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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 mars 2009

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Ceci est la deuxième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce lundi 30 mars 2009. Nous poursuivons les audiences sur la situation au Sri Lanka.
    Pour la première heure, nous accueillons M. Bruce Matthews, professeur émérite à l'Université Acadia, et aussi M. David Cameron, professeur de science politique à l'Université de Toronto. Nous vous souhaitons la bienvenue ici aujourd'hui, et nous vous remercions d'être venus jusqu'à Ottawa pour témoigner devant nous.
    Comme vous le savez, notre comité permet à chaque témoin de faire une déclaration préliminaire d'une dizaine de minutes. Nous entamons ensuite une première tournée de questions.
    Peut-être commencerons-nous avec vous, monsieur Cameron. Nous vous remercions d'être ici.
    J'apprécie d'avoir reçu cette invitation à comparaître devant vous pour discuter de la situation au Sri Lanka.
    Je suis sûr que bien des témoins vous ont déjà parlé du grand nombre de citoyens du Sri Lanka qui souffrent et qui vivent dans un terrible danger au moment même où nous nous parlons, pris dans un étau entre les TLET et les forces du gouvernement dans la zone de conflit à Mullaitivu.
    Plutôt que de parler encore de cela et de courir le risque de répéter ce que d'autres ont déjà dit, j'ai pensé qu'il serait plus utile au comité que je parle un peu des défis à long terme pour le Sri Lanka — en partant de l'hypothèse raisonnable d'une victoire définitive proche contre les Tigres sur le champ de bataille — ce qui pourrait arriver, ce qui devrait arriver après la fin du conflit, et le rôle utile que pourrait jouer le Canada dans cette situation.
    Permettez-moi de commencer par un bref survol de mon expérience avec le Sri Lanka, et un aperçu du contexte de ma réflexion sur l'avenir. Je suis allé au Sri Lanka au printemps 2002, quelques mois après la signature de l'accord de cessez-le-feu entre le gouvernement de l'époque au Sri Lanka, sous le régime du Parti de l'unité nationale, et les TLET. Quand les deux partis ont amorcé des négociations de paix, bien des gens pensaient que la transformation du Sri Lanka en une fédération pourrait favoriser l'avènement d'une paix juste et durable en laissant à la communauté tamoule du Nord un certain degré d'autodétermination au sein d'un Sri Lanka uni.
    Je suis membre du conseil d'administration du Forum de fédération, un réseau international de pays fédéraux fondé par le Canada à la fin des années 1990. Sous ses auspices, Bob Rae et moi-même — M. Rae n'oeuvrait alors pas sur la scène politique — sommes allés au Sri Lanka à de nombreuses reprises pour offrir soutien et conseils tant au gouvernement qu'aux Tigres, et pour préparer des séances d'information et de formation pour les groupes de la société civile.
    Nous avons régulièrement rencontré G.L. Peiris, le ministre du gouvernement responsable de la direction des négociations, de même que d'autres représentants du gouvernement et dirigeants de partis, et aussi les dirigeants des Tigres — Anton Balasingham, S.P. Thamilchelvan, V. Muralitharan, connu sous son nom de guerre, colonel Karuna — à Killinochi et ailleurs.
    M. Balasingham, qui avait déjà une mauvaise santé, est décédé en décembre 2006. M. Thamilchelvan a été tué à l'automne 2007 près de Killinochi, lors d'un raid aérien ciblé du gouvernement. Et le colonel Karuna, le plus haut commandant militaire des TLET dans l'Est, a quitté les Tigres en 2004, portant un coup très dur à leur unité et affaiblissant grandement la position des TLET et le poids qu'ils avaient. Il est maintenant ministre de l'Intégration nationale et de la Réconciliation au sein de l'actuel gouvernement du Sri Lanka.
    M. Rae et moi-même avons assisté à quatre des six rondes de négociation de paix, dont la dernière a eu lieu au Japon en 2003, et nous avons poursuivi avec des missions au Sri Lanka pendant un certain temps après cela. Voilà plusieurs années que je suis allé au Sri Lanka, mais je suis la situation de très près.
    Peu de progrès ont été réalisés pendant le processus de négociation de paix, et je suis convaincu que les pourparlers n'ont pas abouti parce que ni un côté ni l'autre n'était prêt à consentir les pénibles compromis qui auraient été nécessaires pour parvenir à un règlement juste et à imprimer une nouvelle orientation au pays.
    Les Tigres se sont montré très peu disposés à accepter les réalités d'un gouvernement démocratique dans une société libre. Ils ont continué à faire de la contrebande d'armes, à enlever des civils qui étaient au service de l'armée, et à assassiner des rivaux politiques et des fonctionnaires. Le gouvernement, pour sa part, a semblé incapable de capitaliser sur l'occasion qu'il avait créée de faire progresser le processus de négociation, de persuader la communauté majoritairement cinghalaise qu'un important changement allait devoir survenir mais qu'il serait un prix nécessaire pour assurer une paix durable.
    Le gouvernement actuel, sous la direction du président Mahinda Rajapaksa, a affiché à l'égard du processus de paix, depuis le premier jour, un certain scepticisme, et est d'avis que la force militaire est le seul moyen de composer avec les TLET et de mettre fin au conflit. Soutenue par la scission entre les TLET et la faction du colonel Karuna dans l'Est, ainsi que par la mort de plusieurs des grands dirigeants des Tigres, le gouvernement a été victorieux sur le champ de bataille et est à deux doigts de remporter une victoire définitive sur les Tigres.
    Il ne fait aucun doute que c'est un exploit d'importance après 25 ans de guerre civile, mais le succès comporte son lot de défis et de soucis. La défaite des TLET sur le champ de bataille ne mettra pas forcément fin aux actes de terrorisme qui sont un fléau dans bien des régions de l'île.
(1535)
    C'est à cela qu'il pourrait s'avérer très difficile de mettre fin. À en juger par l'explosion d'une bombe, le 10 mars, à une mosquée au sud de Colombo, qui a fait 14 morts et 46 blessés, les Tigres, même s'ils sont au seuil de la mort, n'ont rien perdu de leur capacités de commettre d'atroces actes de terrorisme.
    Qui plus est, la défaite des TLET sur le champs de bataille pourrait être perçue par bien des sri-lankais, et peut-être même par le gouvernement, comme la fin de la route et une conclusion du processus plutôt que comme le début d'un processus nouveau et tout aussi important de réconciliation nationale. Ayant remporté la guerre, est-ce que le gouvernement sera capable d'instaurer la paix et disposé à le faire? Les perspectives sont loin d'être prometteuses. Peu de choses, dans l'histoire du Sri Lanka, et encore moins dans la composition et le leadership du gouvernement actuel, incitent à l'optimisme. Plusieurs gouvernements du Sri Lanka, dans le passé, ont eu l'occasion de cautériser les divisions. Aucun n'a fait preuve d'une grande résolution, ni de goût pour cela. L'actuel gouvernement est lourdement tributaire du soutien des nationalistes cinghalais. Quelles leçons les nationalistes sont-ils susceptibles de tirer de la victoire historique prochaine? Ils ont toujours estimé que le Sri Lanka appartient aux Cinghalais. La défaite des Tigres ne fera que le confirmer.
    Bien sûr, le président Rajapaksa a parlé de justice sociale et de la nécessité de panser les plaies de la guerre. Dans un discours tenu le 4 février, il a déclaré qu'il appartient à la nation dans son entier de faire preuve pour les « gens du Nord... de la bonté et de l'amitié qu'ils méritent et d'assurer leur prospérité ». Le président incite ses concitoyens sri-lankais à agir « avec la dignité d'un citoyen qui aime également le Cinghalais, le Tamoul, le Musulman, le Burgher, le Malaisien et tous les autres qui composent notre nation », et pourtant, il est résolu à assurer « la nature unitaire de l'État » — et c'est là que le bât blesse. Si le pays est composé de toutes ces communautés, pourquoi y a-t-il si peu d'expressions concrètes de cet état de fait dans les affaires de l'État?
    Pour un grand nombre des supporteurs du président, le Sri Lanka n'est pas une société multiculturelle mais une nation cinghalaise singulière avec plusieurs petits groupes minoritaires. Les documents publics sont généralement diffusés en cinghalais seulement. Il n'y a que peu de fonctionnaires qui parlent le tamoul. On entend constamment parler de profilage racial par la force policière, qui est en grande partie cinghalaise. Ces réalités seront des plus difficiles à changer parce qu'elles émanent d'une source spirituelle et idéologique. L'identité d'une large proportion de Cinghalais du Sri Lanka repose sur la conviction que leur société est unitaire et non multiraciale, et même 25 années de guerre ne semblent rien y avoir changé. De fait, pour bon nombre de Sri-Lankais, la victoire sur le champ de bataille sera une confirmation triomphante de ce fait.
    Une action appropriée à la fin de la guerre dépend de la reconnaissance de la valeur des revendications, non pas des TLET, mais des minorités tamoule et musulmane. Après tout, ne faut-il pas reconnaître que quelque chose est brisé avant d'essayer de le réparer? On pourrait espérer que la défaite des TLET permettrait au Sri Lanka de se mettre à réparer ses profondes divisions ethniques et à entreprendre la tâche difficile d'assurer une certaine mesure de justice pour ses minorités tamoule et musulmane.
    Hélas, je crains que ce soit peu probable, en partie parce qu'il faudrait pour cela une réforme profonde et d'envergure de l'ordre politique sri-lankais, et aussi parce que cela supposerait une prise d'assaut de l'identité chérie et de la perception de soi de la majorité.
    Dans ces circonstances, que pourrait faire le Canada pour favoriser la réconciliation et la reconstruction au Sri Lanka, à la suite du conflit? La première chose, d'après moi, c'est qu'il faut que le Canada et les Canadiens soient réalistes quant à l'influence potentielle qu'ils peuvent exercer. Le gouvernement sri-lankais se méfie de l'intervention étrangère et, je pense, estime généralement que les tentatives de la communauté internationale ont en fait été, en grande partie, peu utiles au gouvernement et à ses objectifs centraux. Par conséquent, l'espace pour un apport créatif de la communauté internationale à la suite du conflit pourrait être plus restreint qu'on ne le voudrait.
    Il est clair que la très vaste communauté de la diaspora sri-lankaise au Canada est une ressource potentiellement importante qui pourrait contribuer à la reconstruction et au développement dans les régions du pays dévastées par la guerre, particulièrement dans le Nord. Il est difficile d'imaginer que les Canadiens d'origine sri-lankaise, pour la plupart des Tamouls, seront très intéressés à retourner au Sri Lanka ou à investir dans son développement si l'île reste dominée par une majorité cinghalaise imbue d'un sentiment de victoire sur les TLET.
    Pendant la première ronde de négociation, comme je l'ai dit, un véritable intérêt a été manifesté pour envisager le transfert du pouvoir politique, y compris des modèles fédéraux pour satisfaire aux aspirations d'autoréglementation des Tamouls. Il me semble improbable à l'extrême que le gouvernement du président Rajapaksa éprouve le moindre intérêt pour une telle démarche. L'appui de cet objectif par des politiques internationales, par conséquent, est susceptible d'être mal reçu.
(1540)
    À la lumière de cette sombre analyse, que nous reste-t-il? Le développement économique est une chose, de même que l'aide à la réparation et l'amélioration des infrastructures sociales et économiques qui ont été négligées ou ravagées par la guerre, particulièrement dans le nord et l'est du pays. Ce besoin est criant, et c'est probablement pourquoi le gouvernement serait heureux de recevoir un soutien.
    Tout aussi important, mais plus problématique au plan de l'accueil qui y serait fait, est le soutien de la gouvernance. Le Sri Lanka ne remporterait aucun prix de bonne gouvernance. Freedom House déclare ce pays comme n'étant que partiellement libre, et qu'il est en 92e place selon l'indice de perception de corruption de Transparency International de 2008, après la Serbie, le Sénégal, Panama et Madagascar.
    Un meilleur gouvernement serait avantageux pour tous les Sri-Lankais, qu'ils soient cinghalais, musulmans ou tamouls. En supposant que le gouvernement leur ferait bon accueil, des programmes pour aider le Sri Lanka à aller en ce sens seraient très valables.
    Enfin, puisqu'une vaste décentralisation du pouvoir n'est pas prévisible, des programmes pouvant aider le gouvernement du Sri Lanka et ses citoyens à s'ouvrir au pluralisme culturel, religieux et linguistique qui fait partie intégrante de sa société, et à le respecter, feraient une contribution véritable au climat d'après-guerre qui est sur le point de s'instaurer au Sri Lanka.
    Sur ce plan, il est clair que le Canada a beaucoup à offrir. La question qui se pose, comme ailleurs, est à savoir si le Sri Lanka veut acheter ce que le Canada a à lui vendre? Ce sont toutes de bonnes idées, je pense, mais s'il n'y a aucun marché pour elles dans la réalité concrète de l'après-guerre civile au Sri Lanka, il est difficile d'imaginer qu'elles auront beaucoup d'effet ou de portée.
    J'avoue être désolé d'exposer un si sombre tableau de la situation au Sri-Lanka, mais c'est ainsi que je la vois. Je serais ravi de me tromper, mais je crains fort que ce soit peu probable.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Cameron.
    Nous laissons maintenant la parole à M. Matthews.
    Comme M. Cameron, je tiens à remercier le comité de m'avoir invité ici à témoigner au sujet du Sri Lanka.
    Je vais vous expliquer un peu d'où je viens. J'ai fait des études supérieures là-bas en 1970, comme Boursier du Commonwealth en civilisations bouddhistes. En 1971, alors que j'étais encore étudiant en Peradeniya, a éclaté la première insurrection du front de libération du peuple, Janatha Vimukthi Peramuna. J'ai été pris complètement par surprise, mais alors j'ai changé mon point de mire, et suis passé des études bouddhistes aux études sur la sociologie et la politique contemporaine. Je suis resté dans ce domaine depuis trois décennies, et j'ai beaucoup écrit sur le sujet. J'ai aussi été dans le pays régulièrement, plus récemment en qualité de membre canadien du Groupe international indépendant d'éminents experts, qui s'est réuni, au Sri Lanka, en gros, entre janvier 2007 et avril 2008, soit pendant 14 mois. Je suis allé là-bas à six reprises avec cet organe particulier qui, en passant, s'est avéré une initiative avortée.
    Alors voilà pour mon histoire. Permettez-moi de jeter un oeil sur mon texte, que je vous ai envoyé. Vous l'avez peut-être, ou peut-être pas devant vous, mais je m'en servirai comme référence dans mes observations.
    J'ai été impressionné par l'ampleur des manifestations tenues à Toronto plus tôt ce mois-ci par des Tamouls Sri-Lankais lésés. Elles visaient, bien entendu, en partie, à sensibiliser le public canadien au sort des Tamouls dans le nord du Sri Lanka, où, comme nous le savons bien, des milliers de civils tamouls sont pris dans l'étau des combats militaires opposant l'armée nationale aux TLET. Ces manifestations, bien entendu, étaient aussi un appel à l'aide lancé au gouvernement canadien et à la communauté internationale. C'était un appel insistant à faire quelque chose pour assurer la sécurité de ces civils et, par extension, à prolonger la vie des TLET qui pourraient être une solution aux revendication d'autonomie, sinon de souveraineté pure et simple, des Tamouls.
    Il est très clair que la guerre n'est plus isolée du reste du monde, et cela fait déjà un bon moment. Les yeux du monde sont tournés vers le Sri Lanka. Des accusations sont portées par la communauté internationale, qui ne peuvent être ignorées. À court terme, je ne pense pas que la communauté internationale puisse faire beaucoup, mais j'aimerais néanmoins ajouter quelques observations à celles du professeur Cameron à propos de la participation possible du Canada, même si c'est de manière indirecte.
    L'intervention directe du Canada, ou de tout autre gouvernement dans le scénario sri-lankais est sans doute chose très peu probable, en dépit de la consternation internationale devant les nombreux abus découlant de cette guerre civile. À moins que les deux protagonistes puissent parvenir à une entente sur l'intervention d'un agent extérieur dans la médiation, ce qui est peu probable, le Sri Lanka, d'après moi, devra de lui-même mettre fin à sa guerre civile. Les limites de l'engagement international dans des situations où les droits de la personne sont mis en question est une préoccupation pressante en bien des endroits. Le Sri Lanka est un exemple de pays qui a besoin de réparer très vite sa piètre réputation et sa piètre image à l'échelle mondiale sur ce plan.
    Rien de cela ne suffit à précipiter l'intervention étrangère dans la terrible situation du Sri Lanka. Ce n'est pas comme si la communauté internationale n'a jamais essayé d'aider à mettre un terme équitable à cette guerre. Le professeur Cameron vient de parler du Forum de fédération, qui a fait là-bas un travail exceptionnel.
    Nous pourrions ajouter à cela que les pays du Nord, en particulier, ont assuré la direction et fourni un soutien à deux tentatives récentes. La Norvège a animé les négociations de paix en 2001, lesquelles ont eu pour effet direct un cessez-le-feu des mieux accueilli qui a duré 6 ans, bien que son rôle de tierce partie ait été sérieusement critiqué par les nationalistes comme étant favorable aux TLET et par les activistes de la paix comme n'étant pas assez ferme.
(1545)
    Une seconde mission, la Sri Lanka Monitoring Mission, composée à l'origine de représentants de cinq pays du Nord, a quitté le Sri Lanka en janvier 2008, la veille de l'échéance de l'accord de cessez-le-feu de six ans. Depuis lors, je pense que cet organe de surveillance, modeste mais néanmoins bien organisé, a fait un travail fondamental et louable, sur une période de près de 10 ans dans les régions frontalières entre les parties au conflit. Mais il n'a reçu que peu de remerciements pour ses efforts.
    Une troisième tentative pour aider le Sri Lanka s'est faite par l'intermédiaire du Groupe international indépendant d'éminents experts, j'en parlerai par son acronyme, le GIIE, que le gouvernement sri-lankais avait invité en 2007 à observer et surveiller les délibérations d'une commission présidentielle sur les violations des droits de la personne. J'y étais le représentant canadien. J'ai démissionné après 14 mois, en avril de l'année dernière, ayant conclu que nos conseils n'étaient pas appréciés et, qu'en fait, ils étaient totalement ignorés par l'État. C'est dommage qu'aucune de ces initiatives n'ait porté fruit. En 2005-2006, la mission internationale de surveillance à Aceh, en Indonésie, a produit des résultats très crédibles, ce qui a rarement été le cas au Sri Lanka.
    Bien que le conflit en soit clairement un entre la majorité cinghalaise et la minorité tamoule, il s'agit de bien plus qu'un simple dualisme ethnique — un dualisme parfois qualifié de lutte ethnique primordiale, de lutte ethnique entre l'agresseur monolithique et la victime monolithique. Ce n'est pas le cas. La tragédie du Sri Lanka a été modelée par des forces historiques, territoriales et socioéconomiques, dont le colonialisme, les partis politiques, les questions de caste et la religion. La religion a été emportée dans le drame avec l'éveil du nationalisme bouddhiste. À cela se conjugue l'absence d'une mûre démocratisation du Sri Lanka. Depuis l'indépendance, en 1948, la démocratie et la règle des droit n'ont jamais été des éléments du point de mire intellectuel. Les deux parties au conflit continuent de ressentir d'intenses frustrations.
    Le gouvernement du Sri Lanka est confronté à une sérieuse menace contre la sécurité, laquelle en principe il a le droit légitime de résoudre. C'est ce qu'a exprimé l'année dernière Yasantha Kodagoda, le sous-procureur général du Sri Lanka, lors de la réunion du Conseil des droits de l'homme tenue à Genève, quand il a soutenu qu'en une époque où l'existence même du Sri Lanka, en tant qu'État souverain unitaire, est sérieusement menacée par des terroristes sans scrupules et dangereux, que propose-t-on concrètement au gouvernement sri-lankais, a-t-il demandé, de faire si ce n'est recourir à une action militaire légitime?
    À mon avis, c'était et cela reste une question tout à fait valide. L'État soutient que la guerre civile actuelle est justifiée parce que les TLET ne sont pas préparés à entreprendre sérieusement des négociations, et c'est un fait. Les TLET soutiennent, à juste titre, qu'aucune solution politique crédible n'a été proposée par l'État. Le public cinghalais ne réclame pas à hauts cris une réduction de l'activité militaire comme moyen de susciter une réaction coopérative des TLET, et on ne peut encore entrevoir de fin à cette guerre. Même si les TLET s'effondrent en tant que force terrestre, un effectif armé poursuivra des actions asymétriques et pendant des décennies. Je prévois une vingtaine d'années, à tout le moins.
    C'est central à la tragédie. Toutes les politiques non militantes ont été corrompues par le nationalisme cinghalais extrémiste et l'élimination systématique par les TLET, ces 25 dernières années, des politiciens modérés, tant cinghalais que tamouls. Les deux communautés ethniques ont aussi vécu des décennies d'insurrection en leur propre sein, parfois fondée sur la caste et, certainement, sur la lutte de classe. Ceci a endurci les coeurs à l'égard des violations et atrocités commises, qui sont maintenant choses courantes. De plus, la guerre civile a poussé les deux parties au conflit dans des retranchements idéologiques et tactiques, qui continuent d'enfreindre gravement les droits de la personne des deux côtés du conflit du Sri Lanka.
    La communauté internationale doit critiquer cette violation des droits de la personne et offrir de l'aide quand elle le peut. Par exemple, il y a eu la Conférence des donateurs à Tokyo, en 2003, et il pourrait bien y avoir une chance qu'elle soit relancée sous une forme quelconque. Mais il ne serait pas prudent, à mon avis, que le gouvernement du Canada se mêle activement de permettre au TLET de gagner du temps et de l'espoir pour cette cause sécessionniste.
(1550)
    Je terminerai en soulevant quelques petites choses qu'il serait, selon moi, utile de faire comprendre dans le contexte canadien. Certaines émanent en fait d'un organe humanitaire au Sri Lanka composé principalement de dirigeants religieux, bouddhistes, chrétiens, musulmans, et aussi hindous, d'ailleurs, et je pense que leur liste d'observations est pertinente pour la démarche que nous pourrions adopter.
    Tout d'abord, poursuivez l'approvisionnement alimentaire constant, par l'intermédiaire du Programme alimentaire mondial, aussi longtemps que ce sera nécessaire.
    Deuxièmement, continuez de faire transporter les malades et les blessés, par l'intermédiaire du CICR, vers les hôpitaux qui ont le personnel et les médicaments nécessaires pour traiter ces gens.
    Troisièmement, négociez, puis évacuez tous les civils qui souhaitent quitter la zone de conflit. À cette fin, ce qu'on appelle une pause humanitaire temporaire, plutôt qu'un cessez-le-feu, pourrait être négociée pour permettre cette évacuation.
    Quatrièmement, je suis aussi d'avis que la communauté internationale, pourrait amorcer un dialogue avec les divisions des TLET à l'étranger et, ainsi, peut-être présenter ce que propose la communauté tamoule d'ici, au Canada, sur l'avenir qu'elle pourrait envisager sans les TLET, du moins sous leur forme présente.
    J'ai d'autres notes ici, monsieur le président, sur les mesures de stimulation de la confiance au Sri Lanka et leur absence, mais je pense que je laisserai cela jusqu'à ce qu'on en parle.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Matthews.
    Nous entamons la première tournée de questions.
    Monsieur Rae, vous avez la parole.
    Je partagerai mon temps avec mes collègues.
    Très brièvement, merci à tous deux, messieurs Cameron et Matthews. Je ne poserai pas de question à M. Cameron, parce que j'ai l'impression de trop bien le connaître.
    J'aimerais surtout demander à M. Matthews s'il peut nous parler un peu plus longuement de son expérience avec le GIIEE, parce que je pense qu'il pourrait être bon pour les membres du comité de comprendre la nature de ce processus et ce qu'il a donné.
(1555)
    Je vous remercie, monsieur Rae, ce sera avec plaisir, et en peu de mots.
    Le gouvernement du Sri Lanka avait invité le GIIEE au Sri Lanka. Rien ne lui a été imposé. En passant, je tiens à dire tout de suite, au cas où je l'oublierais plus tard, que je pense que c'est la dernière fois qu'un organe international sera invité par le gouvernement du Sri Lanka, du moins sous le régime de Rajapaksa.
    C'est parce que nous avons fait notre travail très en profondeur, et il s'est trouvé que c'était trop difficile à accepter pour le gouvernement — ce que nous proposions, relativement à ce que nous pensions être notre mandat. Notre mandat était d'observer un comité mis sur pied au Sri Lanka, composé de Sri-Lankais, dont trois Cinghalais, deux Maures du Sri Lanka et deux Tamouls du Sri Lanka. C'était donc un comité multiculturel. Beaucoup étaient des avocats. C'étaient tous des gens très distingués. Ils avaient tous le coeur à l'ouvrage, et ils étaient honnêtes. Mais leur budget était limité et ils étaient contrôlés de très très près par le bureau du procureur général.
    Le procureur général du Sri Lanka n'aurait pas dû être mêlé aux travaux de la commission d'enquête qui devait, en vertu de son mandat, déterminer ce qui avait pu mener à ces situations d'atrocités particulières. La commission d'enquête aurait dû poser la question à tout l'appareil ou au système de l'État. Où l'État, sa police et son système judiciaire, ont-ils échoué? Pourquoi la police et le système judiciaire n'ont-ils pas pu résoudre ces atrocités relatives aux droits de la personne, ou ces abus, dès le départ? Et pourquoi ont-elles traîné en toile de fond pendant trois ou quatre ans, sans jamais être résolues?
    Au lieu de cela, la commission d'enquête a piétiné sur place à essayer d'établir une perspective initiale sur tous ces cas, sans se demander pourquoi le système avait échoué, mais revenant au point de départ et interrogeant tous les soi-disant témoins des atrocités originales. Cela a pris un temps fou. Tout s'est fait en anglais et a dû être traduit en cinghalais. J'étais le seul au GIIEE à pouvoir parler le cinghalais. C'était donc nécessaire pour que ce soit accessible en anglais, mais pourtant, nous y avons consacré 30 p. 100 de notre temps. Alors les séances sont devenues des plus fastidieuses et, de plus, elles ne menaient nulle part.
    Nous donnions notre avis périodiquement. Toutes les six semaines, nous donnions notre avis à la commission d'enquête et lui laissions deux semaines pour nous répondre. Après avoir reçu sa réponse, nous publions nos observations, qui étaient diffusées dans les médias, et elles n'étaient pas toujours flatteuses.
    Certaines de ces soi-disant atrocités concernaient une seule personne, par exemple, l'assassinat du ministre des Affaires étrangères Kadirgamar. D'autres étaient des affaires énormes, comme la mort de 137 marins quand une bombe a explosé à un arrêt d'autobus près de Dambulla.
    Mais le cas qui nous a paru particulièrement poignant a été l'assassinat de 17 travailleurs de l'aide d'Action contre la faim, une ONG française qui travaillait dans le village musulman de Muttur, au sud de Trincomalee. Bernard Kouchner, l'actuel ministre des Affaires étrangères de la France, siégeait au GIIEE à l'époque. Il a tenu à ce que nous nous concentrions sur cette affaire, alors c'est ce que nous avons fait. Au bout du compte, cette affaire nous a pris six de nos 14 mois, et elle n'a même pas été près d'être résolue, même s'il était parfaitement clair que c'était l'oeuvre des forces de l'État.
    Après un certain temps, il est apparu clairement que les directives que recevait la commission d'enquête provenaient du bureau du procureur général, ou même de plus haut. Ils sont devenus très insultants à l'égard de P.N. Bhagwati, un ancien juge en chef de la Cour suprême de l'Inde qui était le président du GIIEE. Il a conclu, en gros, que si la situation ne s'améliorait pas, que nous devrions démissionner, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons démissionné au bout de 14 mois.
(1600)
    Je ne dis pas que c'est un échec, pas plus que je dirais que l'initiative du Forum des fédérations a été un échec. Je pense que nous y avons ajouté une dimension.
    Je préfère penser que ce n'était pas un échec.
    Merci, monsieur Matthews.
    Monsieur Patry, très rapidement.
    Merci beaucoup. Je vous rassure: je m’en tiendrai à des questions très brèves.
    La première est la suivante. De toute évidence, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) seront vaincus; ce n’est qu’une question de temps. Est-il possible que la collectivité tamoule puisse acquérir une autonomie particulière après leur défaite? Pourra-t-on encore envisager une certaine autonomie — je ne parle pas de souveraineté —, ou est-ce que le débat sera clos?
    Ma deuxième question s'adresse à M. Matthews. Vous avez parlé de forces historiques, territoriales et socioéconomiques complexes, ainsi que du retour en force du bouddhisme et du nationalisme. Selon vous, y a-t-il parmi les bouddhistes ou les hindous des leaders qui pourraient aider à résoudre le problème? Il semble y avoir des divergences prononcées entre les deux groupes.
    Voilà qui met fin à mes questions.
    Pour être franc, je ne crois pas qu’une forte décentralisation soit possible. Il faudra attendre de voir la suite donnée à la 13e modification constitutionnelle, qui prévoit la formation de conseils provinciaux, une mesure prévue depuis très longtemps qui n'a jamais vraiment été mise en place. On en discute, et certaines mesures très limitées ont été prises.
    En ce qui concerne la décentralisation du pouvoir de l’État, la majorité cinghalaise — habituellement bien représentée au sein du gouvernement — y est farouchement opposée. En fait, le seul moment où la possibilité en a réellement été évoquée, c’est lors des pourparlers de paix, lorsque le gouvernement a brièvement eu un interlocuteur puissant de l'autre côté de la table, les Tigres. Actuellement, il n’a plus d’interlocuteur à la table de négociations et, en fait, il n'y aura même plus de négociations lorsque les TLET auront été écrasés. Dans ce contexte, une décentralisation importante du pouvoir de l'État n'est pas envisageable.
    Qu'en est-il de la religion?
    Pour les Cinghalais, le bouddhisme fait partie de l'identité nationale. Ce n'est pas le cas de l'hindouisme chez les Tigres. En réalité, beaucoup d'entre eux sont catholiques, s'ils pratiquent une religion. Si vous voulez définir la situation comme étant une sorte de guerre religieuse, il faudrait que ce soit une description très générale qui ne s'appliquerait qu'aux nationalistes cinghalais de l'extrême droite qui désirent y intégrer cette dimension. Dans une certaine mesure, le Jathika Hela Urumaya et d'autres groupes Desha Premi — des groupes nationalistes — l'ont fait pendant 40 ou 50 ans.
    À mon avis, la situation s’apparente plutôt à celle de l'Irlande du Nord, où le catholicisme et le protestantisme sont venus se greffer à un drame essentiellement politique: dans le sillage d'une situation politique, la religion s'y est taillée une place, tragiquement. Nous savons tous sans aucun doute que l'archevêque de Canterbury et le pape... Personne n'aurait voulu d’une guerre religieuse en Irlande, mais c’est ce qui est arrivé. C’est là mon point de vue, monsieur.
    Merci, monsieur Matthews.
    M. Dorion a maintenant la parole.

[Français]

    Monsieur Dorion, vous disposez de sept minutes.
    Ma question s'adresse à M. Cameron et à M. Matthews. On a souvent l'impression que les Tamouls vivant à l'étranger, ayant quitté le Sri Lanka, appuient de façon absolument massive les Tigres. Est-ce également votre opinion?

[Traduction]

    Les Tigres ont été très efficaces dans l’organisation et la direction de la diaspora tamoule et dans l'exercice de pressions politiques sur elle, dont les Tamouls canadiens bien entendu, particulièrement ceux de Toronto.
    Le problème, c’est qu'il n'y a pas d'autre formation politique vers laquelle peuvent se tourner les Tamouls pour obtenir des réformes ou la justice pour la minorité tamoule du Sri Lanka. L’absence de pareils partis politiques vient notamment du fait que les TLET ont tué leurs opposants et concurrents. Leur mouvement a un passé très violent. À l'échelle internationale, ils ont été très efficaces dans leur action en vue d'obtenir des appuis au sein de la communauté internationale et un soutien financier, grâce aux pressions exercées sur des gens qui, autrement, ne les auraient peut-être pas appuyés spontanément.
    Vous avez pu observer le nombre de drapeaux des Tigres dans le rassemblement de Toronto. De même, il y a beaucoup de sensibilité à leur égard partout ailleurs. Cela s’explique entre autres par l’absence d’un autre mouvement politique auquel pourraient se rallier les Tamouls en quête de réformes.
(1605)

[Français]

     Monsieur Matthews.
    J'espère que cela ne vous dérange pas si je réponds en anglais.

[Traduction]

    Dans ce cas précis, les TLET éradiquent, éliminent, anéantissent ou neutralisent — peu importe le mot choisi — toute opposition tamoule, et ce depuis 25 ans maintenant. La longue liste de modérés cinghalais et tamouls tués par les Tigres illustre sombrement la rigueur de leur plan d'avenir pour l'ethnie. La contestation n'y a pas sa place.
    C'est manifestement le cas au Canada. Sauf tout le respect que je dois à la collectivité tamoule canadienne, je me demande vraiment comment les Tamouls peuvent, même entre eux, discuter d'autres solutions politiques. Il n'ont pas d'alternative, du moins publiquement et c'est vraiment dommage.
    Monsieur Cameron.
    Permettez-moi de faire une autre observation. Je crois que les Tamouls, au Sri Lanka comme partout ailleurs, auront bientôt un défi de taille à relever, car les TLET ne seront plus là pour les aider ou pour leur nuire, de toute évidence.
    Le TLET n'aura plus l'influence qu'il avait jusqu'ici. Il faudra donc se demander comment les Sri-Lankais qui ont leur pays et le sort des Tamouls sri-lankais à coeur vont s'organiser. Que peut-on mettre sur pied afin d'appuyer ces aspirations? Ce sont là des questions cruciales auxquelles il faudra simplement faire face au cours des prochaines années.

[Français]

    Monsieur Cameron, vous avez parlé d'un dirigeant des Tigres, M. Karuna Amman, qui a changé de côté et qui est maintenant ministre dans le gouvernement cinghalais. Croyez-vous qu'il s'agit d'un geste inspiré seulement par l'opportunisme personnel ou cela exprime-t-il une vision différente de ce que doit être l'avenir des Tamouls au Sri Lanka?

[Traduction]

    À mon avis, il n’y a pas qu’un seul facteur. D'abord, je crois qu'il y avait déjà des tensions non observables de l’extérieur au sein du mouvement des Tigres, des tensions entre les Tamouls de Jaffna et ceux de l'Est. M. Amman était le commandant des forces de l'Est. Je ne connais pas les détails, mais je crois que la frustration s'est accumulée à un point tel qu'il a décidé de se séparer des TLET. Lorsqu'il est parti, il a entraîné avec lui beaucoup de gens.
    D'ailleurs, selon ce que je comprends, il a toujours plutôt fait partie de l'aile modérée des TLET. Il y avait donc peut-être certaines frustrations à cet égard.
    Sans aucun doute, puisqu'il fait maintenant partie du gouvernement et que ses forces se sont implicitement jointes à l’armée après avoir quitté le TLET, il est évident qu'il y a aussi une part d’ambition personnelle.
    Je crois qu'il y a au moins ces trois facteurs.

[Français]

    Il semble que les Tigres ont une détestation particulière pour les musulmans, qui sont pourtant, en général, des Tamouls eux-mêmes. Quelle est l'origine de cela?

[Traduction]

    Je vais laisser M. Matthews vous répondre, car il a étudié la question de plus près que moi.
    La collectivité musulmane, qui représente au moins un million de personnes, est répartie sur tout le territoire de l'île, sauf dans le nord, d'où elle a été expulsée par les Tigres au début des années 1990. Dans la province de l’Est, les musulmans sont en très grand nombre, soit le tiers de la population environ. Dans certaines parties de la province où il est évident qu’ils sont en majorité, comme Ampara, ils aimeraient eux aussi avoir une certaine autonomie, non pas comme un État sécessionniste, mais comme une province ou une circonscription bien distincte.
    Après l’indépendance du pays, les musulmans ont aussi très sagement rejoint des partis politiques cinghalais dominants. Pendant 30 ou 40 ans, leur position politique a beaucoup gagné en crédibilité parce qu'ils ont collaboré avec les deux principaux partis: le Parti national unifié et le Parti de la liberté du Sri Lanka. C'est seulement au cours des 15 ou 20 dernières années qu'ils ont commencé à se distancer et à former leurs propres partis politiques, tels que le Congrès musulman du Sri Lanka. Ils continuent néanmoins de coopérer avec l'État; ils n’appuient pas les TLET et ils seraient ravis de les voir disparaître.
(1610)

[Français]

    Est-ce que je peux poursuivre?

[Traduction]

    Non. Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus témoigner, messieurs. Nous avons bien sûr beaucoup lu au sujet du travail que vous avez effectué là-bas.
    Tout d'abord, monsieur Matthews, vous avez dit que ce que le Canada peut faire pour l'instant, c'est notamment d'amorcer un dialogue avec les groupes locaux des TLET. La suggestion pose toutefois problème, car les Tigres tamouls figurent sur la liste canadienne d'entités terroristes, et toute activité sur ce plan peut entrainer des conséquences politiques au sein même du pays. La dernière fois, néanmoins, j'ai effectivement recommandé à la collectivité tamoule de trouver des moyens de travailler au problème de l'étranger.
    Selon tous les témoignages que nous avons entendus, il ne fait aucun doute que l'heure des Tigres a sonné. Il y a un vide dans la collectivité tamoule. Le gouvernement sri-lankais a pris des mesures draconiennes. Tous les témoins qui sont venus ici nous l'ont dit très clairement. Bien sûr, comme vous y avez fait allusion, la guerre se poursuivra même après la défaite des TLET. Le seul moyen d'y mettre fin sera la voie de la réconciliation.
    La guerre se résumera un jour par une réconciliation, même si rien ne la laisse présager pour l'instant — le vide dans la collectivité tamoule, le gouvernement, le mouvement national cinghalais. Le Canada ne peut peut-être rien faire de substantiel, mais je crois que la communauté internationale devrait occuper le vide jusqu'à ce que d'autres leaders, des membres modérés, émergent de la collectivité tamoule et du gouvernement et ouvrent la porte à la réconciliation. Je suis certain que toute la violence actuelle finira, comme partout ailleurs, par produire des modérés.
    La participation des acteurs régionaux — l'Inde et le Pakistan, notamment, ainsi que nous-mêmes — serait actuellement l'élément clé pour combler le vide. Ma question est donc la suivante. Êtes-vous d'avis que ce serait la démarche la plus appropriée à adopter maintenant? Dans l'affirmative, comment faut-il procéder, selon vous?
    Du point de vue du gouvernement du Canada?
(1615)
    Voilà.
    Il faut indiquer que nous sommes très intéressés et sérieux lorsque nous conseillons vivement au gouvernement sri-lankais de s'occuper de la crise humanitaire dans la province du Nord et continuer à demander la pause humanitaire dont je vous parlais tout à l'heure, plutôt qu'un « cessez-le-feu » pendant lequel les TLET auraient l'occasion de se regrouper. Personne ne le souhaite, sauf les TLET purs et durs, bien sûr. Le Canada a effectivement la responsabilité d'affirmer publiquement et internationalement qu'il appuie fortement toute initiative humanitaire visant à évacuer les civils de la zone de combat.
    Ensuite, si le Canada est en mesure, par l'intermédiaire de ses programmes d'aide et de son poids politique sur la scène internationale, de persuader le Sri Lanka d'envisager plus sérieusement l'établissement d'un gouvernement durable et respectable dans la province du Nord, qui permettrait aux Tamouls sri-lankais de conserver leur identité et leur héritage et d'accéder à une certaine dignité... En ce moment, je doute que cela se produise. Je me demande même s'il existe des leaders tamouls capables de s'acquitter de ces fonctions.
    Cela étant dit, je continue de croire qu'il faut indiquer que c'est ce que nous souhaitons et rappeler au gouvernement du Sri Lanka que c'est également une question importante pour nous, puisque 300 000 Tamouls environ vivent au Canada. De fait, nous voulons voir à ce qu'ils aient une place dans la société canadienne et qu'ils ne soient pas carrément affligés par ce qui se passe dans leur pays d'origine. C'est peut-être une façon indirecte de dire que je continue de croire que le gouvernement canadien devrait pouvoir formuler une position humanitaire solide et aussi d'exercer des pressions pour que la province du Nord — et l'Est aussi, d'ailleurs — acquière une autonomie crédible lorsque les choses s'apaiseront.
    Actuellement, la province de l'Est a théoriquement aligné sa position sur celle du gouvernement, mais c'est une paix froide. J'y étais il y a seulement quelques mois, et l'expression « paix froide » décrit bien la situation; il y a des barrages policiers partout. Les gens continuent d'avoir très peur de parler, de s'exprimer. À strictement parler, la région n'est bien sûr pas sous l'emprise des TLET, mais la vie y est encore difficile.
    Merci, monsieur Matthews.
    Monsieur Goldring, vouliez-vous...?
    Oui. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Matthews, d'une part, dans vos notes d'allocution, vous mentionnez l'immaturité démocratique du Sri Lanka. D'autre part, nous avons parlé plus tôt d'autonomie et d'autodétermination. Remontons à l'époque où le pays était encore sous l'autorité britannique, juste avant l'indépendance. Il a alors bien fallu que la Grande-Bretagne envisage ces deux éventualités. Pourtant, elle n'a pas abordé la question pour une raison ou une autre. Nous ramenons maintenant le sujet de l'autodétermination et de l'autonomie sur la table, et les mêmes problèmes risquent de se poser à nouveau, à mon avis, puisque ces principes sont en eux-mêmes fractionnels et risquent d'inquiéter le gouvernement.
    Ma question est la suivante. Le Commonwealth serait-il plus apte à étudier la question et à fournir quelques conseils? Il a de l'expérience dans le domaine et il pourrait peut-être aider à départager ce qui est possible de ce qui ne l'est pas si cette voie était adoptée. Le Sri Lanka n'est certainement pas le premier pays à éprouver de grandes difficultés à s'occuper de l'autodétermination de petites entités terroristes, et l'opposition peut s'avérer farouche.
    Étant donné que la situation a été exacerbée par beaucoup d'actes terroristes commis par une minorité, le Commonwealth serait-il le mieux placé pour déterminer la faisabilité d'une pareille initiative pour le gouvernement?
    Très brièvement, monsieur Matthews.
    Très brièvement, je dirais que non. Dans la conjoncture actuelle, le gouvernement sri-lankais serait fermé aux conseils du Commonwealth et, en fait, de quiconque.
    Par ailleurs, vous avez effectivement soulevé un point très intéressant en utilisant le mot « terrorisme », et je crois que c'est une partie du problème depuis le tout début. Le gouvernement sri-lankais a défini la crise actuelle comme étant le résultat d'une activité terroriste. Par contre, pour un Tamoul, c'est plutôt une activité de libération. Ce détail me préoccupe également lorsque j'analyse ce que peuvent faire les pays étrangers. Puisque les TLET ont tant été associés au terrorisme, il ne semble impossible de faire comprendre qu'à la base, ces gens revendiquaient une libération.
    Merci, monsieur Matthews.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins pour leurs exposés.
    Je suis à nouveau démoralisé. Ne le prenez pas personnellement; vous n'êtes pas les seuls porteurs d'analyses négatives et de mauvaises nouvelles...
    Une voix: C'est tout de même une bonne analyse.
    M. Paul Dewar: Je vous le concède. C'est seulement que nous essayons de déterminer la situation réelle sur le terrain. Du point de vue international, le constat que nous a dressé la Croix-Rouge est on ne peut plus alarmant. Je souligne qu'hier soir, nous avons enfin eu droit à un reportage sur un réseau national. Il y en a eu un sur CBC — je ne sais pas si vous l'avez vu —, mais les nouvelles à ce sujet sont rares. Nous entendons surtout les journalistes nous parler des difficultés auxquelles ils butent lorsqu'ils tentent de faire leur travail là-bas. Enfin, n'oublions pas que certains d'entre eux y perdent la vie. Que faut-il donc en conclure? Vous nous avez fourni quelques pistes.
    Monsieur Cameron, je vais commencer par vous. Je crois fermement qu'un régime fédéral de gouvernement peut servir de modèle à d'autres pays, mais il est ici décrit comme un sujet tabou dont il ne faut pas parler — en ce qui concerne le gouvernement, du moins.
    Si le gouvernement sri-lankais affirme qu'il éliminera toute opposition — c'est son objectif —, le Canada doit-il attendre que le conflit soit terminé avant d'intervenir? Est-ce tout ce que nous pouvons faire? Le reportage d'hier soir était très clair: ses victoires militaires l'ont regonflé à bloc. Il n'y a donc pas beaucoup plus à faire, sinon attendre que l'exercice militaire... Je n'aime pas utiliser ces mots parce qu'ils tendent à un certain euphémisme, mais est-ce tout?
(1620)
    Je crois que oui. Vosu soulevez une question de principe parce que, si j'ai bien compris, vous semblez demander si nous pouvons faire quelque chose pour soutenir les TLET, pour empêcher leur cause de s'évaporer.
    En effet.
    D'accord. À vrai dire, étant donné la nature de l'organisation et la manière dont elle est dirigée, il faudrait en faire un enjeu politique. Comme je l'ai dit dans mon exposé, lorsque j'ai participé aux pourparlers de paix, les Tigres ne donnaient aucun signe palpable ou sérieux de leur volonté de participer à une démocratie pluraliste, de respecter les opinions des autres ou de discuter des problèmes. Pour eux, le recours aux armes était la solution à leurs maux.
    À moins qu un revirement radical des TLET, il y a réellement lieu de se demander si c'est désirable. Toutefois, même si ce l'est, je doute que le Canada ou un autre pays soit capable de demander au gouvernement sri-lankais de revenir sur sa décision ou de le convaincre de quoi que ce soit, maintenant qu'il a réussi à mettre les Tigres au pied du mur après 25 années de guerre civile.
    Monsieur Matthews, d'autres témoins nous ont proposé certaines mesures que nous pouvons mettre en oeuvre. Vous avez souligné, et vous n'êtes pas le seul, que des pays européens sont déjà intervenus et qu'ils en ont une certaine expérience, particulièrement la Norvège. M. Goldring a également parlé du Commonwealth.
    J'ai posé une question à un autre témoin la semaine dernière à propos de l'idée de mettre sur pied un groupe de contact formé de pays honnêtement intéressés — dont le Canada, évidemment — à faire un effort concerté pour déterminer ce qui peut être fait collectivement. Le groupe pourrait envoyer directement un message au gouvernement pour lui faire part de nos préoccupations communes et avec un peu de chance, dès que les hostilités auront pris fin, de ce qui peut être fait parce que la paix est loin d'être gagnée.
    Je me demande ce que vous pensez de cette idée.
    Je n'y vois aucun mal, mais ne sais pas à quel point c'est utile.
    Oui. C'est ce que j'entends dire.
    Voilà. Toutefois, il n'y a sans doute pas de mal à le faire.
    Il y a eu tellement d'initiatives récemment. L'autre jour, je lisais que dix anciens ambassadeurs américains ont écrit à Mahinda Rajapaksa pour lui demander s'il était conscient que son pays était en train de devenir un État autoritaire, presque fasciste. Je ne sais pas si ce sont là les termes employés, mais les anciens ambassadeurs américains le prévenaient discrètement qu'il était sur la mauvaise pente.
    Je suis donc certain que le gouvernement du Sri Lanka en est très conscient. Le groupe que vous venez tout juste de décrire serait probablement vu par le gouvernement sri-lankais comme une autre tentative d'ingérence. Néanmoins, si nous pouvons au moins lui conseiller d'adopter à l'avenir ce que nous estimons être une position honnête et crédible, c'est toujours mieux que rien.
(1625)
    Je vais vous poser une question que j'ai posée à d'autres témoins. Serait-il utile d'envoyer l'un de nos ministres au Sri Lanka pour qu'il communique sans équivoque et directement notre position au gouvernement?
    À vrai dire, monsieur, j'en doute. Je ne crois pas que pareille initiative serait bien vue des Sri-Lankais dans les circonstances actuelles, alors qu'il y a beaucoup de chauvinisme dans l'air et que l'on estime que la victoire est proche. Ce serait perçu comme de l'ingérence et le Canada n'a rien à y gagner.
    Je ne sais pas ce que vous en pensez, par contre, David.
    Je crois que le Canada doit continuer à exprimer ses inquiétudes et à insister pour que des normes soient respectées, là comme dans n'importe quel autre pays. Le Canada et les autres pays devraient passer le message au Sri Lanka, mais je doute que cela ait un impact à court terme.
    Honnêtement, ce qui m'inquiète, c'est qu'étant donné que le Sri Lanka est un très petit pays, une petite île dans l'océan Indien, et non un centre de conflits comme le Moyen-Orient, il peut facilement tomber dans l'oubli. Il sera difficile de garder la question du Sri Lanka et du traitement équitable des minorités au coeur des préoccupations de la communauté internationale.
    Ce sera un grand défi, mais je pense qu'il est très important de donner notre point de vue et d'exercer des pressions sur le Sri Lanka, même si, à court terme, cela n'a pas un impact important.
    Merci beaucoup, monsieur Cameron.
    Je vais céder la parole à Mme Brown, pour une question très brève.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Matthews, ma question s'adresse peut-être davantage à vous, bien que vous ayez tous les deux une opinion là-dessus, j'en suis sûre.
    Monsieur Matthews, vous avez parlé du dualisme des communautés tamoule et cinghalaise et du dualisme au sein même de leurs groupes. Vous avez également tous les deux mentionné les nombreuses initiatives de paix entreprises par la communauté internationale.
    Pourriez-vous nous parler de l'entente conclue grâce à l'intervention de la Norvège et qui a débouché sur le plus long processus de paix jamais mis en place? Cela pourrait-il nous servir de quelque façon pour entamer une nouvelle initiative?
    Monsieur Matthews, à ce chapitre — mais je ne vais pas vous poser une deuxième question —, j'ai remarqué que vous aviez parlé d'établir la confiance. Nous devons souvent bâtir la confiance petit à petit; c'est un processus à long terme.
    Ma question porte donc premièrement sur le processus de paix norvégien, et deuxièmement, sur le renforcement de la confiance.
    Chandra Kumaratunga, qui était alors président du Sri Lanka, avait demandé l'intervention de la Norvège pour faciliter les pourparlers. Le président actuel n'est pas du tout intéressé à ce que la Norvège ou tout autre pays fasse la même chose.
    Mais y a-t-il le moindre élément de cette initiative de paix dont nous pourrions nous inspirer?
    Voulez-vous essayer de répondre, David? De prime abord, je ne crois pas qu'il y en ait.
    Je pense que le Canada a une leçon à tirer de l'expérience de la Norvège, mais ce n'est pas vraiment un élément propre au processus de paix. Ce qui m'a étonné et beaucoup impressionné, c'est le fait que la Norvège a affecté de grands experts des domaines politique et administratif à ce projet, ainsi que leur persévérance. Ils n'ont jamais lâché, jour après jour, durant des années, et ils ont investi beaucoup de temps, d'énergie et d'intelligence à soutenir ce processus et à le faire aboutir. Je félicite la Norvège, et je crois que la leçon que le Canada doit en tirer, c'est qu'il peut y avoir — pas nécessairement au Sri Lanka, mais peut-être dans d'autres pays du monde — des moments et des possibilités comme celle-ci dans laquelle un engagement important de la part d'un pays relativement petit, et la Norvège est un pays beaucoup plus petit que le Canada, peut faire toute la différence. C'est un rôle que les petits pays peuvent jouer, mais pas les grandes puissances. C'est une chose à laquelle nous devrions songer sérieusement en ce qui concerne notre politique et notre planification du développement et de l'aide internationale.
(1630)
    Merci beaucoup à vous deux.
    Oui.
    Je viens d'apprendre que le gouvernement du Sri Lanka envisage une trêve pour des motifs humanitaires.
    Une trêve pour des raisons humanitaires? Peut-être qu'il suit nos délibérations. Je ne savais pas qu'elles étaient retransmises en direct au Sri Lanka.
    Je vous remercie de cette mise à jour, monsieur Obhrai.
    Monsieur Matthews, souhaitez-vous faire une observation à ce sujet?
    Non, j'aimerais répondre à la question sur les castes et les conflits internes de ces deux groupes.
    Il s'agit d'un enjeu extrêmement important dont très peu de gens sont conscients à l'extérieur du Sri Lanka. Je ne vais pas en parler en détail maintenant, si ce n'est pour dire que les castes sont un phénomène propre au sous-continent indien, phénomène qui s'est étendu au Sri Lanka. C'est un sujet dont on ne discute pas en public, comme on ne parle pas de sa vie sexuelle; c'est une chose très privée. Toutefois, dans le contexte de la population cinghalaise et des TLET, il y a des guerres internes de castes, et elles font assurément partie de la complexité de la situation, même si nous n'en tenons pas toujours compte. Cela vous montre à quel point ce problème est ancré dans la culture: même les questions d'ordre économique font l'objet d'une interprétation culturelle, ce qui les rend d'autant plus imprévisibles. C'est presque comme si rien ne pouvait protéger l'identité des Sri-Lankais d'aujourd'hui contre ce gouffre ethnique. Le phénomène des castes est complexe, et je voulais souligner que nous n'en savons pas beaucoup à propos de ce problème.
    Merci beaucoup. Nous allons suspendre la séance pendant environ 30 secondes, le temps que nos invités se retirent et que nos prochains témoins s'installent.
    Durant la deuxième heure, nous allons poursuivre nos audiences sur la situation au Sri Lanka. Nous venons d'apprendre que le gouvernement sri-lankais envisage un cessez-le-feu dans la partie Nord du pays pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire.
    Durant cette heure, nous allons entendre le témoignage des représentants de la Sri Lanka United National Association of Canada.
    Je vous invite à vous présenter, puis à faire une brève déclaration. Nous entamerons ensuite une première série de questions. Chaque parti dispose de sept minutes, et au premier tour, nous allons essayer de nous en tenir à environ 10 minutes chacun.
    Vous pouvez donc, monsieur Weerasinghe ou monsieur Gunasekera, vous présenter et faire votre déclaration. Merci.
    Je m'appelle Mahinda Gunasekera et je suis le président de la Sri Lanka United National Association.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner.
    Comme vous le savez, le Sri Lanka est une petite île. Sa superficie totale est d'environ 25 000 milles carrés. Il compte près de 20 millions d'habitants d'origines et de religions diverses, dont 78,4 p. 100 appartiennent aujourd'hui à la communauté cinghalaise. La communauté tamoule sri-lankaise est passée de 12,6 p. 100 à moins de 8 p. 100, en raison de son exode massif du pays. Les Tamouls indiens, que les Britanniques ont fait venir au pays pour travailler dans les plantations, représentent environ 5,4 p. 100 de la population. Les Maures, des musulmans, représentent environ le même pourcentage de la population que les Tamouls sri-lankais, soit 7,8 à 7,9 p. 100. Il y a aussi un très petit pourcentage de Malais et de Burghers, des descendants des Néerlandais.
    Je vais vous parler des principales revendications de la communauté tamoule. La première porte sur la langue.
    L'anglais a été remplacé en 1956 par le cinghalais, devenu la langue officielle. Comme elle est utilisée par 78 p. 100 de la population, le fait de permettre une utilisation raisonnable du tamoul, y compris l'accès à une éducation gratuite en tamoul de la maternelle à l'université, était tout de même considéré comme de la discrimination contre la population tamoule. L'anglais, qui a été introduit par les administrateurs coloniaux, était parlé par moins de 6 p. 100 de la population, et la majorité n'avait pas accès à l'enseignement en anglais, même après 133 ans de régime britannique.
    Les droits linguistiques des Tamouls ont été progressivement renforcés. Leur langue a par la suite été déclarée langue nationale en vertu de la Seconde constitution républicaine de 1978. Plus tard, elle a été élevée au rang de langue officielle à la suite de l'Accord de 1987 entre l'Inde et le Sri Lanka, et elle a été placée à égalité avec le cinghalais.
    Le problème des droits linguistiques a été résolu en 1978, en l'espace de 22 ans, et ne peut donc être l'une des causes de l'insurrection armée lancée dans les années 1980.
    L'autre question soulevée porte sur la citoyenneté des Tamouls indiens, les travailleurs à long terme que les Britanniques ont fait entrer au Sri Lanka pour les faire travailler dans les plantations de thé, de café et de cacao nouvellement établies sur des terres confisquées aux paysans et aux propriétaires terriens cinghalais, sans qu'un sou n'ait été versé en compensation à ces Cinghalais déplacés de force.
    Les Tamouls indiens, qui ne considéraient pas le Sri Lanka comme leur patrie, étaient des travailleurs migrants qui retournaient dans leur Tamil Nadu natal, dans le sud de l'Inde, après de courtes périodes d'emploi, et qui n'ont donc pas eu droit à la citoyenneté dans le Ceylan nouvellement indépendant, qui s'appelle maintenant le Sri Lanka. Ils ne remplissaient pas les conditions de résidence requises, soit sept ans, pour obtenir la citoyenneté. Les Tamouls indiens qui n'ont pas obtenu la citoyenneté sri-lankaise et qui sont restés apatrides ont plus tard réussi à l'obtenir grâce à un règlement à l'amiable entre le Sri Lanka et l'Inde en vertu du pacte Sirima-Shastri de 1963.
    On a également soulevé la question de la discrimination présumée contre les étudiants tamouls. L'affirmation selon laquelle les élèves tamouls ont fait l'objet de discrimination à cause de la normalisation des notes dans les années 1970 est un autre bobard.
    Le projet de normalisation a été présenté comme un programme d'action positive pour compenser les désavantages que subissaient les élèves des écoles rurales, dans lesquelles il n'y avait pas d'enseignants qualifiés, de bibliothèques, de laboratoires, etc., par rapport aux élèves des écoles urbaines établies depuis longtemps et dotées de meilleures installations. Selon ce programme, les élèves des écoles urbaines devaient obtenir une moyenne plus élevée pour être admis dans les universités. Ce programme a touché autant les élèves des écoles urbaines situées principalement dans la péninsule de Tamil Jaffna que ceux d'autres villes du Sud comme Colombo, Galle et Kandy.
    Aujourd'hui, à la suite de la destruction du système d'éducation dans la région de Jaffna à cause des violences séparatistes, les élèves de Jaffna profitent de ce même programme de normalisation. Le district est maintenant considéré comme une région démunie, où les élèves qui obtiennent des notes inférieures peuvent être admis à l'université.
(1635)
    Il y a aussi la question du prétendu accord des Cinghalais sur les nouvelles terres domaniales. Les Tamouls ne peuvent revendiquer un territoire exclusif au Sri Lanka. Leur patrie est le Tamil Nadu, dans le Sud de l'Inde, où vivent 65 millions de Tamouls. Après l'indépendance, de nouveaux projets de développement ont été entrepris afin de défricher les terres envahies par la jungle, notamment le projet Gal Oya, réalisé avec l'appui technique des États-Unis. Les paysans sans terre et les personnes sans emploi issues du milieu agricole, mais qui vivaient dans des régions densément peuplées, ont été installés sur de très petites terres, louées pour 99 ans, pour la production alimentaire. Aucun Tamoul n'était prêt à s'établir sur ces lopins de subsistance, dans des régions infestées de moustiques où sévissait la malaria, puisqu'ils avaient des emplois mieux rémunérés au sein des secteurs public et privé.
    Le mouvement séparatiste tamoul a été lancé non pas en 1976, après l'adoption de la résolution, mais dès 1918, à l'époque où le Parti de la justice de Tamil Nadu, dans le Sud de l'Inde, menait une campagne pour créer un pays indépendant en Inde, le Dravidistan.
    Avant que le Sri Lanka n'obtienne son indépendance en 1948, les Britanniques ont créé, en 1945, une commission spéciale dirigée par Lord Soulbury pour entendre les revendications des groupes concernés. Les Tamouls n'ont pas revendiqué un territoire ancestral englobant le Nord et l'Est, qu'ils ont récemment inventé à la suite de leur tentative de créer un État monoethnique tamoul indépendant appelé Eelam. Ils n'ont cherché qu'à obtenir une représentation équitable au Parlement du nouveau Sri Lanka indépendant, où les minorités de langue tamoule auraient occupé la moitié des sièges, tandis que les représentants des 78 p. 100 de la population qui parlaient le cinghalais auraient dû se disputer l'autre moitié. Lord Soulbury a rejeté cette demande en disant qu'il s'agissait d'une tentative insidieuse de rendre une minorité majoritaire. Il a plutôt instauré le suffrage universel et le droit de vote pour toutes les personnes de 21 ans et plus.
    À l'heure actuelle, selon diverses ONGI et divers organismes onusiens, le nombre total de civils déplacés, forcés de suivre les Tigres dans leur retraite, varierait entre 250 000 et 400 000 personnes. Toutefois, il semble qu'en fait, il n'y en ait pas plus de 120 000, dont près de 55 000 sont déjà sortis de cette étroite bande de terre occupée par les TLET pour s'établir dans les installations sécuritaires des zones contrôlées par le gouvernement, malgré les attaques armées des Tigres tamouls contre les civils qui tentent de s'échapper. Apparemment, les organisations non gouvernementales internationales ont gonflé le nombre de civils déplacés afin d'obtenir davantage de financement pour leurs opérations et de conserver leurs emplois très rémunérateurs et les divers avantages qu'offre cette île tropicale. En fait, certaines ONGI, ainsi qu'un organisme des Nations Unies, n'étaient pas en faveur de l'installation des personnes déplacées dans le canton de Muttur, car ils affirmaient qu'ils avaient négocié du financement pour une période de trois ans, même si le gouvernement avait déminé et restauré cette zone, afin de permettre aux gens de retourner vivre dans leur maison dans un délai de 40 jours.
    À la suite de la progression rapide de l'armée sri-lankaise pour reprendre possession du territoire occupé illégalement par les Tigres tamouls, force est de constater que ni les TLET ni aucun groupe non gouvernemental n'ont contribué de façon valable à améliorer les conditions de vie de la population civile du Vanni au cours des 20 dernières années. Toutefois, il appert que ces ONGI, volontairement ou non, ont beaucoup aidé les Tigres tamouls à se procurer du matériel militaire hautement perfectionné et du matériel de communication ultramoderne, de même qu'à acquérir les connaissances techniques pour fabriquer diverses armes, y compris des sous-marins, des armes chimiques, des bandes d'atterrissage pour les gros avions cargos, et ainsi de suite.
(1640)
    Ces ONGI ont des intentions cachées. On sait que certaines d'entre elles tentent clandestinement de convertir des civils cinghalais et tamouls touchés par la pauvreté au christianisme en leur offrant des attraits ou des pots-de-vin pour avoir droit à de l'aide, et elles vont même jusqu'à inciter ces personnes, qu'elles ont converties de façon immorale, à détruire publiquement des images de leurs dieux hindous ou des statues bouddhistes, ce qui donne lieu à des frictions inutiles dans les communautés rurales.
    Le nom de code de l'un de ces projets était Graines de moutarde, et il a été mis en oeuvre par l'Organisation internationale de perspective mondiale, qui prétend elle aussi travailler au développement communautaire au Sri Lanka.
    La plupart de ces ONGI et ONG, financées à partir de l'étranger, y compris du Canada, adoptent une approche hostile et antagoniste à l'égard du gouvernement sri-lankais, mais elles sont connues pour entretenir des liens amicaux avec les TLET.
    En raison de cette attitude des groupes non gouvernementaux qui distribuent l'aide étrangère du Canada au Sri Lanka, les rapports étroits qu'entretenait la population sri-lankaise avec le Canada ont tendance à se détériorer.
(1645)
     Permettez-moi de vous demander combien de temps il vous faudra pour terminer votre exposé. Nous avons vraiment dépassé les 10 minutes.
    J'ai jeté un coup d'oeil à l'autre mémoire et je crois que nous dépasserons aussi les 10 minutes.
    Pouvons-nous essayer de nous en tenir à 10 minutes?
    Vous pouvez peut-être conclure brièvement.
    D'accord.
    Nous allons verser l'ensemble de la déclaration au...
    Cela va apparaître au compte rendu.
    Durant trois décennies, les habitants du Sri Lanka ont subi de la violence terroriste dans leur vie quotidienne, sans savoir si leur vie leur serait arrachée par un Tigre tamoul, un kamikaze, une bombe placée dans un autobus, dans un train ou dans un centre commercial, ou une mine Claymore déclenchée à distance.
    Aujourd'hui, les citoyens pacifistes de toutes les communautés concernées voient s'ouvrir une nouvelle ère, à mesure que les forces de sécurité reprennent leur territoire et éliminent les Tigres tamouls meurtriers.
    On constate que le Canada a toujours préconisé un modèle fédéral pour résoudre les conflits ethniques, perpétuant ainsi la division ethnique. Cela ne peut toutefois qu'amplifier les problèmes que l'on a connus jusqu'ici, car cela encouragerait les forces séparatistes à se servir de leur unité semi-autonome décentralisée comme d'un tremplin vers la séparation, pour laquelle ils ont mené une lutte armée au cours des 30 dernières années, notamment en commettant des attentats-suicides.
    L'une des solutions de rechange valables dont discutent actuellement les expatriés et les patriotes du Sri Lanka vise à fournir aux minorités une nouvelle entente pour partager le pouvoir central, et en même temps à réduire les unités de déconcentration des pouvoirs composées des districts actuels, lesquels pourraient facilement être desservis par les secrétariats de district sans trop grossir la bureaucratie. Les minorités qui se plaignent de la domination des communautés majoritaires au centre, là où il y a le plus de pouvoirs, pourraient faire partie de commissions parlementaires et de comités spéciaux d'experts pour chaque ministère, où elles joueraient un rôle dans la gouvernance quotidienne. Elles auraient ainsi leur mot à dire dans l'élaboration des politiques, la planification, la mise en oeuvre et la surveillance de chaque programme entrepris par le gouvernement.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Weerasinghe.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mes préoccupations au sujet des récents événements survenus au Sri Lanka. J'ai l'intention de dissiper certains malentendus à propos de cette crise ethnique, cette guerre terrible entre un gouvernement démocratique, légitimement élu, membre du Commonwealth, et un groupe non élu de terroristes tamouls, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul, aussi appelés Tigres tamouls.
    Depuis 1983, les Tigres tamouls sèment la destruction au Sri Lanka. Depuis trois décennies, cette île minuscule est en crise, elle est saignée de son peuple, de ses ressources, de son âme. Ce n'est que maintenant, alors que les Tigres tamouls sont sur le point d'être éliminés, après 26 ans, que quelques pays, dont le Canada, s'intéressent à cette guerre terroriste.
    Cet intérêt a poussé le Canada à tenir un débat d'urgence sur le Sri Lanka le 4 février au Parlement. J'ai eu l'impression, en suivant le débat sur CPAC, d'assister à une incroyable pièce de théâtre. Essentiellement, le gouvernement du Sri Lanka était dénigré, mais pas les Tigres tamouls, qui sont pourtant une bande de tueurs. Il y a eu des moments qui frisaient le canular, notamment quand cinq députés libéraux ont accusé le gouvernement sri-lankais de génocide. Il ne fait aucun doute qu'ils se sont rendu compte depuis que cette accusation était injuste, malsaine et incorrecte.
    Trente-deux pays, dont le Canada, considèrent les Tigres tamouls, ou TLET, comme une organisation terroriste et par conséquent interdite. Les TLET ont assassiné deux chefs d'État — le premier ministre indien Rajiv Gandhi et le président sri-lankais Ranasinghe Premadasa — ainsi que 32 autres politiciens au Sri Lanka, dont trois maires de Jaffna ainsi que le ministre des Affaires étrangères du pays, tous tamouls. Sur les 32 politiciens assassinés, 18 étaient des Tamouls modérés.
    Les TLET sont les terroristes qui ont perfectionné la ceinture d'explosifs que portaient les bombes humaines qui ont signé leur 379e attentat à Mullaitivu, à quelques mètres d'une ligne de front de l'armée, le 17 mars. Le 11 janvier 2008, le FBI qualifiait les TLET de groupe extrémiste le plus dangereux et le plus meurtrier du monde. D'après le FBI, ce sont eux qui ont perfectionné l'utilisation des bombes humaines, inventé les ceintures d'explosifs et recouru les premiers à des femmes kamikazes. Il ajoute que les tactiques impitoyables de ce groupe rebelle sont reprises par des réseaux terroristes du monde entier, y compris par al-Qaida en Irak.
    Le groupe terroriste des Tigres tamouls, aujourd'hui proscrit au Canada, qui a été pendant plus d'un quart de siècle une menace existentielle à l'intégrité de la démocratie sri-lankaise, est maintenant aux abois. Il y a 18 mois, il contrôlait une région du Sri Lanka de plus de 15 000 kilomètres carrés. Les forces armées sri-lankaises l'ont repoussé dans une bande de territoire d'environ 25 kilomètres carrés, ce qui est moins grand que ce que nous voyons de la Colline du Parlement, ici à Ottawa.
    Les Tigres tamouls, longtemps intransigeants, rampent à présent et supplient que l'on conclue un cessez-le-feu. Le peuple sri-lankais, qui souffre depuis longtemps, a déjà vu tout cela. À six reprises, le gouvernement du Sri Lanka, qui aspirait à la paix, a accepté un cessez-le-feu. À six reprises, les Tigres ont manqué à leur parole. Aucun gouvernement ne veut replonger dans une guerre ruineuse. Mais chaque fois, pendant ces cessez-le-feu, les Tigres se sont réarmés et ils ont recruté suffisamment de militants pour continuer, y compris, je tiens à le souligner, des enfants de moins de 14 ans — en fait, il y en avait 6 300, d'après l'UNICEF.
    Rien n'arrêtait ces agresseurs impitoyables. Il y a eu des cessez-le-feu en 1985, en 1987, en 1989, en 1995, en 2000 et en 2002. À chaque fois, je le souligne, ce sont les Tigres tamouls qui ont recommencé la guerre.
    Le dernier cessez-le-feu, qui a été négocié par la Norvège et a duré de février 2002 à janvier 2008, est typique. Il a duré plus longtemps que les autres. D'après les observateurs scandinaves qui en assuraient la surveillance, au 14 juillet 2006, les Tigres tamouls l'avaient violé 7 308 fois. Durant la même période, les forces armées sri-lankaises l'avaient violé un peu moins de 200 fois. Il n'est donc pas étonnant que les Tigres tamouls aient accepté cet accord parfait négocié à Oslo.
    Pendant le dernier cessez-le-feu, les Tigres tamouls ont fait entrer au pays 11 cargaisons d'armes par la mer. Le douzième navire s'est échappé parce que le chef norvégien des observateurs scandinaves chargés de la surveillance du cessez-le-feu, le général Trygve Tellefsen, a prévenu son capitaine que la marine sri-lankaise était à ses trousses. Durant ce cessez-le-feu, les Tigres tamouls ont fait entrer au pays quatre avions à hélices tchèques Zlin 143, qu'ils ont transformés en bombardiers de nuit. Ils sont devenus le premier groupe terroriste international à avoir une branche aérienne.
    C'est pendant ce cessez-le-feu que les Tigres tamouls ont construit sept pistes d'atterrissage, dont deux assez longues et larges pour accueillir de gros avions cargos.
(1650)
    D'après Jane's Intelligence Review, revue sur le renseignement militaire de réputation internationale, ces avions transportaient très probablement des armes. C'est pendant ce cessez-le-feu qu'en 2002, les Norvégiens ont aidé les TLET à monter de solides systèmes de communication de haute technologie en apportant six tonnes de matériel électronique classé cargaison diplomatique, y compris du matériel V-SAT, pour des communications par satellite. C'est durant ce cessez-le-feu que les Tigres tamouls ont commencé à fabriquer des sous-marins et des engins suicide. Mesdames et messieurs, c'est aussi pendant ce cessez-le-feu que les Tigres tamouls ont développé leur vaste entreprise criminelle — fraude par carte de crédit, extorsions, trafic d'héroïne, passage de clandestins —, amassant des centaines de millions de dollars, dont une bonne partie à partir du Canada.
    Tout ce qu'ont fait les Tigres tamouls pendant ce cessez-le-feu visait à préparer une victoire militaire au Sri Lanka. Certes, le Sri Lanka a lui aussi renforcé son armée. Le Canada n'en ferait-il pas autant s'il était confronté à une menace constante? Bien entendu, dès que les Tigres tamouls se sont sentis capables de vaincre l'armée sri-lankaise, leur chef, Prabhakaran a recommencé la guerre. Il était intéressant de voir le changement d'attitude des Tigres tamouls tout au long du cessez-le-feu. Au début, ils ont fait semblant d'être intéressés par un règlement négocié. Pendant la dernière réunion à Genève, la délégation, qui avait reçu des visas suisses et norvégiens, a passé tout son temps à récolter des fonds auprès de la diaspora tamoule. Elle n'a même pas pris la peine de se présenter à la table des négociations, ce qui a embarrassé les Norvégiens, organisateurs de cette réunion.
     Je vais abréger un peu mon exposé, car le temps file.
    Que mijote ce mégalomane de Prabhakaran, maintenant qu'il est cerné de toutes parts par 50 000 soldats et marins? Dans cette bande de territoire étroite qu'il contrôle, se trouvent environ 500 irréductibles militants et sans doute un millier d'enfants et de personnes âgées recrutés par la force pour transporter les armements, en plus de quelque 50 000 civils tamouls retenus en otage. Il y a des preuves flagrantes que les Tigres tamouls construisent des bunkers et positionnent les armes d'épaule qui leur restent au milieu de malheureux boucliers humains. Le gouvernement sri-lankais a déclaré zone de sécurité une large bande de territoire le long de la mer et il fait de son mieux pour protéger cette population civile. En fait, il serait possible de détruire les Tigres tamouls en un seul jour parce que le noyau ne se trouve pas plus loin des positions de l'armée que nous, d'Aylmer au Québec.
    Je me hérisse, et les Sri Lankais aussi, quand j'entends des étrangers exprimer leur solidarité envers ces pauvres otages sri-lankais. Ne vous méprenez pas, les Sri Lankais se soucient davantage d'eux que vous et que quiconque. C'est donc avec stupéfaction que j'observe les manifestants canadiens d'origine tamoule sri-lankaise ne pas réclamer du tout que les Tigres tamouls libèrent leurs boucliers humains. Le cessez-le-feu est la constante, vous l'aurez remarqué. Et, bien entendu, l'un de nos députés libéraux s'est exprimé à l'une de ces manifestations, le 5 mars, en déclarant: « J'aimerais que vous sachiez que je vous soutiens, parce que vous défendez une juste cause. » Comme par hasard, il a oublié que ce sont des extrémistes de son clan qui ont abattu le vol 182 d'Air India, tuant 312 Canadiens d'origine indienne, le 23 juin 1985, dans ce qui est le pire attentat terroriste de l'histoire canadienne.
    Bien sûr, comme je vous l'ai expliqué au début, l'idée maîtresse de la campagne de propagande récente des Tigres tamouls est de sauver les chefs; sauver ces sales types pour se battre un jour de plus, pour faire exploser 10 000 autres civils, pour assassiner des dirigeants tamouls modérés, pour tuer des dirigeants démocratiquement élus et pour continuer de détruire ma belle patrie. Non, cela n'arrivera pas. Si j'ai mon mot à dire, je ne les laisserai pas faire.
    Vous vous demandez sans doute si je pense que la paix est possible au Sri Lanka. Je vous réponds par un oui catégorique. La province orientale en est un exemple: on y a organisé des élections démocratiques au conseil provincial sept mois après que les Tigres tamouls y ont été écrasés. Comme ministre en chef, sa population a élu Piliyan, un ancien enfant-soldat recruté par les Tigres tamouls, qui a renoncé au terrorisme en 2004. La province orientale est en plein développement, et la population est satisfaite. Cela arrivera certainement dans la province septentrionale aussi, une fois que la malédiction des Tigres tamouls aura été éliminée.
    Je le répète, oui, la paix est possible au Sri Lanka.
    Monsieur le président, j'ai écourté le plus possible ma déclaration. Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous remercier une fois encore de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous.
(1655)
    Ouf! Tant de matière en si peu de temps! Merci de ces commentaires. Encore une fois, le texte entier de votre déclaration sera versé au compte rendu.
    Nous passons maintenant à la première série de questions, en commençant par M. Patry ou M. Rae.
    Monsieur Patry, allez-y.
    Merci.
     Merci beaucoup, Asoka et Mahinda.
    J'ai trois questions très brèves.
    Pourquoi le gouvernement du Sri Lanka ne lève-t-il pas l'embargo sur la nourriture, les médicaments et d'autres biens essentiels?
    Pourquoi les ONG ne peuvent-elles pas pénétrer dans la région?
    Pourquoi ne permet-on pas aux médias indépendants de faire leur travail dans la région?
    Ce sont mes trois questions. Elles sont fort simples.
    Merci.
    Il n'y a pas d'embargo. La nourriture est expédiée, mais certains véhicules ont été attaqués par les TLET. Un vraquier transportant de la nourriture pour des civils déplacés a même fait l'objet de tirs d'artillerie. Il a dû retourner en eaux profondes. Malgré toutes ces difficultés, la nourriture se rend aux destinataires.
    Quelle était votre deuxième question, monsieur?
    Elle portait sur le travail des ONG et des médias.
    Il se peut que les ONG se soient plaintes dans le passé, mais de nos jours, les ONG s'inquiètent de leurs employés qui ne se présentent plus et qui en fait ont été enrôlés de force par les TLET. Même les familles des employés ne peuvent pas circuler librement. J'arrive donc à la conclusion que la décision du gouvernement était la bonne, car il était difficile de garantir la sécurité de ces personnes. Même les employés des ONG sont détenus et enrôlés de force.
    Pourquoi ne permet-on pas aux médias indépendants de travailler?
     Il fallait être fou pour permettre à des journalistes de se rendre dans cette zone de conflit. Toutefois, les journalistes ont par la suite été autorisés à aller dans les zones sûres, même des journalistes du Canada comme Rick Westhead du Toronto Star et un autre du National Post. Ces journalistes ainsi que d'autres de divers pays se sont rendus dans la zone de conflit.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Je cède la parole à M. Crête.
    Vous entendez, monsieur Weerasinghe?
    Oui? D'accord.
(1700)

[Français]

    La situation au Sri Lanka est très difficile et probablement très difficile à désamorcer, mais y a-t-il une autre solution à vos yeux que l'élimination de l'une des deux parties?

[Traduction]

    Je suis désolé, mais je n'ai pas entendu l'interprétation en anglais.
    La question est la suivante: y a-t-il une solution au Sri Lanka autre que l'élimination de l'une ou des deux parties?
    Je ne vois pas de solution sans l'élimination des TLET, mais il existe des Tamouls modérés, et même des Tamouls élus qui... Le ministre de Jaffna est Tamoul. Douglas Devananda est un ancien terroriste qui est maintenant membre du Cabinet. Il y a d'autres Tamouls modérés à la tête de certains partis, tels que le PLOTE et le TELO, ainsi que le TULF, qui est dirigé par Anandasangari. Les modérés sont tous prêts à trouver des solutions avec le gouvernement du Sri Lanka.
    Il existe donc des Tamouls modérés, ceux qui échappent aux assasins, qui recherchent la paix.
    Si les Tamouls renoncent à la violence, serez-vous prêts à accepter qu'ils ont le droit politique de se constituer en État, de faire les choses autrement et de diviser le pays? Serez-vous d'accord avec ces principes à condition que l'on renonce à la violence?
    Je ne crois pas que le peuple sri-lankais serait d'accord pour que l'on divise le pays. Il n'en est pas question. Ces acteurs seront certainement consultés et ils occupent même déjà une place à la table des négociations. Une majorité des Tamouls vivent parmi les Cinghalais et les musulmans. Seule une toute petite minorité était sous l'emprise des Tigres tamouls. Beaucoup de gens ont quitté la zone contrôlée par les Tigres tamouls pour s'installer dans les zones administrées par le gouvernement. Les musulmans sont le deuxième groupe ethnique de Colombo, ville dominée par les Tamouls. Les Cinghalais sont le plus petit groupe ethnique de la capitale. La cohabitation ne pose donc pas problème.
    Nous, les expatriés, avons proposé de partager les pouvoirs centralisés et de donner aux Tamouls, conformément à leurs revendications, un mot à dire dans les activités gouvernementales quotidiennes. Nous avons également proposé une certaine dévolution, au niveau des conseils de district notamment. De plus, on croit... Il existe en Inde le modèle des Panchayats qui accorde des pouvoirs aux villageois. Souvent, le gouvernement central et les administrations régionales négligent le petit peuple, c'est-à-dire les villageois. L'adoption du modèle des Panchayats permettra une dévolution des pouvoirs aux districts et réunira toutes les minorités en leur accordant un rôle dans le gouvernement.
    Un autre témoin a dit que même si le gouvernement remportait la victoire, il y aurait des remous et des actes terroristes pendant les 15 à 20 prochaines années. Croyez-vous qu'il a raison? Si tel est le cas, existe-t-il d'autres solutions?
(1705)
    Je ne souscris pas à cette idée. Un comité international n'arrêtait pas de dire que c'était une guerre sans issue, que l'on ne pouvait pas défaire les Tigres. Deux ans après que les Tigres ont eu lancé leur dernier assaut pour la libération, le gouvernement a riposté en coupant l'approvisionnement en eau aux agriculteurs de Maavilaru. Les Tigres battent en retraite depuis. Aujourd'hui, le gouvernement a repris tout son territoire.
    J'aimerais ajouter que Karuna, le second des TLET et le commandant de la province orientale, a renoncé au terrorisme en 2004 et est devenu démocrate. Cinq ans plus tard, il est membre du Cabinet et ministre de l'Intégration nationale. Il travaille auprès d'autres partis tamouls afin de voir ce qui est possible. Il a plus ou moins dit que la guerre était stupide et qu'il n'y aura jamais d'État tamoul indépendant. Après avoir consacré tant d'années à la lutte, il est devenu démocrate. C'est logique. Je le comprends.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Crête. Je vous remercie d'avoir reformulé votre question. C'est gentil.
    Nous passons maintenant à M. Lunney.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur ce qui a été dit au sujet du colonel Karuna. Je crois qu'il vient de la partie orientale du territoire. C'est un leader qui a réussi à survivre, quoiqu'il ait vécu certaines aventures et ait déjà été emprisonné. Il travaille maintenant avec le gouvernement. Dites-vous que d'autres leaders s'avanceront si on arrive à neutraliser les belligérants dans le conflit actuel? Y a-t-il moyen de trouver une solution sans tuer tout le monde?
    Tout à fait. Douglas Devananda, qui...
    Par tout le monde, j'entends les Tigres, bien sûr.
    Douglas Devananda, qui est Tamoul et ministre responsable de Jaffna, est un ancien terroriste qui a lutté contre Prabhakaran. Les TLET ont tenté de l'assassiner à 11 reprises, sans succès. Il se peut que l'on tente d'éliminer Karuna également, mais j'espère qu'il leur échappera.
    Pilliyan, qui est maintenant le ministre principal responsable de la province orientale, a été un enfant-soldat des TLET. Il a quitté le groupe de Prabhakaran en 2004. Les habitants de la province orientale l'ont élu ministre en chef. On voit bien la tendance.
    Permettez-moi d'intervenir. Ce n'est pas que les Cinghalais et les Tamouls ne s'entendent pas ou encore se détestent tellement qu'ils veulent se tuer. Ils se côtoient comme voisins et comme collègues de travail dans la ville et dans la plupart des régions du Sri Lanka. En fait, les Cinghalais ont organisé le train de la fraternité qui avait comme point de départ la ville de Matara dans le Sud et qui a fait plusieurs haltes. Les gens accueillaient le train et donnaient des fonds pour les Tamouls déplacés. Les dons se sont chiffrés à 25 millions de roupies. Le train s'est rendu jusqu'à la gare la plus au nord.
    Cela remonte à quand?
    C'était en novembre.
    Après la reprise de la province orientale par le gouvernement, notre organisation a fourni des manuels scolaires pour les élèves d'une des nouvelles écoles construites par le gouvernement. Avant, il n'y avait pas d'école. Nous avons fourni des manuels et des moustiquaires. Ces bonnes oeuvres se poursuivent. Les gens tendent la main.
    Je vous remercie de ces informations.
    Plus tôt, vous avez commencé à nous parler de certains des problèmes encourus par la minorité tamoule, comme l'accès à l'éducation et la discrimination linguistique, mais vous avez manqué de temps. Je me demandais si vous aviez des solutions à ces problèmes. Vous dites que des bénévoles tentent déjà d'aider. Vous avez parlé des dons de manuels scolaires, par exemple. Que voyez-vous comme solution qui permettrait de réconcilier ces communautés?
    Il y a du travail qui se fait actuellement. De nombreux groupes bénévoles organisent des cliniques et des dispensaires dans des zones isolées et dans des villages tamouls. De nombreux groupes cinghalais aident les Tamouls déplacés. Ce n'est pas un phénomène isolé. J'ai passé deux mois au Sri Lanka, soit de décembre à février, et j'ai vu que l'on donnait des équipements médicaux... Tout récemment, nous avons déboursé 30 000 $ pour payer l'expédition de six trousses de médecin qui serviraient à soigner les personnes déplacées. Une deuxième expédition suivra. Il s'agit d'efforts continus.
    En ce qui concerne l'éducation, j'espère que les inégalités seront aplanies. Jaffna, par exemple, se vantait autrefois de certaines des meilleures écoles du pays, mais en raison des violences séparatistes, les normes ont été relâchées. Maintenant, ces normes, dont les Tamouls se plaignaient autrefois, aident les jeunes à être admis aux universités, car le district est considéré défavorisé et bénéficie d'un certain statut.
(1710)
    Vous me brossez un tableau très optimiste, et nous voulons certainement être optimistes.
    J'ai certaines réserves à l'égard des restes d'organisations terroristes qui se fondent dans une communauté et sont très difficiles à déraciner par la suite. Nous espérons que tout se passera bien.
    Quel rôle envisagez-vous pour le Canada? Quelles sont vos recommandations? Comment le Canada peut-il participer aux efforts de réconciliation et de reconstruction?
    Le Canada pourra certainement participer au redéveloppement de la région. Il reste beaucoup à faire après 20 ans de conflit. Nous avons vu des photos de civils des régions du Nord qui ont été reprises par les forces sri-lankaises. Les habitants vivaient dans une pauvreté extrême tandis que les dirigeants des Tigres tamouls se faisaient construire de magnifiques palaces avec climatisation et je ne sais quoi encore. La main-d'oeuvre devait creuser des tranchées et des bunkers et il y avait même un lourd tribut humain. Chaque famille devait y contribuer un enfant ou un autre membre.
    Certains de mes amis qui se sont rendus dans la région me disent que les gens veulent surtout la paix, l'égalité et des possibilités, notamment la possibilité de scolariser leurs enfants. Dans bien des cas, les enfants n'ont pas pu fréquenter l'école parce qu'ils avaient été enlevés sur le chemin de l'école ou encore pendant des festivals religieux.
    Si la sécurité s'améliore, il y aura du progrès et une place pour tous. J'espère également que la communauté tamoule ne s'isolera pas en formant des partis qui ne représentent qu'elle. J'espère que les Tamouls se joindront aux grands partis, qu'ils exprimeront leurs points de vue et obtiendront ce qu'ils réclament par la voie électorale.
    J'espère que vous avez raison.
    J'aimerais maintenant céder le temps qu'il me reste à Lois, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lunney, et merci à vous, monsieur le président...
    En fait, nous avons épuisé le temps prévu. Nous ne pourrons pas nous pencher sur les travaux futurs aujourd'hui. J'espère que mercredi, lorsque nous n'entendrons que deux témoins, nous pourrons leur consacrer une heure et ensuite disposer d'au moins une demi-heure pour décider des travaux futurs. Il faut notamment parler de notre voyage à Washington. C'est mon intention, du moins.
    Madame Brown, vous aurez d'autres occasions de poser des questions.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez tous les deux de l'opération menée par le gouvernement actuellement. De quel genre d'opération s'agit-il?
    L'opération vise à éliminer les combattants des Tigres tamouls. Cependant, les forces sri-lankaises ne vont pas dans la zone de sécurité. Les combats ont lieu sur le peu de territoire que défendent encore les Tigres. De plus, les forces sri-lankaises tentent de trouver toutes les caches d'armes, de façon à éviter que les Tigres tamouls réfugiés dans la jungle ne fomentent des troubles.
    Les forces sri-lankaises sont en train de consolider leur position sur les régions reprises et effectuent des fouilles. Hier, elles ont trouvé quelque 1 400 fusils et une bonne quantité d'explosifs. Elles tentent de saisir ces armes afin d'éviter d'autres conflits.
    Bien sûr, j'ai entendu que les parties avaient accepté un cessez-le-feu humanitaire. Même pendant un cessez-le-feu, les Tigres ne vont pas relâcher les civils. Il n'est pas possible de les sauver. Les forces sri-lankaises n'attaquent pas les Tigres, même si les Tigres continuent de lancer des assauts sur les forces depuis la zone de sécurité où ils ont des bunkers et des canons.
(1715)
    Si le gouvernement souhaitait absolument éliminer les Tigres tamouls, il aurait pu le faire il y a deux semaines. Les forces sri-lankaises avancent très lentement à cause des civils qui sont coincés. Le gouvernement veut éviter à tout prix de faire du mal aux civils. Voilà la raison.
    Vous venez de décrire ce qui est, à mon avis, une opération militaire. Le reconnaissez-vous?
    Tout à fait. Je pense...
    Je vous pose la question parce que je trouve curieux que le premier ministre parle d'une opération humanitaire. Je suis désolé, mais à mon avis, il y a une grande différence entre une opération humanitaire et ce que vous venez de décrire, c'est-à-dire que vous vous servez des forces armées pour plus ou moins éliminer un ennemi. Cependant, si c'est le choix du gouvernement, soit.
    Êtes-vous d'accord pour dire que le premier ministre exagère lorsqu'il dit que c'est une opération humanitaire?
    En ce qui me concerne, il s'agit d'une opération humanitaire, parce que l'on tente de libérer des gens qui sont sous le joug des Tigres tamouls. On libère le peuple. Quand on parle de libérer une population, on le fait pour des raisons humanitaires, et...
    Je ne suis pas forcément d'accord. Je crois que les observations du premier ministre ne l'aident pas à obtenir l'appui de la communauté internationale. Soyons francs: il se sert de l'armée pour éliminer son adversaire. Ce n'est pas une opération humanitaire. Ce que vous venez de décrire est une opération militaire. Vous étiez d'accord lorsque je vous ai demandé si c'était une opération militaire. Vous ne nous aidez pas à comprendre la situation.
    D'après ce que je comprends, on tente de libérer les gens qui sont sous le joug des Tigres tamouls.
    Quoi qu'il en soit, je trouve cela intéressant. À mon avis, ce n'est pas très utile d'en parler comme d'une opération humanitaire, dans la mesure où l'on règle les choses à la pointe du fusil.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Ce problème du terrorisme dure depuis près de 30 ans. Lorsqu'ils se rendent au travail, les gens du Sud ne sont même pas sûrs de pouvoir retourner chez eux...
    Je ne veux pas entrer là-dedans. Je voulais simplement connaître vos vues sur le sujet.
    Je termine en disant que je comprends votre point de vue. Vous vous êtes exprimé très clairement. Je tenais à le préciser car, si je vous ai bien compris, vous pensez que le gouvernement est sur la bonne voie. Nous sommes sans doute peu nombreux à partager la même opinion.
    Vous n'aidez pas beaucoup votre cause, cependant, en disant que les ONG participent à une sorte de conspiration pour livrer des armes ou convertir les gens. Je me dois de le préciser, et je vous remercie de votre exposé d'aujourd'hui.
    Merci, monsieur Dewar.
    Madame Brown.
    Merci.
    Monsieur Weerasinghe, au cours de votre déclaration, vous avez indiqué que c'est seulement aujourd'hui, après 26 ans, que certains pays, dont le Canada, s'intéressaient à cette guerre terroriste. Cependant, d'autres témoins nous ont affirmé qu'il y avait eu de nombreuses interventions externes par le passé, y compris des négociations de paix sous l'égide de la Norvège. Quelles ont été les retombées positives de ces pourparlers ayant débouché sur un cessez-le-feu d'une durée de six ans? Pendant un certain temps, il y a eu une paix — et j'utilise ce mot avec circonspection — relative au Sri Lanka. Pourquoi les négociations de paix ont-elles été rompues? Je cherche un élément de ces négociations sur lequel on pourrait faire fond dans l'avenir. Il doit bien y avoir quelque chose là-dedans qui a été un facteur de réussite.
(1720)
    En ce qui a trait à l'accord de paix de la Norvège, il est regrettable que les Tigres tamouls, selon les observateurs du processus de paix, l'aient violé 7 306 fois en date de juillet 2006. C'est révélateur de ce qui est arrivé. Durant cette période, on a fait rentrer 11 cargaisons d'armes dans cette province, et les observateurs scandinaves sont restés impuissants. La douzième cargaison n'est jamais arrivée à destination, parce que le chef scandinave des observateurs de paix avait averti le capitaine du bateau, lequel s'est échappé. On combat actuellement avec toutes ces armes qu'on a fait rentrer.
    Vous parlez de la rupture des négociations. Mais dans ce processus de négociations de paix, sur quoi les deux belligérants se sont-ils entendus? Il doit y avoir quelque chose qui a attiré les deux parties à la table.
    Les TLET ont réagi. Après la guerre et le terrorisme, plusieurs pays ont commencé à frapper d'interdiction les TLET. Leurs sources de financement ont été bloquées. Les TLET ont proposé l'établissement d'un cessez-le-feu, et ont affirmé être prêts à se satisfaire de quelque chose de moins que la séparation. Mais lors des pourparlers, ils n'ont fait que gagner du temps pour reconstituer leurs forces. Ils ne voulaient d'aucun règlement en-deçà de la séparation. Les membres de la mission de surveillance ont uniquement enregistré le nombre de violations, sans être en mesure de les empêcher. On ne faisait que tenir le compte — par exemple, telle partie au conflit a tué tant de militaires ou tant de civils. On compilait simplement les données, mais cela n'empêchait en rien les violations d'être commises.
    Vous ne pensez pas que la paix a été négociée de bonne foi?
    C'est exact. Le gouvernement a cru possible d'en arriver à une entente négociée, mais les TLET riaient dans leur barbe pendant tout ce temps. Ils n'ont jamais eu l'intention de parvenir à un règlement. Ils continuaient de vouloir leur état distinct et, à cette fin, ils faisaient venir des armes en gagnant du temps et en retardant les choses.
    Cela a quand même duré six ans, alors je présume qu'il y a un élément d'entente que les deux parties pourraient maintenir. J'aimerais creuser le sujet davantage, mais je sais que M. Abbott a une question.
    Monsieur Abbott.
    À la fin des témoignages précédents, il a été question du système de castes. Je me demande si nous, à ce comité et au Canada, sommes suffisamment informés sur cette question pour bien la saisir. Quelle part la structure sociale, et en particulier les castes, occupe-t-elle dans le conflit actuel? C'est de toute évidence un conflit extrêmement complexe, à tel point que je n'arrive pas à m'y retrouver. Quel rôle les castes, ce fondement de la société, jouent-elles dans le conflit?
    C'est une situation fort compliquée, en fait, à moins de comprendre la culture de la communauté tamoule. L'expression Eelam tamoul est un générique, mais le spécifique est... Il y a les Tamouls de Jaffna et ceux de Batticaloa, et même si l'on envisageait de fusionner les deux provinces, cela n'aiderait pas, car les Tamouls de Jaffna se considèrent supérieurs aux Tamouls de l'Est. Et ceux-ci n'accepteront jamais leur autorité. C'est l'une des raisons pour lesquelles Karuna, qui est de la province orientale, s'est retiré.
    Le fusionnement ne fonctionnera pas. Cela ne fera que créer davantage de problèmes. Comme l'a dit le professeur Matthews, les castes constituent un problème caché. Les gens n'en ont pas conscience. Ce facteur doit entrer dans l'équation si les personnes extérieures au conflit veulent intervenir. Vous devez comprendre tous ces aspects sociaux.
(1725)
    Merci.
    Nous allons entendre M. Rae.
    J'aimerais revenir sur cette question de Vision mondiale et sur la loi anti-conversion. Monsieur Gunasekera, peut-être pourriez-vous nous en parler. J'ai été franchement étonné par vos commentaires au sujet de Vision mondiale, car d'après mon expérience, c'est un organisme caritatif hautement réputé. Êtes-vous également de cet avis?
    Deuxièmement, pourriez-vous nous expliquer la logique derrière la loi anti-conversion? Et êtes-vous en mesure de comprendre les inquiétudes que nous sommes nombreux à avoir à l'égard d'une loi de ce type, étant donné la taille et l'étendue de la communauté chrétienne sri-lankaise, que je connais bien en tant qu'anglican?
    Vision mondiale faisait du travail de développement communautaire, mais elle avait également un programme caché de conversion. On a déjà tenu une commission présidentielle, devant laquelle l'organisation a dû comparaître. On a mis au jour un projet particulier nommé Graines de moutarde, qui consistait en ce qui suit: l'organisation allait dans ces régions rurales principalement bouddhistes ou hindoues et y ouvrait de petites garderies, où elle envoyait des enseignants chrétiens. Elle essayait même d'influencer les jeunes esprits en leur remettant des gâteries. Vision mondiale leur donnait des boîtes, l'une avec une image du petit Jésus, remplie de bonnes choses, et l'autre arborant un portrait de Bouddha, qui était vide. Cette initiative s'appelait « projet Graines de moutarde ».
    L'organisme a également tenté d'influencer les médecins du gouvernement oeuvrant dans ces régions rurales, dans des hôpitaux ruraux. On tentait de verser de l'argent à ces médecins pour qu'ils puissent gérer des cliniques au nom de Vision mondiale. Ces médecins négligeaient ensuite les hôpitaux.
    L'un de ces médecins n'a pas coopéré avec l'organisation. C'est un fait documenté. Je peux vous transmettre les détails là-dessus. Une dame anglaise est venue pour mener l'enquête à ce sujet. On s'est arrangé pour qu'un quelconque parent dépose une plainte au motif que le médecin avait abusé de ses deux fillettes. L'organisation a créé des problèmes à ce médecin parce qu'il ne coopérait pas avec elle en gérant une de ses cliniques médicales. Les gens de Vision mondiale voulaient montrer que c'est à eux qu'il faut s'adresser si l'on a besoin d'aide. Ce sont eux qui fournissent une aide médicale et qui prendront soin des enfants dans leurs garderies.
    Ce sont des choses dont j'ai eu connaissance, la première, par l'entremise de la commission présidentielle, et la deuxième, au terme d'une enquête approfondie sur le scandale, car le médecin en question n'a pas cédé aux pressions de Vision mondiale.
    En ce qui concerne le projet de loi, beaucoup de gens des régions rurales, je crois... Je pense qu'il y a une règle selon laquelle on ne peut établir une église ou un temple sans qu'il y ait un certain nombre de personnes qui l'appuient. J'ignore combien de familles il y a; peut-être 200. Donc, au lieu d'ouvrir une église, on mettra sur pied une maison de prière, où l'on enverra un paroissien. Ensuite, on pourra offrir graduellement des incitatifs et quelques cadeaux. Les gens sont pauvres. Pour qu'ils puissent avoir droit à ces avantages, on les obligera à se convertir au christianisme, après quoi on leur demandera de détruire publiquement une statue de leurs dieux, s'ils sont hindous, ou de l'image de Bouddha. Et cela ne s'arrête pas là; on a fait faire aux gens des choses bien pires. Lorsque c'est arrivé, il y a eu beaucoup de frictions dans le village concerné, de même que des tensions et des difficultés inutiles.
    Le projet de loi anti-conversion vise à prévenir d'inutiles conversions. Voilà la logique derrière ce projet de loi.
    Ce n'est peut-être ni le moment ni l'endroit pour aborder cette question, mais cela n'empêche pas les activités légitimes des confessions chrétiennes.
    Il n'y a rien qui empêche les activités de qui que ce soit; on est libre... Par exemple, lorsque je suis allé là-bas pour des vacances, j'habitais chez la soeur de ma femme. Des Chrétiens sont venus frapper à la porte pour discuter et remettre de la documentation. Cela ne pose aucun problème. Mais ces méthodes enjôleuses à l'égard des pauvres, qui consistent à profiter de leur pauvreté et à leur demander de détruire publiquement leurs idoles religieuses, sont à la source du problème.
(1730)
    Merci. Il est 17 h 30; la séance est levée.
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