FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 mai 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Soyez les bienvenus à la 19e réunion du comité. Conformément à l'ordre de renvoi du 3 mars à 2010, nous allons poursuivre l'étude du projet de loi C-300, Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement.
Je veux commencer en souhaitant la bienvenue aux personnes qui comparaissent par vidéoconférence.
Je vais commencer par Karin Lissakers, du Revenue Watch Institute. Elle se joint à nous de New York. Karin, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Nous allons ensuite passer à la téléconférence suivante. Nous accueillerons Shanta Martin, d'Amnistie internationale. À côté de Shanta, on voit Robert Anthony Hodge, du Conseil international des mines et métaux. Nous allons terminer par Shirley-Ann George, de la Chambre de commerce du Canada.
Essayez de ne pas dépasser les 10 minutes pour votre exposé — je crois que c'est ce que la greffière vous a probablement demandé de faire —; nous allons écouter votre déclaration préliminaire et ensuite, nous allons faire un tour de table pour une période de questions et réponses. Nous prendrons autant de temps qu'il faudra. Si nous avons besoin des deux heures au complet, c'est excellent. Si nous prenons 1 h 30, cela sera déterminé par le nombre de questions qui seront posées ici.
Karin, merci beaucoup de vous joindre à nous depuis New York. Je vous cède la parole pour votre déclaration préliminaire. Vous avez 10 minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président, ainsi que mesdames et messieurs les membres du comité.
Je suis très heureuse du fait que l'on m'accorde du temps aujourd'hui pour parler au comité. Je crois que le projet de loi C-300...
[Note de la rédaction: difficultés techniques]
Il existe de nombreux codes volontaires que les sociétés multinationales peuvent adopter, dont les principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne de l'ONU, la Global Reporting Initiative; les principes de l'Équateur; le cadre stratégique du CIMM en matière de développement durable — Tony Hodge du Conseil international des mines et métaux est avec nous en ce moment —; et le Processus de Kimberley pour les diamants, pour n'en nommer que quelques-uns. Évidemment, de nombreuses entreprises adoptent unilatéralement les lignes directrices d'entreprise, mais s'efforcent de respecter les normes internationales en matière de pratiques exemplaires dans toutes leurs activités mondiales.
L'initiative pour la transparence dans les industries extractives — ITIE — a obtenu la participation de plus d'une trentaine de pays et l'appui d'un nombre de pays encore plus grand. Effectivement, le Canada était devenu l'an dernier un gouvernement qui appuie l'ITIE, sept ans après le lancement de cette initiative. Quarante-neuf grandes sociétés pétrolières et minières participent activement au processus de divulgation de l'ITIE, et l'initiative reçoit l'appui d'investisseurs qui gèrent des fonds d'une valeur supérieure à 16 billions de dollars.
Il y a de nombreuses raisons à l'origine de ce mouvement mondial vers de nouvelles normes dans le cas des industries extractives. Premièrement, les gens qui vivent dans les pays riches en ressources ne gardent plus le silence face à l'abus de leurs droits. Vous avez vu les manifestations contre les pratiques de travail abusives ou les dommages environnementaux, que ce soit au Soudan, au Pérou ou en Équateur. Parce que les gens sont plus conscientisés et plus engagés, les politiciens sont plus réceptifs. Dans les récentes élections présidentielles au Ghana, le thème électoral le plus important était peut-être la nécessité pour le Ghana de fixer des normes environnementales, sociales et de transparence strictes pour la gestion de son nouveau secteur pétrolier.
Les grands investisseurs institutionnels, comme les régimes de pension de l'État — pensez au Fonds souverain de Norvège, au Fonds de pension des employés de Californie, etc. — délaissent de plus en plus les entreprises qui ont la réputation de commettre des abus sociaux et environnementaux. Les gouvernements des pays fournisseurs de capitaux ne veulent pas paraître comme s'ils acceptaient ou appuyaient les pratiques abusives, parce que cela aurait pour effet de nuire aux intérêts économiques et politiques nationaux à long terme.
Ainsi, les pays de l'OCDE ont élaboré des normes communes qui sont ensuite appliquées dans les lois de chacun des pays membres, par exemple, interdisant la corruption d'agents publics étrangers par leurs propres multinationales qui tentent de promouvoir leurs intérêts. Un processus semblable est en cours au sein de l'UE concernant l'établissement de normes. Par exemple, son initiative sur les matières premières vise à sécuriser l'accès aux matières premières pour l'Europe et à appliquer des normes élevées pour ces investissements.
Évidemment, de nombreuses grandes multinationales reconnaissent que le risque de réputation est élevé. En fait, suivre les pratiques exemplaires est meilleur pour le bilan financier à long terme. Il est clair que ce n'est pas uniquement les entreprises américaines, canadiennes, européennes ou australiennes qui en sont arrivées à cette prise de conscience. Nous voyons maintenant que les entreprises extractives chinoises cherchent à établir des partenariats avec d'importantes sociétés minières et pétrolières occidentales. Ce n'est pas parce qu'elles ont besoin d'accéder à du capital, mais certainement parce qu'elles veulent connaître les compétences technologiques de ces entreprises. Un certain nombre de gens nous ont également dit que parce qu'elles cherchent à améliorer leur propre réputation dans les marchés internationaux, elles veulent être vues comme des investisseurs de premier rang dans les entreprises extractives.
Un des membres de mon équipe juridique chez Revenue Watch revient cette semaine d'un événement parrainé par l'Académie chinoise des sciences sociales de Beijing où l'accent portait sur les pratiques de responsabilité sociale des entreprises, et particulièrement dans les industries extractives, et le secrétariat de l'ITIE a été invité à participer aux discussions.
Il y a deux semaines, un groupe de consultants travaillant en Russie nous a contactés en disant qu'un certain nombre de grandes sociétés minières russes leur avaient dit qu'elles voulaient savoir comment elles pouvaient faire mieux en matière de responsabilité sociale des entreprises. Ce groupe nous a demandé si nous pouvions aider par nos conseils et, peut-être, en organisant certains événements.
Alors, ces idées font leur chemin et la reconnaissance que ces pratiques exemplaires sont essentielles au succès de l'entreprise commence à s'enraciner. La mondialisation signifie que l'ancien modèle de deux poids deux mesures pour les entreprises, un ensemble de pratiques à la maison et un autre, de qualité inférieure, à l'étranger, n'est plus viable. Comme l'a dit le rédacteur du Oil & Gas Journal dans un discours qu'il a prononcé le 19 avril:
Voici une réalité fondamentale. Pour les sociétés pétrolières et gazières internationales et les entreprises de services qui ne sont pas la propriété des gouvernements, le permis d'exploitation n'est plus ce qu'il était. Cette situation a changé et le maintien du statu quo ne changera pas cette réalité.
De nombreuses entreprises prétendront que nous devrions nous en tenir à des principes volontaires. Je pense que c'est là un des arguments que l'on a fait valoir contre le projet de loi C-300. Mais ce n'est pas dans cette direction que va le monde. Les principes volontaires sont utiles comme étape pour l'élaboration d'un consensus sur ce que devraient être ces pratiques ou ces normes exemplaires. Mais une fois qu'une majorité reconnaît la valeur d'un bien public — et c'est bien ce que sont les pratiques exemplaires —, une approche volontaire est peu pratique et inefficace. De plus, je dirais que les gouvernements ont à la fois le droit et l'obligation de fixer des règles pour l'utilisation des deniers publics qui reflètent les normes et les principes auxquels adhèrent leurs contribuables.
Même lorsque vous regardez les soi-disant initiatives volontaires existantes, vous verrez qu'elles comportent des éléments obligatoires. Par exemple, l'ITIE est volontaire pour les pays, mais obligatoire pour les sociétés qui sont actives dans les pays qui mettent en oeuvre cette initiative. L'ITIE comporte des règles strictes même pour les gouvernements participants, règles qui sont appuyées par un mécanisme d'examen de la conformité et par des pénalités en cas de non-conformité.
Les normes volontaires qui ont été élaborées par les intervenants dans divers forums deviennent le point de référence pour le comportement obligatoire. Le cadre stratégique du CIMM — le Conseil international des mines et métaux — en matière de développement durable est obligatoire pour ses 17 sociétés membres, et comporte des procédures de divulgation et d'assurance fondées sur les lignes directrices G3 sur les rapports de développement durable du Global Reporting Initiative, par exemple. Cela empêche les sociétés de profiter du prestige de la marque CIMM sans vouloir respecter ses normes.
Le bras financier de la Banque mondiale, la SFI — la Société financière internationale —, exige que les sociétés avec lesquelles elle co-investit dans les projets de nature extractive divulguent leurs paiements aux gouvernements selon le modèle de l'ITIE, tout en respectant également les normes environnementales et sociales propres de la banque, évidemment. L'assurance-risques politiques du gouvernement américain n'est disponible que pour les projets de nature extractive dans les pays qui ont adopté des normes de transparence semblables à celles de l'ITIE pour les industries extractives.
L'Initiating Foreign Assistance Reform Act de 2009 exige également que l'OPIC, qui remplit un grand nombre des fonctions d'Exportation et développement Canada, adopte un ensemble complet d'exigences en matière de transparence environnementale et en matière de droits du travail et de droits de la personne reconnus internationalement qui lient l'OPIC et les entreprises qu'elle soutient. Cette norme pourrait être non moins rigoureuse que celle de la Banque mondiale, bien qu'il s'agisse d'une norme différente.
Du côté de la transparence, la semaine dernière, le Sénat américain a étudié un amendement au Financial Regulatory Reform Bill qui exigerait que toutes les sociétés extractives inscrites aux États-Unis divulguent ce qu'elles paient aux gouvernements, pays par pays et par type de paiement. L'amendement avait l'appui de l'Administration et, selon ses parrains, avait également l'appui de beaucoup plus que la moitié des membres du Sénat américain. L'amendement n'a pas été proposé pour des raisons techniques, mais je m'attends à ce que le Congrès américain reprenne cette question plus tard au cours de la présente session.
Le Conseil des normes comptables internationales est en train d'élaborer une nouvelle norme de divulgation financière pour les entreprises extractives. Les normes de divulgation financière internationales seront obligatoires pour les entreprises qui ont des activités dans 110 pays, y compris en Chine et, effectivement, au Canada.
Enfin, le développement le plus récent dans ce domaine: la Bourse de Hong Kong vient juste d'adopter de nouvelles règles pour les sociétés minières. Les nouvelles règles exigent que, dans le cadre de leur inscription, les sociétés minières divulguent, entre autres choses, les risques de leurs projets liés à des questions environnementales, sociales et de santé et sécurité; le respect des lois, des règlements et des conditions du permis d'exploitation du pays hôte; et la divulgation des paiements faits au gouvernement des pays hôtes au chapitre des impôts, redevances et autres paiements substantiels, pays par pays. Elles doivent divulguer qu'elles ont des plans de financement suffisants pour la remise en état, la réhabilitation, le confinement ou l'enlèvement des installations de manière durable. Elles doivent faire rapport sur les obligations environnementales de leurs projets ou propriétés; sur les périodes historiques pour traiter des préoccupations des gouvernements et des collectivités locaux concernant les sites miniers, les propriétés d'exploration et sur les mesures de gestion pertinentes; et sur toutes les revendications qui pourraient exister sur les terres sur lesquelles l'activité d'exploitation ou d'exploration minière se déroule, y compris toutes les revendications ancestrales ou par les Autochtones. Ces nouvelles règles adoptées par la Bourse de Hong Kong entreront en vigueur le 3 juin.
Je crois que le projet de loi C-300 est tout à fait cohérent avec ce mouvement mondial vers l'établissement de normes minimales pour encadrer l'extraction responsable des minerais non renouvelables. Je dirais qu'il ne va pas suffisamment loin dans un seul domaine et cela concerne la transparence. À vrai dire, je suis assez étonnée et déçue que le projet de loi C-300 ne parle pas de la transparence des paiements versés au gouvernement. Il s'agit là d'une mesure centrale d'un grand nombre des initiatives que j'ai mentionnées et elle est largement reconnue comme une façon de réduire l'instabilité sociale et politique et la corruption dans les pays riches en ressources. L'argent de votre gouvernement soutient l'investissement grâce au projet de loi C-300, et il sera amendé au cours des prochaines lectures pour corriger cette lacune.
Globalement, je dirais que la Canada, à titre de principal fournisseur de capitaux aux industries extractives et de responsable de la réglementation pour une grande partie de l'industrie minière internationale, a une responsabilité et une occasion d'être à la tête, plutôt qu'à l'arrière, du mouvement mondial vers l'établissement de normes saines pour les industries extractives.
Merci beaucoup.
Merci, madame Lissakers.
Nous allons maintenant laisser la parole à Mme Martin d'Amnistie internationale, pour 10 minutes.
Merci, monsieur le président. Merci aussi aux membres du comité.
Les microphones semblent ne pas tout à fait fonctionner, alors j'espère que vous m’entendez bien.
Je sais que mon collègue Alex Neve, le directeur d'Amnistie Internationale Canada, a déjà comparu devant le comité, alors j’aimerais ne pas revenir sur les points qu’il a abordés avec vous. Je voudrais plutôt jeter les bases de la discussion que je souhaite avoir avec le comité concernant le point de vue international, notamment la position qu'occupe le Canada dans ce contexte. Pour terminer, je vous parlerai brièvement des avantages qui pourraient découler de la tenue d'enquêtes par les autorités du gouvernement canadien.
Revenons donc à notre premier point. Il ne fait aucun doute que le Canada peut et doit adopter une loi qui révoque tout soutien public aux entreprises qui portent atteinte aux droits de la personne à l'étranger, une mesure qui cadre d'ailleurs avec les obligations juridiques internationales du Canada. Notons entre autres le cadre présenté par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies chargé de la question des droits de la personne et des entreprises. Permettez-moi de citer les paroles du Représentant spécial:
La crise actuelle des entreprises et des droits de l’homme tient essentiellement à un problème de gouvernance: le décalage, provoqué par la mondialisation… Ces lacunes en matière de gouvernance laissent s’installer un contexte permissif où des abus sont commis par toutes sortes d’entreprises, sans qu’elles soient dûment sanctionnées et sans possibilité de réparation appropriée.
C'est en grande partie pour remédier à cette crise que le Représentant spécial a présenté le cadre Protéger, respecter et réparer, qui énonce le devoir de l’État de protéger lorsque des tiers, notamment les entreprises, portent atteinte aux droits de la personne; la responsabilité des entreprises de respecter tous les droits de l’homme, et la nécessité d’assurer l’accès à des recours efficaces pour les victimes.
En vertu du droit international, c’est aux États qu’incombent la responsabilité première de protéger, et comme je m'entretiens avec des parlementaires, mes commentaires porteront précisément sur le principe énoncé par le Représentant spécial, c'est-à-dire le devoir de l'État de protéger.
Comme je viens de le mentionner, les États ont le devoir de protéger les droits de la personne des violations que commettent des intervenants étrangers, notamment les entreprises. Les États peuvent prendre différents moyens pour s'acquitter de cette responsabilité, et il existe différents documents pour les guider dans cette entreprise. Dans bien des contextes, pour aider les États à comprendre pleinement leur responsabilité, les organes de surveillance des traités des Nations Unies ont recommandé que les États prennent toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits de la personne contre ces violations, entre autres en misant sur la prévention, la tenue d’enquêtes, la sanction des fautifs et l’accès à des mécanismes de réparation.
Évidemment, et le Représentant spécial l’a certainement souligné, la nature du devoir de l'État de protéger est à la fois politique et juridique. Les politiques qui encouragent la responsabilité des entreprises de respecter les droits de la personne ont effectivement un rôle à jouer, mais il importe également d’intervenir de façon législative. Lors de l'élaboration du devoir de l'État de protéger, le Représentant spécial a noté ce qui suit, et il s'agit d'un extrait de son rapport de 2008 au Conseil des droits de l'homme:
En effet, sur le plan international, les États d’origine sont de plus en plus encouragés, notamment par les organes conventionnels, à adopter des règles visant à empêcher les pratiques abusives de leurs sociétés à l’étranger.
Dans la version préliminaire de son dernier rapport, qui devrait être déposé devant le Conseil des droits de l’homme au cours de la prochaine semaine, le Représentant spécial note également que le devoir des États de protéger les droits de la personne des violations commises par des entreprises ne se limite pas à leurs territoires respectifs, les États doivent aussi exercer une compétence extraterritoriale.
Il explique qu’il y a une distinction essentielle à faire entre la compétence exercée par les États en relation directe avec des acteurs ou des activités à l’étranger et les mesures nationales qui ont des incidences extraterritoriales, comme le projet de C-300. Le Représentant spécial souligne par ailleurs que les États devraient déployer davantage d’efforts pour veiller à ce que les entreprises établies ou qui transigent dans leur territoire ne portent pas atteinte aux droits de la personne à l’étranger ni ne contribuent à leur violation, et qu’elles aident à réparer les torts lorsque cela se produit.
Qu’est-ce que cela signifie pour le Canada? Le Canada est devenu un acteur d’une très grande influence dans le secteur minier international, et il doit s’assurer de remplir ce rôle conformément à ses obligations internationales en matière de droits de la personne, ce qui implique d’inciter les entreprises canadiennes à respecter les droits de la personne et de les tenir responsables si elles ne le font pas.
Si je peux me le permettre, j’aimerais vous lire un court extrait de la stratégie de responsabilité sociale des entreprises du gouvernement du Canada:
Le Canada est un acteur particulièrement important dans le secteur minier international. Les marchés financiers de Toronto et de Vancouver constituent la première source de capital-risque pour les entreprises d'exploration et de développement minier. Les sociétés minières et les sociétés d'exploration ayant leur siège au Canada représentent 43 p. 100 des dépenses engagées dans l'exploration à l'échelle internationale. En 2008, plus de 75 p. 100 des entreprises d'exploration et d'exploitation minière avaient leur siège social au Canada. Ces 1 293 entreprises avaient des intérêts dans quelque 7 809 propriétés minières dans plus de 100 pays, dont le Canada.
Les industries d’extraction sont réputées pour avoir d’importantes répercussions potentielles et réelles sur les droits de la personne. On parle notamment d’impacts sur les droits à la santé et à l’eau potable, et les droits des Autochtones à donner leur consentement préalable, libre et éclairé. Il est très fréquent que les droits des femmes soient bafoués de façon disproportionnée dans ces contextes. Vu la situation et à la lumière des commentaires du Représentant spécial, il serait tout à fait approprié que le Canada adopte une loi qui imposerait des sanctions aux entreprises canadiennes de l’industrie de l’extraction dont les activités à l’étranger portent atteinte aux droits de la personne.
Étant donné le nombre d’entreprises inscrites ou établies au Canada dans le secteur de l’industrie de l’extraction, le comité ne sera pas étonné d’apprendre qu’Amnistie Internationale reçoit énormément de plaintes de cas allégués de violation des droits de la personne associés à des projets auxquels prennent part des entreprises canadiennes.
J’ai déjà remis au comité une série de rapports, d’actions urgentes et d’autres publications dans lesquelles Amnistie Internationale a dénoncé de tels cas de violation des droits de la personne. Si on suit l’ordre de la liste que j’ai transmise au comité, les cas concernant les activités minières des entreprises canadiennes suivantes, habituellement…
[Note de l’éditeur -- Difficultés techniques]
Très bien, je crois que nous avons retrouvé le son et l’image maintenant.
Vous pouvez poursuivre vos commentaires, nous allons reprendre le temps perdu. Il vous reste environ trois minutes. Est-ce que vous nous entendez?
D’accord.
J’ai énuméré les noms des entreprises concernées dans les cas que j’ai présentés au comité.
Très bien, alors je passerai à mon prochain point, car je crois que vous avez une copie de mon mémoire. La liste des entreprises que j’ai énumérées s’y trouve.
Madame Martin, permettez-moi de préciser que les copies n’ont pas encore été distribuées, car elles n’ont pas été traduites. J’en ai une copie parce que je suivais votre présentation au fur et à mesure. Les documents seront distribués dès qu’ils seront disponibles dans les deux langues. Je tenais à vous informer que les membres du comité ne les ont pas en leur possession.
Très rapidement, les cas qui ont été présentés par Amnistie internationale concernent l'affaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée faisant intervenir la société Barrick Gold; un cas survenu au El Salvador faisant intervenir la société Pacific Rim Mining; trois cas survenus au Mexique faisant intervenir New Gold, Blackfire, et Teck et Goldcorp; deux cas survenus au Guatemala faisant intervenir Hudbay Minerals et Goldcorp, et un cas survenu en Équateur faisant intervenir la société Copper Mesa Mining.
[Note de la rédaction: difficultés techniques]
Certainement. Je vous demanderais un peu d'indulgence, alors, en ce qui concerne le temps et peut-être, de prendre une minute sur les trois qui restaient.
Je disais que le rapport d'une étude des répercussions sur les droits de la personne entreprise à la mine Marlin de Goldcorp au Guatemala a été rendu public récemment et il indiquait que Goldcorp n'avait pas respecté les droits des peuples autochtones au Guatemala. Nous avons également reçu copie d'une lettre de la Commission interaméricaine des droits de l'homme qui indique clairement que la commission avait écrit au gouvernement du Guatemala pour exiger la suspension immédiate des activités à la mine Marlin.
Il y a également la discussion la plus récente devant les tribunaux canadiens concernant une poursuite intentée contre Copper Mesa et la Bourse de Toronto, dans laquelle le juge a noté que bien qu'il comprenne les préoccupations d'une partie des citoyens des pays dans lesquels des sociétés canadiennes faisaient des affaires pour s'assurer que les actions de ces sociétés sont entreprises avec le même soin et la même attention que si elles étaient entreprises au Canada, il estime que cette question relève des assemblées législatives et non des tribunaux. En d'autres mots, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, c'est vraiment une question qui relève de vous.
Maintenant, je veux qu'il soit clair qu'Amnistie internationale ne prétend pas que dans tous les cas que j'ai signalés, la société canadienne en cause est responsable d'avoir commis l'abus. Nous avons également des abus documentés des droits de la personne liés à des décisions ou à des actions de l'État. Parfois, ces dernières semblent avoir été conçues pour faciliter les activités de l'industrie extractive, mais le rôle de l'entreprise, si elle en a eu un, est parfois loin d'être clair.
Même si les autorités de l'État dans lequel l'abus a été commis devraient être l'autorité responsable d'identifier ceux qui sont responsables de l'abus des droits de la personne, la capacité et la volonté de ces autorités sont souvent faibles, et cela est particulièrement vrai dans le cas des États en voie de développement qui dépendent fortement des investissements des sociétés minières étrangères. Lorsque les sociétés exploitant les mines hésitent à demander une enquête indépendante, la volonté d'agir de l'État hôte est ébranlée encore davantage.
Cela m'amène à mon dernier point, à savoir le caractère approprié des examens réalisés par une autorité canadienne. Dans les circonstances que j'ai décrites, où souvent l'État hôte n'a pas la volonté ou la capacité d'entreprendre une enquête complète, équitable et impartiale qui amènerait ceux qui ont commis des abus à l'égard des droits de la personne à rendre des comptes, un examen de la question par le gouvernement canadien serait d'une grande valeur. Maintenant, ce n'est pas uniquement dans le contexte où un État ne serait pas capable de faire enquête ou ne voudrait pas le faire, mais également dans le contexte où une enquête ou un examen de la question par les autorités canadiennes pourrait compléter les enquêtes entreprises par l'État hôte lorsqu'une telle enquête a lieu. Cela donnerait l'occasion de creuser la question et de clarifier les choses aussi bien à l'avantage de la victime des abus des droits de la personne qu'à l'avantage de toute société qui pourrait être accusée injustement.
Une des choses que j'aimerais très brièvement commenter, c'est un témoignage récent présenté devant le comité. Je sais que le comité a entendu le témoignage de représentants de la International Human Rights Clinic de la Harvard Law School, et également de la New York University School of Law, et que leurs déclarations démontraient l'absence de toute enquête indépendante ou de résultats quant à la reddition de comptes des responsables des abus des droits de la personne au voisinage de la mine Porgera.
Ce que je veux dire, c'est que l'expérience récente d'Amnistie internationale relativement à l'enquête sur les abus des droits de la personne commis par des policiers résidant à la mine Porgera de Barrick en Papouasie-Nouvelle-Guinée montre quelque chose de semblable. Les enquêtes d'Amnistie internationale sont documentées dans le rapport qui a été remis au comité, qui démontre que certains aspects de l'activité policière à Porgera se sont déroulés en violation aussi bien du droit national que du droit international en matière de droits de la personne.
On a brûlé les maisons des gens, on les a obligés à fuir et il n'y avait aucune mesure de protection judiciaire pour protéger les victimes des actions policières ou pour assurer le respect de leurs droits de la personne. Il y a des preuves substantielles que les policiers ont pointé une arme à feu sur les habitants et les ont menacés pendant qu'ils détruisaient leur propriété et qu'ils brûlaient leur maison, et qu'à au moins une occasion, les forces policières ont battu un homme et son fils au cours d'un interrogatoire dans un des villages. Il y a également des allégations de viol par des policiers, qui nécessiteraient une enquête plus approfondie.
Bien qu'Amnistie internationale ait signalé ces préoccupations et présenté ses conclusions au gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée, les autorités n'ont pas entrepris d'enquête indépendante. Nous avons également insisté auprès de Barrick et de Porgera Joint Venture pour qu'ils réclament une enquête complète et indépendante.
Je signale qu'après avoir soutenu pendant des mois que les activités policières n'avaient aucune répercussion sur les droits de la personne, Barrick et Porgera Joint Venture ont, en décembre dernier, avoué en privé à Amnistie internationale que la police avait expulsé des gens et brûlé leur maison. Les deux entreprises nous ont dit que les autorités devraient mener une enquête. Elles nous ont même demandé d'attendre avant de déposer notre rapport pour que l'enquête puisse avoir lieu.
Nous avons jugé qu'il s'agissait d'une demande de bonne foi et avons attendu plus d'un mois avant de faire connaître nos observations. Toutefois, malgré qu'elles aient la preuve que les activités policières étaient illégales et violaient les droits des victimes, Barrick et ses filiales n'ont toujours pas ordonné, à notre connaissance, qu'une enquête indépendante et approfondie soit menée, et elles ne nous ont fait parvenir aucune information supplémentaire. Peut-être que la situation serait différente si le gouvernement canadien s'en était mêlé. Je crois savoir qu'Exportation et Développement Canada a fourni un soutien important à Barrick pour d'autres projets que la mine de Porgera. Pour cette raison, l'entreprise serait peut-être plus ouverte aux demandes émanant du gouvernement canadien.
Pour terminer, j'aimerais rappeler à quel point il est important que le Canada prenne toutes les mesures nécessaires pour, tout d'abord, mettre en place des lignes directrices à l'attention des États, afin qu'ils demandent aux entreprises d'être responsables en matière de droits de la personne, et ensuite instaurer un mécanisme d'enquête indépendant et efficace ainsi qu'un mécanisme de responsabilisation. De cette manière, le Canada enverra un message très clair non seulement aux entreprises canadiennes, mais aussi aux autres intervenants, notamment les États d'attache, les autres entreprises et, le plus important, les personnes dont les droits pourraient être menacés par les activités d'extraction des entreprises du Canada ou de tout autre pays.
Merci.
Merci, madame Martin. Merci aussi d'avoir toléré les petits problèmes de vidéo.
Je vais maintenant laisser la parole à M. Hodge, du Conseil International des Mines et Métaux. Monsieur, vous avez dix minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Le Conseil International des Mines et Métaux a été créé en 2001 pour apporter des changements dans l'industrie. En tant que secrétariat, nous devons travailler en collaboration avec nos membres pour améliorer le rendement environnemental et social de l'industrie selon des principes de durabilité. Nous ne sommes pas un groupe de pression.
Le conseil regroupe 19 entreprises et chapeaute environ 30 associations minières au monde, ce qui nous permet de toucher 1 500 entreprises supplémentaires. Ces entreprises ne sont pas tenues de suivre nos principes au même titre que nos 19 principaux membres.
Les activités du conseil les plus pertinentes pour le sujet qui figure à l'ordre du jour sont les programmes qui consolident l'apport socio-économique des activités minières sur la scène locale et nationale, notre travail sur les droits de la personne et les mécanismes de grief, et l'intensification des relations avec les peuples indigènes. Nos membres et nous collaborons activement avec les gouvernements, dont celui du Canada, et avec la société civile, notamment sur les principes volontaires en matière de sécurité et de droits de la personne, ainsi que sur l'initiative pour la transparence dans les industries extractives. Le mémoire contient de plus amples renseignements sur le conseil.
Je suis très heureux d'avoir la chance de m'adresser à vous. Selon moi, cette discussion sur la responsabilité sociale d'entreprise offre au Canada une occasion spéciale d'améliorer la situation et de faire preuve de leadership sur la scène internationale. Je conviens qu'il y a une infime minorité d'entreprises minières dont le rendement a été inacceptable. Ce n'est toutefois pas représentatif de la majeure partie de l'industrie.
Aussi, je suis désolé que le gouvernement fédéral ait pris autant de temps pour réagir quant au processus de table ronde de concertation sur la responsabilité sociale d'entreprise. Cela a notamment exacerbé l'acrimonie dans les relations qui touchent l'industrie minière au Canada, ce qui n'avantage personne.
J'ai deux messages essentiels à transmettre. D'une part, nous sommes en faveur de la notion de responsabilisation. Il faut mettre en place des mécanismes appropriés pour traiter les plaintes et trouver des solutions. Entre autres, il pourrait s'agir de règlements et de normes obligatoires. D'autre part, les mesures proposées dans le projet de loi C-300 ne parviendront toutefois pas à améliorer la situation, qui est l'objectif de la mesure législative.
J'aimerais vous présenter trois tendances déterminantes qui touchent notre industrie.
Premièrement, au cours des 20 dernières années, la gestion des répercussions sociales et environnementales des projets miniers partout au monde s'est grandement améliorée. En plus, l'industrie a accepté l'existence d'un permis social non écrit selon lequel elle doit s'occuper des communautés touchées dès le lancement d'un projet minier et tout au long de celui-ci.
En deuxième lieu, les marchés émergents, comme la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, ont grandement modifié l'économie mondiale et continuent de le faire. Ces acteurs importants se montrent franchement sceptiques quand des initiatives semblent conçues selon le modèle occidental, à moins qu'ils aient contribué à leur élaboration. Bien franchement, ils sont comme tout le monde.
En troisième lieu, un projet important, qui a été lancé il y a quatre ans, vise à créer une structure permettant de gérer les répercussions des entreprises sur les droits de la personne et d'imposer la reddition des comptes. Ce projet est mené par le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, le professeur John Ruggie, dont le cadre conceptuel « protection, respect et recours » a obtenu un large consensus dans un domaine auparavant propice aux différends. Il devrait terminer son travail sur l'opérationnalisation du cadre dans la prochaine année.
J'aimerais avancer cinq arguments sur le projet de loi C-300.
Tout d'abord, nous avons appris que, pour être efficace, tout mécanisme de traitement des plaintes doit faire partie intégrante d'un système de résolution de conflits conçu soigneusement et de concert. Nous appuyons sans réserve le cadre conceptuel de « protection, respect et recours » de M. Ruggie.
Nous avons aussi appris qu'il est essentiel de répondre aux inquiétudes que les citoyens, les communautés et les autres intervenants pourraient éprouver à trois niveaux. Le niveau communautaire et de l'entreprise est le premier. C'est toujours la première ligne, le niveau le plus efficace. Le niveau national vient en deuxième position. Le bureau de l'ombudsman au Pérou, qui comprend 50 bureaux locaux pour établir un lien avec les communautés, en est un bon exemple.
Le niveau international est le troisième. Il comprend les lignes directrices de l'OCDE pour les multinationales et les points de contact nationaux; le conseiller en conformité et l'ombudsman de la Société financière internationale; et l'Agence multilatérale de garantie des investissements.
M. Ruggie a conscience qu'il faut adopter une approche intégrée, et ses travaux sont axés en conséquence. On dirait que les auteurs du projet de loi C-300 n'ont pas pris connaissance de ses travaux ni des idées appuyées sur la scène internationale qui en découlent; le projet de loi semble déphasé.
Il risque d'être inutilement répétitif et peut-être même de nuire aux autres initiatives dont j'ai parlé. En pratique, existera-t-il une hiérarchie si une même plainte est enregistrée auprès de tous ces organismes? Dans l'affirmative, lequel aura préséance? Sinon, comment le gouvernement du Canada ou les plaignants devraient-ils interpréter les décisions contradictoires? Le projet de loi C-300 ne répond à aucune de ces questions.
Mon deuxième argument, c'est que la grande majorité des différends sont mieux résolus par des mécanismes locaux et lorsque les enquêtes sont menées par des intervenants proches de la communauté ou de la région touchée. Ainsi, les personnes lésées ont plus de chances de se sentir représentées convenablement, et les gens ou les institutions qui s'occupent de régler la situation comprendront probablement mieux le contexte et la dynamique culturelle qui entre en ligne de compte.
Cela nous amène à la question des groupes marginalisés, qui tombent peut-être en disgrâce auprès du gouvernement du pays d'accueil. Le problème est réel, mais il faudrait que le Canada se demande vraiment s'il désire être le seul responsable — comme il est sous-entendu dans le projet de loi C-300 — de la protection de ces groupes et de ces personnes.
[Note de la rédaction: Problèmes techniques]
Merci.
Le troisième argument, c'est que le projet de loi C-300 est isolé et met l'accent sur les aspects négatifs sans même fournir de mesures incitatives pour s'assurer que les intérêts des parties intéressées — les communautés, le pays d'accueil, les peuples indigènes ou l'entreprise — sont défendus.
Le quatrième argument, c'est que le projet de loi C-300 éloignera un certain nombre de pays en voie de développement à un moment où le Canada devrait justement faire preuve plus que jamais du même genre de leadership que par le passé. Cela est dû au fait que le projet de loi se base sur une conception du monde par laquelle le Canada chercherait à régir le comportement des sociétés d'extraction à l'insu du gouvernement des pays d'accueil. Cette façon de faire serait perçue comme une atteinte à la souveraineté nationale et comme une façon de dire que le monde occidental a toujours raison. Franchement, nous aurions intérêt à accorder du financement à certains pays d'accueil pour renforcer leur capacité de faire respecter notamment la réglementation environnementale et sociale, plutôt que de substituer notre propre jugement au leur.
En cinquième lieu, des normes définissent le rendement de nos membres. Toutefois, celles que les entreprises devraient suivre selon le projet de loi C-300 sont nébuleuses et pourraient être élaborées dans les 12 mois suivant l'adoption du projet de loi. Pour cette raison, on ignore encore quelle pourrait finalement être la portée de la responsabilisation des entreprises. En plus, les normes et les lignes directrices de la SFI de même que les lignes directrices de l'OCDE pour les multinationales font actuellement l'objet d'un examen. En principe, si les entreprises ne peuvent pas comprendre les normes et les critères selon lesquels ils seront tenus responsables, nous pouvons difficilement appuyer la mesure législative.
Pour terminer, voici quelques suggestions et réflexions pour l'avenir. Le parlementarisme canadien doit bien sûr suivre son cours. Toutefois, peu importe l'issue de la question, le Canada devrait s'en servir pour entamer une discussion avec les pays miniers de toutes allégeances politiques, avec les partenaires commerciaux de même qu'avec ceux de la société civile, et ce, afin de vraiment favoriser la responsabilité sociale des entreprises dans tous ses aspects — éthique, juridique et économique. Il faut examiner systématiquement chacun d'eux pour améliorer la situation.
Mon message est loin d'encourager l'inaction. Les tables rondes sur la responsabilité sociale d'entreprises au Canada ont permis d'élaborer un plan d'action qu'il faudrait suivre. En attendant, le Canada devrait profiter de l'occasion pour devenir, sur la scène international, le principal défenseur de cette responsabilisation et des recours pour ceux dont les droits ont été bafoués. Toutefois, agir de façon unilatérale ne nous permettra pas de mieux nous faire entendre. Ce qui nous permettra vraiment de faire du progrès, ce sont plutôt des initiatives, comme le rapport final que John Ruggie a présenté au Conseil des droits de la personne de l'ONU de même que les révisions des lignes directrices de l'OCDE et des normes de rendement de la SFI qui sont en cours.
Au cours des 20 derniers mois, j'ai eu le privilège de pouvoir voyager aux quatre coins du monde, ce qui m'a permis de parler à des gens d'un grand nombre de pays et de cultures. Je suis toujours frappé par la réaction des gens quand je leur dis que je suis Canadien. Notre pays joue un rôle particulier sur la scène internationale et inspire un respect remarquable. On s'attend à ce que le Canada travaille en collaboration avec les autres, et non qu'il leur impose sa volonté. J'espère que l'issue de cette discussion sera à la hauteur de ce respect et de ces attentes.
Merci encore de m'avoir donné l'occasion de vous parler.
Merci, monsieur Hodge. Nous réglons nos petits ennuis techniques, pour la dernière fois j'espère.
Pour terminer, nous allons entendre Shirley-Ann George, qui représente la Chambre de commerce du Canada.
Madame George, nous sommes heureux de vous revoir et vous souhaitons la bienvenue. Vous avez dix minutes pour faire vos observations. Nous vous écoutons.
Merci beaucoup, monsieur le président
C'est un plaisir que de revenir témoigner devant le comité. Comme vous le savez, nous représentons un large éventail d'entreprises canadiennes, et notre effectif compte plus de 175 000 membres.
Je suis heureuse de comparaître de nouveau devant le comité pour discuter du projet de loi C-300. Nous avons déposé encore le mémoire que vous avait remis notre président et chef de la direction en novembre dernier, mais je ne vais pas vous le relire. Je compte plutôt vous exposer brièvement les principales raisons pour lesquelles notre opinion sur le projet de loi n'a pas changé depuis notre dernière comparution devant vous. En fait, nous sommes plus convaincus que jamais du tort que causerait le projet de loi, alors qu'en fin de compte il ne protégerait même pas davantage les personnes dans les pays en développement où sont présentes les sociétés extractives canadiennes.
Au moment où une entreprise aurait le plus besoin d'aide, le projet de loi C-300 la priverait des ressources du gouvernement parce qu'elle fait l'objet d'allégations de comportement répréhensible, sans que celles-ci aient été prouvées. Il ne corrigerait pas le problème. Il ne réglerait pas la situation des parties prétendument lésées, voire risquerait de l’aggraver. Il ne permettrait pas à l’entreprise d’apporter les correctifs éventuellement requis. Il laisserait en lambeaux la réputation du Canada, du gouvernement canadien et d’un des secteurs les plus importants de notre économie.
En outre, nous ne pouvons fermer les yeux sur l'impact qu'aurait la réduction des activités de nos grandes sociétés extractives sur les centaines de petites entreprises qui les desservent, dont certaines se trouvent dans vos circonscriptions. Les retombées auront tôt fait de se faire sentir.
Le Canada est un chef de file mondial dans le secteur de l'extraction minière, et la Bourse de Toronto est le plus grand marché financier du secteur minier au monde. Le projet de loi C-300 changerait cela. Il pousserait les sociétés extractives canadiennes, dont la plus grande partie se montrent responsables et sont considérées comme socialement responsables dans le monde, à aller établir leur siège social hors du Canada.
Ces sociétés ne chercheraient pas ainsi à échapper aux mesures punitives du projet de loi C-300, mais à pouvoir mener leurs activités aux termes des mêmes règles de jeu que leurs concurrents de l'étranger. Si les règles ne sont pas les mêmes pour tous, ces sociétés ne pourront pas faire face à la concurrence. Leurs concurrents n'auront pas constamment à se tenir sur leur garde et à se demander d'où fusera la prochaine accusation.
L'exploitation minière, c'est un peu comme la construction d'une nouvelle autoroute au milieu de votre ville. Quel qu'en soit le besoin et peu importe la diligence dont vous faites preuve dans vos préparatifs, il y aura un groupe qui en sera amèrement mécontent. Il existe des groupes d'opposition à l'exploitation minière qui répandent des rumeurs d'accusations sans faire preuve de la diligence nécessaire.
Le projet de loi constitue une plate-forme financée par les contribuables pour les organisations dont l'existence dépend de leur capacité à émettre des allégations contre les sociétés extractives, et pour les gens qui veulent faire du tort aux entreprises canadiennes. Les concurrents étrangers de nos sociétés extractives pourraient invoquer le projet de loi C-300 pour saper la réputation de nos sociétés, paralyser leurs arrangements financiers et retarder l'accès à de nouveaux projets et la prise de contrôle de projets en cours.
De plus, si le projet de loi était adopté, bon nombre d'entreprises canadiennes renonceraient tout simplement à lancer de nouveaux projets dans les pays dont le régime de gouvernance est lacunaire. Cette décision serait dévastatrice pour des pays qui sont lourdement tributaires de l'apport économique des sociétés extractives du Canada.
En Afrique, par exemple, les actifs des compagnies minières canadiennes se chiffraient à plus de 19 milliards de dollars en 2008. L'incidence qu'aurait sur cette région si vulnérable l'arrêt des projets, ou ne serait-ce même que leur réduction, serait considérable et rapide.
Les entreprises canadiennes hésiteraient à prendre en charge les activités d'entreprises qui ont un comportement inapproprié dans les pays en développement, pour les rendre conformes aux normes internationales. Pourquoi le feraient-elles si cela devait les exposer à des sanctions et à la perte de leur réputation? Qui seraient les grands perdants? Ce serait ceux-là même que le projet de loi C-300 entend protéger.
Les sanctions que propose ce projet de loi pourraient être très sévères et avoir un effet dévastateur sur les entreprises et sur leurs employés, tant au Canada qu'à l'étranger, ainsi que sur les projets et les habitants des pays en développement. Le retrait du financement d'EDC et de son assurance contre les risques politiques, et l'inscription à la liste noire du Régime de pensions du Canada forcerait une entreprise à annuler des projets et à éliminer des emplois.
La Chambre de commerce et ses membres des industries extractives estiment que le Canada fait preuve de leadership en collaborant avec les compagnies afin de les munir des outils nécessaires pour éviter les difficultés. Et Il est encore plus important de continuer de travailler avec elles pour les aider à les résoudre et préserver la réputation du Canada. Renoncer et s'enfuir n'est tout simplement pas la bonne solution.
Certains ont prétendu que les sociétés extractives canadiennes veulent maintenir le statu quo, mais il n'en est rien. Ces entreprises connaissent l'avantage concurrentiel d'avoir une solide réputation en matière de conduite responsable. Il faut évaluer les sociétés du monde entier avec les mêmes normes de haute performance qui sont en place pour ne pas désavantager les sociétés canadiennes.
Les normes qui ont été mentionnées par certains témoins sont valables. Élaborées dans le contexte international, elles s'appliquent à toutes les sociétés, pas seulement celles d'un pays en particulier.
Sans même courir de risques, les gens pourraient faire des allégations sur les sociétés canadiennes et nuire à leur réputation et à leur situation financière.
Le projet de loi C-300 est un exemple classique de mesure qui entraîne des conséquences non souhaitées malgré les bonnes intentions. Comme il a été rédigé par ceux qui ne comprennent pas le secteur extractif, le projet de loi n'atteindra pas son objectif.
Nous vous recommandons de prendre du recul et de songer à ce qu'il faut faire. Le comité peut contribuer de façon notable à améliorer les comportements socialement responsables. Vous pouvez comprendre l'industrie davantage. À ce que je sache, le comité n'a même pas visité une mine appartenant à une société canadienne dans un pays en développement. Vous devriez visiter des mines pour voir ce qui s'y passe.
Vous pourriez comprendre et travailler aux outils internationaux en matière de RSE, comme les directives de l'OCDE sur les multinationales, qui sont présentement mises à jour. Vous pouvez évaluer et soutenir plus de projets de l'ACDI afin de favoriser l'élaboration de bonnes politiques dans les régions où le Canada a des intérêts miniers. Il s'agirait d'un apport considérable. Vous pouvez assurer qu'on accorde de l'importance au conseiller en RSE — qui est entré en fonctions en partie à cause du projet de loi, auquel le gouvernement a réagi par la mise en oeuvre de plus de mesures qu'il en avait l'intention au départ. Vous pouvez étudier en priorité et garder à l'esprit le rapport annuel de ce responsable et faire en sorte que le ministère concerné fournisse les ressources adéquates à son bureau. De telles mesures répondraient aux besoins.
Comme nous l'avons dit, même si on a de bonnes intentions, le projet de loi C-300 ne peut pas atteindre son objectif. Il nuirait considérablement aux sociétés extractives canadiennes, qui sont des chefs de file mondiaux, au milieu des affaires en général, à la réputation du Canada ainsi qu'à sa compétitivité sur le plan économique.
La Chambre de commerce du Canada demande à chacun de vous de voter contre le projet de loi.
Je vous remercie.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Je vous remercie, madame George.
Passons tout de suite aux questions.
Commençons par M. McKay, pour sept minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci à vous quatre de participer aux délibérations. Chacun de vous a soulevé des points assez importants. Je pense que c'est une occasion d'échanger sur les points de vue qui divergent.
Permettez-moi de commencer par le témoignage de M. Hodge. Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le protecteur du citoyen. C'est bien dommage que le gouvernement n'ait pas mis en oeuvre ce que contient le rapport. Cela dit, nous devons composer avec la situation. Il semble qu'il n'y ait que le projet de loi C-300 pour faire avancer les choses.
Je veux parler de plusieurs points que M. Hodge a soulevés et demander à Mme Shanta Martin de les commenter. Tout d'abord, parlons du point quatre, selon lequel le Canada s'éloignerait des pays en développement s'il leur imposait un régime de réglementation. Je pense que M. Hodge voulait dire que cela reviendrait à dicter notre volonté.
Le point cinq concernait l'ambigüité des normes découlant du projet de loi C-300. À ce propos, je ne comprends pas très bien pourquoi ces normes seraient ambigües si elles sont énoncées dans les lignes directrices. Un point connexe traitait de la question voulant que le retrait des sociétés canadiennes cause plus de tort qu'autre chose aux populations locales.
Madame Martin, j'aimerais connaître vos conclusions générales et savoir comment ces arguments s'appliquent à la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Je vous remercie, monsieur McKay.
Concernant le point quatre, selon lequel le Canada éloignerait les dirigeants des pays en développement s'il imposait sa volonté par le projet de loi C-300, je ne vois rien dans ce document qui puisse engendrer un tel résultat.
Selon ce que je comprends, le projet de loi a essentiellement pour objet de faire savoir aux sociétés canadiennes qu'il y a des normes à respecter concernant leurs activités à l'étranger et que, si elles ne les respectent pas, cela aura des répercussions dans le contexte canadien. Le projet de loi met en évidence les attentes du gouvernement à l'égard des entreprises canadiennes. Il ne dit pas qu'on s'attend du gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qu'il fasse ceci ou cela. On fait simplement état des normes internationales et du droit international en matière de droits de la personne qui s'appliquent partout dans le monde. C'est un moyen de mentionner aux États qu'ils sont tenus d'exiger des sociétés sous leur responsabilité qu'elles respectent les droits de la personne. Je vois donc vraiment mal comment le projet de loi nuirait aux relations entre le Canada et les autres pays.
Si je peux juste reparler de l'ambiguïté prétendue des normes, je suis étonnée que les sociétés, notamment celles qui sont membres de l'ICMM, disent respecter les droits de la personne tout en affirmant que les attentes à cet égard sont trop vagues pour établir des lignes directrices. Je ne vois pas comment on peut tenir ce double discours.
Je crois que nous devons nous reporter à ce qu'a dit le représentant spécial concernant les normes qui s'appliquent à l'égard des droits de la personne, soit que les sociétés peuvent assurément influer sur toute la gamme des droits de la personne. À mon avis, on veut par ce projet de loi que les ministres élaborent des lignes directrices selon le droit coutumier international et les conventions internationales sur les droits de la personne, auxquelles le Canada adhère. Je répète que le représentant spécial a dit qu'il y avait peu de droits reconnus dans le monde, voire aucun, sur lesquels les entreprises ne peuvent pas avoir une influence. Dans ce contexte, il est tout à fait approprié que les lignes directrices élaborées par les ministres soient fondées sur le droit international en matière de droits de la personne, en particulier sur la charte internationale des droits.
Sur la scène mondiale, on peut s'appuyer sur quantité de déclarations et de recommandations faites par les organes créés par traités et d'autres mécanismes, sans compter la jurisprudence. Évidemment, il est aussi pertinent d'appliquer le droit international en matière de travail.
En réaction à...
Madame Martin, je vous prie de m'excuser, mais je n'ai malheureusement plus que trois minutes sur les sept qu'on m'a accordées. Je veux que Mme Lissakers me réponde sur un autre point.
C'est à propos de l'affirmation de Mme George selon laquelle on nuirait à la réputation des sociétés canadiennes, qui n'aurait pas le choix de trouver un pays plus accueillant pour mener leurs activités. J'aimerais entendre vos commentaires, étant donné que vous travaillez assez étroitement avec les législateurs américains et que vous avez une assez bonne idée des pays où pourraient aller les sociétés canadiennes qui ne semblent pas vouloir des enquêtes qu'entraînerait l'adoption du projet de loi C-300.
Je ne sais pas. Pour rester en affaires, les sociétés minières vont habituellement où se trouvent les minéraux. La question est vraiment de savoir comment elles vont diriger leurs activités dans les pays riches en ressources minières.
Je suis très surprise qu'on affirme que les sociétés canadiennes seront désavantagées si elles respectent les droits de la personne et les normes sociales et environnementales mondialement reconnus. On laisse entendre que certaines entreprises ne vont pas se conformer aux normes pour être plus concurrentielles. Si elles veulent agir de la sorte, les sociétés canadiennes ne devraient pas utiliser les fonds du gouvernement du Canada pour soutenir, financer et garantir leurs investissements.
L'objet du projet de loi est selon moi de dire que le gouvernement du Canada ne se servira pas des fonds publics pour soutenir les investissements des sociétés qui ne respectent pas les droits de la personne ni les normes sociales mondialement acceptées.
Enfin, je veux parler de ce que les responsables des sociétés affirment avec conviction. On dit que le projet de loi C-300 servira en quelque sorte à manipuler les sociétés, que les ONG présenteront des plaintes frivoles, etc. qui vont nuire à la bonne réputation des sociétés. Mesdames Martin et Lissakers, est-ce bien ce que vous avez constaté dans les relations entre les pays et l'OCDE et les autres organismes qui existent à l'heure actuelle?
Je suppose qu'en terminant, je dois dire que votre rapport a bel et bien été taxé de ouï-dire, en particulier concernant ce qu'a avancé Amnistie internationale.
Pourriez-vous commenter ces deux questions durant les 30 dernières secondes?
Il importe beaucoup de dire que le projet de loi permettrait de rejeter les plaintes vexatoires et non fondées. Le droit administratif au Canada prévoit un ensemble de lois qui demandent de prendre des décisions administratives cohérentes avec les exigences de la jurisprudence à l'égard du rôle du droit, de l'accès à la justice, etc. Les plaintes qui n'ont absolument aucun fondement pourraient être rejetées assez facilement selon ce qui est proposé dans le projet de loi C-300.
D'après mon expérience, les sociétés n'ont pas associé à des ouï-dire les documents, les témoignages ou les informations qui lui ont été présentés. Je travaille dans le domaine depuis plusieurs années et je n'ai vu qu'une société rejeter d'emblée l'information que nous lui avions présentée, soit Barrick Gold Corporation.
J'invoque le Règlement.
Monsieur le président, comme nous le savons, cette réunion est un monstre créé par les partis de l'opposition, même s'ils disaient qu'ils voulaient discuter. Les députés ministériels n'étaient pas d'accord et n'en ont été informés que vendredi. M. McKay vient de nous donner un exemple des difficultés que nous connaissons. Il a sûrement participé à la préparation de cette prétendue discussion, dont a été tenue à l'écart Mme George, qui défend le point de vue contraire à celui qui vient d'être présenté. M. McKay a très habilement préparé le terrain. Il ne s'agit pas d'une discussion, mais d'une séance de salissage contre Mme George et d'autres témoins crédibles organisée par M. McKay et ceux qui sont dans le coup.
Je présume que vous poserez les questions appropriées aux autres députés lorsque ce sera votre tour.
Passons à Mme Deschamps, à qui je cède la parole. Poursuivons la période de questions.
Comme toujours, le gouvernement aura l'occasion de poser ses questions.
[Français]
Je vais m'adresser à vous en français. J'espère que vous entendez bien. Entendez-vous la traduction simultanée? Est-ce que ça va?
Madame George, je vais vous poser des questions. Vous allez participer au débat aujourd'hui.
Je me sens un peu interpellée par ce que vous avez dit. Vous savez que quand on entend parler de la probabilité de l'ouverture d'une mine dans une de nos régions, les citoyens sont évidemment préoccupés. Vous avez dit dans votre allocution qu'il y avait toujours des groupes mécontents quand on voulait ouvrir une mine dans une région donnée.
Je pense qu'il est sain que des gens puissent faire valoir leur inquiétude. Dans ma région, il y a un gisement d'uranium potentiel. Évidemment, on ne laissera pas n'importe qui arriver avec ses grosses bottes, retirer la ressource, laisser ça à ciel ouvert et causer des dégâts environnementaux qui vont avoir un impact sur la vie, la santé et l'environnement des gens. Je pense que c'est tout à fait légitime.
Une chose est inquiétante. L'exploration est de compétence provinciale et l'exploitation est de compétence fédérale. Il y a donc une zone grise.
Je pense qu'il est nécessaire qu'il y ait au moins un cadre, une loi, et j'aimerais vous entendre à ce sujet. Peut-être que le projet de loi C-300, Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement vous fait craindre certaines choses pour certaines raisons, mais il est nécessaire, ainsi que nous ont dit les autres témoins, que le Canada se donne des règles, une loi, pour encadrer ces compagnies, autant ici qu'à l'étranger.
[Traduction]
Je vous remercie de votre question.
Vous soulevez la question de la compétence, de qui est responsable de surveiller les activités, et du rôle du Canada.
Concernant les gouvernements fédéral ou provinciaux au Canada, fédéral ou étatiques au Mexique ou autres, nous devons toujours respecter les compétences. Tout comme le Canada attend des autres pays qu'ils ne viennent pas ici pour mener leurs propres évaluations, nous ne devons pas faire les nôtres ailleurs sans répondre aux normes internationales. C'est une question importante.
Le Canada a un rôle très important à jouer dans le domaine. D'autres intervenants ont parlé du travail accompli par M. Ruggie à l'ONU, de celui de l'OCDE et de celui effectué à l'égard des normes internationales qui ont été respectées. Le Canada a un rôle très important à jouer dans l'élaboration des normes et il doit promouvoir nos points de vue importants. Les entreprises ainsi que le gouvernement n'ont pas toujours été assez actifs pour que les normes soient élevées et que tout le monde fasse des progrès.
[Français]
Une vaste consultation a été effectuée partout au Canada. Des tables rondes ont donné lieu à des résultats, un consensus, des recommandations. Ce qui a émané de ces consultations n'est pas futile. Des représentants de compagnies minières et de la société civile, de même que des experts et des individus ont participé à ce processus. Dans la foulée de ce dernier, une pression est exercée sur le gouvernement afin qu'il mette en vigueur des règles permettant de bien encadrer toute la question de la responsabilité sociale des entreprises.
Mme Martin a soulevé un point important. Quand les États hôtes, c'est-à-dire ceux où vont s'installer les compagnies minières, ne sont pas en mesure d'encadrer ces compagnies, il faut qu'une loi permette au gouvernement canadien d'intervenir dans ces pays. Il doit avoir la possibilité d'enquêter et d'imposer des sanctions ou des mesures aux compagnies délinquantes. Présentement, il ne peut pas le faire.
On parle de pays en développement. On s'entend pour dire que ces États sont en train de se construire, de se développer, de naître. Dans bien des cas, ils n'ont pas les moyens d'assumer cette responsabilité.
[Traduction]
Oui, il y a eu une consultation canadienne. Nous sommes d'accord avec les déclarations faites auparavant, dont celles de M. McKay qui soutenait que le gouvernement a pris beaucoup trop de temps pour donner suite à cette consultation, mais on est finalement passé à l'action en mettant en place un cadre qui permet maintenant d'aller de l'avant.
Le Canada peut jouer un rôle déterminant dans le cas des pays dont le régime de gouvernance est déficient. L'ACDI peut aider énormément ces pays en les appuyant dans la mise en place d'un cadre approprié, car cela réduira d'autant les risques de problème pour les entreprises. Le Canada peut apporter ainsi une contribution très significative en s'attaquant aux problèmes sous-jacents, et l'ACDI a un rôle à jouer pour aider à l'établissement du cadre de gouvernance dans ces pays.
Merci.
Votre temps est écoulé.
Nous allons maintenant passer à M. Abbott qui dispose de sept minutes.
Merci beaucoup.
Dans le contexte de l'examen de ce projet de loi, je trouve particulièrement délicat d'avoir à composer avec des allégations. Sauf tout le respect que je dois à Amnistie Internationale, de très graves allégations ont été soulevées, notamment à l'encontre de Barrick et Porgera. Je me demande si vous ne pourriez pas nous fournir un peu plus de contexte. Combien vous a-t-il fallu de temps pour produire ce rapport? Quel échéancier vous étiez-vous fixé pour accomplir votre tâche?
Pour ce rapport d'Amnistie internationale dont vous avez, je crois, reçu un exemplaire, nous avons soulevé nos premières préoccupations en mai de l'an dernier.
Le premier cas où la police a incendié des résidences à proximité du site d'exploitation souterraine de Porgera s'est produit le 27 avril. Nous avons par la suite cherché à obtenir différents renseignements et il va de soi que cela s'est fait en partie dans le cadre d'une étude exploratoire menée à partir de nos bureaux. Nous avons ensuite effectué une enquête sur place entre les mois d'août et d'octobre de l'an dernier pour présenter assez rapidement nos résultats à Barrick Gold ainsi qu'au gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Nous avons demandé des compléments d'information avant de rencontrer les dirigeants de Barrick Gold et de Porgera Joint Venture en décembre de l'an dernier. Comme je l'ai indiqué, nous avons renoncé à la publication immédiate du rapport à la demande des deux entreprises qui ont indiqué souhaiter fournir de plus amples renseignements et vouloir contribuer au déclenchement d'une enquête. Nous avons finalement rendu l'information publique en février de cette année.
D'accord.
C'est la période d'août à octobre qui m'intéresse. Combien de personnes ont travaillé à ce dossier pour le compte d'Amnistie Internationale? S'agissait-il de citoyens de Papouasie-Nouvelle-Guinée ou de gens qui s'y sont rendus à partir de l'étranger?
Les deux. Amnistie internationale confie ses travaux d'étude à des chercheurs installés à Londres qui travaillent en partenariat avec les organisations locales.
J'ai quitté Londres pour aller travailler avec nos organisations partenaires en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Certains membres de notre personnel à Londres ont aussi travaillé sur le dossier, mais je suis la seule à avoir fait le voyage jusque là-bas.
D'accord.
Je m'interroge au sujet des ressources nécessaires. Selon vous, quelle somme Amnistie Internationale a-t-elle investie dans ce rapport?
Je n'ai pas les renseignements à ce sujet. Je ne suis pas certaine de pouvoir vous fournir des chiffres précis.
Si je vous proposais un montant de 100 000 $ ou de 200 000 $, je suppose que vous pourriez me dire si mon évaluation est assez juste.
Il ne faut pas oublier que le budget d'Amnistie internationale est plutôt restreint et que nos salaires ne sont pas si élevés, alors...
Ces gens doivent nécessairement avoir une source de revenu pour subvenir aux besoins de leur famille. D'où tirent-ils normalement leur revenu? Est-ce que ce travail d'enquête est leur principale source de revenu?
Dans les dossiers auxquels nous nous sommes intéressés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, nos partenaires locaux étaient des organisations non gouvernementales générant leurs propres revenus.
C'est simplement que lorsqu'on considère le sérieux de ces allégations, il ne faut pas se cacher que les entreprises visées se retrouvent dans une situation plutôt inconfortable. Contrairement à ce qui se passe dans le processus judiciaire où une personne est innocente jusqu'à preuve du contraire, il semble y avoir présomption de culpabilité dans toute la planète lorsqu'une organisation comme Amnistie internationale soulève des allégations semblables, lesquelles semblent avoir été traitées très sommairement en l'espèce par Barrick.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le projet de loi C-300 vise notamment à mettre fin aux allégations fausses et vexatoires et à proposer un processus qui devrait satisfaire aux exigences d'application équitable de la loi qui sont en vigueur au Canada.
Si jamais une entreprise comme Barrick estime injuste que des ONG rendent publics certains renseignements, on pourrait notamment avoir recours au Canada à une autorité compétente chargée de se pencher sur ces questions, de telle sorte que l'entreprise elle-même puisse faire valoir tous les renseignements qu'elle juge pertinents. Les enquêtes d'Amnistie internationale ont permis de constater qu'il y a souvent un manque de volonté de communiquer toute l'information nécessaire pour aller au fond des choses quant aux préoccupations de l'entreprise.
Mais j'ai l'impression que vous avez seulement complété la définition du rôle de la conseillère en RSE qui vient tout juste d'entrer en fonction au Canada. Autrement dit...
Je veux simplement faire valoir qu'il est possible que nous devions nous tourner vers une mesure comme le projet de loi C-300 si nous nous rendons compte dans deux ou trois ans que la fonction de conseillère en RSE n'est pas celle qui convient ou ne produit pas les résultats escomptés. Mais si j'ai bien compris ce que vous venez de nous dire, la solution que vous décrivez correspond essentiellement à cette fonction de conseillère en RSE que le gouvernement du Canada a créée à la suite de la table ronde tenue dans notre pays.
Je crois qu'il y a deux choses qui distinguent la fonction de conseillère et les mesures proposées dans le projet de loi C-300. Premièrement, la conseillère n'est pas tenue, dans le cadre de ses interventions, d'articuler les lignes directrices auxquelles l'entreprise devrait se conformer. Deuxièmement, le mécanisme d'enquête relevant de la conseillère n'est assorti d'aucun pouvoir permettant d'obliger une entreprise à livrer des documents ou des témoignages, alors que dans le contexte de ce que propose le projet de loi C-300 et de la dépendance considérable de bon nombre d'entreprises canadiennes à l'égard du soutien public, plusieurs entreprises auraient assurément de bonnes raisons de donner suite aux requêtes d'un ministre pour la production de documents ou d'autres éléments de preuve.
Alors que la conseillère ne peut engager dans un processus de règlement des différends que les entreprises qui le veulent bien, les ministres disposeraient en application du projet de loi C-300 d'un pouvoir d'enquête et pourraient également s'assurer qu'un suivi est effectué s'ils estiment que les agissements d'une entreprise ne satisfont pas aux lignes directrices établies.
Merci.
Merci, monsieur Abbott.
Nous revenons maintenant à M. Dewar pour une période de sept minutes.
Merci, monsieur le président, et merci à nos invités.
Je vais débuter avec le Revenue Watch Institute.
Madame Lissakers, vous suggériez en fait une modification au projet de loi et c'est une proposition qui m'intéresse. Si je ne m'abuse, nous n'avons pas encore entendu parler d'exigences semblables au sujet de la transparence à l'égard des sommes versées aux États. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des instances qui pourraient être en cause, de la façon dont cela pourrait fonctionner et des modifications que nous pourrions apporter à notre projet de loi?
Merci.
Par exemple, dans le cadre de l'Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) qui a été endossée par le G8 et le G20 et bénéficie d'un large soutien, notamment de la part du gouvernement canadien qui contribue au fonds de fiducie aidant les pays à mettre en oeuvre l'initiative, on reconnaît sans conteste l'importance de la transparence des paiements des entreprises aux gouvernements dans les pays producteurs de ressources. C'est une façon de rendre les gouvernements davantage responsables de la gestion de ces sommes et de réduire les risques qu'elles soient détournées à des fins d'enrichissement personnel ou pour d'autres formes de corruption. Cette transparence est d'autant plus importante que si les revenus tirés de l'extraction des ressources sont dépensés dans l'intérêt public par l'État bénéficiaire et ses responsables gouvernementaux, le milieu des affaires et l'environnement politique s'en portent mieux, ce qui est profitable pour tous — consommateurs, importateurs, investisseurs et citoyens des pays riches en ressources.
Je suis un peu étonnée... Comme je l'indiquais, le Conseil des normes comptables internationales travaille à l'établissement d'une norme. Le Sénat américain vient tout juste de se pencher sur les normes de transparence à instaurer. La Société financière internationale (SFI) a déjà une exigence de transparence pour tous les investissements dans le secteur de l'extraction ainsi que pour les coentreprises alors qu'aux États-Unis, l'Overseas Private Investment Corporation (OPIC) a sa propre norme de transparence avec celle de la SFI et de l'ITIE comme bases de référence. Il m'apparaît donc logique de prévoir une disposition en ce sens dans le projet de loi C-300 dans un souci de s'aligner sur les meilleures pratiques en usage à l'échelle internationale en pouvant compter sur des dispositions applicables lorsque les fonds publics canadiens risquent d'être utilisés de façon inappropriée.
Je vous remercie.
Si je puis me permettre, si vous avez l'adresse d'un site Web ou si vous pouvez nous communiquer ces normes... Je suis convaincu que nos analystes pourraient arriver à les trouver, mais il serait peut-être plus simple que vous nous fournissiez ces liens.
Pour poursuivre le dialogue, madame George, je sais que vous avez exprimé très clairement votre opinion au sujet de ce projet de loi, mais à la lumière de ce que nous avons pu entendre, croyez-vous que cette obligation de divulgation puisse constituer une préoccupation pour vos membres?
L'ITIE est une norme internationale relativement récente à laquelle bon nombre d'entreprises canadiennes adhèrent déjà.
Alors malgré les réserves que vous entretenez au sujet de ce projet de loi, vous ne considéreriez pas problématique qu'une telle exigence y soit intégrée?
Je n'ai pas consulté mes membres pour voir si un consensus pourrait être dégagé à ce sujet, mais ceux à qui j'ai parlé me semblent favorables.
Madame Martin, nous avons entendu les gens du gouvernement nous parler du rôle de la commissaire. Comme vous le savez sans doute, la commissaire n'est toujours pas en fonction. Seriez-vous à l'aise de soumettre cette information à la commissaire — je parle ici de certains des dossiers sur lesquels vous travaillez, en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou ailleurs — compte tenu des restrictions quant aux pouvoirs de son bureau? Que pensez-vous de la manière dont le commissariat a été structuré, et croyez-vous qu'elle pourrait se pencher de façon adéquate sur les préoccupations que vous avez soulevées?
Je ne veux pas écarter la possibilité que la conseillère en RSE ait un impact favorable, mais je m'inquiète surtout de la nature volontaire de toutes les activités aux fins desquelles elle mobilise les entreprises. Même si le processus lui permet de formuler des recommandations quant aux éléments qui iront de l'avant, le tout demeure entièrement volontaire. Il n'y a aucune obligation. Les recommandations ne sont appuyées d'aucune manière.
Je crois qu'il y a certaines inquiétudes au sein de la société civile canadienne quant à l'orientation que prendra ce rôle de conseillère. Il est particulièrement intéressant de noter que le projet de loi C-300 ne propose pas grand-chose de nouveau par rapport à ce qui est déjà en place. On y précise simplement qu'il y aura des répercussions si une entreprise canadienne ne respecte pas les droits de la personne à l'étranger. Ces répercussions relèvent entièrement de la capacité d'un état de fournir ou non les ressources et, dans ce contexte, il m'apparaît tout à fait logique que le projet de loi C-300 s'efforce de réglementer la mesure dans laquelle le soutien public sera accordé aux entreprises qui ne respectent pas nécessairement les droits de la personne. Et pour en revenir à la table ronde sur la RSE — le processus d'ombudsman qui a fait consensus, notamment au sein de l'industrie — je crois qu'il y a une différence marquée entre ce qui a été proposé et ce qui s'est concrétisé depuis pour ce qui est du rôle de la conseillère en RSE.
Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Monsieur Hodge, on a parfois l'impression qu'on nous jette de la poudre aux yeux. On se demande si ce n'est pas ce qui se passe dans le cas de la commissaire aux plaintes — autrement dit, on s'interroge sur la substance. J'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez. Si le pouvoir du commissaire se limite à la cueillette d'information et compte tenu de l'exigence suivant laquelle, comme vous le savez sans doute, il faut que les deux parties consentent à participer au processus, il devient très difficile de réaliser quelque progrès que ce soit en raison de ces restrictions. La commissaire peut donc obtenir de l'information et déterminer qu'on peut aller de l'avant, mais tout dépend alors de la volonté des deux parties. Comme vous le savez, si l'une des deux partie en cause a des plaintes ou des préoccupations à formuler au sujet de l'autre, elle peut facilement se retirer.
Pour ce qui est des gens avec lesquels vous travaillez, n'est-il pas important que les règles du jeu soient les mêmes pour tous et que les deux parties aient un rôle à jouer d'une manière ou d'une autre? Nous pouvons toujours discuter de la teneur exacte des règles d'engagement, mais n'est-il pas primordial de s'assurer la participation à la fois des gens qui soulèvent des préoccupations et des entreprises responsables? Autrement, il y a lieu de s'interroger sur l'équité du processus.
Monsieur Dewar, c'est tout le temps à votre disposition.
Monsieur Hodge, vous pouvez répondre à la question après quoi nous passerons au second tour.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai seulement un bref commentaire pour clarifier quelque chose. Les entreprises membres du CIMM participent toutes à l'ITIE. Il n'est pas nécessaire de passer par ce projet de loi pour changer la situation au Canada. Il faut simplement une décision de la part du gouvernement canadien. Le gouvernement de la Norvège s'est récemment engagé à participer à l'ITIE. Le gouvernement du Canada pourrait lui emboîter le pas dès demain s'il décidait de le faire.
Quant aux points que vous soulevez, monsieur Dewar, il va de soi, et je l'ai indiqué très clairement, qu'il faut à l'intérieur du système examiner la question de la responsabilité sociale des entreprises dans une perspective plus générale, car le mécanisme de plainte n'en est qu'un élément. Il faut établir des règles pour offrir des conditions égales à tous. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Nous estimons toutefois, et j'ai d'ailleurs insisté sur ce point, que le Canada ne devrait pas agir unilatéralement. Le Canada a effectivement un rôle à jouer, mais c'est aussi le cas d'autres pays. Nous devrions agir en partenariat, plutôt que de façon isolée.
Merci, monsieur Dewar.
Nous allons amorcer le deuxième tour de questions. Je sais que nous avions indiqué à nos témoins que nous allions terminer à midi et demi en se gardant la possibilité de quelques questions supplémentaires. J'ai encore quelques intervenants sur ma liste, alors nous allons poursuivre pendant au moins 10 minutes encore, si cela convient à nos témoins.
Parfait. Merci beaucoup.
Ce seront des périodes de cinq minutes pour deux ou trois intervenants avant que nous n'ajournions la séance. Nous commençons avec M. Lunney qui sera suivi de M. Patry, après quoi nous reviendrons peut-être à M. Van Kesteren ou à M. Goldring.
Monsieur Lunney, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Nous nous réjouissons de la participation de tous nos témoins et nous les remercions pour leur contribution. Il y a un débat qui a cours à l'échelle planétaire concernant ces importantes questions liées à la responsabilité sociale des entreprises. Mais pour la gouverne de quelques-uns de nos participants internationaux, je crois qu'il est important de noter que nous avons un processus en place au Canada. Nous avons participé à ces discussions. Nous avons mené de vastes consultations auprès des intervenants: les gens de l'industrie, les ONG et les autres parties intéressées. Nous avons instauré un mécanisme qui devrait avoir un effet positif. Certains parmi nous souhaiteraient que l'on permette à ce processus de faire ses preuves.
Je m'interroge au sujet de certains commentaires concernant l'influence que pourrait exercer le Canada sur d'autres pays. Nous sommes reconnus davantage comme une nation qui travaille avec minutie, en collaboration avec ses partenaires internationaux.
En ma qualité de membre du Comité de la défense, je me suis rendu il y a environ un an en Afghanistan; un autre membre de ce comité-ci était d'ailleurs du voyage. Notre approche en Afghanistan se distingue passablement de celles de quelques-uns de nos partenaires internationaux. Nous avons établi un dialogue avec les dirigeants locaux à Kandahar: nous ne leur dictons pas nos choix quant aux projets susceptibles de les aider du point de vue économique; nous collaborons avec eux pour en arriver à ces décisions.
Mais lorsqu'on doit composer avec des questions complexes — nous voulons éviter les accusations frivoles ou vexatoires — je crois qu'il nous faut être très prudents, car il s'agit d'allégations très sérieuses. On a donné l'exemple des agissements de la police en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Vous soutenez que les entreprises auraient eu un rôle à jouer dans des violations des droits de la personne, mais vous soulignez à grands traits l'implication de la police qui aurait incendié des maisons, perpétré des agressions sexuelles et commis toutes sortes d'actes répréhensibles. Et on soutient que les entreprises sont en cause.
Il est particulièrement délicat pour le Canada d'intervenir dans d'autres pays en essayant de mettre au jour les lacunes en matière de pouvoirs et de capacité de gouvernance. Nous devons vraiment y penser à deux fois. Je ne sais pas si les gens s'imaginent qu'il nous suffit d'arriver là-bas pour dire à l'autre pays que sa capacité de gouvernance est franchement déficiente, qu'il fait complètement fausse route et que nous allons devoir intervenir avec, je ne sais trop, notre armée peut-être. Qu'avez-vous en tête exactement?
J'estime que nous avons le devoir d'agir et c'est là-dessus que doit porter la discussion. Mais de telles allégations très graves peuvent nuire au financement d'entreprises canadiennes qui n'ont pas la chance de se défendre et qui sont pour ainsi dire reconnues coupables par simple voie d'accusation. Les répercussions pourraient être très sérieuses.
Je ne sais pas vraiment à qui adresser cette question, mais je crois qu'il vaut la peine qu'on en discute. Je serais intéressé à entendre vos réponses de part et d'autre.
J'ai contribué à la législation sur les pratiques étrangères aux États-Unis, selon laquelle les entreprises américaines qui versent des pots-de-vin à des représentants de gouvernements étrangers commettent une infraction criminelle. La loi américaine est en fait arrivée une vingtaine d'années avant les décisions de l'OCDE et la loi canadienne. On nous a souvent servi les mêmes arguments contre la loi anticorruption: « Nous imposons nos propres normes culturelles et sociales aux autres pays. Ce sont nos entreprises qui vont en payer le prix ». Toutefois, le bien-fondé de cette loi et les avantages directs pour les entreprises sont maintenant largement reconnus et acceptés.
Si j'ai bien lu le texte, le projet de loi C-300 n'imposerait pas de normes aux autres pays. Cette norme ne s'appliquerait qu'à l'utilisation des fonds du gouvernement canadien à des fins d'investissement. Le projet de loi prévoit que le gouvernement n'appuiera pas, directement ou indirectement, les pratiques des entreprises qui sont garanties, assurées ou financées par nous et qui contreviennent aux normes internationales en matière de droits de la personne et qui ne respectent pas les pratiques exemplaires en ce qui a trait à l'environnement, et ce, même si les violations contre les droits de la personne sont monnaie courante dans le pays où est exploitée l'entreprise, ou si celui-ci ne dispose pas de mécanisme adéquat pour faire appliquer ses lois sur la protection de l'environnement, s'il en a. Je crois que c'est une approche qu'adoptent très souvent les États d'origine des entreprises qui offrent les assurances couvrant les risques politiques et financiers ou les crédits d'exportation.
Je crois qu'on n'invente rien en ce qui a trait aux principes, et il en va de même pour les mesures de surveillance et d'exécution de la loi. Aux États-Unis, c'est le département américain de la Justice qui veille à l'application de la loi anticorruption.
C'est tout le temps que nous avons. Je demanderais à M. Hodge de répondre rapidement. Notre temps est écoulé.
Monsieur Hodge, avez-vous un dernier commentaire à formuler?
Merci, monsieur le président.
Oui, j'aimerais ajouter quelque chose rapidement. Je dois dire que je ne vois pas les choses du même oeil que vous, Karin. J'ai travaillé un peu partout dans le monde et j'ai eu la chance de rencontrer des gens et de parler avec eux. D'après ce que j'ai pu constater, certains pays auront l'impression qu'on limitera ce qu'ils considèrent comme leur droit souverain de gouverner les activités de la façon qu'ils jugent appropriée à l'intérieur de leurs propres frontières.
Cependant, nous ne prétendons pas qu'il faille rejeter toute forme de règles ou de systèmes stricts, mais nous croyons que le Canada devrait profiter de cette occasion et prendre le temps de réfléchir à un moyen de collaborer avec d'autres partenaires. C'est le point que je tente de faire valoir.
Merci beaucoup de vos commentaires.
Merci, monsieur Lunney.
La parole est maintenant à M. Patry pour cinq minutes.
[Français]
Merci beaucoup.
Madame George, je respecte beaucoup la Chambre de commerce du Canada, mais force m'est de constater que votre témoignage, ce matin, est beaucoup plus négatif que ceux livrés par les autres représentants de votre organisme dans le cadre de ce comité.
La Chambre de commerce du Canada a participé au Groupe de travail interministériel sur la responsabilité sociale des entreprises. Une des conclusions de ce dernier visait la création d'un poste d'ombudsman assorti d'un pouvoir d'enquête. J'insiste sur le fait que ce dernier était sans effet punitif. Il est important de le dire. Or le poste de conseiller à la responsabilité sociale, qui vient d'être créé, est simplement une coquille vide, à mon avis.
La Chambre de commerce du Canada a-t-elle déjà effectué des recherches dans les pays en voie de développement au sujet de la responsabilité sociale des entreprises? De qui tenez-vous vos renseignements, à part des compagnies elles-mêmes? Avez-vous déjà reçu des représentants de la société civile de certains de ces pays? Je ne parle pas d'ONG, mais bien de représentants de la société civile. Par exemple, des représentants de la Conférence épiscopale de la République démocratique du Congo sont venus nous rencontrer ici.
Par ailleurs, tout au début de votre énoncé, vous avez dit, concernant le projet de loi C-300, qu'il « ne corrigerait pas le problème ». J'en conclus donc qu'il y a un problème. Pouvez-vous m'expliquer de quelle façon vous voyez ce problème?
[Traduction]
Merci de me poser la question.
En fait, la Chambre de commerce du Canada n'a pas été invitée à cette consultation, alors nous n'avons pas pris part à ce processus. D'autres intervenants y ont participé, et des recommandations ont été formulées au gouvernement. Le gouvernement a examiné ces recommandations et a mis en place la majorité d'entre elles.
Vous voulez savoir de quelle façon je vois ce problème. Évidemment, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour améliorer la situation des droits de la personne à l'échelle mondiale. Cela ne fait aucun doute. Il faut toutefois se demander s'il s'agit du bon processus pour y arriver. À notre avis, ce n'est pas du tout le processus approprié. C'est un processus qui permettrait à à peu près n'importe qui de porter des accusations et de miner la réputation de l'entreprise sur-le-champ, avant même qu'elle n'ait eu l'occasion de répondre ou qu'on ait pu réfuter ces accusations. Le processus entourant le poste de conseiller (que vous considérez comme une coquille vide, même si nous ne sommes pas de cet avis) prévoit une discussion et la production d'un rapport annuel. Les entreprises véritablement fautives seront dénoncées publiquement et devront en payer le prix. C'est un processus qui tient responsables les entreprises qui ont bel et bien commis des actes répréhensibles, pas celles que l'on accuse d'en avoir commis. C'est ce qui fait toute la différence.
Madame George, est-ce que je peux vous poser une autre question? Vous n'avez pas répondu à la première. C'était concernant vos sources. D'où tirez-vous vos sources si vous n'avez jamais mis les pieds dans l'autre pays? Où obtenez-vous vos informations? Je ne parle pas des ONG en général; je parle des ONG locales, du Congo, du Pérou ou de l'Équateur, par exemple. Avez-vous déjà rencontré ces personnes?
Merci.
Nous allons revenir de ce côté et terminer avec MM. Van Kesteren et Goldring, qui vont partager leur temps.
Merci, monsieur le président.
Pour revenir au commentaire de M. Abbott, je tiens à exprimer mon désaccord. J'ai tellement de questions à poser que je ne sais par quoi commencer.
Je devrais peut-être mentionner à Mme George que nous parlions du secteur minier. Nous n'avons même pas encore parlé du secteur des services, qui est pourtant un facteur extrêmement important pour notre gouvernement et notre économie.
J'ai une lettre ici de Goldcorp qui proteste les allégations soulevées à son égard, et nous devons aussi entendre ces personnes. C'est un dossier très important, et il faut étudier la question à fond. Je crois que nous n'avons fait qu'effleurer la surface, j'ai donc aussi beaucoup de réserves à propos de la liste des témoins. J'apprécie les commentaires de tous ceux que nous entendons.
J'aimerais parler à M. Hodge. Nous nous sommes déjà rencontrés dans le cadre d'un autre comité. Nous avons aussi beaucoup de questions à vous poser. Je ne sais trop où commencer, mais j'ai une question qui me turlupine particulièrement, et elle s'adresse à Mme Lissakers.
Je vous prie d'excuser la question, mais pouvez-vous nous dire qui vous êtes, qui vous finance et quelle est la mission de votre organisation? Nous n'avons pas cette information ici. Nous entendons beaucoup de témoignages, mais j'aimerais que vous nous parliez brièvement de votre organisation.
Je prie le comité de m'excuser. J'ai voulu abréger mes commentaires et j'ai laissé tomber l'introduction.
Le Revenue Watch Institute est un organisme indépendant à but non lucratif voué à la promotion d'une gestion efficace, transparente et responsable des ressources pétrolières et gazières et des minéraux durcis dans les pays riches en ressources naturelles.
Nous sommes financés par la Fondation Soros, l'Open Society Institute, la Fondation Bill et Melinda Gates, la Fondation Hewlett, et le programme Pétrole pour le développement du gouvernement de la Norvège.
Nous offrons des services de renforcement des capacités tant aux gouvernements qu'à la société civile. Nous menons beaucoup d'études sur les politiques concernant la recherche par extraction. Nous offrons de l'aide technique aux gouvernements. Nous offrons aussi des subventions de formation à la société civile et...
Désolé de vous interrompre. Quel est votre budget annuel? Quel est votre énoncé de mission? J'aimerais bien l'entendre.
Il consiste à promouvoir une gestion efficace, transparente et responsable des ressources extractives dans l'intérêt du public dans les pays riches en ressources naturelles.
Nous collaborons de près avec l'ICMM et différentes entreprises dans le cadre de l'EITI et d'autres initiatives.
Madame George, des articles de Perrin Beatty indiquent, et c'est aussi ce que j'ai compris, que la Chambre de commerce du Canada a également participé activement à la contribution du Canada à l'élaboration de la norme de responsabilité sociale ISO 26000. Pour que nous comprenions bien l'importance que cela revêt, et quelqu'un a d'ailleurs dit plus tôt que la conformité volontaire à certaines normes pouvait être problématique, notons que la norme ISO 9000 est reconnue mondialement et que les entreprises qui satisfont à cette norme se considèrent privilégiées. Il s'agit d'un titre de compétence du secteur des affaires qui est très respecté à l'échelle internationale. Si on pouvait élaborer le même type de norme pour l'ISO 26000, je suis persuadé que même si c'est sur une base volontaire, les entreprises seraient prêtes à faire ce qu'il faut pour gagner cette marque de prestige et en tirer profit.
Pourriez-vous nous donner vos commentaires à ce sujet? Pouvez-vous aussi nous dire où nous en sommes avec cette norme ISO 26000 en ce moment? Même si nous n'en sommes qu'au stade préliminaire, n'est-ce pas une information que ce comité devrait avoir pour savoir quelle voie entreprendre et pour éviter qu'au bout du compte, nous adoptions des mesures qui sont contraires à cette norme dans le projet de loi?
Merci.
Le document ISO 26000 constitue plutôt des lignes directrices élaborées selon les critères ISO. Il s'agit d'un processus international qui vise à aider non seulement les entreprises, mais aussi les ONG, les gouvernements et toutes les organisations à adopter un comportement socialement responsable. C'est un sujet très complexe. Il faudra beaucoup de temps pour faire avancer suffisamment les choses afin d'arriver à une entente.
Depuis quelques années, la Chambre de commerce du Canada prend part à différents forums internationaux sur la responsabilité sociale de l'entreprise. Nous avons participé très activement au bon travail qu'a fait l'OCDE en ce qui a trait aux lignes directrices à l'intention des multinationales. Nous continuons à prendre part à ce genre d'initiatives.
Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de mettre en place des lignes directrices pour les entreprises, et que celles-ci sont prêtes à adhérer à des résolutions comme celle-là. L'EITI, dont j'ai fait mention plus tôt, en est un très bon exemple.
Si vous me le permettez, monsieur le président, beaucoup ont commenté les propos de M. Ruggie concernant une étude très importante menée par les Nations Unies, et j'aimerais m'assurer que le comité comprend bien le contexte duquel sont tirées ces paroles. Son travail va changer notre façon de faire les choses. Quand il aura publié son rapport final et que des pays auront commencé à mettre en oeuvre ses recommandations, le Canada va vouloir faire partie de cette discussion.
Il a dit ceci au sujet des entreprises: « ...les entreprises ne peuvent pas être tenues pour responsables des incidences sur les droits de l’homme des activités de chaque entité sur laquelle elles exercent une certaine influence, car cela comprendrait des cas dans lesquels elles ne seraient pour rien, ni directement ni indirectement, dans la violation commise. » Le simple fait qu'elles soient situées dans la région touchée ne fait pas d'elles des criminelles — pardon, c'était mon grain de sel.
Il poursuit en disant : « Il n’est pas non plus souhaitable que les entreprises exercent leur influence chaque fois qu’elles sont en mesure de le faire... ». Surtout, les entreprises ne devraient pas supplanter les gouvernements. Il dit ceci:
Une chose est d’encourager les entreprises à faire jouer leur influence pour promouvoir les droits de l’homme, une autre est de les considérer comme responsables au seul motif qu’elles peuvent exercer une telle influence.
...il n'est pas [toujours] possible d’établir des critères précis pour déterminer quels sont les éléments constitutifs de la complicité dans un contexte donné.
C'est un sujet complexe. D'importantes organisations se penchent sur la question, et le Canada doit faire partie de ce processus. Le Canada ne peut pas se permettre de laisser les entreprises prendre les devants.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Goldring.
Je tiens également à remercier nos témoins.
Madame George, qui est avec nous à Ottawa, je vous dis merci.
Merci aussi, madame Martin et monsieur Hodge, directement du Royaume-Uni, d'avoir pris le temps de nous parler aujourd'hui.
Merci beaucoup à Mme Lissakers, qui nous parlait de New York.
Pour ceux qui aimeraient casser la croûte rapidement avant que nous passions aux travaux du comité, je vais suspendre la séance environ deux minutes pour poursuivre à huis clos.
Merci encore une fois.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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