:
Merci, monsieur le président.
Au nom de l’Assemblée des Premières Nations, je voudrais vous remercier, monsieur le président et membres du comité, de m’avoir invitée à présenter mon point de vue sur le projet de loi .
Je voudrais également signaler la présence de Karen Campbell, qui fait partie de notre personnel administratif, et celle du chef national, mon camarade, le chef régional Guy Lonechild.
Je vais me présenter très brièvement. Je m’appelle Puglaas — Jody Wilson-Raybould — et j’appartiens au peuple Musgamagw Tsawataineuk du nord de l’île de Vancouver. Je suis inscrite en vertu du paragraphe 6(1) de la Loi sur les Indiens et suis membre de la nation We Wai Kai, auparavant connue sous le nom de bande indienne de Cape Mudge. Je fais partie du conseil de ma première nation natale et suis le chef régional de l’APN pour la Colombie-Britannique. À l’Assemblée des Premières Nations, je dirige avec d’autres le portefeuille chargé du soutien des gouvernements des premières nations et, dans le cadre de ce portefeuille, du service qui s’occupe de la citoyenneté et de l’édification de la nation.
Je sais que votre comité connaît bien les circonstances entourant l’affaire McIvor. J’ai d’ailleurs été heureuse d’apprendre que Sharon elle-même a comparu devant vous, il y a deux jours. Je ne reviendrai donc pas sur ces circonstances. J’ai l’intention de vous présenter aujourd’hui quelques observations générales sur ce que représente l’appartenance à une collectivité des premières nations et sur ma vision d’un avenir des premières nations qui va au-delà de la détermination du statut en vertu de la Loi sur les Indiens et qui reconnaît la capacité de toutes les premières nations du Canada de se prononcer sur la citoyenneté de leurs membres et sur les droits et responsabilités qui en découlent.
Depuis que l’affaire McIvor a été jugée en première instance, beaucoup d'hommes et de femmes membres des premières nations m’ont dit être très heureux de la perspective de s’inscrire en vertu de la Loi sur les Indiens par suite des modifications proposées. D’une certaine façon, la décision McIvor remédie à une situation de discrimination, mais, à un niveau plus fondamental, elle est liée à l’appartenance à un groupe. Pour les décideurs et les administrateurs, l’augmentation du nombre des membres pourrait bien être vue dans une optique de contraintes budgétaires, de prestation de services et d’accès aux ressources. Toutefois, il s’agit à la base d’une question de communauté qui revêt une très grande importance parce que nos gens constituent notre plus grande ressource.
Comme ce fut le cas dans les années 1980 au sujet du projet de loi C-31, je trouve vraiment dommage que le débat sur l’inscription soit parfois centré sur les ressources financières et les exemptions fiscales plutôt que de s’étendre aux avantages de l’inclusivité et de l’autodétermination.
En Colombie-Britannique, comme dans d’autres régions du pays, nos nations développent leurs propres modèles de citoyenneté. Chaque nation décide elle-même de ses critères d’appartenance et de ses citoyens, indépendamment des dispositions de la Loi sur les Indiens. Dans le contexte des revendications modernes, la détermination de la citoyenneté constitue un processus fondamental dans lequel la collectivité définit les règles et l’individu choisit d’être citoyen ou non. Les citoyens bénéficient des traités, peuvent participer aux institutions politiques créées par traité ou entente et — ce qui est plus important pour la collectivité — ils sont soumis en contrepartie aux obligations de la citoyenneté.
En annonçant les modifications proposées à la Loi sur les Indiens, le a également parlé d’un processus exploratoire centré sur l’inscription, l’appartenance et les questions de citoyenneté. Je félicite le ministre d’avoir fait ce premier pas et d’avoir pris cet engagement, mais nous pouvons aller plus loin.
Un examen de la citoyenneté dans le contexte général de l’édification d’une nation témoignerait d’un changement fondamental dans les relations entre nos nations et la Couronne, changement qui serait conforme à l’esprit et à l’intention de nos traités historiques et qui est nécessaire à la conclusion d’ententes modernes sur les revendications territoriales avec des nations dotées de titres et de droits ancestraux non éteints. Un tel examen refléterait le début de relations plus saines et plus épanouies entre nos peuples et la Couronne, non seulement pour déterminer la citoyenneté en dehors de la Loi sur les Indiens, mais aussi pour gouverner dans le cadre de nos propres institutions avec des pouvoirs suffisants en dehors de la Loi sur les Indiens. Cet examen nécessite d’aller au-delà de l’exploration et de la collecte de renseignements sur une vaste gamme de sujets.
Il y a de grandes perspectives pour les premières nations de ce pays, mais certaines conditions doivent être remplies pour qu'elles puissent en profiter pleinement.
D’abord et avant tout, il faut une gouvernance adéquate, ce qui comprend évidemment la détermination de la citoyenneté. Nous devons également avoir un accès équitable aux terres et aux ressources afin d’avoir des économies viables dotées de sources de revenu propres, de pouvoirs permettant d’appuyer les aspects critiques de la gouvernance et la prestation des services et des programmes.
À part une gouvernance adéquate et des règlements concernant les terres et les ressources, nous avons bien sûr besoin de citoyens instruits et en bonne santé. Nos citoyens sont tenus — peut-être plus que n’importe quels autres Canadiens — de participer aux décisions concernant leur avenir et leur existence même.
Compte tenu de l’héritage colonial que nous a légué le Canada, nous avons besoin de votes et de référendums publics pour réaliser des changements fondamentaux et importants. Autrement dit, pour compléter la décolonisation, nous devons voter en faveur du changement. Nous avons donc besoin de citoyens pouvant non seulement faire partie de la population active et contribuer tant à notre propre société qu'à la société canadienne en général, mais aussi participer à des discussions sérieuses sur le changement social et contribuer à la réalisation de ce changement. En définitive, c’est quand nos gens se reconnaîtront eux-mêmes comme citoyens de leurs nations respectives, et non comme Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens ou comme membres d’une bande, que nos nations se seront vraiment transformées.
De toute évidence, cela occasionnera de nombreuses difficultés, notamment pour les dirigeants et les membres de nos collectivités qui ont internalisé l’identité conférée par la Loi sur les Indiens et se sont laissés dominer par le déterminisme administratif établi aux termes de cette mesure coloniale. Autrement dit, pour certains membres de nos premières nations, l’identité est étroitement associée à la définition coloniale d’« Indien » établie par la loi.
Passons maintenant au . L’APN appuie toute modification de la Loi sur les Indiens susceptible de la débarrasser de ses dispositions discriminatoires. La discrimination, quelle qu’en soit la forme ou la nature, est inacceptable, en dépit du fait que de nombreux chefs et collectivités qu’ils représentent n’ont pas pris la peine de définir des règles de citoyenneté allant au-delà de la Loi sur les Indiens ou des codes d’appartenance qui y sont prévus et sont très inquiets des répercussions financières possibles de la mise en œuvre du projet de loi C-3.
Il sera essentiel de mettre à la disposition des premières nations des ressources suffisantes pour éviter d’autres difficultés à nos collectivités et à nos citoyens, où qu’ils résident. Nous avons absolument besoin d’une vision pragmatique des besoins supplémentaires de financement sur le terrain.
Ce sont nos gens qui ont pris l’initiative dans l’affaire McIvor. Sharon avait l’appui de notre peuple. Nous continuons à soutenir les efforts de tous nos gens qui combattent la discrimination partout où elle se manifeste. Je suis très consciente du fait que d’autres témoins ont demandé l’élimination de toute discrimination établie en vertu de la Loi sur les Indiens et ont dit que le comité devrait élargir la portée du projet de loi. Nous appuyons ces demandes. Je crois cependant savoir que toute extension de l’objet du projet de loi au-delà de la discrimination fondée sur le sexe nécessiterait probablement le dépôt d’une nouvelle mesure législative, ce qui retarderait l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe. Si le comité n’est pas en mesure d’aller au-delà de cette discrimination, j’estime qu’il devrait pour le moins s’assurer que les modifications proposées éliminent toutes les dispositions de la Loi sur les Indiens qui font preuve de discrimination fondée sur le sexe, et pas seulement les dispositions s’appliquant au cas de Sharon McIvor.
Permettez-moi de dire, pour terminer, que la solution à long terme ne consiste pas à apporter d’autres modifications fragmentaires à la Loi sur les Indiens. Nos nations ont le droit inhérent de déterminer qui est ou n’est pas citoyen d’après nos propres lois, coutumes et traditions. Cela est essentiel à l’autonomie gouvernementale. La vraie solution, pour remédier aux mesures discriminatoires de la Loi sur les Indiens, c’est de reconnaître pleinement la compétence des premières nations en matière de détermination de la citoyenneté. La contribution de nos citoyens, une fois légalement reconnue dans le cadre de processus appropriés de citoyenneté appuyés en partie par des mesures provisoires telles que le , sera très importante. Même si certains inscrits ou citoyens de nos nations craignent quelque peu de revenir et, dans certains cas, pourrait initialement se sentir rejetés par ceux qui ont intérêt à les exclure, nous ne devons pas oublier que nous formons une famille. Nous aurons des contacts. Nous pouvons donner beaucoup à nos nations.
L’enthousiasme que nous pouvons voir dans les yeux de ceux qui s’identifient à nos nations, mais qui sont légalement exclus sans avoir rien fait pour le mériter, est impressionnant et de bon augure pour l’avenir, tandis que nos nations assument la pleine responsabilité de leur vie et de leur futur. Et cela commence par la détermination de qui nous sommes.
Enfin, le Parlement est vraiment bien placé pour travailler en partenariat avec les premières nations en vue d’une révision complète de la Loi sur les Indiens et des politiques et règlements connexes, afin d’examiner leur empiètement sur les compétences des premières nations et de proposer des mécanismes de reconnaissance et d’application progressive de ces compétences. Nous espérons que vous appuierez ce travail essentiel de soutien des gouvernements des premières nations.
Je terminerai en reprenant ce que j’ai dit au début de mon intervention: Cela fait partie d’un processus plus vaste que nous recommandons pour l’édification et la reconstruction des nations autochtones.
Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé. Gilakasla.
Je serais maintenant heureuse de répondre aux questions du comité. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, chef Wilson-Raybould et Mme Campbell. Je voudrais également saluer le chef national, qui est parmi nous aujourd’hui.
Chef Lonechild, je suis heureux de votre présence. Je salue aussi tous ceux qui nous écoutent.
Après avoir écouté votre exposé, je peux vous dire que je suis à peu près d’accord sur tout ce que vous avez dit, mais j’aimerais avoir des éclaircissements sur un certain nombre de points.
Croyez-vous que le projet de loi constitue une réponse appropriée à la décision McIvor rendue par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique? Je crois que nous devons d’abord et avant tout nous assurer que le gouvernement a répondu correctement à cette décision particulière.
À votre avis, après avoir examiné et analysé le projet de loi — croyez-moi, comme je ne suis pas avocat, toutes ces catégories différentes me déroutent un peu —, croyez-vous qu’il réponde comme il faut à la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique?
:
Oui. La plupart d’entre nous conviennent, je crois, que nous ne devrions pas avoir à attendre 20 ou 25 autres années, c’est-à-dire toute une autre génération, pour passer du projet de loi C-31 en 1985 au projet de loi en 2010, puis à un autre projet de loi dans 25 ans.
Quant au processus exploratoire, je constate que vous avez consacré une grande partie de votre exposé aux questions d’autodétermination et d’autonomie gouvernementale: Nous déterminerons qui nous sommes, nous savons qui nous sommes et voulons juste avoir les moyens de le déterminer à notre propre façon. Il n’y a pas de doute que je suis d’accord avec vous.
Ces entretiens exploratoires... J’ai regardé hier un documentaire très intéressant, Talking Around the Table, avec le chef Wilson. Je suis sûr que vous le connaissez bien.
Quoi qu’il en soit, je crois que cela a été une leçon pour moi. Des entretiens concrets avaient été offerts à l’époque: trois conférences des premiers ministres auxquelles avaient assisté les premiers ministres de toutes les provinces, de même que le premier ministre du Canada, d’abord Trudeau, puis Mulroney. En définitive, cependant, beaucoup diront que les choses n’ont pas beaucoup changé.
Dans quelle mesure croyez-vous que ces entretiens exploratoires rendront la situation plus nette ou permettront d’aboutir à quelque chose de concret pour les premières nations? Que faudrait-il, à votre avis, pour que ces entretiens donnent des résultats? Quel genre de processus serait le plus susceptible d’aboutir? Quel genre de ressources voudriez-vous obtenir? Vous savez...
:
Je vais m'adresser au chef Wilson-Raybould.
Grand chef, je vous remercie d'être ici, parmi nous. Je suis d'accord avec mon collègue pour reconnaître le grand chef Atleo et le chef Lonechild.
Comme vous verrez, je suis très précis. Je m'adresse à l'avocate. On a commencé nos travaux et je vous demanderai de vous pencher sur un point. Je n'ai pas besoin d'obtenir une réponse aujourd'hui. Je m'adresse aussi au grand chef Atleo, qui, je le sais, écoutera attentivement.
Voici un projet d'amendement que nous allons essayer de proposer. Nous aimerions que l'alinéa 6(1)a) soit modifié pour qu'on puisse y lire les mots suivants: « ou s'il est né avant le 17 avril 1985 et était un descendant direct d'une telle personne ».
Selon moi, et je ne suis pas le seul à le penser, c'est la seule solution pour empêcher que se perpétue la discrimination dont vous êtes victimes et dont vous continuerez à être victimes si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle. Je voudrais que vous vous penchiez sur cet amendement, que vous le regardiez et que vous fassiez parvenir vos remarques au comité. Je sais déjà que le gouvernement ne sera probablement pas d'accord, car ça va peut-être trop loin, mais on pourra en débattre ici, entre nous. Je voudrais savoir si les Premières nations seraient satisfaites de cet amendement. C'était ma première remarque.
D'autre part, je ne crois pas — et je le dis sincèrement — au processus exploratoire que l'on veut mettre en place. Dans 20 ans, ce ne sera toujours pas réglé. J'aimerais que vous me parliez des modifications possibles. Je ne dis pas qu'elles pourront être faites immédiatement.
La discrimination et l'inscription sont deux choses complètement distinctes. Je pense que l'on peut venir à bout de la discrimination, ou d'une partie de celle-ci du moins. Par contre, en ce qui a trait à l'inscription, il faudrait modifier l'article 11 de la Loi sur les Indiens. À ce sujet, je voudrais entendre vos commentaires. Je pense que l'on peut faire un bout avec l'article 6, mais pour ce qui est de l'article 11, c'est-à-dire de l'inscription ... Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer l'article 11. C'est le pouvoir des communautés d'inscrire ses membres.
J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
:
Je vous remercie de votre question.
J’admets qu’il y a des divergences de vues parmi les dirigeants des premières nations et dans ces nations elles-mêmes. Comme je l’ai dit dans mon exposé, je crois qu’il est nécessaire aujourd’hui d’éliminer toute forme de discrimination.
Il est assez difficile pour moi d’aborder la question des consultations parce qu’on suppose qu’il en faut avant de modifier la Loi sur les Indiens. Je ne dis pas que ce n’est pas le cas, mais, à titre d’avocate, je considère la consultation et les accommodements dans le contexte juridique des titres et des droits ancestraux. Dans ce cas, il y a aussi une forme de consultation parce que le gouvernement se propose de modifier la Loi sur les Indiens. Cette loi est complètement désuète. Elle est très compliquée et prévoit différents niveaux de contacts avec les premières nations lorsqu’on projette des modifications.
La Loi sur les Indiens a fait l’objet de nombreux changements au fil des ans. Des modifications fondamentales, menées par les premières nations en vue de conclure un traité ou de négocier une entente d’autonomie gouvernementale, nécessitent un référendum. Dans ce cas particulier, comme le projet de loi vise à éliminer des mesures discriminatoires, il y a une forme différente de consultation.
J’admets qu’il y a eu des contacts, un peu partout dans le pays, au sujet du projet de loi C-3 et de la citoyenneté, mais les questions plus vastes et plus importantes soulevées par les dirigeants des premières nations concernaient la citoyenneté et le respect du droit des premières nations de déterminer elles-mêmes leur propre identité et celle de leurs citoyens.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, chef Wilson-Raybould — j’ai l’habitude de vous appeler Jody — et Karen.
Le chef Jody Wilson-Raybould: Vous pouvez continuer à m’appeler Jody.
M. John Duncan: Nous sommes tous conscients, je crois, du fait que la situation est compliquée. J’ai été frappé par certaines choses que vous avez dites. Vous avez dit en substance que vous devez vous considérer comme des citoyens plutôt que comme Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Il y a une certaine confusion entre l’inscription et l’appartenance. Vous avez beaucoup insisté sur la gouvernance et sur le fait que les changements à cet égard seraient d’une importance critique.
Je tiens à vous rassurer: le gouvernement se rend compte que la gouvernance et la capacité sont extrêmement importantes. Nous voulons nous aussi en arriver là parce que c’est dans l’intérêt de tout le monde.
En ce qui concerne particulièrement le projet de loi , je tiens à vous affirmer qu'il n’empêche pas le dépôt d’autres mesures législatives. En même temps, je vous ai entendu dire très clairement que la solution à long terme ne consiste pas à apporter d’autres modifications fragmentaires à la Loi sur les Indiens. En un sens, c’est un dilemme pour nous parce que le projet de loi C-3 est conçu pour régler un cas très précis, l’affaire McIvor.
Nous savons qu’il y a d’autres poursuites judiciaires relatives à l’inscription, mais je suis également frappé par le fait que le gouvernement du Canada a négocié des ententes avec des premières nations de différentes régions du pays. Beaucoup de ces ententes ont été conclues avec des premières nations qui avaient de toute évidence des pouvoirs et des capacités d’une certaine importance. C’est la raison pour laquelle elles ont participé à ces discussions. Dans certains cas, l’expression « d’une certaine importance » est peut-être trop faible parce que les pouvoirs et capacités en cause étaient d’une importance certaine. Chaque fois que nous signons de tels accords, ils prévoient que seuls les Indiens inscrits sont admissibles à l’appartenance ou à la citoyenneté.
Si vous voulez atteindre votre objectif, ne considérez-vous pas que le projet de loi et le processus exploratoire constituent une orientation raisonnable et pratique en vue de progresser?
:
Je vous remercie. Je crois que la question et la réponse étaient très complètes.
Je voudrais mentionner deux autres initiatives plus ou moins liées à toute la question de la discrimination.
Nous avons modifié la Loi canadienne sur les droits de la personne de sorte qu’en juin de l’année prochaine, elle s’appliquera également à tous les Canadiens. Auparavant, les membres des premières nations qui vivaient dans les réserves étaient exclus. Il faut dire que beaucoup de gens se sont opposés à l’adoption de ces modifications.
Nous avons également l’initiative relative aux droits et intérêts matrimoniaux, dont le Sénat est maintenant saisi. Je suppose qu’il l’étudiera en comité. Une fois de plus, il est question d’une lacune de la loi.
Les deux projets de loi, qui visent à mettre fin à la discrimination, ont donné lieu à une vive résistance.
Le président: Pouvez-vous poser votre question, s’il vous plaît?
M. John Duncan: Avez-vous des idées à suggérer quant à la façon dont le gouvernement fédéral peut surmonter les obstacles de ce genre?
:
Merci, monsieur le président, de me donner la parole.
Les commentaires particuliers du Barreau du Québec sur le projet de loi en réponse au jugement McIvor portent sur un certain nombre d'articles, mais les deux principaux s'intéressent à l'alinéa proposé 6(1)c.1) et à l'article 9 du projet de loi. Nous avons fait remarquer qu'il peut y avoir des problèmes de concordance pour ce qui est du paragraphe 2(1) du projet de loi, à savoir que dans la version française, on remplace « une personne » par « toute personne ». Et, à la lecture de la loi actuelle avec cette nouvelle formulation, nous pensons qu'il y a des problèmes de concordance à revoir. Donc, nous suggérons qu'on s'assure de la concordance de cette expression dans tous les autres articles de la Loi sur les Indiens.
Pour ce qui est du paragraphe 2(2), nous constatons que la modification proposée reprend le texte actuel, autant dans la version française qu'anglaise, et nous nous sommes interrogés sur l'objectif visé à cet article. De manière très substantielle, à l'alinéa 6(1)c.1) qu'on voudrait ajouter à la Loi sur les Indiens et qui doit servir, selon l'objectif poursuivi par le gouvernement, à éliminer la discrimination qui a été identifiée par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, nous notons que cet alinéa nouveau vise les enfants issus d'un mariage et nés avant le 17 avril 1985, ce qui introduit une distinction entre les enfants nés avant ou après cette date. De plus, la modification ne concerne que les enfants issus d'une union formalisée par le mariage. Le projet de loi ne répare pas la discrimination faite aux enfants nés hors mariage avant 1985, plus particulièrement les enfants nés hors mariage d'un père indien et d'une mère non indienne, selon qu'ils sont garçons avec un statut aux termes du paragraphe 6(1) ou bien selon qu'ils sont filles avec un statut moindre aux termes du paragraphe 6(2).
Le Barreau s'interroge également sur le sous-alinéa proposé 6(1)c.1)(iv) qui semble exiger, pour obtenir la bonification de statut, que l'enfant soit lui-même un parent. Nous considérons que cet élément ne devrait pas être ajouté comme condition au changement du statut, puisque l'introduction de cette condition crée une discrimination entre les membres du même groupe selon qu'ils ont eu ou non des enfants. Le fait d'avoir eu ou non des enfants ne devrait pas être une condition de bonification du statut. En fait, le sous-alinéa proposé 6(1)c.1)(iv) ne fait que bonifier le statut des enfants qui ont déjà des enfants. Le Barreau du Québec suggère que la question des petits-enfants soit traitée de façon séparée. Nous soumettons que le projet de loi devrait ouvrir la possibilité d'accorder un statut selon les dispositions du paragraphe 6(1) à tous les enfants, qu'ils soient ou non parents.
Par ailleurs, le Barreau...
:
Le Barreau s'interroge sur l'ensemble des situations visées par le projet de loi. Veut-on régler les situations existantes au moment de l'adoption du projet de loi ou prévoit-on les situations futures également? La formulation actuelle du sous-alinéa 6(1)
c.1)(iv) semble indiquer que seules les personnes ayant déjà des enfants au moment de l'entrée en vigueur du projet de loi pourraient voir leur statut bonifié, ce qui créerait une distinction désavantageuse à l'égard des personnes qui auraient des enfants après l'entrée en vigueur de la loi.
Le Barreau note également que le cas des enfants nés de femmes indiennes et dont la paternité n'a pas été déclarée n'est pas réglé par ce projet de loi. Actuellement, ces enfants sont enregistrés en vertu du paragraphe 6(2), et ce, depuis 1985. En effet, on présume que le père non déclaré n'est pas un Indien.
Le Barreau est conscient que l'introduction d'un statut différent en 1985, selon qu'il est accordé aux termes du paragraphe 6(1) ou du paragraphe 6(2), a eu des effets directs sur les communautés, en ce sens qu'elle détermine l'accès ou l'absence d'accès aux services ainsi qu'aux prestations et aux programmes du gouvernement fédéral et des conseils de bande. Nous aimerions attirer l'attention du comité sur ce point. Ces traitements différentiels ont créé des situations sociales très difficiles dans plusieurs communautés où la qualification de « 6(2) » est considérée comme dérogatoire et synonyme de statut moindre.
En terminant, le Barreau rappelle qu'au moment où la règle dite de la « double mère » a été abrogée, en 1985, plusieurs bandes avaient obtenu une exemption à la loi, de telle sorte qu'elles maintiennent intacts leurs effectifs. Le Barreau considère que le projet de loi ne règle pas la discrimination qui continue d'exister entre les bandes ayant été exemptées de l'application de la loi et celles qui n'en ont pas été exemptées.
Notre dernier commentaire porte sur l'article 9 du projet de loi. Nous voulons rappeler que le 18 juin 2008 était sanctionné l'amendement à la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui abrogeait l'article 67. Ainsi, une personne qui se croirait victime de discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens peut exercer, depuis 2008, un recours contre le gouvernement fédéral, mais un délai de grâce de trois ans a été accordé aux conseils de bande, ce qui reporte tout recours contre ces derniers après le mois de juin 2011.
La lecture des dispositions de l'article 9 du projet de loi amène le Barreau à se questionner sur la possibilité d'intenter les recours prévus depuis peu, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Bien que le recours en matière de discrimination soit de nature publique, le Barreau du Québec croit que le libellé de l'article 9 en limite l'application.
En conclusion, nous sommes d'avis que le projet de loi tel que présenté est incomplet et évacue l'ensemble de la problématique relative à la discrimination en matière d'inscription au Registre des Indiens.
Je vous remercie, monsieur le président.
:
Oui. Je note, en passant, que je travaille pour la Section du droit des autochtones et non pour la Section du droit pénal.
Je voudrais ajouter que j’ai représenté l’un des intervenants dans l’affaire McIvor. Je me suis donc occupé de cette affaire pendant un certain temps.
Le comité dispose du résumé législatif qui donne l’historique non seulement de l’affaire McIvor, mais aussi des modifications antérieures apportées à l’article 6 de la Loi sur les Indiens dans le projet de loi C-31 et, plus tôt encore, dans le projet de loi C-47, même si celui-ci n’a jamais été mis en vigueur. Je ne compte pas revenir sur tout cela. Nous vous avons présenté un mémoire écrit qui décrit la situation de notre point de vue.
Dans le temps limité dont je dispose, j’aimerais concentrer mes propos sur les quatre recommandations que nous formulons. Ce sont toutes des recommandations de fond, mais l’une d’entre elles est plus importante que les autres. Je vais passer rapidement en revue les trois recommandations de moindre importance avant d’en venir au principal argument que nous souhaitons avancer.
Nous avons posé la question suivante: Le projet de loi C-3 élimine-t-il la discrimination fondée sur le sexe? La réponse, c’est qu’il le fait dans une certaine mesure, mais pas tout à fait. Nous voulons donc essayer de déterminer ce qu’il serait possible de faire.
Il est évident que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a donné une interprétation très étroite de l’article 6 et que le gouvernement a réagi en déposant un projet de loi qui est, dans une certaine mesure, également ciblé. Toutefois, nous ne devrions pas perdre l’occasion d’examiner l’article 6 pour la première fois en 25 ans, non seulement pour réagir à la décision de la Cour d’appel, mais peut-être pour aller un peu plus dans les détails afin de voir ce qu’on peut faire dans les limites fixées par la Cour.
Je commence vers le milieu de notre mémoire, à la page 4 de la version anglaise, qui correspond, je crois, à la page 5 de la version française.
Notre premier point, que l’un des orateurs précédents a mentionné, c’est que l’alinéa 6(1)c.1) du projet de loi fixe quatre conditions pour obtenir le statut d’Indien en vertu de l’article 6. D’après la quatrième condition, il faut être parent d’un enfant. La première recommandation de l’ABC est de supprimer cette dernière condition.
Le projet de loi, tel que nous le comprenons, a été conçu en fonction des faits de l’affaire McIvor. Dans le cas de Jacob Grismer, fis adulte de Sharon McIvor, comment pouvons-nous assurer le statut à ses enfants? La question a déjà été examinée. Je ne m’appesantirai donc pas là-dessus.
À notre avis, le fait d’imposer à des gens dans la situation de Jacob Grismer d’avoir un enfant avant d’être admissible à un statut bonifié, en vertu du paragraphe 6(1) plutôt que du paragraphe 6(2), est vraiment curieux. Cette disposition créerait d’ailleurs des inefficacités administratives puisqu’elle imposerait de présenter deux demandes différentes de réinscription pour la personne et son enfant.
Les gens de la génération de Jacob Grismer doivent présenter une demande pour accéder au statut bonifié et permettre ainsi à leur enfant de bénéficier du statut prévu à l’article 2. Cela nous semble inutile puisque la situation est prévue dans une autre partie du projet de loi. Par conséquent, notre première recommandation consiste à supprimer le sous-alinéa 6(1)c.1)(iv) dans les modifications proposées à la Loi sur les Indiens.
Notre deuxième recommandation — comme le chef Wilson-Raybould en a parlé longuement tout à l’heure, je veux simplement noter que l’ABC appuie son point de vue — est de prévoir des fonds suffisants pour permettre aux premières nations d’affronter l’afflux de nouveaux membres qu’entraînera l’adoption du projet de loi. C’est notre deuxième recommandation... Excusez-moi, je me trompe, il s’agit en fait de la troisième.
Notre deuxième recommandation concerne également l’article 9 dont ma collègue a parlé. Cette disposition empêcherait quiconque de poursuivre le gouvernement fédéral. On a l’impression que c’est une flèche décochée à d’éventuels plaideurs. Compte tenu de l’abrogation de l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on peut se demander à quoi cela correspondrait en présence d’une telle interdiction. Sera-t-il encore possible d’intenter des poursuites à l’avenir?
Plusieurs affaires sont actuellement devant les tribunaux. Est-ce que cette disposition y mettra fin ou bien pourront-elles se poursuivre?
La discrimination était là. Le gouvernement fédéral le savait depuis 1985. Les comités parlementaires de l’époque avaient fait le tour de la question. Le gouvernement ne devrait pas avoir la possibilité aujourd’hui de se soustraire à ses responsabilités, simplement parce que du temps a passé. Il était au courant des dispositions discriminatoires qui restaient dans la Loi sur les Indiens.
Cela m’amène à notre dernière recommandation, qui est la plus importante. J’encourage les membres du comité à jeter un coup d’œil au tableau qui figure dans notre rapport. C’est dans ce tableau que nous disons qu’il reste des dispositions discriminatoires dans la loi. Je crois que vous avez entendu Mme McIvor hier. Nous disons dans notre mémoire que le projet de loi n’élimine pas toute la discrimination fondée sur le sexe. Nous présentons donc une liste complète des dispositions discriminatoires qui restent. Même dans le projet de loi lui-même, il reste une certaine discrimination.
Le tableau présente trois scénarios. Le premier illustre la situation d’avant 1985, c’est-à-dire avant l’adoption du projet de loi C-31. Si une Indienne épousait un non-Indien, elle perdait son statut, de même que ses enfants et ses petits-enfants, ce qui n’était pas le cas de son frère, par exemple. En fait, entre 1951 et 1985, période au cours de laquelle s’appliquait la règle mère grand-mère, tout le monde conservait son statut, sauf dans cette situation particulière.
Je dois dire que la règle mère grand-mère n’a en fait été appliquée que pendant 13 ans. Elle est bien entrée en vigueur en 1951, mais il fallait attendre que les gens atteignent l’âge de 21 ans pour qu’elle s’applique. Ce n’est donc qu’en 1972 que des personnes ont commencé à courir le risque d’être radiées du registre des Indiens. Il a été établi, devant la Cour d’appel — je n’ai pas la référence sous la main —, que sur les quelques 2 000 personnes susceptibles d’être touchées par la règle mère grand-mère, une centaine seulement ont effectivement été radiées et ce, pour deux raisons. D’abord, plus de la moitié des premières nations du pays ont été soustraites à la règle. Ensuite, le ministre a pu prendre des ordonnances exemptant des premières nations de l’application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens, y compris la règle mère grand-mère. Ainsi, la règle n’a en fait touché qu’un groupe très restreint de personnes pendant une très courte période.
La partie centrale du tableau montre ce qui s’est passé après l’adoption du projet de loi C-31, qui a donné lieu au problème qu’a examiné la Cour d’appel et que le projet de loi C-3 a pour but de régler. Il s’agit précisément de la situation de Sharon McIvor. Elle avait retrouvé son statut et son fils l’avait aussi obtenu en vertu du paragraphe 6(2), mais pas les petits-enfants nés avant et après 1985. Si elle avait eu un frère, il aurait eu droit au plein statut en vertu du paragraphe 6(1), de même que la deuxième génération. Il y avait donc une distinction entre les enfants nés avant et après 1985. Ceux d’avant 1985 gardaient le plein statut prévu au paragraphe 6(1), mais ceux d’après 1985 n’avaient droit qu’au statut prévu au paragraphe 6(2).
Avec le projet de loi à l’étude, il resterait encore de la discrimination. Tout le monde est plus ou moins égal, en fonction du statut prévu aux paragraphes 6(1) et 6(2), sauf les petits-enfants nés après 1985. Avant 1985, le projet de loi leur confère le statut prévu au paragraphe 6(2). Par contre, les enfants d’un frère hypothétique obtiendraient le statut prévu à l’alinéa 6(1)c).
Je tiens à répéter, une fois de plus, que le Parlement devrait profiter de l’occasion pour mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe. Il devrait, pour le moins, essayer d’être cohérent dans le cadre du projet de loi lui-même en y éliminant toute discrimination fondée sur le sexe. Nous recommandons donc d’ajouter une disposition supplémentaire, le sous-alinéa 6(1)c)(ii).
Je voudrais commencer par remercier le président et les membres du comité d’avoir invité le Ralliement national des Métis à comparaître aujourd’hui. Le Ralliement représente quelque 350 000 à 400 000 Métis vivant en Ontario et plus à l’ouest.
Les Métis s’intéressent énormément aux questions liées à la citoyenneté des nations autochtones. Même si, dans l’affaire McIvor, la Cour d’appel a décidé que la détermination du statut en vertu de la Loi sur les Indiens relevait de la compétence du Parlement, elle a également statué — et les Métis sont bien d’accord — que l’article 35 de la Loi constitutionnelle offre des principes et des perspectives qui n’ont pas été abordés dans cette affaire.
La nation métisse soutient que la citoyenneté relève également des droits ancestraux. Elle considère la détermination de la citoyenneté comme un droit inhérent des peuples autochtones que protège l’article 35. Le droit constitutionnel canadien accepte cette prémisse. La common law canadienne établit que les lois coutumières autochtones, qui comprendraient les lois de citoyenneté qui ont survécu à la Confédération, sont effectivement exécutoires. Des dispositions contraignantes du droit international appuient en outre le principe selon lequel l’identité constitue un droit inhérent.
La politique canadienne de 1995 sur le droit inhérent des autochtones à l’autonomie gouvernementale reconnaît que l’appartenance à une collectivité autochtone peut faire l’objet de négociations sur l’autonomie gouvernementale en vertu de l’article 35.
Dans l’arrêt R. c. Powley, la Cour suprême a défini un cadre juridique pour la reconnaissance de collectivités métisses distinctes et de leur droit inhérent de définir leur propre citoyenneté par suite de leur occupation antérieure du territoire et de leur culture distincte. Pour se prononcer sur l’application légale des droits ancestraux des Métis, et notamment le droit de chasser pour se nourrir, la Cour suprême a soutenu que l’identification des Métis, d’après la façon dont la communauté se définit elle-même et les critères qu’il est possible de vérifier objectivement, ne constitue pas une tâche insurmontable. La nation métisse est du même avis.
Depuis 2004, les Métis ont reçu une aide fédérale en vertu d’initiatives postérieures à l’affaire Powley pour inscrire leurs citoyens dans le cadre de leur structure de gouvernance. La nation métisse estime qu’il est juste et raisonnable que le Canada modifie sa législation, conformément au projet de loi C-3, pour mettre fin à la discrimination contre les femmes indiennes et leurs descendants.
Toutefois, les questions de citoyenneté relevant de la Loi sur les Indiens vont bien au-delà du domaine législatif. À part le fait qu’elles peuvent être abordées au cours de négociations sur l’autonomie gouvernementale entre des nations autochtones et le Canada, la nation métisse croit que ces questions peuvent également faire l’objet de négociations au sein des nations autochtones et entre elles.
Comme l’a annoncé le ministre Strahl le 11 mars 2010, le Canada se propose de lancer, en partenariat avec les Métis et les premières nations, un processus exploratoire destiné à discuter des grandes questions de citoyenneté. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien croit que le processus devrait se fonder sur les principes de collaboration et d’inclusivité. Le Ralliement national des Métis accepte d’adopter ces principes en partenariat avec le Canada, mais souhaite aussi que le processus exploratoire se base sur un dialogue éclairé et respectueux.
En ce qui concerne la citoyenneté, la nation métisse recommande au Canada, lorsqu’une nation autochtone aborde des questions d’autodétermination, d'engager un dialogue de nation à nation sur la citoyenneté. Le protocole d’entente signé entre le Canada et la nation métisse en septembre 2008 prévoit un mécanisme pratique de mise en œuvre de ce dialogue avec les Métis. Le Canada devrait également prévoir des capacités raisonnables pour permettre à la nation métisse d’engager un dialogue avec les premières nations.
De même, le Ralliement national des Métis demande au Canada d’établir un vaste processus de sensibilisation afin de donner aux Canadiens aussi bien autochtones que non autochtones les renseignements de base nécessaires pour engager une discussion éclairée sur la citoyenneté avec les nations autochtones. Ces renseignements doivent établir que la citoyenneté autochtone s’inscrit dans le droit inhérent d’autodétermination. Nous sommes d’avis que la loi et la politique du Canada imposent une telle approche.
En 2002, après plusieurs années de consultations avec la communauté métisse, l’assemblée générale du Ralliement national des Métis a adopté, dans le cadre du développement de sa gouvernance, une résolution concernant le registre de la nation métisse. D’après la résolution, « Métis » s’entend d’une personne qui s’identifie comme telle, dont les ancêtres appartenaient à la nation métisse, qui se distingue des autres peuples autochtones et qui est accepté par la nation métisse. Cette définition n’est pas incompatible avec l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Powley.
D’après les modifications proposées dans le projet de loi C-3, l’auto-identification aux fins de l’inscription doit se fonder sur un consentement libre et éclairé. Ainsi, certains enfants peuvent présenter une demande d’inscription au registre de la nation métisse tandis que d’autres peuvent décider de ne pas le faire. Certains enfants peuvent présenter une demande d’inscription en vertu du projet de loi C-3 ou de la Loi sur les Indiens, tandis que leurs frères et sœurs peuvent ne pas le faire. Malheureusement, le choix ne se fonde pas toujours sur l’identité culturelle.
C’est une réalité, au Canada, que les peuples autochtones, y compris la nation métisse, connaissent de graves difficultés sociales et économiques. La faim, la maladie, les mauvaises conditions de logement, le chômage et les résultats scolaires médiocres sont des réalités dans nos collectivités. Il faut comprendre que le manque de reconnaissance des Métis a donné lieu à des situations d’inégalité au sein de la communauté autochtone. Des décennies de marginalisation et d’exclusion des Métis ont imposé aux citoyens de la nation métisse un choix difficile face à ces difficultés. Le projet de loi C-3 créera un moyen d’affronter les difficultés sociales et économiques en contrepartie d’un coût économique.
À cause de cette inégalité d’accès et d’avantages, les citoyens métis pourraient devoir choisir de s’inscrire en vertu de la Loi sur les Indiens pour accéder à des avantages nécessaires, comme les médicaments, le soutien des déplacements destinés à recevoir des soins médicaux, les possibilités d’instruction, le droit de chasser, de pêcher et de piéger pour se nourrir, etc. Ils ont droit à l’information de base nécessaire pour prendre une décision aussi difficile.
Nous recommandons que les citoyens métis aient droit à une information raisonnable afin de donner un consentement libre et éclairé lorsqu’ils prendront la décision de s’inscrire ou non en vertu de la Loi sur les Indiens, dans le contexte du projet de loi C-3. La nation métisse doit avoir la capacité de conseiller ses citoyens admissibles en vertu du projet de loi C-3 à s’inscrire conformément à la Loi sur les Indiens sur leurs options et les ramifications de leurs décisions par rapport au projet de loi et à leur inscription à titre de citoyens métis.
Quiconque s’inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens ou figure sur le registre d’une bande n’aurait pas la possibilité de s’inscrire comme citoyen de la nation métisse ni à se faire porter sur le registre de la nation. L’appartenance à la nation nécessite que la personne en cause se définisse elle-même comme étant distincte des autres peuples autochtones aux chapitres de la culture et du statut de nation. L’ascendance n’est qu’un aspect des critères. Cela est conforme aux faits historiques et contemporains d’après lesquels les Métis ont toujours maintenu et affiché une conscience collective et une identité distinctes parmi les peuples autochtones. Les mariages mixtes entre Indiens et Métis constituent une réalité historique et contemporaine.
Lors de la mise en application du projet de loi C-31 en 1985, beaucoup de Métis, dont des mineurs, se sont inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens sans disposer de renseignements complets sur les conséquences de leur geste. Beaucoup de ces gens, ayant compris par expérience les incidences de leur décision, souhaitent retirer leur nom du registre des Indiens, mais il n’existe aucun mécanisme permettant de le faire. Nous soutenons que le consentement libre et éclairé n’existait pas lors de l’inscription en vertu du projet de loi C-31. Il ne faudrait pas que de tels événements se répètent dans le cas du projet de loi C-3.
Nous recommandons que le Canada prévoie un moyen pour permettre aux gens qui se définissent comme citoyens de la nation métisse et qui souhaitent retirer leur nom du registre de la Loi sur les Indiens pour retrouver leur statut dans la communauté métisse de le faire. De même, nous demandons au Canada d’éliminer la discrimination selon l’âge qui se trouve dans le projet de loi C-3 relatif à l’affaire McIvor, afin de supprimer le statut des personnes qui auraient le droit de s’inscrire en l’absence de la date limite de 1951. La réaction de la communauté permet de croire qu’il s’agit là d’une question de discrimination selon l’âge.
:
Je vais essayer d'être précis. Premièrement, je tiens à remercier Me Dupuis, le Barreau du Québec, l'Association du Barreau canadien et Mme Hodgson-Smith.
Je remercie les gens du Barreau du Québec, qui nous ont fait prendre conscience d'un problème. Nous allons réétudier l'article 9. De plus, j'apprécie beaucoup la position de l'Association du Barreau canadien.
Je vais vous lire un texte d'amendement. Je n'ai pas besoin aujourd'hui d'une réponse du Barreau du Québec ou du Barreau canadien. Cependant, j'aimerais, si possible, que vous nous fassiez parvenir une opinion écrite sur un amendement possible.
Croyez-vous comme moi que si nous adoptons le projet de loi tel qu'il est là, la discrimination à l'égard des femmes autochtones va continuer? On n'aura pas réglé le problème de discrimination et elle va se poursuivre. Êtes-vous d'accord avec moi? C'est parfait.
Maintenant, je m'adresse maintenant aux représentants de l'Association du Barreau canadien. Si on amendait l'alinéa 6(1)a) pour qu'on puisse y lire les mots suivants: « ou s'il est né avant le 17 avril 1985 et était un descendant direct d'une telle personne », croyez-vous que cela pourrait régler le problème de discrimination? C'est ce que je crois comprendre de votre recommandation, que l'on trouve à la page 9 en français et en anglais, relativement à une modification au projet de loi .
Est-ce qu'on se rejoint? Je voudrais si possible que vous analysiez cela. Je ne vous demande pas une réponse immédiate, bien évidemment. Toutefois, est-ce que votre recommandation rejoindrait ma recommandation ou notre possible recommandation d'amendement?
Je terminerai en posant une autre question aux représentants de l'Association du Barreau canadien. Je me demande pourquoi vous proposez une modification. Vous proposez de supprimer l’ajout proposé du sous-alinéa 6(1)c.1)(iv) à la Loi sur les Indiens, et ensuite vous proposez plusieurs critères qui sont intéressants. Ne serait-il pas mieux de s'en tenir tout simplement à votre dernière recommandation?
Voilà, j'espère que je ne vous ai pas perdus, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet.
:
Est-ce que je peux profiter de cette question pour attirer votre attention sur un élément qui nous a frappé, mais sur lequel je n'ai pas insisté?
Il existe une longue histoire de discrimination à l'endroit des femmes, et elle est inscrite dans la Loi sur les Indiens. Le jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique retrace des points de référence à travers le temps.
En 1969, on avait parlé d'abolir la Loi sur les Indiens. En 1985, il a été question de la modifier, et quelque chose de très déterminant a eu lieu avec l'adoption de la Charte des droits et libertés et la mise à niveau des lois. Le législateur fédéral a en effet entrepris une mise à niveau des lois. D'une certaine manière, une mise à niveau a été effectuée et a donné lieu au projet de loi C-31, soit la loi de 1985. En 1985, donc, malgré l'adoption de la Charte, on a assisté à un déplacement de la discrimination mais aussi au maintien de celle-ci.
J'ai parlé plus tôt de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En 1978, on avait déjà exclu tout recours contre la Loi sur les Indiens. En outre, on n'a pas insisté sur le fait qu'en 1985, on a créé la possibilité pour des Premières nations, donc des bandes au sens de la loi, d'adopter des codes d'appartenance. Tout le monde se rappelle le contexte de cet échange. Les Premières nations étaient opposées au projet de loi C-31, mais on leur a dit qu'elles auraient désormais la possibilité d'appliquer des codes d'appartenance et que ça leur permettrait d'exclure des gens à qui on allait accorder ou accorder de nouveau le statut d'Indien.
On voit bien qu'il y a là une histoire qui se construit à la pièce. Nous voulons vous dire aujourd'hui que, comme législateurs, vous devez faire attention. Il faut répondre à un jugement, mais pas en créant un projet de loi C-McIvor. Il faut garder à l'esprit qu'il y a en effet des contraintes, des chartes des droits, une loi fédérale, etc., et qu'en 2010, on ne peut pas légiférer en ignorant ces textes fondamentaux.
:
J’ai deux choses à dire. Tout d’abord, contrairement à la Cour d’appel, le Parlement peut aller dans une certaine mesure au-delà des limites étroites du projet de loi. Dans la mesure où il y a une distinction dans les collectivités entre les personnes ayant le statut défini au paragraphe 6(2) et celles qui ont le statut défini au paragraphe 6(1), cet amendement vise à éliminer cette différence.
Des distinctions très claires sont faites. En considérant l’avenir et compte tenu de l’abrogation de l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il se pourrait bien que des gens ayant le statut défini au paragraphe 6(2), mais qui auraient droit au statut défini au paragraphe 6(1) s’ils avaient eu un enfant, soient traités d’une manière discriminatoire par leur conseil de bande. Je cherche donc à prévenir des poursuites futures.
Ce que nous disons, c’est d’abord que le registraire doit constamment régler des questions complexes d’inscription. Les premières nations ont préparé leurs trousses et leurs formulaires de demande et doivent être en mesure d’établir leur situation.
L’inefficacité administrative que nous avons mentionnée correspond en fait à la situation d’une personne qui a un enfant. Elle est déjà inscrite en vertu du paragraphe 6(2) et a dû passer par les différentes étapes du processus. Cette personne devra tout recommencer pour inscrire son enfant. C’est un double emploi inutile.
L’objectif est de transmettre le statut aux petits-enfants, mais, pour le faire, il faut modifier le statut de deux personnes plutôt qu’une: l’enfant, c’est-à-dire la génération de Jacob Grismer, et le petit-enfant. Nous disons que cela donne lieu à des complications administratives. Pourquoi imposer au registraire de traiter deux demandes quand une seule suffit?
:
Excellent, monsieur Payne.
Je voudrais d’abord remercier les témoins pour leur mémoire et pour avoir pris le temps de venir au comité nous faire part de leur point de vue. Cela nous aidera certainement à progresser dans nos travaux.
J’ai une ou deux choses à signaler aux membres du comité avant de lever la séance. M. Lemay a présenté un scénario lié à un amendement. Le Barreau du Québec et l’Association du Barreau canadien ont indiqué qu’ils pourraient souhaiter y répondre.
Pour vous donner une idée de notre calendrier, je dirais que nous passerons probablement à l’étude article par article jeudi prochain. Vous devez en tenir compte si vous avez l’intention de présenter des arguments supplémentaires.
Je voudrais ensuite dire à tous les membres du comité que, s'ils envisagent de présenter des amendements, il serait utile sur le plan administratif que nous les ayons d’ici mercredi pour pouvoir les distribuer. Bien sûr, si j’ai bien compris le greffier, cela n’empêche personne de présenter un amendement au cours de la réunion. Toutefois, si vous pouviez présenter vos amendements par écrit et prévoir au moins quelque temps pour les examiner, cela faciliterait le processus.
Cela étant dit, je vous souhaite un bon week-end.
La séance est levée.