[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, permettez-moi de débuter ma présentation en vous remerciant de m'avoir accordé l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Accompagné de mes trois directeurs, j'ai l'intention de vous brosser un tableau réaliste de la situation qui prévaut au sein de l'organisme que j'ai l'honneur de présider, Droits et Démocratie.
[Traduction]
Le 13 décembre, à la demande du comité permanent, nous avons fait parvenir à la greffière du comité les rapports Deloitte et SIRCO.
Le 16 décembre, le président du conseil d’administration de Droits et Démocratie, M. Aurel Braun, et moi-même étions prêts à comparaître devant le comité. Malheureusement, la séance a été annulée, et je n’ai pas eu l’occasion de m’adresser à vous. Cependant, le même jour, le président du comité a écrit une lettre à chacun des membres du conseil d’administration de Droits et Démocratie pour leur demander des renseignements supplémentaires au sujet d’une divergence qui existerait entre le mandat confié à l’origine au cabinet d’enquêtes SIRCO et le rapport qu’il a produit.
Comme je l’ai expliqué au président du comité dans la lettre que je lui ai adressée le 4 janvier, il n’y a aucune divergence de ce genre. Nous avons fait parvenir au comité l’ensemble du rapport SIRCO que j’ai en ma possession. Dans ma lettre au président, j’ai fourni toutes les explications pertinentes, et je suis prêt à répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à ce sujet.
Cela étant dit, je souhaite vous rappeler que M. Jacques Gauthier, le président intérimaire à l’époque, a affirmé à diverses occasions qu’il avait fait appel au cabinet d’enquêtes SIRCO uniquement dans le but d’obtenir des renseignements sur les activités des trois anciens directeurs qui avaient été congédiés.
Nos avocats m’ont dit qu’à leur avis, le congédiement des trois directeurs était bel et bien justifié. Il s’ensuit que la rédaction du rapport SIRCO était effectivement nécessaire.
[Français]
Néanmoins, il est de la plus haute importance de préciser que malgré tout, le rapport SIRCO, qui est en votre possession, inclut un volume intitulé « Chronologie ». Ce dernier contient tout ce que la firme SIRCO considérait pertinent au sujet de la crise à Droits et Démocratie. Il s'agit, en fait, de plus de 3 000 courriels sélectionnés par SIRCO et classés par ordre chronologique.
C'est ce qui m'amène à vous parler de diligence raisonnable, soit l'exercice auquel je me suis livré après avoir été nommé président. En effet, tel que mentionné dans ma lettre du 4 janvier dernier, j'ai rencontré le président de la firme SIRCO afin de m'informer s'il y avait des problèmes que je devais connaître au sujet de l'organisation et qui pourraient m'empêcher de remettre Droits et Démocratie sur la bonne voie. Ce dernier a porté à mon attention certaines problématiques potentielles dont j'ai fait état dans ma lettre. Pour chacune des questions soulevées, j'ai effectué une vérification diligente.
Lors de la réunion extraordinaire du conseil le 20 janvier dernier, j'ai présenté aux administrateurs le résultat de ma vérification diligente. Mon rapport a été bien reçu par le conseil; une résolution a même été adoptée à l'unanimité. Cette dernière avait comme but de me demander d'étayer mon rapport et de le déposer devant le comité en tant que rapport final à ce sujet. Il s'agit du rapport que vous avez reçu.
[Traduction]
Passons maintenant au rapport Deloitte. Il a été commandé par mon prédécesseur, Jacques Gauthier, afin d’examiner certains problèmes de gouvernance au sein de Droits et Démocratie. Il est important de comprendre que le rapport n’a jamais eu pour but de détecter les fraudes qui auraient pu être commises. Le rapport m’a permis de déceler des problèmes structuraux qui existaient depuis plusieurs années. C’est un outil qui nous sera très utile maintenant que nous enclenchons le processus visant à rectifier et à améliorer la gouvernance au sein de Droits et Démocratie.
[Français]
À ce sujet, je vais aborder brièvement certains problèmes de gouvernance soulevés dans le rapport Deloitte. Le rapport Deloitte a souligné que des informations importantes qui auraient permis au conseil d'administration de prendre des décisions éclairées sur des projets importants n'avaient pas été communiquées à ce dernier. À titre d'exemple, un rapport d'évaluation négatif sur les subventions au Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'homme n'a pas été remis au conseil d'administration, ce qui a affecté la capacité des administrateurs de prendre des décisions éclairées sur la question. Cette lacune n'avait pas été relevée par les conseils d'administration précédents. Or, lors de l'arrivée de nouveaux administrateurs davantage intéressés à jouer pleinement leur rôle, ces derniers se sont heurtés à la résistance des employés du centre.
[Traduction]
Malgré la présence de certains mécanismes d’évaluation à Droits et Démocratie, le rapport Deloitte ainsi que d’autres évaluations ont fait ressortir leurs lacunes lorsqu’il s’agit de mesurer efficacement les objectifs et les résultats de projets et de programmes au moyen d’indicateurs de rendement.
[Français]
Durant les cinq dernières années, 1,5 million de dollars ont été distribués sous forme de petites subventions pour des activités ponctuelles. Il s'agit de fonds discrétionnaires, en l'occurrence le Fonds d'interventions urgentes et d'occasions importantes et le Fonds de Solidarité. Durant cette période, 184 organismes, personnes et activités ont été subventionnés dans 38 pays, dont seulement 12 faisaient partie de nos pays cibles. La grande majorité de ces petites subventions étaient inférieures à 10 000 $.
Ce type d'opération prête le flanc à l'arbitraire, au discrétionnaire, et constitue un risque considérable pour Droits et Démocratie. Pourquoi? Parce qu'il est impossible d'effectuer une vérification diligente avant l'octroi de ce type de subventions ou d'en évaluer les résultats car le coût d'une telle opération serait plus élevé que la subvention elle-même.
[Traduction]
Au cours des dernières années, Droits et Démocratie a accordé au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme des subventions s’élevant à 729 000 $ au total. Les lettres d’entente qui octroyaient ces fonds ne précisaient aucun objectif à réaliser, aucune activité à exercer et aucun résultat à atteindre. On aurait pu tout aussi bien parler de dons.
En fait, dans son rapport annuel, le HCDH classe Droits et Démocratie dans la catégorie des donateurs privés. Droits et Démocratie n’est pas un donateur. Ce rôle ne fait pas partie de notre mandat. Nous ne sommes pas comme l’ACDI qui a, en fait, accordé quelque 745 millions de dollars à divers organismes de l’ONU en 2007-2008.
[Français]
Parlons maintenant du futur. Nous avons plusieurs défis à relever afin que Droits et Démocratie puisse continuer à réaliser sa mission comme le prévoit sa loi constitutive. Cela nécessite entre autres de construire une organisation de développement international munie de moyens financiers plus importants, d'assurer une présence dans les pays mêmes où nous travaillons et de mettre en oeuvre des programmes produisant des résultats mesurables précisément en matière de développement démocratique et de respect des droits de la personne.
[Traduction]
Voici quelques-uns des défis que nous devons relever.
Premièrement, le conseil d’administration a établi de nouvelles orientations stratégiques pour les années à venir qui soulignent la nécessité de trouver un équilibre entre les deux volets de la mission de Droits et Démocratie, à savoir la promotion du respect des droits de la personne et le développement démocratique. Par exemple, à l’heure actuelle, Droits et Démocratie ne collabore pas avec les députés ou les partis politiques, qui sont néanmoins des acteurs clés du développement démocratique. Nos partenaires se limitent aux membres de la société civile. Nous devons être plus inclusifs.
Deuxièmement, nous avons l’avantage de recevoir du Parlement un financement de base de neuf millions de dollars. Ces fonds servent essentiellement à octroyer des subventions relativement modestes à des organismes de la société civile de 12 pays, à payer pour certaines activités organisées au Canada et à régler nos frais généraux. Nous pouvons et devons aller plus loin en élaborant d’importants projets et en les mettant en oeuvre, ainsi qu’en diversifiant nos sources de financement afin d’accroître l’incidence que nous avons sur l’amélioration des pratiques étatiques dans le domaine des droits de la personne et du développement démocratique.
Par exemple, nous avons récemment remporté un processus d’appel d’offres organisé par l’Union européenne en vue d’établir un programme portant sur la réaction démocratique au clivage social en Afghanistan, et nous avons été retenus après une présélection pour un autre projet consacré à la liberté d’expression. Cela prouve que nous pouvons utiliser une part importante de notre financement de base pour inciter les donateurs internationaux à nous accorder d’autres fonds.
Enfin, nous prenons des mesures pour améliorer notre capacité interne d’élaborer et de gérer des projets. Nous recrutons également des agents de dotation compétents qui soutiendront nos programmes dans les pays où nous exerçons nos activités.
[Français]
Sommes-nous prêts à relever les défis de demain? Je crois fermement que nous le sommes, monsieur le président. Droits et Démocratie est une organisation bien établie, et nous pouvons aussi construire sur ses accomplissements passés. Malgré la crise qui a secoué Droits et Démocratie, nous avons mis en oeuvre plusieurs projets intéressants au cours de la dernière année et nous sommes de retour sur la bonne voie.
J'ai pris l'initiative de faire des visites sur le terrain afin de constater l'état des programmes. Je suis allé entre autres en Thaïlande, en Birmanie et au Zimbabwe, et je suis à même de confirmer que ça va bien sur le terrain.
[Traduction]
Cela étant dit, nous avons besoin de votre appui pour atteindre notre objectif ambitieux. Par exemple, je vous demande respectueusement d’envisager d’apporter certains changements à notre cadre juridique afin de clarifier les pouvoirs centraux en matière de collecte de fonds.
Il est également très important que notre financement soit regroupé. Le fait qu’à l’heure actuelle, nous soyons financés à la fois par le MAECI et l’ACDI, est très contraignant pour nous.
Il serait également avantageux pour nous d’entretenir des relations plus étroites avec les comités parlementaires et les parlementaires eux-mêmes afin de mettre en commun nos connaissances, de leur faire part de nos idées et de les sensibiliser à nos programmes.
Chers membres du comité, les changements que je souhaite apporter pour améliorer l’efficacité de Droits et Démocratie et pour mettre en oeuvre de grands programmes dans le domaine du développement démocratique et des droits de la personne, à l’aide de nouvelles sources de financement provenant de donateurs, n’arriveront pas du jour au lendemain. Toutefois, ce qui importe le plus en ce moment, c’est notre volonté de mettre un terme à la malheureuse crise que Droits et Démocratie a traversée.
Mon but est de bâtir une organisation qui sera le porte-étendard mondial des valeurs que chérissent tous les Canadiens.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Latulippe, je vous remercie beaucoup, vos collègues et vous, de votre présence aujourd'hui. Nous sommes heureux que vous soyez parmi nous.
Pour commencer, j'aimerais simplement formuler une remarque. Une des questions portait sur la réputation d'un des membres du conseil d'administration, et il y a eu des commentaires à ce sujet. Je crois que tous les membres de notre comité ont le devoir de tenir compte de la réputation des gens qui ont tenté de siéger au conseil d'administration de Droits et Démocratie ou d'assumer d'autres fonctions au sein de l'organisme. Je vous suis également reconnaissant de ce que vous avez dit sur le respect du nom et de la réputation de votre prédécesseur, M. Beauregard.
Ceci étant dit, nous savons aussi que vous devez surveiller ce que vous dites devant le comité en raison des procédures judiciaires entourant le congédiement d'anciens employés.
Compte tenu de cela, permettez-moi maintenant de vous poser ma première question.
Droits et Démocratie semble avoir un certain problème d'identité, et je crois que vous l'avez abordé partiellement dans votre exposé. L'organisme ne fonctionne pas comme le ferait normalement un organisme gouvernemental. Il n'a rien à voir avec l'Agence canadienne de développement international ou le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; c'est un organisme sans lien de dépendance avec le gouvernement.
Par contre, l'organisme n'est pas non plus un donateur privé, comme vous l'avez dit dans votre exposé. Vous avez précisé, je crois, que votre contribution aux Nations Unies s'élevait à 729... millions de dollars, n'est-ce pas?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence parmi nous, monsieur Latulippe. Je sais que c'est très dur pour vous, et beaucoup des questions qu'on vous a posées, bien sûr, relèvent maintenant des tribunaux, et je comprends qu'il vous est difficile de répondre à plusieurs d'entre elles.
J'aimerais changer complètement de sujet. Je sais que cela vous ferait plaisir. Je crois aussi qu'il est important que nous passions à autre chose, parce que nous traversons des temps extrêmement incertains. Je pense que la plupart des gens assis autour de cette table seront d'accord avec moi, surtout à la lumière de la situation en Égypte et dans le reste du Moyen-Orient. Ce matin, j'ai lu dans les journaux, comme d'autres, que l'Indonésie, qui est... Souvent, nous pensons au Moyen-Orient et aux plus grandes démocraties des pays musulmans, mais l'Indonésie, bien sûr, est à part. Nous assistons à l'émergence d'une tendance inquiétante, où nous commençons à voir apparaître de la... discrimination, appelons-le ainsi, voire de la violence, à l'endroit de groupes islamiques sectaires et aussi, bien sûr, d'églises chrétiennes.
Il est absolument important que nous sauvions et renforcions notre démocratie. Je sais que c'est vraiment le travail de votre organisation et que c'est votre objectif également. Par conséquent, j'aimerais que vous nous parliez de cette question précise et que vous nous disiez ce que nous pourrions faire pour mettre un terme à ces phénomènes.
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Merci, monsieur le président. Merci à M. Latulippe et à nos invités.
Monsieur Latulippe, vous nous avez fait parvenir, par l'entremise de notre greffière, un document qui a pour but de démontrer la « vérification diligente » — telle que vous la qualifiez — que vous avez effectuée, et je vous cite: « [...] sur les problématiques qui m'ont été indiquées par l'entreprise SIRCO [...].
J'ai lu votre rapport au complet. Il y a 10 chapitres. Il n'y a rien au sujet des ordinateurs. Je vais revenir sur les conférences du Caire. Pour ce qui est de l'organisme Alternatives, Mme France-Isabelle Langlois a été, si on peut dire, blanchie des accusations. Vous avez déjà parlé de l'[Iranian Human Rights Documentation Centre] avec M. Akhavan parce qu'il était membre de son conseil d'administration. Il n'y avait pas de conflit d'intérêts de la part M. Akhavan. C'est ce qu'a dit la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. C'est la même chose pour le directeur de film iranien. Il y a aussi la question des subventions discrétionnaires à Durban II. On a touché à ces questions. Ces stagiaires n'ont jamais travaillé à la préparation de Durban II. En ce qui concerne la convention collective, il n'y a pas de collusion. En ce qui concerne la rencontre de M. Beauregard avec un membre du Hezbollah, vous dites que: « Le [p]résident de Sirco m'a souligné que [...], le [p]résident a rencontré un représentant du Hezbollah [...]. Vous savez, ce sont des allégations très préjudiciables pour le président Beauregard, qui est décédé. C'est grave de dire des choses semblables et d'en arriver à la conclusion que, lors d'une rencontre internationale, il y avait peut-être dans la salle un représentant du Hezbollah.
Je me souviens qu'à l'époque de M. Chrétien, lors du Sommet de la Francophonie, au Liban, il s'était fait accuser parce que quelqu'un du Hezbollah était dans la salle. Il peut y avoir 300 personnes dans une salle et on ne sait pas si elles sont du Hezbollah. Quant à moi, elles se ressemblent toutes d'une certaine façon quand je visite certains pays. C'est difficile à déterminer, vous savez. Ce sont des allégations. J'ai une demande à formuler et une question. Pourriez-vous fournir au comité le libellé complet du mandat donné à l'entreprise SIRCO par le conseil d'administration? J'aimerais lire le libellé au complet.
Enfin, vous venez nous parler de l'avenir de Droits et Démocratie mais peut-on vraiment aller de l'avant si on ne peut savoir ce qui est arrivé? C'est difficile dans ce cas d'aller de l'avant. Avez-vous les outils nécessaires pour aller de l'avant avec le conseil d'administration actuel?