FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 avril 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Soyez les bienvenus à cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément au paragraphe108(2) du Règlement, nous accueillons aujourd'hui des représentants du Comité de solidarité pour les prisonniers politiques éthiopiens — Canada.
Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Wendaferew et Workneh. Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Nous allons commencer par entendre la déclaration liminaire que vous, monsieur Wendaferew, allez nous livrer; ensuite, nous ferons un tour de table.
Je suis désolé. Nous avons commencé avec un peu de retard. Nous allons donc probablement terminer autour de 12 h 30.
La parole est à vous, monsieur. Je vous demanderais d'être assez bref dans votre allocution d'ouverture. Lorsque vous aurez terminé, nous vous poserons quelques questions.
Parfait. Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens également à remercier tous les députés ainsi que les membres de ce comité de nous avoir invités aujourd'hui à vous exposer notre point de vue sur les prochaines élections en Éthiopie, de même que sur la situation des droits de la personne et de la démocratie dans ce pays.
Le SOCEPP-Canada, que nous représentons tous les deux, est un groupe communautaire de défense des droits de la personne qui demande que l'on respecte ces droits ainsi que les droits démocratiques fondamentaux en Éthiopie. À notre avis, pour savoir si les prochaines élections seront libres et justes, il faut se demander si les normes internationales acceptables en matière de démocratie et de droits de la personne ont été et sont respectées en Éthiopie.
Il est impératif de se rendre à l'évidence que les prochaines élections se dérouleront dans le sillage de celles de 2005, qui ont vu des milliers de citoyens arrêtés et quelque 200 manifestants tués par les forces de sécurité gouvernementales après une manifestation pacifique. Près de cinq ans après ces évènements, personne n'a encore été traduit en justice. En fait, les membres de la commission d'enquête ont été forcés à l'exil, comme l'ancien juge de la Cour suprême du sud de l'Éthiopie, le juge Frehiwot Samuel.
Depuis 2005, les faits montrent clairement que la répression s'est intensifiée en Éthiopie et que l'espace politique s'est réduit comme peau de chagrin. Le parti politique au pouvoir, le TPLF, bloque systématiquement toutes les possibilités de tenue d'élections libres et justes dans ce pays. Le harcèlement, la torture et la répression sont généralisés. Comme l'ont attesté Human Rights Watch, Amnistie Internationale, Genocide Watch, le rapport du Département d'État américain sur les droits de la personne et d'autres, la répression est massive dans l'Ogaden, le Gambella, l'Oromya et d'autres régions du pays.
L'Éthiopie continue de détenir le record du nombre de journalistes derrière les barreaux, même pour 2009. En février 2010, dans une lettre adressée au premier ministre Meles Zenawi, Joel Simpson, directeur exécutif du Comité pour la protection des journalistes, le CPJ, a écrit que selon les recherches de ce groupe d'intervention international, un seul autre pays emprisonne plus de représentants des médias en Afrique subsaharienne; c'est l'Érythrée.
Dans une autre étude publiée en septembre 2009, Open.Net Initiative, un groupe mondialement respecté, désigne l'Éthiopie comme étant le seul État d'Afrique subsaharienne à filtrer de manière « constante » et «substantielle » les sites Web critiques. Le site Web de CPJ figure parmi ceux qui sont bloqués.
Depuis 2005, pour paralyser complètement ou mettre hors d'état de fonctionner des groupes de la société civile indépendants, le parti au pouvoir a fait adopter trois lois particulièrement draconiennes. Il s'agit de la proclamation antiterroriste, de la proclamation sur les sociétés et les associations caritatives et de la proclamation sur les médias de masse et la liberté de l'information. La proclamation sur les sociétés et les associations caritatives interdit à tout groupe de la société civile qui tire plus de 10 p. 100 de ses revenus de sources étrangères de participer à toute action de défense des droits, qu'il s'agisse des droits de la personne, des droits des femmes, des enfants, des personnes âgées, des droits linguistiques, et cetera. Absolument. Human Rights Watch, Amnistie Internationale, le groupe britannique Article 19, le CPJ et de nombreux autres ont condamné ces dispositions législatives, mais le gouvernement campe sur ses positions et poursuit dans sa voie.
À cause de ces lois, la société civile éthiopienne d'aujourd'hui a purement et simplement été décimée. Un rapport publié il y a environ un mois par Human Rights Watch et intitulé Ethiopia: Repression Rising Ahead of the May Elections, résume ainsi la situation:
« Il est très dangereux d'exprimer sa dissidence en Éthiopie... Le parti au pouvoir et l'État ne font qu'un, et le gouvernement use de tout son pouvoir pour éliminer l'opposition et faire taire la population par l'intimidation. Beaucoup de militants de la société civile et de journalistes ont fui le pays à cause de la répression gouvernementale... Le journal indépendant le plus en vue a été fermé en décembre 2009 et le gouvernement a brouillé... »
... et le premier ministre a ouvertement déclaré ceci dans une interview...
« ... les émissions de Voice of America le mois dernier. Les Éthiopiens sont dans l'impossibilité de s'exprimer librement, d'organiser des activités politiques et de contester les politiques de leur gouvernement — que ce soit par des manifestations pacifiques, par les urnes ou par la publication de leurs opinions... »
C'est ce qui a été dit par Human Rights Watch.
La détention, le harcèlement et l'assassinat de dirigeants de l'opposition et de militants sont généralisés.
Mme Birtukan Mideksa, la seule femme chef de parti dans l'histoire du pays, qui est d'ailleurs la chef du parti d'opposition Unité pour la démocratie et la justice — UDJ — continue de croupir en prison et se voit refuser le droit élémentaire de recevoir la visite de parents et d'amis, en dehors de sa fille de quatre ans et de sa mère âgée. Birtukan est emprisonnée parce qu'elle aurait déclaré, lors d'une réunion en Suède, que sa remise en liberté en 2007 résultait d'une négociation politique, mais ne constituait en rien un aveu de culpabilité. Elle est emprisonnée à vie simplement pour avoir dit cela.
Pendant ce temps, à mesure que la date des élections approche, la répression s'intensifie. Des rapports récents, par exemple, indiquent qu'Aregawi Gebre Yohanes a été assassiné dans la province du Tigré. À peine quelques jours auparavant, un autre candidat a été assassiné dans le Centre de l'Éthiopie. Le 25 avril, le professeur Beyene Petros, actuel président du forum de l'opposition, illustrant ses propos par plusieurs exemples, a expliqué que le gouvernement pratiquait à nouveau l'intimidation et le harcèlement de façon généralisée.
La commission électorale n'est pas impartiale dans ce pays. Y siègent des sympathisants et des membres du parti au pouvoir. Comme l'a déclaré le professeur Petros, le parti au pouvoir est à la fois juge et partie. En pareilles circonstances, il est pratiquement impossible de gagner une élection. Il est donc impératif d'accepter pleinement que les prochaines élections se dérouleront dans le climat le plus répressif qui soit, sans que soient réunies les conditions élémentaires nécessaires à un scrutin libre et juste. La signature du code d'éthique, dont le gouvernement vante les mérites, ne suffit tout simplement pas à rendre les élections libres et justes de quelque façon que ce soit. Ce code vise l'exclusion et élude des questions majeures, comme la libération de prisonniers, la création d'une commission électorale indépendante, l'instauration d'un climat propice à la tenue d'élections libres et justes, à la liberté de la presse, etc.
Le plus troublant, c'est que le premier ministre Meles Zenawi accuse à présent l'opposition d'être à la solde de l'Érythrée et alliée du régime érythréen. Il a également déclaré très clairement que le gouvernement était en train de réunir des preuves des agissements des dirigeants des partis d'opposition. Il est clair, en voyant cela, que le parti au pouvoir veut attaquer l'opposition et la jeter en prison si elle vient à représenter une menace pour lui, comme en 2005. C'est intolérable. La communauté internationale devrait rappeler les dirigeants à l'ordre et leur dire clairement qu'un tel comportement et de telles violences contre l'opposition et la population ne seront plus tolérés.
Comme l'a souligné l'International Crisis Group, ou ICG, dans son rapport de septembre 2009, alors que le FDRPE promet la démocratie, le parti ne reconnaît pas que l'opposition est en mesure de prendre le pouvoir par les urnes, et il a tendance à considérer comme de la trahison toute expression de points de vue et d'intérêts divergents. Nous craignons donc que les élections planifiées ne soient qu'une mascarade et qu'elles contribuent à aggraver davantage la situation en ce qui concerne les droits. L'aspiration populaire au respect des droits de la personne et à la démocratie, et le rétrécissement progressif de l'espace politique sont totalement incompatibles. Nous redoutons que ces obstacles nuisent à la paix et à la stabilité du pays et entraînent l'abandon d'activités politiques pacifiques, ce qui ne serait pas dans l'intérêt de l'Éthiopie, des pays voisins et de la communauté internationale.
Nous sommes convaincus que le soutien inconditionnel de la communauté internationale au gouvernement de Meles Zenawi ne peut qu'accentuer l'instabilité en Éthiopie et dans toute la région. Par conséquent, nous recommandons les mesures suivantes:
Que le Canada condamne fermement la répression des droits de la personne et des droits démocratiques en Éthiopie et exige le respect total des droits fondamentaux; qu'il brise le silence et condamne la répression continue et le climat de peur qui règnent en Éthiopie, comme le souligne Human Rights Watch.
Que le Canada se joigne au peuple éthiopien et aux organisations de défense des droits de la personne pour réclamer la libération de prisonniers politiques comme Birtukan Mideksa et d'autres.
Que le Canada utilise son poids financier considérable pour exiger que soit mis fin au harcèlement de l'opposition et aux lois répressives qui paralysent la société civile dans ce pays.
Que le Canada enquête sur le détournement de son aide à des fins politiques, y compris pour l'achat de votes. Il existe de nombreux rapports à ce sujet. Que le Canada envoie un grand nombre — et je dis bien un grand nombre — d'observateurs électoraux indépendants dans des circonscriptions électorales ou des districts stratégiques, en consultation avec l'opposition. Qu'il tienne compte de la répression préélectorale quand il déterminera si le scrutin a été libre et juste. Une autre solution à envisager serait de demander à un comité parlementaire bipartite d'aller sur place évaluer la situation. La commission devra faire un compte rendu clair des faits relevés sur le terrain.
Que le Canada prenne l'initiative de travailler, selon nous, avec tous les pays donateurs afin d'exercer des pressions sur le régime en place pour l'amener à négocier avec tous les partis d'opposition et à paver la voie à une réconciliation nationale générale, à un changement durable et à la démocratisation de l'Éthiopie.
Nous croyons qu'il est vraiment temps de commencer à penser à la situation après les élections. Le Canada devrait envisager la suspension, selon nous, de l'aide autre que l'aide d'urgence ou des sanctions ciblées, au cas où le groupe au pouvoir en Éthiopie refuserait d'entendre les appels au respect des droits et à la démocratisation.
Je vous remercie beaucoup.
Je vous remercie beaucoup.
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. Je me réjouis d'avoir l'opportunité de vous poser quelques questions.
La question qui me vient toujours à l'esprit dans ce genre de discussion est de savoir comment vous expliquez l'étendue de l'appui occidental. Il ne s'agit pas seulement du Canada; il y a aussi l'aide américaine, celle du ministère du Développement international de la Grande-Bretagne et aussi l'aide de l'Allemagne. Plusieurs gouvernements occidentaux ont décidé de mettre particulièrement l'accent sur l'aide au gouvernement éthiopien. Et maintenant, nous entendons un tout autre son de cloche. Si je puis me permettre, vous n'êtes pas la seule voix discordante.
J'aimerais dire aux membres du comité que je serais ravi de leur faire part d'un article qui est paru dans The New York Review of Books cette semaine et intitulé « Cruel Ethiopia »; cet article décrit de manière approfondie la situation actuelle dans ce pays.
Messieurs, j'aimerais que vous m'expliquiez à quoi tient cette contradiction entre l'apparente répression en Éthiopie et l'aide étrangère véritablement massive consacrée à ce pays — qui se chiffre en milliards de dollars — depuis plusieurs années.
Je vous remercie beaucoup.
Je pense que l'évolution de la situation en Éthiopie est très intéressante. Ce pays a subi une immense répression sous Mengistu Haile Mariam, l'ancien chef militaire au pouvoir. Bien sûr, à l'époque, Mengistu et son gouvernement se disaient socialistes et affirmaient qu'ils avaient le soutien de Cuba et de la Russie, par exemple. Il y avait donc cette dichotomie: « Nous voulons renverser le régime communiste ou nous en débarrasser ». Lorsque Meles est arrivé au pouvoir, il a clairement dit qu'il accepterait les principes des droits de la personne, le multipartisme et toutes les bonnes choses auxquelles aspire une société pluraliste. Il y a donc eu, pendant quelque temps, ce que je qualifierais de lune de miel, et la volonté de lui donner une chance de redresser la situation.
D'ailleurs, dans les faits, je dois admettre qu'au début, lorsque son gouvernement a pris le pouvoir, on a noté une certaine amélioration. Par exemple, il y avait quelques journaux indépendants; les partis politiques commençaient à s'organiser; il y avait un semblant de démocratie et l'émergence d'un mouvement progressiste. Donc, à mon avis, l'Occident a commencé véritablement à encourager ces mesures positives, croyant qu'en misant sur les gains, il pousserait un peu plus le gouvernement dans la voie de la démocratisation. C'était au début.
Ensuite, je dirais que depuis septembre 2001, la stabilité dans la région et le terrorisme sont devenus une source de préoccupation. Bien sûr, Meles se dit allié du monde occidental, particulièrement des États-Unis. Il s'est rendu en Somalie, par exemple, et sa contribution a été importante. Mais il y a énormément de facteurs à considérer quand on examine ces questions.
Tout d'abord, comme je l'ai indiqué, au début, il y avait un semblant de démocratie, mais par la suite, ce mouvement n'a cessé de s'étioler. La presse libre est déjà décimée.
Quant à la stabilité dans la région, je dirais qu'au sein de l'opposition éthiopienne, des grands courants d'opposition, on comprend et on accepte pleinement que toute forme d'extrémisme religieux constitue une entrave au développement de l'Éthiopie et devrait être bannie. Si vous examinez chacun des groupes d'opposition, vous constaterez qu'ils condamnent tous l'extrémisme. Tous veulent poursuivre le processus démocratique, favoriser un système multipartiste et le pluralisme dans le pays.
Je dirais que c'est une combinaison de tous ces facteurs dont s'est servi le gouvernement. Je crois qu'il a aussi été habile en jouant le jeu à bien des occasions. Il dispose d'un service de relations publiques particulièrement efficace qui l'aide à livrer son message et à tromper, je dirais, beaucoup de pays occidentaux.
Le dilemme auquel nous sommes confrontés est de savoir si nous devrions couper l'aide ou l'utiliser comme un moyen de pression... Il y a deux problèmes. Le premier est évidemment humanitaire. Le second est que nous avons découvert que de nos jours, nous n'avons plus le monopole de l'aide. Par conséquent, si nous ne sommes pas présents ou que nous décidons de nous retirer, et que d'autres pays occidentaux en font autant, plusieurs autres grandes nations prendront notre place.
L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, dans ce rapport de force, c'est que nous ne vivons pas dans un monde unipolaire; nous ne sommes pas les seuls; il y a d'autres joueurs. C'est le problème que nous avons en Afrique actuellement. Nous ne pouvons pas exercer de moyens de pression.
Dans les années 1960 et 1970, il y avait une sorte de concurrence avec les Russes en Afrique. Maintenant, c'est avec la Chine que nous rivalisons. Nous devons admettre que cela va nous poser un problème stratégique à l'avenir. Si nous abandonnons tout simplement le terrain aux Chinois, nous risquons de ne plus être en mesure d'exercer un rapport de force pour obtenir de meilleurs résultats; c'est une question à laquelle nous devrons réfléchir.
Nous voulons tous que la situation s'améliore. La question est de savoir comment y arriver. Nous croyons tous que promouvoir la démocratie est légitime, tout comme l'est la défense des droits de la personne, dans le cadre de notre politique étrangère — c'en est d'ailleurs un aspect très important. Mais un problème demeure: comment y parvenir efficacement quand nous ne sommes pas les seuls au monde à contrôler l'évolution de la situation?
Effectivement, monsieur Rae. Je pense que la façon dont la Chine s'implante partout en Afrique est une grande source de préoccupations. Le développement des relations entre Meles et la Chine est préoccupant; c'est le moins que l'on puisse dire, parce que la répression risque de s'intensifier... C'est inquiétant parce que la Chine va commencer à dire: « Peu importe. Faites ce que vous voulez, tant que vous nous donnez accès à certaines choses ici et là ».
Ceci étant dit, il est très clair que 40 à 60 p. 100 du budget actuel du gouvernement est subventionné par les pays occidentaux; par conséquent, nous pouvons avoir une énorme influence — peut-être pas en nous retirant complètement, comme on l'a suggéré. Il faudrait adopter une approche stratégique, très sélective. Nous pourrions utiliser ce levier pour exercer des pressions sur le gouvernement afin qu'il atteigne des résultats tangibles, mesurables, en matière de développement des droits de la personne, de pluralisme et autres choses du genre. Demander la réconciliation et jeter les bases d'un développement durable est possible.
Le gouvernement est très sensible à l'influence du monde occidental. Il est très attentif à la voix du Canada. Nous pouvons agir; il existe d'énormes moyens de pression. La force des autres puissances occidentales, y compris des États-Unis et de l'Europe... Absolument. Si les pays occidentaux commencent à exercer des pressions, je suis sûr qu'on pourra voir poindre beaucoup de changements. J'espère que cela aura un effet dynamique au sein du pays et de l'organisation elle-même et incitera le gouvernement et les partis à emprunter la voie d'une démocratisation accrue.
Nous pouvons faire beaucoup. Avec 40 à 60 p. 100, comme je l'ai dit... la puissance du monde occidental. Imaginez. Je suis sûr que la Chine va tranquillement essayer de se frayer un chemin et commencer à apporter de l'aide, mais je doute qu'elle soit capable de financer 40 ou 60 p. 100 du budget de l'Éthiopie à ce stade-ci.
[Français]
Vous allez m'excuser de ne pas tenter de prononcer vos noms. Je vais vous appeler messieurs et il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Vous aviez déjà commencé votre témoignage, alors peut-être que vous en avez parlé, mais j'aimerais quand même revenir sur ce que Human Rights Watch a dit dans un rapport.
L'organisme mentionnait que le gouvernement éthiopien était en train de planifier une attaque coordonnée et soutenue contre ses opposants politiques, les journalistes et les défenseurs des droits de la personne. Il est probable que le gouvernement éthiopien a répondu aux préoccupations de groupes de l'extérieur en mettant en place un organe électoral qui serait chargé de sévir dans le cas d'infractions électorales et de fraudes.
À la veille des élections de mai 2010, croyez-vous que ce mécanisme est légitime? A-t-il pour but de faire taire la critique venant de l'extérieur? Est-ce une initiative pour redorer l'image du gouvernement?
[Traduction]
Merci beaucoup.
Mon nom se prononce comme il s'écrit. Aklilu suffira.
Le rapport de Human Rights Watch est l'un de ceux que j'ai cités. La Canadienne Georgette Gagnon, actuellement directrice de la Division Afrique de Human Rights Watch, est manifestement à l'origine de cette nouvelle. Oui, vous avez raison et ils avaient raison, absolument. Le gouvernement préparait une attaque coordonnée contre les journalistes, les médias et les partisans des droits de la personne. C'est ce qu'il a dit. C'est ce qu'il a effectivement fait.
En décembre, quatre reporters du journal le plus lu, Addis Neger, ont été forcés de quitter le pays. Il est parvenu à exiler des gens. Il les a bâillonnés. Dans une entrevue, le premier ministre de l'Éthiopie ne s'en n'est pas caché: « Oui, je mets le bâillon; je cherche à savoir si j'ai la capacité technique de bâillonner Voice of America ». Il l'a ensuite bâillonné. Voice of America doit transmettre son émission — vous pouvez maintenant vérifier, puisqu'elle est accessible — par un programme satellite, pour déjouer le bâillon. Oui, le gouvernement s'attaque aux médias.
Il n'a pas fait que cela. Ces dernières années, il a adopté trois lois pour réduire à l'impuissance la société civile. La loi sur les organismes de charité et sociétés, dont j'ai parlé, est l'une des plus cruelles qu'il ait adoptée. Elle interdit à toute organisation non gouvernementale qui reçoit plus de 10 p. 100 de ses fonds... Cette loi interdit tout militantisme: pour les droits de la personne, pour ceux des femmes, pour les droits linguistiques, n'importe quel droit. En Éthiopie, où la population est si pauvre, comment les sociétés civiles sont-elles financées? Par l'aide étrangère, l'Agence canadienne de développement international ou ACDI, l'Agence des États-Unis pour le développement international ou USAID, etc... Le gouvernement leur interdit donc, dans ce cas, le militantisme, ce qui revient, au fond, à les asphyxier. Sans réserves, ces organisations disparaîtront. C'est ce que le gouvernement a fait.
Encore une fois, le gouvernement prétend avoir formé un comité pour examiner les plaintes. Illusion! Comme je l'ai dit, l'opposition ne s'est pas entièrement prêtée à ce jeu. Comme je l'ai dit, cela fait partie d'un prétendu code de conduite. C'est un processus d'exclusion. Seulement deux partis y ont participé. Le principal groupement d'opposition, « le forum », coalition de huit partis politiques, en a été complètement exclu. Il n'a pas participé au processus. Pourquoi? Parce que, d'après lui, nous ne pouvons pas seulement parler du code de conduite; nous devons également discuter de l'ensemble de la situation.
Que trouve-t-on dans ce code de conduite? Des exhortations et des interdictions. En voici deux exemples: l'exhortation à respecter la liberté de la presse; l'interdiction du harcèlement.
L'Éthiopie ne manque pas de règles ni de lois.
M. Rae m'a demandé pourquoi personne n'appuyait ce code. C'est parce que, dans la propre constitution du pays, il est dit qu'on respectera les droits de la personne; tous les droits dont il est question. Cela remonte à 1991 et à 1993, mais, depuis, cet acquis s'érode. Que trouve-t-on aujourd'hui dans le code d'éthique? On répète les mêmes principes. On dit qu'on respectera la liberté d'opinion, la liberté de réunion, la liberté de la presse. Qu'est-ce que cela signifie? Si, comme on dit, la qualité se révèle à l'usage, où est-elle, aujourd'hui? On n'en trouve nulle trace.
[Français]
Vous avez parlé de la nécessité d'éviter des mesures qui reflètent un extrémisme religieux. Je sais que l'Éthiopie compte des chrétiens et des musulmans. L'extrémisme auquel vous faites allusion vient de quel côté présentement?
[Traduction]
Non. L'extrémisme religieux, d'après moi, c'est quelque chose de complètement différent. Le gouvernement essaie de se servir de l'extrémisme pour supprimer les droits. Par exemple, dans l'Ogaden, la plupart des habitants sont somaliens et musulmans. Le gouvernement impute le terrorisme et toutes sortes de choses aux Somaliens, et la répression adopte toutes sortes de visages. Human Rights Watch a publié une déclaration à ce sujet. Le gouvernement interprète les choses à son avantage.
Dans l'opposition éthiopienne, tout ce que je perçois, c'est le respect du pluralisme. On y accepte la diversité, y compris les droits religieux. En même temps, on comprend manifestement que la société ne devrait pas être dominée par une opinion religieuse extrême, selon laquelle les règles du jeu seraient édictées par un parti politique religieux. C'était ce à quoi je faisais allusion.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs, de votre présence.
Je suis allé trois fois en Éthiopie. J'ai pu y constater moi-même la situation que vous avez décrite et l'inquiétude du gouvernement. Je tiens à exposer les faits sur l'action du gouvernement du Canada dans ce pays et les préoccupations qu'il éprouve à l'égard de cette question.
D'abord — je m'adresse ici à mes collègues —, en matière d'aide au développement, le Canada n'appuie pas directement le gouvernement de l'Éthiopie. L'aide canadienne passe par des canaux multilatéraux et bilatéraux. Elle est distribuée par l'entremise d'organisations non gouvernementales et d'institutions internationales, pour assurer la sécurité alimentaire et répondre à d'autres besoins vitaux des Éthiopiens. Mes visites m'ont révélé à quel point ce programme est important pour soulager la famine.
Comme vous le savez, le premier ministre Meles Zenawi préside le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (ou NEPAD). L'Éthiopie a accepté de se présenter devant le Conseil des droits de l'homme à Genève. Le Canada a alors fait certaines propositions à l'Éthiopie, qui en a accepté la moitié, notamment — et nous espérons qu'il fonctionnera — le plan national d'action sur les droits de l'homme. L'Éthiopie a également promis de mettre en place les mécanismes appropriés pour dissiper les inquiétudes découlant des élections de 2010. Nous verrons bien de quels mécanismes il s'agit.
Les préoccupations du Canada concernent malheureusement les droits de la personne et la démocratie, notamment les partis d'opposition et la poursuite de la détention de Mme Birtukan Mideksa. Le gouvernement de l'Éthiopie a rejeté nos critiques selon lesquelles l'espace démocratique dans ce pays se rétrécit. Les événements en Éthiopie continuent de nous préoccuper, y compris la détention de Mme Mideksa, dont le Canada a réclamé la libération. Avec nos partenaires internationaux, nous avons évité de laisser tomber cette question dans l'oubli et continué d'exiger de connaître les modalités des améliorations en questions et ce sur quoi elles porteront.
Les élections continuent de nous préoccuper. Actuellement, avec d'autres partenaires internationaux, le Canada songe à envoyer sur place des observateurs pour vérifier si elles seront libres et si elles ne seront pas entachées de fraude. Nous maintenons notre volonté de soulever ces problèmes auprès du gouvernement de l'Éthiopie. Vous l'avez fait remarquer, et les commissions des droits de l'homme l'ont fait également.
La question soulevée par M. Rae est la suivante: « Pourquoi maintenons-nous notre engagement auprès de l'Éthiopie? »
L'Éthiopie reste un joueur central en Afrique. L'Union africaine est sur place, et beaucoup d'enjeux internationaux y tirent leur origine. L'engagement pris pour combattre la famine massive qui a lieu dans ce pays est de la plus grande importance. J'étais là et j'ai vu comment l'ACDI a oeuvré pour en diminuer le risque dans ce pays.
Cependant, le problème que vous nous avez exposé reste entier. Je tiens à vous remercier de l'avoir souligné. Les préoccupations de la communauté internationale ne cessent pas pour autant. Nous continuerons d'exercer des pressions sur le gouvernement de l'Éthiopie. Grâce à votre témoignage devant le comité, la pression publique s'exerce sur l'Éthiopie pour qu'elle continue à ouvrir l'espace nécessaire au progrès de la démocratie.
Récemment, quand nous étions là-bas pour la réunion de l'Union africaine, notre ministre des Affaires étrangères a également rencontré son homologue et le premier ministre Meles Zenawi.
Cela reste préoccupant pour le gouvernement du Canada, et je tiens à ce que cela figure dans le compte rendu. Nous continuerons d'exercer des pressions à cet égard.
Je ne peux pas en dire davantage et vous ne pouvez rien me dire d'autre que nous ne savons pas déjà. Qu'il me suffise cependant de dire que c'est ce sur quoi nous fixerons désormais notre attention.
Merci. Je tiens vraiment à dire que nous avons bien aimé l'appui bipartite qui nous a été accordé par le Parlement du Canada.
En 2005, lors du massacre des démonstrateurs et de la période de troubles, le critique des affaires étrangères de l'époque, M. Stockwell Day, a publié cinq ou six déclarations. Dans l'une d'elles, il affirmait clairement qu'il fallait cesser de donner de l'argent facile au gouvernement de l'Éthiopie. Il fallait faire quelque chose. Les violations des droits de la personne devaient cesser. L'Éthiopie ne pouvait pas continuer de s'attendre à recevoir de l'aide du Canada si elle continuait à violer les droits de la personne des Éthiopiens.
Sincèrement, nous disons simplement que nous devons examiner ces options? Comment? Il faut y réfléchir très soigneusement, mais je pense que le Canada possède beaucoup d'influence. Le Canada peut faire davantage, vraiment.
Le Canada fait bien. Les Éthiopiens d'origine canadienne apprécient ce que le Canada a fait, tout au long de son histoire, pour l'Éthiopie, tant contre la famine que pour le développement, la promotion de la démocratie ou d'autres choses. Mais le Canada peut faire davantage. Le Canada est puissant et, en tant que puissance, il peut faire beaucoup pour l'Éthiopie. Il peut exercer une forte influence.
En ce qui concerne les observateurs électoraux, je ne sais plus quoi penser. Nous avons rencontré le personnel des Affaires étrangères, il y a quelques semaines, et nous avons été avertis de cette éventualité, mais nous ne savons pas combien de délégués ou d'observateurs le Canada enverra. Est-ce que ce sera suffisant? Il y a environ 40 000 bureaux de scrutin. Combien seront observés par des Canadiens? C'est un important sujet de préoccupation. Si l'on parle d'un très petit nombre, peut-être trois, quatre ou cinq, est-ce que cela changera quelque chose? C'est ce qui nous inquiète.
Il y a également le fait, compréhensible, que le Canada y aille avec d'autres pays, comme on l'a déjà laissé entendre, mais le Canada, également, a beaucoup investi en Éthiopie. Est-ce que ce serait une bonne idée qu'il ait sa propre délégation, laquelle aurait sa propre voix? C'est un sujet que nous avons abordé avec les Affaires étrangères. Comme je l'ai laissé entendre, il est bon que le Canada commence à s'intéresser à cet aspect également, mais il doit faire davantage.
En ce qui concerne la promesse de Meles Zenawi d'apporter des changements, encore une fois, comme je l'ai dit, il faut qu'il y ait reddition de comptes. Les résultats doivent être mesurables, et cet objectif doit être clair, pour autant que je le sache. Sinon, il fait des promesses, mais il revient sur sa parole année après année. C'est arrivé de nombreuses fois, et il n'y a pas lieu de croire qu'il tiendra ses promesses. De fait, il promet de faire quelque chose pour résoudre les problèmes qui pourraient survenir après l'élection de 2010. Or, il se trouve qu'il y a un problème dès maintenant. Il fait tuer des gens, des candidats, il en arrête d'autres.
J'ai dressé une liste. Je peux vous dire que, dans le pays, au cours des deux ou trois dernières semaines seulement, des candidats ont été obligés en 11 endroits de retirer leur candidature, sous la menace de perdre leur emploi, d'être éliminés. Leurs familles sont harcelées. En certains endroits, on tue les gens. Dans le centre de l'Éthiopie, comme je l'ai dit, une personne a été tuée. Ailleurs, on attaque les gens. C'est ce qui arrive.
Il peut donc bien promettre pour demain, mais ce qui se passe aujourd'hui nous montre quelque chose de complètement différent.
Il est réconfortant que le Canada soit mobilisé, je pense que nous devons nous affirmer davantage, plus bruyamment, et exercer un peu plus de pression pour que les choses changent.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos invités de leur présence.
Je veux revenir à une observation que M. Rae a faite — et je partage son opinion — sur la difficulté d'examiner les programmes d'aide. Pour mettre les choses au clair, je ne pense pas que vous disiez que nous devrions retirer notre aide, mais, manifestement, nous devrions faire en sorte que l'aide ne profite pas au régime. Je remarque — et cela remonte à 2005, d'après mes notes — que l'aide directe au gouvernement a été suspendue. Mais, si je comprends bien, d'après ce que vous dites, vous et d'autres, l'aide trouve d'autres voies pour parvenir au régime. Je pense que, nous tous ici présents, craignons que le régime ne profite de l'aide que nous envoyons, mais, de la même manière, nous voulons tous continuer à aider ceux qui ont besoin de notre aide. L'idée générale, c'est que nous sommes tous d'accord avec cet objectif. J'aimerais connaître vos impressions à ce sujet.
Je veux également aborder le fait que le gouvernement songe à envoyer des observateurs pour les élections. Je veux simplement savoir s'il y a eu échange de notes ou de missives diplomatiques concernant l'emprisonnement du chef de l'opposition.
De même, notre gouvernement a-t-il exprimé au gouvernement éthiopien — et peut-être le secrétaire parlementaire peut-il répondre à cela — ses inquiétudes au sujet de la récente proclamation vraiment rétrograde concernant les sociétés et les organisations caritatives de la société civile? Pour ceux qui ne le savent pas — et vous en avez glissé un mot — le fait de limiter à 10 p. 100 l'aide financière extérieure pour autoriser le fonctionnement des organisations en Éthiopie revient tout simplement à étouffer les ONG qui effectuent du travail sur les droits de la personne. Pensez à Human Rights Watch ou à Amnistie Internationale. Ces deux organisations ne peuvent pas lever de fonds chez les Éthiopiens. C'est hors de question. Cette loi est vraiment rétrograde et régressive, et je me demande si notre gouvernement s'est exprimé sur l'emprisonnement du chef de l'opposition et sur cette loi, laquelle a vraiment étouffé toutes les ONG ou toutes les voix des tiers...
Il y a donc trois questions, à notre connaissance: la question de l'aide, celle des observations de notre gouvernement concernant l'emprisonnement du chef de l'opposition et celle de l'intervention de notre gouvernement sur la proclamation relative aux sociétés et aux organisations caritatives. Peut-être M. Obhrai pourra-t-il nous aider.
Pendant mes rencontres avec le président Meles Zenawi, j'ai soulevé la question des organisations caritatives et j'ai exprimé les inquiétudes de notre gouvernement. J'ai dit que nous y voyions un problème. Pendant les travaux de la commission des droits de la personne,... nous avons de nouveau soulevé la question et, malheureusement, l'Éthiopie ne l'a pas accepté. Mais, c'est vrai, nous avons exprimé des motifs très graves d'inquiétude sur cette question.
De même, le Canada a exprimé ses inquiétudes au sujet de l'emprisonnement du chef de l'opposition, dont nous avons demandé la libération.
J'ai aussi entendu ces déclarations à Genève il y a quelques mois. Il a été question de la loi répressive et du fait qu'on avait demandé sa révocation.
J'imagine que vous savez qu'on se trouve face à une situation extrêmement difficile en ce qui a trait à l'aide humanitaire. Je ne dis pas qu'il faut tout arrêter. Je sais que l'Éthiopie en a grandement besoin, mais nous devons nous pencher très sérieusement sur la question. Différents rapports montrent que, et même le rapport sur les droits de la personne a indiqué... Le rapport ne faisait pas précisément mention de l'aide canadienne, mais on y rapportait que tout l'argent destiné à l'aide humanitaire était utilisé pour acheter des votes politiques, pour faire de la manipulation et des choses semblables.
En fait, si on creuse un peu plus loin, la BBC a diffusé un reportage il y a environ un mois qui nous apprenait que même en 1984-1985, l'aide envoyée dans le nord de l'Éthiopie, une région alors dirigée par les rebelles, avait été utilisée pour redresser leur aile militaire. Et cela vient des hauts placés du gouvernement, des membres du parti politique même.
Il y a donc lieu de se poser de sérieuses questions, à savoir si notre aide, l'argent des contribuables de notre pays, est manipulée ou non. Je n'en suis pas certain. Je pense qu'il y a un bon mécanisme monétaire en place, mais est-ce que le gouvernement le manipule? Je ne peux pas formuler de commentaires à cet égard. J'estime cependant qu'il faut suivre la situation de près.
Nous avons rencontré les représentants de l'ACDI il y a quelques semaines, et nous leur avons fait part de ce problème. Ils nous ont dit que depuis la diffusion de ce reportage il y a quelques mois, ils avaient discuté avec d'autres partenaires et ils tâchent de vérifier si ces déclarations sont vraies ou non. Il n'y a toutefois pas d'enquête ouverte en cours. Je ne sais pas exactement où en sont les choses en ce moment. Je suis certain que vous allez tous suivre la question de près et veiller à ce que l'aide financière du Canada soit utilisée à bon escient.
C'est très intéressant. Vous l'avez dit, Meles a déclaré vouloir appliquer certaines des recommandations, notamment par l'entremise de la Commission des droits de la personne. Je vous répète ce que j'ai entendu de l'ACDI, du bureau de l'ombudsman et de la Commission des droits de la personne de l'Éthiopie.
Franchement, je pense qu'il faut se pencher très sérieusement sur la question. Je sais que deux de ces groupes font partie du gouvernement. Cette soi-disant Commission des droits de la personne de l'Éthiopie, qui est soutenue par de nombreux pouvoirs occidentaux... Quand toutes ces personnes ont été tuées, 200 ont été tuées en 2005, et que des milliers de personnes ont été emprisonnées (entre 40 et 50 000 personnes), la commission n'a jamais publié un seul communiqué de presse condamnant la violation des droits de la personne dans le pays. Rien. Cet organisme se fait appeler « commission des droits de la personne » et obtient du financement de partout dans le monde. Il faut surveiller ce qui se passe.
Non, je ne parle pas du Conseil des droits de la personne de l'Éthiopie, qui est un organisme indépendant; cet organisme est presque paralysé. Il y a un autre groupe appelé la Commission des droits de la personne de l'Éthiopie, qui relève du gouvernement.
Oui.
Il y a aussi le bureau de l'ombudsman, qui bénéficie également de toutes sortes d'appuis. Si je ne m'abuse, Meles a affirmé qu'il allait procéder à ces réformes par l'entremise du bureau de l'ombudsman. Très honnêtement, c'est une véritable plaisanterie.
Les fonctionnaires éthiopiens sont maintenant politisés. Le gouvernement demande aux diplômés universitaires de l'Éthiopie s'ils veulent travailler pour lui. Si oui, les diplômés doivent signer un contrat pour devenir membre du parti au pouvoir. Ils n'ont pas le choix. S'ils ne le font pas, ils n'obtiennent pas l'emploi. Ces personnes sont assises devant des bureaucrates qui leur disent...
Je vais vous donner un exemple. J'ai reçu une personne récemment de l'ouest de l'Éthiopie, d'un endroit appelé « Mattu ». Elle était candidate pour un des partis de l'opposition. Elle travaillait également dans une banque commerciale. Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement? Il l'a menacée de la congédier si elle refusait de retirer sa candidature. Quel choix lui restait-il alors? Soit elle retirait sa candidature, soit elle perdait son travail. Ce sont le genre de choses qui se produisent.
Le bureau de l'ombudsman n'a jamais émis une seule déclaration, pas une seule ligne, pour condamner ce genre d'interférence par le gouvernement. À mon avis, quand on aide ces groupes, on aide aussi le gouvernement lui-même et on favorise la répression. C'est une bonne chose de renforcer les capacités, de bâtir des institutions, mais pas les capacités du gouvernement, ni celles des institutions répressives. Il faut que ce soit le contraire. La société civile, les groupes indépendants, c'est là où il faut investir selon moi.
Me permettez-vous de formuler un commentaire?
Je sais que le gouvernement nous écoute. Chaque ambassade produit un rapport sur la situation des droits de la personne dans le pays, et si cela n'a pas été fait à Addis-Abeba... peut-être que oui. D'après ce que nous venons d'entendre aujourd'hui, cette commission des droits de la personne qui, pour une raison obscure, n'est pas en mesure de dénoncer l'emprisonnement de dizaines de milliers de personnes ou la disparition de journalistes, et l'ombudsman ne semble pas non plus suivre la situation. Comme c'est une audience publique, j'ose espérer que l'ambassade prendra note de tout cela, si ce n'est pas déjà fait, parce que nous ne voulons évidemment pas soutenir ce genre de processus si ce n'est pas efficace.
Merci.
On a déjà répondu à ma première question. Je pense que M. Van Kesteren voulait aussi prendre la parole, monsieur le président.
Ma première question portait en fait sur l'aide et sur la confusion entourant les changements apportés à la loi. Est-ce pour cette raison que notre aide a été redirigée vers des ONG comme les Nations Unies et d'autres ONG canadiennes? Je pense que vous avez déjà assez bien répondu à la question. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
J'avais deux choses à vous demander. Premièrement, je crois que vous avez dit qu'il y avait eu 200 morts en 2005, et je pense que vous avez aussi mentionné qu'entre 40 000 et 50 000 personnes avaient été emprisonnées, si je ne m'abuse. Était-ce aussi en 2005 ou est-ce le nombre actuel de prisonniers?
On s'inquiète de la communauté éthiopienne même au Canada. Je crois qu'il y a eu un certain nombre de meurtres dans la communauté récemment. Est-ce que je me trompe? C'est en Alberta?
La communauté somalienne. Pardonnez-moi de vous avoir confondus avec vos voisins.
Je vous remercie, monsieur Aklilu Wendaferew. J'espère que je prononce votre nom correctement. Nous en savons beaucoup plus sur cet enjeu particulier grâce à vous, car nous ne sommes pas tous aussi bien au fait que certains de nos collègues de ce qui se passe chez vous.
Est-ce que la communauté éthiopienne au Canada a peur de s'exprimer? Est-ce risqué de prendre la parole? Est-ce que cela vous préoccupe? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de vous? Les notes d'information que j'ai ici ne m'en disent pas beaucoup.
Oui, c'est risqué. Est-ce que je m'expose personnellement à des risques? Oui, c'est effectivement le cas. Je suis toutefois conscient que quelqu'un doit prendre des risques au nom de la liberté. Il faut que quelqu'un le fasse. Lorsque je suis arrivé dans ce pays il y a 23 ans, je me suis promis que j'allais continuer de le faire, peu importe les conséquences.
Vous m'avez demandé de vous parler un peu de moi. Je suis arrivé au Canada en 1988, alors que j'étais encore un jeune homme. À ce moment-là, les jeunes gens étaient souvent victimes de harcèlement en Éthiopie. Il était très difficile pour un jeune d'avoir ses idées à lui. Partout, on voyait nos voisins, nos amis et nos camarades de classe se faire assassiner. C'est ce qu'on appelait la campagne de la Terreur rouge en Éthiopie, une des pires époques de l'histoire de notre pays.
Ne pouvant plus vivre dans ces conditions, je suis parti peu de temps après. Je suis arrivé au Soudan à titre de réfugié, puis, parrainé par le gouvernement, je suis arrivé au Canada à titre de résident permanent. Je suis très reconnaissant envers mon nouveau pays. J'ai beaucoup reçu depuis mon arrivée ici.
J'ai entrepris des études universitaires et j'ai obtenu mon premier diplôme en travail social à l'Université Western Ontario. J'ai ensuite poussé mes études et obtenu une maîtrise en travail social à l'Université de Toronto. J'ai aussi fait des études supérieures sur les ethnies et le pluralisme. J'ai par ailleurs obtenu un autre certificat en gestion d'organismes sans but lucratif à la Schulich School of Business. Depuis la fin de mes études, j'oeuvre dans le domaine du travail social. J'ai entre autres été travailleur social, conseiller familial et gestionnaire de programmes. Je suis maintenant directeur administratif adjoint d'un des organismes de services sociaux du centre-ville de Toronto, Good Shepherd Ministries, où je travaille avec les sans-abri et les plus démunis de notre pays, le Canada. Je me voue à la défense des droits de la personne parce que c'est cette valeur qui m'a poussé à partir de l'Éthiopie, et j'apprécie l'importance qu'on lui confère ici, au Canada.
Est-ce que je prends des risques? Oui, absolument. Et je le sais. Les risques sont grands. Il est possible que le gouvernement trouve une excuse pour emprisonner un de mes frères ou une de mes soeurs qui sont encore en Éthiopie. Il est possible que cela arrive, c'est même très probable. Mais je dois prendre ce risque. Quelqu'un doit en payer le prix, et les gens vivent avec les conséquences. Je ne peux pas me laisser intimider par un gouvernement brutal comme celui de l'Éthiopie, alors que j'habite dans un pays libre comme le Canada. En toute honnêteté, c'est pourquoi j'ose prendre la parole. C'est justement parce que j'ai le luxe de vivre au Canada, dans une société démocratique, que je ne dois pas me laisser intimider par le régime répressif qui a cours en Éthiopie. Ce serait contre mes principes personnels, et ce serait un désastre s'il fallait que je me taise. C'est pourquoi je prends la parole, même si les risques sont très grands.
Je suis sûr que le président va aussi vous remercier, mais je tiens à vous témoigner mon appréciation. Votre témoignage nous sera très utile.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence. Votre histoire est fascinante. Je ne la connais pas très bien, mais je sais que l'histoire de votre pays remonte à très loin et que votre peuple a grandement souffert de l'oppression européenne. Je crois que les Italiens ont fait tomber l'ancien régime. Vous avez ensuite continué d'avancer. Vous nous avez aussi parlé de la Terreur rouge.
Je suis curieux. Vous avez fait mention aujourd'hui de l'influence de la Chine. Bien sûr, l'Union soviétique n'existe plus. L'occident comprend évidemment l'importance de la géographie dans votre situation. Vous êtes entourés de voisins musulmans.
Même si cela peut vous paraître étrange, j'apprends beaucoup de choses des chauffeurs de taxi. Beaucoup d'immigrants éthiopiens travaillent ici comme chauffeurs de taxi, et j'ai la chance de leur parler durant mes voyages entre chez moi et l'aéroport. J'ai demandé à l'un deux comment était la vie en Éthiopie, et qu'est-ce qui s'y passait en ce moment. Il semble qu'il y ait une certaine stabilité. On m'a à peu près parlé des mêmes choses dont vous nous avez parlé aujourd'hui. J'ai toutefois aussi entendu dire que l'Arabie saoudite commençait à exercer une certaine influence. Vous avez fait référence à d'autres pouvoirs. Nous savons tous qu'une autre guerre fait rage, même si on en parle rarement. J'aimerais savoir si vous avez des commentaires à formuler à ce sujet. C'est intéressant. Ce chauffeur de taxi m'a dit notamment que beaucoup de Saoudiens, ou de gens sous l'influence de l'Arabie saoudite, marient plusieurs jeunes femmes parce qu'on permet le mariage polygame. On dirait aussi que le pays, traditionnellement de culture chrétienne, se tourne de plus en plus vers la religion musulmane.
Peut-on parler essentiellement d'une autre guerre? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'influence qu'exerce l'Arabie saoudite et la pression que subit ainsi le pays?
Mon collègue peut peut-être m'aider.
Merci d'avoir parlé un peu de notre histoire. En toute honnêteté, je dois dire que notre pays, comme tous les autres pays du monde, a connu sa part de bons moments, tout comme sa population. De très belles choses ont été accomplies, et il importe de le souligner. Par ailleurs, pour ce qui est de la diversité musulmane-chrétienne en Éthiopie, les musulmans et les chrétiens ont eu la très grande chance de pouvoir vivre en paix les uns avec les autres pendant des siècles. En fait, la communauté éthiopienne compte un grand nombre de Juifs, et nous vivons tous ensemble dans l'harmonie.
C'est vrai, il y a eu de la répression et de la discrimination systémiques de temps à autre. Je dois le reconnaître. Mais ce sentiment d'unité, de cohésion et d'appartenance est extraordinaire. La diversité est très présente. Dans une même famille, on peut trouver un père chrétien, une mère musulmane, et des enfants issus de ce mariage. Notre pays jouit d'une grande diversité.
Récemment, sur le plan politique...
Je suis désolé de vous interrompre. Je voulais plutôt dire que la nature n'aime pas quand un vide s'installe. Il y a eu tellement de bouleversements que je crois que les traditions traversent un passage à vide en Éthiopie aujourd'hui. Je suis d'accord avec vous... mais vous savez mieux que moi comment le pays a géré les changements au fil des ans, et vous l'avez très bien fait avec ces trois élections.
Il a été question de la Chine. Il a aussi été question des pressions exercées. Pensez-vous que les Saoudiens font pression sur le pays? Y a-t-il quelque chose à signaler?
Pour être très honnête, je ne voudrais pas induire le comité en erreur. Je ne suis pas tellement au courant de ce qui se passe à ce niveau, mais je dirais qu'il y a beaucoup de va-et-vient. J'ai lu quelques articles notamment sur le wahhabisme et la dissémination potentielle de l'islam dans cette partie du monde, de même que sur le fondamentalisme, etc. Mais je tiens à répéter qu'au sein du système et des partis politiques, la diversité est reine.
En fait, si vous jetez un oeil à l'opposition et au parti au pouvoir, vous verrez probablement plus de diversité, plus de promesses de stabilité chez les partis de l'opposition. Leurs membres viennent de partout au pays, de tous les groupes ethniques, même de la région de Meles, la province de Tigré. Par exemple, son ancien ministre de la Défense, Seye, est maintenant à la tête de l'opposition. L'ancien président du pays l'a abandonné et il s'est joint à l'opposition. L'ancien gouverneur de la province de Tigré, la région natale de Meles, a lui aussi déserté le parti pour se joindre à l'opposition.
Une grande diversité, religieuse ou autre, caractérise les partis de l'opposition, et c'est ce qui leur permettra selon moi de continuer à favoriser une certaine stabilité au sein du pays.
Nous allons devoir conclure. Il est difficile de donner une réponse brève à cette « courte » question.
Oui, tout ce qui touche la religion peut rarement se résumer en quelques mots.
En réalité, un mouvement fondamentaliste est en train de se former. C'est une tendance internationale; ce n'est pas un phénomène que l'on constate seulement en Éthiopie, on le voit partout. Les musulmans des quatre coins du monde tentent de durcir leurs positions, et ceux de l'Éthiopie ne font pas exception.
Quand j'étais plus jeune, on ne voyait pas les femmes musulmanes couvrir leur tête. C'est maintenant la chose à faire pour elles. C'est une tendance générale, selon moi. Je dirais cependant que l'Arabie saoudite joue un rôle dans ce mouvement, en ce sens qu'elle encourage peut-être la population musulmane à s'affirmer davantage. C'est probablement ce qui distingue la situation actuelle de ce qui a pu se produire auparavant. On construit des mosquées partout dans les grandes villes de l'Éthiopie. Il y en avait avant, mais pas autant qu'aujourd'hui.
Toutefois, la population s'intègre plutôt bien; les chrétiens, les musulmans, et même les quelques juifs de la communauté vivent côte à côte sans problème. On constate une plus grande coopération et une meilleure intégration au sein de la population.
L'article 29 de la constitution de ce régime permet à tout groupe ethnique de faire sécession. Ce régime est venu entacher le drapeau avec lequel l'Éthiopie a grandi, mais la population continue à s'entraider et à se serrer les coudes. En fait, personne n'a jamais demandé à faire sécession.
Bien sûr, il y a aussi le mouvement de l'Ogaden et le mouvement de l'Oromo. Si on pouvait aborder la situation de façon politique, on pourrait pacifier ces mouvements et en faire des acteurs efficaces dans la société. Mais le manque de démocratie dans le système actuel cause beaucoup d'émoi, et ce serait probablement la même chose dans les sociétés les mieux établies, je suppose.
Merci d'avoir posé la question.
Merci.
Je veux vous remercier monsieur Workneh, ainsi que monsieur Wendaferew, d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Nous sommes très heureux d'avoir pu recueillir vos commentaires sur ce qui se passe en Éthiopie en ce moment.
Merci beaucoup.
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