à faire. Lorsque l'approche est claire, transparente et fondée, aucune entreprise n'a de raison de s'y soustraire.
    C'est ce que nous avançons. M. Rae a dressé la liste des normes sur la RSE établies par la SFI, le RPC et EDC. Ces organismes ont tous des normes dont nous devons tenir compte, avec lesquelles nous devons déjà composer. Il n'y a pas de raison d'ignorer la RSE. Du moins, je l'espère sincèrement. À mon avis, il faut souligner un phénomène récent, soit la collaboration entre les anthropologues, les spécialistes en sciences sociales et les sociétés minières. Les spécialistes en développement communautaire participent désormais aux projets d'exploitation minière. C'est un phénomène remarquable.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais peut-être mettre certaines choses au clair par rapport à ce qui a été dit, et n'a pas été dit, devant ce comité. Je ne me rappelle pas avoir entendu qui que ce soit mentionner qu'une guerre faisait rage, contrairement à ce qu'aurait dit un des témoins.
    Je pense qu'il a été clairement établi par tous les témoins ayant comparu devant ce comité que, de façon générale, les choses vont bien, mais que nous devons mettre un processus en place. Il me semble qu'un témoin a fait une comparaison avec le sport en parlant d'avoir la balle dans son camp ou je ne sais trop, et je lui ai répondu que, en fait, notre rôle était plutôt celui d'un arbitre qui doit établir des règles. J'imagine que vous êtes un joueur, et je comprends que vous vouliez que les règles soient à votre avantage. C'est ce que vous faites.
    Je vais peut-être m'adresser d'abord à M. Sinclair, de Barrick. Dans votre intervention, il y avait beaucoup de conditions et de suppositions par rapport au projet de loi, mais vous avez dit, essentiellement, que nous ne devions pas l'adopter. J'aimerais m'attarder sur ce qui se fait ailleurs.
    D'abord, j'aimerais savoir de quel ordre est l'investissement du RPC dans Barrick en ce moment, le montant de la somme en jeu. Ensuite, j'aimerais savoir ce qui s'est produit avec le fonds de pension du gouvernement de la Norvège.
    Monsieur Sinclair.
    J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous répondre. Ils ne communiquent pas la valeur des investissements aux employés du service des relations communautaires pour la RSE.
    Eh bien, c'est 739 millions de dollars, mais...
    D'accord, merci.
    C'est 739 millions de dollars. Je suis, en quelque sorte, un actionnaire, alors je garde un oeil sur ces choses-là, c'est-à-dire sur le RPC et, indirectement, sur Barrick.
    J'aimerais savoir ce qui est arrivé récemment, avec le fonds de pension du gouvernement de la Norvège et Barrick Gold.
    Je crois qu'il en a déjà été question à une séance du comité. C'est mentionné dans un document que nous soumettons aujourd'hui, que nous avons remis à la greffière. Il contient certaines affirmations faites devant le comité, et certaines questions qui ont été soulevées. Je pense qu'il en est question.
(1015)
    C'est-à-dire?
    Que le fonds de pension du gouvernement de la Norvège s'est départi de ses investissements dans Barrick.
    Et pourquoi l'a-t-il fait?
    C'était leur choix. Nos actionnaires ont, tout comme vous, le droit d'investir où ils le veulent. Pour le moment, la Norvège a un fonds qui... Nous n'avons pas été très surpris de cette décision.
    Pourquoi donc?
    Eh bien, ils ont agi ainsi avec d'autres sociétés minières. Nous avons longuement parlé avec eux et nous leur avons même proposé de rencontrer nos conseillers techniques pour discuter de la question plus à fond.
    De nombreux autres fonds de pension, des fonds de pension européens, des fonds de pension d'État, continuent d'investir dans Barrick. Nous avons d'ailleurs entamé des discussions avec un certain nombre d'entre eux. Ce dialogue est vraiment très constructif. Ils ont des inquiétudes. Nous sommes disposés à en parler. C'est dommage que les Norvégiens aient décidé d'écarter cette option.
    Ils en ont aussi le droit. C'est un pays souverain, doté d'un fonds de pension. La principale raison qu'ils ont invoquée — je tiens à le préciser — est qu'ils avaient des craintes à propos de la conduite de Barrick en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et des craintes sérieuses à propos de l'environnement.
    Parlons maintenant de Goldcorp. La situation de Goldcorp sur le terrain suscite en ce moment des inquiétudes, et certaines activités de Goldcorp ont entraîné des poursuites judiciaires. Je veux revenir sur ce que j'ai dit plus tôt. Je ne dis pas que la plupart des entreprises du secteur ont des difficultés à l'étranger, mais des poursuites ont été engagées à cause de certaines inquiétudes. Celle qui a été portée à notre attention concerne le Honduras. Une amende a été imposée à Goldcorp — ça se passait il y a deux ans — et je me demande si vous pourriez m'expliquer ce qui est arrivé, ce qu'on a fait à la mine Marlin après ce qui s'y était passé.
    Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question, puisque la mine Marlin se trouve au Guatemala.
    Désolé, elle est effectivement au Guatemala. Je confonds les pays d'Amérique latine. J'y ai pourtant travaillé et vécu pendant six ans, je ne devrais pas me tromper.
    Je voulais simplement connaître la réaction de l'entreprise à la poursuite à son encontre, et où on en était.
    Je parlerai plutôt de l'amende imposée, puis annulée, par rapport à un de nos projets d'exploitation au Honduras.
    À ce que je sache, il n'y a jamais eu au Guatemala de poursuite relative à la mine Marlin, mais vous avez raison pour le Honduras. Il y a plusieurs années, une amende liée à l'environnement a été imposée à l'entreprise. Nous nous sommes pliés aux lois du pays et nous avons payé l'amende. Nous avons toutefois fait appel. Le gouvernement a par la suite annulé l'amende, car il a jugé que nous n'avions pas enfreint les lois sur l'environnement.
    Pour ce qui est de l'affaire de la mine Marlin, que vous avez mentionnée, ça s'est passé en 2007, au Honduras. Il y a eu une poursuite et vous avez versé une amende. Vous avez reconnu que certaines mesures s'imposaient par rapport à cette mine, non? Il y avait bien des choses à améliorer, ou tout était-il en ordre?
    C'était avant que j'arrive. D'après ce que je sais — j'ai lu le document —, la communication sur la façon précise de mettre en oeuvre notre plan de fermeture a été déficiente.
    Mais encore.
    Une amende a été infligée après que des enquêteurs et des législateurs eurent parlé de notre façon de procéder à la fermeture. Le plan avait été approuvé par le gouvernement et par le ministère de l'Environnement. C'est à ce moment-là qu'ils ont abrogé la loi.
    Alors, aucune amende n'a été payée?
    Nous avons payé l'amende, mais elle a ensuite été annulée. Nous avons respecté le processus judiciaire.
    D'accord.
    Je pose des questions à ce sujet parce qu'on semble suggérer que cette loi entraînerait, je ne sais trop comment, un accroissement des plaintes, et qu'il n'y a pas vraiment d'inquiétudes en ce moment. J'en reviens au fait que nous tentons d'établir des règles pour créer un rapport de force équitable et vraiment protéger les sociétés canadiennes.
    Ce qui me pose un problème, c'est la certitude exprimée aujourd'hui par tous les témoins que ces mesures vont pousser les sociétés à quitter le Canada... C'est ce qu'ils ont dit. J'ai déjà demandé à quelqu'un de l'industrie s'il quitterait le pays advenant l'adoption du projet de loi C-300, et il m'a répondu par la négative...
(1020)
    Venez-en aux faits, monsieur Dewar.
    Je me demande simplement si quelqu'un, ici, croit que son entreprise mettra fin à ses activités au Canada si le projet de loi C-300 est adopté.
    Répondez brièvement, je vous prie.
    Aucune société, que je sache, ne veut recourir à une menace voilée. Toutefois, si nos mains sont liées au point de nous empêcher de fonctionner, de nous empêcher d'acquérir de nouvelles propriétés parce que nous n'avons pas le temps de les rendre conformes aux normes, ou que nous n'avons pas le temps de les vendre lorsqu'elles font partie d'un ensemble plus important, comment pourrions-nous croître et poursuivre notre expansion? Si nous ne pouvons pas former de coentreprise parce que nous perdons des fonds, si nous sommes paralysés par l'achat d'un projet d'exploitation, je crois qu'alors, le conseil d'administration devra y réfléchir. Si Vale Inco et Xstrata, qui ont des activités au Canada, n'ont pas les mêmes obligations, elles pourraient prendre le contrôle de nos exploitations. Ces possibilités sont débattues par les conseils d'administration au pays.
    Mac, vouliez-vous dire quelque chose?
    Ça fait presque 10 minutes. Nous allons revenir à M. Goldring. Si nous faisons vite, nous aurons peut-être assez de temps pour une autre série de questions.
    Au sujet de ces inquiétudes... Je voudrais d'abord souligner que, plus tôt cette semaine, un témoin d'Argentine nous a parlé de Barrick et nous a dit qu'elle ne pouvait affirmer que cette société avait enfreint de loi en Argentine. Cette dame, une avocate, disait que c'était parce qu'elle n'était pas juge, mais elle ne pouvait rien affirmer de précis.
    Toutefois, au cours de son témoignage, beaucoup de solutions ont été suggérées. Ce qui est préoccupant, en fait, c'est qu'elle semblait penser que le Canada, en adoptant ce projet de loi, aiderait à renforcer les lois dans son propre pays.
    Je n'ai pas pu déterminer si c'était parce que les lois dans son pays n'étaient pas suffisamment complètes ou si c'était parce que leur application était insatisfaisante. Mais ce qui est préoccupant, donc, c'est qu'elle voyait cette mesure législative comme un moyen de renforcer les lois, ce qui est plutôt inquiétant, car le Canada serait placé dans la position de renforcer, ou de précéder, les lois dans d'autres pays, en quelque sorte.
    Ajoutons à ça, et aux dispositions du projet de loi sur les droits de la personne, et aux suggestions des organismes des droits de la personne que ça deviendrait la loi dans d'autres pays... c'est la façon dont elle le comprend. Ça laisse entendre que, dans certaines parties du monde, la personne pourrait faire appliquer des lois, par exemple la charia, avec des répercussions sur les entreprises.
    Je peux donc facilement comprendre pourquoi le secteur minier est très préoccupé par une loi de ce genre, qui peut placer les entreprises dans une impasse. Comment diable allons-nous réaliser des projets dans d'autres pays si une telle loi nous oblige à adhérer à des lois auxquelles le Canada ne souscrit même pas, mais que nous devons respecter. Je suis conscient que ça pose un problème.
    Monsieur Peterson, vous étiez au Parlement lorsque je suis venu ici...
    M. Bob Rae: Il était au Parlement lorsque je suis venu ici la première fois.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Peter Goldring: ... et M. Chrétien, et vous... de toute évidence, vous n'étiez pas exactement du côté des conservateurs. Pourriez-vous préciser au comité si vous êtes ici pour représenter votre employeur ou pour défendre vos convictions profondes? Pourriez-vous exposer vos convictions à vos collègues ici présents et expliquer à quel point ce problème est sérieux?
    Monsieur Peterson.
(1025)
    Monsieur Goldring, je suis très fier d'être ici. Je dois vous avouer qu'il est beaucoup plus impressionnant d'être de ce côté-ci de la table que du vôtre.
    Mais je suis ici parce que notre cabinet est reconnu...
    Mais êtes-vous personnellement de cet avis? C'est ce que j'aimerais savoir.
    Absolument. Je n'ai aucune réserve par rapport à nos affirmations.
    Mais je vais vous dire là où j'ai des réserves.

[Français]

    Il s'agit de ce qu'ont dit Mmes Deschamps et Lalonde. Il y a des allégations d'atrocités partout, c'est vrai. Par contre,

[Traduction]

si nous devons être les seuls à nous en prendre à nos propres entreprises, nous devons à tout le moins avoir un tribunal impartial, où l'équité procédurale sera respectée. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le processus, qui a été élaboré de façon consensuelle avec la société civile, les entreprises elles-mêmes, les pays hôtes...
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les aspects restrictifs du projet de loi et sur vos préoccupations?
    À ma première lecture, ma réaction a été de me demander ce que je ferais en tant qu'avocat pour que les règles du jeu soient équitables par rapport au reste du monde.
    Si j'avais un siège social canadien avec, disons, une mine au Canada, une mine aux États-Unis et une mine dans un pays en développement...
    Déménageriez-vous votre siège social à cause de ce projet de loi?
    Oui. Je serais obligé de le faire, dans ces circonstances...
    Quitter le Canada.
    ... parce que je n'aurais plus droit au financement d'EDC, que je serais assujetti à un régime différent, en tant que Canadien, de celui des autres ailleurs dans le monde.
    Notre objectif est évidemment de travailler de façon collaborative et constructive avec les pays en développement et les autres pays, en vue d'avoir des normes mondiales qui favorisent la promotion des droits de la personne et qui préviennent les violations à ce chapitre. Voilà l'approche constructive à adopter, plutôt que d'imposer ça uniquement aux entreprises canadiennes.
    Merci.
    Monsieur Chrétien, je vous accorde une petite minute. Nous en sommes à quatre minutes et demie.
    C'est une question très pertinente. Je dirai simplement ceci.
    Tout comme Jim, je suis aussi très fier de travailler pour le cabinet Fasken Martineau. Même si je crois, en passant, qu'il s'agit du meilleur cabinet au pays — vous m'excuserez de le dire —, lorsque mes collègues m'ont demandé de comparaître devant vous aujourd'hui, j'ai voulu étudier la question attentivement.
    Je peux vous dire que je ne serais pas ici si je ne croyais pas ce que j'ai dit, surtout à propos de la difficulté de rendre ce projet de loi viable. Je ne serais tout simplement pas ici, car je ne suis pas un lobbyiste, et je ne suis pas inscrit au registre des lobbyistes. Je suis ici parce que je suis profondément convaincu que ça ne peut pas fonctionner.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur McKay.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Jantzi Research recommande que Goldcorp ne puisse plus bénéficier d'investissements socialement responsables. Ils citent l'inspection d'une mine, au Guatemala, effectuée par des représentants des communautés locales et de la communauté internationale — des représentants des gouvernements guatémaltèque et canadien, etc. Ça n'a pas semblé très compliqué à organiser, et ils ont conclu que Goldcorp ne devrait plus bénéficier d'investissements socialement responsables.
    En ce qui concerne Barrick, maintenant, le gouvernement de la Norvège a déclaré, après examen, qu'investir dans Barrick pourrait amener le fonds à contribuer à des atteintes graves à l'environnement, et qu'on ne pouvait pas prendre ce risque:
    
Le conseil a ajouté que les déclarations de la société selon lesquelles ses activités n'entraînent pas de dommages à l'environnement irréversibles et à long terme étaient peu convaincantes. À cela s'ajoute le manque d'ouverture et de transparence de la société à propos de son rendement sur le plan environnemental.
Ce n'est pas ce que j'appellerais un rapport favorable. Je n'ai d'ailleurs pas l'impression qu'ils ont de la difficulté à mener des enquêtes, peu importe où ils doivent aller.
    Au cours de son témoignage, une ancienne ministre de l'Environnement nous a confié qu'une bombe incendiaire avait été lancée contre ses bureaux, qu'elle avait reçu des menaces, que l'accès à un parc national lui avait été interdit, etc. Un témoin de l'Université Harvard nous a fait remarquer que de nombreux comptes rendus de viol se ressemblaient. Ça se passe en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les gardiens, généralement en groupe de cinq ou plus, trouvent une femme pendant leur patrouille sur les terrains de la mine ou à proximité. Ils se relaient alors pour la menacer, la battre et la violer. Et ainsi de suite. En vertu d'une entente conclue avec la police, Barrick Gold assume pratiquement la totalité des frais des forces policières. Elle paie les uniformes; elle paie les salaires. Ça ne surprend donc personne s'il n'y a pas eu d'enquête digne de ce nom concernant ces allégations.
    Ce ne sont que des allégations, et vous êtes tous très contrariés par ce qu'on raconte dans les journaux ces jours-ci. Mais vous semblez préférer le statu quo. Vous préférez mener bataille dans les médias, engager une armée d'avocats et de conseillers, et laisser les choses dans l'état où elles sont.
    Lorsque la conseillère en RSE est venue témoigner — elle m'a paru être une bonne personne, compétente, avec les qualités nécessaires —, et qu'on lui a demandé si elle pourrait enquêter sur les faits rapportés dans les journaux, elle a clairement répondu par la négative, étant donné qu'aucun d'entre vous n'y consentirait jamais; aucun d'entre vous ne conseillerait à ses clients, pour quelque raison que ce soit, de consentir à une enquête.
    Votre but, dans le fond, c'est le maintien du statu quo. Vous pouvez bien dire que vous êtes heureux de la nomination d'une conseillère en RSE, mais, en réalité, vous ne l'êtes pas. Vous ne voulez pas des changements positifs que ça entraînera, parce que vous ne courez pas le risque, actuellement, que cette conseillère enquête sur une histoire publiée dans les journaux, ni sur une allégation faite devant notre comité.
    J'avancerais que le projet de loi C-300 est un très petit pas en avant, mais que si on l'ajoute à la nomination d'une conseillère en RSE, Mme Evans pourrait alors peut-être enquêter sur les allégations qui vous contrarient tant.
(1030)
    Madame Aloi.
    Je crois que nous n'avons pas la même définition du statu quo. Il est important de rappeler que les entreprises prennent au sérieux toute allégation, toute inquiétude, et que lorsque ces allégations sont portées à notre attention, nous prenons les mesures qui s'imposent. Enfin, en ce qui me concerne, en ce qui concerne Goldcorp. Notre façon de faire est loin de correspondre à ce qui a été décrit. Nous sommes une entreprise très coopérative, très ouverte au dialogue. Une des premières choses que j'ai faites en arrivant chez Goldcorp a été d'appeler Jantzi. Ils m'ont répondu qu'ils nous avaient enlevé de la liste en raison d'un manque d'information, parce que personne ne leur parlait. Nous nous entretenons avec eux presque chaque semaine depuis plusieurs mois.
    Il est essentiel de discuter de ces questions. Lorsqu'on nous communique des plaintes, des craintes ou des questions, il faut que nous en discutions avec les parties concernées. La semaine prochaine, par exemple, nous devons rencontrer trois ONG étrangères qui font le voyage jusqu'ici pour discuter de leurs inquiétudes au sujet d'une digue à rejets.
    Nous manquons de...
    Sauf tout le respect que je vous dois, madame, vous dites vous conformer parce que vous dites vous conformer. Ce n'est pas vraiment une réponse.
    Non. Nous sommes tenus de respecter leurs critères, monsieur.
    Je vous remercie.
    Jantzi est un excellent exemple des critères qui sont là pour nous rendre responsables.
    Et ils ont jugé que votre société ne respectait pas leurs critères.
    Ils ont dit qu'il y avait des problèmes, et nous travaillons là-dessus avec eux.
    Tout ça est très bien...
    Désolé, monsieur McKay. Vous avez depuis longtemps dépassé le temps alloué.
    La deuxième série durera cinq minutes et...
    J'aimerais préciser une dernière chose: discuter de certaines questions avec Jantzi ou avec une ONG étrangère n'est absolument pas comparable à une enquête de notre propre gouvernement fédéral sur nos activités. Dans ce cas, les allégations sont examinées à un tout autre niveau, et ce n'est pas justifié.
    Monsieur Abbott, la parole est à vous.
    Je m'intéresse à ce qu'a dit M. McKay à propos de la commission des pensions en Norvège. En fait, il serait peut-être plus approprié de parler de l'Office d'investissement du RPC et de la définition du statu quo par rapport à ses activités.
    Je cite le mémoire qu'ils nous ont présenté:
QUELLES MESURES AVONS-NOUS PRISES?
Nous avons continué à intervenir auprès de sociétés pétrolières, gazières et minières canadiennes et étrangères qui exercent leurs activités dans des pays à risque élevé, notamment en Birmanie, en République démocratique du Congo et au Guatemala, afin d'encourager une plus grande transparence et de meilleures stratégies de gestion du risque.
Nous avons discuté avec la haute direction de plusieurs sociétés pétrolières, gazières et minières canadiennes et étrangères, dans le cadre de rencontres régulières, des risques environnementaux et sociaux.
Nous soutenons, en tant qu'investisseur, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, initiative multilatérale regroupant des gouvernements, des entreprises, des investisseurs et des organisations non gouvernementales qui appuient l'amélioration de la gouvernance d'entreprise dans les pays riches en ressources par la vérification et la communication des paiements d'impôt et de redevances des sociétés et des revenus des gouvernements provenant des sociétés pétrolières, gazières et minières.
    J'aime le statu quo. C'est le statu quo au Canada, et c'est le genre de régime qui guide le travail de ces personnes.
    Ma question s'adresse tout particulièrement à M. Peterson.
    Si vous faisiez aujourd'hui partie d'un gouvernement libéral — Dieu nous en préserve — et que vous étiez ministre du Commerce international, qu'auriez-vous à dire, à ce titre, de ce projet de loi, compte tenu de votre expérience de cette fonction? Quelles en sont les limites? Quels problèmes diriez-vous qu'il soulève, si vous exerciez en ce moment la fonction de ministre du Commerce international?
(1035)
    Nous avons fait ces mêmes constatations dans tout ce que nous faisons à l'échelle mondiale. Nous sommes partie intégrante de l'économie mondiale, plus que presque toute autre économie du monde. Donc, nous devons être compétitifs à l'échelle mondiale. Allons-nous être le seul pays qui s'attaque à ses propres sociétés minières et les montre du doigt pour leur conduite à l'étranger? Y a-t-il de meilleures solutions pour améliorer la RSE? C'est notre objectif à tous, mais il faut éviter de tuer la poule aux oeufs d'or.
    Je crains que les sociétés minières dont le siège social est au Canada, qui seront moins compétitives par rapport au reste du monde, ne quittent tout simplement le pays. Nous avons connu cette situation au début des années 1970, lorsque le gouvernement libéral a mis en oeuvre le rapport Carter. Des sociétés ont déménagé leur siège social, comme Hunter Douglas qui est partie aux Pays-Bas, parce que nous avions prévu d'imposer tous les bénéfices au taux le plus élevé entre les taux canadien et étranger.
    Nous avons réussi à faire modifier la loi en travaillant avec le gouvernement et avec les sociétés qui souhaitaient avoir leur siège social au Canada. C'est exactement la même chose avec le secteur minier. Nous sommes le chef de file mondial. Ne pouvons-nous pas être le chef de file non seulement sur le plan de l'économie et de la croissance, mais aussi sur le plan de la RSE?
    Il y a moyen de favoriser la RSE sans léser les sociétés canadiennes.
    Très rapidement, monsieur Abbott.
    Si vous faisiez partie du caucus libéral, que diriez-vous, au microphone, aux membres de ce caucus?
    Et, non, je ne suis pas en train de changer de parti.
    Je dirais que nous devons tous nous intéresser à la RSE. Il est question des droits de la personne, de l'environnement, de l'avenir. Quelle est la meilleure façon de procéder? Ce projet de loi? Je crois que les intentions derrière cette mesure législative sont très bonnes, d'accord? Il suscite un beau débat ici, sur la Colline, et ailleurs. C'est donc une bonne chose.
    Seulement, j'ai l'impression qu'il ne prévoit pas un tribunal impartial ni l'équité procédurale pour les accusés. Il impose à notre ministère un lourd fardeau financier, pour mener des enquêtes valables, au moment où nous réduisons la taille des ministères. C'est un projet de loi qui diminuera notre présence sur la scène minière mondiale, plutôt que de l'accroître de façon continue comme le Boston Group nous suggère de le faire, afin de créer des emplois pour la nouvelle économie au Canada.
    Merci.
    À ce sujet, croyez-vous que ce projet de loi puisse être amendé ou peaufiné un peu?
    Non, malheureusement, car si on veut instaurer un tribunal impartial, ça suppose des dépenses.
(1040)
    Merci, monsieur Peterson.
    Madame Lalonde, aviez-vous une question à poser?

[Français]

    Vous dites que nous sommes les leaders du monde. C'est vrai, c'est un constat, mais le « nous » ou le « we » comprend toutes sortes de compagnies. C'est une question sur laquelle j'ai déjà travaillé concrètement. Il y a des entreprises qui, en effet, veulent être responsables socialement. Remarquez que ça leur demande plus d'exigences, quand elles ne sont pas sous la surveillance de gens alertes. Donc, il y en a qui veulent, mais il y en a qui ne veulent pas, et vous le savez fort bien. Et quand ces entrepreneurs ne veulent pas, ce n'est pas un petit conseil au creux de l'oreille qui les fera changer. Vous pourrez me dire, avec raison, que vous veillez à la réputation du Canada, que c'est important pour vous, mais vous ne contrôlez pas tout le monde.
    Justement parce qu'il y a ce grand nombre d'entreprises qui sont intéressées, ne trouvez-vous pas qu'il faut qu'il y ait des règles, des contrôles et, au besoin, des sanctions?

[Traduction]

    Puis-je répondre à ça?
    D'abord, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que nous connaissons tous des sociétés qui ne veulent pas respecter les règles. Je ne crois pas que c'est le cas. Je pense que chaque société fait du mieux qu'elle peut. Elles font face à des situations difficiles. Beaucoup de programmes existent. Je sais que l'Association minière du Canada est ici. Son programme Vers le développement minier durable est un exemple. Je suis un administrateur de l'ACPE, qui a un programme appelé Exploration for Excellence. C'est largement encouragé. Lorsque j'assiste à des conférences internationales, peu importe l'endroit, ou à des conférences de nature juridique, le sujet de conversation des avocats en droit minier, peu importe d'où ils viennent, est toujours la responsabilité sociale des sociétés minières et comment l'accroître. C'est LE sujet de conversation.
    Ce qui me préoccupe au sujet de ce projet de loi, toujours par rapport aux points soulevés dans les journaux ces jours-ci, et même aux questions de M. McKay, c'est que tout le monde semble se demander « pourquoi cette mesure législative les inquiète-t-elle alors que nous n'allons, en fait, que retirer quelques pommes pourries? ». Les critiques et les attaques sont faites à l'endroit même des sociétés qui ont d'imposants programmes de responsabilité sociale, et qui prennent cette question au sérieux, comme Goldcorp et Barrick. Ce sont elles qui font les manchettes. Dites ce que vous voulez, que vous ne vous en prenez qu'aux petites sociétés qui ne veulent pas se plier aux règles. Mais, dans les faits, cette mesure législative va permettre aux gens d'attaquer les acteurs qui prennent cette question très au sérieux, de ternir leur réputation, et va inciter ces sociétés à aller faire des affaires ailleurs.

[Français]

    Pourquoi les gens du Honduras et d'un peu partout se plaignent-ils? Pensez-vous qu'ils le font à tort?

[Traduction]

    Je suis certain qu'il ne s'agit pas de plaintes sans fondement, mais est-ce que les plaintes contre les sociétés minières canadiennes sont directement liées à ce qu'elles font? Sont-elles liées indirectement à ce que font d'autres personnes? Il s'agit d'allégations, et je pense qu'un processus équitable doit être prévu pour les examiner. Une plainte suivie d'une enquête par un ministre n'a rien d'un processus équitable. Ça cause des dommages.

[Français]

    Je comprends.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je pense qu'il ne nous reste presque plus de temps. Nous allons passer aux affaires du comité.
    Monsieur Dewar, vouliez-vous passer aux affaires du comité?
    Si les gens veulent poser d'autres questions...
    Pouvons-nous poursuivre avec les questions? Allons-y.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président.
    Avant que mon ami du NPD ne parte, il a parlé du fonds norvégien. Je suis heureux de voir que vous avez investi dans Barrick, selon ce qu'il vient de dire.
    Laissez-moi préciser certaines choses. Le fonds norvégien repose sur des bénéfices provenant du secteur pétrolier. La majeure partie du fonds de pension de la Norvège provient de l'extraction; les bénéfices y sont versés, mais pas pour être ensuite investis. Vérifiez les faits et vous verrez que c'est bien ça.
    Toutefois, je veux revenir sur un des principaux points et poser une question, c'est-à-dire...
(1045)
    C'est faux.
    Est-ce que je peux parler?
    Poursuivez, monsieur Obhrai.
    Lorsque j'ai accédé à la fonction de secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, le gouvernement a organisé une grande table ronde sur la responsabilité sociale des entreprises. Nous y avons élaboré d'excellentes solutions. Toutes les parties concernées étaient présentes: les ONG, les sociétés minières, etc. Il en est ressorti deux choses importantes. Évidemment, le recours au conseiller est volontaire. Toutefois, la création du centre d'excellence visait à s'assurer que les sociétés canadiennes, et tous les autres, passent par cet organisme, pour favoriser la RSE.
    Ce que je n'arrive pas à discerner, dans la démarche des libéraux, c'est pourquoi ils ne veulent pas laisser ce processus suivre son cours et voir ce qui va se passer. Si on avait laissé deux ans s'écouler et que le processus ne s'était pas adapté en fonction des craintes formulées, alors peut-être que je comprendrais pourquoi ils font ça. Mais je ne comprends absolument pas pourquoi ils le soumettent maintenant, alors qu'un processus a été établi, ni pourquoi ils poussent pour son adoption alors que tout le monde s'entend pour dire que le processus en place est ce qu'il y a de mieux pour le Canada.
    Monsieur Peterson, vous avez été ministre. Je suis certain que si vous étiez aujourd'hui au pouvoir, vous n'auriez jamais présenté ce projet de loi. Si les libéraux étaient au pouvoir aujourd'hui — le gouvernement est, bien sûr, minoritaire, mais si les libéraux formaient un gouvernement majoritaire, chose que nous espérons ne pas voir se produire —, je suis certain que ce projet de loi n'aurait jamais vu le jour. Ce n'est rien d'autre que de la petite politique, pour profiter du fait que le gouvernement est minoritaire.
    Donc — et j'espère que vous serez tous d'accord —, un processus est en place. Le gouvernement vient tout juste d'instituer un centre d'excellence et de prendre d'autres mesures collaboratives pour améliorer la réputation du Canada dans le secteur minier.
    Nous savons tous ce que la Chine est en train de faire. Elle est partout en Afrique. Qui demande à la Chine de respecter des critères de responsabilité sociale? Personne, comme vous l'avez tous souligné. Il n'y a que nous. Et la Chine est partout.
    Ce que je veux dire, si quelqu'un veut faire des commentaires, c'est que nous devrions laisser le processus déjà en place suivre son cours et attendre de voir comment les choses vont évoluer.
    Je vous remercie. Je ne suis pas certain que c'était une question. Je vois que M. Chrétien demande à parler, alors...?
    Très bien, merci.
    Madame Brown, vous avez à peu près une minute.
    Merci. Je vais devoir me dépêcher.
    J'aimerais revenir au processus d'enquête que ce projet de loi propose. Je fais référence à un des mémoires déposés aujourd'hui, qui explique comment le ministre va prendre des décisions. Je vous cite une note en bas de page:
... la tenue d'une enquête criminelle à l'étranger ne relève pas du Parlement ni des législatures provinciales, car ceux-ci n'ont pas le pouvoir d'autoriser l'application de la loi dans un autre pays.
    La suite a rapport au droit international. Ma question est donc: nous faudrait-il l'autorisation du pays visé pour mener une enquête? Devrait-il nous le permettre? Est-ce qu'il pourrait refuser, pour une raison ou une autre, par exemple s'il risquait de perdre d'autres fonds de développement, ou si ça pouvait avoir d'autres conséquences sur certains de ses projets sociaux?
    Monsieur Bourassa.
    Je sais que d'autres mémoires ont été déposés. Je crois que Robert Wisner, du cabinet McMillan, a présenté un traité juridique qui examine ces questions, mais, en résumé, c'est du ressort de l'autre pays. Je crois que le gouvernement ne pourrait envoyer des enquêteurs dans un autre pays que si celui-ci y consentait, et il est évident que s'il disait « non, vous n'êtes pas les bienvenus ici », nous n'aurions rien à y redire. Nous ne pourrions pas.
    Donc, même si notre ministre décidait d'instituer une enquête en vertu de cette loi, un refus de la part de l'autre pays pourrait entraver toute la démarche, laissant la société minière sans recours, puisqu'elle n'aurait alors aucun autre moyen de réfuter les allégations. C'est bien ça?
    C'est le risque qu'on court. L'enquête est déficiente, et la plainte, elle, demeure. Elle demeure, et la collecte d'information est déficiente.
    La société minière n'aurait alors plus accès à de nombreuses sources de financement, ce qui pourrait compromettre tout le projet.
    Selon la conclusion, oui.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, madame Brown.
    Monsieur Dewar.
    Merci.
    J'aimerais revenir au rôle actuel de la conseillère. Selon les témoignages entendus par le comité, la conseillère n'est pour le moment pas en mesure de répondre aux demandes. Elle est accaparée par l'établissement de son programme et de règles.
    Je lui ai d'ailleurs demandé ce qui se passerait si une société ouvertement soutenue par EDC suscitait des inquiétudes, voulant savoir si EDC serait alors obligée de collaborer avec elle. Elle n'a pas pu me répondre, car on en est encore à établir le processus.
    En fait, elle n'a pas pu nous dire à quel moment elle pensait pouvoir mettre ce processus en branle. Je le souligne parce qu'on a l'impression que tout fonctionne et qu'on peut d'ores et déjà recourir à ce processus. Le fait est que, pour l'instant, il n'y a pas de processus. Mais nous avons pourtant des inquiétudes, que nous avons évoquées.
    Pour bien des gens, l'avenir de ce projet de loi... Les limites des projets de loi d'initiative parlementaire nous sont bien connues, vous les connaissez sûrement aussi, monsieur Peterson, en tant qu'ancien député. Si ce projet loi doit être adopté, je crois que nous serions avisés d'accéder à la demande des participants à la table ronde et des témoins du secteur minier, soit de nous doter d'un tiers indépendant, de nommer un ombudsman. Je cherche le moyen d'arriver à un terrain d'entente à ce sujet.
    Ma question est donc, monsieur Peterson, ne croyez-vous pas qu'il serait sensé de créer un poste d'ombudsman, comme l'ont recommandé au cours des discussions de la table ronde les intervenants de la société civile et de l'industrie? Ne pensez-vous pas que ça permettrait de balayer certaines de vos craintes sur le projet de loi C-300?
(1050)
    Sans vouloir parler pour M. McKay, au sujet des limites d'un projet de loi d'initiative parlementaire, je suis sûr qu'il aurait voulu un tribunal qui respecterait tous les critères associés à l'équité procédurale, à la transparence et à la diligence.
    Si vous nous demandez de nous prononcer sur la nomination d'un ombudsman, ça dépend de l'équité procédurale...
    Absolument, un tiers...
    ... qui y est rattachée.
    Absolument. Et des ressources.
    Et des ressources nécessaires pour protéger les droits de nos sociétés ainsi que les droits de la personne partout dans le monde.
    Des deux parties, absolument, d'où l'idée d'un ombudsman.
    Si on respectait ces critères, diriez-vous que ce serait une idée sensée? Mon but n'est pas de vous perdre dans le détail.
    Non, mais ça dépendrait des détails.
    Une voix: C'est ce que vous auriez fait en tant que ministre.
    C'est là où je veux en venir.
    Beaucoup de personnes ont compris, je crois, que le projet de loi C-300 n'est pas l'étape finale de la RSE. Ça ne veut pas dire qu'on s'arrête ici, qu'il n'y a plus rien à faire. Il fait partie d'un tout, et, en fait, d'autres mesures sont prises. Tout le monde a parlé de ce qui se fait au sein de sa propre entreprise, mais pour que le gouvernement fasse avancer le processus... Beaucoup d'entre nous souhaitent voir les gouvernements — et j'utilise le pluriel car, avec un peu de chance, d'autres nous emboîteront le pas — adopter un processus pour éviter les poursuites judiciaires.
    J'ai déjà fait référence devant ce comité à ce qui s'est produit dans l'industrie du tabac. Personne ne souhaite voir cette situation se reproduire avec les sociétés minières. Personne. Ni moi, ni vous. Donc, pour éviter les poursuites judiciaires, je pense que nous serions avisés de retenir un processus dont il a été question à la table ronde.
    Merci beaucoup, monsieur Dewar.
    Monsieur Patry, vous avez 10 secondes. J'aurai moi-même une question, donc allez-y rapidement.
    Je voulais répondre à M. Obhrai, mais je répondrai plutôt à M. Abbott.
    On a souligné que le comité approuvait les 27 recommandations de la table ronde, et l'une d'entre elles portait sur la nomination d'un ombudsman. Même le Parlement a voté en faveur de l'ombudsman. Ramenez l'ombudsman, et voilà. J'en ai discuté avec M. McKay et il a dit que nous avions besoin d'un ombudsman indépendant. C'est ce qui va garantir l'équité aux deux parties.
    Merci, monsieur Patry.
    Je veux remercier le comité.
    Je veux prendre encore une minute pour une question, si le président peut s'arroger ce droit. Aux réunions de ce comité, notamment lorsqu'il est question de ce projet de loi, on se croirait parfois dans un roman de John Grisham. Je ne sais pas si vous connaissez cet auteur, mais c'est difficile de choisir la bonne approche par rapport à ces choses.
    Monsieur Peterson, je voudrais revenir sur une question, pas du point de vue d'un ministre, mais du point de vue de la politique. Si vous étiez encore une fois un ministre de premier plan, pas uniquement pour la relation entre le gouvernement et l'industrie que vous souhaitez maintenir, mais aussi politiquement... Les élections approchent, et vous êtes le ministre. M. McKay ou Mme Lalonde a déjà dit que sous le régime actuel, il n'y aurait pas d'enquête par notre conseillère en RSE sur un article paru dans un journal.
    En d'autres mots, si un article paraît dans un journal, on devrait donc... je pense que c'est M. McKay qui a suggéré ça aujourd'hui. Politiquement parlant, si la majorité des Canadiens semblent d'avis que le travail de l'industrie est très suspect, ne serait-il pas explosif de faire comme si vous évitiez le sujet, sans exercer la diligence raisonnable qu'on attend d'un ministre?
(1055)
    Je serais d'avis qu'il serait très préjudiciable pour une société de refuser de faire l'objet d'une enquête à la suite d'une allégation sérieuse.
    Et s'il s'agissait d'une allégation frivole? Si vous écartez l'allégation parce qu'elle semble frivole, les répercussions politiques...
    Les répercussions politiques de n'importe quelle décision ministérielle seront évoquées pendant la période des questions à la Chambre aussi longtemps que les gens voudront en parler. C'est un des problèmes associés à une enquête par le ministre, parce que toute l'enquête elle-même serait soumise à l'examen politique.
    J'ai toujours pensé que les Canadiens voulaient que leur pays soit un chef de file mondial en matière de droits de la personne et d'autres questions comme la RSE, mais il ne faut pas oublier que nos sociétés minières nous apportent aussi beaucoup. Pouvons-nous avoir le beurre et l'argent du beurre? Je crois que oui. D'autres solutions ont été présentées, et c'est probablement la limite de dépenses fixée pour les projets de loi d'initiative parlementaire qui nous empêche d'en étudier d'autres plus constructives encore, dont une qui nous permettrait de favoriser la croissance du secteur minier tout en faisant la promotion des droits de la personne et de la protection de l'environnement dans le monde.
    Merci beaucoup. Nous allons conclure avec vos propos pour aujourd'hui.
    Je veux remercier tous ceux qui ont témoigné devant notre comité aujourd'hui. Votre présence a été très appréciée.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU