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Députés, témoins et invités, bonjour.
C'est la 18e rencontre du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. À l'ordre du jour, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, il y a l'étude du développement économique des territoires du Nord: barrières et solutions.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous accueillons quatre témoins dans le cadre de notre étude sur les obstacles et les solutions au développement économique des territoires du Nord.
Mesdames et messieurs, nous devrons également parler un peu des travaux du comité à la fin de la réunion; nous essaierons donc de terminer notre réunion ordinaire aux alentours de 17 h 15.
Je tiens à vous présenter mes excuses à l'avance pour la chaleur inconfortable qui règne dans cette pièce cet après-midi. C'est notre troisième réunion ici aujourd'hui. Nous ferons ce que nous pourrons, mais je tiens à vous présenter mes excuses. Nous avons suffisamment d'eau pour survivre.
Nous commencerons par un exposé de M. Jacques Plante, président de Nasittuq Corporation. Nous entendrons ensuite M. Tony Butler, président de Pan Arctic Inuit Logistics Corporation. Vous vous rappellerez sûrement que c'est l'une des organisations dont nous avions tenté de rencontrer les représentants lorsque nous étions à Iqaluit; nous sommes donc ravis de les accueillir aujourd'hui. Nous donnerons ensuite la parole à M. Zehr, de la Nunasi Corporation, puis à M. Page, de la TRNEE.
Commençons par M. Plante.
Les exposés de M. Plante et de M. Butler dureront environ cinq minutes chacun. Ce n'est pas grave si vous dépassez un peu le temps alloué. Vous avez donc la parole pour cinq minutes, monsieur Plante.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais faire mes remarques en anglais, mais je pourrai répondre à toutes les questions dans les deux langues officielles, si nécessaire, cela me fera plaisir.
Je ne parlerai pas de notre propre entreprise pour passer directement au sujet d'aujourd'hui, c'est-à-dire les défis dans le domaine de l'emploi dans le Nord.
[Traduction]
J'aimerais vous parler des problèmes auxquels nous sommes confrontés, sur le plan pratique, relativement à l'embauche des gens du Nord ou au travail dans le Nord.
Environ 90 personnes, ou 35 p. 100 des employés permanents de Nasittuq, travaillent dans le Nord, d'un bout à l'autre du pays. Durant la période de pointe, en été, nous offrons des emplois temporaires à un nombre équivalent de travailleurs pour soutenir nos projets d'entretien et nos projets spéciaux dans le Nord. Plus de 55 p. 100 de nos employés temporaires sont des Inuits.
Nous avons mis l'accent sur l'augmentation du nombre et de la qualité des emplois et des carrières pour les Inuits. Cela fait partie du mandat de l'entreprise. Lorsque Nasittuq a vu le jour, en 2001, nous avions moins de 20 employés inuits permanents; aujourd'hui, nous en avons 51, ce qui représente environ 20 p. 100 de notre main-d'oeuvre permanente. Sachez que 34 de ces employés travaillent directement dans le Nord et que 17 travaillent au Sud, à North Bay ou à Ottawa.
Nous avons mis en oeuvre un programme de création d'emplois permanents ainsi qu'un programme de formation spécialement adaptés à nos besoins. Depuis décembre 2001, 80 personnes ont participé à ces programmes. Nous y avons investi plus de 8 millions de dollars, ce qui représente, en moyenne, environ 100 000 $ par employé, soit un investissement important.
Sur le plan pratique, cinq éléments nous ont particulièrement posé problème en ce qui concerne l'amélioration des possibilités d'emploi pour notre personnel inuit. Ces éléments sont l'éducation, les services de santé, les habilitations de sécurité, l'équipement de sécurité personnelle approprié, ainsi que toute la question de la distance dans le Nord.
Permettez-moi de vous expliquer brièvement chacun de ces éléments.
En ce qui concerne l'éducation, la plupart des emplois que nous offrons requièrent des compétences multiples et un certificat technique ou d'ouvrier qualifié, qui exigent tous deux des normes minimales communes en mathématiques et en sciences. Non seulement les Inuits ont peu de possibilités d'obtenir ces certificats, mais les écoles ont également de la difficulté à former un nombre suffisant de diplômés du secondaire ayant les compétences requises en mathématiques et en sciences pour répondre à la demande.
Notre programme de développement vise à aider les employés inuits à acquérir les qualifications nécessaires pour obtenir leur certificat de compétence. Ce qui est difficile pour nous, c'est de trouver des diplômés du secondaire qui ont suivi les cours préalables en mathématiques et en sciences et qui peuvent réussir les examens d'admission préparatoires à l'exercice d'un métier.
De plus, compte tenu du niveau limité des programmes de certification offerts dans le Nord, nous sommes forcés de débourser des sommes considérables pour envoyer nos employés qui participent au programme de développement à des établissements de formation dans le Sud. En outre, il y a souvent des personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas s'éloigner de leur communauté et de leur famille pendant une longue période pour suivre cette formation.
Du côté positif, il y a des Inuits qui obtiennent leur certification grâce à des programmes comme notre programme de développement, auquel 14 employés sont actuellement inscrits.
Toutefois, la concurrence s'accroît au sein d'un bassin limité d'employés inuits qualifiés, et notre défi consiste à retenir au sein de notre entreprise les employés formés. Grâce à leurs nouvelles connaissances, ils peuvent trouver un emploi dans leur communauté; même si nous continuons de considérer cela comme une contribution positive au développement du Nord et à l'intégration des Inuits dans l'économie, il n'en demeure pas moins que c'est extrêmement coûteux pour nous. D'autres employés trouvent trop difficile de travailler selon un horaire rotatif.
Nous continuons à chercher des façons de faciliter l'adaptation et de soutenir le mieux possible les travailleurs. Ce roulement élevé de notre personnel, comparativement aux employés du Sud, rend notre processus de recrutement plus difficile.
Permettez-moi maintenant de vous parler brièvement des services de santé. Ici, je parle tout simplement de l'exigence de subir des examens médicaux et de fournir un certificat médical.
Par exemple, nous exigeons qu'une personne subisse un examen médical préalable à l'emploi, et je sais que les centres de santé de beaucoup de petites communautés du Nord n'ont pas les ressources adéquates pour effectuer ces examens approfondis, en particulier lorsque des tests de suivi complémentaires sont requis, comme des radiographies. Les gens doivent alors se rendre à l'extérieur de leur communauté pour subir ces tests.
Je vais maintenant vous parler de l'habilitation de sécurité. Compte tenu de la nature de notre contrat avec le gouvernement du Canada, il nous faut respecter divers niveaux d'habilitation de sécurité, allant de « fiabilité approfondie » à « secret », selon le poste. Les infractions mineures peuvent empêcher les employés de satisfaire à cette exigence, et bien des gens ne s'attendent pas à subir cet inconvénient.
De plus, certains employés doivent posséder un permis de possession et d'acquisition d'une arme à feu dans le cadre de leur travail, par exemple, les personnes chargées de surveiller les ours. Or, peu de résidents du Nord possèdent ce permis, et il est difficile de l'obtenir dans les communautés à cause du manque de formation et d'aide offertes à ce chapitre.
Tous nos employés doivent être munis d'un équipement de sécurité personnelle adéquat, et puisque nous leur offrons une aide financière pour cela, nous nous attendons à ce que nos employés temporaires respectent cette exigence de base avant d'arriver au travail. Par exemple, le port obligatoire de chaussures de sécurité peut être difficile pour un nouvel employé.
Enfin, en ce qui concerne la distance, je crois que vous comprenez tous qu'il est parfois difficile de se déplacer dans le Nord. Jusqu'à ce que les résidents des communautés nordiques possèdent les compétences requises pour occuper nos emplois très spécialisés, nous devons faire venir du personnel par avion selon un horaire rotatif, ce qui nous coûte très cher. La durée des rotations varie de six à huit semaines; il en coûterait trop cher de transporter des employés par avion pour des rotations de plus courte durée. En raison de la durée des rotations, ces employés ont parfois des difficultés à respecter leurs obligations familiales et personnelles, puisqu'ils s'absentent durant de longues périodes.
Il est difficile pour le sous-traitant de prendre en charge certaines tâches et certains projets. Nous devons faire face à des défis qui ne sont pas nécessairement propres au Nord, mais qui sont assurément courants dans cette région. Les trois principales difficultés sont: la certification; les normes et les procédures gouvernementales, en particulier le manque d'expérience en ce qui concerne les conditions mises en place par le gouvernement du Canada, qui sont très complexes, et la quantité de documents requis pour les propositions; et, bien entendu, la distance géographique.
Pour les petites entreprises, satisfaire aux conditions imposées par le gouvernement du Canada est si complexe que dans la plupart des cas, elles n'ont tout simplement pas le temps ni les ressources pour s'en donner la peine et elles renoncent à offrir leurs services. Même si nous avons fait tout notre possible pour réduire les formalités administratives et certains des aspects les plus exigeants de la responsabilité et d'autres conditions rigoureuses, notre propre contrat nous oblige à les appliquer à nos propres sous-traitants ou à absorber nous-mêmes les risques.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur le développement du Nord.
Je commencerai par dire que je suis le président de Pan Arctic Inuit Logistics Corporation, une société appartenant à 100 p. 100 aux Inuits des quatre régions visées par un accord de revendication territoriale, par l'entremise de leurs sociétés de développement respectives.
Avec l'appui du gouvernement, PAIL a été créée il y a 15 ans et s'est associée très tôt en coentreprise avec ATCO Structures and Logistics pour exploiter et entretenir le Système d'alerte du Nord sur l'ensemble du territoire. Dans cette coentreprise, PAIL est passée de participant débutant à actionnaire à parts égales, avec ATCO, au sein de notre agent de sociétés, Nasittuq. Je dois mentionner que cette participation donne aux Inuits une source de capitaux, une source de fonds pour investir dans leurs communautés et dans leurs entreprises locales dans le Nord.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler brièvement des deux éléments que je considère comme des obstacles au développement du Nord.
Le premier porte sur l'approche du gouvernement relativement à un élément du processus d'évaluation des soumissions. Actuellement, le rendement passé des soumissionnaires quant à l'atteinte des objectifs liés aux avantages pour les Autochtones est évalué uniquement en vérifiant s'il y a eu un résultat, et non si le résultat a été un succès ou un échec. On doit seulement décrire les leçons retenues. Cette approche encourage les entreprises à prendre d'importants engagements au moment de la soumission sans se préoccuper de les respecter, puisque l'omission de le faire ne nuira pas à leurs possibilités d'affaires avec le gouvernement fédéral dans l'avenir. Les entreprises qui investissent du temps, de l'argent et des efforts pour respecter leurs engagements ou même les dépasser sont jugées selon les mêmes critères que celles qui ne le font pas. Cela n'encourage pas les entreprises à investir pour garantir une participation importante des Inuits, source d'avantages durables.
Il faut mettre en place de façon graduelle une méthode pour évaluer le rendement antérieur afin de tenir compte des taux de succès. Il faut également créer un mécanisme pour évaluer non seulement les résultats quantitatifs des soumissionnaires, mais également les résultats qualitatifs.
Le deuxième élément concerne le fait d'être au courant des possibilités et le moment où on l'est. Au sein du processus d'examen des acquisitions, les décisions liées aux programmes prises tôt dans le développement d'un projet peuvent limiter la participation, ce qui réduit les possibilités d'une participation importante des Inuits. Comme certains organismes d'État et certaines initiatives fédérales ne sont pas soumis au processus d'examen des acquisitions, les obligations en vertu des revendications territoriales peuvent ne pas être prises en considération ou l'être trop tard durant le processus.
Comme la participation des Inuits est normalement prise en compte à la fin du processus d'approbation, la participation est trop souvent considérée comme une taxe sur les projets, et les gens cherchent à l'éviter, comme ils le font pour la plupart des taxes. Puisqu'aucune considération réelle n'est prise en compte avant le début du processus de soumission, il est difficile pour les Inuits de déployer les efforts opportuns pour établir des partenariats ou des coentreprises, ce qui veut dire que les communautés inuites doivent tenter de répondre aux exigences de formation trop tard durant le processus; par conséquent, cela réduit les possibilités d'obtenir des emplois spécialisés.
Je crois que l'on peut assurer le développement à long terme du Nord en faisant participer pleinement les communautés inuites dès les premières étapes des plans et des projets gouvernementaux conçus pour le Nord. Cette participation permettrait une planification adéquate tant pour répondre aux exigences éducationnelles et de formation que pour disposer du temps nécessaire afin de mettre en place les ressources appropriées.
J'aimerais terminer sur cette note. En 1998, mon prédécesseur est venu parler à ce comité des mêmes problèmes. Même s'il y a eu des progrès, ces problèmes existent encore dans le Nord.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. J'ai pensé commencer en vous disant que si j'avais mon mot à dire sur l'endroit où se tiendront les prochaines réunions, je proposerais que ce soit dans le nord, où il fait un peu plus frais.
Des voix: Oh, oh!
M. Tim Zehr: Je suis en train de fondre ici, cet après-midi.
D'abord, je vais vous parler un peu de Nunasi. C'est une société de développement qui appartient exclusivement aux Inuits du Nunavut. En tant que société de développement, Nunasi sert d'instrument qui permet aux Inuits de profiter de la croissance économique du Nunavut. Le conseil d'administration est composé de représentants de toutes les associations régionales inuites et leurs sociétés de développement respectives. La société représente les trois régions du Nunavut. Sur ce plan, elle est unique.
La majorité des activités de Nunasi reposent sur la collaboration avec d'autres partenaires d'affaires. Lorsque nous évaluons des intérêts commerciaux, nous nous posons deux questions clés. Premièrement, sur le plan financier, s'agit-il d'un investissement durable, solide et à long terme, qui créera des débouchés intéressants pour nos bénéficiaires? Deuxièmement, cela aura-t-il pour eux des effets positifs sur le plan environnemental, culturel et social?
Nunasi investit dans des entreprises partout au Nunavut. Toutefois, aujourd'hui, je vais me concentrer sur l'est de l'Arctique et sur les nombreux avantages durables pour nos bénéficiaires. Cela comprend notamment l'objectif important de réaliser des bénéfices pour les actionnaires, bien entendu, mais également les avantages clés comme la création de nouvelles perspectives d'emploi pour les Inuits et le soutien au développement qui fera avancer le Nunavut et améliorera la qualité de vie en général sur le territoire.
Nunasi, c'est bien plus qu'une question de profits. C'est aussi aider à bâtir des collectivités dynamiques, durables et prospères, qui peuvent offrir de nouvelles perspectives aux particuliers, aux familles et aux entreprises locales. C'est le genre d'approche que l'on ne voit pas souvent dans le milieu des affaires d'aujourd'hui, mais c'est celle qui fonctionne dans la région de l'Arctique et qui a fait ses preuves. À l'heure actuelle, Nunasi investit dans plus de 60 entreprises très diversifiées un peu partout dans le nord.
En ce qui a trait aux partenariats et aux débouchés, grâce à des partenariats stratégiques et des coentreprises, Nunasi a mis sur pied un certain nombre d'entreprises importantes qui offrent des services dans le nord aujourd'hui, des entreprises qui reflètent les grandes ambitions du Nunavut.
Il y a déjà une industrie minière en pleine expansion dans ces régions. Nunasi espère trouver des débouchés dans ce secteur. L'industrie minière dans l'Est de l'Arctique a fait un grand pas en avant plus tôt cette année lorsque Agnico-Eagle a ouvert sa nouvelle mine d'or de Meadowbank, au nord du lac Baker. Il y a de nouveaux débouchés partout au Nunavut. Newmont Mining a reçu l'approbation pour son projet d'extraction de l'or de Hope Bay, à Cambridge Bay, et il y a bien sûr le projet d'exploitation du minerai de fer à l'île de Baffin.
En plus de ces ressources minières, nous avons également d'importantes ressources pétrolières et gazières dans l'est de l'Arctique. D'après les estimations actuelles, le bassin Arctique pourrait contenir jusqu'à 11 p. 100 des ressources totales de pétrole brut et 20 p. 100 des ressources en gaz naturel du Canada. Cependant, étant donné ce qui se passe aujourd'hui dans le monde, ces ressources ne devraient peut-être pas être exploitées.
Selon vous, quel rôle doit jouer le gouvernement? Compte tenu des énormes déficits qu'accumulent tous les gouvernements du monde, y compris celui du Canada, nous croyons qu'une bonne partie du financement actuel est compromis, car le Canada se concentre sur la réduction du déficit. Cela dit, nous croyons que le rôle des gouvernements fédéral et territoriaux... il faut créer un climat d'investissement concurrentiel dans l'Arctique, un climat qui reflète les intérêts et les besoins des entreprises et de l'industrie, et qui favorise de nouveaux projets de développement des ressources dans la région.
Le gouvernement doit réduire le fardeau administratif et éliminer les autres obstacles à l'investissement. Il doit s'assurer que nous avons des règles et des procédures d'approbation efficaces afin de promouvoir le développement responsable sans complexité ni double emploi inutiles.
Pour ce qui est de la main-d'oeuvre qualifiée, même si de nouvelles possibilités continuent d'être développées dans le nord, le plus inquiétant, et de loin, c'est le manque de travailleurs qualifiés. C'est bien d'entendre parler de nouveaux organismes gouvernementaux qui viennent exercer leurs activités dans des endroits comme Iqaluit et le Nunavut; toutefois, il n'en demeure pas moins qu'il est très décevant de voir, par exemple, que l'on a créé 20 nouveaux emplois dans le nord, mais qu'ils sont comblés par 19 travailleurs du sud, qui ne restent que pour une courte période ou qui font parfois simplement des trajets allers et retours.
La réserve de talent est si limitée qu'il y a un immense besoin d'infrastructure éducative et de formation. La réalité dans le nord, c'est que bien des jeunes filles célibataires ont des enfants à un très jeune âge, et les obstacles créés par le manque de garderies font en sorte que bon nombre de ces jeunes ne peuvent même pas envisager avoir une carrière, et encore moins un emploi à temps plein.
Les données démographiques de la population du nord sont tout à fait à l'inverse de celles du reste du Canada. Presque partout au pays, la population est vieillissante; au Nunavut, les jeunes représentent une grande proportion de la population. Ces jeunes auront besoin de compétences pour occuper ces postes. Le Nunavut affiche la croissance démographique la plus marquée au Canada. Sa population a doublé entre 1981 et 2006, passant de 15 600 à 29 000 habitants. Le taux de grossesse est le plus élevé au pays.
Une population en pleine croissance crée une demande en projets d'immobilisations et en infrastructures: établissements d'enseignement, réseaux de transport, logements, locaux pour bureaux et infrastructures de services publics pour l'eau, les égouts et l'électricité. L'une des solutions à la nécessité pour le gouvernement de répondre à ces demandes serait de favoriser les partenariats public-privé, ou PPP.
Les PPP rassemblent les éléments de la conception, de l'élaboration, du financement et du maintien d'un projet. On pourrait donner comme exemple l'édifice de l'Assemblée législative du Nunavut, à Iqaluit, qui a été construit dans le cadre d'un PPP. Il ne s'agit pas de privatisation mais bien d'un vrai partenariat, dont les grandes lignes sont exposées dans un accord commercial.
Créer de nouvelles possibilités dans le Nord est excellent, mais nous devons nous assurer, pour les habitants de cette région, que nous avons tous les ingrédients sur place pour réussir. La création d'une université de l'Arctique serait un bon début.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du comité.
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Merci, monsieur le président.
Je suis ici pour vous donner un bref aperçu d'un rapport de la table ronde nationale, présenté en novembre dernier, qui porte sur les infrastructures dans l'Arctique et l'adaptation au changement climatique au Canada.
La table ronde nationale réunit un groupe de chefs de file provenant des quatre coins du Canada, qui se penchent sur les questions de l'environnement et du développement durable. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, nous avons tenu des audiences dans le Nord et nous avons recueilli beaucoup de commentaires de gens de cette région.
Le rapport, intitulé True North ou Franc Nord, a pour but d'examiner les graves problèmes d'infrastructure auxquels le Canada sera confronté en raison des changements climatiques et la nécessité de s'adapter à ces nouvelles conditions. Les changements climatiques dont nous sommes témoins dans l'Arctique canadien évoluent plus rapidement que n'importe où ailleurs sur la planète, et nous serons les pionniers en matière de processus et de projets d'adaptation, que cela nous plaise ou non, notamment en ce qui a trait aux aéroports, aux eaux usées, aux routes, aux résidus, aux pipelines, au forage, aux mines et aux fondations surtout... des choses essentielles dans la vie des gens du Nord.
Dans notre rapport, il est question de trois éléments précis: les codes, normes et instruments connexes; l'assurance et la responsabilité; et les mesures d'urgence et la gestion des catastrophes.
Monsieur le président, dans le Wall Street Journal de ce matin, il y a un article sur l'augmentation de 15 à 50 p. 100 des taux d'assurance pour toutes les activités de forage en mer, à la suite de ce qui s'est produit dans le golfe du Mexique. Et cela à un lien avec notre troisième volet, soit celui des mesures d'urgence et de la gestion des catastrophes.
Certains problèmes auxquels nous sommes confrontés sur le plan physique ont déjà été mentionnés: changement de la température et expansion de la couche de pergélisol; dégradation de la glace de sol; élévation du niveau de la mer et ondes de tempête; et fonte de la glace marine et risques qui en résultent.
Dans notre rapport, nous parlons en détail des aspects économiques et sociaux; je vais donc simplement aborder ce point. Les habitants du Nord sont tributaires dans une large mesure de ces infrastructures. La population est dispersée et les défis sont grands, bien plus grands que ceux des Canadiens qui vivent au Sud. On remet en question la viabilité des zones de peuplement nordiques, comme nous le constatons déjà dans le processus de planification de la région pan-arctique aujourd'hui. Un développement économique accru augmente les risques dans certains cas, comme nous le verrons. Les coûts de construction et d'exploitation sont déjà élevés dans le Nord.
En ce qui concerne les applications réelles, quels sont les problèmes que nous tentons de signaler dans notre rapport? Il y a la saison des routes de glace qui est plus courte, par exemple, comme Diavik l'a constaté en 2006, ce qui entraîne une hausse des dépenses en frais d'hélicoptère. Il y a une érosion côtière accrue dans des régions comme Tuk, des incendies de forêt comme celui qui s'est produit à Dawson en 2004, une augmentation du forage dans les eaux arctiques et de la circulation des pétroliers provenant de la Sibérie dans le passage du Nord-Ouest, sans parler des choses banales comme l'écoulement des bassins de résidus miniers ou des étangs d'eaux usées.
Les codes et les normes sont un aspect très important de la façon dont nous mettons en place l'infrastructure. Dans ce rapport, nous montrons comment, selon nous, on n'a pas suffisamment pris en considération les conditions et la situation de la région du Nord dans l'élaboration des codes nationaux. Nous montrons qu'il existe des lacunes sur le plan de l'accessibilité des données pour les ingénieurs et les architectes dans le Nord et que l'on doit mettre l'accent, en ce qui a trait à l'applicabilité, sur la rapidité avec laquelle les effets des changements climatiques se font sentir au niveau des communautés, au niveau local. Nous nous réjouissons des réponses récentes de l'Office national de l'énergie — même si nous estimons que ce n'est qu'un début — sur les codes relatifs aux pipelines et au forage pour la réglementation dans le Nord.
Quant à l'assurance des biens et à l'assurance-responsabilité, l'assurance normale du secteur privé n'en couvrira qu'une petite partie. Dans bien des cas, le gouvernement sera l'assureur de dernier ressort. Il ne couvrira pas les inondations et la relocalisation.
Comme nous le constatons dans le golfe du Mexique, les déversements de pétrole dans l'Arctique seront difficiles à freiner. L'un des problèmes, qui est encore plus inquiétant dans le Nord, c'est que la récupération par des processus biologiques sera beaucoup plus lente en eau froide. Les phénomènes graduels comme la subsidence du sol seront plus difficiles à démontrer pour nous aux fins de l'assurance.
En ce qui a trait à la gestion des catastrophes et des mesures d'urgence, je n'ai pas besoin de dire grand chose ici. La fonte de la glace marine entraînera des changements climatiques dans la zone circumpolaire. L'élévation du niveau de la mer et les ondes de tempête auront certainement un impact sur l'érosion du sol et les zones de peuplement. Les services d'urgence dans les régions nordiques sont limités et sont encore éparpillés. La réglementation du pétrole et du gaz dans les régions nordiques doit prévoir des équipes d'intervention et de mesures d'urgence axées sur l'industrie, et cela a des incidences internationales puisque les courants océaniques débordent les frontières marines.
Pour terminer, monsieur le président, je vais vous parler des obstacles à l'action. Nous estimons qu'il existe des problèmes importants en lien avec ces trois éléments en ce qui concerne les institutions et les gouvernements fédéral, territoriaux et des premières nations, sans parler des régions nordiques des provinces, de la Colombie-Britannique au Labrador, qui sont si importantes.
Deuxièmement, nous estimons que la participation des habitants du Nord à la mise en place de normes nationales et de codes de pratique est essentielle et doit être accrue.
Troisièmement, la recherche dans le Nord — et je dis bien dans le Nord — doit inclure des recherches, des évaluations et des politiques sur l'impact climatique et les besoins en matière d'adaptation. J'appuie vivement la suggestion de Tim de créer une université dans le Nord.
Finalement, le renforcement des capacités communautaires afin de répondre aux besoins en matière d'infrastructure et de surveiller les changements climatiques est une partie importante de ce programme global.
Encore une fois, je vous remercie, monsieur le président. Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur Page, et merci à vous tous. Je suis heureux que chacun de vous ait formulé des suggestions précises et des recommandations dans vos exposés.
Nous allons maintenant passer aux questions des députés, et nous avons une liste pré-établie que nous allons suivre. Vous disposerez de sept minutes pour la question et la réponse; plus les questions et les réponses seront brèves, plus nous pourrons couvrir de terrain.
Avant de commencer, je voudrais simplement vous informer de quelque chose, au cas où quelqu'un devrait partir. Vous avez reçu dans votre documentation la semaine dernière — je fais une petite parenthèse ici — une invitation de M. Léon Benoit, le président du Comité des ressources naturelles. Tous les membres de notre comité sont invités à assister, demain midi, à une démonstration de l'entreprise Geomatics Industry Alliance, qui porte sur le forage en mer, les mesures de protection, etc. Cet événement aura lieu au 15e étage du Rideau Club, au 99, rue Bank. C'était dans l'un de vos documents. Je vous invite à y assister si cela vous intéresse. Il y a une carte-réponse que vous pouvez envoyer. Si la question du forage en mer vous intéresse, vous voudrez peut-être y assister. L'événement ne commencera officiellement qu'à 12 h 30; vous aurez donc le temps de vous y rendre après la réunion du caucus. Je tenais à vous en parler tout de suite au cas où quelqu'un devrait partir tôt.
Passons maintenant aux questions des députés.
[Français]
Monsieur Bagnell, vous disposez de sept minutes.
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C'est vraiment une bonne question qui nous ramène à quelques-uns des points que j'ai soulevés dans mon exposé.
Une trop grande part du travail entourant les changements climatiques dans l'Arctique et l'adaptation à ces changements n'est pas axée sur la collectivité; il est donc très difficile pour les gouvernements territoriaux et les premières nations d'évaluer correctement la situation. Une bonne partie de la modélisation qui a été réalisée fait état d'environ 17 000 pieds... et nous essayons de travailler précisément au niveau de la communauté. Par conséquent, une bonne partie de la recherche...
La question de l'autorité est un peu différente.
À ma connaissance, il y a actuellement des gens, comme le président de l'Office national de l'énergie, qui passent beaucoup de temps dans le Nord à essayer de mieux comprendre les problèmes de cette région. Je suis très au courant des efforts déployés pour travailler avec les trois ordres de gouvernement — fédéral, territorial et autochtone — à ce chapitre.
Nous avons mis au point, au Canada, un système de gouvernement unique pour développer ce genre d'initiatives. Est-ce que cela fonctionne pleinement et adéquatement aujourd'hui? Je ne crois pas. C'est pourquoi, dans mon exposé, j'ai parlé de la nécessité d'accroître l'intégration.
Avons-nous actuellement les ressources nécessaires pour accomplir le travail dont nous parlons afin de contrer ces risques? Je ne le crois pas non plus. Comme le Canada commence à s'intéresser davantage au Nord, que ce soit pour des questions de défense, de développement économique, de souveraineté ou d'affaires circumpolaires, je considère que nous, Canadiens, devrions nous investir beaucoup plus que nous ne le faisons maintenant.
Vous aurez compris que j'inclus le Nord provincial et pas seulement ce que je fais au niveau fédéral dans le Nord. Je suis très conscient, par exemple, du travail très important accompli par certains de mes amis du Québec à l'égard de ces dossiers qui touchent le Nord.
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Je peux vous parler de mon expérience personnelle à Nasittuq.
Pour commencer, l'une des choses que nous avons faites, au niveau secondaire, a été de développer un programme très simple consistant à offrir des bourses d'études, de l'aide à l'apprentissage; bref, des choses très concrètes. Nous avons également appuyé le programme des Rangers juniors et du corps des cadets pour encourager les jeunes à s'engager dans la communauté et à avoir une activité susceptible d'enrichir leur expérience de la vie dans son ensemble. Cela peut porter fruit. Néanmoins, il faut accorder une plus grande attention aux sciences dans l'éducation. Il existe un certain nombre de programmes qui semblent minimiser l'importance des mathématiques et des sciences. Les personnes qui essaient de s'orienter vers des métiers plus techniques ont besoin de ces connaissances de base qui leur manquent. Nous avions plusieurs postes à offrir, mais aucun des quatre, cinq ou six candidats ne possédait les compétences requises.
Nous envisageons de dépenser plus de 100 000 dollars, dans le cadre de ce programme, afin de former des opérateurs de machinerie lourde ou des chefs, des postes concrets pour lesquels il y a une demande sur le marché. Nous avons beaucoup de difficulté à recruter; alors tout ce qui peut être fait au niveau local pour traiter chaque jeune particulièrement...
Voici quelque chose de très simple. À Cambridge Bay ou à Hall Beach, il existe un programme scolaire de petits-déjeuners. Les enfants arrivent à l'école sans avoir pris de petit-déjeuner. Lorsqu'ils ont faim, ils ne peuvent pas bien étudier. Cela ne coûte pas très cher, mais l'argent bien dépensé permet certainement d'améliorer l'enseignement, en plus de motiver les enfants à poursuivre leurs études plus longtemps, ce qui est un grand défi.
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Dans mon article, j'en ai mentionné quatre, et dans notre rapport (j'ai soumis une version anglaise et une version française de ce rapport au comité), nous examinons quelques-uns des facteurs auxquels nous devrons nous attaquer très rapidement à cet égard.
C'est tout d'abord la question de l'intégration que j'ai signalée en réponse aux commentaires de M. Lévesque. C'est un élément extrêmement important, car nous devons apporter des ressources et certaines des connaissances du Sud dans le Nord, et l'intégration est un volet important de ce processus.
Si nous lançons l'Université de l'Arctique, ou peu importe le nom que l'on veut lui donner, l'Université Laval, l'Université de la Colombie-Britannique et d'autres universités, je l'espère, apporteraient leur contribution. Le volet intégration est crucial.
Deuxièmement, les codes de bâtiment et les normes de construction sont essentiels dans tout ce que nous faisons. C'est une des leçons que nous avons tirées dans notre rapport. Mais si le gouvernement fédéral tente d'appliquer des normes de construction nationales afin de construire de nouvelles villes nordiques ou de favoriser le développement économique, nous pensons qu'il faut être impliqués davantage. Et il n'est pas seulement question des normes, des codes et des pratiques de construction formels. Il faut aussi penser aux programmes de génie offerts dans les universités. Il faut voir comment les communautés professionnelles tentent aujourd'hui de remédier à ces problèmes.
Troisièmement, il faut vraiment mener davantage de recherches, dans le Nord et dans le Sud, en ce qui a trait... Il faut tenir compte de deux facteurs critiques quand il est question des changements climatiques. Le premier, c'est que nous ne savons vraiment pas encore avec quelle rapidité ces changements vont s'opérer.
Nous avons les résultats des températures hivernales des 20 dernières années dans la vallée du Mackenzie, et les choses ont commencé à bouger dans d'autres secteurs, mais si le gouvernement du Canada et les gouvernements territoriaux veulent bien faire leur travail, ils doivent avoir une meilleure idée de la rapidité avec laquelle ces nouvelles bandes d'atterrissage seront construites et quand il sera nécessaire de relocaliser certaines collectivités du Nord, entre autres choses. Ce sont des questions sociales extrêmement importantes, pas seulement des questions économiques.
Dernièrement, nous avons...
Je suis heureux de vous revoir, monsieur Butler, monsieur Plante et monsieur Zehr. Et bienvenue à vous, monsieur Page.
Je vais me concentrer sur un point bien précis, parce que plusieurs de mes collègues ont déjà soulevé quelques-unes des grandes questions. Je veux parler des transports, particulièrement des transports maritimes.
Pour ce qui est de Nasittuq, je sais que le transport aérien des personnes et des marchandises vous coûte très cher. Mais a-t-on déjà envisagé de construire de nouvelles infrastructures maritimes, comme des embarcadères et d'autres installations pour le transport des marchandises?
On constate en effet que la saison de transport des marchandises est de plus en plus active et de plus en plus longue. C'est le cas au Labrador. Au Nunavut et dans d'autres régions de l'Arctique, on vous dira aussi que la saison est plus longue. Jamais on a vu autant de bateaux de croisière. On voit maintenant de la navigation de plaisance.
Cependant, les politiques fédérales, ou même territoriales, ne mettent pas beaucoup l'accent sur le transport maritime. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et ce que nous pourrions faire à cet égard.
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Si vous permettez, il y a certaines histoires de réussite dont on pourrait s'inspirer. Par exemple, le Collège de l'Arctique à Cambridge Bay a mis au point un programme très simple pour la formation des chefs cuisiniers. Un enseignant du Sud est venu dispenser des cours à 20 étudiants pendant une période de 20 semaines et les résultats ont été excellents.
Il n'est pas nécessaire d'investir des sommes astronomiques. Je recommanderais que l'on s'emploie surtout à investir l'argent au bon endroit. Il ne suffit pas simplement de dépenser de l'argent pour remédier au problème comme nous avons essayé de le faire dans le passé. Il faut miser sur les programmes qui ont fait leur preuve et travailler en partenariat avec les établissements du Sud en préservant une saveur arctique... Pour ce genre de choses, j'estime que vous devez surtout vous rappeler qu'il faut apprendre à marcher avant de songer à courir. Si nous commençons à discuter des avantages relatifs des emplacements A, B et C, cinq autres années seront perdues et rien ne sera fait. Ce n'est pas non plus, à mon avis, la façon la plus efficace d'utiliser les sommes disponibles.
De toute évidence, la distance pose problème. Il y a un aspect culturel. Nous avons tendance à croire que la situation se produit uniquement dans le Nord. Mon ami du Québec vous dira que tout le monde veut rentrer à la maison dans le temps des Fêtes. C'est d'ailleurs ce que me demandait mon épouse lorsque nous étions en Saskatchewan pendant mon séjour au sein des Forces canadiennes. Cela n'a rien d'étonnant. C'est naturel de vouloir se retrouver parmi les siens.
Il est particulièrement difficile dans ce cas particulier... Vous avez eu la chance de vous rendre dans le Nord, mais 95 p. 100 des Canadiens n'y sont jamais allés. Ils ne se rendent pas compte que le trajet Montréal-Miami est plus court que celui reliant Montréal à Iqaluit. De plus, il est dix fois moins coûteux de se rendre à Miami que d'aller à Iqaluit. C'est notre plus gros problème.
Comment allons-nous pouvoir le régler? Je crois que si nous étudiions la question un peu plus à fond, nous pourrions certes formuler certaines recommandations. C'est que mon humble avis.