FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1er juin 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous entamons l'étude du sommet du Groupe des Huit, le G8, avec une mise au point au sujet de l'initiative sur la santé maternelle et infantile.
Je tiens à remercier encore nos témoins d'avoir bien voulu nous laisser le temps de régler quelques petites questions.
Nous accueillons Mme Scott-Parker, de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle.
La greffière a déjà dû vous dire que vous aurez huit minutes pour faire votre déclaration. Alors, commençons sans plus attendre. Je crois que vous devez aussi lire la déclaration de la Fédération internationale pour le planning familial.
Commençons par vous, et chacun aura son tour, puis nous reviendrons à vous, pour que vous n'ayez pas à parler pendant 16 minutes consécutives. Est-ce que cela vous convient?
Je sais que c'est possible à la plupart d'entre nous, mais je ne veux pas vous imposer cela.
Nous commençons donc par Mme Scott-Parker, de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle.
Vous avez huit minutes, et si vous voulez bien essayer de ne pas en prendre plus, nous pourrons avancer assez rapidement.
Je vous cède la parole.
Je vous remercie.
Je tiens d'abord à remercier le comité de nous accueillir ici aujourd'hui. Je suis très honorée d'avoir été invitée à témoigner avec mes autres collègues de la société civile.
Je vais d'abord brièvement vous présenter l'organisation que je représente. La Fédération canadienne pour la santé sexuelle, qui s'appelait auparavant la Fédération pour le planning des naissances du Canada, est un réseau national dont la vocation est de faciliter l'accès à l'information et à l'éducation sur la santé sexuelle, ainsi qu'à une gamme complète de services en la matière, partout au Canada et dans le monde entier.
Nous avons des organisations affiliées dans diverses collectivités du Canada, des petites organisations d'information et d'éducation à celles qui offrent l'éventail complet de soins de santé primaires. Ensemble, elles se consacrent à fournir aux membres de leur collectivité de l'information et des services de qualité en matière de santé sexuelle et génésique.
En plus de constituer un réseau d'organismes du pays, la fédération est très fière d'être l'organisation canadienne membre de la Fédération internationale pour le planning familial. Je vous suis reconnaissante de bien vouloir me permettre de lire tout à l'heure la déclaration de mon collègue. Son vol d'hier a été annulé, et il m'a chargée de vous transmettre ses excuses.
La FCSS et nos nombreux collègues qui oeuvrent dans le domaine de la santé sexuelle et génésique ont été heureux d'entendre le gouvernement annoncer au début de 2010 qu'il prendra la tête d’une initiative majeure visant à mettre l'accent sur la santé des mères, des nourrissons et des enfants lors du Sommet du G8. Nous estimons qu'il faut une approche intégrée pour sauver la vie de femmes, notamment en offrant une gamme complète de services en santé sexuelle et génésique, dont l'accès à des moyens modernes de contraception et à l'avortement sans risque, là où l'avortement est légal.
Trop longtemps, les progrès ont été modestes sur le plan de la santé maternelle et infantile. Pourtant, un solide consensus se dégage à l'échelle internationale sur les mesures qui s'imposent pour engendrer le changement. On note aussi un ferme engagement, du moins en principe, de la communauté internationale. Il n'a manqué que la volonté politique et les fonds. L'intérêt sans précédent que suscite la question depuis un an nous offre une occasion en or de prendre un nouvel élan.
Passons rapidement en revue quelques faits concernant la santé maternelle. On estime que, dans le monde, 215 millions de femmes qui souhaiteraient planifier leur famille n'ont pas accès à des services pour ce faire. Si la contraception était beaucoup plus accessible, le nombre de grossesses non désirées chuterait considérablement, de même que celui des décès et des complications liés à la grossesse.
De solides preuves montrent que la planification des naissances sauve des vies. La Banque mondiale estime qu'un recours accru à des méthodes de contraception fiables pourrait prévenir 40 p. 100 des décès de mères. Selon les récentes recherches publiées par l'institut Guttmacher, le nombre de décès liés à la grossesse serait réduit de 70 p. 100 si, en plus de répondre au besoin de soins de santé pour les mères et les nourrissons, on satisfaisait également au besoin en matière de contraception. Et le nombre d'avortements à risque passerait de 20 millions à 5,5 millions.
L'étude conclut par ailleurs qu'il serait moins coûteux de combler ces deux types de besoins plutôt que de seulement s'attaquer au besoin de soins pour les mères et les nourrissons, parce que la baisse du nombre de grossesses non désirées entraînerait une énorme réduction dans les soins liés à la grossesse. Je ne pense pas que l'on puisse mieux illustrer la nécessité d'une gamme complète de services de santé sexuelle et génésique, y compris l'accès à la contraception. Le tout s'inscrirait dans le cadre d'une initiative sur la santé maternelle.
Chaque année, entre 530 000 et 330 000 femmes meurent de complications liées à la grossesse et à l'accouchement. Pourquoi un tel écart? Selon des recherches récentes, des changements très positifs pourraient être survenus. On estime que 13 p. 100 de ces décès sont attribuables à des avortements à risque, qui feraient donc quelque 70 000 victimes chaque année.
J'ai d'autres statistiques connexes: environ 25 p. 100 de ces décès sont attribués à des hémorragies post-partum; 13 p. 100 à des infections; 12 p. 100 à l'éclampsie; 8 p. 100 à l'arrêt de progression du travail. Il y a aussi d'autres causes directes et indirectes.
La contraception et l'avortement sans risque vont de pair. Il peut arriver que l'accès à la contraception ne suffise pas pour permettre aux femmes d'exercer leur droit de décider du moment et de l'espacement de leurs grossesses, notamment en cas d'échec de la contraception, de viol ou de coercition sexuelle. Il faut mettre l'avortement sans risque à la portée des femmes là où cette intervention est légale.
Lors du Sommet du G8 de 2009, le Canada s'est engagé à favoriser l'accélération des progrès dans la lutte contre la mortalité infantile, notamment par la prestation de services de soins de santé sexuelle et génésique et de planification familiale volontaire. Un consensus s'est dégagé entre les chefs d'État du G8 sur l'importance de la santé maternelle et infantile et sur la nécessité d'une gamme d'interventions de qualité fondées sur les preuves dans un système de santé efficace. Ce pourrait être notamment des conseils, des services et des articles pour la planification familiale; des soins spécialisés pour la mère pendant et après la grossesse ainsi qu'à l'accouchement, de même que pour le nouveau-né; des services d'avortement sans risque dans les pays où cette intervention est légale; une meilleure nutrition et la prévention des principales maladies infantiles.
Le prochain sommet du G8 aura lieu à un moment critique, alors que les chefs d'États du monde se préparent aussi en vue de la réunion de septembre prochain sur le thème des progrès réalisés par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le développement, les OMD. Les OMD 5 et 5(b) sont ceux pour lesquels il y a eu le moins de progrès, et ce sommet du G8 est l'occasion rêvée d'y changer quelque chose.
Il faut des organisations de la société civile solides et compétentes pour mettre en oeuvre efficacement la stratégie pour la santé des mères et des nourrissons. Pour que les OMD puissent être atteints et que des progrès soient réalisés dans le dossier de la santé sexuelle et génésique et des droits en la matière, la société civile doit joindre ses efforts à ceux des gouvernements. Ces organisations sont souvent remarquablement bien placées pour offrir des services spécialisés de santé sexuelle et génésique, particulièrement aux populations les plus défavorisées et marginalisées. La Fédération internationale pour le planning familial et les organisations du monde entier qui lui sont affiliées constituent des éléments fondamentaux de l'infrastructure de la santé maternelle, s'efforçant, dans les pays les moins développés, de rehausser la capacité de fournir des services efficaces et de grande qualité, dans une optique axée sur les droits.
Dans l'approche qui a été proposée pour cette initiative du G8, les pays choisiraient des éléments d'une gamme d'interventions nécessaires pour améliorer la santé maternelle et infantile plutôt que de faire des investissements globaux. Je crois que cette approche est dangereuse et qu'elle risque d'entraîner le sous-financement des aspects fondamentaux de la stratégie pour la santé des femmes, de nuire aux systèmes de santé et de mettre la vie des femmes en danger. Les preuves à cet effet sont écrasantes, et la communauté internationale est unanime quant aux mesures à prendre.
Je dois donner naissance à mon deuxième enfant dans un peu moins de trois semaines, pas beaucoup plus tôt j'espère. Je le ferai dans le cadre du système de santé du Canada, avec le soutien expert d'une sage-femme. Si j'ai la malchance de faire une hémorragie post-partum comme lors de mon premier accouchement il y a trois ans, je recevrai des soins obstétriques d'urgence et serai confiée aux soins d'un obstétricien gynécologue. Je pourrai compter sur un moyen de transport pour me rendre à l'hôpital et sur des routes praticables. L'hôpital de soins tertiaires qui m'accueillera disposera d'un stock de produits sanguins et d'un spécialiste sur appel.
Une complication n'est pas exclue, mais elle serait peu susceptible de mettre en péril ma vie ou le bien-être à long terme de ma famille. J'ai choisi d'avoir mon deuxième enfant presque exactement trois ans après le premier, et j'ai eu accès à diverses méthodes modernes de contraception pour appuyer ce choix. Il m'aurait aussi été facile d'obtenir un avortement si je n'avais pas voulu de cette grossesse.
Toutes les femmes du monde devraient avoir des moyens de contrôler leur fertilité, d'avoir des grossesses sans risque et d'accoucher en toute sécurité. Le Canada a là une occasion de se montrer un véritable leader sur la scène mondiale. Nous attendons encore avec une vive impatience les détails de cette initiative vedette, du plan et des engagements financiers. Nous pouvons montrer l'exemple en investissant dans une stratégie intégrée pour la santé des mères, des nourrissons et des enfants, laquelle serait fondée sur les preuves et optimiserait les investissements en créant une gamme complète de services de santé sexuelle et génésique.
Je vous remercie.
Merci.
Nous laissons maintenant la parole à Mme McDonald, qui représente Action Canada pour la population et le développement. Madame McDonald, vous avez huit minutes.
L'ACPD est une organisation de défense des droits de la personne qui se concentre surtout sur les droits des femmes et les droits sexuels et génésiques.
Depuis un an, dans le monde, la question de la mortalité maternelle reçoit une attention sans précédent, tant sur le plan de la santé que sur celui des droits de la personne. Alors qu'au Canada, les probabilités qu'une femme meure de complications liées à la grossesse et à l'accouchement sont de une sur 11 000, cette proportion est de une femme sur sept au Niger. Cette injustice et cette iniquité font ressortir la gravité des violations des droits de la personne. C'est pourquoi il est du devoir de pays industrialisés comme le Canada de faire plus.
Alors, parlons d'abord de ce que ces pays industrialisés ont déjà convenu de faire.
Dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement, les OMD, la communauté internationale s'est engagée à réduire des trois-quarts le taux de mortalité maternelle et à assurer l'accès universel aux services de santé génésique, d'ici à 2015. Les dirigeants mondiaux doivent se réunir en septembre pour examiner les progrès réalisés par rapport à ces objectifs. Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, a annoncé en avril un plan d'action conjoint en vue d'accélérer les progrès dans le secteur de la santé maternelle et infantile.
Les OMD n'ont rien de nouveau. En 1994, lors de la Conference internationale sur la population et le développement, 179 gouvernements, dont celui du Canada, se sont engagés à assurer pour 2015 l'accès universel à une gamme complète de méthodes sûres et fiables de planification familiale et aux services connexes de santé génésique autorisés par la loi, en l'occurrence l'avortement. Des experts en droits de la personne ont par la suite précisé ces engagements dans le régime des Nations Unies. Ces dernières années, le droit de survivre à la grossesse et à l'accouchement est devenu de plus en plus reconnu comme un droit fondamental de la personne. D'après ces experts, les décès évitables de mères sont une enfreinte au droit de la femme à la vie, à la santé, à l'égalité et à la non-discrimination. Plusieurs organes de surveillance de l'application des traités des Nations Unies ont constaté que des pays violent des traités sur les droits fondamentaux de la personne en ne mettant pas en oeuvre les mesures de prévention de la mortalité maternelle.
En 2006, tous les chefs d'État de l'Afrique sans exception ont ratifié le plan d'action de Maputo sur la santé sexuelle et génésique ainsi que sur les droits qui, entre autres stratégies, charge leurs systèmes de santé de fournir des services d'avortement sans risque dans toute la mesure que le permet la loi. Tous les pays de l'Afrique autorisent l'avortement dans au moins certaines circonstances. En avril dernier, l'Union africaine a convoqué une conférence continentale en vue d'accélérer les progrès au chapitre de la santé maternelle et infantile, démontrant ainsi leur engagement à l'égard de cet enjeu très important.
Vous savez que le Canada s'est aussi engagé à fournir de l'aide à l'étranger en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle, en vertu de laquelle l'aide doit systématiquement être axée sur la réduction de la pauvreté, et les points de vue et préoccupations des bénéficiaires doivent être pris en compte, conformément au plan d'action de Maputo. L'aide du Canada et toutes les décisions s'y rapportant, y compris l'initiative pour la santé maternelle et infantile, doivent être conformes, entre autres, aux normes internationales en matière de droits de la personne.
Parlons maintenant de ces normes qu'ont élaborées des experts chargés d'interpréter les traités internationaux sur les droits de la personne et de formuler les normes internationales ou les obligations imposées aux pays, notamment offrir une gamme complète de services abordables en santé génésique, dont la planification familiale; des programmes d'information sur l'accès aux contraceptifs et à l'avortement sans risque, dans le respect des lois locales; des mesures de prévention des grossesses non désirées et des avortements à risque; de l'information sur la santé génésique et la planification familiale; des soins obstétriques d'urgence; la garantie qu'un personnel compétent assiste aux accouchements; des soins d'urgence de qualité à toutes les femmes en cas de complications découlant d'avortements à risque.
En juin dernier, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté une résolution historique qui classe la mortalité et la morbidité maternelles au nombre des préoccupations pressantes relatives aux droits de la personne. Par cette résolution, que le Canada a coparrainée, les pays membres ont établi que la santé maternelle doit être reconnue comme un enjeu des droits de la personne et qu'il faut intensifier de toute urgence les mesures visant à réduire les taux inacceptables de décès et de complications évitables.
Le 2 juin — cela fera un an demain —, le Parlement a adopté à l'unanimité une résolution visant à réduire la morbidité et la mortalité des mères et des nouveau-nés, tant au pays qu'à l'étranger, notamment par l'intermédiaire du G8 et d'autres initiatives mondiales.
L'année dernière, lors de la réunion qu'ils ont tenue en Italie, les chefs des États membres du G8, dont le Canada, ont convenu que la santé maternelle et infantile était l'un des problèmes de santé mondiaux les plus pressants. Ils se son engagés à accélérer les progrès au chapitre de la santé maternelle, notamment par des services de santé sexuelle et génésique ainsi que par la planification familiale volontaire.
Jeudi dernier, quand la ministre Oda a comparu devant le Comité permanent de la condition féminine, elle a cité deux extraits du paragraphe 8.25 du Programme d'action adopté lors de la Conférence internationale sur la population et le développement.
Voici le premier: « L'avortement ne doit en aucun cas être promu en tant que méthode de planification familiale. » Passons au deuxième: « La plus haute priorité doit toujours être accordée à la prévention des grossesses non désirées ». La ministre a alors précisé: « C'est le plan d'action que nous suivons, et c'est le plan d'action sur lequel le FNUAP et d'autres organismes des Nations Unies se fondent pour définir cette expression. » Cependant, elle a négligé de citer la suite du paragraphe. Il y est question de la nécessité de « prendre conscience du fait que les séquelles des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions posent un problème majeur de santé publique ». Les gouvernements sont incités « à réduire le recours à l'avortement en étendant et en améliorant les services de planification familiale » et à s'assurer que les femmes qui ont des grossesses non désirés « devraient avoir facilement accès à une information fiable et à des conseils empreints de compréhension ».
Il y est aussi dit que toute mesure ou toute modification liée à l'avortement doit être arrêtée conformément aux procédures législatives nationales. Donc, la politique canadienne d'aide étrangère pourrait-elle entraîner une telle modification? De plus, lit-on encore, dans les pays où l'avortement n'est pas contraire à la loi, il devrait être pratiqué dans de bonnes conditions de sécurité et, dans tous les cas, les femmes devraient avoir accès à des services de qualité pour remédier aux complications découlant d'un avortement.
Si le gouvernement s'inspire du paragraphe 8.25 du Programme d'action, ce qui semble être le cas, il devrait adhérer à tout le paragraphe et pas seulement aux extraits qui font son affaire. Le gouvernement ne peut pas retenir seulement ce qui lui convient.
Voyons ce que nous pourrions souhaiter de ce sommet du G8. Si le gouvernement s'appuie sur les définitions des Nations Unies de santé génésique, il ne peut pas appuyer son programme uniquement sur les extraits de paragraphe qui lui conviennent. Ce programme doit être conforme à la Loi sur les responsabilités en matière d'aide au développement officielle et aux normes internationales sur les droits de la personne. Le gouvernement doit fonder ses programmes sur les données qui montrent que la planification familiale sauve des vies et que des services d'avortement sans risque doivent être fournis quand la loi le permet. Ces services doivent être fournis aux quelques huit millions de femmes qui, chaque année, souffrent de complications découlant de pratiques d'avortement risquées.
Je vous remercie.
Merci, madame .
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Lynch, qui représente la Confédération internationale des sages-femmes.
Madame Lynch, vous avez huit minutes.
Je vous remercie. C'est pour moi un plaisir que de comparaître devant le comité ce matin.
En ma qualité de présidente de la Confédération internationale des sages-femmes, je représente 250 000 sages-femmes de 87 pays. Je représente aussi la confédération au sein du conseil d'administration du Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant, un partenariat international qui réunit des organismes des Nations Unies, la Fondation Gates, l'USAID, auparavant l'ACDI et d'autres grandes ONG, qui font front face aux enjeux fondamentaux et mènent les interventions nécessaires à l'atteinte des cibles des OMD 4 et 5, les Objectifs du Millénaire pour le développement.
Ces dernières semaines, on a beaucoup parlé de statistiques sur la morbidité et la mortalité maternelles et infantiles, du fait que les gouvernements n'ont pas su les réduire et du peu de progrès réalisés par le Canada à l'égard des OMD 4 et 5. Le Canada a pris l'engagement extraordinaire de mettre cet enjeu à l'ordre du jour de la prochaine réunion du G8. Grâce à cet engagement, le public canadien a pu être informé et a pu exprimer son avis sur le rôle du Canada dans la lutte pour la santé maternelle et infantile dans les pays les plus pauvres du monde.
Nous avons appris cette semaine que le gouvernement avait engagé 1 milliard de dollars dans cette initiative. Ce ne sont pas les 2 milliards de dollars que nous avions espérés, mais nous ne devons pas moins en être fiers. Ne soyons tout de même pas naïfs. Le Canada a pris cet engagement. Il faut se concentrer sur la mise en oeuvre.
Ce matin, je compte parler surtout d'un élément fondamental du plan du Canada: parvenir à un effectif de professionnels de la santé pour réaliser les OMD 4 et 5. En examinant les éléments indispensables à l'amélioration des systèmes de santé, il ne faut pas oublier que cet effectif est le pilier central de la prestation des soins de santé. Nous devons nous assurer d'avoir la bonne personne à l'endroit approprié au moment pertinent. Notre prochain défi, ce sera l'éducation et la formation ainsi que le déploiement et le maintien en poste de ces professionnels de la santé. Tandis que nous étudions les besoins et la répartition, il est important, tout d'abord, de cerner les obstacles à la réalisation des OMD en matière de santé en Afrique subsaharienne, le foyer de la plus grande partie des pays à faible revenu. D'après l'étude qu'ont faite les ministres de la Santé de l'Afrique, l'OMS et la Banque mondiale sur le financement de la santé en Afrique, ce sont les pays les plus pauvres, on ne s'en étonnera pas, qui dépensent le moins de fonds publics par habitant à ce chapitre.
Pour sauver la vie à 3,9 millions de personnes, dont 90 p. 100 sont des femmes et des enfants, il faut un investissement annuel moyen de 21 à 32 $US par habitant sur les cinq prochaines années, ce qui permettrait de créer de 58 000 à 77 000 installations de santé. Il faudrait aussi de 2 millions à 2,8 millions de professionnels de la santé et d'administrateurs additionnels. Cet investissement devrait engendrer des retombées d'au moins 6 milliards de dollars, en gains économiques et de productivité. Il importe de reconnaître qu'en sauvant des vies, nous assurons aussi aux pays d'énormes gains économiques. Ces chiffres peuvent sembler énormes, particulièrement les 2 millions à 2,8 millions de professionnels de la santé. Vu sous cet angle, les services de santé risquent de devenir alors une entité anonyme et gigantesque. Pour constituer cet effectif et particulièrement pour atteindre les OMD 4 et 5, nous devons cerner les spécialités prioritaires et déterminer les services de santé que fournira chaque segment de l'effectif.
L'Organisation mondiale de la Santé, la Banque mondiale, l'UNICEF et le FNUAP ont constaté que les sages-femmes sont essentielles pour réaliser les OMD 4 et 5. Un effectif de sages-femmes adjoint à un système de santé efficace réduirait de 99 p. 100 l'incidence des décès et des handicaps chez les mères et les enfants. L'OMS estime que, pour cela, il faudrait 350 000 sages-femmes de plus à l'échelle mondial. Si nous voulons créer un effectif de professionnels de la santé — et plus important encore, un effectif de sages-femmes — durable, des défis devront être relevés. Je m'explique.
La formation des sages-femmes dans la plupart de ces pays est nettement déficiente. Peu de gens sont attirés par la profession, parce que c'est une main-d'oeuvre qui passe inaperçue dans bon nombre de ces pays de l'Afrique subsaharienne et du sud de l'Asie.
Voici ce que m'a raconté récemment le président de la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique. Lorsqu'il a rendu visite au ministre de la Santé d'un des pays pauvres de l'Afrique subsaharienne, celui-ci l'a fièrement amené non pas dans une, non pas dans deux, mais bien dans trois nouvelles écoles de médecine créées pour former davantage de médecins. Le président a alors demandé au ministre de lui montrer les nouvelles écoles de sages-femmes. Le ministre lui a répondu qu'il n'y en avait aucune.
Ensuite, ils se sont rendus dans les écoles de sages-femmes existantes, des établissements délabrés qui n'avaient pas été rénovés depuis facilement 20 ans et qui manquaient de personnel. Le président de la fédération internationale, la FIGO, a regardé le ministre en lui disant: « Pourquoi dépensez-vous autant pour former des médecins alors que vous avez plutôt besoin de sages-femmes? »
Le deuxième problème concerne la réglementation. Le Canada doit insister sur le fait qu'il faut réglementer les professionnels de la santé dans bien des pays pauvres, au fur et à mesure que leur effectif augmente. Je me suis récemment rendue en Haïti, où les professions de médecin, de sage-femme ou d'infirmière ne sont pas réglementées. J'y ai constaté que le gouvernement a reconnu que des soins de santé de qualité passent par la réglementation de ces professions.
La fidélisation des effectifs pose un grave problème, auquel nous nous attaquons de front en investissant un milliard de dollars pour augmenter les effectifs. Les femmes occupent presque exclusivement les postes de sage-femme et ceux dans le domaine de la santé. Songeons au troisième OMD: promouvoir l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes. Cet objectif vise directement l'effectif féminin dans le domaine de la santé, au sein duquel trop de femmes sont sous-payées, travaillent dans des conditions pénibles et sont surmenées sans considération. Dans les pays pauvres, environ 250 000 professionnels de la santé émigrent ou quittent le secteur public pour le secteur privé ou pour une ONG dans leur pays, ce qui cause une grave pénurie de personnel dans les régimes publics de santé. Des femmes meurent partout dans le monde alors que les régimes publics de santé sont sous-financés et reçoivent, nous le savons, de moins en moins de fonds de l'État, tandis que la privatisation gagne de plus en plus de terrain, 50 p. 100 des soins de santé étant donnés actuellement par le secteur privé.
Les Canadiens sont également concernés par cet exode vers les pays occidentaux, où les gouvernements décident délibérément de ne pas former suffisamment de professionnels de la santé. Afin de combler la pénurie en découlant, le Canada et les autres pays occidentaux maraudent en Afrique, offrant aux professionnels de la santé africains des conditions de travail supérieures à celles dont ils jouissent. Ce problème a été soulevé lors d'une réunion à laquelle j'ai assisté l'an dernier à Addis-Abeba en Éthiopie et qui regroupait les ministres de la Santé de 23 pays de l'Afrique subsaharienne. Ces ministres ont alors envisagé de faire payer aux pays riches le coût de la formation de leurs professionnels de la santé qui émigrent.
La plupart des gens ne souhaitent pas quitter leur pays natal. Cependant, la majorité des professionnels de la santé changeront leur fusil d'épaule si on leur offre un salaire décent et de meilleures conditions de travail dans un régime de santé efficace. Environ 23 p. 100 des professionnels de la santé du Canada proviennent de ces pays. Pour respecter l'engagement pris par la communauté internationale en vue de réduire cet exode des cerveaux, le Canada peut se donner pour tâche de former la totalité de ses effectifs dans ce domaine, ce à quoi sont parvenus le Japon et les pays scandinaves.
À l'échelle internationale, le Canada s'est engagé à favoriser le recrutement des professionnels de la santé afin que la mortalité maternelle et infantile diminue. Tablons sur nos écoles de sages-femmes de renommée internationale et sur les autres moyens dont nous disposons. Faisons profiter les autres de nos règlements rigoureux régissant la profession de sage-femme; de la collaboration fructueuse de nos sages-femmes avec les obstétriciens et les pédiatres ainsi qu'au sein d'équipes multidisciplinaires. Mettons le Canada à contribution. Collaborons avec ces pays pauvres avec comme objectif le recrutement d'une main-d'oeuvre qualifiée et permanente dans le domaine de la santé.
Nous savons les mesures qu'il faut prendre. Travaillons de concert pour que les fonds que nous engageons soient utilisés à bon escient.
Merci.
Merci, madame Lynch.
Je cède maintenant la parole à Mme Morris d'Initiative pour les micronutriments.
Je vous souhaite la bienvenue, madame Morris. Vous disposez de huit minutes.
Je remercie infiniment les membres du comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
L'Initiative pour les micronutriments est une organisation canadienne qui veille surtout à ce que les gens les plus vulnérables du monde — tout spécialement les femmes et les enfants — reçoivent les micronutriments dont ils ont besoin, c'est-à-dire de petites quantités de vitamines et de minéraux, et aient accès à des programmes de nutrition et de santé.
Le gouvernement canadien s'est engagé à faire de la santé maternelle et infantile le thème dominant de la réunion du G8 de cette année. Il a demandé aux membres de ce groupe et aux autres pays de s'appliquer à réduire le taux de mortalité et à améliorer les conditions de vie. Il est opportun et impératif que le Canada montre l'exemple. Le gouvernement canadien chercherait à convaincre les autres pays qu'il faut prendre des mesures pour réduire les taux de mortalité et de morbidité maternelles et infantiles dans les pays en développement. Cette initiative doit être couronnée de succès pour que la communauté internationale atteigne un des objectifs du millénaire pour le développement, soit réduire des deux tiers le taux de mortalité infantile et des trois quarts le taux de mortalité maternelle d'ici 2015.
Pour y parvenir, nous estimons que les programmes de santé maternelle et infantile devront mettre beaucoup l'accent sur la lutte contre la dénutrition. La nutrition a été qualifiée de parent pauvre des OMD, ce qui explique partiellement du moins les lents progrès constatés dans l'atteinte des OMD en matière de santé.
La réputée revue médicale The Lancet a publié récemment des preuves irréfutables le confirmant. Après avoir examiné attentivement les résultats de milliers d'études, elle a signalé que, annuellement, la dénutrition maternelle et infantile cause directement et indirectement environ 3,5 millions de maladies et de décès évitables. Elle a montré que les premières années de la vie d'un enfant déterminent la croissance de celui-ci et que la malnutrition à cette période cruciale entraîne des conséquences permanentes sur sa santé, sa productivité et sa prospérité.
Enfin, The Lancet a confirmé que, si elles sont prises pendant la période déterminante de la grossesse et des 24 premiers mois de la vie d'un enfant, des mesures facilement accessibles en matière de nutrition et de santé réduisent la mortalité infantile et améliorent la santé maternelle. Elle donne également des preuves supplémentaires montrant qu'une meilleure nutrition pendant cette période déterminante améliore le développement cognitif et le rendement scolaire, réduit le taux de décrochage et favorise la productivité nationale.
En 2008, le Consensus de Copenhague a résumé les conclusions d'un groupe d'éminents économistes, dont cinq lauréats du prix Nobel, qui a établi les dix meilleurs moyens d'optimiser l'aide à l'échelle mondiale. La nutrition figurait dans cinq de ceux-ci, et les micronutriments venaient en tête de liste.
[Français]
La dénutrition est l'un des plus graves problèmes de santé au monde, mais des solutions rapidement utilisables peuvent donner lieu aux retours sur investissement les plus élevés possible en matière de développement. Pourtant, cette question demeure terriblement négligée dans les efforts de développement international. En effet, de récentes évaluations de l'aide publique au développement fournie par les pays de l'OCDE ont fait apparaître une forte croissance des investissements en matière de santé en général, mais une faiblesse et une stagnation des niveaux d'investissement en nutrition. Pour le gouvernement canadien, cette initiative en vue du prochain sommet du G8 est donc une occasion de remédier à un tel manque et de tirer parti de ses antécédents de donateur d'avant-garde en ce domaine.
Lorsque les États membres de l'ONU ont pris leurs engagements envers les enfants dans le cadre du Sommet mondial pour les enfants de 1990, un sommet historique, le Canada a traduit son leadership en tant que co-président de l'événement en action pragmatique et concrète, en particulier dans le domaine de la nutrition, par la création de l'Initiative pour les micronutriments. Depuis près de 20 ans, notre pays soutient les efforts de l'Initiative pour les micronutriments en vue de financer un travail innovateur et d'encourager de nouveaux partenariats internationaux en faveur de la santé de l'enfant. C'est ce qui a valu au Canada d'être reconnu partout dans le monde pour son rôle central dans le succès des programmes de supplémentation en vitamine A et dans les importantes réductions de la mortalité infantile qui y sont associées.
[Traduction]
Comme on pouvait s'y attendre, le Canada s'attribue rarement le mérite qui lui revient. Dans les collectivités rurales éloignées, les étagères des postes sanitaires sont peu garnies, mais on y retrouve habituellement des bouteilles arborant un drapeau canadien et contenant de la vitamine A fabriquée ici. Cette vitamine permet de sauver des vies et de prévenir la cécité. J'aimerais beaucoup vous demander de remercier de notre part ceux et celles qui en sont responsables.
L'Initiative pour les micronutriments met en oeuvre ces mesures de concert avec les intervenants chargés d'autres programmes de santé, dans le cadre d'une coordination efficace. Ainsi, les enfants et les mères reçoivent à la foi les médicaments essentiels et les autres services nécessaires. Nous misons sur des professionnels chevronnés en santé communautaire qui interviennent directement à cette fin dans les diverses localités desservies.
Le traitement des maladies diarrhéiques est un bon exemple. Ces maladies sont l'une des principales causes de mortalité infantile. Presque un enfant de moins de cinq ans sur cinq meurt inutilement de la déshydratation, de l'affaiblissement de son système immunitaire ou de la malnutrition découlant d'une maladie diarrhéique. Le zinc pourrait réduire ce taux de mortalité. Nous préconisons d'investir massivement dans cette solution ainsi que dans tout traitement préventif et curatif de ces maladies. Il suffit non seulement de distribuer un micronutriment, en l'occurrence un simple supplément de zinc de 20 ¢ permettant aux enfants de se rétablir plus facilement, mais également de donner des sels pour réhydratation orale pour prévenir la déshydratation et d'investir suffisamment dans la promotion de l'allaitement maternel exclusif, l'accès à l'eau potable, l'hygiène, l'utilisation du savon à la maison, les récents vaccins contre la rougeole et les suppléments de vitamine A.
Les soins prénataux constituent un autre bon exemple. Pendant la grossesse, la femme doit prendre des suppléments de fer et d'acide folique qui aident à prévenir certaines anomalies congénitales. Des investissements importants sont nécessaires non seulement pour que ces suppléments soient distribués, mais également pour que chaque femme enceinte soit traitée par un professionnel de la santé formé qui pourra notamment lui remettre ces suppléments, lui donner des conseils et vérifier les risques de complications. Lors de l'accouchement, la femme doit pouvoir compter sur la présence d'un professionnel de la santé qui saura prendre les mesures nécessaires, entre autres attendre que le nouveau-né ait reçu le fer nécessaire de sa mère avant de couper le cordon ombilical.
Nous espérons que l'imminent sommet du G8 débouchera sur l'octroi de fonds qui permettront véritablement de favoriser l'atteinte des OMD en matière de survie des enfants et de santé maternelle. La communauté internationale peut y parvenir si elle s'y met sérieusement, et le Canada peut montrer l'exemple à ce chapitre.
Merci beaucoup, madame Morris.
Je cède maintenant la parole à Mme Dendys, de Résultats Canada.
Bienvenue. Vous avez huit minutes.
Résultats Canada est un organisme national populaire voué à la défense de la cause qu'il a épousée. Nous nous efforçons de susciter parmi les décideurs la volonté politique de mettre fin à la pauvreté et aux souffrances inutiles. Nous préconisons des solutions économiques et éprouvées, qui donnent des résultats tangibles et considérables et qui sont bénéfiques pour les plus démunis. À nos yeux, ce qui est bénéfique pour eux est également bénéfique pour le monde dans son ensemble. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je sais que, d’ores et déjà, vous connaissez bien les statistiques, mais je pense qu’elles méritent d’être répétées. Les besoins sont immenses, et le sommet du G8 est une occasion en or. Comme vous le savez, au moins 350 000 femmes meurent chaque année de complications pendant une grossesse ou un accouchement, et au moins huit millions de mères voient chaque année un de leurs enfants mourir avant l’âge de cinq ans de causes évitables. C’est comme si, au Canada, on faisait disparaître 1000 classes de prématernelle remplies d’enfants chaque jour. C’est une tragédie et c’est inacceptable. Et cette tragédie est pire encore lorsqu'on sait qu'il serait possible de sauver ces vies. De nombreuses solutions simples, éprouvées et peu coûteuses pourraient être mises à contribution. Certaines solutions coûtent un peu plus cher, mais nous les maîtrisons parfaitement.
Pour bien illustrer mon propos, permettez-moi de vous peindre un tableau comme je l’ai déjà fait auparavant. Je vous raconte une petite histoire. L’année dernière, Résultats Canada a pris la tête d’une délégation parlementaire qui s’est rendue au Bangladesh. Notre voyage devait nous permettre de nous pencher sur les difficultés associées à la pauvreté, mais nous étions aussi porteurs d’espoir et de solutions. Une journée, nous sommes allés dans un hôpital, le centre international de recherche sur les maladies diarrhéiques, à Dhaka. C’était le mois de mars, juste avant la saison des pluies. À cette période de l’année, l’eau est stagnante, et les jeunes enfants attrapent principalement de maladies diarrhéiques, mais aussi d’autres maladies. Chaque jour, environ 700 ou 800 enfants atteints d’une maladie diarrhéique passent par cet hôpital, avec leur mère. L’endroit bourdonne de mères et d’enfants qui viennent se faire traiter. Il y a tellement de monde qu’il manque de salles et de lits, alors on érige des tentes blanches géantes à l’extérieur de l’hôpital, dans les terrains de stationnement ou dans le ravin tout près. Je pense qu’il y avait deux ou trois tentes. Lorsqu’on y entrait, on y découvrait des rangées entières d’enfants recevant par voie orale ou intraveineuse un traitement de réhydratation. Et pendant qu’on soignait les enfants pour leur maladie diarrhéique, on en profitait pour traiter d’autres maladies également. Les enfants souffrant de malnutrition recevaient des suppléments alimentaires pour leur permettre de reprendre des forces ainsi que d’autres traitements, qui sont, je le répète, très peu coûteux. Certains traitements coûtent moins d’un dollar.
Le spectacle était des plus émouvants, en particulier pour une mère comme moi. C’est un spectacle qui se répète à beaucoup d’endroits dans le monde. Heureusement, la plupart des enfants qui peuvent se rendre à cet hôpital survivent parce qu’ils ont accès à des services de santé. Cependant, il y en a beaucoup d’autres, dans les zones les plus pauvres de la terre, qui n’y ont pas accès. Les maladies diarrhéiques tuent 1,5 million d’enfants chaque année. Un trop grand nombre d’enfants parmi les plus pauvres ainsi que les autres membres de leur famille n’ont pas accès aux services de santé de base. Le centre de soins de santé ou l’hôpital le plus près est parfois à des heures ou même des jours de marche. Les obstétriciens et les pédiatres se comptent parfois sur les doigts d’une seule main dans leur région. Dans certains cas, ils n’ont tout simplement pas assez d’argent pour s’offrir des soins de santé, même minimaux.
Pour nous, les Canadiens, qui voyons les soins de santé comme un élément central de notre identité nationale et de nos droits, une telle iniquité est inacceptable. C’est pourquoi Résultats Canada s’est joint aux cinq plus grandes ONG canadiennes, soit l’UNICEF, CARE, Vision mondiale, l'Aide à l'enfance et Plan Canada, pour faire comprendre aux gens qu’en guise de contribution à valeur ajoutée lors du sommet du G8, le Canada pourrait mettre la main à la pâte en vue de combler le fossé en matière de santé. Nous croyons que la solution au problème consiste notamment à fournir aux familles les soins de santé dont elles ont besoin, dans leur milieu de vie. Il faut mettre à pied d’œuvre une légion d’intervenants de première ligne dans le domaine de la santé dûment préparés pour s’attaquer aux causes principales de maladie dans les pays en voie de développement. Des médecins, des infirmières et des sages-femmes doivent faire partie de ces intervenants ainsi que des agentes de santé communautaires, de jeunes femmes sur lesquelles on peut fonder beaucoup d’espoir et qui sont formées et appuyées pour effectuer des interventions médicales pouvant sauver des vies dans leur milieu, que ce soit en région rurale ou dans les bidonvilles.
Notre appel conjoint à passer à l’action, qui est axé strictement sur la contribution du Canada lors du sommet du G8, comprend quatre grandes recommandations.
Premièrement, comme je l’ai dit, le Canada peut s’engager à augmenter le nombre d'agentes de santé communautaires qui sont formées, appuyées, équipées et motivées en vue de fournir des services essentiels aux mères et aux enfants dans leur milieu de vie. Les agentes de santé communautaires sont au cœur du dispositif de prestation des services de santé reliant les foyers et les collectivités aux centres de soins de santé, aux cliniques et aux hôpitaux.
Deuxièmement, il faut doter les intervenants de première ligne en santé de la capacité d’effectuer tout un éventail d’interventions susceptibles de neutraliser les causes principales de décès parmi les plus démunis. Les causes de décès parmi les enfants sont multiples. Ils sont susceptibles d’attraper diverses maladies, dont quatre sont responsables de près de la moitié des décès d’enfants de moins de cinq ans dans les pays en voie de développement, soit la pneumonie, la diarrhée, le paludisme et la rougeole. De plus, la malnutrition favorise toutes ces maladies. Or, selon les experts, la majorité des vies pourraient être sauvées en ayant recours davantage à des traitements et des interventions efficaces et peu coûteux, tels que la vaccination, les moustiquaires de lit, les antibiotiques contre la pneumonie et, comme nous l’avons vu, les suppléments alimentaires.
Je pense qu'Aynsley ne vous a pas dit que deux comprimés peuvent sauver une vie. Chaque comprimé coûte 2 ¢. Un enfant peut survivre grâce à une dose de 4 ¢ de vitamine A chaque année.
En ce qui concerne les femmes enceintes, les intervenants de première ligne en santé sont bien placés pour les suivre et les aider à demeurer en santé. Ces intervenants doivent recevoir de la formation sur les bonnes techniques d'accouchement et être capables de conseiller les femmes sur la question primordiale des méthodes contraceptives et de l'espacement des grossesses.
Troisièmement, nous devons nous concentrer sur les familles les plus démunies et les rejoindre dans leur milieu. Parmi les 8 millions d'enfants qui meurent, 80 p. 100 tombent malades et meurent chez eux, loin des centres urbains et des hôpitaux. Je crois qu'au moins 50 millions de femmes donnent naissance chez elle chaque année.
Quatrièmement, nous devrions nous engager à rendre des comptes et à mesurer les résultats, autrement dit nous assurer que nous visons juste et que nous avons les moyens d'améliorer les pratiques au fil du temps, de manière à ce que les résultats s'améliorent continuellement.
En somme, des intervenants de première ligne en santé doivent mettre en oeuvre un ensemble intégré de mesures qui amélioreront concrètement le sort des plus démunis dans leur milieu, et nous devons mesurer les résultats obtenus.
Si on m'en donne l'occasion tout à l'heure, je vous raconterai comment de telles mesures sont actuellement mises en oeuvre en Éthiopie, où je me suis rendue dernièrement. On y a formé 30 000 jeunes femmes pour qu'elles puissent agir comme agentes de santé disséminées dans 15 000 postes sanitaires au pays, où elles suscitent de profonds changements.
Nous estimons que, pour faire une contribution équitable, le Canada devrait fournir 1,4 milliard de dollars en cinq ans, sur les 30 milliards de dollars manquants à l'échelle de la planète pour sauver les vies de 10 millions de femmes et d'enfants d'ici 2015. Ce doit être de l'argent frais, et non des sommes réaffectées, recyclées ou présentées sous un jour nouveau, si l'on veut vraiment obtenir les très importants résultats escomptés, c'est-à-dire sauver des vies.
Je conclus en vous disant que le sommet du G8 est une occasion en or de changer les vies de millions de personnes. Je vous remercie du rôle que vous saurez jouer pour vous assurer que nous tirons avantage au maximum de cette occasion.
Merci, madame Dendys.
J'ajouterais à votre mise en garde le mot « réaménagement », qui est parfois employé, lui aussi. L'argent ne doit pas provenir d'un réaménagement des dépenses.
Je vais redonner la parole à Mme Scott-Parker, qui va lire le mémoire de la Fédération internationale pour le planning familial, puisque le représentant de cet organisme n'a pas pu venir témoigner, son vol ayant été annulé.
Vous avez huit minutes, puis nous allons passer aux questions des députés.
Imaginez-vous que je suis Pierre La Ramée, qui oeuvre au bureau de New York de la Fédération internationale pour le planning familial, bureau où se trouve l'administration centrale de cet organisme pour l'Amérique.
Donc, je lis le texte de M. La Ramée. Permettez-moi d'abord de vous parler un peu de l'organisme que je représente, la Fédération internationale pour le planning familial ou FIPF, un élément crucial de la structure mondiale visant à assurer la santé des mères et la santé reproductive. La FIPF comprend un réseau incomparable de fournisseurs de soins de santé répartis dans 174 pays, où 31 millions de femmes, d'hommes et de jeunes effectuent chaque année, au total, 67 millions de visites pour recevoir les services de santé dispensés grâce à plus de 8 400 cliniques et 52 000 postes sanitaires locaux ou mobiles. La FIPF fournit depuis 60 ans des services de santé à des populations qui lui font confiance. Ce sont des services complets qui s'ajoutent aux services offerts par l'État et par d'autres fournisseurs de soins de santé primaires. Ils sont destinés aux personnes marginalisées et démunies, qui en ont besoin pour survivre et ne pourraient pas autrement y avoir accès.
Lors de l'annonce initiale, la FIPF a accueilli chaleureusement l'initiative du gouvernement du Canada de se faire le champion des soins de santé pour les mères et les enfants, en tant qu'hôte du sommet du G8. Et puisque le gouvernement du Canada appuie le travail de la FIPF depuis 50 ans, nous étions certains qu'il préconiserait à cette occasion une approche globale pour sauver les vies des femmes et des enfants, approche qui comprendrait la planification familiale, la santé reproductive ainsi que des services d'avortement sûrs. Nous n'avions aucune raison d'en douter, car le G8 avait déjà convenu de ce que devait être le panier de services complet pour la santé des mères et des enfants. L'accord à ce sujet signé par le Canada lors du sommet du G8, en 2009, prévoyait: un ensemble complet de services-conseils, d'autres services et de matériel pour la planification familiale; des soins spécialisés pour les femmes et les nouveau-nés pendant et après la grossesse et l'accouchement; des services d'avortement sûrs, aux endroits où l'avortement est légal; l'amélioration de la diète des enfants; la prévention et le traitement des principales maladies infantiles.
Bien que la structure exacte et le contenu du projet canadien ne soient pas tout à fait définis en des termes clairs, il semble d'ores et déjà certain qu'ils seront caractérisés par une approche à la carte, où chaque gouvernement choisira les mesures qu'il financera pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Et bien qu'on n'ait encore qu'une vague idée des services de planification familiale et de contraception qui seront compris dans le financement offert par le Canada, on est déjà assuré que ces services n'incluront pas des services d'avortement. Nous avons donc le devoir de rappeler aux gens les solides données prouvant sans l'ombre d'un doute qu'on peut sauver des vies en offrant des services complets de santé reproductive comprenant la planification familiale et que c'est un choix rationnel dans le contexte de la nouvelle structure de l'aide internationale et des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Que savons-nous des effets des mesures de planification familiale et de santé reproductive? Dans les pays en voie de développement, on pourrait réduire de 70 p. 100 le taux de décès maternels et on pourrait réduire presque de moitié le taux de décès parmi les nouveau-nés si, à l'échelle du monde, on investissait deux fois plus d'argent dans la planification familiale et les soins rattachés à la grossesse. La Banque mondiale estime que 40 p. 100 des décès maternels pourraient être évités en généralisant le recours à des méthodes contraceptives fiables et modernes. Le Fonds des Nations Unies pour la population estime qu'en fournissant des contraceptifs aux gens qui n'en ont pas, on éviterait 52 grossesses non désirées par année et on sauverait plus de 1,5 million de vies. Chaque fois qu'on investit un million de dollars pour fournir des contraceptifs aux gens, on sauve les vies de 670 femmes et de 900 nourrissons. On prévient les décès additionnels de 12 000 enfants avant l'âge de cinq ans et on évite 500 000 grossesses non désirées.
Par ailleurs, la Déclaration de Paris illustre le consensus à l'échelle mondiale sur les moyens de s'assurer de l'efficacité de l'aide internationale. On doit veiller à ce que cette aide corresponde bien aux besoins des pays, tels que décrits dans leurs plans de développement nationaux. L'approche à la carte préconisée par le Canada est nettement en contradiction avec ce consensus. Elle s'oppose aux principes d'efficacité de l'aide internationale parce qu'elle prévoit une sélection de mesures apparemment non controversées, mais ne répondant pas globalement et efficacement aux besoins des mères et des enfants. L'approche à la carte risque également de laisser des trous béants dans le financement des soins de santé pour les femmes, ce qui minera les systèmes de santé des pays en voie de développement et augmentera les risques de décès parmi les femmes. Bien que l'approche à la carte puisse engendrer certains résultats, est-il vraiment souhaitable qu'un projet de santé maternelle donne à une femme l'accès à l'eau potable ou à une meilleure alimentation pour ensuite lui refuser l'aide dont elle a besoin afin de prévenir une grossesse non désirée ou encore la transmission des maladies transmises sexuellement, y compris le VIH?
Lorsqu'on examine attentivement les coûts et les avantages d'une approche globale par rapport à une approche à la carte, on s'aperçoit que la première est la seule qui respecte les choix et les droits des personnes. Compte tenu de l'expérience qu'elle a acquise, la FIPF sait que l'approche à la carte ne fonctionne pas à l'échelon local, dans la clinique où des médecins, des infirmières et des patients en chair et en os, femmes et hommes, jeunes et adultes, doivent affronter des problèmes bien réels. Par exemple, supposons que la distribution de condoms soit financée par un premier pays donateur, la stérilisation par un deuxième et les avortements sûrs par un troisième. Les gens risquent de se voir interdire certaines solutions simplement parce qu'un pays donateur n'a plus d'argent à fournir. Bien qu'une pareille chose puisse sembler ridicule, la FIPF s'est déjà retrouvée dans une situation où elle devait demander aux gens qu'elle aidait s'ils voulaient des condoms comme moyen contraceptif ou comme moyen de prévenir les MTS. C'est que le donateur dans le premier cas était la Communauté européenne et, dans le deuxième cas, les États-Unis. En plus d'empiéter sur la vie privée des gens et de semer la confusion parmi eux, on ne disposait pas de condoms pouvant servir aux deux usages. Les condoms pour la prévention des MTS ne pouvaient pas être distribués comme moyen contraceptif si les condoms destinés à ce dernier usage venaient à manquer.
Quelles sont les conséquences de l'approche à la carte pour une clinique de planification familiale financée en tout ou en partie par l'ACDI? Cela veut-il dire qu'on ne pourra pas y faire des avortements? Qu'on ne pourra pas non plus traiter une femme souffrant de complications à la suite d'un avortement? Qu'on ne pourra pas fournir de l'information et des services-conseils? Que les membres du personnel de cette clinique ne pourront pas montrer à leurs pairs comment effectuer des avortements avec des méthodes sûres?
La règle du bâillon appliquée pendant l'ère Bush a créé précisément ce genre de climat et a entraîné des fermetures de clinique, des réductions dans les programmes et une insuffisance des services en Afrique et dans d'autres parties du monde. D'autres règles, comme le serment de loyauté dans la lutte contre la prostitution, ont également eu l'effet d'une douche froide. Certains organismes se sont mis à refuser toute activité limitée, interdite ou stigmatisée, même avec des sommes provenant d'autres sources, sous peine de perdre leur financement.
J'aimerais terminer en disant quelques mots sur le financement de la FIPF, qui n'a toujours pas été renouvelé par l'ACDI et qui est devenu récemment un sujet de débat politique et de commentaires dans les médias, parallèlement au débat qui fait rage concernant le projet pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants dont le G8 doit être saisi. L'accord de financement entre la FIPF et le Canada a expiré le 31 décembre 2009, et la FIPF a présenté à l'ACDI, en juin 2009, une proposition visant à renouveler l'accord. La proposition prévoit 18 millions de dollars au total sur trois ans, soit six millions par année. Or, l'ACDI n'ayant pas encore répondu, la FIPF ne sait toujours pas si l'accord de financement sera renouvelé.
Il faut souligner que la FIPF est un partenaire de l'État canadien depuis les années 1960 et que cette collaboration s'est poursuivie sans interruption depuis ce temps, quel que soit le parti au pouvoir. Le gouvernement actuel a d'ailleurs renouvelé le financement de la FIPF il y a trois ans. Il convient également de souligner que la FIPF n'a aucune affiliation partisane. Elle est apolitique. Elle ne savait pas que le Parti libéral du Canada allait demander au gouvernement actuel de maintenir sa relation avec elle et n'a aucunement sollicité l'aide du Parti libéral.
Quel est exactement l'enjeu dans ce dossier? C'est simplement qu'en finançant la FIPF, le Canada investit dans un réseau unique d'organismes fournissant des services de santé reproductive. Ce réseau est sans égal et s'étend partout dans le monde. C'est une voix forte pour demander des engagements à favoriser la santé reproductive pour tous, à l'échelle internationale, régionale, nationale et locale. Financer la FIPF demeure un investissement judicieux pour le Canada, en particulier dans le contexte du projet de santé maternelle du G8.
En 2008-2009, le financement de la FIPF représentait moins de 0,1 p. 100 du total des dépenses d'aide internationale du Canada et 1,35 p. 100 de l'aide publique au développement canadienne consacrée aux programmes de régulation démographique et à la santé reproductive. Il s'agit donc d'un investissement modeste ayant donné des résultats constants, année après année.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de lire le mémoire de la FIPF.
Merci, madame Scott-Parker, de faire ainsi des heures supplémentaires.
Nous allons commencer, je crois, avec les questions de M. Pearson, qui va partager le temps dont il dispose avec M. Mckay. Vous avez sept minutes.
Allez-y, monsieur.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins pour leur éloquence.
Madame Scott-Parker, je vous souhaite bonne chance avec l'accouchement. Merci de nous avoir raconté votre histoire.
Nous avons rencontré les représentants de Vision mondiale la semaine dernière, lors d'un petit déjeuner-réunion. Ils nous ont dit que la mortalité infantile, l'OMD 4, a été réduite de 40 p. 100, et que la santé maternelle, l'OMD 5, a été améliorée de 9 p. 100. Je ne sais pas si ces chiffres sont exacts, et corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble qu'à l'aube d'une réunion du G8 sur la santé infantile et maternelle, nous avons encore énormément de chemin à parcourir. Je ne sais pas si la somme de un milliard de dollars va suffire. Ce chiffre représente uniquement la contribution du Canada. On cherche à recueillir plus de 40 milliards de dollars à l'échelle planétaire.
J'ai déjà travaillé dans le domaine du développement. Habituellement, quand le financement est insuffisant, l'argent est dépensé à tort et à travers. Les gens commencent à financer toutes sortes d'initiatives différentes pour contenter tout le monde. D'où ma question: quels sont les mécanismes que vous jugez si importants pour assurer la distribution des fonds?
Je félicite d'ailleurs le gouvernement d'avoir choisi ce thème pour le G8. Je trouve l'idée excellente. Toutefois, j'entends beaucoup parler de la nécessité de fournir des micronutriments, d'offrir un soutien direct en première ligne.
En fait, ce que je cherche à savoir, c'est comment vous entrevoyez tout cela. Le gouvernement entend prendre un engagement. Or, c'est une chose d'annoncer le versement d'une aide, c'en est une autre de déterminer comment celle-ci va être distribuée. Quels mécanismes, à votre avis, devrait-on utiliser? Que vont faire les pays partenaires dont les systèmes de santé, qui connaissent des ratés, doivent eux aussi être renforcés?
Je donne l'impression de poser une question piège, mais là n'est pas mon but. Je cherche tout simplement à en savoir un peu plus.
Est-ce trop demander?
Je peux répondre.
Vous posez une excellente question, car la méthode utilisée pour distribuer l'argent a un impact vraiment significatif sur les résultats obtenus. Et j'ai entendu le même genre de commentaires, monsieur Pearson.
J'aimerais vous parler de l'Éthiopie, un exemple révélateur du point de vue financement et soutien.
L'Éthiopie a un ministère de la Santé dynamique, un ministre de la Santé très motivé et un programme de santé qui est axé sur les pauvres. Ce qu'ils ont fait, c'est de donner à 30 000 jeunes femmes ayant au moins une dixième année, pendant un an, une formation sur les principales causes de décès, et ensuite de leur faire suivre un stage pratique de quelques mois. Ce n'est pas suffisant, mais ce sont 14 mois de formation sur les principales causes de maladies et de décès chez les plus pauvres. Ces femmes ont ensuite été placées dans les 15 000 postes sanitaires aménagés dans les régions rurales, des postes qui ne sont pas plus grands que votre salon, mais qui sont très bien équipés pour faire les interventions nécessaires. C'est une histoire incroyable, et j'encourage tout le monde à se rendre sur place pour voir ce qui s'y fait.
Ce projet est financé par trois joueurs différents. D'abord, par le ministère de la santé de l'Éthiopie, dans le cadre de programmes d'aide bilatérale. Ensuite, par le Canada, par sa participation à l'Initiative catalytique pour sauver un million de vies, laquelle s'appuie sur les principes que défend l'UNICEF. Et enfin par le Fonds mondial, parce que le ministre de la Santé est conscient du fait que ce fonds, s'il est utilisé à bon escient, peut renforcer le système de soins de santé.
Ce sont là les trois sources de financement qui contribuent à assurer la continuité des soins afin que cela produise des résultats.
Dans le même ordre d'idée, l'Éthiopie a été le premier pays a signer un plan intégré de santé mis sur pied par les Norvégiens. Leur premier ministre a joué un rôle de premier plan, ces dernières années, dans la campagne pour réduire la mortalité maternelle et infantile. La Norvège a créé, à l'aide de ses revenus pétroliers, un fonds de 10 milliards de dollars qui servira à réduire les taux de mortalité maternelle et infantile.
Pour avoir accès à ce fonds, les gouvernements doivent établir un régime national de soins de santé et le faire approuver. Le plan intégré de santé se veut très utile à cet égard. Tedros est le ministre de la Santé en Éthiopie, et l'Éthiopie a été le premier pays à ratifier ce plan.
Le Canada négocie avec la Norvège en vue de trouver des moyens de poursuivre le financement du plan. Nous savons maintenant que, d'après les Principes de Paris et la déclaration d'Alma-Ata, les pays doivent assurer et gérer la prestation des services de soins de santé. Les donateurs, eux, doivent veiller à ce que les plans fournis répondent aux besoins de manière adéquate.
Je voudrais ajouter quelques commentaires.
J'ai fait allusion, dans ma déclaration, aux initiatives en matière de santé maternelle et aux organisations de la société civile qui y participent. Il s'agit là d'un mécanisme très important qui peut servir de guide pour ce qui est des possibilités d'investissement qu'offre cette stratégie.
Autre point, et je regrette de ne pas avoir apporté mes notes avec moi: l'Éthiopie a été mentionnée à deux reprises. C'est un pays fort intéressant qui a récemment — au cours des dix dernières années — libéralisé ses lois sur l'avortement. Or, bien que l'avortement soit maintenant légal, dans trois-quarts des cas, les avortements sont pratiqués dans des conditions insalubres par des gens sans expérience. Cet exemple mérite d'être souligné.
Je tenais tout simplement à faire ces deux observations.
Ma question s'adresse à Mme Dendys.
Elle porte sur la dernière partie de votre commentaire concernant le financement. Nous savons, d'après le budget, que le financement de l'ACDI a été plafonné. Les augmentations des cinq prochaines années ont été annulées par souci d'économie. À ce que je sache, aucun budget supplémentaire n'est prévu pour financer ces projets. On semble assister à un débat où les gens s'attachent à trouver des moyens de dépenser l'argent, alors que — à ma connaissance, du moins — aucun engagement réel et précis, que ce soit sous forme de budget supplémentaire, de mesure spéciale ou de motion, n'a été pris pour allouer les fonds.
Avez-vous des renseignements qui indiquent le contraire?
D'abord, je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il est extrêmement malheureux que l'on ait décidé de plafonner l'aide, surtout à ce moment-ci — voire, à n'importe quel moment —, parce que ce qui se passe là-bas nous intéresse beaucoup. Le H1N1 n'a pas pris naissance à Kanata, mais dans un village du Mexique. Nous vivons dans un monde sans frontière.
Cela dit, si j'ai bien compris, une augmentation ponctuelle de 8 p. 100 a été accordée. Nous en sommes à la dernière année du programme, ce qui veut dire que l'enveloppe va s'accroître d'environ 400 millions de dollars. Or, comme l'argent pour les cinq prochaines années n'a pas encore été alloué ou distribué, nous allons avoir une enveloppe d'environ un milliard de dollars ou plus à consacrer à l'initiative du G8. Il s'agira d'argent neuf. En tout cas, c'est comme cela que je le vois.
Autrement dit, tous les fonds que contient l'enveloppe seront utilisés au cours des cinq prochaines années, si ce que vous dites est vrai.
Est-ce que l'ACDI ou d'autres organismes vous l'ont confirmé?
C'est la conclusion que j'ai tirée et c'est la rumeur qui a circulé. Je ne sais pas si mes collègues savent quelque chose, mais je n'ai pas entendu parler de financement supplémentaire qui s'ajouterait à l'enveloppe d'aide.
Je pense que les organisations de la société civile ont tout simplement proposé cette solution pour éviter qu'on déshabille Pierre pour habiller Paul. Mais pour ce qui est de l'engagement visant Haïti, vous savez...
Donc, essentiellement, l'ACDI ne pourra rien faire au cours des cinq prochaines années si tout l'argent sert à financer l'initiative proposé.
[Français]
Je vais partager mon temps avec Mme Lalonde.
Bonjour, mesdames. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer et de discuter avec plusieurs d'entre vous au Comité permanent de la condition féminine. Au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, nous sommes une minorité de femmes. Nous sommes donc très sensibles à la cause, évidemment, et très inquiètes aussi.
J'ai deux petites questions pour vous, madame Scott-Parker. Êtes-vous financés aussi par l'ACDI? Répondez rapidement, s'il vous plaît.
[Traduction]
Merci d'avoir posé la question.
Nous ne sommes pas financés par l'ACDI. La Fédération canadienne pour la santé sexuelle ne reçoit pas de fonds du gouvernement canadien. Même si nous faisons partie de la Fédération internationale pour le planning familial, nous ne recevons aucune aide financière de l'organisme, car l'argent versé par les pays donateurs, comme le Canada, est destiné aux pays de l'hémisphère Sud. C'est ce que précisent les règles internes.
[Français]
Je vais essayer de dresser le portrait de ce que j'ai entendu aujourd'hui. Vous dites, madame Scott-Parker, que pour atteindre les objectifs de façon efficace, pour réduire la mortalité maternelle et infantile, il faut offrir une gamme de services qui donnent accès à tous les moyens, incluant la contraception et l'avortement. C'est la vision que vous défendez, au Canada entre autres.
Madame McDonald, vous avez dit quelque chose qui m'a profondément touchée. Vous avez parlé d'un droit fondamental. Vous dites que l'année dernière en Italie, les pays industrialisés se sont engagés à réduire les décès maternels et infantiles. Cette aide doit aussi être compatible avec les traités internationaux.
Étant donné ce qu'on entend depuis quelques temps, compte tenu de ce débat qu'on est en train d'ouvrir à nouveau — vous avez même fait référence à deux citations qu'a faites Mme Oda récemment, tout en omettant quelques passages du paragraphe 8.25 —, vu cette façon de faire, le gouvernement n'est-il pas en train de politiser toute cette question? C'est un droit fondamental. En ne réalisant pas les engagements que le gouvernement conservateur a pris à l'échelle internationale, ne viole-t-il pas les droits de la personne? C'est ma perception. Ai-je bien compris? Il s'agit d'un droit fondamental, et en essayant de le contourner, on est en train de politiser toute cette question.
[Traduction]
Merci d'avoir posé la question.
La communauté internationale reconnaît depuis des décennies que les particuliers et les couples ont le droit de décider du nombre et de l'espacement des naissances. En 1994 — il y a 15 ans de cela —, les droits génésiques ont été reconnus pour la première fois par la communauté internationale.
Les droits génésiques ont une portée très vaste. Ils englobent la santé de la reproduction, la santé sexuelle, ainsi de suite. Il est question ici de nombreux droits de la personne qui sont fondés sur les traités internationaux et les interprétations qu'en donnent les experts en droits de la personne. Ces droits tiennent lieu de normes qui sont définies dans les accords consensuels négociés lors de conférences internationales.
En fait, le paragraphe 8.25 s'intitule: « Avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de sécurité ». C'est le problème auquel s'attaque ce paragraphe. Il a fallu plus d'un an pour le négocier. Comme vous pouvez l'imaginer, le sujet soulevait beaucoup de controverse en 1994.
Tous les gouvernements qui font partie de l'Organisation des Nations Unies se sont entendus sur le libellé mûrement réfléchi du paragraphe, qui dit que l'avortement, là où il est légal, doit être sûr et accessible. Là où il ne l'est pas, il faut venir en aide aux millions de femmes qui se font avorter chaque année et qui souffrent de complications provoquées par des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions. Les États qui ne remplissent pas cette exigence violent le droit à la vie, à l'égalité et à la non-discrimination des femmes. Voilà le consensus auquel on est arrivé.
Donc, le gouvernement a tort de faire fi de ces normes en matière de droits de la personne qui sont acceptées à l'échelle internationale, compte tenu du fait surtout que tous les partis ont voté en faveur de la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officiel, loi qui exige que l'aide au développement soit conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne.
C'est ce que j'ai dit, et c'est ce que je crois. Je suis une avocate spécialisée en droits de la personne. C'est ce que je fais dans la vie. Je m'occupe de questions liées à la santé sexuelle et reproductive. J'ai été étonnée d'entendre le témoignage de la ministre. On ne peut pas uniquement prendre un élément de phrase et dire que c'est sur quoi nous allons fonder notre plan d'action. Quand on lit tout le paragraphe — et je le reproduis dans une note en bas de page —, on constate que les objectifs sont beaucoup plus ambitieux.
J'ai, ici, quelques-unes des définitions sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive qui sont utilisées à l'échelle internationales. Elles sont très détaillées. Nous les avons approuvées et invoquées à maintes et maintes reprises.
[Français]
Merci beaucoup d'être ici et de nous faire part de tout votre savoir et de tout ce que vous voulez faire.
Ma question est simple. Pensez-vous pouvoir rejoindre les représentants des pays qui vont venir ici et leur faire part de ce que vous pensez être important? Est-ce que ce sera possible?
[Traduction]
Nous avons communiqué avec les représentants des autres gouvernements et des organisations de la société civile dans différents pays. En fait, dans quelques semaines, nous allons publier... Nous avons toute une série de lettres de parlementaires de l'étranger.
Nous avons reçu, d'Ouganda, une lettre d'un comité d'étude sur la population et le développement qui est composé de représentants de tous les partis. Cette lettre, qui est adressée au gouvernement du Canada, précise que les avortements sûrs devraient faire partie de l'initiative sur la santé maternelle. Nous avons une lettre du Forum des parlementaires européens, qui réunit des représentants de tous les partis politiques en Europe, une autre du groupe parlementaire britannique, lui aussi composé de représentants de tous les partis politiques, qui dit la même chose. Nous avons des lettres de diverses organisations de la société civile. Tout le monde est conscient de la situation.
Je reviens tout juste de Kampala, où j'ai assisté à une réunion de la Reproductive Health Supplies Coalition, qui regroupe 120 membres. En une heure, j'ai obtenu 62 signatures pour une lettre adressée au gouvernement canadien.
La société civile et les parlementaires s'intéressent de près à cette question. Ils sont au courant des enjeux qu'elle présente.
Merci beaucoup.
Nous allons passons à M. Donnelly.
Bienvenue au comité, monsieur. Vous disposez de sept minutes.
Oh pardon, c'est mon erreur. Je siège à deux comités, et je me suis trompé d'ordre du jour.
Nous allons revenir à vous dans un instant, monsieur Donnelly.
Monsieur Van Kesteren.
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Goldring.
Je tiens également à remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Madame Lynch, vous serez intéressée de savoir que je suis un ardent défenseur des sages-femmes. En fait — et préparez-vous bien —, 20 de mes 21 petits-enfants sont venus au monde grâce aux services de sages-femmes, et je peux vous dire que ma femme aurait été fort heureuse si elle avait eu cette possibilité, elle aussi. Je connais l'excellent travail que vous faites.
Vous avez dit, tout comme Mme Morris, que le Canada doit utiliser son savoir-faire. C'est bien le cas. Nous essayons de poursuivre ces objectifs grâce à des solutions peu coûteuses et très efficaces dans des domaines où nous sommes des experts.
Passons maintenant à ma question. Je vous prie d'y répondre chacune en quelques mots seulement. Je vais commencer par Mme Scott-Parker de la Fédération canadienne pour la santé sexuelle.
Qui finance votre organisation? Recevez-vous des fonds publics ou des fonds privés? Votre financement provient-il de dons?
La Fédération canadienne pour la santé sexuelle est un organisme de bienfaisance établi au Canada, et nous sommes financés exclusivement par des dons privés.
Nous sommes une organisation de défense des droits de la personne. Nous n'avons pas le statut d'organisme de bienfaisance. Notre financement provient du Fonds des Nations Unies pour la population; nous recevons deux subventions de la Fondation Ford, et nous recevons du financement par l'entremise du Forum parlementaire européen.
Est-ce aussi le cas pour la Fédération canadienne pour la santé sexuelle, ou s'agit-il d'un financement strictement privé? Par privé, j'entends par exemple la Fondation Gates ou d'autres organisations de ce genre.
Notre seule source de financement provient des dons de particuliers. Notre organisation ne reçoit aucun financement du gouvernement.
C'est surtout l'ACDI qui nous finance. Nous bénéficions d'un important appui de la part de l'ACDI depuis près de 20 ans. Nous recevons également de petites subventions de nos partenaires dans le cadre de l'ONU ainsi que de quelques fondations privées. Comme l'Initiative des micronutriments vise également à enrichir les aliments grâce aux micronutriments, nous recevons parfois du financement d'entreprises alimentaires dans certains pays pour nous aider à accomplir notre travail.
Nous ne recevons aucune subvention du gouvernement. Notre financement provient exclusivement de réseaux de collectes de fonds et de quelques subventions de fondations privées.
C'était la question que j'avais à vous poser. Il se peut que je revienne à vous dans quelques instants.
Je vais céder la parole à M. Goldring.
Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames, de votre comparution aujourd'hui.
Madame Morris, vous avez fait un commentaire que j'ai trouvé plutôt intéressant lorsque vous avez parlé des exigences nutritionnelles des enfants de « moins de neuf mois à 24 mois ». J'en déduis que c'est de la conception à la naissance, puis 24 mois après la naissance. C'est une perspective intéressante.
On vient de faire des observations que je juge fondées, mais vous pourriez peut-être m'aider en me donnant une idée de l'avantage global de cette action, c'est-à-dire celle de distribuer des nutriments, de veiller à la santé des mères et de fournir toute la gamme de services prévus dans le cadre de cette initiative. Si nous pouvions rejoindre tous les gens concernés et avoir un impact sur leur vie, quelles seraient les statistiques grosso modo, d’après vous? On a mentionné tout à l’heure qu'un enfant sur cinq meurt de diarrhée. Quel serait l'impact de cette intervention, en matière de nombre de vies sauvées dans le monde entier, si le gouvernement devrait emprunter cette voie?
Les micronutriments ne constituent pas une seule intervention. Dans le cas des maladies diarrhéiques, il y a la distribution de suppléments de zinc, dans le cadre d'un traitement d'environ 10 jours. Chaque enfant souffrant de maladie diarrhéique ne sera pas sauvé, mais on observe une réduction d'environ 20 p. 100 du taux de mortalité chez les enfants qui reçoivent des suppléments de zinc, en plus d'une thérapie par réhydratation orale. Nous pourrions réduire considérablement le nombre d'enfants qui meurent de diarrhée grâce à l'utilisation de suppléments de zinc conjointement à la thérapie par réhydratation orale. C'est donc dire qu'on pourrait observer une réduction de près de 20 p. 100 parmi les 1,5 million d'enfants. À l'heure actuelle, beaucoup d'enfants sont soignés à l'aide de la thérapie par réhydratation orale. Certains survivent, d'autres pas. Les suppléments de zinc réduiraient le nombre des décès d'enfants.
Dans le cas de la vitamine A, l’approvisionnement est assez bon. La vitamine A renforce le système immunitaire et aide les enfants à survivre à des maladies comme la rougeole. Elle stimule leur système immunitaire. La plupart des études démontrent que deux doses de vitamine A par année durant les cinq premières années de vie des enfants réduisent le taux global de mortalité infantile d’environ 20 à 25 p. 100. La vitamine A est assez bien distribuée dans le monde entier, et peut-être 75 p. 100 des enfants ayant des carences en vitamine A reçoivent des suppléments de vitamine A. En fait, c'est probablement un peu plus élevé que cela. Les enfants que nous n'arrivons pas à rejoindre actuellement sont ceux qui sont les plus difficiles d'accès pour ce qui est d'offrir des soins de santé; c'est donc lié à des questions d’ordre géographique. Voilà pourquoi l'Initiative pour les micronutriments met l'accent sur les travailleurs de la santé qui ont une formation de première ligne et qui peuvent se rendre sur place. Si nous pouvons rejoindre ces enfants en leur donnant des suppléments de vitamine A, nous pourrons également leur offrir une gamme intégrée de services, notamment des moustiquaires et d’autres mesures que le Canada finance.
Il s'agit d'une importante initiative. Elle pourrait avoir un impact sur la vie de millions d'enfants et de mères. C'est, me semble-t-il, une initiative de grande importance pour le compte du gouvernement du Canada. Comment se compare-t-elle à des initiatives antérieures? En quoi est-elle si différente des autres?
L'Initiative pour les micronutriments existe depuis près de 20 ans. En septembre 2009, l'UNICEF a annoncé la réduction des taux de mortalité infantile, qui sont passés de 12,5 millions en 1990 à environ 8,8 millions. Dans une étude ultérieure publiée par la revue The Lancet , le nombre de décès d'enfants a été révisé à la baisse, à 7,2 millions. L’UNICEF a affirmé que la vitamine A était l'une des principales raisons pour laquelle la mortalité infantile avait diminué au cours des 20 dernières années.
Les objectifs du millénaire pour le développement ne se limitent pas à cette initiative. En effet, il y a des initiatives pour le développement de la démocratie, le respect des droits des femmes et l'éducation. Si nous pouvions atteindre tous les objectifs du millénaire pour le développement. il y aurait un impact considérable. De toute évidence, cette initiative du gouvernement du Canada se répercutera sur la vie de plusieurs millions de personnes.
Nous croyons que l'appui solide du Canada, par l'entremise des contribuables canadiens, a largement contribué à la réduction de la mortalité infantile et à l'amélioration de la santé maternelle. Il y a aussi un objectif du millénaire pour le développement en ce qui concerne l'éducation primaire pour tous. Si un enfant a accès à des micronutriments appropriés comme l'iode ou le fer durant ses années de croissance, son développement cognitif et, dans certains cas, son QI seront améliorés. Il s'agit du sel iodé qu'on utilise en cuisine. Les gens comprennent rarement pourquoi le sel est enrichi d'iode. En fait, c'est pour favoriser le développement du cerveau des enfants.
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'être ici, et je remercie infiniment tous les témoins de nous avoir fait des exposés si passionnants et si instructifs. J'ai beaucoup aimé écouter ce que vous aviez à dire.
J'aimerais changer de sujet un peu et m'attarder davantage sur le VIH-sida. À la fin de 2008, les femmes comptaient pour la moitié des adultes atteints du VIH-sida. En Afrique subsaharienne, sur 10 personnes atteintes du VIH, 6 sont des femmes ou des filles. Je me demande si l'une ou l'autre d'entre vous, ou chacune de vous, pourrait nous dire quelle est l'incidence du VIH dans la mortalité maternelle, ou les incidences, de manière générale, pour l'initiative du G8 et au-delà? Je me demande également quel rôle le Canada a à jouer et peut jouer pour remédier à cette crise.
Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé qu'il n'augmenterait pas le budget global de l'aide après l'exercice 2011, ce qui va à l'encontre de ses engagements précédents. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Merci pour cette question, parce que je pense qu'elle met en évidence le besoin de débloquer de nouveaux fonds pour régler ce problème. N’oublions pas que le VIH est la cause première de mortalité sur la planète; alors, nous ne pouvons pas commencer à changer de priorités à un point tel que des millions de personnes sont laissées pour compte.
D’après certaines des études dont j’ai pris connaissance sur le VIH et son incidence — et je suis sûre que mes collègues en savent beaucoup plus que moi —, le ratio de mortalité maternelle semble être supérieur de plus de six fois chez les femmes séropositives que chez les femmes séronégatives. Quant à savoir si le VIH a une incidence sur cette initiative, il y a tout un volet axé sur la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant, et dans la moitié des.... Je crois que 500 000 enfants meurent chaque année à cause de cela. C'est très difficile à traiter. On utilise des ARV, n'est-ce pas? Et c'est un traitement dès la naissance.
Sans perdre de vue le fait que la lutte contre le VIH est un élément crucial de cette initiative, il y a une incidence bien supérieure non seulement en ce qui concerne la santé mondiale, mais aussi les mesures pour remédier à la situation. Selon moi, l'année en cours est importante à cause de l'initiative du G8 qui aura lieu en juin au Canada. Il y aura également un renflouement du fonds mondial à l'automne. Le fonds mondial est un des plus gros legs du G8.
La moitié des gens atteints du VIH en Afrique sont traités au moyen d’ARV, chose qui était jugée impossible autrefois. La moitié de ces traitements sont attribuables au financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Je crois que nous devons reconnaître que, parallèlement à une importante initiative du G8, il faut assurer la reconstitution solide des ressources du fonds mondial.
Je crois que la question entourant le VIH-sida révèle clairement la nécessité de fournir des services exhaustifs de santé sexuelle et génésique dans le cadre de l'initiative; bien entendu, cela comprendrait non seulement la prévention sous forme de méthodes de contraception et d’espacement des naissances, mais aussi la prévention d'ITS, y compris le VIH-sida, ainsi que tout le continuum des soins de santé, notamment comme ma collègue l'a dit, les ARV pour toutes les personnes séropositives. Plus particulièrement, les femmes enceintes qui reçoivent un traitement ont beaucoup plus de chance de réussite sur le plan de l'accouchement et peuvent accéder à des services de prévention de la transmission de la mère à l'enfant. Le tout fait partie d'une importante approche intégrée et exhaustive.
Le VIH-sida est l'une des cinq questions sur lesquelles se penche la Fédération internationale pour le planning familial. Les autres sont l'avortement sans risque, la défense des droits, l'accès à des services de santé sexuelle et génésique et les services aux adolescents; tous ces services permettraient d'aborder de manière intégrée et exhaustive les questions dont vous parlez.
J'aimerais mentionner quelques statistiques à ce sujet. Le VIH est la cause première de mortalité, à l'échelle mondiale, chez les femmes en âge de procréer. À l'heure actuelle, seulement 45 p. 100 des femmes enceintes reçoivent des médicaments antirétroviraux pour empêcher la transmission de la mère à l'enfant.
Il y a un autre point que j'aimerais soulever, mais qui ne concerne pas vraiment le VIH: la grossesse et l'accouchement constituent la cause première de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans dans le monde entier.
Quelqu'un peut-il formuler quelques observations, dans les deux minutes qui me restent, sur la question concernant le budget de l'aide?
Vous savez, le Canada a fait preuve de leadership en mettant sur la table le dossier de la santé maternelle et infantile, y compris les questions de nutrition et de main-d'oeuvre. C'est justement l'occasion pour nous de maintenir notre leadership.
C'est une chose de lancer la balle et de commencer un match, mais c'en est une autre de donner le coup d'envoi pour ensuite se retirer du match. C'est une occasion vraiment importante pour le Canada de briller sur la scène mondiale.
Nous avons reçu beaucoup de commentaires profonds et puissants de la part de Canadiens sur le fait d'entreprendre cette initiative mondiale. Cette initiative a rassemblé notre pays. Elle est la preuve que nous pouvons diriger les pays du monde. Nous ne sommes pas la plus grande superpuissance; nous ne le serons jamais. Nous devons faire preuve de leadership sur le plan idéologique. Nous devons prendre les rênes, comme c'était le cas dans les années 1960 sous l'initiative de Pearson. Où est notre 0,07 p. 00? Les pays scandinaves y sont arrivés. C'est simplement une question de choix. Le problème, ce n'est pas que nous ne pouvons pas le faire; c'est que nous choisissons de ne pas le faire. Qu'est-ce que cela veut dire? Commencer, puis arrêter: cela nuit à notre réputation mondiale. Les gens se disent: « Tiens, le Canada lève la main à moitié, puis la descend et se sauve. »
D'après les données économiques rendues publiques ce matin, le Canada a enregistré un taux de productivité de 6,1 p. 100 au premier trimestre. Nous pouvons y arriver. La zone euro est aux prises avec de graves difficultés. Nous avons les fonds. Nous devrions changer le cours des choses. Nous devrions apporter ce changement dans le prochain budget; au lieu de diminuer l'aide, nous devrions l'accroître et consacrer une somme importante d'argent à l'initiative de santé maternelle et infantile.
Selon l'institut Guttmacher, nous devons doubler l'investissement. C'est ce qui s'impose.
Permettez-moi, je vous prie, d'ajouter brièvement un autre point.
L'autre élément, ce sont les stratégies novatrices de financement. Ce n'est pas nécessairement au Canada de financer cet élément, mais nous pouvons continuer de l'encourager. On a mis de l'avant une excellente proposition, soit le prélèvement de 0,05 p. 100 sur les transactions financières par les bourses. Le gouvernement britannique et d'autres ont une forte longueur d'avance sur nous dans ce domaine. Que fait le Canada pour appuyer ce projet?
Merci beaucoup.
Nous allons entamer notre deuxième tour avec des interventions de cinq minutes.
Je vais commencer par M. Lake, puis nous terminerons avec M. Pearson.
Merci, monsieur le président. Je remercie également nos invités d'être des nôtres aujourd'hui.
Je vais commencer par faire une observation. Mme Lalonde a soulevé le fait que très peu de femmes siègent à notre comité. Je tiens simplement à souligner qu’il n’est pas nécessaire d’être une femme pour comprendre les problèmes dont nous parlons.
J’ai moi-même deux enfants… En fait, c’est ma femme qui les a eus, et j’ai pris part à cette aventure qui s’est révélée mouvementée. Mes deux enfants sont nés par césarienne d'urgence dans des circonstances très difficiles, plus ou moins à la dernière seconde. Trois semaines après la naissance de ma fille, ma femme s’est retrouvée à l'hôpital avec des complications très graves. En 24 heures, elle s’est fait transfuser l’équivalant de deux fois le volume sanguin de son corps. Cela vous donne une idée de la gravité de la situation. Par la suite, elle a dû subir une hystérectomie d'urgence et tous les problèmes qui se sont ensuivis. Heureusement, elle a réussi à s’en sortir, mais je suis toujours conscient que je serais veuf et sans enfants si nous avions vécu dans un pays en développement.
Ainsi, quand je regarde ces statistiques… j'essaie d’aller au-delà des chiffres. Je pense à chacun de ces enfants comme s’il s’agissait des miens et à chacune de ces mères comme si elles étaient ma femme. Cela me permet de mettre les choses en perspective.
En tant que collectivité mondiale, nous aurions dû faire des progrès quant aux objectifs du Millénaire pour le développement; pourquoi n’avons-nous pas avancé? M. Pearson a parlé d’initiatives éparpillées pour tenter de satisfaire tout le monde, et je crois qu’il a mis le doigt sur l’une des raisons. C’est une démarche qui semble avoir été entreprise. Il y a beaucoup de discussions, mais elles ne semblent pas aboutir à des mesures concrètes.
D’ailleurs, dans le débat que nous tenons ces derniers mois au Canada, il semble que de nombreux groupes se concentrent sur des idées ainsi que sur les droits et l'égalité. Certes, il s’agit d’un débat important, mais d’après moi, l’initiative du gouvernement consistait plutôt à sauver des vies, à faire baisser ces terribles statistiques et à provoquer des effets les plus efficaces possible, tout en ayant le plus d’appui de la part des contribuables canadiens. J’estime que c'est une partie importante du processus.
Mme Dendys a parlé de financement dans l’avenir. Si nous voulons assurer un soutien financier public à long terme dans l’avenir, il importe évidemment de mettre l'accent sur des mesures efficaces qui ont des répercussions énormes, mais il faut également que le public canadien les soutienne en grande partie. En ce qui a trait aux mesures que le gouvernement propose et dont nous avons discuté, si l’on réalisait un sondage, 98 p. 100 des Canadiens diraient probablement qu’ils veulent procéder ainsi parce que c'est une bonne idée, qu’il faut aller de l'avant et qu’ils ne peuvent plus vivre avec de telles statistiques. Quand nous entamons un débat plus vaste, l’opinion est alors divisée à 60 contre 40 ou en parts égales, et ce n’est pas productif, selon moi. Je doute que cela nous aide à faire baisser ces statistiques.
En raison de l'importance de cette question, j’aimerais m’adresser à Mme Dendys relativement à l’un des aspects qui m'ont impressionné dans votre exposé d'aujourd'hui. De fait, vous proposez des recommandations de base. On dirait un plan de match relativement bien réfléchi qui vise à vraiment changer la situation. Pourriez-vous nous parler des recherches menées par les membres de votre organisation sur le plan des répercussions qu’aurait cette démarche pour faire baisser ces statistiques?
Comme je l'ai dit, Résultats Canada a rédigé ce mémoire en collaboration avec cinq chefs de file canadiens du développement. Je répète qu’il s’agit d’Aide à l’enfance, de l’UNICEF, de CARE, de Vision mondiale et de Plan Canada. Ces organisations travaillent sur le terrain et font ce travail incroyable à longueur de journée.
Pour ce qui est de l’élaboration de cette proposition et du mémoire comportant nos recommandations de base, il a tout d'abord fallu reconnaître que, dans le monde, on croit généralement en l’importance de soutenir le continuum de soins, ce qui signifie le lien qui unit le domicile et la collectivité au centre de santé et à l'hôpital. Nous voulions mettre l'accent sur ce point et appuyer nos collègues dans le monde relativement à leurs demandes.
Nous avons mis l’accent sur les soins de santé communautaire de première ligne pour que nous soyons vraiment capables d'atteindre les plus pauvres là où ils vivent. Nous reconnaissons que la majorité des enfants et des mères les plus pauvres du monde vivent loin des hôpitaux, ils dans des collectivités rurales et éloignées. Il faut donc offrir des services et des soins de fiables près du lieu de résidence.
Nous avons adopté la démarche consistant à utiliser un ensemble d'interventions intégrées, qui comprend les micronutriments, la contraception et d’autres interventions, parce qu'il n'y a absolument aucun débat. Il n'a pas fallu beaucoup de recherches. Quand il est question de sauver la vie des enfants et des mères, nous savons ce qui donne des résultats.
D’ailleurs, nos six organisations n’ont pas mis beaucoup de temps à parvenir à un consensus, puisque l’on convient largement que la plupart de ces méthodes font partie intégrante de la solution. C'est ce que nous avons conclu dans notre analyse.
Lorsqu'un enfant meurt, nous perdons une génération. Lorsqu'une mère meurt, nous perdons des collectivités entières. J’ai trois enfants soudanais qui ont perdu leur mère. J’étais là quand elle est décédée. À sa mort, sa seule préoccupation, c’était ce qui allait arriver à ses enfants et à leur collectivité.
Je vous lance la question pour savoir ce que vous avez à dire à ce sujet. Ce que coûte la perte d’une mère est incommensurable. J’aimerais que vous nous en touchiez un mot.
La perte d’une mère entraîne des coûts sociaux et économiques. Il y a un coût pour la collectivité. Il y a un coût à tous les égards. Une recherche de l’Agence des États-Unis pour le développement international révèle que le coût économique des décès maternels se chiffre à environ 15 milliards de dollars par année. J’ignore quelle en est la source de cette donnée, mais j'ai lu cette information dans la documentation.
Par ailleurs, dans les zones de conflits en particulier, le viol est utilisé comme une arme de guerre. Des femmes meurent d'une myriade de maladies. Si nous n’offrons pas à ces femmes les services dont elles ont besoin pour rester en vie, nous sommes loin de rendre service à ces trois enfants. En outre, il faut comprendre que les Canadiens appuieraient cette initiative si elle était complète. À mon avis, les Canadiens ne sont pas divisés sur cette question. D’après les derniers sondages, seulement 30 p. 100 des Canadiens soutiennent l’idée du gouvernement d'exclure les services d'avortement sûrs de l'initiative sur la santé maternelle et infantile. Les Canadiens sont reconnus pour être pro-choix 70 p. 100 du temps. Les statistiques n'ont pas changé en 20 ans. Existe-t-il d’autres enjeux où nous sommes d'accord dans une telle proportion? Permettez-moi d’en douter. Je crois qu’il est nécessaire d’avoir un tel pourcentage pour sauver les enfants comme ces trois Soudanais. Nous devons joindre le geste à la parole et à nos croyances.
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