HUMA Réunion de comité
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CANADA
Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 2 juin 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada. Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à tous nos témoins. Je sais que vous avez un emploi du temps très chargé et je vous remercie d'y avoir trouvé une place pour nous.
Monsieur Shapcott, nous allons débuter notre tour de table avec vous.
Je vous prierais de ne pas prendre plus de cinq minutes pour vos exposés. Je ne vais pas vous enlever la parole à cinq minutes pile; je vous laisserai l'occasion de terminer ce que vous avez à dire. Après vos exposés, nous aurons du temps pour quelques questions et réponses.
Encore une fois, je vous remercie grandement pour votre présence aujourd'hui.
Je souhaite la bienvenue à M. Michael Shapcott, qui représente le Wellesley Institute. Vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd'hui, d'autant plus que c'est la Journée nationale contre la famine au Canada.
Quand on sait que plus de 700 000 Canadiens fréquentent les banques alimentaires, le moment ne saurait être mieux choisi pour que votre comité se penche sur la question de la pauvreté.
Il y a environ sept mois, l'Organisation de coopération et de développement économiques a rendu publics les résultats d'une enquête portant sur les 30 plus grandes économies du monde. Cette enquête classe le Canada à l'avant-dernier rang du point de vue de la profondeur et de la persistance de la pauvreté et des inégalités de revenu. On y pointe du doigt la politique fiscale fédérale de la dernière décennie comme principale cause de ces problèmes. Le rapport fait valoir que les réductions d'impôt, qui profitent principalement aux Canadiens bien nantis et aux entreprises rentables, et les compressions des dépenses sociales, qui frappent surtout les Canadiens à faible revenu, sont à l'origine des très mauvais résultats du Canada par rapport aux autres pays membres de l'OCDE.
Le Wellesley Institute a publié ses propres travaux de recherche, où on aborde certaines des questions touchant le revenu et la pauvreté. Ainsi, nous avons rendu publics en décembre les résultats de l'examen le plus approfondi et le plus récent à avoir été réalisé sur le revenu et la santé au Canada. Nous nous sommes notamment intéressés à 39 indicateurs de la santé en fonction du revenu pour constater que, par rapport aux 20 p. 100 de Canadiens les plus riches, les 20 p. 100 les plus pauvres ont des taux de diabète et de maladies cardiaques plus de deux fois plus élevés; 60 p. 100 plus de probabilités d'avoir au moins deux maladies chroniques; des taux de bronchite plus de trois fois plus élevés; et des taux d'arthrite et de rhumatisme près de deux fois plus élevés. Seule lueur d'espoir parmi cet amas de mauvaises nouvelles, une analyse approfondie de plusieurs variables nous a permis de démontrer que chaque hausse de revenu de 1 000 $ contribue considérablement à améliorer la santé. Il faut donc se réjouir de constater que des actions peuvent être entreprises pour améliorer les choses.
Ce rapport publié en décembre portait un titre fort révélateur: La pauvreté nous rend malade.
Dans le mémoire écrit que nous soumettons à votre comité, nous formulons cette recommandation bien précise qui devrait permettre au gouvernement fédéral d'assumer plus efficacement son rôle dans la lutte contre la pauvreté. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet, mais permettez-moi d'abord de vous les exposer brièvement.
Premièrement, nous estimons que Statistique Canada doit posséder le mandat et les ressources pour établir de robustes et opportuns indicateurs statistiques individuels et composites des nombreuses facettes de la pauvreté. Selon un vieux dicton, il est impossible de bien gérer ce qu'on ne mesure pas bien, ce qui est assurément le cas au Canada. Nous avons beaucoup à faire pour rattraper les autres pays au chapitre de la mesure et de la gestion de la pauvreté.
Deuxièmement, nous croyons que le secteur social vital du Canada, soit le secteur tertiaire, doit être reconnu correctement, mobilisé pleinement et renforcé.
Troisièmement, le gouvernement fédéral doit mettre en place rapidement un programme de logement à prix abordable qui se fondera sur nos obligations légales en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Quatrièmement, les dépenses fédérales en santé doivent inclure un programme national de santé communautaire.
Cinquièmement, le gouvernement fédéral doit lancer une campagne nationale visant à éliminer la pauvreté et à réduire les inégalités de revenu.
Sixièmement, le gouvernement fédéral a besoin d'une campagne nationale visant à réduire les inégalités en matière de santé.
Septièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral renverse sa politique des deux dernières décennies qui a consisté en des baisses d'impôt qui profitent principalement aux Canadiens nantis, et qui sont financées par des compressions des dépenses sociales qui frappent surtout les Canadiens à faible revenu.
Je veux profiter des quelques minutes qu'il me reste pour souligner que le gouvernement fédéral a promis à maintes reprises de nouveaux investissements substantiels qui auraient des répercussions importantes dans la lutte contre la pauvreté. Je rappelle tout particulièrement qu'il y a huit mois à peine, le gouvernement fédéral annonçait un montant de 1,9 milliard de dollars pour la prolongation de trois programmes, soit l'Initiative fédérale pour les sans-abri, le Programme canadien de rénovation des maisons et l'Initiative fédérale-provinciale en matière de logement abordable. On parle d'une somme de 1,9 milliard de dollars pour une période de cinq ans. Par la suite, en janvier dernier, dans le cadre des mesures de stimulation économique prévues dans le plus récent budget fédéral, le gouvernement annonçait des investissements de 2 milliards de dollars pour différentes initiatives de logement abordable. Ces investissements qui misent sur les initiatives fédérales existantes ou en prolongent l'application m'amènent à poser deux questions bien précises.
Je me demande tout d'abord combien de temps il faudra au gouvernement fédéral pour allouer les fonds promis. J'aimerais aussi savoir si les investissements que l'on s'est engagé à consentir sont suffisants pour régler les problèmes de logement et d'itinérance au Canada.
Pour ce qui est de ma première question, je suis heureux de pouvoir vous faire part des résultats de l'enquête préliminaire que nous avons menée. Dans les neuf mois qui se sont écoulés depuis l'annonce de septembre, et un mois après l'expiration du financement de l'Initiative fédérale pour les sans-abri, du Programme canadien de rénovation des maisons et de l'Initiative en matière de logement abordable, le gouvernement fédéral a indiqué avoir alloué 81,7 millions de dollars sur les 1,9 milliard de dollars promis. On parle donc de 4 p. 100 du montant total promis sur une période de neuf mois. La fiche du gouvernement est légèrement plus reluisante dans le cas des mesures de stimulation économique annoncées en janvier. Les investissements fédéraux à ce titre atteignent maintenant 884,3 millions de dollars, soit environ 43 p. 100 du total promis.
Pour ce qui est de ma seconde question qui consiste à savoir si ces investissements seront suffisants pour régler les problèmes de logement et d'itinérance au Canada, j'ai quelques renseignements à vous transmettre. Il convient de noter à quel point le gouvernement fédéral a été réticent à fournir des détails sur ses investissements pour le logement abordable depuis 2001. Ces derniers jours, notre institut a toutefois pu mettre la main, grâce à une demande d'accès à l'information, sur des renseignements détaillés au sujet du programme fédéral-provincial de logement abordable. Nous venons tout juste d'entreprendre notre analyse préliminaire des investissements et de l'aide financière du gouvernement à ce chapitre.
Nous avons débuté notre analyse par l'exercice 2007-2008 en nous intéressant tout particulièrement au financement offert par le gouvernement fédéral pour la construction de 1 096 nouveaux logements abordables en Ontario. Selon l'information obtenue du gouvernement fédéral, le loyer moyen de ces logements se chiffrait à 685 $, soit à peine 14 p. 100 en bas du loyer moyen sur le marché en Ontario. À l'aide d'une formule normalisée de calcul de la capacité financière, nous avons établi qu'il faudrait un revenu annuel de 27 300 $ à un ménage pour pouvoir louer l'un de ces nouveaux logements que l'on qualifie d'abordables. Le problème c'est que plus d'un ménage ontarien sur quatre avait des revenus inférieurs à ce seuil en 2007. Ainsi, le quart des ménages de la province ne peut pas se payer ces logements que le gouvernement fédéral juge abordables.
En répondant à vos questions, je pourrai vous fournir tous les détails nécessaires et vous parler des recommandations et des indicateurs statistiques que vous retrouverez dans notre documentation.
Merci.
Merci.
Nous passons maintenant à M. John Andras, qui représente la Recession Relief Fund Coalition.
Nous vous souhaitons la bienvenue.
Merci de m'accueillir et de tenir ces audiences dans notre ville depuis hier.
Au fil de l'évolution de la présente récession, le taux de chômage ne cesse d'augmenter et des gens que l'on associait auparavant à la classe moyenne se retrouvent sans travail et aux portes de l'itinérance. De nombreux témoins vous parleront de la nécessité de réformer l'assurance-emploi pour, notamment, en assouplir les conditions d'admissibilité et en étendre la durée d'application. On vous parlera aussi de ces gens qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-emploi et sont confrontés à la triste perspective de devoir recourir à l'aide sociale.
En avril 2009, le nombre de célibataires participants au programme Ontario au travail atteignait 130 180, un sommet pour les 11 dernières années et 56 p. 100 de plus qu'en 2001. Pour être admissible à l'aide sociale, une personne doit être totalement démunie. Pour avoir droit à des prestations, un parent seul ne peut avoir des actifs de plus de 1 550 $, ce qui revient essentiellement à dire qu'elle doit liquider tous ses biens.
Lorsque les gens se retrouvent au bord du gouffre financier, ils se tournent vers le secteur sans but lucratif pour combler leurs besoins les plus fondamentaux. Ne pouvant à la fois payer le loyer et nourrir leurs enfants, des familles de plus en plus nombreuses sont obligées de fréquenter les banques alimentaires et les cuisines communautaires. Partout au pays, les banques alimentaires gagnent en popularité. À Toronto, selon les chiffres les plus récents que j'ai obtenus de la Daily Bread Food Bank, la fréquentation est en hausse de 15 p. 100 par rapport à l'année précédente et ne cesse d'augmenter. Les services de conseillers en crédit sont plus occupés que jamais. Les cas de saisie et d'éviction sont à la hausse.
Mais derrière ces statistiques et bien d'autres encore se cachent les coûts humains de la récession. Les familles et les personnes touchées vivent un stress immense. Les situations de violence familiale sont plus fréquentes. Il y a aussi recrudescence des cas d'abus d'alcool et de drogue. Les organismes de services communautaires interviennent auprès d'un nouveau type de sans-abri, c'est-à-dire des personnes qui, jusqu'à tout récemment, occupaient un emploi et se retrouvent soudainement dans la rue, vivant dans la confusion, la colère et la consternation. Tous les organismes d'intervention directe auxquels j'ai parlé ont constaté une forte augmentation de la demande pour leurs services par rapport à l'an dernier.
Parallèlement à cela, il faut malheureusement déplorer une baisse des dons et de l'aide financière consentis par les entreprises, car celles-ci doivent réduire leurs dépenses. De nombreuses activités et campagnes de cueillette de fonds ont dû être annulées. Celles qui ont tout de même été tenues ont produit de moins bons résultats que par les années antérieures. Les donateurs privés ressentent une certaine insécurité. Ils ont vu la valeur de leurs investissements s'évaporer; certains ont dû accepter des baisses salariales, d'autres craignent de perdre leur emploi. Ils ne sont donc pas prêts à donner aussi généreusement que par le passé. Et les fondations ont vu leurs avoirs dégringoler et doivent procéder à des coupures. De nombreux donateurs importants dont l'aide financière nous est acquise depuis longtemps nous ont dit de ne pas compter sur eux en 2010.
J'assume également la présidence de Sketch, un organisme qui permet aux sans-abri et aux jeunes de la rue de participer à des activités artistiques. Nous avons dû prévoir une baisse possible de 30 p. 100 de notre financement et il nous a fallu déjà réduire nos dépenses d'environ 80 000 $, ce qui signifie des services en moins pour nos bénéficiaires. Nous ne sommes malheureusement pas les seuls à devoir établir notre budget en mode de survie. Ironie du sort, la demande de services et les besoins n'ont jamais été aussi élevés, et ne cessent de prendre de l'ampleur.
En décembre dernier, un groupe de dirigeants d'organismes, d'administrateurs de fondations, d'universitaires et de gens d'affaires ont fondé la Recession Relief Fund Coalition. Dans le cadre de cette coalition, plus de 230 organisations et des milliers de particuliers ont signé une déclaration afin d'exhorter Ottawa à tenir compte des besoins des agences de services de premières lignes dans son processus budgétaire. J'ai joint au texte de mon exposé une copie de la première page de cette déclaration.
Il ne fait aucun doute qu'il importe de mettre de toute urgence des fonds à la disposition des organismes qui procurent de la nourriture, des vêtements, un toit et des conseils aux victimes de la récession. Les gouvernements n'ont d'autre choix que d'intervenir dans un contexte où la demande augmente pendant que le financement de sources non gouvernementales diminue. Même si l'on démarrait immédiatement les projets prêts à réaliser dont nous parlait Michael Shapcott, il faudrait plusieurs années avant que les gens qui ont besoin d'un logement puissent vraiment en bénéficier. D'ici là, les personnes et les familles devront se tourner vers les fournisseurs de services essentiels pour assurer leur survie. Nos agences sont aux premières lignes de la lutte contre la récession et c'est à elles que s'adressent les personnes qui ont désespérément besoin d'aide.
C'est la société au grand complet qui en paiera le prix à long terme si nous ne soutenons pas les organismes sans but lucratif dès aujourd'hui: maintien de l'ordre, taux d'incarcération, soins de la santé, troubles sociaux, tout en pâtira.
Je vous remercie.
Je vous remercie, John. Cinq minutes tapant. Excellent.
Nous accueillons maintenant Martha Friendly, du Childcare Resource and Research Unit.
Merci d'être ici aujourd'hui. La parole est à vous.
Merci d'avoir accepté de m'écouter.
J'ai fait parvenir la version écrite de mon exposé, et je croyais que vous l'auriez en main, mais ce n'est pas le cas. Vous la recevrez sous peu.
Je prends la parole ici aujourd'hui en tant que directrice générale de la Childcare Resource and Research Unit. Tout comme elle, je suis active dans le domaine de la politique sociale depuis une trentaine d'années, pendant lesquelles je me suis préoccupée surtout de l'éducation de la petite enfance, des services de garde et des politiques familiales.
Il y a trois points que je veux faire valoir aujourd'hui. Premièrement, si toute stratégie de réduction de la pauvreté digne de ce nom doit absolument pouvoir compter sur un système universel et de qualité d'éducation de la petite enfance et de services de garde, ces deux éléments ne suffisent pas à en assurer le succès à eux seuls, et je vous expliquerai pourquoi. Deuxièmement, je ne me souviens pas d'une époque où les programmes d'éducation de la petite enfance et les services de garde aient été aussi mal en point au Canada. Et c'est particulièrement vrai si l'on compare le Canada à d'autres pays semblables et si l'on regarde les données en notre possession sur les retombées que ces programmes peuvent avoir. Troisièmement, pour que l'éducation de la petite enfance et les services de garde contribuent efficacement à une éventuelle stratégie de lutte contre la pauvreté, il faut que le gouvernement fédéral se dote de politiques à toute épreuve.
Pour mettre les choses un peu en contexte, je tiens d'abord à rappeler que, de nos jours, à peu près tout le monde s'entend pour dire qu'il ne suffit pas de garder un oeil sur des enfants pendant que leur mère travaille pour prétendre offrir des services d'éducation de la petite enfance et de garde. En clair, cela signifie qu'aujourd'hui, l'éducation de la petite enfance et les services de garde, s'ils respectent les règles de l'art, permettent bel et bien de favoriser l'éducation des jeunes enfants, d'en prendre soin adéquatement et d'apporter aux parents le soutien dont ils ont besoin.
Nous savons également que, si elles y ont accès et qu'ils sont peu coûteux, les familles de toutes les catégories économiques, de tous les groupes sociaux et de toutes les régions du Canada — qu'il s'agisse de familles pauvres, aisées ou de classe moyenne, d'immigrants, de réfugiés ou d'Autochtones, même en région rurale — ont recours aux programmes d'éducation de la petite enfance et aux services de garde. Ce phénomène s'explique de deux façons: d'abord, parce que tous les parents veulent que leurs enfants commencent leur vie du bon pied. Deuxièmement, parce que la proportion de mères de jeunes enfants sur le marché du travail n'a pas cessé de croître depuis plusieurs années au Canada. En fait, la proportion de travailleuses dont les enfants étaient âgés de trois à cinq ans atteignait 77 p. 100 en 2007, ce qui est très élevé comparativement aux autres pays industrialisés.
J'ai avec moi quelques données sur les politiques et les programmes touchant l'éducation de la petite enfance et les services de garde. Primo, les programmes en tant que tels sont très peu nombreux. Il suffit pour se convaincre de regarder la longueur des listes d'attente partout au pays et de lire les histoires de parents désespérés qui tapissent les journaux. Secundo, la qualité des services de garde qui sont offerts au Canada est rarement suffisante pour contribuer positivement au développement de l'enfant. Ces services sont sous-financés et ne sont pas à la hauteur des attentes.
De plus, les places en garderies réglementées coûtent en général trop cher, même pour les familles ordinaires, a fortiori pour les familles à faible revenu. La plupart des familles, et encore uniquement lorsqu'elles peuvent se le permettre, font donc appel à des services privés non réglementés, qui sont souvent insatisfaisants, tant du point de vue de la fiabilité que de celui de la qualité.
Enfin, même si l'accès aux services de garde n'est idéal pour aucune famille, certains groupes sont encore moins choyés que les autres: il suffit de penser aux Autochtones, aux immigrants et aux réfugiés, ou aux parents qui travaillent à des heures inhabituelles ou qui occupent des emplois atypiques. Rappelons au passage que toutes ces familles sont souvent à faible revenu.
En dépit des données qui montrent les avantages que peut avoir, pour le développement de l'enfant, la qualité des services d'éducation de la petite enfance et de garde, et malgré le fait que les parents en ont besoin, le Canada fait encore et toujours du surplace. Selon un rapport de l'UNICEF datant de 2008, le Canada arrive bon dernier sur 25 pays développés. Il est en fait arrivé à égalité avec l'Irlande, incapable qu'il était de remplir plus de un des critères internationaux parmi les dix qu'avait établis l'UNICEF.
Même son de cloche du côté de l'OCDE, qui a étudié en profondeur la situation dans 20 pays. Il est ressorti là aussi que le Canada traînait de la patte derrière la plupart des autres pays membres de l'OCDE, même ceux qui s'en tiraient le moins bien. L'organisation a notamment déploré la qualité des services d'éducation de la petite enfance et de garde destinés aux enfants autochtones et le mal que les enfants issus de familles à faible revenu ont à y avoir accès, car là aussi le Canada faisait piètre figure par rapport aux autres pays visés par l'étude. L'OCDE avait par conséquent recommandé que l'on instaure un système universel et que l'on aide les familles défavorisées à y avoir accès.
Pourquoi les services de garde, l'éducation de la petite enfance, et surtout leur qualité et leur accessibilité constituent-ils un élément fondamental et nécessaire de toute stratégie anti-pauvreté le moindrement efficace? Pour deux grandes raisons: premièrement, parce qu'ils permettent aux mères de travailler. Ils apportent en effet un soutien essentiel aux mères qui doivent travailler à l'extérieur, suivre un programme de formation ou aller à l'école pour pouvoir occuper plus tard un bon emploi. Sans l'accès à des services de garde fiables et peu coûteux, les mères sont souvent obligées de rester à l'écart du marché du travail ou d'occuper un emploi peu rémunérateur ou sans avenir.
Non seulement nous savons que le fait qu'une famille puisse compter sur deux soutiens économiques constitue un moyen très efficace de lutter contre la pauvreté, mais nous savons aussi que les mères célibataires qui n'ont pas accès à des services de garde sont souvent contraintes de demeurer sur l'assistance sociale et à l'écart du marché du travail.
Je récapitule.
Au Canada, les circonstances économiques font que la plupart des mères de jeunes enfants doivent travailler. Ce qui revient à dire que la plupart des jeunes enfants, surtout ceux dont les parents ont peu de ressources, n'ont pas accès aux programmes de qualité enrichissants qui pourraient leur être bénéfiques. Ils se font plutôt garder là où ils le peuvent, dans des milieux souvent non réglementés ou instables.
Que peut faire le Canada? Tous les problèmes peuvent facilement se résumer ainsi: pas assez d'argent et politiques déficientes. Deux choses qui, je le rappelle, sont indissociables.
Est-ce qu'il me reste assez de temps pour faire mes recommandations?
Le président: Bien sûr, ce sera votre conclusion.
Mme Martha Friendly: D'accord.
Nous savons que ces programmes ne deviennent jamais véritablement universels et sont rarement de bonne qualité tant que les gouvernements ne prennent pas en charge leur organisation, leur financement et leur exploitation. Alors, dans l'optique où ce sont les intérêts des enfants qui doivent primer sur tout et où il faut que les parents aient accès à des programmes d'éducation de la petite enfance pour pouvoir aller travailler, j'ai préparé une liste de caractéristiques pour lesquelles les politiques du gouvernement fédéral doivent commencer à montrer l'exemple pour que ces programmes prennent véritablement leur envol et commencent à donner des résultats.
Premièrement, j'estime que le gouvernement fédéral doit faire en sorte qu'une politique allant dans ce sens voie le jour. Le gouvernement fédéral doit figurer parmi les principaux bailleurs de fonds, être un leader dans le domaine de la recherche et des politiques et mener les discussions avec les autres paliers de gouvernement. S'il ne fait aucun doute que les programmes d'éducation de la petite enfance relèvent des provinces, le gouvernement fédéral doit tout de même faciliter la collaboration de tous les intervenants afin que l'on en arrive à un cadre stratégique solide et fondé sur ce qui se fait de mieux en matière de politiques et de programmes.
Le financement doit évidemment être à l'avenant. Il devra atteindre, très rapidement, 1 p. 100 du PIB, c'est-à-dire le seuil minimal recommandé à l'échelle internationale pour les programmes d'éducation de la petite enfance et de garde destinés aux enfants cinq ans et moins. Le financement accordé doit également donner lieu à la création de programmes à part entière et non prendre la forme de subventions, de coupons éducation ou de chèques aux parents.
Le système devrait être universel et accessible à toutes les familles. Je citerai de nouveau l'OCDE, qui recommande une « une approche universelle de l'accès et une attention particulière aux enfants ayant des besoins spéciaux » pour les systèmes d'éducation de la petite enfance et de garde. Il faut pour cela que les besoins particuliers des familles défavorisées soient au coeur même des services et de la manière dont ils sont conçus, et il faut avoir l'assurance que ces familles ne seront pas laissées pour compte par un éventuel programme universel.
Finalement, les besoins relatifs à l'éducation de la petite enfance et aux services de garde doivent n'être que l'un des pans d'une ambitieuse stratégie de lutte contre la pauvreté qui engloberait également le soutien du revenu, la main-d'oeuvre, les pensions et le logement abordable, toutes aussi importantes les unes que les autres.
En résumé, je crois que tout le monde serait d'accord pour dire qu'il est difficile d'imaginer une stratégie antipauvreté le moindrement efficace qui ne passerait pas par l'amélioration concrète des programmes d'éducation de la petite enfance et des services de garde. Ce n'est pas encore suffisant, mais c'est tout de même nécessaire.
Merci de m'avoir permis de dépasser le temps alloué.
Je vous remercie, Martha.
Nous accueillons maintenant M. Kofi Hadjor, de la Green Pastures Society.
Bienvenue. Vous avez cinq minutes. La parole est à vous.
Merci de nous permettre d'exprimer nos vues et nos expériences sur la question de la pauvreté.
En 2001, après avoir passé plus d'une quinzaine d'années dans le secteur privé et le milieu de la finance de Bay Street, ma vie a basculé. Je me suis retrouvé dans un refuge, le Maxwell Meighen Centre, au centre-ville de Toronto. J'ai profité de mon expérience pour apprendre de nouvelles choses et explorer un monde qui m'était encore inconnu.
J'ai passé deux ans dans ce refuge, avant d'emménager, grâce à la Homes First Society, dans un logement supervisé, c'est-à-dire l'étape suivante dans les différents types d'habitations pour gens à faible revenu. J'y suis encore. Si je n'en suis pas parti, c'est parce que j'ai cru que je pourrais ainsi mieux comprendre les défis et les contraintes que devaient surmonter les pauvres, et que je me suis engagé à trouver des solutions en fonction de leurs besoins. Ce processus a mené à la création de la Green Pastures Society.
Mon exposé d'aujourd'hui portera sur une chose en particulier, et c'est ce que j'appelle la « sensibilisation financière ». Ce concept a pour point de départ la difficulté qu'ont les pauvres à obtenir du soutien financier et à se prévaloir des prestations auxquelles la loi leur donne pourtant droit, qu'il s'agisse de mesures fiscales, de pensions ou autres. J'ai pu constater, en vivant moi-même leur réalité, que la plupart des pauvres ne soupçonnaient même pas jusqu'à l'existence de ces mesures de soutien ou prestations.
J'ai formé des groupes composés de bénévoles du domaine financier pour leur venir en aide. Nous nous sommes rendu compte que nombreux sont les gens qui ne remplissent pas leur déclaration de revenu année après année ou qui ne savent pas comment se prévaloir des principales prestations qui leur sont offertes. Nous avons donc mené une grande étude sur la question et sur les recherches faites dans ce domaine.
Nous avons trouvé un rapport de Statistique Canada portant sur le Supplément de revenu garanti et les problèmes qu'il suscite. On y estimait qu'environ 300 000 aînés canadiens perdent environ 300 millions de dollars chaque année parce qu'ils ne remplissent pas leur déclaration de revenu.
Nous avons également constaté que, si le manque de connaissances financières touche toutes les couches de la société, c'est chez les gens à faible revenu qu'il est le plus flagrant.
Dans un rapport d'évaluation de ses activités externes, RHDCC signale que de nombreuses personnes marginalisées ne reçoivent pas les prestations auxquelles elles pourraient avoir droit, parce qu'elles n'en font tout simplement pas la demande.
Dans une étude passant en revue la situation de divers retraités, l'Institut de planification de la retraite a réussi à retracer l'équivalent de 1,3 million de dollars de paiements rétroactifs impayés, somme qui a finalement été versée à qui de droit.
Pour en revenir à l'expérience de Green Pastures, laissez-moi vous relater deux ou trois exemples de situations qui nous ont laissés sans voix. Je me souviens entre autres d'un aîné sans abri et d'un ancien combattant qui n'avaient pas produit une seule déclaration de revenus en 17 ans. Pendant toute cette période, ils auraient pu toucher le Supplément de revenu garanti, mais parce qu'ils n'avaient jamais produit de déclaration de revenus, ils ont reçu 11 mois seulement en paiements rétroactifs. En dollars absolus, ils ont perdu 133 000 $.
Nous nous sommes également aperçus que les comptables et commis-comptables ne savaient pas toujours comment aider les pauvres. Je prends l'exemple d'une personne à faible revenu qui a reçu quelque 40 000 $ en paiements rétroactifs de pension d'invalidité du RPC. Lorsque l'on a produit sa déclaration de revenus, on lui a annoncé qu'elle devait environ 8 000 $ à Revenu Canada. On l'a alors adressée à notre organisme. Nous avons fait quelques recherches et nous avons appris que nous pouvions étaler son revenu sur plusieurs années, ce que nous avons fait. Elle ne devait plus rien.
En fait, nous avons découvert que le milieu des finances est complètement inconnu aux pauvres du pays, et que les organismes de professionnels du milieu économique ne connaissent rien à la réalité des pauvres. Nous avons pris environ 250 personnes, et grâce à nos services, nous leur avons permis de toucher ou de récupérer l'équivalent d'un demi-million de dollars.
Voici donc le message que je vous envoie. Nous avons besoin de nouveaux moyens, partout au Canada, pour aider les pauvres. Il existe des cliniques communautaires d'aide juridique accessibles à tous. Rien de tel dans le domaine des finances. Le gouvernement fédéral pourrait y jouer un rôle. Premièrement, nous devons effectuer de la recherche pour mesurer l'étendue et l'efficacité des services fédéraux d'aide aux pauvres dans leurs communautés.
Deuxièmement, je pense que le gouvernement fédéral, ayant confirmé le besoin pour ce type de services, doit créer ces centres d'aide financière, de concert avec les provinces et les villes.
Je veux m'arrêter sur un sujet plus important encore, celui des lois fiscales. Elles semblent enserrer le débiteur pauvre dans un carcan. Permettez que je donne un exemple. Un pauvre peut fort bien avoir été mieux nanti auparavant et peut devoir maintenant de l'argent au fisc. Comme il vit désormais de l'aide sociale, il ne peut plus rembourser sa dette.
Il y a cinq ou six mois, nous avons rempli les déclarations de revenus d'un contribuable pour les années 1998 à 2007. Il avait droit à un remboursement de 3 600 $. Or, en 1997, il devait 4 000 $ au fisc fédéral. Les intérêts s'élevaient à 6 100 $. Revenu Canada a donc saisi le montant du remboursement pour diminuer le solde qui s'élève maintenant à 6 600 $. Pour des programmes tels que celui de la Prestation fiscale pour le revenu de travail, les conséquences sont énormes. On essaie d'obtenir de l'argent pour les pauvres, mais, s'ils ont des dettes envers Revenu Canada, le ministère s'empare de cet argent. D'après le Code fédéral des impôts, si Revenu Canada ne réclame pas ce qui lui est dû ou ne fait rien pour réclamer ce qui lui est dû pendant six ans, la dette est considérée comme effacée. Revenu Canada ne se plie pas actuellement à ce code. Il saisit le remboursement et l'impute sur la dette. C'est un carcan pour le pauvre.
L'autre problème à régler est celui du délai de prescription. Quand on ne demande pas de prestation fiscale pour enfants ni de supplément de revenu garanti, au bout d'un an, on ne peut plus revenir en arrière et réclamer les montants auxquels on aurait eu droit. Je pense que, pour les gens dans cette situation, ces prestations devraient être considérées comme des fonds gardés en fiducie. Il faut supprimer le délai de prescription. Nous ne devrions pas verser cet argent dans les recettes générales pour aider le gouvernement à payer tous ses programmes.
C'était mon exposé.
Merci beaucoup, Kofi.
Nous allons donner la parole à Tim Rourke de Citizen's Income Toronto.
Vous avez la parole. Cinq minutes.
Citizen's Income a été créé en février 2007. Depuis, nous avons organisé plusieurs forums ainsi qu'une campagne au moyen d'affiches. Aujourd'hui, nous avons un site Web et nous distribuons un bulletin. Nous partageons un très petit bureau avec une autre organisation. Nous n'avons pas d'argent, mais, pour le moment, nous ne cherchons pas désespérément de financement. Nous avons pris notre nom d'une organisation du Royaume-Uni.
Nous faisons partie d'un petit réseau en pleine croissance de groupes pour qui la seule façon de supprimer la pauvreté est de donner à chacun suffisamment d'argent pour qu'il cesse d'être pauvre. Vous avez sans doute déjà accueilli des représentants de ces groupes ou vous le ferez peut-être bientôt.
Si, au Canada, ce mouvement est encore embryonnaire, il est bien développé dans beaucoup d'autres pays. Ayant préconisé le revenu garanti pendant plus de 30 ans, en dépit, souvent, des railleries et de l'hostilité, je me réjouis énormément de l'évolution des quelques dernières années. Attendez-vous à entendre parler de Citizen's Income, de Livable Income for Everyone, et du Basic Income Earth Network. Tous les membres de Citizen's Income reçoivent des prestations d'invalidité ou sont sur le marché du travail flexible. La plupart d'entre nous gagnons peu, mais nous sommes très froissés par le genre de personnes qui prétendent parler en notre nom. Au lieu de diminuer la pauvreté dans la proportion de 25 à 5, comme le proposent l'Ontario et les organismes sociaux, pourquoi ne pas la réduire à néant? Aucune raison pratique ne s'y oppose.
Je ne fais pas un gros salaire en travaillant pour un organisme social qui fait des démarches auprès des gouvernements afin de canaliser plus d'argent vers l'industrie de la pauvreté. Nous aimerions que le gouvernement fédéral menace d'annuler les ententes en vigueur avec les provinces sur les dispositions sociales. Nous aimerions aussi qu'il remette sur pied le Régime d'assistance publique du Canada en le modifiant sur deux points. À la condition d'abolir les éléments punitifs de l'aide sociale dans beaucoup de provinces, ces modifications sont, premièrement, une définition précise du besoin; deuxièmement, le fait de rendre criminellement responsables les fonctionnaires provinciaux qui n'assurent pas les nécessités de la vie aux personnes qui leur ont été confiées. Au Canada, des malheureux meurent littéralement de faim. C'est scandaleux.
Seul le gouvernement fédéral peut instituer le revenu garanti. Il faut également financer la création de groupes d'étude constitués de citoyens dans toutes les régions du pays. Ces groupes feront connaître au gouvernement leurs réactions sur les politiques sociales, particulièrement les garanties de revenu. Ainsi, le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences préparerait des plans assortis d'options pour mettre en œuvre le revenu garanti au Canada, puis tous ces groupes d'étude discuteraient de ces plans. Nous sommes convaincus que le comité voit bien que cette méthode de consultation du public est supérieure à celle qui laisse des organismes sociaux qui recherchent leur propre avantage parler au nom de la population.
C'est tout ce que j'avais à dire. J'attends vos questions.
Merci, Tim.
Passons maintenant à la South Asian Women's Rights Organization, représentée par Sultana Jahangir. Bienvenue.
Je constate que nous avons dû déplacer l'heure de votre exposé, mais nous sommes heureux de vous accueillir parmi ce groupe de témoins. Merci d'avoir pris le temps de venir témoigner.
Une urgence m'a empêchée de témoigner au moment prévu.
Merci beaucoup de l'occasion que vous m'accordez de témoigner devant ce comité permanent.
Mon nom est Sultana Jahangir. Je suis une immigrante. Je travaille avec les immigrantes, en tant qu'animatrice communautaire et directrice à la South Asian Women's Rights Organization. Aujourd'hui, je me présente à vous en tant que chef d'une délégation d'immigrantes pauvres de Crescent Town, un quartier d'East York.
Je demande au Parlement qu'il nous rende des compte à l'égard du blocage dans le dossier des garderies et des subventions pour les services de garde à l'enfance, une question de droits humains fondamentaux. Notre communauté est l'une des plus pauvres de la ville. L'absence de garderies est la principale cause de cette pauvreté. Des milliers de femmes de notre quartier ont droit aux subventions pour les services de garde à l'enfance, mais en sont privées en raison du manque de financement. Les listes d'attente sont longues. Toutes les femmes de la ville ont le même droit, mais il est particulièrement bafoué dans les quartiers peuplés d'immigrants de fraîche date. L'absence de subventions entraîne l'absence de garderies et, par voie de conséquence, la pauvreté.
Nous sommes ici pour réclamer que le gouvernement fédéral et les autres autorités de tous les niveaux fassent leur devoir pour assurer l'affirmation des droits et de la dignité des femmes de notre communauté et de toutes les femmes qui vivent au Canada. Les femmes ont le droit de participer pleinement à la société — dans les domaines de l'éducation, du travail, dans la vie sociale et la vie politique. Sans service de garde abordable, accessible et adapté aux différences culturelles, les droits des mères et des jeunes enfants sont brimés. C'est inacceptable.
Avec ses partenaires de l'OTAN, le Canada dépense des milliards de dollars dans une guerre contre le terrorisme qui cible les populations d'anciennes colonies — en Afghanistan et ailleurs — sous couvert de démocratie et de défense des droits des femmes. Qu'en est-il de la démocratie et des droits des femmes au Canada? Le Canada veut être jugé d'après le statut des femmes dans le monde: combien de PDG sont des femmes, combien y a-t-il de députées? Le Canada devrait être jugé d'après son affirmation du droit des femmes les plus vulnérables: les immigrantes, les autres travailleuses pauvres, les femmes des premières nations, les jeunes femmes — particulièrement les mères monoparentales — et les femmes handicapées. Les droits des femmes vulnérables sont brimés. Le Canada n'affirme pas les droits de toutes. La démocratie canadienne n'est faite que pour les riches et les puissants.
Les femmes qui font partie de ces groupes vulnérables sont exclues d'une participation entière à la société. Nous sommes marginalisées dans la vie citoyenne et nous sommes appauvries. On nous donne le choix entre travailler chez Tim Hortons ou rester à la maison. C'est inacceptable. Nous, les femmes immigrantes, nous n'accepterons pas d'être refoulées en marge de la société. Nous n'accepterons pas d'être laissées de côté. Nous exigeons que le gouvernement cesse de nous marginaliser et qu'il fasse son devoir pour l'affirmation de nos droits. Nous exigeons une participation pleine et entière à la société, selon nos capacités. Nous exigeons le financement nécessaire aux fins des subventions auxquelles nous avons droit en matière de garde d'enfants. Nous exigeons dès maintenant un programme national de garderies.
Quelques mots maintenant sur la politique et les services de garde. Ces services sont devenus une balle politique que tous les partis à la Chambre des communes se renvoient. Pendant 13 ans, sous Chrétien et Martin, les libéraux ont parlé d'une politique nationale de garderies au moment des élections, puis n'ont rien fait après, en prétextant la lutte contre le déficit. En 2005, les néo-démocrates ont aidé Stephen Harper à défaire une politique nationale de garderies pour leurs propres fins électorales et politiques. Harper a remis les allocations familiales en vigueur, ce qui a profité le plus aux Canadiens les plus riches, et il qualifie cette mesure de politique nationale de garderies. Honte! Honte au Parlement du Canada! Honte à la démocratie canadienne!
Nous, les femmes immigrantes et nos familles, sommes maintenues dans la pauvreté pendant que ces jeux politiques reviennent année après année, élection après élection. Une fois encore, à l'approche d'une élection, les politiciens visitent les communautés d'immigrants, pour faire le trafic de leur influence, de leurs promesses sur les garderies et d'autres enjeux et ils tentent de diviser notre communauté selon les lignes des partis. Cette politicaillerie est inacceptable. À Crescent Town, nous rejetons la politique partisane et nous prenons nos propres affaires en main.
Les femmes qui travaillent, particulièrement les femmes syndiquées, ont obtenu des gains importants en prenant leurs propres affaires en main, mais les immigrantes et beaucoup d'autres femmes vulnérables ont été laissées de côté. Pour nous, c'est une question de survie, et il faut aller jusqu'au bout. Nous organisons notre communauté en vue du combat pour nos droits. Nous nous unirons à d'autres communautés d'immigrantes et à d'autres femmes vulnérables. Nous nous joindrons à toutes les femmes qui exigent le respect de leurs droits et nous aiderons à mener ce combat jusqu'à la fin.
Nous avons mené, au cours des six derniers mois, une enquête au sein de la communauté. Nous avons demandé à 400 femmes d'évaluer la qualité des services de garde d'enfants. Les résultats révèlent que notre quartier est un portail, une porte d'entrée, pour les nouveaux arrivants, surtout les Bengalais. À Toronto, 25 p. 100 des immigrants originaires du Bangladesh vivent dans notre quartier. Le taux de pauvreté chez les femmes bengalaises atteint 50 p. 100, ce qui en fait l'un des groupes démographiques les plus démunis de la ville.
Presque toutes les familles ont droit à des prestations complètes ou partielles fondées sur le revenu, selon les critères établis par la ville. Pour la quasi-totalité des femmes, l'absence de services de garde d'enfants constitue l'un des principaux facteurs qui les empêchent de s'intégrer avec succès à la société canadienne. Seul le quart des familles reçoivent des prestations. La moitié des femmes se retrouvent involontairement au chômage. Presque toutes les femmes qui travaillent occupent des postes pour lesquels elles sont trop qualifiées. Soixante-quinze pour cent des femmes détiennent un diplôme universitaire et collégial; la moitié de celles-ci ont un diplôme d'études supérieures. De nombreuses femmes immigrantes n'ont plus accès aux programmes d'établissement au bout de trois ans, faute de services de garde d'enfants.
Autre constat: le manque de services de garde entraîne chez les immigrantes un isolement social aigu. Pour bon nombre d'entre elles, la cause première de cet isolement est le changement d'orientation de la politique d'immigration du Canada, orientation qui privilégie la catégorie de l'immigration économique au détriment de la catégorie du regroupement familial. De nombreuses femmes sont isolées et confinées chez elles. Elles n'ont accès à aucune information sur les services de garde d'enfants et autres qui sont offerts.
De nombreuses femmes estiment que le gouvernement se sert des immigrants pour régler la crise démographique que provoque le vieillissement de la main-d'oeuvre au Canada. Aucune infrastructure de garde d'enfants n'existe pour les centaines de milliers de familles nouvelles qui viennent s'installer ici. Selon de nombreuses femmes, les allocations familiales et autres initiatives de Harper montrent que le gouvernement trouve acceptable que les immigrantes servent de machine à procréer pour solutionner le problème démographique du Canada.
Je tiens à dire, pour terminer, que lorsque la coalition néo-démocrate et conservatrice a mis un terme au débat sur l'adoption d'une politique nationale sur les garderies, il y a déjà un bon moment de cela, les conservateurs ont commencé à verser des allocations familiales pour inciter les femmes immigrantes à procréer. Le fait est que ce gouvernement refuse d'intervenir dans le domaine des services de garde. Or, nous souhaitons qu'à l'avenir, tout nouveau gouvernement plaide en faveur de l'adoption d'une politique de garde d'enfants et qu'il ne ménage aucun effort pour y arriver. En effet, nous ne tolérerons plus d'échec dans ce domaine.
Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur le sujet.
Merci beaucoup, Sultana.
Nous allons procéder à une première série de questions.
Madame Minna, vous avez sept minutes.
Merci beaucoup.
Merci à tous les témoins pour ces exposés intéressants. Le dernier était probablement le plus direct et le plus franc de tous. Toutefois, je l'accueille très positivement, car certaines choses méritent parfois d'être dites.
Beaucoup de points ont été soulevés. Je vais en aborder deux seulement, car je n'ai que sept minutes. Il est vrai que les enjeux sont nombreux. Je vous remercie de les avoir portés à notre attention.
Je vais me centrer sur logement et la garde des enfants. Commençons par ce dernier thème.
Je vais adresser mes questions d'abord à Mme Friendly, et ensuite à Mme Jahangir.
Martha, nous discutons, vous et moi, de ce dossier depuis beaucoup trop longtemps. Nous entendons dire, entre autres, que le 1 200 $ équivaut à une prestation universelle pour la garde d'enfants, que cette aide financière additionnelle permet à un plus grand nombre de mères de rester à la maison, qu'elle offre plus d'options aux familles. Certains ont même laissé entendre que le fractionnement du revenu serait un outil encore plus avantageux, que grâce à lui, un nombre encore plus élevé de femmes resteraient au foyer plutôt que d'aller travailler.
Ce sont là certains des arguments qui, selon moi, empêchent parfois... Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez, brièvement? Encore une fois, je n'ai que sept minutes, et je voudrais également poser des questions à Mme Jahangir.
Selon les indications disponibles, la meilleure façon de... D'abord, pour avoir des services éducatifs et de garde à l'enfance accessibles et de qualité, il faut beaucoup d'argent. Il n'y a aucun doute là-dessus.
La question qu'il faut se poser est donc la suivante: quelle est la meilleure façon d'utiliser les fonds publics pour atteindre ces objectifs? Toutes les données et études que j'ai citées, comme les analyses stratégiques menées par l'OCDE et l'UNICEF, les recherches qui ont été menées, sont très claires: c'est en finançant et en mettant sur pied des programmes que nous obtenons les meilleurs résultats, pas en donnant des prestations, des coupons, de l'argent. Or, nous ne le faisons pas. Lorsque nous finançons un établissement d'enseignement public, par exemple, nous imposons des frais. La plupart des pays européens qui offrent des programmes accessibles...
Je peux attendre quelques instants.
D'accord.
La plupart des pays européens qui offrent des programmes universels et accessibles en matière d'éducation et de garde des jeunes enfants imposent des frais aux parents, sauf que ces frais ne financent pas l'ensemble du programme. Pour répondre à votre question, toutes les données montrent que le financement lié à la demande ne fonctionne pas. Je sais que la prestation de 1 200 $ a pour objet de donner aux familles plus d'options, par exemple de rester à la maison ou de choisir la formule de garde d'enfants qui convient le mieux à leurs besoins. Mais j'ai examiné la question de près, et rien ne permet de penser que c'est ce qu'elle fait. Nous n'avons aucune donnée qui le démontre. Par ailleurs, les choses ne semblent pas s'être améliorées. On pourrait même dire qu’elles se sont détériorées.
Si le but est d'offrir des services de garde d'enfants accessibles et de qualité, et ce, dès la petite enfance, il faut mettre sur pied des programmes. Si le but est d'améliorer le revenu des gens, il faut leur donner de l'argent.
Personnellement, je pense qu'il est important d'accorder une aide financière aux familles dans le besoin. La prestation nationale pour enfants est un bon programme. Je suis un des partenaires nationaux de la Campagne 2000. Investir une bonne partie de cet argent dans la prestation nationale, sans lui donner un caractère universel, et verser celle-ci aux personnes qui en ont le plus besoin constituerait une sage utilisation des deniers publics. Selon moi, les programmes « universels » d'éducation des jeunes enfants devraient également s'adresser aux enfants dont les mères ne font pas partie de la population active. Ils devraient eux aussi y avoir accès — mais probablement pas pendant toute la journée.
Voilà ce que je pense.
Très bien.
J'allais justement vous poser une question au sujet du dernier point que vous avez mentionné. Vous y avez très bien répondu. La suspension d'un programme préscolaire offert par le YMCA a suscité, récemment, la colère des parents d'un des quartiers les plus aisés de ma circonscription. Il s'agissait dans tous les cas de mères au foyer qui avaient inscrit leurs enfants à des activités préscolaires pour la petite enfance. Comme vous le savez, cela fait partie du système de l'Ontario. Je suis contente que vous en ayez parlé.
Je vais maintenant m'adresser à Mme Jahangir.
Vous avez indiqué, de façon très claire... Je sais ce que vous allez dire, car je vous connais bien et je connais aussi la communauté. Mais je tiens quand même à vous poser la question: dans quelle mesure est-ce que l'absence de services de garde d'enfants influe de manière directe sur la pauvreté dans votre communauté, notamment sur l'isolement des femmes, leur incapacité à réintégrer la population active?
Si vous voulez avoir des preuves, vous n'avez qu'à venir voir ce qui se passe au sein de la communauté. Les femmes arrivent avec des titres de compétence étrangers. Cinquante-cinq pour cent d'entre elles détiennent une maîtrise. Les femmes sont munies de diplômes étrangers, mais ne sont pas reconnues par...
Oui, faute de services de garde. Comment expliquer une telle chose? Quand elles arrivent ici, elles doivent s'occuper de leurs enfants, aider leurs conjoints à s'intégrer. Une fois cette étape franchie, le délai de trois ans est échu, de sorte qu'elles n'ont plus accès aux programmes qui leur permettraient à leur tour de s'intégrer. Elles possèdent des titres de compétences et se trouvent devant des portes closes. Elles ne peuvent profiter des occasions qui s'offrent à elles.
Elles doivent, dans un premier temps, améliorer leurs connaissances linguistiques. Il est difficile pour elles de le faire à leur arrivée ici, parce qu'elles n'ont pas accès à des services de garde. L'isolement vient de cette frustration qu'elles ressentent, car les femmes ont l'impression qu'elles doivent quémander de l'argent auprès de leurs maris. Elles ne sont pas financièrement autonomes parce qu'elles ne peuvent travailler à l'extérieur. Et lorsqu'elles travaillent, c'est chez Tim Hortons et McDonald's qu'elles se retrouvent parce qu'ils offrent un horaire flexible.
Cela les empêche de suivre des cours de langue ou de perfectionnement, de trouver un emploi adéquat dans leur domaine, d'obtenir des titres de compétence. Il s'agit là d'un obstacle majeur. J'en suis très consciente. Je connais bien la communauté, mais je tenais à en parler parce que vous représentez, à mes yeux, non seulement la communauté bangladaise, mais également tous les autres immigrants qui sont confrontés au même problème.
Vous connaissez la situation mieux que moi, puisque vous êtes ici depuis près de 17 ans. Je suis arrivée récemment. Or, en tant que nouvelle arrivante, quels sont les défis que je dois surmonter? Si je me fie à mes attentes, à mon expérience et à celle de la communauté, je constate qu'il y a beaucoup...
Je voulais dire que l'expérience vécue par votre communauté n'est pas différente de celle des autres communautés, qu'elles soient afro-canadiennes ou...
Les Bangalais vont trouver un moyen de se regrouper, de dire tout haut ce qu'ils pensent. Il y a beaucoup d'inégalités au sein de notre communauté. D'après l'étude que nous avons menée, 80 p. 100 des femmes ont droit à des prestations; seulement 14 p. 100 d'entre elles reçoivent une prestation fiscale. Ce chiffre est de 50 p. 100 dans d'autres quartiers de la ville. Nous n'avons pas droit à cette même égalité. Parce que nous sommes pauvres, nous avons besoin d'une aide complémentaire, de prestations additionnelles, de services supplémentaires en matière de garde d'enfants.
Qu'est-ce que nous notons? Nous notons que les pauvres sont toujours les premiers à être frappés par la récession, à perdre leurs emplois, à être privés des services de garde. Il y a une garderie dans notre ville. Si vous menez une enquête pour voir qui la fréquente, vous allez constater que ce sont les enfants dont les mères peuvent se permettre de verser de l'argent au centre — des enfants de l'extérieur, pas les enfants de personnes démunies qui, elles, ne reçoivent aucune prestation pour l'instant.
Il y a un retard énorme à rattraper. Il y a des gens qui ont le droit d'avoir accès aux services de garde d'enfants. Toutefois, aucune solution n'est en vue pour régler le problème.
Merci, madame Minna, et merci, madame Jahangir.
J'invite tous ceux qui ne comprennent pas le français à mettre leurs écouteurs. La question suivante va être posée en français. Nous ne voulons pas couper le temps de parole de l'intervenant. Je vous demande donc de le faire maintenant. Une fois que vous serez prêts, je vais céder la parole à M. Ouellet.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Shapcott, vous nous avez dit plus tôt quelque chose de très troublant: un quart de la population de l'Ontario, sauf erreur, ne peut actuellement pas se payer un logement que le gouvernement qualifie d'accessible, soit un logement accessible à l'ensemble de la population.
Pourriez-vous exposer davantage ce point de vue? Est-ce une situation unique en Ontario? Pensez-vous que cela existe ailleurs au Canada? Que pourrait-on faire pour remédier à cela le plus rapidement possible?
[Traduction]
Merci, monsieur Ouellet.
Le problème vient de l'entente Canada-Ontario concernant le logement abordable, qui est similaire aux autres ententes conclues entre le gouvernement fédéral et les autres provinces. La définition du logement abordable qu'on y trouve est la même que celle utilisée par la Société canadienne d'hypothèques et de logement dans son enquête sur le marché locatif privé.
Le logement abordable est défini comme étant le loyer qu'un propriétaire demande pour une unité. Ce loyer, comme vous le savez fort bien, monsieur Ouellet, n'est pas abordable. Il s'agit tout simplement du montant qu'un propriétaire exige d'un locataire. Or, il y a de nombreuses personnes qui ne peuvent se permettre de payer les loyers du marché locatif privé. C'est pour cette raison, entre autres, que nous avons une sérieuse crise du logement au Canada. Cependant, toutes les ententes fédérales-provinciales utilisent la définition du logement abordable comme référence. Voilà pourquoi, quand nous avons enfin réussi à obtenir du gouvernement fédéral qu'il publie des données sur les montants réels des loyers, nous avons été consternés, mais pas particulièrement étonnés, d'apprendre que ceux-ci sont à peine inférieurs aux loyers du marché locatif privé.
Nous fournissons une subvention. Je peux vous dire à combien s'élève la subvention que le gouvernement fédéral verse à l'Ontario pour ces 1 000 unités. Elle est de 26,5 millions de dollars pour l'exercice financier 2007-2008. Malgré cette aide, nous arrivons à des loyers qui sont à peine inférieurs aux loyers moyens du marché. Cela veut dire, comme je l'ai déjà mentionné, que pour bon nombre de ménages dont les revenus ne suffisent pas pour payer le loyer moyen du marché privé, ce programme ne fonctionne tout simplement pas.
[Français]
[Traduction]
Il y a en a deux.
D'abord, il faut s'assurer que les programmes existants fonctionnent. Les anciens programmes concernant les logements sociaux et les logements abordables, qui ont tous été annulés dans les années 1990 — et en 1996, le gouvernement fédéral a procédé au transfert de la plupart de ses responsabilités —, et bon nombre des programmes de logement social mis sur pied au Québec et dans plusieurs autres provinces utilisaient, et utilisent, une définition du logement abordable qui est fonction de la capacité de payer du ménage. Le loyer représente habituellement 25 ou 30 p. 100 du revenu du ménage.
C'est cette définition du logement abordable qui devrait figurer dans ces lois.
Si je peux me permettre, il y a un calcul politique qui entre en jeu dans la définition. Si l'on veut donner l'impression que l'on déploie plus d'efforts, que l'on finance un plus grand nombre d'unités, ainsi de suite, on s'arrange pour que le logement abordable devienne inabordable: on augmente le loyer pour qu'il se rapproche de celui du marché locatif privé. On met la main sur un nombre relativement élevé d'unités, sauf que ces unités ne conviennent pas aux ménages à revenu faible et modeste. Or, si on veut vraiment aider ces personnes, il faut changer la définition du logement abordable.
Donc, il faut, comme première mesure, modifier la définition.
La deuxième chose qu'il faut faire, inévitablement, c'est d'investir plus d'argent si l'on veut que les logements soient véritablement abordables pour les familles à revenu faible et modeste.
[Français]
Pensez-vous que la notion voulant que la gestion des logements sociaux soit faite par la ville, une autorité gouvernementale, est une notion totalement dépassée? Ou devrait-elle encore servir à tout le moins pour les plus pauvres, les immigrants, les mères de famille monoparentale ou les gens qui, pendant un certain temps au cours de leur vie, n'ont pas ou presque pas de revenu?
[Traduction]
Les initiatives de logement social ont donné de très bons résultats au Canada et dans bon nombre de provinces. Le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique, pour ne mentionner que ceux-là, ont mis sur pied des programmes de logements sociaux qui recoupaient celui qu'offre le gouvernement fédéral. Ils étaient très efficaces et sont toujours reconnus de par le monde. Je reçois constamment des appels de spécialistes du logement qui veulent venir au Canada afin de voir comment fonctionnent ces programmes. Tous les logements sociaux ont été financés en vertu de programmes qui ont pris fin au début des années 1990. Il existe encore un ancien programme qui continue d'assurer l'accès à des logements de qualité.
Je tiens à ajouter que le gouvernement fédéral a financé la construction de plus de 600 000 logements vraiment abordables entre 1973 et 1993, et ce, dans toutes les régions du pays. Ces maisons représentent toujours un logement abordable, de qualité, pour les Canadiens. Il n'y a plus de programme national de logement social. Le gouvernement fédéral, toutefois, verse une subvention de capital modeste à l'entrepreneur qui veut construire des logements. Cette subvention varie en fonction des projets. Elle va de 25 000 $ à 65 000 $ ou 75 000 $ l'unité, mais il ne s'agit pas d'un programme de logement social. De nombreux fournisseurs de logements sociaux constatent qu'ils ne peuvent tout simplement pas construire des unités en vertu du programme fédéral.
[Français]
Pensez-vous que la notion de logement social soit totalement dépassée? Doit-on y repenser pour certaines catégories de gens, comme les sans-abri, en particulier, qui peuvent délaisser la rue pour aller vivre dans un logement social pendant un certain temps et ensuite dans un logement abordable ou quelque chose comme cela? Pensez-vous que cette notion de logement social est totalement dépassée?
[Traduction]
Ce n'est pas du tout dépassé. Le logement social est utilisé couramment dans de nombreux pays développés dans le cadre de leurs systèmes de logement. Dans bien des pays, en fait, le logement social représente une proportion considérable du total des logements. Au Canada, moins de 5 p. 100 de tous les logements sont sociaux. Par conséquent, nous sommes l'avant-dernier parmi tous les pays développés. Le seul pays qui se classe derrière nous est les États-Unis. Les pays européens ainsi que d'autres pays développés, tels que Hong Kong, ont un secteur du logement social beaucoup plus important.
Monsieur Ouellet, l'ancien programme de logement social comportait peut-être de nombreuses règles et des éléments rigides qui devaient être modifiés. Personne ne revendique un retour à 1973 et nul ne prétend qu'il sera possible de ressusciter les mêmes vieux programmes. Néanmoins, les idées qui ont permis de créer des centaines de milliers de logements peuvent être mises à profit de nos jours.
[Français]
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à John. J'aimerais vous remercier de votre excellent travail qui consiste à faire connaître les difficultés des organismes à but non lucratif et des organismes sur le terrain qui offrent une aide immédiate à des gens en difficulté. Je prévois qu'au fur et à mesure que les prestataires d'assurance-emploi épuiseront leurs prestations et deviendront des assistés sociaux, découvrant ainsi la difficulté et la mesquinerie inhérentes au système d'assistance sociale, votre problème prendra des proportions énormes.
Que faut-il faire?
Tenez-vous bien.
Il y a de nombreuses choses à faire. Évidemment, le financement demeure une énorme priorité. Les organismes, dont les réserves sont à sec, sont obligés de réduire les services au moment même où la demande est à la hausse. La qualité des services offerts se détériore. On raconte que les banques alimentaires n'offrent pas d'aliments suffisamment nutritifs par manque d'argent et de nourriture. Dans les abris, il paraît qu'il y a tant de punaises qu'elles dévorent les gens qui y dorment.
Les organismes sont de plus en plus sollicités, mais les normes sont à la baisse et la qualité des services offerts aux gens se détériore. J'utiliserai Sketch comme exemple, car c'est un programme que je connais bien, comme je l'ai dit tantôt. Nous avons dû réduire le budget d'au moins 80 000 $ pour l'exercice en cours et il faudra probablement réduire le montant davantage pour l'exercice prochain. Par conséquent, nous ne pourrons offrir le programme de bourses pour les jeunes de la rue, qui leur payait les études, les outils et les manuels ou encore remboursait leurs frais de déménagement. Une douzaine de jeunes devront probablement chercher ailleurs en raison des compressions. Nous avons également dû supprimer des postes, ce qui aura une incidence sur nos employés. Chaque organisme connaît le même sort.
Nous constatons que les gens sont arrivés à une impasse et ne peuvent avancer, parce que les organismes ne sont plus en mesure de leur fournir les services comme autrefois. Il y a des organismes qui frôlent la faillite.
Il y a quelque temps déjà, j'ai reçu un courriel de vous indiquant que bon nombre d'organismes tomberaient en faillite dans environ six mois. Est-ce toujours une projection réaliste?
Je crois que oui. Un certain nombre d'organismes se débrouillent, cependant. Il y a des directeurs exécutifs qui ne touchent pas de salaire afin de financer des programmes, mais une telle situation ne peut perdurer. À très court terme, il faudrait doubler le financement accordé aux programmes comme HIPPY afin de rétablir le financement antérieur. Ce serait utile. De plus, il faudrait déterminer quels sont les services réellement essentiels, afin de s'assurer que les organismes qui les offrent bénéficient d'un soutien financier suffisant et puissent continuer à les offrir.
D'accord. J'aimerais maintenant poser une question à Tim.
Tim, vous avez avancé quelques points qui sont importants, à mon avis. Vous avez dit que nous devrions éliminer la pauvreté demain, et non pas dans 5 ou 25 ans. J'abonde dans le même sens. Notre pays a réalisé certains progrès au moyen du RPC, du système de soins de santé et de l'assurance-emploi. Nous avons pris une décision ambitieuse et nous avons agi.
Vous avez mentionné qu'un revenu annuel garanti, soit un revenu de base, nous permettrait de réaliser notre objectif. Voulez-vous vous étendre davantage là-dessus et nous expliquer en quoi consisterait ce revenu?
Le concept n'est pas difficile du tout. Essentiellement, pour éliminer la pauvreté, il faut donner suffisamment d'argent aux gens afin qu'ils ne soient plus pauvres.
Il y a eu de nombreuses tentatives dans ce sens dernièrement. Au Canada, il y a eu le projet de revenu du Manitoba. Quatre villes américaines ont fait cette même expérience pendant les années 1970. Plus récemment, divers pays du tiers monde ont mis sur pied leurs propres projets. La Namibie a justement mené un projet couronné de succès. Si ces pays peuvent le faire, pourquoi pas le Canada?
Les coûts ne seraient pas tellement plus élevés que le montant dépensé actuellement dans le domaine social. Les gens qui affirment que ce serait un programme affreusement cher ne sont pas honnêtes. Un tel programme s'impose logiquement.
Le hic, c'est qu'un tel problème viendrait perturber l'ordre social actuel. Les employeurs n'auront plus de main-d’œuvre soumise à leur disposition. Les gens pourront tout simplement prendre la porte si leurs droits sont violés, sans devoir risquer leur vie.
Il faudra cependant obtenir la coopération des provinces pour mettre en oeuvre certains projets, comme un bon programme de logement. Je dirais qu'actuellement, notre programme de logement social est catastrophique. J'occupe un de ces logements mirobolants, et il n'est guère confortable. Il faudra tout d'abord que les provinces adoptent des lois régissant les loyers. Il nous faut des logements de bonne qualité et en quantité suffisante, gérés par les locataires. Si l'on ne met pas en oeuvre ces mesures, ce n'est pas la peine d'offrir un revenu garanti. Les propriétaires vont s'accaparer de l'argent.
Il y a d'autres problèmes potentiels. Les employeurs seraient tentés d'utiliser leur revenu comme supplément au salaire, surtout si le revenu garanti était très bas. Il faut offrir un revenu garanti suffisant pour que les gens puissent quitter le marché du travail sans courir de conséquences graves jusqu'à qu'ils puissent le réintégrer en tant que citoyen à part entière.
Ai-je écoulé mon temps de parole?
Je crois que c'est la seule solution viable. On a tout tenté dans le monde pour éliminer la pauvreté. Comme l'a dit le sénateur Segal il y a quelque temps: « Pourquoi ne pas tout simplement ne pas avoir de pauvres? »
Je suis désolée, je dois partir. J'ai une autre réunion. Je donnerai mon adresse courriel à Christine afin que vous puissiez me poser des questions.
Nous souhaitons des améliorations au chapitre de la garde d'enfants, et nous n'abandonnerons pas jusqu'à ce que nous les obtenions. Merci.
Merci beaucoup.
J'aimerais remercier les témoins d'avoir accepté de se joindre à nous aujourd'hui. Chose certaine, jusqu'à présent, nous avons recueilli différents points de vue et entendu de nouvelles idées, ce qui est une bonne chose.
Ma première question s'adresse à M. Shapcott. Bien que cela relève du gouvernement provincial, j'aimerais revenir à la Loi sur l'énergie verte, qui était prévue dans le dernier budget provincial. Quelques-uns des aspects intéressants de la Loi sur l'énergie verte sont évidemment le zonage et la planification. On a enlevé cette responsabilité aux municipalités et aux comtés, puis on l'a confiée à la province. À mon avis, il s'agit d'une initiative destinée à faire avancer le processus de l'énergie verte, et il semble qu'il y ait des sommes substantielles disponibles à ce chapitre dans une optique de diversification énergétique.
Je me demande ce que vous diriez si nous adoptions la même approche pour le logement abordable, avec autant de zèle, en ce qui a trait aux éléments de planification et de financement. Vous avez indiqué qu'un certain nombre d'unités d'habitation avaient été créées, mais que pourtant, très peu d'entre elles étaient inférieures au prix du marché.
Par conséquent, si nous établissons un parallèle avec la Loi sur l'énergie verte, que penseriez-vous d'une telle approche? Évidemment, cela relève largement des provinces, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une discussion intéressante.
Merci beaucoup, monsieur Lobb.
C'est une excellente question, et cela démontre à quel point, au sein de notre système fédéral merveilleusement complexe et souvent frustrant, les divers ordres de gouvernement assument différentes responsabilités dans les dossiers importants comme le logement.
Tout d'abord, il faut absolument aligner tous les gouvernements et s'assurer qu'ils oeuvrent dans le même sens. Autrement, nous nous retrouverons dans une situation, comme c'est déjà arrivé souvent ailleurs au pays, où le gouvernement fédéral, ou parfois la province, alloue des fonds à un projet de logement abordable qui, au bout du compte, est rejeté par la municipalité, en vertu de ses pouvoirs de planification et de zonage locaux. Cela s'est produit à Charlottetown, à plusieurs endroits en Ontario, et ailleurs au pays. Il est donc important que tous soient sur la même longueur d'onde.
Si je puis me permettre, monsieur Lobb, sachez que les réunions des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables du logement jouent également un rôle important. La dernière rencontre, à laquelle les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont participé, remonte à septembre 2005, ce qui, dans le contexte de la récession actuelle, représente une éternité. À l'occasion de cette réunion, les ministres se sont entendus sur un cadre permettant d'élaborer un nouveau plan national en matière de logement. Malheureusement, le gouvernement fédéral a refusé d'assister aux autres réunions. On a tenu une réunion en février 2008, mais il a poliment décliné l'invitation. Une autre rencontre est prévue pour le 20 août à St-John's, à Terre-Neuve. Les représentants des provinces et des territoires seront présents. On a invité le gouvernement fédéral à y prendre part. On a également convié les municipalités et un certain nombre de groupes d'experts en matière de logement. Nous aurons donc la possibilité d'en discuter le 20 août. Malheureusement, la ministre fédérale n'a pas encore confirmé sa participation.
Comme vous l'avez expliqué, pour remédier au problème, il faut s'assurer que tout le monde avance dans la même direction. Le fait de réunir tous les gens dans la même pièce serait un bon début.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Friendly.
Je suis conscient que la stratégie nationale en matière de garde d'enfants est une question que mes collègues ont à coeur, et je respecte leur opinion.
C'est un domaine qui me pose problème. Je suis certain que vous avez déjà entendu cet argument, et j'essaie simplement de mieux comprendre. Supposons, par exemple, que les frais de garderie dans ma région s'élèvent en moyenne à 750 ou 1 000 $ par mois. Que répondriez-vous au parent qui vous dit préférer que vous lui versiez cet argent pour qu'il demeure à la maison avec son enfant plutôt que vous l'investissiez dans un programme national de garderies? Je suis sûr que vous avez déjà entendu cet argument auparavant. Je ne dis pas que je suis pour ou contre; j'aimerais simplement connaître votre avis là-dessus.
Ce sont deux choses tout à fait différentes. Le mieux que je puisse dire à ce sujet, c'est que nous permettons quand même aux Canadiens de garder leurs enfants à la maison même lorsque la fréquentation scolaire est obligatoire, mais nous ne leur versons pas d'argent à cet effet.
N'empêche que je comprends cet argument. Je n'ai jamais affirmé que toutes les femmes devaient faire partie de la population active. J'ai toujours fortement préconisé les congés parentaux et les politiques permettant de concilier travail et famille. Je considère qu'un programme national, bien qu'il soit évidemment géré au sein de la province, comporte de nombreuses facettes et offre divers services aux gens qui veulent y participer.
C'est une question qui mérite d'être considérée. Lorsque les parents peuvent se le permettre, nombreux sont ceux qui décideront d'envoyer leurs enfants à la prématernelle ou à une garderie éducative pour une partie de la journée. Des études le démontrent. C'est parfois quelque chose que les parents veulent avant que leur enfant n'ait atteint l'âge de deux ans et demi ou trois ans.
D'après ma vision, cela ferait partie du programme. Je ne vois pas comment je pourrais insister davantage là-dessus.
Vous savez, comme je l'ai déjà dit, il ne s'agit pas simplement de surveiller l'enfant pendant que maman est au travail. Les programmes d'éducation préscolaire et les parents jouent un rôle très différent. Les deux sont néanmoins très importants. Je pense qu'il convient de mentionner que la politique familiale doit renfermer une série de mesures destinées à venir en aide aux familles, à appuyer les femmes sur le marché du travail et à améliorer l'éducation, pour le bienfait des enfants. Verser de l'argent aux parents, c'est une chose, mais investir dans un programme d'études préscolaires, c'en est une autre.
Je ne pourrais vous dire combien de fois les gens m'ont posé cette question. Je ne sais pas comment le dire plus clairement: il ne s'agit pas simplement de surveiller les enfants.
À ce propos, j'ai parlé à des femmes, des femmes politiques, dont certaines qui sont anti-garderie, et celles-ci m'ont dit qu'elles voulaient que leur enfant apprenne à socialiser. Je me souviens d'une députée du Parti réformiste, avec qui j'ai beaucoup parlé, qui a mis sur pied une garderie éducative. C'est un aspect du tableau.
Par conséquent, le réseau de garderies ne serait pas un programme universel, élaboré à Ottawa, qui correspondrait parfaitement aux besoins de toute la population. Vous auriez beaucoup de difficulté à trouver cela en Suède, en France ou dans tous ces pays. Il faut avoir en place une série de programmes bien intégrés au niveau local et différents l'un de l'autre.
Sachez que je viens tout juste de rédiger un livre sur la politique nationale en matière de garde d'enfants. Le dernier chapitre décrit réellement cette vision.
Il ne s'agit pas uniquement des mères ou des pères qui travaillent, pas plus que des enfants qui vont dans des centres. On parle plutôt d'une série de politiques à l'appui des familles, et le revenu en fait partie.
Pour revenir à la question de Maria Minna — qui est très pertinente —, je suis toujours ambivalente à propos de la Prestation universelle pour la garde d'enfants. Je ne sais pas si nous devrions la verser aux parents pour reconnaître le travail qu'ils font en élevant leurs enfants. En 1987, nous avions l'allocation familiale. Quand mes enfants étaient petits, toutes les familles recevaient un paiement mensuel. C'était symbolique, et ça servait à reconnaître les parents. Cela n'avait rien à voir avec les services de garde.
Je perçois la Prestation universelle pour la garde d'enfants de la même façon. Celle-ci n'est pas suffisante pour assumer tous les frais de garderie ou pour permettre aux parents de demeurer à la maison, mais elle suffit à leur donner un bon coup de main.
C'est tout ce que j'ai à dire. Si vous disposez d'un budget serré, ce n'est pas une utilisation judicieuse de votre argent. Si vous voulez réellement reconnaître les parents, il s'agit d'un bon investissement.
Pour répondre à votre question, un investissement dans l'éducation préscolaire et dans les garderies et une prestation aux parents sont deux choses bien différentes.
Est-ce que cela répond à votre question?
Il s'agit d'une très bonne réponse pour le temps dont elle disposait.
Madame Minna, j'aimerais revenir vers vous. Vous avez cinq minutes.
Tony, nous allons vous laisser conclure plus tard par une réponse rapide.
Nous allons relire la déclaration lorsque nous aurons les bleus.
Monsieur Shapcott, j'ai une question pour vous. Elle porte sur le logement. Je voulais y revenir tout à l'heure.
En ce qui a trait à la stratégie nationale en matière de logement, je n’y vois pas d’inconvénients; elle est évidemment nécessaire. Cependant, vous avez dit plus tôt qu'il faut plus de logements communautaires. Les coopératives d’habitation en sont sûrement l'un des meilleurs exemples. Il y en a beaucoup dans ma circonscription, et c'est merveilleux. Ces logements rassemblent vraiment la communauté. Ils ont un aspect social, communautaire, familial, et ainsi de suite. Nul besoin de vous en expliquer les particularités.
Quant à l’itinérance, mon ancienne collègue, Mme Bradshaw, a mis de l'avant l’IPAC, l'Initiative de partenariats en action communautaire, qui est un fonds pour lutter contre le sans-abrisme. Là encore, il s'agissait de logements communautaires en partenariat avec la ville.
Enfin, voici ma dernière observation. Je crois que la SCHL dispose des fonds nécessaires dans son budget pour lancer un programme national de logement sans même avoir recours au budget central. Je crois que l'argent y est; il ne nous reste qu’à modifier son mandat.
Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Oui, avec plaisir. Je vous remercie beaucoup.
Je vous rappelle que le concept des coopératives d’habitation a été reconnu par le gouvernement fédéral comme meilleure pratique mondiale, en 1996, ainsi que par les Nations Unies. C'est un modèle que bien des pays étrangers admirent. L’ironie, c’est que le gouvernement fédéral a décidé, la même année, qu'il allait transférer pratiquement toutes les coopératives de logement et les autres programmes nationaux de logement aux provinces et aux territoires. Heureusement, il a fait marche arrière. Somme toute, les coopératives d’habitation sont un excellent modèle.
Vous avez parlé de l'IPAC, que l'on appelle maintenant l'IPLI, ou l'Initiative des partenariats de lutte contre l'itinérance. Ce que je raffole des sigles fédéraux! Il s'agit d'un excellent programme en soi, puisque le gouvernement fédéral jour le rôle de facilitateur. Le programme permet aux collectivités de définir leurs besoins en matière d’itinérance, puis le gouvernement fédéral fournit les moyens de financement ainsi que d'autres outils.
Je tiens à souligner qu'en septembre dernier, le gouvernement fédéral a prolongé de cinq ans le financement de cette initiative, ce qui était bienvenu. Or, le problème, c’est que 80 p. 100 des fonds sont affectés à 10 grandes collectivités, et que 51 autres se partagent les 20 p. 100 restants. Le reste du pays est laissé pour compte. À vrai dire, les autres collectivités canadiennes ne touchent rien qui provient de ce programme.
C’est donc un bon programme là où l’on peut en tirer profit, mais je dois dire que l'IPAC, ou l'IPLI actuellement, pose également problème en ce sens que les fonds sont pratiquement les mêmes que lorsque la ministre Bradshaw l’a annoncé pour la première fois à l'hiver 1999. Le montant est essentiellement demeuré le même, ce qui signifie qu'il est moindre.
J'aimerais vous donner un exemple afin d’illustrer mes propos quant au fait de « bâtir à partir de la collectivité », puisque c’est ce dont nous parlons. Vous serez peut-être surprise de me l'entendre dire, mais l'Alberta est en avance depuis un certain temps en matière de logement et de l'aide aux sans-abri. Sept villes de l’Alberta ont uni leurs forces et ont créé un partenariat de sept villes, regroupant des municipalités et des groupes communautaires. Elles ont cerné leurs besoins en matière de logement local, puis se sont présentées au gouvernement de l'Alberta. Il y a quelques mois, il s'est engagé à leur fournir un financement de 3,2 milliards de dollars sur 10 ans. Dans son dernier budget, il a alloué 500 millions de dollars environ. Lorsque l’on regarde les initiatives que mettent en œuvre toutes les provinces, le gouvernement de l'Alberta se démarque particulièrement par sa réponse à cette approche communautaire. Nous sommes d’avis que le gouvernement fédéral devrait lui emboîter le pas.
Votre dernière question portait sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Comme vous le verrez à la page 7 de la version anglaise de mon mémoire — je ne peux pas vous donner la page correspondante en français, car je n’ai pas cette version en main —, nous suivons de près, en utilisant les dernières estimations sur cinq ans de la SCHL, ce qu'elle appelle son revenu gagné, que tout le monde appelle habituellement un bénéfice. Il s'agit de l'argent en surplus après paiement des factures. Selon les prévisions, ce montant atteindra près de 2 milliards d'ici 2013. Cette année-là, les dépenses qu’engagera le gouvernement fédéral pour l'Initiative en matière de logement abordable de la SCHL s’élèveront à 1 million de dollars. Je suis désolé de dire que bien que ce montant représente beaucoup d'argent pour les particuliers, ce n'est rien pour le gouvernement fédéral. De fait, par l'intermédiaire de sa société nationale de logement, il aura un revenu gagné, ou bénéfice, de 2 milliards de dollars, mais seule la moitié de ce montant fera partie du programme de logement abordable.
Votre commentaire est donc tout à fait à propos. La Société canadienne d'hypothèques et de logement dispose de ressources considérables qui peuvent être investies dans un programme national de logement social et dans d'autres initiatives nationales en matière de logement ou de sans-abrisme.
Puisqu'il me reste peu de temps, mon commentaire sera très bref.
Dans ma circonscription, il y a eu un projet d'envergure appelé Main Square, qui comptait quatre bâtiments principaux. Le complexe a été érigé en 1976 en partenariat entre le secteur privé et la SCHL. Le terrain appartenait encore au secteur public, mais la SCHL a géré les bâtiments jusqu'aux années 1990. Il y subsiste aujourd'hui des unités partiellement subventionnées, mais leur nombre diminue de plus en plus. Par conséquent, lorsqu'une personne déménage d'une unité subventionnée, le loyer revient à la valeur marchande, donc nous y perdons au change.
Voilà un exemple de partenariat qui a été créé. On ne ghettoïse pas nécessairement les gens dans un quartier de logements sociaux abordables où chacun doit être inscrit sur la liste de logement social pour pouvoir obtenir une unité. Le projet était intégré et il fonctionnait très bien.
Si vous me le permettez, je connais très bien le dossier. Comme vous le savez, j'étais à vos côtés à maintes reprises lorsque l'on craignait le retrait du financement et donc la réduction des subventions, ce qui se traduisait effectivement par l'expulsion de bien des gens pour des raisons économiques.
Un plan national complet avec les représentants des provinces, des municipalités et des secteurs privé et communautaire comporterait certains éléments. L'offre est un aspect très important, y compris les nouvelles coopératives. Il faut aussi se pencher sur les projets visant l'abordabilité, tels que celui dont vous venez de parler, auquel participait le gouvernement fédéral auparavant, mais plus maintenant. C'est également une composante.
Je ne suis pas certain si c'est le cas pour toutes les provinces, mais certaines d'entre elles, particulièrement l'Ontario, ont négocié l'utilisation d'une part des montants fédéraux qui leur ont été transférés dans le cadre de l'Initiative en matière de logement abordable de 2001, celle dont le financement vient d'être bonifié légèrement, pour financer le genre de partenariat dont vous parlez. Or, le programme n'est que sur cinq ans. Le problème est le même qu'à Main Square, c'est-à-dire qu'à la fin de cette période, les locataires se voient grevés d'un loyer devenu trop élevé, ce qui mène donc à l'expulsion, pour ainsi dire, pour des raisons économiques.
J'ai une question rapide pour Kofi.
Nous avons parlé avec Tim d'un revenu annuel garanti. En fait, le gouvernement a tenté, sans réel plan d'ensemble, de voir à ce que tout le monde ait au moins un revenu minimal. Le problème, c'est que certaines personnes ne le savent pas. Vous avez souligné un certain nombre de droits dont les gens ignorent l'existence ou qu'ils connaissent sans y avoir eu recours, et ainsi de suite. Vous avez également parlé de vos démarches pour les instruire en matière de finances.
Quelle est la solution? Doit-il y avoir plus de personnes comme vous qui tentent d'éveiller leur attention aux programmes auxquels ils sont admissibles ou faut-il plutôt se dépêcher de régler les problèmes pour qu'ils obtiennent ce à quoi ils ont droit?
Merci pour votre question.
Nous pouvons prendre exemple sur les États-Unis, qui ont une organisation appelée National Community Tax Coalition. Cette coalition est formée d’une série de villes américaines qui ont mis leurs efforts en commun, sachant que beaucoup de groupes à faible revenu vivant sur leur territoire n'arrivent pas à se prévaloir de leurs droits. Elles ont créé des organisations pour les aider en ce sens. Selon les derniers renseignements dont je dispose, ces organisations ont généré 20 milliards de dollars environ dans une centaine de villes américaines pour les groupes à faible revenu. Elles le font depuis 30 ans.
Bien sûr, il existe aux États-Unis un programme qui fait croître ce montant davantage, ce qu'ils appellent le crédit d'impôt sur le revenu gagné. Le Canada a un programme équivalent, la prestation fiscale pour le revenu gagné, qui a été annoncé lors du dernier budget. Le gouvernement s’est alors engagé à verser un demi-milliard de dollars sur quatre ans, ce qui risque de croître.
Comment peut-on faire en sorte que les gens obtiennent ce à quoi ils ont droit? Il y a une combinaison d’éléments. Il faut d’abord être en mesure de cibler, par l'intermédiaire d’organisations qui dispensent des services aux démunis, les personnes qui ne reçoivent pas ce à quoi elles ont droit. Ensuite, elles sont renvoyées à un organisme qui peut les aider à y avoir accès. À cette étape, l’organisme examine les services fédéraux qui sont chargés de la prestation de ces programmes, tels que Service Canada, et il s'interroge sur l'efficacité de leurs services.
Mes recherches révèlent qu'il y a un problème. Il faut donc examiner ce que font ces organisations fédérales.
L’étape suivante est de créer ces mécanismes communautaires de prestation de services pour que les gens les reçoivent. Les organisations de services aux démunis ont un rôle clé à jouer à cet égard. Elles doivent au moins avoir à l’interne la capacité de présélectionner les personnes qui ont besoin d'aide et de les envoyer aux bons endroits.
Voilà les trois choses que nous pouvons faire.
Merci beaucoup.
À tous nos témoins, je vous sais gré du temps que vous nous avez accordé. Je me rends bien compte que vous êtes des experts dans les domaines particuliers pour lesquels vous avez été invités. Nous vous sommes reconnaissants non seulement du travail que vous faites dans ces domaines, mais aussi d’être venus témoigner aujourd'hui.
La séance est levée.
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