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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 015 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    À l'ordre. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons commencer notre étude sur le sommet du Groupe des 8 ou G8 avec une mise au point au sujet de l'initiative sur la santé maternelle et infantile.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
    L'ACDI est représentée Margaret Biggs, présidente, et Diane Jacovella, vice-présidente, Direction générale des programmes multilatéraux et mondiaux.
    Nous accueillons également un représentant de MAECI, Ron Garson, directeur, Direction de la politique des Sommets.
    Madame Biggs, je crois que vous allez faire une déclaration préliminaire, après quoi nous ferons un tour de questions. Nous siégerons jusqu'à midi.
    Madame Biggs, merci beaucoup d'être venue. Je vais vous céder la parole pour votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invitée à parler du travail réalisé par l'Agence canadienne de développement international dans le domaine de la santé des mères et des enfants.
    L'efficacité de l'aide est une priorité du gouvernement du Canada, et le travail accompli par l'agence dans le domaine de la santé des mères et des enfants donne suite à l'engagement pris par le gouvernement de fournir une aide au développement ciblée et efficace et de rendre des comptes à cet égard.

[Traduction]

    L'amélioration de la vie des mères et des enfants est souvent considérée comme un problème majeur dans les pays en développement. La présence d'enfants en bonne santé, prêts à apprendre 1orsqu'ils atteignent I'âge scolaire, est nécessaire à la croissance et à la prospérité à long terme de tous les pays et sociétés. Et, pour veiller à ce que les enfants soient en santé, il faut d'abord s'occuper de leurs mères. C'est pourquoi améliorer la santé des mères et réduire la mortalité juvénile sont des éléments fondamentaux du cadre international que constituent les Objectifs de développement du Millénaire.

[Français]

    C'est aussi pourquoi le gouvernement a choisi de se faire le champion de cette cause au sommet du G8.

[Traduction]

    La revue médicale The Lancet signalait récemment que, selon une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université de Washington et de l'Université du Queensland, en Australie, le taux de mortalité maternelle a reculé de 35 p. 100 entre 1980 et 2008.
    Bien que je doive préciser qu'il s'agit d'une seule étude, les premiers rapports sur les nouvelles données de l'Organisation mondiale de la santé semblent aller dans le même sens. Si les données sont confirmées, elles prouveront qu'investir dans la santé des mères peut sauver la vie de millions de femmes.

[Français]

    Malgré ces résultats encourageants, les progrès sont plus lents qu'ils ne le devraient.
     Permettez-moi de parler d'abord du cinquième objectif du millénaire pour le développement, soit d'améliorer la santé maternelle.

[Traduction]

    De tous les Objectifs de développement du Millénaire fixés il y a 10 ans, l'objectif portant sur la santé maternelle est celui dont la réalisation accuse le plus grand retard. Les complications liées à la grossesse et à l'accouchement sont la principale cause de décès chez les mères âgées de 15 à 19 ans. Chaque année, plus de 500 000 mères meurent dans le monde à la suite d'une grossesse ou d'un accouchement, particulièrement en Afrique subsaharienne et en Asie. Vingt millions de mères souffrent de maladies liées à une grossesse qui persistent tout au long de leur vie ou gardent des séquelles d'une grossesse.

[Français]

    La situation est tout aussi inquiétante en ce qui concerne le quatrième objectif du millénaire pour le développement, qui est de réduire la mortalité juvénile.

[Traduction]

    Même si le nombre de décès d'enfants de moins de cinq ans a reculé de façon constante à l'échelle mondiale, nous n'avons pas encore obtenu les résultats nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire d'ici 2015.
    Chaque année, trois millions de nourrissons meurent dans les sept jours suivant leur naissance et dans les pays en développement, près de neuf millions d'enfants de moins de 5 ans vont mourir de causes facilement évitables, comme la pneumonie, la diarrhée, le paludisme, la malnutrition aiguë sévère, la rougeole et le VIH.
    Avec la tenue prochaine du Sommet du G8, en juin, et du Sommet des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies, en septembre, nous réalisons l'énorme travail qu'il reste à accomplir.
    Une planification adéquate et la mobilisation des ressources permettraient à de nombreux pays en développement de prévenir le décès de mères et d'enfants, et ce, grâce au renforcement des systèmes de santé, à la formation de travailleurs de la santé et à des solutions simples comme la vaccination, les moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide et une meilleure nutrition
    Le G8 peut changer le cours des choses en ce qui concerne la santé des mères et des enfants. Les membres du G8 ont de nombreuses réalisations à leur actif dans le domaine de la santé. À l'occasion de récents sommets, ils se sont engagés à éradiquer la poliomyélite et à intensifier leur appui à la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Ces efforts ont donné des résultats.
    Ils ont aussi maintes fois insisté sur l'importance de renforcer les systèmes de santé, particulièrement en Afrique, afin que la population, y compris les femmes et les enfants, ait accès à des services de santé de qualité.
    Lors de la réunion des ministres du développement à Halifax, la semaine dernière, les ministres du G8 ont reconnu que le meilleur moyen d'améliorer la santé de la mère et des enfants de moins de cinq ans et de réduire la mortalité était de concentrer les efforts sur le renforcement des systèmes de santé des pays en développement afin de mettre en œuvre plusieurs mesures à fort impact, y compris la prestation de services de sages-femmes qualifiées et l'immunisation.
    Au cœur de ces interventions proposées, se trouvait l'avis des ministres du G8 présents à la réunion, dont faisait partie le ministre de la Santé du Mali qui, comme je l'ai mentionné plus tôt, ont convenu que les systèmes de santé doivent être renforcés afin de permettre la prestation intégrée de services complets au niveau local. Cela comprend l'accès aux soins primaires, des installations bien équipées et dotées des ressources voulues, des professionnels de la santé de première ligne bien formés ainsi que de solides systèmes d'information sur la santé. Les ministres se sont engagés à appuyer les efforts des pays partenaires afin d'améliorer l'accès à l'échelle locale grâce à des systèmes de santé bien équipés et dotés des ressources voulues, y compris de travailleurs de la santé qualifiés.
    Les ministres du G8 reconnaissent également qu'il est extrêmement important d'améliorer la nutrition. La nutrition joue un rôle fondamental dans le développement des jeunes enfants. Elle est essentielle si l'on veut que la population soit et demeure en santé. Pour les personnes les plus vulnérables, la malnutrition conduit à de graves maladies, notamment la cécité, des troubles mentaux ou des affections qui sont fatales. L'Organisation mondiale de la santé estime d'ailleurs que plus du tiers des décès chez les enfants sont attribuables à la malnutrition et, comme vous le savez, la nutrition des mères est déterminante pour la santé des nouveaux-nés et le développement futur de leurs enfants. Par conséquent, je pense qu'en insistant sur la nutrition et son importance pour la santé maternelle et infantile, le G8 peut améliorer la situation de façon fondamentale.
    Je crois que nous vous avons remis la déclaration de la présidence émise à l'issue de la réunion des ministres du G8 qui a eu lieu la semaine dernière, à Halifax, si vous désirez la faire circuler.
    La contribution proposée par le Canada pour améliorer la santé des mères et des enfants pourrait contenir diverses mesures, y compris en reconnaissant la nécessité de renforcer les systèmes de santé, en particulier sur le plan des ressources humaines, au niveau des pays; par la formation, le déploiement et le maintien en poste de travailleurs qualifiés dans le domaine de la santé; et par la planification familiale, ce qui comprends l'utilisation de méthodes contraceptives modernes.
    Il est également important de mentionner que les consultations que le gouvernement canadien a menées auprès des Nations Unies et d'autres partenaires lui permettront d'assurer la complémentarité de l'initiative du G8 et de faire en sorte que celle-ci constitue une contribution importante au Sommet des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies qui aura lieu en septembre.
    Comme vous le savez, l'ACDI est le principal organisme par l'intermédiaire duquel le gouvernement du Canada donne suite aux engagements pris, et j'aimerais donc prendre quelques minutes pour expliquer certaines des choses que nous faisons déjà.
    Comme vous le savez peut-être, les enfants et les adolescents constituent l'une de nos priorités. Nous travaillons déjà, dans de nombreux pays, à renforcer les systèmes de santé, à améliorer l'accès des femmes aux soins de santé maternelle, à prévenir la maladie et le décès chez les nouveaux-nés, à accroître l'immunisation et à promouvoir la nutrition. De fait, la santé de la mère et de l'enfant est un des trois grands axes autour duquel s'articule la priorité de l'ACDI ayant trait à l'édification d'un avenir meilleur pour les enfants et les jeunes en prenant d'abord soin de leurs mères.
    Nous sommes conscients qu'une planification familiale efficace joue un rôle dans l'amélioration de la santé des mères et des enfants et qu'elle est un élément important de systèmes de santé efficaces. Nous savons que la planification familiale a notamment pour effet de réduire le nombre de grossesses non désirées.
(1110)
    La planification familiale permet notamment à la femme d'espacer les grossesses et de limiter leur nombre, ce qui influe directement sur sa santé et son bien-être ainsi que sur l'issue de chaque grossesse. Par conséquent, afin de répondre aux besoins des partenaires des pays en développement, la planification familiale est intégrée aux activités réalisées dans le cadre d'un certain nombre des projets de l'ACDI sur la santé génésique et sexuelle, qui sont dans le droit fil de nos engagement internationaux.
    Par exemple, dans l'Ouest du Mali, grâce à l'aide fournie par l'ACDI, près de la moitié des accouchements se déroulent sous la supervision de travailleurs de la santé qualifiés. Au Guatemala, grâce au soutien de l'ACDI, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et les associations partenaires locales ont pu former 730 professionnels de la santé afin qu'ils fournissent de meilleurs soins aux mères et aux nouveaux-nés au moment de l'accouchement.
    Le deuxième axe de l'action de l'ACDI dans le domaine de la santé des mères et des enfants est la promotion d'un meilleur départ pour les nourrissons et les jeunes enfants afin que, plus tard, ils fréquentent l'école et deviennent des membres actifs de leurs collectivités.
    L'ACDI a été un chef de file de la promotion d'une nutrition adéquate et de services médicaux comme l'immunisation. Nous savons que la sous-alimentation accroît la prédisposition des enfants aux maladies infectieuses, à la déficience mentale, à la cécité, et à l'arrêt de croissance permanent. C'est pourquoi l'ACDI contribue à fournir de la vitamine A, de l'iode et d'autres micronutriments, qui jouent un rôle crucial dans la santé des jeunes enfants et des mères. En qualité de partenaire fondateur et de principal donateur de l'Initiative pour les micronutriments, le Canada est reconnu comme le chef de file en ce qui concerne la vitamine A et l'iode. De fait, l'UNICEF a déclaré que l'aide fournie par le Canada aux programmes de sel iodé avait prévenu la déficience mentale chez six millions d'enfants.
(1115)

[Français]

    Le Canada vient aussi en aide aux enfants dans le cadre de l'Initiative catalytique pour sauver un million de vies. L'ACDI a été le premier organisme a appuyer l'initiative de UNICEF qui vise à former et à outiller les travailleurs de la santé de première ligne, de telle façon qu'ils puissent administrer les plus récents traitements et des vaccins, distribuer des moustiquaires de lit et des antibiotiques, et offrir d'autres services essentiels aux enfants et aux groupes vulnérables.
    Il est essentiel d'améliorer la santé des mères et des enfants pour respecter le mandat de l'ACDI, qui est de réduire la pauvreté dans les pays les plus défavorisés de la planète.
    À une récente table ronde des Nations Unies, à New York, la ministre Oda a affirmé que le gouvernement était prêt à accorder un financement additionnel important à cette initiative, et nous comptons bien amener ainsi d'autres pays donateurs à en faire autant.

[Traduction]

    Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci, madame Biggs.
    Nous allons commencer par M. Rae, du Parti libéral, qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui.
    Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais je vais malheureusement devoir le faire. Quand la secrétaire d'État Clinton et le secrétaire aux Affaires étrangères Miliband sont venus ici pour discuter du sommet du G8, ils ont dit très clairement qu'à leur avis, la santé génésique et sexuelle, y compris l'accès à des services d'avortement sûrs dans les pays où l'avortement est légal, sont des éléments essentiels d'une initiative globale.
    Vous dirigez l'ACDI: quelle est la position de l'ACDI à l'égard des observations de deux de nos alliés les plus proches et les plus expérimentés dans ce domaine?
    Merci.
    Je m'abstiendrai de commenter leurs opinions comme telles. Comme vous le constaterez, je crois, dans la déclaration que la présidence a émise après la réunion des ministres du développement du G8, hier, diverses mesures incluant la planification familiale et la santé génésique peuvent être envisagées dans le cadre du continuum de soins qui commence avant la grossesse et s'étend jusqu'à l'âge de cinq ans. Dans ce contexte, les pays peuvent privilégier les éléments sur lesquels ils croient pouvoir intervenir avec le plus d'efficacité.
    Je ne pense donc pas qu'il y ait de contradiction pour ce qui est de la portée de la stratégie de santé maternelle et infantile qui, je le répète, dans un continuum de soins, commence avant la grossesse et s'étend jusqu'à l'âge de cinq ans.
    J'essaie de comprendre ce que cela signifie pour le Canada, tant en ce qui concerne ce que nous avons fait par le passé que ce que nous ferons à l'avenir.
    Je crois que plusieurs organismes qui ont été financés par l'ACDI facilitent l'accès à l'avortement dans le cadre d'un service complet qui comprend la planification familiale et d'autres éléments.
    Devrons-nous comprendre que le gouvernement canadien a maintenant pour politique de ne plus financer ces organismes parce qu'ils facilitent l'accès à l'avortement?
(1120)
    Par le passé, l'ACDI n'a jamais financé directement les services d'avortement…
    Pas directement; je parle du financement d'organismes qui facilitent l'accès à l'avortement. Voilà pourquoi je choisis mes mots très soigneusement.
    … oui… et à l'avenir, nous ne financerons pas directement de services d'avortement.
    Nous accordons une aide financière aux pays dont le système de santé… offre des services d'avortement, s'ils sont légaux et acceptés volontairement. Nous continuerons à financer ces systèmes de santé et nous continuerons à financer des organismes. Nous finançons le Fonds des Nations Unies pour la population dont la politique à l'égard de la santé génésique est d'une vaste portée. Nous continuons à le financer. Toutefois, nous n'avons pas financé directement de services d'avortement par le passé et nous ne le ferons pas non plus à l'avenir.
    Non, mais nous n'avons jamais… Nous ne l'avons jamais fait.
    Par conséquent, vous me dites qu'en fait, il n'y aura aucun changement?
    C'est exact. Il n'y a aucun changement de politique.
    De politique.
    Mme Margaret Biggs: Il n'y a aucun changement de politique.
    L'hon. Bob Rae: À la suite de toutes les annonces et déclarations qui ont été faites, en réalité, la position du gouvernement canadien ne change pas. Nous allons financer les gouvernements, même si l'avortement fait partie intégrante de leur système de soins de santé et nous continuerons de financer les organismes de ces pays qui facilitent l'accès à l'avortement dans le cadre de leurs services.
    C'est bien cela?
    C'est bien cela. Il n'y a aucun changement dans les programmes de l'ACDI et aucun changement dans la façon dont nous aborderons ces questions. Toutefois, le gouvernement a clairement fait savoir dans le cadre de sa contribution au G8 qu'il mettra l'accent sur d'autres domaines qui restent à déterminer. Cela pourrait inclure la planification familiale, mais le gouvernement ne financera pas directement des services d'avortement.
    Je ne veux pas engager votre responsabilité dans tout cela, mais en fait, vous nous dites que pour tout ce qui est… Cela signifie, en fait, qu'il n'y a aucun changement dans la politique du gouvernement canadien. Le gouvernement du Canada… en fait, aucun gouvernement étranger ne va dire qu'il finance directement les avortements dans un pays. Nous finançons les systèmes de soins de santé. Nous accordons une aide financière directe au Trésor national. Nous soutenons la réforme des soins de santé dans les pays. Nous finançons les ONG et les organismes qui facilitent l'accès à l'avortement et vous nous dites que cela ne changera pas.
    C'est exact. Les programmes de l'ACDI resteront identiques à ce qu'ils sont maintenant.
    Très bien.
    Il y a deux autres domaines dans lesquels je vois des contradictions ou des problèmes. L'un d'eux est la question de la défense des intérêts des femmes. Comme plusieurs ONG, je crains vivement que dans un certain nombre de pays, le Canada ne finance plus des groupes qui défendent les intérêts des femmes, par exemple au Pakistan où la réduction de ce financement est très importante, et cela dans des situations où il est essentiel de défendre les intérêts des femmes.
    Nous avons entendu parler de Match, de KAIROS et des autres organismes; la Fédération internationale du planning familial n'a toujours pas obtenu de financement pour l'organisme basé au Canada qui travaille à l'étranger.
    Pouvez-vous expliquer quelle en est la raison… si la santé maternelle est importante? Nous reconnaissons tous qu'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas encore atteint les objectifs que nous avons établis — et j'en suis convaincu — est que les femmes n'ont pas la possibilité, dans suffisamment de pays, d'obtenir les services dont elles ont besoin ou d'insister pour la mise en place de normes différentes.
    Les faits démontrent très clairement qu'une des raisons pour lesquelles la condition des femmes a changé de façon aussi spectaculaire dans les pays industrialisés est que les femmes ont obtenu un pouvoir politique et un pouvoir social. C'est pourquoi, par le passé, les gouvernements canadiens ont dit que nous croyons à l'égalité des femmes et que nous croyons qu'en donnant le pouvoir d'agir aux femmes, aux organismes féminins et aux groupes qui défendent les intérêts des femmes, nous allons pouvoir améliorer la santé de ces dernières.
    Cette politique a-t-elle changé?
    Non, cette politique n'a pas changé. À mon avis, le fait que le premier ministre ait mis l'accent sur la santé maternelle et infantile au sommet du G8 confirme ce que vous venez de dire, soit l'importance de centrer les efforts sur les femmes et les enfants. En fait, bien des gens diront que la mortalité maternelle reflète le fonctionnement des systèmes de santé d'un pays. Par conséquent, je ne pense pas que quoi que ce soit ait changé.
    L'ACDI continue d'intégrer l'égalité des sexes, l'égalité entre les femmes et les hommes dans tout ce qu'elle fait. En fait, l'ACDI est un chef de file à cet égard depuis de nombreuses années. L'ACDI a beaucoup fait, en Afghanistan, par exemple, dans le cadre de programmes directs, mais également en favorisant la participation des femmes dans la société civile et dans le processus démocratique et elle n'a épargné aucun effort dans ce sens.
    Par conséquent, nos résultats restent très éloquents pour ce qui est de promouvoir le rôle des femmes, surtout en ce qui concerne les enfants et la famille, mais aussi tous les aspects du développement; cela fait partie intégrante de tout ce que nous faisons.
(1125)
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont vous disposez.
    Vraiment? Le temps a passé si vite. J'ai bien aimé cela.
    Cela passe vite. Nous essaierons de revenir à vous au prochain tour.
    C'est maintenant le tour du Bloc.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Biggs. Bienvenue au comité.
    Vous savez que, parmi les objectifs du millénaire, l'objectif no 5 qui porte sur la santé maternelle est celui qui accuse le plus de retard. Vous avez dit, à la fin de votre allocution, que le gouvernement était prêt à accorder un financement additionnel important à cette initiative.
    Où le gouvernement va-t-il prendre ces fonds additionnels? Va-t-il les prendre à même l'enveloppe qui existe déjà à la Coopération internationale? Va-t-on devoir couper dans d'autres programmes pour obtenir ce financement additionnel?

[Traduction]

    Merci beaucoup pour cette question.
    Le gouvernement a indiqué qu'il fournirait un nouveau financement pour la santé maternelle et infantile en plus de ce que nous dépensons actuellement dans ce domaine. Nous espérons que d'autres consacreront également des ressources supplémentaires à cet effort pour vraiment changer les choses.
    Comme vous vous en souviendrez, le gouvernement a indiqué, il y a quelques mois, dans le budget 2010, qu'il augmenterait de 8 p. 100 le financement de l'aide au développement, ce qui représente 354 millions de dollars de plus en 2010-2011. Je m'attends à ce qu'une partie de cet argent serve à financer cette nouvelle initiative et que nous pourrons faire de nouvelles choses en faveur de la santé maternelle et infantile.
    Il s'agit de fonds supplémentaires. Le gouvernement ne va pas amputer d'autres programmes pour financer la santé maternelle et infantile.

[Français]

    Je ne suis peut-être pas une experte en chiffres. Mais comme la ministre a annoncé qu'à compter de 2011 il y aurait un gel échelonné sur les cinq prochaines années, comment pourra-t-on arriver à respecter les engagements que prendra le Canada lors du prochain sommet du G8? Car on sait que, l'enveloppe budgétaire étant gelée, on sera probablement aux prises avec certaines problématiques. On va plutôt subir un recul. D'où viendra l'argent? Si on gèle l'enveloppe, comment pourra-t-on atteindre les objectifs? Est-ce réaliste de penser qu'on peut atteindre les objectifs qu'on s'est donnés pour 2015?

[Traduction]

    Si vous voulez bien, je vais donner une réponse en plusieurs volets.
    Pour ce qui est de respecter ses engagements, le gouvernement a déjà tenu sa promesse de doubler son aide à l'Afrique. Il l'a fait l'année dernière et le fera de nouveau cette année. Il va également tenir la promesse faite à Gleneagles de doubler l'enveloppe globale de son aide au développement et le fera cette année, en 2010-2011. Par conséquent, il tient ses engagements et s'assurera, au sommet du G8, que les autres pays en font autant et tiennent les engagements qu'ils ont pris par le passé.
    Pour en revenir à l'initiative concernant la santé maternelle et infantile, comme je l'ai dit, le gouvernement va y consacrer des ressources supplémentaires sans soustraire cet argent aux programmes existants. Je suppose que cet argent sera puisé dans le financement supplémentaire qui a été annoncé dans le budget de 2010. Cela permettra au gouvernement de consacrer des ressources supplémentaires à la cause de la santé maternelle et infantile dans les pays en développement.
    Le troisième volet de votre question portait, je crois, sur la possibilité d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement d'ici 2015. Bien entendu, ce sera la question au centre du sommet spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les OMD qui aura lieu en septembre. Il s'agira de galvaniser l'action collective, de la stimuler pour s'assurer que la communauté internationale atteindra ses objectifs.
    Ces mesures doivent venir à la fois des pays en développement, des pays industrialisés et des donateurs. Cela exigera des ressources supplémentaires, par exemple, comme nous nous y attendons pour la santé maternelle et infantile et il faudra aussi faire l'utilisation la plus efficace possible des ressources existantes. Nous savons que l'argent n'est pas toujours utilisé avec la même efficacité en ce qui concerne les résultats.
    Tel sera donc le but de la réunion du Secrétaire général, en septembre: voir comment le monde atteindra les OMD d'ici 2015.
(1130)

[Français]

    Dans votre allocution, vous avez fait référence à la revue médicale The Lancet dans laquelle on signalait que, selon une étude, le taux de mortalité avait reculé de 35 p. 100.
    Pouvez-vous être plus précise? J'ai aussi lu cette revue et constaté qu'on fait référence à des chiffres un peu plus alarmants par opposition au recul du taux de mortalité dans une proportion de 35 p. 100. Où le taux de mortalité a-t-il reculé? Dans quel pays?

[Traduction]

    Je n'ai pas tous les détails sous les yeux. J'ai lu moi aussi cette étude et je pense qu'effectivement, il faut y voir des signes encourageants. J'en ai parlé pour montrer que si nous insistons sur la santé maternelle et infantile, nous pouvons améliorer la situation et nous avons constaté des progrès.
    Cela dit, c'est un des OMD pour lesquels les progrès sont insuffisants. Nous savons qu'ils ont été inégaux d'un pays à l'autre. Il y a eu beaucoup de progrès dans les pays qui ont beaucoup mieux réussi à réduire la pauvreté et à mettre l'accent sur la santé. Nous savons aussi que les résultats sont inégaux à l'intérieur des pays. Nous savons que les populations les plus pauvres et les plus vulnérables, qui vivent souvent dans les régions rurales, sont les plus défavorisées et c'est sur leur situation que nous devons continuer à diriger notre attention.
    J'ai mentionné The Lancet, car cet article donne une lueur d'espoir et montre que nous pouvons vraiment changer les choses et surpasser ces seuils. D'un autre côté, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire.
    Voilà pourquoi l'accent mis sur la santé maternelle et infantile est une chose que… Je pense que cela rallie un très fort consensus dans de nombreux pays.
    Merci beaucoup, madame Biggs.
    Merci, madame Deschamps.
    Nous allons passer à M. Abbott, pour sept minutes.
    Madame Biggs, merci beaucoup d'être venue.
    Si vous le permettez, je vais consacrer seulement 30 secondes à la politique et nous nous intéresserons davantage ensuite à votre domaine.
    J'avoue avoir été sidéré et déçu que M. Ignatieff et les libéraux aient décidé d'insérer dans ce sujet une question qui est sans rapport et qui va nuire énormément aux femmes et aux enfants des pays en développement en détournant l'attention sur un faux problème au cours de ce débat.
    Cela dit, j'avoue être très impressionné par votre déclaration que je vais lire, si vous le permettez:
Une planification adéquate et la mobilisation des ressources permettraient à de nombreux pays en développement de prévenir le décès de mères et d'enfants, et ce, grâce au renforcement des systèmes de santé, à la formation de travailleurs de la santé et à des solutions simples comme la vaccination, les moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide et une meilleure nutrition.
    Telle était, au départ, l'idée du premier ministre et de notre gouvernement.
    J'ai été particulièrement impressionné, car ce matin, nous avons tous reçu la déclaration de la présidence concernant la réunion des ministres du développement du G8 qui contribuera largement, je crois, à répondre aux préoccupations de M. Rae à propos des pays étrangers sur le sujet qu'il a jugé bon de soulever.
    Prenons le paragraphe 11 du rapport de la présidence:
En termes de portée, les ministres ont convenu que l'amélioration de la santé des mères et des enfants de moins de cinq ans nécessite dans les pays, au niveau communautaire, des interventions intégrées et complémentaires à fortes répercussions offertes tout au long du continuum de soins, de la prégrossesse à l'accouchement et jusqu'à l'âge de cinq ans, comprenant des éléments tels que les soins prénatals, les soins postnatals; la planification familiale, qui inclut la contraception; la santé génésique; le traitement et la prévention des maladies; la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant; les immunisations; la nutrition.
    C'est un programme extrêmement ambitieux pour ce qui est du financement à trouver pour travailler en ce sens.
    Je voudrais savoir quels sont les programmes que l'ACDI a en place sur le plan de la vaccination et de la nutrition et de quelle façon ils peuvent être intégrés dans l'initiative dont nous parlons.
    Je dois dire que j'ai eu une conversation, hier soir, avec un médecin d'un pays extrêmement pauvre. Les statistiques de ce pays montrent que 93 p. 100 de la population souffrent de gonorrhée et que presque 100 p. 100 souffrent de la syphilis. Le médecin de ce pays est d'autant plus découragé que le problème de la syphilis, en particulier, pourrait être réglé grâce à la vaccination et ce type de mesures. En fait, c'est le genre de travail auquel le Canada participe et dont tous les Canadiens devraient être fiers, je pense.
    Je voudrais vous donner l'occasion de nous parler très rapidement de la vaccination et également des micronutriments et de nous dire où nous en sommes sur ce plan pour le moment.
(1135)
    Merci infiniment pour cette question.
    Je vais demander à ma collègue, Diane Jacovella, de vous parler en détail de ce que le Canada et l'ACDI ont fait sur le plan de la vaccination et des micronutriments. C'est un domaine dans lequel le Canada a joué le rôle de chef de file, de même que pour les moustiquaires de lit contre le paludisme. Nous avons été un des premiers pays à intervenir.
    En ce qui concerne votre question générale, et pour revenir sur la déclaration de la présidence à l'issue de la réunion des ministres du développement du G8 de la semaine dernière, je voudrais notamment souligner le changement qui s'impose. Ces dernières années, nous avons mis l'accent sur un certain nombre de maladies, que ce soit le paludisme, le VIH, le sida ou la poliomyélite, pour lesquelles chacun sait que nous pouvons obtenir des résultats grâce à la vaccination. Nous savons pouvoir obtenir des résultats au moyen des antibiotiques et en traitant les maladies infectieuses. Chacun sait qu'une nutrition adéquate et des suppléments en micronutriments peuvent donner d'énormes résultats sur le plan de la santé. Néanmoins, il est rare que tout cela soit offert ensemble. Nous savons que si ces divers éléments sont réunis, un travailleur de la santé formé peut les dispenser et que nous pouvons obtenir des améliorations substantielles sur le plan de la santé des mères et des enfants.
    Je crois que maintenant la solution est d'adopter une approche intégrée. Nous l'avons fait pour l'initiative catalytique s'adressant aux enfants en donnant aux travailleurs de la santé en première ligne un ensemble de choses que nous savons très efficaces pour traiter les maladies infectieuses, pour traiter la diarrhée, sur le plan de la vaccination, sur le plan des suppléments nutritifs et nous savons que cela peut donner des bons résultats. C'est très rentable, très efficace et pas si compliqué. Néanmoins, il faut que le système de santé vous appuie pour que les choses se passent comme prévu sur le terrain. Je crois que les ministres du développement ont centré leur attention sur l'appui que tout le monde peut apporter à cette approche intégrée et globale.
    Pour en revenir aux choses précises que le Canada a faites, comme je l'ai mentionné, l'ACDI a été un chef de file en ce qui concerne l'initiative des micronutriments. Le Canada a également joué un rôle de premier plan pour ce qui est du Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme qui a sauvé des millions de vies.
    Je vais simplement demander à Diane de vous fournir quelques précisions supplémentaires au sujet des principales questions que vous avez posées.
    Mme Biggs a déjà répondu à de nombreuses questions, mais en ce qui concerne la vaccination, nous avons travaillé très fort avec l'Organisation mondiale de la santé et l'UNICEF pour que les enfants des pays en développement puissent obtenir le programme d'immunisation de base dont bénéficie tout enfant au Canada ou en Amérique du Nord.
    Nous avons également travaillé avec les autres donateurs ainsi que la Banque mondiale et GAVI à ce que nous appelons « la garantie de marchés » pour inciter le secteur privé à mettre au point un vaccin contre le pneumocoque. C'est quelque chose de nouveau, ce que nous appelons un « financement novateur » pour essayer de susciter de l'intérêt et d'obtenir un vaccin pour les enfants des pays en développement.
    En ce qui concerne la poliomyélite, c'était un projet de premier plan. Nous avons eu beaucoup de succès dans le cadre du programme pour l'Afghanistan malgré les difficultés sur le plan de la sécurité.
    Pour ce qui est des micronutriments, les trois principaux partenaires avec lesquels nous avons travaillé sont l'Initiative pour les micronutriments, qui est un organisme canadien; Helen Keller International, un organisme des États-Unis et l'UNICEF. Nous essayons de travailler avec ces trois organismes pour mettre de la vitamine A à la disposition des enfants. Nous intégrons cette initiative et certaines des autres interventions de ces organismes.
    D'autre part, nous travaillons énergiquement avec les pays pour ioder leur sel et nous avons remporté un énorme succès dans ce domaine.
    Une des choses que nous explorons maintenant est la possibilité d'incorporer du zinc dans la réhydratation orale pour la diarrhée, ce qui semble donner des bons résultats. Là encore, nous travaillons avec nos partenaires canadiens pour faire avancer ce dossier auprès des organismes multilatéraux.
(1140)
    Merci beaucoup, monsieur Abbott.
    Nous allons maintenant revenir au NPD.
    Monsieur Rafferty, je vous souhaite un bon retour au comité. La parole est à vous, monsieur, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Le rapport de 2005 de l'Organisation mondiale de la santé intitulé Donnons sa chance à chaque mère et à chaque enfant! dit que la principale cause de décès maternel est l'hémorragie, les saignements. Mais il précise également que la deuxième principale cause de décès maternel est un avortement effectué dans des conditions insalubres. Je m'étonne d'entendre certains dire ici que c'est sans rapport avec notre sujet d'aujourd'hui, car la deuxième principale cause est très importante.
    Ma question est d'ordre politique. Le gouvernement prétend faire de la santé maternelle une priorité à l'assemblée du G8 et l'ACDI déclare vouloir améliorer la santé et les droits sexuels et génésiques et réduire la morbidité et la mortalité maternelles. Ne serait-il pas logique que notre gouvernement et l'ACDI essaient de réduire ou d'éliminer la deuxième principale cause de mortalité maternelle dans les pays en développement, c'est-à-dire les avortements effectués dans des mauvaises conditions?
    Merci pour cette question.
    La principale cause de mortalité des mères est la naissance: ce sont les complications, les hémorragies et les divers problèmes entourant la naissance. Cela confirme donc, je pense, l'importance d'avoir des sages-femmes qualifiées avant la naissance, pendant la naissance et aussitôt après, car c'est alors que la vie des mères et aussi des nouveaux-nés est en danger. C'est donc un moment d'une importance cruciale pour la santé maternelle et infantile.
    Il est vrai qu'un important pourcentage de femmes meurent des suites d'un avortement effectué dans des mauvaises conditions. La principale façon d'éviter cela est de recourir à la planification familiale. Si elles avaient accès à la planification familiale et aux contraceptifs et la possibilité d'espacer leurs grossesses et d'accoucher en toute sécurité, ce serait le facteur le plus important. C'est une chose sur laquelle le Canada pourrait centrer son attention, comme nous l'avons fait par le passé et comme nous pourrions le faire à l'avenir.
    Pendant que je parle de politique, je ne voudrais pas laisser M. Garson en dehors de la conversation, car il s'est donné la peine de venir pour y participer. C'est l'occasion de se montrer franc et direct. Je vais laisser Mme Biggs tranquille pour le moment.
    C'est une question assez personnelle.
    Mme Margaret Biggs: Vous savez donc que c'est dangereux.
    Des voix: Oh, oh!
    M. John Rafferty: Vous êtes le directeur de la politique du sommet du G8, n'est-ce pas?
    D'accord.
    Pensez-vous que le financement d'installations propres et modernes et le financement de groupes qui fournissent des services d'avortement sûrs aux femmes enceintes dans les pays en développement, aux femmes qui désirent ces services dans les pays où c'est légal, contribueraient à réduire la mortalité maternelle?
    Je suis le directeur de la politique du G8 et du G20, mais je dirais que le genre de précisions que vous me demandez n'entre pas dans le cadre de mes fonctions. Si c'était le cas, je n'aurais jamais le temps de… dormir.
    Je travaille généralement à un niveau plus général et je demanderais donc à Mme Biggs de vous répondre.
    Dans ce cas, madame Biggs…
    La question m'est renvoyée.
(1145)
    Elle vous est renvoyée, oui.
    Vous pouvez être brève. Vous pouvez peut-être simplement répondre oui ou non.
    Le financement d'installations propres et modernes et le financement de groupes qui fournissent des services d'avortement sûrs aux femmes enceintes contribueraient-ils à réduire la mortalité maternelle?
    J'en reviendrai à ce que j'ai déjà dit pour ce qui est de sauver la vie des mères. On peut commencer par intervenir au niveau de la grossesse et de l'accouchement ainsi que des soins juste avant et juste après l'accouchement. C'est la principale chose à faire pour sauver la vie des mères.
    Pour ce qui est de la planification familiale, si les femmes y avaient accès quand elles en ont besoin, le pourcentage d'avortement dans des conditions insalubres pourrait diminuer de 75 p. 100. Telle est l'opinion de la FNUAP. Ce serait la principale chose à faire en ce qui concerne l'accès à la planification des naissances et à la contraception et la capacité d'éviter des grossesses risquées. Ce serait une façon très importante de sauver la vie des mères.
    Selon les statistiques les plus récentes — j'ai celles de 2006 — le Canada a donné accès ou a financé des services d'avortement 91 377 fois dans notre pays. Je suppose que le gouvernement continue d'accorder ce financement, cet accès à l'avortement parce qu'il croit qu'une femme a le droit de choisir et qu'en fournissant et finançant ces services aux femmes, on obtient des résultats positifs pour la santé maternelle.
    Je félicite le gouvernement de l'accepter et de ne pas rouvrir le débat pour le moment au Canada. Mais qu'en est-il de la position du gouvernement sur la scène internationale? Il y a un certain décalage. Je me demande quel genre de message nous envoyons aux femmes des pays en développement quand notre gouvernement prétend vouloir les aider, mais refuse de leur fournir les mêmes services alors qu'il est prouvé qu'ils réduisent la mortalité maternelle. Ce sont les mêmes services que ceux qu'obtiennent nos propres citoyennes.
    Vous avez dit que l'ACDI n'a jamais eu pour politique de financer ou de promouvoir ou d'accroître l'accès à des services d'avortement sécuritaires dans les pays en développement. Ai-je bien compris?
    C'était au cours de la conversation que vous avez eue plus tôt avec M. Rae.
    L'ACDI ne finance pas, n'a pas financé et ne financera pas directement des services d'avortement.
    Très bien. Et l'ACDI n'a jamais eu pour politique de promouvoir ou d'élargir l'accès à ce service.
    Le consensus international ne considère pas l'avortement comme une forme de planification familiale et ce n'est donc pas présenté comme une méthode de régulation des naissances. C'est ce dont toutes les parties et tous les organismes internationaux ont convenu. Le Canada adhère à ce principe.
    L'ACDI ne finance pas directement les avortements. Elle ne l'a pas fait et elle ne le fera pas. Néanmoins, pour répondre à votre question, tout comme le gouvernement du Canada finance indirectement les provinces au moyen des transferts aux provinces, qui gèrent elles-mêmes leur système de santé, le Canada peut contribuer au financement des systèmes de santé des pays en développement et nous continuerons de le faire. C'est à ces pays de choisir les services qu'ils fournissent.
    Je ne vois donc pas le problème. Il n'y a aucun changement de politique. Toutefois, le premier ministre et la ministre ont dit clairement que pour l'initiative du G8, le Canada n'inclurait rien qui financerait directement…
    J'ai une dernière brève question, monsieur le président.
    Les ONG et la société civile sont dans une situation précaire depuis un an environ. Il y a eu des problèmes de financement dans le cas des ONG, par exemple, qui n'ont reçu aucun financement.
    La Fédération pour le planning des naissances a été financée par l'ACDI depuis le début des années 1980, je crois. Je me demande si nous pouvons nous attendre à une annonce prochaine au sujet de l'appui de l'ACDI à la Fédération?
    Je ne suis pas vraiment en mesure de parler des propositions qui sont en cours d'examen et celle-là en fait partie.
    Très bien.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer le deuxième tour. Je crois que nous aurons seulement du temps pour deux interventions supplémentaires.
    Monsieur Lunney, vous disposerez de cinq minutes et vous serez suivi du Dr Patry.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Lors de la récente réunion du G8 qui a eu lieu il y a quelques jours à peine, à Halifax, en préparation de l'assemblée de juin, j'ai remarqué que le communiqué qui a été publié mentionnait la présence du ministre de la Santé du Mali. Les ministres ont « félicité les pays partenaires qui s'emploient à investir directement dans des systèmes de santé efficaces afin d'offrir à la communauté des services de santé primaires intégrés ».
    Si je me reporte à votre déclaration préliminaire, madame Biggs, vous avez mentionné une partie des données publiées: 3 millions de nouveaux-nés qui meurent au cours de leur première semaine de vie, 9 millions d'enfants des pays en développement qui meurent avant leur cinquième anniversaire. Les causes, en grande partie évitables, sont notamment la pneumonie, la diarrhée, le paludisme, une malnutrition aiguë, la rougeole et le VIH.
    En réponse à la question que mon collègue, M. Abbott, a posée il y a quelques instants au sujet des micronutriments, vous avez parlé des effets du zinc sur la réduction de la diarrhée. Dans votre rapport, vous mentionnez les résultats positifs que le Canada a déjà enregistrés. J'ai parlé du Mali, car dans l'ouest du Mali, nous avons un programme de formation pour le personnel de la santé. Cela a eu pour effet que maintenant, plus de la moitié des naissances ont lieu avec l'assistance de personnel formé en soins infirmiers. Au Guatemala, nous travaillons actuellement avec la faculté d'obstétrique et de gynécologie. Je crois que nous avons formé 700 travailleurs de la santé pour aider les femmes à accoucher. Le travail réalisé en collaboration avec l'UNICEF au sujet de la vitamine A et du sel iodé est également un autre résultat positif.
    Je me demande si vous pourriez nous parler un peu plus de certaines ou de toutes ces initiatives qui se sont révélées très efficaces pour réduire la mortalité infantile et améliorer la santé maternelle.
(1150)
    Merci.
    La santé maternelle et infantile sont au centre d'un certain nombre de nos programmes bilatéraux ou géographiques. Vous avez attiré l'attention sur l'un d'entre eux au Mali. Le ministre de la Santé du Mali était avec nous à Halifax. Nous ne pouvons peut-être pas le faire dans tout le pays ou tout l'Ouest, mais nous avons soutenu la formation dans une région, celle de Kayes, où nous avons formé des sages-femmes, ce qui a nettement augmenté le nombre de naissances assistées et par conséquent réduit la mortalité infantile au Mali.
    Un autre domaine dans lequel nous travaillons avec le gouvernement du Mali, dans le cadre de son plan d'ensemble pour ses systèmes de santé, est l'élargissement de la planification, des compétences et de la formation des ressources humaines en santé afin qu'il puisse étendre cet effort à l'échelle du pays.
    Nous avons aussi d'importants programmes de santé maternelle et infantile dans des pays comme la Tanzanie où nous travaillons avec le gouvernement tanzanien et Marie Stopes International, surtout en ce qui concerne la santé maternelle et génésique. Nous avons également enregistré des résultats positifs importants de ce côté-là.
    Nous travaillons aussi au Mozambique pour appuyer la mise en œuvre globale du système de santé du gouvernement du Mozambique. Une composante très importante de cette collaboration porte sur la santé maternelle, là encore, sur le plan de la formation du personnel sanitaire, d'un personnel local pour la santé maternelle et les naissances assistées, de même que pour la santé infantile.
    Nous travaillons également au Bangladesh, surtout à la mise en place de services de santé pour les pauvres des régions rurales. Comme vous le savez, nous avons fait aussi un travail assez important sur le plan de la santé maternelle et infantile en Afghanistan. Il s'agissait en partie de l'initiative d'éradication de la poliomyélite, mais nous avons également aidé à construire des installations d'obstétrique à l'Hôpital Mirwais, de Kandahar, qui fournit des soins gynécologiques et obstétriques, non seulement dans la ville, mais dans toute la région. C'est donc très important.
    C'est un domaine dans lequel l'ACDI possède beaucoup de compétence et d'expérience sur le terrain en ce qui concerne tant la santé maternelle et infantile que la nutrition. Le domaine de la nutrition va sans doute prendre toute son importance maintenant que tout le monde reconnaît que non seulement la sous-alimentation contribue à la mortalité, mais qu'elle retarde le développement et réduit les chances de survie des enfants.
    Nous savons au Canada qu'en ce qui concerne le développement des enfants et leur développement cognitif, nous pouvons vraiment changer l'avenir de ces pays si nous mettons vraiment l'accent sur la nutrition. Des programmes de nutrition très simples pour les mères et les enfants livrés en temps opportun sur le terrain peuvent avoir des effets extraordinaires.
    Merci.
    Vous avez mentionné un ensemble d'interventions. Dans bien des cas, vous pouvez faire des interventions par-ci par-là, mais si vous les regroupez, elles peuvent avoir un impact beaucoup plus grand. Les ministres ont notamment parlé de l'eau potable et des égouts ainsi que de la nutrition. Je sais que l'ACDI fait un excellent travail pour que les populations aient accès à de l'eau potable. Je sais également qu'il y a des régions dévastées par le sida. De nombreux enfants grandissent sans parents pour cette raison. Mais je sais que dans certaines régions où l'on travaille avec les orphelinats pour que les enfants reçoivent un bon régime nutritif avec un bon mélange de vitamines et de minéraux, même si ces enfants ont le VIH, ils n'ont pas le sida et ils grandissent de façon très normale.
    J'aimerais que vous nous parliez du travail que l'ACDI réalise dans ces domaines.
    Donnez seulement une brève réponse et nous passerons au suivant.
    C'est tout le temps dont vous disposez, monsieur Lunney.
    Donnez votre réponse.
    Très bien.
    Pour ce qui est des ensembles d'interventions, un des résultats de la réunion de Halifax où nous avons rencontré les représentants de l'OMS est que ces derniers vont travailler avec nous pour élaborer des lignes directrices que tout le monde pourra utiliser au sujet de ce qu'il faut faire sur le terrain. L'OMS, la FAO et l'UNICEF travaillent également à l'élaboration de lignes directrices en matière de nutrition afin que nous sachions qu'elles sont les cinq, six ou sept interventions clés à regrouper pour sauver la vie des gens. Une fois que nous les connaîtrons, nous les offrirons ensemble. Veillons à ce que tout le monde aient les mêmes lignes directrices. Utilisons les mêmes critères d'évaluation et mesurons le succès de la même façon. C'est ainsi que nous allons changer le cours des choses.
    En ce qui concerne le VIH/sida, un enjeu de taille sur le plan de la santé maternelle et infantile consiste à prévenir la transmission du virus de la mère à l'enfant. Nous savons qu'il y a 40 p. 100 de risque de transmission et que nous pouvons réduire cette proportion à 5 p. 100 grâce à des traitements rétroviraux pour la mère et l'enfant. Nous le faisons déjà. Une des choses que nous faisons en Tanzanie, avec Mary Stopes International, porte sur la prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant. Et nous pouvons faire plus sur ce plan-là.
(1155)
    Merci.
    Nous en sommes maintenant à la dernière intervention.
    Nous allons commencer par le Dr Patry. Je crois que vous allez partager votre temps avec M. Pearson.

[Français]

     Merci, madame Biggs, d'être présente parmi nous ce matin.
    Parlons de l'Initiative sur la santé maternelle. Parlons aussi de la santé infantile, car les deux sont très importantes. Il faut quand même noter que la santé infantile est vraiment tributaire de la santé maternelle, car si la mère survit, elle peut alors bien s'occuper de ses enfants.
    Au sommet du G8 de 2009, les partenaires se sont engagés à affecter une somme de 20 milliards de dollars sur trois ans au développement agricole durable. En 2002, à Kananaskis, lors du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive, l'engagement du Canada était à la hauteur de 1 milliard de dollars sur 20 milliards, et ce, sur une période de 10 ans.
    J'ai deux petites questions à vous poser. Avez-vous une idée du financement qui sera consenti lors du prochain sommet? Sachant que le Canada s'est dissocié d'un très grand nombre de pays en Afrique, cette initiative du G8 bénéficiera-t-elle à tous les pays en voie de développement, ou le Canada voudra-t-il accorder la priorité à un nombre restreint de pays au détriment d'autres pays?

[Traduction]

    Le premier ministre précisera en détail quelle sera la contribution du Canada. Il le fera à l'occasion du sommet du G8, à la fin de juin. Je n'ai pas ces précisions.
    Comme je l'ai dit, les ministres et le gouvernement ont dit qu'ils allaient consacrer des ressources supplémentaires à cette initiative. Elle sera centrée sur les pays… comme vous pouvez le constater dans les données du G8, nous devons focaliser notre attention sur les pays et les populations où les besoins sont les plus grands. Comme c'est en Afrique que certains des besoins sont les plus grands, je m'attends à ce que les pays d'Afrique fassent l'objet d'une attention particulière. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a déjà tenu son engagement de doubler son aide à l'Afrique. Il l'a fait l'année dernière et cette année encore. Je crois que cela se poursuivra avec l'initiative sur la santé maternelle et infantile. Compte tenu des besoins, les pays de l'Afrique subsaharienne devraient recevoir une aide importante.
    J'ai seulement une brève question.
    Merci d'être venu tous les trois. Je l'apprécie vivement.
    J'ai de nombreuses questions, mais je vais seulement poser celle-ci. L'éditorial du Globe and Mail de ce matin parlait de la conférence Woman Deliver, à Washington, qui aura lieu en juin. Il y aura là-bas 3 500 experts de la santé infantile et maternelle. Le président Obama sera sans doute présent. Ban Ki-moon aussi.
    Le Canada n'a pas encore signalé son intention d'aller à cette conférence. Bien entendu, nous allons bientôt présider le G8. L'ACDI doit être présente là-bas. Cet engagement doit être pris.
    Savez-vous si nous avons l'intention d'y aller? Pourquoi n'irions-nous pas à cette conférence? Quelle en serait la raison?
    Merci, monsieur Pearson.
    J'avoue ne pas être au courant et je vais donc devoir m'informer pour vous dire ce qu'il en est. Merci.
    Très bien.
    Je tiens à remercier nos invités d'être venus ici aujourd'hui. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de venir.
    Je vais maintenant suspendre la séance. Nous allons accueillir nos nouveaux témoins.
    Merci, encore une fois, pour votre présence parmi nous.

(1200)
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre séance.
    Nous recevons aujourd'hui M. Francis Deng, conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, Département des affaires politiques des Nations Unies.
    Monsieur Deng, c'est un honneur et un privilège de vous recevoir ici aujourd'hui.
    J'invite simplement les membres du comité qui n'ont pas encore eu l'occasion de le faire, de jeter un coup d'oeil sur la biographie de M. Deng. C'est un éminent diplomate qui est l'ambassadeur du Soudan au Canada. Il a occupé un certain nombre de postes différents dont celui de ministre d'État aux Affaires étrangères du Soudan.
    Nous sommes certainement heureux de vous recevoir ici, monsieur. Vous avez une brève déclaration à nous faire, et je crois qu'ensuite nous ferons un tour de table pour vous poser des questions. Vous devez nous quitter à une heure moins vingt en raison d'autres engagements, alors si vous voulez bien faire votre déclaration, nous essaierons ensuite de vous poser le maximum de questions.
    Monsieur Deng, vous êtes le bienvenu. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est toujours un grand plaisir pour moi de revenir au Canada.
    Quelqu'un m'a demandé l'autre jour, en tant qu'ancien représentant spécial du Secrétaire général pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et maintenant conseiller spécial pour la prévention du génocide, pourquoi on me confie toujours des missions aussi difficiles. Bien entendu, cette mission est jugée très difficile et certains diront même impossible. Je dirais que c'est une mission impossible, mais qu'il faut la rendre possible.
    Nous reconnaissons tous, je pense, que l'humanité doit s'unir pour prévenir et punir le génocide, mais en réalité, nous savons qu'en général un génocide n'est reconnu qu'après coup. Pendant qu'il se produit ou se déroule, non seulement ses auteurs, mais ceux qui pourraient être appelés à intervenir ont tendance à nier son existence. Étant donné que c'est une situation si délicate et si difficile à gérer une fois qu'elle existe, je crois absolument essentiel de prendre des mesures de prévention, avant le durcissement des positions.
    À mon avis, la prévention consiste aussi à définir le problème de façon à ce que nous puissions facilement le comprendre et le gérer. Voilà pourquoi je considère le génocide comme une forme extrême de conflit relié à l'identité, que cette identité soit définie, conformément à la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, en fonction de l'appartenance à un groupe national, ethnique, racial ou religieux et peut-être même d'autres facteurs d'identification.
    Ce ne sont pas seulement nos différences qui causent des conflits; c'est aussi ce que ces différences représentent sur le plan de l'accès au partage du pouvoir, de la richesse, des ressources, des services, de l'emploi et des droits que confère la citoyenneté. En tant que représentant spécial du Secrétaire général pour les personnes déplacées, je suis allé dans de nombreuses régions du monde. J'ai toujours été frappé de voir à quel point ces sociétés étaient divisées et que certaines jouissaient d'une grande considération et bénéficiaient des droits et de la dignité associés à la citoyenneté tandis que d'autres étaient marginalisées, victimes de discrimination, exclues et privées de leurs droits. Dans ce genre de situations, les conflits sont inévitables. Lorsqu'ils se produisent, les personnes désavantagées sont victimes de celles qui tiennent le haut du pavé.
    Si c'est ainsi que nous comprenons la situation, la difficulté est de trouver un moyen de gérer les diversités de façon constructive de façon à promouvoir un sentiment d'égalité, un sentiment d'appartenance à la nation, un sentiment de satisfaction, un sentiment de dignité en tant que citoyen, en tant qu'être humain. Je crois qu'aucun pays qui se respecte et qui est digne du respect des autres et de légitimité ne peut priver ses citoyens de leurs droits.
    Je dois dire, pour avoir travaillé dans votre merveilleux pays pendant des années, que j'ai toujours été frappé par la façon dont vous gérez les différences et les diversités, par votre politique de multiculturalisme. J'ai visité de nombreuses régions du Canada et j'y ai vu cette politique à l'œuvre.
    Je vois là un défi à relever pour les gouvernements. Cela veut dire aussi que la première couche de protection, soit la prévention, est une responsabilité qui incombe à l'État. Je suis convaincu qu'à moins de travailler avec les gouvernements, de les mettre au défi de gérer de façon constructive leurs différences, nous ne pourrons pas réussir. Nous ne pouvons pas venir de l'extérieur pour dicter des solutions que les gens de l'intérieur ne considèrent pas comme la vision nationale.
    Voilà pourquoi, quand j'ai travaillé à la Brookings Institution à l'élaboration du projet Afrique, l'évaluation après-guerre froide des conflits en Afrique, j'ai insisté pour qu'au lieu de considérer ces conflits comme des guerres par procuration menées par les superpuissances pendant la guerre froide, on considère les problèmes dans leur véritable contexte, qu'il soit régional ou national, et que la responsabilité de résoudre le conflit soit d'abord attribuée à l'État, si nécessaire avec l'appui de la communauté internationale. C'est seulement dans les cas extrêmes où le gouvernement n'est pas à la hauteur de la tâche et où la population souffre et meurt en grand nombre que la communauté internationale sera appelée à intervenir.
(1205)
    Néanmoins, ce n'est pas facile, car si les forces en présence ont la capacité, même limitée, de résister l'intervention peut être très coûteuse. Par conséquent, comme Boutros-Ghali me le disait souvent, le fait que le tiers monde redoute l'intervention est un problème qui ne se pose pas, car dans la plupart des cas, quand la situation se gâte et que des menaces sont associées à l'intervention, c'est souvent l'absence d'intervention plutôt que la menace d'intervention que l'on redoute le plus.
    La solution la plus constructive est de travailler avec les gouvernements pour soutenir les trois piliers de leur responsabilité vis-à-vis de leur population en les aidant à protéger eux-mêmes leurs citoyens et en amenant, par divers moyens, la communauté internationale à faire plus pour combler les lacunes existantes, sans aller jusqu'à une intervention militaire. Cela représente un défi pour les pays qui ont la capacité de soutenir les pays qui n'arrivent pas à assumer leurs responsabilités, que ce soit en proposant des stratégies et des modèles qui peuvent servir d'exemples ou des pratiques qui risquent de diviser et de mener à des conflits d'identité génocidaires que nous devrions éviter.
    Telle est la façon dont j'aborde mon mandat. Je considère que je dois jouer le rôle de catalyseur auprès de ceux qui ont la capacité de faire ce qui doit être fait.
    Je dois préciser que j'ai un personnel très limité. J'ai le plaisir de dire qu'un des membres très dévoués de mon personnel est une citoyenne canadienne assise à côté de moi, Kelly Whitty.
    C'est un plaisir pour moi que de pouvoir discuter de ce sujet avec vous. Merci.
(1210)
    Merci, monsieur Deng.
    Nous allons essayer de faire un tour de questions. Nous disposons d'environ 20 ou 25 minutes et nous allons donc essayer de nous limiter à environ sept minutes chacun. Cela vous donnera environ une demi-heure. Je veillerai à ce que ce ne soit pas dépassé.
    Je vais commencer par le Dr Patry.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Deng, de comparaître ce matin.
    La semaine dernière, le comité a rencontré M. Gareth Evans, l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Australie. Il est venu parler d'un autre sujet, mais il est coprésident aux Nations Unies et coauteur de The Responsibility to Protect. Que pensez-vous de la mise en œuvre actuelle, au niveau des Nations Unies, de cette doctrine de la « responsabilité de protéger »? C'est ma première question.
    Voici la deuxième. En 2009, le sénateur Roméo Dallaire et l'Institut montréalais d'études sur le génocide et les droits de la personne ont produit ensemble un rapport intitulé Mobiliser la volonté d'intervenir. Ce rapport adressait des recommandations au gouvernement du Canada et des États-Unis. Quelle opinion en avez-vous?
    Merci.
    Merci.
    Dans un certain sens, on peut dire que la responsabilité de protéger résulte de l'évolution de la notion de souveraineté en notion de responsabilité. Certaines études ont démontré le lien entre ce que nous essayons de faire à Brookings et la responsabilité de protéger.
    Il y a près de trois ans, quand je suis venu à New York pour la première fois, mon collègue Edward Luck, le conseiller pour les questions relatives à la responsabilité de protéger et moi-même avons parlé aux représentants permanents et membres de la mission à New York. La majorité de ces représentants, particulièrement ceux des pays du tiers monde, ont pratiquement rejeté l'idée que le concept de la responsabilité de protéger avait été accepté. Disons plutôt que nous nous étions mis d'accord sur un cadre pour poursuivre les discussions et que cette notion n'avait pas été acceptée.
    La raison en était que lorsque nous parlions de ces trois piliers, le dernier pilier prévoyant une intervention militaire, et cela après avoir essayé de prendre d'autres mesures, était considéré comme l'élément essentiel de la responsabilité de protéger. Notre tâche consistait donc à dissiper cette fausse interprétation en insistant sur le fait que la responsabilité incombe à l'État, que l'État doit recevoir un appui pour renforcer sa capacité et que c'est seulement si l'État échoue manifestement, ce qui entraîne des conséquences désastreuses pour la population civile que la communauté internationale envisagera plusieurs phases d'intervention, y compris, en dernier ressort, une intervention militaire.
    Le Secrétaire général a présenté, cette année, un rapport dont l'Assemblée générale a débattu. Nous avons assisté, je crois, à un revirement total des mentalités depuis l'hésitation initiale à accepter la responsabilité de protéger que l'on accepte maintenant avec certaines réserves. La question est de savoir comment répondre aux réserves des pays qui craignent que les États plus puissants du nord pourraient s'en servir pour intervenir dans le sud. Notre insistance sur les deux premiers piliers a largement dissipé ce genre d'objections. Mais il reste du travail à faire.
    Je pense que c'est relié à votre deuxième question concernant la volonté d'intervenir. Il est vrai que dans une situation comme celle du Rwanda ou d'autres cas de génocide que l'histoire nous révèle après coup, peu de gens s'opposeront sans doute à ce que nous développions la volonté d'intervenir. Nous ne pouvons pas laisser de côté ce dernier recours, quand tout le reste a échoué. Néanmoins, j'insiste sur la prévention et la coopération précoces avec les gouvernements concernés qui doivent d'abord en faire une responsabilité nationale.
(1215)
    Monsieur Pearson, vous disposez de moins de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Il est merveilleux de vous recevoir tous les deux. C'est un honneur également d'avoir une Canadienne à cette table. Merci d'être venus.
    Monsieur Deng, je sais que vous venez du Soudan. Vous comprenez les pourparlers de paix Nord-Sud qui ont eu lieu et qui ont permis d'établir la paix au Soudan en 2005. Ce sujet m'intéresse beaucoup. Quand une région se trouve dans ce genre de situation, j'ai l'impression que, souvent, nous faisons en sorte que ce soit l'Ouest qui intervienne dans le pays. Cela peut être une mission des Nations Unies ou autre chose. Toutefois, j'ai toujours considéré, quand j'étais en Afrique, que la région devrait jouer un rôle très important.
    Dans le Sud, pour ce qui est de l'accord de paix global, l'IGAD, par exemple, a joué un énorme rôle pour amener M. Bashir à reculer, entre autres choses. Si nous prenons une situation comme celle du Congo, pensez-vous que nous pourrions exercer la volonté d'intervenir…? À bien des égards, les soupçons s'intensifient de plus en plus. Le Sud veut travailler avec le Sud et a peur d'une intervention du Nord.
    Serait-il possible qu'au Congo, par exemple, on puisse travailler au niveau régional pour exercer des pressions sur les combattants ou les diverses factions?
    Pensez-vous que cela devrait faire partie de la volonté d'intervenir?
    Absolument, et je me réjouis que vous posiez cette question. Dans mes propres travaux, j'ai insisté sur le rôle des organisations subrégionales et régionales et je dois dire que l'approche que j'ai adoptée pour mon mandat est bien accueillie en Afrique.
    J'ai pris la parole devant le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine. J'ai pris la parole devant le Groupe des sages de l'Union africaine. Nous avons élaboré un cadre d'analyse qui nous donne des outils pour évaluer les risques de conflits génocidaires. L'Union africaine adopte ces outils pour les intégrer dans son système d'alerte initiale.
    Néanmoins, en ce qui concerne le Congo, quand je suis allé là-bas, on m'avait d'abord averti de ne pas parler d'ethnicité ou de génocide. Quand je suis arrivé, tout le monde parlait d'ethnicité. Tout le monde se disait victime d'un génocide.
    Les forces des Nations Unies sur le terrain, peu importe à quel point elles sont renforcées, ont une tâche difficile qui consiste non seulement à soutenir le gouvernement et à protéger les civils, compte tenu de la prolifération des factions armées. Comme me l'a dit un commandant, pour désarmer ces factions, il faudrait envoyer une force expéditionnaire.
    J'ai constaté toutefois que si nous nous attaquions à certaines des causes sous-jacentes de ce genre de problèmes et cela dans un cadre régional où les intérêts de tous les pays en cause, pas seulement le Rwanda et l'Ouganda, mais toutes les régions… Nyerere avait l'habitude de dire que le problème du Rwanda et du Burundi est qu'il s'agit de minuscules pays surpeuplés entourés de grands pays ayant un vaste territoire.
    Par conséquent, dans mon rapport sur le Congo, j'ai insisté sur le fait qu'il fallait travailler avec les acteurs régionaux pour s'attaquer à ces causes sous-jacentes. Je dirais que si nous commençons par une prévention précoce, suivie d'une intervention qui ne va pas jusqu'à l'action militaire, la communauté mondiale peut faire beaucoup de choses.
    Certains des pays les plus puissants… Je reviens tout juste de Washington où j'ai eu d'excellentes réunions au Département d'État et à la Maison-Blanche, avec les groupes de réflexion, etc. Les grandes puissances peuvent faire beaucoup.
    La question que soulève la question précédente, selon moi, est aussi que les pays puissants du monde — et je veux parler de la puissance à la fois économique et militaire — ne peuvent pas rester les bras croisés devant le chaos, la destruction et les tueries massives qui se produisent dans certaines régions du monde. La sécurité mondiale présente un intérêt national, surtout dans les pays dont les intérêts ont de profondes ramifications et sont reliés à la paix et à la sécurité mondiale.
(1220)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Lalonde.

[Français]

    Merci, monsieur Deng. Merci de votre travail. Merci pour ce rapport que j'ai lu sur le Nord-Kivu.
    J'ai une première question. Si on traduisait autrement une partie de ce que vous nous dites, voici ce qu'il en serait. Vous nous dites qu'il faut avoir un diagnostic, qu'on ne peut pas intervenir et peut-être même qu'on ne peut pas aider un pays si l'on ne comprend pas la violence qui s'y développe. J'en veux pour preuve les nombreux éléments que vous nous donnez ici, qu'il faut étudier. Il faut donc commencer par comprendre, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui, je suis entièrement d'accord avec vous et c'est pourquoi je souligne qu'au lieu de voir un horrible problème auquel nous avons peur de toucher, nous devons considérer cela comme une crise dans la gestion des diversités, la gestion des différences, que ces différences soient d'ordre ethnique, religieuse ou autre et nous attaquer à ces causes sous-jacentes. À mon avis, l'insistance excessive sur la lutte contre le terrorisme, aussi valide soit-elle, car il ne fait aucun doute qu'il faut combattre le terrorisme, ne tient pas compte des sources sous-jacentes des problèmes qui existent dans un pays, ce qui, à long terme, ne sert pas cette cause.
    Voilà pourquoi, comme je l'ai dit, nous avons un cadre d'analyse que l'Union africaine adopte maintenant pour l'intégrer dans son système d'alerte initiale. Cela tient compte de huit séries de facteurs, à commencer par l'existence de groupes identitaires qui sont en conflit, des antécédents de discrimination et une certaine capacité à prévenir ou arrêter un génocide. Cela inclut ensuite certains facteurs de déclenchement tels que l'armée ou la présence de groupes armés, puis certaines conditions qui déclenchent la violence, par exemple des élections.
    Tous ces critères, que nous avons élaborés en collaboration avec bien d'autres experts dans ce domaine, peuvent servir de miroir dans lequel les pays peuvent se regarder pour voir quels sont les plans sur lesquels ils ont des bons ou des mauvais résultats et ce qu'ils doivent améliorer.
    Par ailleurs, je crois important d'examiner non seulement les pays problématiques ou préoccupants, mais aussi les modèles de succès. Une des raisons pour lesquelles je mentionne constamment votre pays est que vous avez, je pense, un modèle qui peut être très utile pour aider les autres à gérer leurs différences et parce que la prévention précoce est une approche créative et constructive qui crée moins de divisions que lorsqu'on doit envisager une intervention.

[Français]

    La situation de la République démocratique du Congo est une situation absolument dramatique. En fait, je ne sais pas qui peut dire... Vous, vous le savez. Il y a plusieurs situations de génocide à l'intérieur de la République démocratique du Congo. Il y a plusieurs minorités qui font l'objet d'attaques violentes de la part de divers groupes. Il y a des pays qui sont intervenus pour des raisons économiques, pour des raisons politiques. Comment doit-on intervenir dans ce pays?

[Traduction]

    Je pense que les trois piliers sont déjà en place au Congo. Nous avons un gouvernement qui n'a pas la capacité voulue, mais qui doit assumer, bien entendu, sa responsabilité nationale. Nous avons une communauté internationale qui aide le gouvernement. Nous avons une force qui, conformément aux normes des Nations Unies, dispose d'un mandat très énergique pour protéger les civils. Et nous savons que les femmes et les enfants sont parmi les principales victimes civiles.
    Jusqu'ici, ces trois piliers pris ensemble n'améliorent pas la situation. C'est parce que je crois qu'au lieu de traiter avec les groupes armés, d'essayer de les désarmer… La protection des civils revêt une importance cruciale, mais nous devons nous diriger vers un processus de paix qui réunira tous les pays de la région qui ont des intérêts en jeu.
    Au lieu de ces deux… pour ce qui est des pays surpeuplés, il faut favoriser des ententes régionales qui rassembleront tous les pays de la région de façon à créer la paix, la sécurité et la stabilité dans l'ensemble de ce secteur. L'approche régionale est efficace, car les différents pays ont le sentiment d'être solidaires. Ils sont confrontés aux mêmes problèmes; ils doivent travailler ensemble pour s'entraider. Par exemple, la CEDEAO a réussi relativement bien à le faire pour les pays de l'Afrique de l'Ouest.
    Je reviens tout juste de Guinée et j'ai eu des discussions au Ghana et en Guinée. J'étais censé aller au Nigeria. Là-bas, les gens sont prêts à travailler avec la communauté internationale et dans le cadre de mon mandat de prévention. Il y a déjà, dans la région des Grands-Lacs, un processus en cours qu'il faut aussi soutenir. En ce qui concerne ces initiatives régionales, le problème est que, comme nous l'avons vu au Darfour avec les forces de l'Union africaine, la volonté est peut-être présente, mais la capacité voulue n'est pas là. Il est essentiel de soutenir la capacité de ces pays pour qu'ils puissent agir dans l'intérêt de la région.
    Cet appui peut revêtir diverses formes. Nous devons bien comprendre la situation. Si je vais dans un pays et si, après avoir utilisé mon cadre d'analyse, j'en reviens en disant que le noeud du problème est la pauvreté, le partage des ressources, les violations des droits de la personne, l'exclusion politique…
    Nous avons vu ce qui s'est passé au Kenya où finalement, même si les élections ont déclaré un vainqueur et un perdant, il a fallu mettre en place un gouvernement d'unité nationale. La situation est la même au Zimbabwe. Nous devons transcender l'idée selon laquelle la démocratie signifie simplement des élections avec un gagnant et un perdant. Dans le contexte occidental, une minorité peut manifester une opposition respectueuse. Le fait de gagner ou de perdre les élections ne signifie pas que vous gagnez ou vous perdez tout. Nous avons tendance à penser que les élections représentent la démocratie alors que ce n'est qu'un petit élément de ce que la démocratie devrait être.
(1225)
    Merci infiniment.
    Nous allons passer à M. Goldring, puis à M. Van Kesteren.
    Vous disposez de sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue.
    Monsieur Deng, je crois qu'un des éléments les plus fondamentaux d'une société civile est le respect de sa population, et surtout de ses femmes et de ses enfants. Nous avons vu plus tôt, au cours d'une autre réunion, des statistiques consternantes selon lesquelles 1 100 femmes et fillettes sont violées chaque mois. Sur une période de 10 à 12 ans, ce chiffre pourrait atteindre 1,5 million.
    Étant moi-même un ancien militaire, sachant qu'un gouvernement élu est maintenant en place et que certains de ces viols sont commis par la milice, par la police et qu'il y a sur place une force des Nations Unies de 20 000 soldats, je trouve incroyable que la situation continue. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles notre bon général Leslie n'a pas jugé bon d'assumer cette responsabilité ou il avait d'autres choses à faire.
    Je voudrais savoir pourquoi, à votre avis, il n'y a pas eu de progrès à ce niveau. Je serais porté à croire que tous les militaires ont failli à leur tâche. C'est un problème que peut-être… il serait intéressant de savoir si, selon vous, ces crimes sont effectivement punis, si les châtiments ne sont pas suffisamment dissuasifs ou si c'est accepté culturellement dans la région.
    Je pourrais commencer par ce que vous venez de dire au sujet de l'acceptation culturelle.
    J'ai longuement étudié ma société traditionnelle et je dois vous dire que les règles de la guerre dans la société traditionnelle étaient très strictes. Bien des gens diront qu'elles étaient aussi rigoureuses que les normes humanitaires internationales actuelles. Vous ne pouviez pas avoir d'enfants avant l'âge de la maturité quand vous étiez initié comme guerrier, ce qui veut sans doute dire l'âge de 18 ans et plus. Vous ne pouviez pas faire participer des enfants à la guerre. Vous ne pouvez pas tuer des enfants. Vous ne pouvez pas tuer des femmes. Même une personne qui a quitté le champ de bataille…
(1230)
    Nous parlons des viols.
    … ne devrait pas être touchée.
    Il est important pour nos sociétés de s'inspirer vraiment de ce que dicte notre culture pour renforcer les normes universelles au moyen des variations culturelles traditionnelles. Je crois que c'est essentiel pour soutenir une société bien implantée.
    Alors pourquoi échouons-nous? Encore une fois, le problème est que nous insistons sur une intervention militaire face à une situation pour laquelle il est aussi nécessaire, comme je l'ai déjà dit, de s'orienter massivement vers la paix.
    La MONUC est aussi mandatée que toute autre force des Nations Unies pour protéger les civils et elle fait de son mieux, s'exposant même parfois au danger pour protéger les populations civiles. Néanmoins, elle se révèle clairement insuffisante. Nous ne sommes pas capables de faire ce qu'il faut faire. Voilà pourquoi je pense que nous devrions intensifier le processus de paix pour mettre un terme au conflit de façon complète.
    Un grand nombre de factions armées qui sont là pourraient être qualifiées, à juste titre, de terroristes. Néanmoins, même la LRA, qui est considérée comme une organisation terroriste… Le nord de l'Ouganda connaissait des problèmes qu'il fallait résoudre et qui ont donné naissance à la LRA. Si vous prenez les réfugiés tutsi du Congo, les gens ont peur de revenir parce qu'ils ont commis un génocide et craignent d'en être victimes à leur tour s'ils retournent chez eux. Cela vaut aussi pour les organisations tutsi qui estiment devoir se protéger à cause de l'histoire du génocide dans toute la région.
    Vous devez adopter une approche globale avec la participation des pays de la région. Des efforts permanents sont déployés, mais je crois qu'il faut également le soutien de la communauté internationale.
    Monsieur le président, je vais poser cette question très rapidement. Je n'ai pas beaucoup de temps.
    Monsieur Deng, merci d'être venu.
    Vous avez parlé de l'histoire, vous avez parlé de la guerre froide. Les résultats pour le Soudan sont ce conflit. Il y a un nouvel acteur, qui n'est pas forcément nouveau, mais qui devient très visible sur la scène africaine, et c'est la Chine.
    La Chine a une approche différente. Elle offre la stabilité sur le plan de l'infrastructure, le genre de choses que les pays émergents accepteront sans doute plus rapidement que la démocratie et certaines des choses que nous offrons aux Nations Unies.
    Avez-vous des inquiétudes vis-à-vis de la Chine? Par exemple, je crois qu'au Soudan, le nord et le sud… pour le moment, le nord offre des baux de 100 ans dans les régions… dans le sud Soudan aux Chinois. Cela vous inquiète-t-il? Craignez-vous que cela entraîne des conflits futurs et peut-être des nouvelles horreurs que nous n'avons pas encore connues?
    Permettez-moi de vous faire un bref historique pour répondre à votre question.
    J'ai coprésidé, à Washington, un groupe de travail qui devait élaborer une politique soudanaise pour la nouvelle administration, qui était l'administration Bush. Quand nous avons commencé, la plupart des gens disaient que le Soudan ne présentait pas un intérêt national pour les États-Unis, que le seul intérêt était l'implication de ce pays dans le terrorisme et la déstabilisation des pays de la région ainsi que la question humanitaire. J'étais le seul Soudanais ou non-Américain de ce groupe de travail que je présidais.
    Ma position était que le Soudan est un pays qui rassemble le sud et le nord de l'Afrique, deux séries de civilisations, de cultures et de races. Il pouvait constituer un lieu de réunion de conciliation ou un lieu d'affrontement, ce qui aurait des répercussions au Moyen-Orient et dans le sud. Le Soudan participe au terrorisme parce qu'il croit que l'Ouest soutient le sud du pays dans le conflit. Les Soudanais s'associent à ceux qui partagent leurs idées selon le principe que l'ennemi de mon ennemi est mon ami. Le Soudan déstabilise la région, encore une fois parce qu'il pense que les pays d'Afrique noire soutiennent le sud.
    La question humanitaire, la crise humanitaire est le résultat de la guerre. Faisons de la paix la priorité. En tant que puissance mondiale ayant des intérêts dans le monde entier, les États-Unis ne peuvent pas se permettre de se désintéresser de la situation sur le terrain sous prétexte qu'ils n'y ont pas d'intérêt national étroit. Ils doivent avoir un intérêt implicite en tant que leader mondial, avec les responsabilités que cela représente.
    Il n'y a pas seulement les États-Unis. De nombreux pays jouent un rôle prépondérant. Votre pays en est un. Il y a aussi le Royaume-Uni et la Norvège. Ils ont tous joué un rôle majeur pour amener la paix au Soudan et la fin de la guerre dans le sud a mis un terme à tous ces autres fléaux qui y sont associés.
    Je crois que le Darfour est un exemple de bonnes intentions qui ont donné des résultats médiocres. Si nous avions considéré le Darfour comme le dernier d'une série de conflits qui ont commencé au sud et qui ont gagné le nord, nous aurions sans doute pris des mesures constructives pour mettre un terme au conflit. En tant que grande puissance qui devient de plus en plus mondiale, la Chine doit reconnaître que la domination mondiale s'accompagne d'obligations et doit s'engager davantage avec les autres pays qui cherchent déjà à ramener la paix dans cette région. Je pense que la Chine commence à se rendre compte des responsabilités qui accompagnent la domination.
(1235)
    Merci.
    Nous allons terminer par M. Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie notre invité.
    Premièrement, pour clarifier une observation de mon collègue M. Goldring, ce n'est pas le général Leslie, je crois, qui a décidé de ne pas y aller. Compte tenu de l'organisation hiérarchique, c'est le gouvernement qui prend ce genre de décisions, comme c'est normal, et non pas le général. Nous ne voudrions pas d'un tel système. D'autre part, nous n'avons pas encore atteint le chiffre de 20 000 pour les forces de maintien de la paix au Congo.
    Cela dit, monsieur Deng, j'ai trouvé très intéressants vos propos concernant les trois piliers et je les apprécie. Vous n'en avez pas parlé, mais il a déjà été mentionné que le cas de l'Iraq a fait reculer toute la notion de la responsabilité de protéger. Malheureusement, un leader mondial qui n'est plus au pouvoir s'en est servi pour faire intervenir son pays en Iraq. Je peux comprendre pourquoi certains s'en inquiètent. Si la responsabilité de protéger a servi de prétexte pour intervenir en Iraq, cela pourrait m'inquiéter, ainsi que les gens qui ont travaillé à cette doctrine.
    Pour ce qui est d'insister sur les deux autres piliers comme vous l'avez dit, je vais en revenir au cas du Congo. Compte tenu des acteurs régionaux et de la capacité requise, j'aimerais savoir ce que vous pensez des domaines dans lesquels, si nous étions prêts à apporter notre soutien… au Congo, étant donné que vous avez été là-bas et que vous avez rédigé un rapport. Je veux parler des domaines en dehors de l'intervention militaire. Nous mettrons cela de côté, car c'est une question distincte… on nous l'a posée et nous avons donné une réponse. Quels sont les autres domaines dans lesquels nous pouvons apporter notre aide au Congo en ce qui concerne ces deux autres piliers?
    Merci.
    Encore une fois, j'ai l'impression, que nous parlions des deux premiers piliers ou de la prévention au sens large, qu'il est possible de faire beaucoup de choses pour soutenir les pays ou les régions afin de renforcer leur capacité pour les processus de paix dont je parle. La région des Grands Lacs est déjà en train de s'organiser. Il y a des besoins très précis auxquels je crois qu'il faut répondre pour accroître sa capacité d'agir efficacement.
    À mon avis, si nous diagnostiquons des problèmes dans un pays, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux ou autres, il y a des ressources que les pays comme le vôtre peuvent apporter pour remédier à la situation. Ce ne sont pas toujours des ressources matérielles. Cela pourrait être des conseils. Cela pourrait être d'ordre politique. J'ai déjà parlé d'un partage de l'expérience, d'un partage des modèles qui fonctionnent, et cela de façon détaillée et complète. À mon avis, la région des Grands Lacs est déchirée par des problèmes qu'il est possible de résoudre et les ressources qui ont été une grande source de dissensions pourraient devenir une source d'entente.
    Vous avez mentionné l'Iraq. Je dis à mes collègues africains du système des Nations Unies que nous insistons trop sur l'intervention extérieure. À moins que vos intérêts nationaux ne soient très forts comme les États-Unis l'ont certainement conclu dans le cas de l'Iraq… ou peut-être suite à ce qui s'est passé en Somalie, les États-Unis hésitaient à intervenir au Rwanda. Ce qui s'est passé au Rwanda a amené les États-Unis à jouer un plus grand rôle au Kosovo et cela peut être aussi à cause de leurs autres intérêts dans la région. À moins que ce ne soit le cas, l'intervention n'est pas un concept qui plaît beaucoup.
    Nous avons tort, je crois, d'en faire une question très préoccupante alors qu'en réalité, pour un grand nombre de ces pays, c'est le manque d'intérêt plutôt que la menace d'intervention qui est important. Cela ne veut pas dire toutefois qu'il faut se désengager, car je ne pense pas que l'isolationnisme soit possible dans le monde d'aujourd'hui. Ce qu'il faut, selon moi, c'est un engagement plus réfléchi, constructif et productif dans les régions et avec les pays de la région pour atteindre les objectifs souhaités.
    M. Paul Dewar: Merci.
(1240)
    Merci beaucoup, monsieur Deng, pour votre présence ici.
    Madame Whitty, merci de vous être jointe à nous.
    Je sais que vous allez vous occuper de ce dossier au cours des prochaines années. En tout cas, si vous revenez au Canada, je suis certain que notre comité aimerait beaucoup obtenir une mise à jour au sujet de vos activités. Quand vous aurez l'occasion de revenir, veuillez nous le faire savoir afin que nous puissions prévoir une réunion. Nous aimerions beaucoup vous recevoir.
    Merci infiniment de m'avoir reçu. Je l'apprécie.
    Merci.
    Sur ce, nous allons conclure.
    La séance est levée.
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