FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 juin 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 3 mars 2010, nous reprenons l'étude du projet de loi C-300, Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement. Il s'agit de la séance numéro 21.
Je désire remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui. Certains n'ont pas eu d'aussi longs déplacements à faire que d'autres. Nous vous remercions tous de votre présence.
Je vous demande d’essayer de limiter votre déclaration à huit minutes. Je sais que ce n’est pas le nombre de minutes que certains d'entre vous s’étaient fait dire et je n'entends pas vous interrompre, mais faites de votre mieux.
J'aimerais débuter le plus rapidement possible étant donné le grand nombre de témoins à entendre aujourd'hui. Certains d'entre eux nous ont avertis qu'ils seraient légèrement en retard. Si ce devait être le cas, nous devrons probablement commencer la période de questions puis revenir à ces témoins, afin de donner à chacun l'occasion de s'exprimer
C’est un plaisir de revoir M. Stewart-Patterson. Je propose de commencer par le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Nous accueillons également M. Dillon, vice-président des Affaires réglementaires et avocat-conseil. Nous allons commencer par vous écouter puis nous passerons aux questions.
Monsieur Stewart-Patterson, vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, merci de nous avoir invités à témoigner et à discuter du projet de loi C-300.
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise représente les dirigeants des grandes entreprises engagées sur la scène mondiale dans tous les secteurs de notre économie. Nous avons toujours soutenu que les entreprises doivent être de bons citoyens au pays et à l'étranger, et je crois qu'il est juste de dire que, selon toute mesure objective, les entreprises canadiennes sont parmi les sociétés les plus responsables, tant au niveau social qu'environnemental, dans les pays en développement.
Le projet de loi C-300 est loin de promouvoir un comportement plus responsable de la part des entreprises canadiennes qui mènent des opérations à l'échelle internationale, et nous craignons qu’il
ait pour résultat de dissuader les sociétés canadiennes de faire des investissements avantageux dans les pays en développement ou qu'elles se fassent damer le pion par des sociétés basées ailleurs qui n'ont pas le même respect des normes en matière de protection de l'environnement, de sécurité et de droits de la personne.
Voici un résumé des principales préoccupations du Conseil:
Ce texte de loi repose sur une fausse prémisse puisqu'il suppose qu'on ne peut faire confiance aux entreprises canadiennes dans leurs opérations internationales.
Jusqu'à présent, il n'y a pas de normes internationales reconnues en fonction desquelles les pratiques des sociétés canadiennes peuvent être évaluées.
En proposant que des normes canadiennes fixées unilatéralement aient préséance sur les lois et règlements établis par des États souverains, le Canada se place dans une situation d'extraterritorialité, une démarche qu’il a toujours rejetée quand elle a été tentée par d'autres pays.
D'un point de vue plus pratique, la simple menace d'un retrait du financement des exportations par Exportation et Développement Canada ou la perte d'accès aux investissements de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada pourrait facilement mettre en péril certains projets dans les pays en développement. Nous ne connaissons aucune autre loi nationale qui régit les activités internationales de ses entreprises résidentes de cette façon, avec pour effet de donner aux compétiteurs d'autres pays un avantage indu par rapport aux entreprises canadiennes.
Le projet de loi vise à filtrer les demandes vexatoires ou frivoles, mais ne prévoit aucun mécanisme efficace pour le faire. Toute personne peut demander la tenue d'une enquête, peu importe si elle est concernée personnellement et sans avoir à présenter des preuves crédibles d'un comportement inapproprié de la part de l'entreprise visée.
La présentation d'une seule plainte déclenche le processus et le seul fait qu'une entreprise fasse l'objet d'une enquête causerait, peu importe le résultat éventuel de l'enquête, un préjudice à cette entreprise canadienne. Dans une situation d'appel d'offres, un concurrent pourrait facilement faire en sorte qu'une plainte soit portée et faire pression sur le gouvernement étranger pour que l'entreprise canadienne en question soit exclue du processus d'appel d'offres. Il lui suffirait de dire: « Regardez, ils font l'objet d'une enquête de la part de leur propre gouvernement, alors comment pouvez-vous envisager de faire affaire avec eux? »
La tenue d'une enquête en vertu de cette loi exigerait probablement la collaboration du gouvernement du pays en développement, une collaboration qui pourrait se concrétiser ou non. D'ailleurs, les ministres canadiens responsables n'auraient pas directement accès aux ressources ou à l'expertise détaillée nécessaires pour juger du bien-fondé de la plainte. Sans parler des retards et des préjudices inacceptables que tout cela entraînerait pour l'entreprise canadienne.
Permettez-moi d'être clair sur un point. Nous croyons que les entreprises canadiennes devraient toujours fonctionner de façon transparente et conforme à l'éthique, tant sur la scène internationale qu'au pays, et nous appuyons entièrement les efforts visant à améliorer les pratiques de gouvernance de toutes les sociétés qui mènent des activités dans les pays en développement.
Depuis un certain temps, le gouvernement fédéral s'est engagé avec des sociétés canadiennes responsables à élaborer et à appliquer des normes rigoureuses en matière de responsabilité sociale des entreprises. Ces efforts méritoires devraient se poursuivre et ne devraient pas être court-circuités par une législation mal avisée.
Je crois qu'il est juste de dire que, depuis de nombreuses années, le Canada est perçu comme un centre d'excellence dans l'industrie minière, tant par le nombre appréciable d’entreprises canadiennes qui se démarquent sur la scène internationale que par notre capacité à assurer le financement de grands projets miniers partout dans le monde. À une époque où l'image de marque nationale est de plus en plus importante, ce projet de loi pourrait éventuellement ternir notre réputation bien méritée de bons citoyens dans le secteur de l'extraction des ressources. Il pourrait aussi nuire à l'image de marque de nombreuses autres sociétés canadiennes menant des activités dans des pays en développement dans des secteurs autres que celui des mines, du pétrole et du gaz. Je prie donc instamment les membres de tous les partis de voter contre ce projet de loi.
Merci monsieur le président.
Merci monsieur Stewart-Patterson.
Nous allons maintenant donner la parole à Laureen Whyte de l'Association for Mineral Exploration British Columbia.
Bienvenue. Vous avez huit minutes, allez-y.
Je vous remercie également de nous avoir invités à venir vous rencontrer. Je m'excuse, mais je viens de faire un voyage où tout ce qui pouvait mal tourner a effectivement mal tourné. Alors je me dépêche.
Je travaille pour l'Association for Mineral Exploration B.C. au bureau de Vancouver. Ce que je veux vous présenter aujourd'hui, c'est le point de vue du milieu de l'exploration, principalement en Colombie-Britannique, mais également à l’échelle nationale et internationale.
L'Association for Mineral Exploration a été créée en 1912. Nous représentons plus de 300 sociétés et 3 000 personnes. Il s'agit principalement de prospecteurs et de petites entreprises d'exploration. Nous comptons également parmi nos membres la division de l'exploration de certaines grandes entreprises.
Nous concentrons nos efforts sur la santé et la sécurité, l'engagement vis-à-vis des Autochtones et des communautés ainsi que l'élaboration de politiques. Nous tenons également une importante conférence sur l'exploration minérale, le Mineral Exploration Roundup, où nous nous penchons sur des questions techniques.
Pour vous donner une idée du contexte dans lequel nos membres évoluent, je dirais qu’il peut être assez ardu pour ceux qui travaillent seuls ou dans un petit bureau de comprendre concrètement les directives qui leur sont communiquées. Si on pense aux avancées sur la scène internationale, nous avons dû investir énormément pour comprendre et guider nos membres quant à la façon de mettre en oeuvre des pratiques opérationnelles qui respectent les critères liés aux normes de santé et de sécurité, à la gestion de l'environnement, aux incidences en termes de développement social et, dorénavant, aux droits de la personne.
J'aimerais vous parler un peu de ma participation à ce genre de démarche. Pendant presque 25 ans, j'ai travaillé auprès des Premières nations, dans les communautés, en tant que travailleuse sociale, et au niveau des initiatives de développement, à titre d'employée de l'industrie. À mon avis, on sous-estime les défis et les possibilités associées à la présence de l'industrie au sein d'une communauté et ce sont essentiellement des exemples concernant les Premières nations qui ont amené nos membres à se questionner au sujet des attentes à leur endroit sur la scène internationale.
Pour ce qui est de nos activités en Colombie-Britannique, nous avons travaillé avec les Premières nations dans un secteur où très peu d'aspects sont visés par les traités conclus avec la province. Nous évoluons donc dans des situations très ambiguës, où l'on relève de nombreux conflits et où il règne beaucoup d'incertitude en ce qui a trait à la prise de décisions et à l'atteinte de consensus au sein des communautés.
En outre, nous collaborons très étroitement avec l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, l'ACPE, et nous avons participé activement à l'élaboration du cadre e3 Plus, au sujet duquel Tony Andrews vous a déjà communiqué certains détails.
Nous participons également aux activités que l'ACPE mène sur le terrain afin de mettre à l'essai le cadre e3 Plus; nous avons obtenu la collaboration de deux Premières nations de la Colombie-Britannique aux essais d’entreprises dans leur secteur. J'estime qu’il faut faire des liens et tirer profit de ce travail au niveau national. Nous avons appris énormément de cette expérience et il y a un grand nombre de situations semblables pour lesquelles nous avons acquis une certaine expertise en gestion.
Sur le plan international, on reconnaît unanimement que le vrai défi du rendement consiste à combler l'écart au niveau de la gouvernance qui a été créé par la mondialisation. Cependant, les objectifs actuels concernant les droits de la personne sur la scène internationale ont été déterminés en fonction des obligations des États et non des entreprises.
D'un point de vue pratique, il y a un manque de compréhension de la portée et de la cohérence de la réaction. Ce que je veux dire, c'est qu'il est très difficile pour les gens de comprendre qui est responsable des divers aspects d'une situation sur le terrain.
Notre succès repose sur la collaboration avec le gouvernement, les communautés et les organisations sans but lucratif. Je pourrais donner plusieurs exemples en Colombie-Britannique où, dans cette optique, nous avons obtenu de bons résultats dans des communautés éloignées.
Nous ne pouvons y arriver seuls. Personne ne peut y arriver seul. Je suis convaincue que c'est par l'apprentissage et non par les sanctions que les gens en viennent à savoir comment gérer ce type de situation. C'est en apprenant l'un de l'autre, en ayant des responsabilités et des critères bien définis en termes opérationnels et en ayant la possibilité d'être encadré par une personne que l'on peut apprendre.
J'aimerais parler brièvement de ce que nous faisons ici au Canada. Nous suivons de très près le travail du représentant spécial de l’ONU. J'ai une grande expérience personnelle du travail avec les collectivités, et je suis très heureuse de voir l'ampleur et la portée de l'approche que le représentant spécial de l’ONU a adoptée pour ce travail. D'après mon expérience, c'est la voie du succès. C'est également le type d'encadrement que j'ai offert aux membres de l’association et qui les a beaucoup aidés.
Je crois également qu'ici au Canada nous apportons un soutien important à la conseillère en RSE et que nous faisons ce qu'il faut pour contribuer à la stratégie en RSE, au centre d'excellence ainsi qu'à un bon nombre d'initiatives. Un très grand nombre de personnes participent activement à ce type de consultations et de discussions.
J'aimerais parler également brièvement des dispositions du projet de loi C-300. Je crois que les mesures punitives qui seraient imposées aux entreprises canadiennes détourneraient des ressources importantes du processus de collaboration qui est en cours. Nous avons beaucoup investi dans cette collaboration. Et les résultats sont probants.
Je ne veux pas que les membres de l’association utilisent leur temps et leurs ressources qu’ils consacrent à un travail utile pour se conformer à un processus au lieu de s'en servir pour le travail bénéfique qu'ils font en ce moment. Pour eux, ce processus de conformité signifierait ne faire que le minimum requis, ne pas intégrer le tout dans leur culture d'entreprise et ne pas discuter de leurs pratiques avec d'autres. Cela devient une question d’obligation plutôt qu'un principe d'apprentissage commun.
Il est très difficile pour moi, en tant qu'employée de l'association, d'amener les membres à parler ouvertement des problèmes auxquels ils font face. Ils n'aiment pas se tromper. Ils n'aiment pas commettre des erreurs. En ce moment, ils peuvent s’adresser à moi et nous pouvons les aider en partageant et en apprenant l'un de l'autre; s'ils doivent faire face à des sanctions dès le départ, tout cela va disparaître et je serai incapable d'amener nos membres à participer à ces initiatives.
J'aimerais également dire, au sujet du projet de loi C-300, que je ne crois pas que la SFI et les principes volontaires nous fournissent assez de détails pour justifier des sanctions. C'est trop général. Les gens ne sont pas informés de ce qu'ils doivent faire sur le plan opérationnel. Je crois que les sanctions doivent être appliquées après que tous les efforts pour améliorer le rendement soient épuisés, pas avant.
Le fait de ne plus avoir l'occasion de s'améliorer constitue une perte pour les collectivités, pour les gouvernements hôtes et dans le savoir-faire des industries. Le fait de pouvoir régler les problèmes en collaboration avec les collectivités est aussi très profitable de leur point de vue.
Je ne crois pas non plus que le projet de loi arrive à justifier le niveau de ressources qui seront nécessaires pour mettre en oeuvre ses dispositions. J'ai beaucoup d'expérience concernant les ressources nécessaires pour mettre en place ce type d'initiative de manière efficace.
Merci.
Merci, madame Whyte.
Nous allons donner la parole maintenant à M. Nash.
Monsieur, vous avez huit minutes.
Merci, monsieur le président.
À mon avis, le projet de loi C-300 va générer de graves problèmes pour le gouvernement et il n'y aura pas d'avantage net pour le Canada.
Premièrement, je veux que vous sachiez qu'il n'y a pas 4 000 projets miniers à l'étranger. Il y en a probablement moins de 200 dans les pays en développement. J'ai reçu cette information l'autre jour d'un ami qui est consultant. D'après lui, il y en avait 182 en 2007.
Deuxièmement, il faut savoir que les sociétés d'exploration peuvent être assez petites, comme vous venez de l'entendre, et ces entreprises, que je sache, ne reçoivent pas de fonds d'EDC et ne reçoivent pas d'investissements des régimes de retraite. Donc, ceci veut dire qu'ils ne sont probablement pas touchés par le projet de loi.
Par conséquent, la vraie cible du projet de loi, ce sont les entreprises minières qui ont des projets à l'étranger, mais cela soulève d'autres questions.
À quels projets miniers est-ce que le projet de loi s'applique? Est-ce qu'il s'applique aux entreprises étrangères qui investissent par le biais de leur filiale canadienne? Est-ce qu'il s'applique aux entreprises étrangères qui sont cotées à la Bourse de Toronto? Est-ce qu'il s'applique aux coentreprises dans lesquelles les entreprises minières canadiennes ont une majorité des parts, sont partenaire égal ou ont des intérêts minoritaires? Est-ce que les partenaires de ces coentreprises feront aussi l’objet d’une enquête le cas échéant?
Entreprendre un examen au cas par cas peut être long et coûteux. Cela pourrait nécessiter une expertise locale technique et approfondie et manifestement la coopération du gouvernement hôte qui pourrait, lui, tarder à prendre des décisions. Il faudrait un processus équitable et transparent,, et assurer une surveillance pour veiller à ce que le processus d'enquête et le processus administratif se déroulent adéquatement.
Sans les ressources suffisantes pour enquêter et pour respecter les fameuses directives du Conseil du Trésor sur les marchés, il pourrait s'écouler plusieurs années avant de résoudre une plainte, étant donné qu'il y aura probablement un certain nombre de plaintes après l'adoption du projet de loi. Plus le délai sera long avant le verdict, plus l'impact risque d'être négatif sur la réputation d'une société, sur sa valeur marchande et sur sa capacité d'aller de l'avant avec d'autres projets qui aident réellement les collectivités.
Qu'est-ce qui arrive si le ministre ne peut pas respecter le délai de huit mois? Et si ce délai est prolongé, qu'en est-il des effets négatifs sur la société? Est-ce qu'il faudra faire une enquête pour déterminer si les plaintes sont frivoles, surtout si les critères ne sont pas assez précis?
Dès qu’un l'examen sera annoncé, la population aura tendance à présumer que la société en question est coupable. Le fait que le ministre annonce dans la Gazette du Canada qu’elle n’est pas coupable ou que la plainte est frivole n’aura guère de poids. Qui lit cette publication, dans le grand public, que ce soit au Canada ou à l'étranger? Et les journalistes des pays en cause ou du Canada suivent-ils l'évolution du dossier et, si c'est le cas, le font-ils correctement? Vous devez avoir une certaine expérience en la matière.
Le fait que ce soit le ministre qui prenne les décisions entraîne la possibilité qu’il soit influencé sur le plan politique au moment d’accepter d'examiner une plainte ou de décider si l'infraction est assez importante pour en informer EDC. Vous aurez à faire face à de telles situations. Chacune d'elles peut aller à l'encontre des valeurs de l'équité procédurale et vous avez eu l'opinion d'un avocat de droit constitutionnel là-dessus. Afin de réduire les risques de partialité, est-ce que les parties impliquées devraient avoir la possibilité de commenter les analyses et les renseignements reçus par le ministre pendant l'examen, et ce, avant la décision du ministre? Est-ce que les parties devraient être en mesure d'appeler de la décision?
Rien n'est prévu pour protéger le plaignant contre les intérêts locaux qui peuvent souffrir d'une décision de culpabilité rendue par le ministre. Je peux vous citer un exemple. Dans certains pays, le plaignant peut être à risque non seulement à cause des intérêts locaux mais à cause de son propre gouvernement s'il présente une plainte au ministre; c’est possible si ce gouvernement est favorable à l'exploitation minière ou qu'il est complice et qu'il ignore l'infraction ou encore qu'il rejette le droit de tout gouvernement étranger de s'ingérer dans ses affaires internes.
Quelles seraient les conséquences pour le gouvernement du Canada, si le plaignant était tué? Que dire des cas où la corruption ou le chantage sont courants? La menace de plainte pourrait servir à obtenir davantage de fonds ou un pot-de-vin de la société. Comment est-ce que le ministre déterminera si la plainte est réellement fondée ou si elle est intéressée?
Et la corruption des juges dans certains pays en développement? Nous savons qu'elle existe. Que se passera-t-il si le ministre établit qu'une plainte est sans fondement alors que le juge, peut-être à cause de la corruption, rend la décision inverse? Si les conséquences sont graves pour la société, le Canada va-t-il intervenir en sa faveur?
En ce qui concerne la corruption, le gouvernement du pays en cause peut-il se servir des plaintes pour retirer à la société son permis d'exploitation minière? Je vous donne un exemple. Si cela se produisait, et surtout si le ministre acceptait la plainte, quelles seraient les conséquences pour le gouvernement du Canada? Le ministre consultera-t-il le gouvernement du pays en cause avant d'entreprendre un examen? Cherchera-t-il à obtenir son accord? Si ce gouvernement s'oppose à la tenue d'un examen par le ministre, celui-ci rejettera-t-il la plainte? Sinon, quelles seraient les conséquences pour les relations du Canada avec ce pays?
Si le Parlement approuve un projet de loi qui prévoit l'application extraterritoriale de la loi canadienne, qu'arrivera-t-il si elle entre en conflit avec les lois ou les règlements du pays en développement — et il existe des exemples — et en plus si les lois locales divergent légitimement des directives et des normes internationales?
Comment le gouvernement réagira-t-il si un autre pays adopte aussi un projet de loi qui lui permet d'examiner des plaintes portées contre ses sociétés minières au Canada? Comme vous le savez, le Canada accueille un bon nombre de sociétés minières étrangères, par exemple de l'Afrique du Sud, de la Chine, de l'Inde et de la Russie. Est-ce que le gouvernement du Canada accepterait l’intervention du Royaume-Uni ou de la Chine au moyen d’ un tel examen? Cela deviendrait un réel problème si de nombreux pays décidaient de copier cette loi.
Supposons que le tribunal d'un autre pays rende un verdict de non-culpabilité pour une infraction environnementale concernant une société minière canadienne, mais que certains, dans ce pays ou au Canada, ne sont pas satisfaits de la décision du tribunal et présentent une plainte au ministre. Cette plainte sera-t-elle acceptée pour examen ou sera-t-elle automatiquement rejetée? Ce projet de loi ne prévoit rien pour cela.
Si le ministre juge la société coupable d'une infraction et si la société était au courant de l'infraction mais n'en a pas tenu compte, la décision du ministre pourrait-elle mener à des accusations au pénal ou au civil dans le pays en cause?
Si le gouvernement du Canada se prononce en faveur d'une société canadienne, il se peut que cela suscite une opposition politique au Canada ou à l'égard d'autres intérêts canadiens dans le pays. Si la décision est favorable aux intérêts locaux ou autres plutôt qu'à la société canadienne, le gouvernement aura aidé à nuire à la réputation de la société et à sa capacité d'exploiter d'autres occasions qui auraient pu améliorer les échanges et les avantages du Canada.
De plus, étant donné que les sociétés préfèrent la certitude sur le plan du financement et de l'assurance, elles seront portées à chercher un soutien autre que celui d'EDC. Ceci pourrait causer une certaine gêne pour la société, plus particulièrement parce que EDC encourage souvent le recours à des fournisseurs canadiens de biens et services.
Le projet de loi prévoit des plaintes sur le plan social et sur le plan des droits de la personne. Ceci doit être précisé. Est-ce qu'on tiendra compte des ruptures de ménages, de la criminalité, des conditions de travail et des pratiques d'embauche? Pour évaluer les changements sociaux dans une collectivité, une étude de référence sera nécessaire pour savoir s'il y a eu une aggravation des problèmes sociaux qui puisse être reliée à la mine. Que dire des collectivités où il y a plus qu'une industrie? Comment le ministre pourra-t-il déterminer qui est responsable?
Globalement, en quoi consisteront les normes mesurables établies à partir de principes ou lignes directrices sur les droits de la personne? John Ruggie, représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, y travaille depuis près de cinq ans. Le projet de loi C-300 ddonne 12 mois au ministre pour établir des normes de responsabilité des sociétés rattachées aux lignes directrices sur les droits de la personne. Comme vous le savez, une même ligne directrice peut comprendre un certain nombre de normes mesurables différentes.
En revanche, je suis d'accord avec le comité consultatif précédent, du processus de tables rondes, sur le fait que de nombreuses questions doivent être éclaircies et analysées proprement, et certaines de ces questions font partie de mon document. Un groupe d'experts pourrait être formé pour évaluer les complications soulignées dans le document, ainsi que les normes, les lignes directrices procédurales et les rôles décisionnels nécessaires pour améliorer le rendement des sociétés et maintenir une image positive du Canada à l'étranger. Je répète que tout cela figure dans mon document.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Nash.
Passons maintenant à nos invités de la Faculté de droit de Harvard. Nous accueillons Tyler Giannini, Sarah Knuckey et Chris Albin-Lackey.
Bienvenue à chacun de vous. Je crois que vous allez partager le temps qui vous est alloué.
Oui, c'est ce que nous allons faire.
Merci, monsieur le président.
Merci au comité de nous recevoir à nouveau.
Je m'appelle Tyler Giannini. Je suis conférencier en droit à la Faculté de droit de Harvard et directeur clinique du programme des droits de la personne. Je suis accompagné de Mme Sarah Knuckey, de la Faculté de droit de l'Université de New York, et de Chris Albin-Lackey, de Human Rights Watch.
Sarah et moi-même avons préparé une déclaration commune. Elle en présentera la première partie.
Mesdames et messieurs, en octobre 2009, nous avons témoigné devant ce comité au sujet d'allégations de viols collectifs, de sévices et d'homicides commis par des gardiens de sécurité, sur lesquelles nous avons recueilli des données au cours de trois missions d'enquête à la mine de la CMP exploitée par Barrick Gold en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Par la suite, nous avons soumis un mémoire détaillé, qui comprend en annexe des rapports de police et d'autopsie complets, que nous vous invitons à examiner.
DDans notre témoignage de 2009, nous avons expliqué pourquoi ni Barrick ni le gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée n'ont encore mené d'enquêtes indépendantes, transparentes et approfondies et pourquoi il est peu probable qu'ils le fassent. En 2006, le gouvernement de la Papouasie a enquêté sur des décès survenus autour de la mine, mais quatre ans plus tard, il n'a toujours pas révélé les conclusions de cette enquête.
Nous avons aussi confirmé l'existence d'un protocole d'entente entre le gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la CMP, en vertu duquel les réservistes de la police font partie du service de sécurité de la CMP, ce qui soulève de sérieuses questions concernant l'impartialité des enquêtes de la police là-bas.
Aujourd'hui, nous réagissons à certaines déclarations de la société Barrick Gold lors de son témoignage subséquent devant ce comité, qui démontrent encore combien il est problématique de laisser une entreprise enquêter sur ses propres affaires, et qui font ressortir l'importance d'un projet de loi comme le C-300, lequel pourrait contribuer à combler une grave lacune en matière de reddition de comptes.
Premièrement, j'aimerais parler des viols collectifs. En réaction à notre témoignage d'octobre 2009, dans lequel nous avons étayé de nombreuses allégations de cruels viols collectifs commis par des gardiens à l'intérieur de la propriété minière, Barrick a déclaré au comité qu'à sa connaissance, aucun cas d'agression sexuelle n'avait été rapporté à la direction de la mine, et qu'il n'était pas possible pour la CMP d'enquêter sur une allégation qu'elle n'avait jamais reçue.
Mesdames et messieurs, voilà qui illustre bien la loi du silence qui entoure les violations des droits de la personne. Nos enquêtes nous ont rapidement permis de mettre au jour des allégations de violence sexuelle. La société Barrick aurait été en mesure de faire la même chose si elle avait mené la moindre enquête.
Les actes de violence sexuelle commis par la police de la Papouasie-Nouvelle-Guinée dans tout le pays sont connus, tout comme la réticence des femmes à dénoncer les viols. Les responsables de Barrick sont au courant des allégations générales de viols à la mine depuis au moins août 2006. Sachant cela, Barrick aurait dû au moins prendre des mesures pour prévenir les agressions sexuelles, notamment en installant des caméras de surveillance près des terrils de déchets, où des femmes ont été violées, et dans les véhicules de patrouille des gardiens, en organisant des activités communautaires visant à informer les femmes de leurs droits et de la façon de déposer une plainte, et en instaurant une procédure de plainte fiable à l'intérieur de l'entreprise.
De plus, Barrick semble laisser entendre que les allégations de viols dont nous avons fait état sont fausses parce que les femmes disposent de nombreux moyens pour signaler un viol, mais cette déclaration est une grossière déformation de la réalité là-bas. La plupart des femmes que j'ai rencontrées ne savent pas à qui s'adresser dans l'entreprise pour déposer une plainte, ou elles ont peur de subir des représailles, d'être critiquées par la communauté, de se faire arrêter ou de subir d'autres mauvais traitements de la part de la police.
Deuxièmement, monsieur le président, Barrick a déclaré au comité que l'accès au site de la mine n'avait jamais été interdit à la police, et que notre affirmation d'octobre 2009, selon laquelle la police soutenait que le personnel de sécurité de la CMP avait entravé son enquête, était tout simplement fausse. Barrick a aussi déclaré que les crimes commis sur la propriété minière étaient rapportés à la police et que la CMP mènerait sa propre enquête.
Nous avons inclus dans notre mémoire des documents rédigés par un enquêteur de police, où il affirme qu'on lui a refusé l'accès à la mine et qu'il n'a pas pu obtenir les feuilles de temps et les tableaux de service qu'il a demandés. Nous avons parlé avec lui et nous lui avons montré les documents. Il les a personnellement authentifiés en notre présence. D'autres policiers nous ont également dit qu'on les avait empêchés de mener leur enquête et d'accéder au site.
Voilà qui fait ressortir clairement la nécessité d'une enquête approfondie et indépendante — et j'insiste sur le mot « indépendante ». Si Barrick mène sa propre enquête, c'est loin d'être transparent. Barrick devrait divulguer de l'information sur la nature et les résultats de son enquête, sur le nombre de gardiens qui ont été sanctionnés ou congédiés et les motifs de ces mesures, et nous dire si des gardiens ont fait l'objet de poursuites criminelles.
Enfin, le troisième point concerne les mauvais traitements infligés depuis 2006 — et en particulier les homicides. Barrick a affirmé qu'aucun coup de feu mortel n'avait été tiré par le personnel de sécurité de Porgera depuis 2006. Tout d'abord, on ne sait pas exactement ce que Barrick entendait par « personnel de sécurité ». Cependant, les déclarations de témoins, qui s'ajoutent aux rapports de police et d'autopsie portant sur la période de 2006 à 2008 et sur les homicides, qui sont annexés à notre mémoire précédent, soulèvent des doutes sur la déclaration de Barrick et font ressortir encore une fois la nécessité d'une enquête indépendante.
Pour conclure, les réponses de Barrick aux graves allégations de viols collectifs et d'homicides depuis 2006, ainsi que les faiblesses des enquêtes menées par le gouvernement et l'entreprise jusqu'à maintenant démontrent, comme nous en avons témoigné précédemment, qu'un projet de loi tel que le C-300 est absolument nécessaire.
De plus, nous croyons fermement que les normes en matière de droits de la personne et les principes volontaires mentionnés dans le projet de loi fournissent des directives précises qui sont facilement compréhensibles et applicables par les entreprises et les instances appelées à statuer sur des allégations. Un présumé agresseur ne peut pas enquêter sur son propre cas, et une véritable enquête indépendante doit être menée sur les allégations de violation des droits de la personne.
Je m'appelle Chris Albin-Lackey. Je suis recherchiste en chef pour Human Rights Watch. Nous enquêtons et recueillons des faits sur des cas sérieux de violation des droits de la personne dans plus de 80 pays.
Il y a moins de deux semaines, je suis rentré d'un séjour d'un mois en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Je m'y suis rendu pour évaluer la véracité de cas de sévices qui ont été rapportés et qui auraient été commis par les services de sécurité autour de la mine de Porgera, et pour vérifier s'il s'agissait d'un problème persistant. En fait, ces sévices sont un problème constant, et ils sont aussi un exemple qui montre très clairement l'importance des règlements modestes mais très utiles établis dans le projet de loi C-300.
À Porgera, j'ai passé une bonne partie de mon temps dans les communautés aux environs de la mine. J'ai interrogé des dizaines de personnes qui avaient été appréhendées parce qu'elles s'étaient introduites illégalement sur la propriété minière — la plupart d'entre elles cherchaient de l'or dans les débris de roche des vastes terrils de la mine afin d'en tirer une maigre subsistance. J'ai également interrogé des représentants de Barrick Gold, des dirigeants communautaires, des fonctionnaires, des policiers et des gardiens de sécurité de la mine. Nous publierons un rapport complet de nos conclusions et recommandations plus tard cette année.
Au cours de nos recherches, j'ai découvert d'énormes problèmes de sécurité à la mine, qui sont aggravés par l'incapacité du gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée de maintenir l'ordre public dans cette région. La CMP emploie directement un grand nombre de personnes qui relèvent d’un service de sécurité privé afin de protéger la mine et ses employés, et nous ne contestons pas la nécessité d'affecter des gardiens à ce site. Selon nos constatations, il semble également que Barrick prenne au moins quelques mesures sérieuses pour essayer de renforcer la surveillance du personnel de sécurité et de réagir efficacement aux mauvais traitements qui sont signalés aux responsables de l'entreprise.
Néanmoins, j'ai recueilli des renseignements sur des allégations sérieuses de crimes violents commis à répétition par des agents de sécurité en 2009 et en 2010. Nous avons consigné plusieurs cas récents où les gardiens de sécurité semblent avoir eu recours à une force excessive sans raison valable au moment d'appréhender des mineurs illégaux et d'autres personnes qui s'étaient introduites sur la propriété minière. Mais les cas les plus graves parmi ceux que nous avons examinés récemment étaient plusieurs viols collectifs présumément commis par des gardiens de sécurité de la mine, dont bon nombre avaient déjà été policiers. Ces crimes violents reflètent un type d'agression qui est malheureusement répandu parmi les rangs des services de police de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où la violence sexuelle n’est pas rare.
La plupart des viols qui auraient été commis seraient survenus dans le même contexte. Les victimes sont des femmes que les gardiens de sécurité de la CMP ont surprises sur la propriété minière sans autorisation. Dans tous les cas, les agresseurs ont dit aux femmes que si elles essayaient de porter plainte au sujet du viol, elles seraient arrêtées et accusées d'intrusion et elles risquaient de lourdes amendes ou l'emprisonnement.
Les victimes de mauvais traitements de la part de gardiens de la CMP m'ont dit qu'elles ne connaissaient aucun moyen fiable de les dénoncer. La police suscite la peur plutôt que la confiance, et ce problème est d'autant plus complexe qu'au moment où les sévices ont été commis, la plupart des victimes étaient en train de commettre un acte criminel, puisqu'elles se trouvaient illégalement sur une propriété.
Pour les victimes de violence sexuelle, la situation est encore pire. La plupart craignent de dénoncer les viols, car ils sont une puissante tare sociale qui peut souvent ruiner la vie d'une femme. Aucune des victimes que j'ai interrogées ne savait à qui porter plainte dans l'entreprise si elle le souhaitait, et il semble que Barrick n'ait pas fait le nécessaire pour établir une procédure claire et sécuritaire pour le dépôt des plaintes.
Malgré que Barrick ait pris certaines mesures importantes, d’après nos recherches, il y a toujours des lacunes qui font que des sévices graves se produisent encore, et ces lacunes peuvent être considérables. Barrick n'est pas explicite quant aux démarches entreprises. Jusqu'à maintenant, l'entreprise n'a pas pu nous donner des renseignements précis au sujet des mesures mises en place pour mettre fin aux sévices et y réagir, et elle ne nous a pas autorisés à rencontrer ses représentants qui connaissent bien le dossier. Nous espérons que la situation s'améliorera au fil de nos discussions avec Barrick.
Nous reconnaissons qu'une bonne partie du problème réside dans le fait que le gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée n'affecte aucun véritable service de maintien de l'ordre aux environs de la mine, à l'exception des brigades de police mobile qui s'y trouvent actuellement, et qui sont financées en grande partie par l'entreprise elle-même. De plus, le gouvernement n'exerce pratiquement aucune surveillance et n'impose aucune véritable réglementation relativement aux services de sécurité de l'entreprise.
Cela signifie que Barrick, comme d'autres entreprises qui exercent des activités en Papouasie-Nouvelle-Guinée, doit compter presque exclusivement sur ses propres moyens pour surveiller et discipliner son personnel de sécurité. L'exemple de Porgera montre que dans un milieu difficile et presque dépourvu de réglementation, la tâche est simplement trop lourde pour que les entreprises puissent en venir à bout sans aide.
Bien que les normes rigoureuses fixées par les entreprises soient importantes, elles doivent s'accompagner d'une réglementation gouvernementale rigoureuse. Si cette réglementation n'existe pas là où les entreprises exercent leurs activités, elle devrait exister ici au pays.
Les entreprises canadiennes qui ont vraiment à coeur le respect des droits de la personne dans leurs activités à l'étranger devraient accueillir favorablement les nouvelles mesures de vigilance et les nouvelles directives du projet de loi C-300.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Albin-Lackey, et merci également à Mme Knuckey et à M. Giannini.
Penelope Simons vient d'arriver. Nous ne vous attendions pas avant midi, mais nous sommes heureux de vous accueillir plus tôt. Nous pourrons vous écouter tout de suite
Mme Simons est professeure agrégée à la section de common law de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
Bienvenue. Vous avez huit minutes pour faire votre exposé.
Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant ce comité.
Je suis professeure agrégée de droit international et de droit international en matière de droits de la personne à l'Université d'Ottawa. J'enseigne également le droit des sociétés. Je suis spécialisée dans les répercussions sur les droits de la personne des activités extraterritoriales des sociétés. Je participe à des enquêtes et à des recherches dans ce domaine depuis plus d'une décennie.
J'ai participé aux activités de la mission Harker envoyée au Soudan en 1999 pour procéder à une enquête indépendante et à la production d'un rapport sur le lien présumé entre le développement pétrolier et les violations des droits de la personne, et en particulier les allégations relatives aux déplacements forcés dans les secteurs entourant les champs de pétrole et les développements liés au pétrole où Talisman Energy, une société canadienne, exerçait ses activités.
J'aimerais aujourd'hui aborder trois arguments clés contre le projet de loi C-300 qui ont été soulevés lors des témoignages. Le premier argument est que les normes imposées dans le projet de loi C-300 sont trop élevées et qu'elles auront des répercussions sur la compétitivité à l'échelle mondiale des sociétés extractives canadiennes. Le second argument est que les sociétés canadiennes devront déménager dans d'autres pays en raison des répercussions de ces normes élevées sur la compétitivité.
Le troisième argument que je souhaite aborder a été soulevé dans le témoignage de M. Dade de la FOCAL et est le suivant: si nous imposons des normes aussi élevées aux sociétés canadiennes, celles-ci seront forcées de se retirer de certains projets, laissant ainsi la place à des sociétés chinoises, et, en fin de compte, comme les sociétés canadiennes ont à coeur leur responsabilité sociale, la situation des habitants de ces régions empirera sous le régime des sociétés chinoises.
Nous avons entendu des arguments similaires aux deux premiers que j'ai avancés dans les années 1970, époque où le gouvernement commençait à introduire des règlements environnementaux. Ceux-ci sont maintenant devenus des lois, et les sociétés continuent de fonctionner. Nous les avons entendus lorsque sont survenus des problèmes qui ont nécessité de consulter des peuples autochtones avant d'entreprendre des activités d'extraction sur leurs territoires traditionnels. La nécessité d'effectuer des consultations et d'offrir des accommodements est maintenant intégrée à notre loi constitutionnelle et constitue une exigence en vertu de la nouvelle Loi sur les mines de l'Ontario. L'industrie extractive a continué de prospérer. Elle a continué d'être très rentable malgré ces nouveaux règlements.
Le premier argument veut que les normes du projet de loi C-300 soient trop sévères et que les sociétés canadiennes souffriront donc d'un véritable désavantage concurrentiel si le projet de loi C-300 est adopté. Le projet de loi exige que les sociétés canadiennes se conforment aux normes de rendement de la SFI, aux principes d'application volontaire relatifs à la sécurité et aux droits de la personne et aux dispositions relatives aux droits de la personne qui restent à déterminer. Ces dispositions visent à s'assurer que ces sociétés réalisent leurs activités d'une manière qui est conforme aux normes internationales relatives aux droits de la personne.
Les sociétés extractives canadiennes doivent déjà se conformer aux normes de rendement. La SFI et les agences de crédit à l'exportation des pays membres de l'OCDE, y compris Exportation et développement Canada, soutiennent qu'elles appliquent déjà les normes de rendement aux sociétés qui demandent un appui financier.
Toutes les principales sociétés extractives canadiennes sont financées par des institutions financières qui souscrivent aux Principes de l'Équateur, comme la Banque Royale du Canada, la Banque Scotia et Exportation et développement Canada, et ces institutions disent également appliquer leurs normes de rendement aux emprunteurs. Les principes d'application volontaire relatifs à la sécurité et aux droits de la personne ont été acceptés par le gouvernement du Canada et ils ont également été adoptés par les grandes sociétés extractives, y compris Talisman Energy.
Toutes les sociétés qui demandent l'appui d'Exportation et développement Canada doivent déjà se soumettre à une évaluation des répercussions de leurs projets sur les droits de la personne. EDC dit tenir compte des droits de la personne pour prendre des décisions relatives au financement d'un projet.
Dans son document intitulé Questions fiscales touchant l'industrie minière: mise à jour de 2009, le groupe de travail intergouvernemental canadien sur l'industrie minérale a énoncé que: « Les activités relatives à la responsabilité sociale des entreprises sont jugées vitales pour assurer la compétitivité de l'industrie. »
L'autre point que j'aimerais souligner est que l'OPIC, une des agences de crédit à l'exportation de notre principal partenaire commercial, doit maintenant, en raison d'une modification apportée à la Foreign Assistance Act en décembre 2009, élaborer « un ensemble complet de lignes directrices en matière d'environnement, de transparence et de droits des travailleurs et de droits de la personne reconnus à l'échelle internationale assorties d'exigences qui lient la Corporation et ses investisseurs ».
Ces normes ne seront pas moins rigoureuses que les normes de rendement, entre autres, donc le projet de loi C-300 n'est pas un ajout si considérable. Ça se produit dans d'autres pays également, en particulier aux États-Unis.
Le fait de ne pas se conformer aux normes élevées en matière d'environnement et de droits de la personne devient un désavantage concurrentiel considérable pour les sociétés canadiennes. On se rappelle du dossier de Pacific Rim au Salvador. Le Salvador a récemment banni toute activité d'extraction de minerais métalliques parce qu'il est préoccupé par les répercussions environnementales de l'industrie de l'or et des autres industries sur ses réserves en eau. Le projet de loi C-300 aidera à corriger cette mauvaise presse. Ces normes sont déjà respectées, donc il n'y a aucune raison pour que ces sociétés disent qu'elles sont trop élevées.
Le deuxième argument veut que le désavantage concurrentiel soit si important que les sociétés canadiennes devront déménager dans d'autres pays. Il n’est pas rare que des sociétés déménagent leurs sièges sociaux et apportent des changements à leurs structures ou utilisent des structures corporatives complexes pour contourner les règlements nationaux. Par conséquent, est-ce que l'adoption du projet de loi C-300 oobligera plusieurs importantes sociétés extractives canadiennes à quitter le Canada? J'en doute, et j'en doute pour plusieurs raisons.
D’abord, le Canada abrite plus de 75 p. 100 des plus importantes sociétés d'exploration minière au monde, et ce n'est pas l'effet du hasard. Il y a d'importantes raisons pour lesquelles ces sociétés d'exploration minière ont leur siège social ou une autre forme de présence au Canada. Le Canada est riche en ressources naturelles, notamment en pétrole, en gaz naturel, en potasse, en uranium, en nickel, en cuivre, en or et en diamant, et son activité d'exploration minière est une des plus importantes au monde.
L'exploration minière au Canada est une industrie lucrative. Les bénéfices d'exploitation des sociétés minières au Canada s'élevaient à 9,1 milliards de dollars en 2008. Il s'agit du double des revenus de 2007. Les sociétés minières peuvent mobiliser des milliards de dollars sur les marchés boursiers de Toronto et de Vancouver. Ces deux marchés boursiers forment la plus importante source de capitaux propres au monde pour les sociétés minières qui entreprennent des activités d'exploration et de développement.
Dix fois plus de sociétés minières publiques sont inscrites à la Bourse de Toronto et à la bourse de croissance de la Bourse de Toronto qu'à toute autre bourse au monde. En 2009, ces deux marchés boursiers ont transigé 79,1 milliards d'actions minières et mobilisé 22,2 milliards de dollars en capitaux propres. Les industries des assurances, des banques, l’industrie juridique et l’industrie de l’ingénierie au Canada sont dotées de groupes spécialisés qui ont été constitués pour fournir, respectivement, des assurances, du financement, des conseils juridiques et des services techniques en matière d'activité minière aux sociétés minières.
D'autres pays riches en ressources naturelles tels que l'Australie et la Chine songent actuellement à introduire des taxes sur les ressources. La Chine souhaite imposer une taxe de 5 p. 100 sur les ventes de pétrole brut, de charbon et de gaz naturel, et l'Australie met en place une « taxe sur les superprofits » pour les bénéfices exceptionnels des sociétés exploitantes de ressources naturelles. D'autres pays de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine ont également songé à imposer des taxes sur les bénéfices exceptionnels et, dans certains cas, les ont déjà mises en oeuvre.
Le Canada n'a pas une telle taxe. Au contraire, le Canada offre un certain nombre d'incitatifs fiscaux avantageux qui favorisent l'investissement dans l'industrie minière nationale. À titre d'exemple, les actions accréditives permettent aux investisseurs d'éliminer de leur bilan l'intégralité de leurs dépenses d'exploration, et le programme fédéral des super actions accréditives accorde un crédit d'impôt additionnel de 15 p. 100 pour l'exploration locale.
Comme vous pouvez le constater, les sociétés extractives bénéficient d'incitatifs considérables pour demeurer au Canada.
Le dernier point que je souhaite aborder est l'argument voulant que lorsque les sociétés canadiennes sortent d'un pays, des sociétés chinoises comblent le vide et la situation des gens empire.
Dans son témoignage, M. Dade de la FOCAL a dit que c'était une erreur de mettre de la pression sur Talisman afin qu'il se retire du Soudan, et que Talisman avait pris des mesures pour corriger les problèmes en matière de droits de la personne à l'aide d'un programme de responsabilité sociale très rigoureux et sérieux. Il a dit: « Ce sont les Chinois qui contrôlent les investissements. Pour la collectivité, la situation est encore pire qu'avant. Ce scénario peut se répéter partout dans l'hémisphère. » C'est l'argument de l'engagement constructif — il est préférable que ce soit nous plutôt qu'eux.
Tout d'abord — je n'entrerai pas dans les détails, mais il me fera plaisir de répondre aux questions à cet égard —, les efforts d'autoréglementation de Talisman au Soudan ont été très minces et ils comportaient de graves lacunes. Ils ont dit avoir sollicité la participation du gouvernement du Soudan et fait des progrès en matière de droits de la personne, mais il n'y a aucune preuve provenant de sources indépendantes pour soutenir cette affirmation. En fait, la situation des droits de la personne s'est détériorée pendant la période où Talisman se trouvait au Soudan.
Un autre élément important, c'est la distinction qu'on doit faire entre les activités liées à la responsabilisation des entreprises et celles liées à la responsabilité sociale des entreprises. Talisman a affirmé qu’elle travaillait pour le bien, et ce n’est pas tout à fait la réalité, vous voyez? Les travaux de développement communautaire, les hôpitaux, les écoles et les puits, les activités liées à la responsabilité sociale des entreprises que Talisman exerçait pour le bien des communautés avaient lieu dans des villes de garnison. C'étaient des villes que le gouvernement gérait dans des zones contrôlées par les rebelles. Les gens ordinaires qui étaient sur les concessions ou aux alentours n'avaient pas accès aux villes, et les villes ont contribué à la stratégie contre-insurrection du gouvernement du Soudan.
Une entreprise qui prétend appuyer les droits de la personne et s'inspirer de la Déclaration universelle des droits de l'homme ne peut pas faire valoir légitimement — du moins à haute voix — que la philanthropie peut servir d'excuse au fait de prendre part à des violations flagrantes des droits de la personne ou d'en être complice. Ça nous ramène à l'argument de l'engagement constructif. Dans certains cas, les entreprises ne peuvent être neutres et personne ne peut affirmer qu'il est préférable qu'une entreprise canadienne soit présente dans un endroit donné, qu'elle soit complice de violations aux droits de la personne, plutôt qu'une autre entreprise. Sur le plan des bonnes politiques publiques, nous devons instaurer des normes et un mécanisme de responsabilisation.
J'aimerais parler d'un autre argument s'il me reste du temps. Certains disent que si le projet de loi C-300 est adopté, il violera la souveraineté des pays en développement. À titre de spécialiste du droit international, je dois clarifier ce malentendu.
Le droit international donne aux États le véritable pouvoir et la capacité de régir la conduite adoptée à l'extérieur de leur territoire, c'est-à-dire sur le territoire d'autres États. Le Canada peut régir l'activité de ses entreprises, soit de toute compagnie constituée en personne morale au Canada ou dont le siège social se trouve au Canada.
En fait, le Canada régit déjà les activités de ressortissants canadiens à l’étranger dans diverses circonstances. Il l'a fait à plusieurs reprises, par exemple pour mettre en oeuvre des obligations découlant d'un traité, comme la convention contre la torture, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et certaines lois antiterrorisme.
Mais il a également élargi sa juridiction pénale lorsqu'il n'existait pas d'obligation découlant d'un traité. Ainsi, avant l'entrée en vigueur du protocole à la Convention relative aux droits de l'enfant, le Canada avait déjà pris des dispositions concernant l’implication de ressortissants canadiens dans la prostitution infantile et d’autres formes d’exploitation sexuelle des enfants. C'était déjà fait.
De plus, la responsabilité civile prévue par la common law s'applique aussi à l'extérieur du territoire, et donc c'est une possibilité absolue en vertu du droit international. L'adoption de ce projet de loi ne viole pas la souveraineté des pays en développement.
Un dernier point très bref concerne un autre argument avancé par des personnes qui ont témoigné à propos du projet de loi C-300, à savoir que le mécanisme d'enquête facilitera les allégations vexatoires et fausses que les entreprises ne seront pas en mesure de réfuter. Les entreprises sont déjà jugées devant le tribunal de l'opinion publique, parce qu'il n'existe pas de forum approprié permettant d'évaluer la validité de ces affirmations. Les entreprises ont besoin d'un forum crédible et objectif qui favoriserait le règlement des différends, et les aiderait à éviter les différends et à les résoudre. Le projet de loi C-300, le mécanisme qui est proposé, pourrait jouer ce rôle.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, madame Simons.
Nous allons maintenant commencer notre première série de questions, le temps accordé étant de sept minutes pour les questions et les réponses.
Commençons par M. McKay, pour sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de prendre part au débat. J'apprécie le fait que vous soyez tous dans le même groupe de témoins. Nous pourrons sûrement débattre de quelques idées.
J'aimerais également remercier M. Stewart-Patterson d'avoir donné un résumé lapidaire de la position des entreprises. J'ai pensé qu'il serait utile de demander à ceux qui font la promotion du projet de loi C-300 de répondre à certaines des assertions qui figurent dans votre document.
Pour la première assertion, je vais adresser ma question à M. Giannini. Ce texte de loi repose sur une fausse prémisse puisqu'elle suppose qu'on ne peut faire confiance aux entreprises canadiennes dans leurs opérations internationales. Vous avez soulevé un point assez intéressant à propos des entreprises qui enquêtent sur elles-mêmes. Pourriez-vous nous en parler davantage?
Merci, monsieur McKay.
À mon avis, la croyance selon laquelle on ne peut pas faire confiance aux entreprises canadiennes est une exagération et elle simplifie trop la situation. Je crois que les entreprises canadiennes seraient en fait de meilleures ambassadrices à l'étranger si elles s'inspiraient du droit international et des droits de la personne.
En fait, l'un des éléments principaux ici, c'est que les normes du droit international sont gérables. On a fait référence plus tôt aux principes volontaires. On a parlé de deux documents en particulier: le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois des Nations Unies et les principes de base sur le recours à la force des Nations Unies. Ces documents donnent une orientation précise sur ce que constitue une force excessive.
Dans ce genre de contexte, cela signifie que les entreprises sauraient qu'il s'agit de la norme: nous devons utiliser une force nécessaire et proportionnelle, mais pas une force excessive. Les gens qui examinent les normes seraient en mesure de se pencher sur cette question. Les avocats au sein des entreprises seraient en mesure de prendre ce genre de décisions.
Grâce à ce genre de décisions, on serait alors en mesure d'être de meilleurs ambassadeurs quant à la limite qui doit être fixée en tant qu'entreprise, à savoir ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas. L'exploitation minière peut être une façon productive de développer un pays et nous le comprenons tous. Nous ne disons pas que l'exploitation minière ne peut pas être très utile au développement.
J’aimerais adresser ma prochaine question à Mme Simons. Elle concerne l'argument « coupable avant procès » dont vous avez parlé, je crois, dans la dernière partie de votre déclaration.
Il se trouve que les entreprises ici craignent, d'une certaine façon, que si une allégation est soulevée, elles devront en payer le prix, elles seront mises au pilori, et ce sera la fin pour elles. Pourriez-vous en parler, s'il vous plaît?
Eh bien, je comprends certainement la préoccupation des entreprises à cet égard. Le fait est — et j'en ai déjà parlé — qu'elles sont déjà jugées devant le tribunal de l'opinion publique. Fournir un mécanisme par lequel on peut mener des enquêtes adéquates, suivre de bonnes procédures, faire connaître la preuve et donner l'occasion à l'entreprise de réfuter les allégations améliorerait évidemment la capacité des entreprises à faire valoir leurs arguments.
De plus, le problème des affirmations fausses et vexatoires est toujours réglé sur la scène juridique. Par exemple, les tribunaux rejettent couramment ces types d'affirmations dans des affaires civiles. Je crois que c'est très important... Il est important qu'il y ait un endroit, comme je l'ai dit, où ces allégations peuvent être entendues et où la loi peut suivre son cours normal.
Merci.
JJe reviens à M. Giannini. Il a été d'avis qu'il n'y avait pas d'ensemble de normes reconnues internationalement en matière de responsabilité sociale des entreprises en regard desquelles les pratiques canadiennes peuvent être jugées. Pourrions-nous avoir vos commentaires sur le point de vue de M. Stewart-Patterson?
Eh bien, je crois que les normes en vigueur ici fournissent la précision dont nous avons besoin. Est-ce que cette précision...? Par exemple, le code de conduite demande qui sont les personnes qui relèveraient de la compétence, et les principes de base le prévoient également. Dans le contexte de la mine Porgera, les services de police travaillent en collaboration avec les responsables de la mine.
En ce sens, ce sont des officiers de justice, nommés ou élus, qui exercent les pouvoirs réservés aux policiers. Ils sont assujettis à ces normes. Donc dans cette situation, ces normes doivent être appliquées. Ça peut être fait.
La prochaine question s'adresse à Laureen Whyte.
Votre argument principal est d’éduquer et d’éviter les sanctions. Votre entreprise et les gens que vous représentez ne veulent pas imposer une orientation à partir d’obligations, si vous voulez; je crois que c'est l’élément qui vous posait problème.
Dites-moi ce que vous pensez de l'énoncé suivant:
... L'élaboration de politiques et de lignes directrices pour mesurer les écarts de conduite des entreprises canadiennes en regard des normes de RSE, y compris les constatations du Comité de contrôle de la conformité. En cas de manquement important, et si les mesures prises pour assurer la conformité de l'entreprise aux normes ont échoué, l'appui du gouvernement canadien à ces entreprises, financier ou non financier, devrait être retiré.
Ça vient directement du rapport publié à la suite des tables rondes. Approuvez-vous cet énoncé?
Je devrais peut-être apporter des précisions. Je ne faisais pas valoir qu'il ne devrait pas du tout y avoir de sanctions...
Mais le projet de loi C-300 est un régime de sanctions...
Mais personne n'affirme que le projet de loi C-300 est la première solution. Il y a une conseillère en RSE. Il y a les pratiques exemplaires que le gouvernement a mises en place. Les gens de l'ACPE ont mis sur pied e3 Plus. Il existe toutes sortes d’outils d’information visant à inciter les gens à agir correctement.
Ce projet de loi vise les situations où les entreprises n'agissent pas correctement, finalement, et on vient peut-être de nous décrire un manquement important aux normes en matière de droits de la personne. Vous croyez encore qu'il ne devrait pas y avoir de régime de sanctions au bout du compte?
Non. Je ne souscris pas au projet de loi C-300 tout compte fait. Ce que je dis, c'est que nous avons atteint, selon moi, le plus large consensus à ce jour à l'égard de nombreuses questions grâce aux travaux du représentant spécial des Nations Unies.
Enfin, permettez-moi de poser deux ou trois questions à M. David Stewart-Patterson, particulièrement en ce qui a trait à ce que je qualifierais respectueusement de recul de la part des entreprises.
Comme vous le savez, un rapport a été produit en 2007 à la suite de tables rondes. Il renferme la phrase que j'ai lue à Mme Whyte et qui disait qu'en cas de manquement important, et si les mesures prises pour assurer la conformité de l'entreprise aux normes ont échoué, l'appui du gouvernement — financier et non financier — à ces entreprises devrait être retiré.
Pourquoi les entreprises font-elles marche arrière à cette étape-ci puisqu'elles ont déjà convenu qu'un régime de sanctions est acceptable sous l'égide d'un ombudsman?
Je n'ai pas participé à ces discussions en particulier, alors je ne peux pas parler de ce qui a motivé leur décision.
Mais bon nombre de vos entreprises y ont pris part. Talisman était l'une des participantes. Je ne comprends pas le recul.
Je crois qu'il est important de dire que nous prenons le concept de responsabilité sociale d'entreprises et nous essayons d'en faire une affaire de droit. Je crois que Mme Simons a prouvé que la RSE offre à une entreprise un avantage concurrentiel. Les entreprises le font d’elles-mêmes de manière volontaire, parce que le fait d'agir correctement est bon pour les affaires. Agir correctement signifie aller au-delà de ce qu'exigent les lois ou les règlements. C'est fondamentalement une activité volontaire.
Dans le passé, quand il a été question des attentes des gens qui ont augmenté au fil du temps, soit en raison de dossiers concernant les normes environnementales ou à l'occasion de consultations auprès des Autochtones — ce sont deux exemples —, nous avons alors modifié la loi de façon à changer ce qui est requis et non ce qui est encouragé.
Non, mais voici où je veux en venir. L'essence du projet de loi consiste à essayer de faire de la responsabilité sociale des entreprises, qui est par nature une activité volontaire, un nouveau moyen de changer ce qui est requis, d'augmenter le minimum exigé par la loi.
Je crois que si on veut modifier la loi, on le fait. Si on essaie d'encourager les entreprises à agir correctement plus souvent, à aller au-delà de ce qui est requis, alors on doit penser à des façons d'encourager les gens à se conformer, plutôt qu'à des façons de les forcer à se conformer. Je crois que c'est ce dont Mme Whyte parlait.
Monsieur McKay, le temps est maintenant écoulé. Nous reviendrons à vous plus tard, j'en suis certain.
Madame Deschamps.
[Français]
[Traduction]
Merci.
L’idée qu’il n'est pas possible que la responsabilité sociale des entreprises devienne un élément de droit... Je veux dire, la responsabilité sociale des entreprises a toujours été le point de départ de la définition d'attentes et de normes qui peuvent être ensuite inscrites dans une loi.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que si on laisse aux entreprises le soin de faire ce qui est juste... Dans la plupart des pays, le droit des sociétés oblige les entreprises à agir au mieux des intérêts de l'entreprise, ce qui veut dire qu'elles doivent s'efforcer de faire des bénéfices. En cas de conflit entre les activités ressortissant à la responsabilité sociale des entreprises et l'obligation de faire des bénéfices, les entreprises choisiront la deuxième option. D'où la nécessité d'inscrire ce genre d'activité dans une loi, afin d'assurer l'adhésion des entreprises aux impératifs des droits de la personne.
Les entreprises disposent ainsi de balises par rapport auxquelles mesurer leurs activités et leurs actes. Ces balises les guident quant à ce qu'elles doivent faire.
[Français]
J'ai encore quelques questions pour vous, madame Simons.
On a entendu des témoignages selon lesquels les compagnies établies au Canada s'en iraient à l'étranger, advenant le cas où le projet de loi C-300 entrerait en vigueur. Dans ce cas, y a-t-il lieu de s'inquiéter qu'il y ait un exode massif des compagnies canadiennes, qui quitteraient le Canada par crainte de représailles envers leur crédibilité?
[Traduction]
Comme j'ai dit dans mon témoignage, il existe toujours un risque que certaines entreprises fassent jouer leurs structures pour déménager leurs activités ailleurs ou se soustraire à l'application de la réglementation.
Ce que je veux dire, c'est que dans le cas des sociétés d'extraction, il ne manque pas de raisons de rester au Canada, notamment le fait que le Canada offre un certain nombre d'incitatifs propres à encourager les activités minières sur son territoire. Il est important que les entreprises qui veulent faire de l'extraction minière soient localisées au Canada.
Il y a un certain nombre d'autres raisons sur lesquelles je peux revenir si vous voulez. Mais il y a ici des experts — des ingénieurs dans différents domaines, des experts en activités bancaires et des experts en assurance — qui sont tous rattachés à des groupes qui oeuvrent dans les domaines de la consultation technique, du soutien financier ou du soutien juridique aux entreprises concernées, quelle que soit leur expertise.
Les sociétés minières en Australie invoquent aussi cet argument actuellement: parce qu’on parle d’imposer une supertaxe, elles ont toutes l'intention de se relocaliser ailleurs. Est ce dire qu'elles vont cesser toute activité d'extraction minière en Australie? L'Australie est un pays où on trouve d'énormes ressources naturelles. Il est possible que quelques entreprises s’installent ailleurs, effectivement, mais je pense que la majorité n'en feront rien, pour les raisons que j'ai indiquées.
Monsieur le président, est-ce que je peux répondre à quelques-uns de ces points?
Le président: Oui.
M. John Dillon: Merci.
Il me semble que les propos que vient de tenir Mme Simons reposent sur quelques prémisses que nous rejetons fondamentalement.
La première est l'idée que, en cas de conflit entre la recherche de bénéfices et la protection de l'environnement ou des droits de la personne, les entreprises choisiront toujours de fermer les yeux sur ces questions pour ne se consacrer qu'à la recherche de bénéfices. Quelles qu'aient été les pratiques en usage dans le passé, les entreprises canadiennes et les membres du CCCE ne logent pas à cet enseigne aujourd'hui. Je rejette cette prémisse sans réserve.
La deuxième est que les entreprises choisiraient le lieu d'implantation de leur activité de manière à éviter la réglementation. Encore une fois, voilà une prémisse que je rejette sans réserve.
Je ne sais pas ce que vous ont dit les autres témoins, mais notre propos, ici aujourd'hui, n'est pas de donner à penser que le projet de loi C-300 incitera soudainement toutes les sociétés minières canadiennes à déménager leur siège social à l'étranger. Nous nous inquiétons toutefois de ce que les entreprises canadiennes perdent des occasions que saisiront les entreprises concurrentes qui ne sont pas exposées aux enquêtes dont nous parlons.
Je ne sais pas où les entreprises canadiennes pourraient décider d'investir dans l'avenir, mais nous ne sommes pas ici pour laisser entendre qu'elles décideront toutes subitement de déménager leur siège social. Ce qui nous préoccupe, c'est l'impact possible sur une entreprise canadienne, dans le milieu extrêmement concurrentiel dans lesquelles les entreprises évoluent aujourd'hui, si un soumissionnaire rival d'un autre pays voit une possibilité à saisir et si le gouvernement du pays en développement concerné ne sait trop à quoi s'attendre parce qu'une enquête est en cours — une enquête qui, comme M. Nash l'a souligné, pourrait prendre des années. Voilà ce qui nous préoccupe.
[Français]
Je pensais que vous aviez levé la main.
Professeur Giannini, à votre avis, qu'est-ce qui fait véritablement peur aux compagnies minières dans le projet de loi C-300?
[Traduction]
À mon avis, le projet de loi C-300 a essentiellement pour effet de mettre sur pied un régime dont les entreprises sont censées avoir l'habitude. Elles sont accoutumées à composer avec un régime qui requiert dès le départ une approche de collaboration, comme M. McKay l'a souligné. À cela s'ajoute un quelconque mécanisme de plainte pour les situations où les choses dérapent.
Il est bien possible que les entreprises n'aiment guère ce genre de mécanisme de plainte, mais, comme l'a souligné Mme Simons, ils sont plutôt monnaie courante dans les milieux du droit. Je pense qu'on exagère les craintes qu'entretiennent les entreprises à cet égard. En fait, ces mécanismes pourraient procurer un avantage concurrentiel si elles s'y conformaient parce qu'elles pourront affirmer dans les pays et dans les endroits où elles souhaitent investir qu'elles se sont approprié ces normes et qu'elles se montreront socialement responsables chez eux.
Nous croyons que c'est ainsi qu'on instaurera entre les entreprises et les collectivités un climat de confiance qui permettra de prévenir les problèmes susceptibles d'avoir des répercussions plutôt coûteuses au niveau des réputations et des rapports avec les collectivités mécontentes. Les régimes de ce genre peuvent véritablement procurer un avantage concurrentiel à long terme.
Je crois que c'est dans ce sens que vont nos démarches à l'égard des droits de la personne et que va également le représentant spécial, John Ruggie.
[Français]
Ma prochaine question s'adresse à M. Albin-Lackey ou à Mme Knuckey.
Lorsqu'on écoute vos témoignages et qu'on lit vos rapports où vous relatez des cas de violation de droits de la personne par certaines compagnies, on peut conclure que certaines compagnies sont délinquantes à l'étranger et qu'on a besoin de mesures ou de lois pour les sanctionner. À l'inverse, la réponse du gouvernement aux rapports des tables rondes — qui est une réponse plutôt timide: ils proposent des mesures volontaires — est-elle suffisante pour pouvoir agir contre les entreprises délinquantes? Qu'on le veuille ou non, il y en a, des entreprises délinquantes, et ce n'est pas une majorité de compagnies qui sont des modèles, mais il y a toujours des exceptions à une règle. C'est ce dont on discute aujourd'hui.
Alors, comment faire pour empêcher ces compagnies de faire ces exactions à l'étranger?
[Traduction]
Je pense que la mine Barrick, de Porgera, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, est un exemple fort pertinent en l'occurrence, parce qu'il y a là une situation dans laquelle il n'existe pas de véritable cadre de réglementation, étant donné le refus du gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée d'appliquer ses propres lois et ses propres règlements.
Essentiellement, il s'agit d'une entreprise qui affirme appliquer toutes les normes prévues au projet de loi C-300. Barrick n'est pas encore un adhérent aux principes volontaires en matière de sécurité et de droits de la personne, mais elle affirme les appliquer dans toutes ses activités. Elle affirme avoir une politique de tolérance zéro à l'égard des violations que nos travaux de recherche et ceux de Harvard et de la NYU ont mis au jour là-bas. Elle affirme faire tout en son pouvoir pour mettre un terme à ces violations, mais le fait est qu'elle n'a pas réussi à aller aussi loin qu'il le faudrait.
Pour moi, son incapacité en la matière met en évidence les limites d'un cadre purement volontaire. Il doit y avoir une quelconque réglementation contraignante en complément des mesures volontaires que les entreprises pourraient choisir d'adopter. Malgré toute l'utilité de ces mesures volontaires, qu'il convient d'encourager, elles ne constituent pas en tant que telles un substitut adéquat à la réglementation gouvernementale.
Merci beaucoup.
Avant de donner la parole à M. Lunney, j'aurais une courte question à poser.
Je comprends bien que les exactions commises là-bas soient intolérables, mais dans les pays où l'on est incapable d'appliquer ce genre de réglementation, où faut-il tirer la ligne entre la responsabilité de l'entreprise à l'égard des forces de sécurité et celle du pays incapable d'agir pour des raisons d'ordre culturel chez lui?
Nous ne parlons pas de pays comme le Canada, où existe la primauté du droit, etc. À votre avis, madame Knuckey, quelle est la part de responsabilité attribuable à l'entreprise et quelle est celle qui est attribuable aux carences de la gouvernance dans le pays en question?
Je dirais que c'est attribuable aux deux.
Naturellement, tout gouvernement a l'obligation, tant aux termes du droit criminel chez lui qu'aux termes du droit international en matière de droits de la personne, de faire enquête sur toute allégation d'exactions telles que le viol collectif, le tabassage ou l'assassinat. Mais dans ce cas particulier, comme l'a mentionné M. Albin-Lackey, dans lequel le gouvernement n'a littéralement ni la capacité ni, apparemment, la volonté de faire enquête de façon transparente et approfondie sur les allégations en question, l'entreprise a repris à son compte une responsabilité de l'État dans ce domaine et elle a l'obligation de faire enquête de façon indépendante sur les allégations.
Vous êtes en train de dire que, dans les pays où la gouvernance est faible, il incombe aux sociétés minières d’assumer une part accrue du rôle que le gouvernement refuse de jouer dans les cas où il y a des allégations et des raisons de s'inquiéter.
Idéalement, le gouvernement devrait prendre ses responsabilités, mais toute tentative de la part d'un service de sécurité de faire enquête sur soi-même à l'interne peut donner lieu à des allégations de partialité.
Je fais enquête au nom des Nations Unies sur des cas d'assassinats commis par les forces policières dans différents pays du monde. Tout service de police sérieux est assujetti à une supervision externe habituellement exercée par des civils parce que les mécanismes internes sont toujours exposés à un risque de corruption et de partialité internes. Il en va de même ici.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui. Tous les gens présents à cette table savent bien que nous examinons une question sur laquelle il existe une grande diversité d'opinions. Nous les avons entendu exprimer à cette table aujourd'hui.
Je crois qu'il est clair que nous reconnaissons tous le rôle important du Canada à cet égard dans le monde. Le Canada a joué un rôle dans l'élaboration des lignes directrices adoptées partout dans le monde, des lignes directrices d'application volontaire. Nous avons participé à nombre de processus et nous encourageons les entreprises canadiennes à reprendre à leur compte les principes et lignes directrices suivants: les Principes de l'Équateur, les lignes directrices de l'OCDE et les lignes directrices de la SFI. Je crois que EDC a été l'une des premières organisations dans le monde à être signataire des lignes directrices de l'OCDE.
Nous travaillons en ce sens. Nous avons procédé à un vaste processus de consultation ici même au Canada, un exercice de collaboration sous forme de tables rondes auxquelles tout le monde était convié, et nous avons mis au point une stratégie. Le gouvernement a déjà annoncé la stratégie, issue d'un processus de collaboration, qui porte sur certains de nos sujets de préoccupation et qui accroîtra notre capacité à leur égard.
Monsieur McKay lui-même a joué un rôle dans les tables rondes ou s’est tenu au courant et il a demandé qu'un conseiller indépendant examine les enjeux. L'une de nos objections ou de nos préoccupations relativement au projet de loi C-300est le risque de politisation de la démarche du fait qu'elle serait confiée à un ministre.
Malheureusement, nous serions aux prises avec des allégations venues de loin parmi lesquelles il serait difficile de se retrouver ou sur lesquelles il serait difficile de faire enquête rapidement, vu les incertitudes au niveau juridique, et nous nous retrouverions dans une situation où les députés pourraient se retrancher derrière le privilège parlementaire pour s'acharner sur un ministre, faire des allégations non fondées sous couvert du privilège parlementaire, sans s'exposer à des conséquences judiciaires, au détriment de l'économie du Canada et du bien-être non seulement des sociétés d'extraction, mais de notre économie elle-même.
Voilà l'une des lacunes fondamentales du projet de loi à mes yeux. Ça m'inquiète beaucoup. M. McKay et les autres seraient bien avisés d'y réfléchir. Quel que soit le parti au pouvoir, les incertitudes juridiques inhérentes au projet de loi créeraient une situation vraiment intenable face à une problématique qu'il ne serait peut-être pas possible de régler rapidement.
Cela dit, je reconnais autour de la table des gens qui ont pris part à l'exercice de collaboration et qui possèdent une vaste expérience de l'instauration d'un esprit de collaboration au sein d'un conflit, même dans ma province, la Colombie-Britannique, où on connaît un certain nombre de problèmes reliés aux communautés, et notamment aux communautés des Premières nations.
Vous en avez parlé, madame Whyte.
Le Canada a acquis une expertise considérable dans ce genre d'exercice. Les problèmes ne sont pas faciles à résoudre ici même et ils le sont encore moins à l'étranger, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage sur l'expérience de la Colombie-Britannique, sur celle de l'organisation que vous représentez — laquelle existe depuis 1912 — et sur votre participation à l'exercice de collaboration, et que vous nous fassiez part de ce que vous avez appris qui pourrait être utile.
Une des choses les plus importantes que nous avons apprises en travaillant avec les Premières nations en Colombie-Britannique, c'est que lorsqu’il y a beaucoup de fluidité pour ce qui est des questions de compétence, des processus décisionnels, de la gestion des dossiers, etc. — et cela fait maintenant un certain temps que nous travaillons dans ce domaine —, ce qui apparaît très clairement, c'est que les partenariats sont indispensables si l'on veut accomplir quoi que ce soit au sein des collectivités.
Je crois qu'il y a également deux ou trois autres points qui doivent être pris en considération.
Quand on affirme qu'il y aurait un gain de crédibilité si les compagnies canadiennes établies à l'étranger étaient régies par le gouvernement canadien, certaines personnes mettent en question cette idée. Elles se demandent si le fait que le gouvernement canadien régisse une entreprise signifie qu’il trouvera une solution pour la collectivité visée, de manière à répondre à ses besoins. Les Premières nations ont soulevé cette question au sujet du projet de loi C-300. Je ne crois pas que nous puissions dire, au niveau international, que nous avons trouvé une solution qui permette de protéger l'intégrité des communautés, et de veiller à ce que les droits humains et la dignité des personnes y soient respectés.
Il y a donc des questions que nous devons nous poser à cet égard. Je crois cependant que l'autre point qui est très important, c'est que notre expérience, tout particulièrement avec les Premières nations, nous a appris qu'il y a des éléments qui dépendent de la collaboration — qui nous permet d'apprendre les uns des autres —, qu'il y a également des éléments qui présentent un aspect juridique, et que ces deux types d'éléments entrent en jeu. Ces éléments sont interdépendants, et nous tenons compte de ce fait dans nos travaux
Ce qui me déplaît, dans le projet de loi C-300, c'est que cela fait maintenant pas mal de temps que nous travaillons sur cette question, et que nous sommes tout près de voir les résultats du travail de John Ruggie. La conseillère en RSE travaille en étroite collaboration avec nous à l'établissement d'une sorte de cadre canadien, qui aurait du sens à nos yeux et qui présenterait cet aspect opérationnel. Je ne crois pas qu'on puisse régir quoi que ce soit adéquatement sans tenir compte de la composante opérationnelle.
Cela fait seulement quelques années que nous sommes engagés dans ce processus. Ce n'est pas un domaine où nous avons énormément d'expérience pour ce qui est de la conduite efficace des opérations. Cela demande du temps. C'est à cela que nous consacrons une grande partie de notre temps, en tant qu'association. Nous tâchons d'aider les gens à comprendre de quelle manière ils doivent gérer ces questions sur le terrain.
Je reviens à la question des consultations. Vos organisations ont participé au processus consultatif qui a débouché sur la stratégie de RSE et sur la création du Bureau du conseiller en RSE.
Est-ce que le Conseil canadien des chefs d'entreprise a également pris part à ces discussions? Avez-vous été consultés? Avez-vous participé aux tables rondes...?
Je suis certain que certaines sociétés membres y ont participé, mais elles étaient probablement représentées par leurs associations sectorielles. En tant que conseil, nous n'avons pas participé directement.
Merci.
Mais est-ce qu'on vous a consultés? Le projet de loi de M. McKay a été présenté mais, honnêtement, je ne suis pas sûr que quiconque ait été consulté à ce sujet. Avez-vous été consultés au sujet de ce projet de loi avant qu'il ne soit présenté?
Pouvez-vous répondre à cette question, madame Whyte, ou quelqu’un d’autre?
Merci, monsieur McKay; vous pourrez intervenir à votre tour.
Certaines personnes pensent que si ces mesures dont on a quelque peu discuté entraient en vigueur — c'est-à-dire les mesures du projet de loi C-300, qui adopte d'emblée une approche punitive —, il pourrait falloir un bon moment, compte tenu des contraintes de temps et du flou juridique, pour que quelqu'un puisse déterminer avec exactitude ce qui s'est produit en territoire étranger.
Alors permettez-moi d'abord de vous demander s'il vous semble possible que les entreprises envisagent de relocaliser leurs sièges sociaux.
On a donné à entendre que le processus volontaire de la conseillère en RSE serait inutile parce qu'il n'est pas obligatoire, mais je crois plutôt qu'une entreprise qui ferait l'objet d'une enquête, ou à qui la conseillère demanderait de l'information, aurait tout intérêt à collaborer entièrement.
Je me demande ce qui se passerait réellement. Étant donné qu'il y aurait des rapports publics, une condamnation par la population, des répercussions sur le cours des actions, etc., il me semble que les conséquences seraient passablement graves pour une entreprise qui déciderait de ne pas se conformer au processus.
Pouvez-vous nous donner votre avis là-dessus?
D'après mon expérience, il ne fait aucun doute que ce serait la voie que choisiraient invariablement les entreprises avec lesquelles j'ai travaillé, pour peu qu'on leur apporte du soutien et qu'on leur propose de discuter avec elles, de chercher des solutions et de résoudre les situations de manière constructive. Il serait complètement déraisonnable de leur part de ne pas profiter d'un processus comme celui-là. Les entreprises prennent vraiment au sérieux la question de leur accréditation sociale, et il y a un important risque politique lié à cette question en Colombie-Britannique, compte tenu de l'incertitude par rapport aux Premières nations. Il y a un certain nombre d'entreprises qui s'en vont parce qu'elles ne peuvent pas obtenir leur permis social d'exploitation.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les membres du comité d'avoir déjà posé les questions les plus pertinentes. Il y en a tout de même deux ou trois autres que j'aimerais encore poser.
Madame Simons, je crois que je vais d'abord m'adresser à vous, étant donné que vous êtes la dernière à avoir pris la parole, et que tout le monde commence par vous de toute façon.
Vous avez parlé du tribunal de l'opinion publique et des incidences positives que le règlement de ces situations aurait sur les entreprises. Je suis d'accord avec votre raisonnement et avec ce que vous avez dit, mais les gouvernements étant ce qu'ils sont, ne craignez-vous pas que les ressources soient insuffisantes pour que l'on puisse s'occuper de ces choses de manière équitable et dans des délais raisonnables?
Vous êtes au fait des plaintes qui sont déposées à l'étranger. Ce sont les dépenses qui me préoccupent. Il y aura des frais de voyages à acquitter, et toutes sortes d'autres dépenses. Chaque plainte risquerait non seulement de traîner en longueur, mais également d'être très onéreuse.
Oui, cela pourrait coûter cher. Les procédures judiciaires coûtent cher elles aussi; elles représentent des coûts encore plus élevés.
En ce qui concerne la question du manque de ressources, les ressources de la conseillère sont déjà insuffisantes. Son budget n'est certainement pas énorme. À cet égard, je crois que le projet de loi C-300 permettrait d'améliorer la situation.
Il n'est pas nécessaire que tout ça relève d'un ministre. Je reconnais que l'autonomie de la démarche risque d'être compromise si elle relève d'un ministre. Mais cette situation découle du fait qu'il s'agit d'un projet de loi émanant d'un député, et que des ressources du gouvernement ne peuvent donc pas être demandées. Cependant, comme M. Dewar l'a souligné il y a quelques semaines, on pourrait modifier la structure d'un seul coup de crayon, afin de créer un mécanisme plus indépendant. Je crois que l'argument du manque d’autonomie est un peu fallacieux.
Pouvez-vous me rappeler la dernière partie de votre question?
Je me demandais si vous étiez préoccupée par le fait que les ressources allouées, que ce soit dans le contexte du projet de loi ou autrement, pourraient ne pas suffire à permettre un traitement rapide et équitable des plaintes; c'est-à-dire qu'il serait impossible de faire ce qui devrait être fait selon vous, soit régler les cas par voie juridique, afin qu'on puisse tirer les choses au clair.
Je présume que si le projet de loi entre en vigueur, le gouvernement y affectera les ressources nécessaires. Je dois partir de ce principe. Je ne peux pas dire ce que le gouvernement fera, mais si un mécanisme est créé, qu'il entre en vigueur en vertu d'une loi et qu'il est censé servir à telle ou telle chose, le gouvernement devrait y affecter un certain budget, sans quoi ce mécanisme ne servira à rien. Les ressources seraient sans doute supérieures à ce qui est actuellement alloué au Bureau du conseiller en RSE.
J'aimerais faire rapidement un dernier commentaire au sujet du projet du loi C-300 et de l'insuffisance des consultations. On vient de parler de cette question. Le projet de loi repose sur les principales propositions qui ont été retenues au terme des tables rondes, dans le cadre desquelles on a procédé à de très vastes consultations. Il me semble donc fallacieux, encore une fois, de prétendre qu'il n'y a pas eu de consultation au sujet du contenu du projet de loi.
D'accord. Merci.
Madame Whyte, vous représentez des sociétés minières de moindre envergure. On m'a rapporté — et des critiques ont été formulées à ce sujet — que le véritable problème, avec les entreprises canadiennes établies à l'étranger, ce sont les petites sociétés. Ce ne sont pas les grandes. Quel est votre avis sur la question?
Il est certain que les petites entreprises n'ont pas les moyens de gérer elles-mêmes tout ce qu'elles doivent gérer actuellement. Nous n'avons pas seulement besoin d'employés qui connaissent la géologie et les fondements du commerce, mais aussi d'anthropologues et de spécialistes de l'environnement. Il devient très difficile pour les petites entreprises de se doter d'un effectif possédant toutes les qualifications dont elles ont besoin pour satisfaire à toutes ces exigences.
J'aimerais seulement faire un bref commentaire. Je voudrais insister sur le fait que, du moins dans notre cas, nous parlons de viols collectifs, de passages à tabac — qui, dans certains cas, pourraient être assimilés à de la torture — et d'homicides. Certains propos que j'ai entendus aujourd'hui semblent sous-entendre que nous devrions laisser ces crimes impunis ou négocier une solution. Les personnes qui ont commis des crimes comme ceux-là doivent être tenues responsables de leurs actes, et si l'entreprise ou le pays d'accueil qui serait impliqué ne fait pas enquête, il est indiscutable que le Canada devrait s'en mêler, en tant que pays d'attache.
J'aimerais simplement dire une chose. Parmi les problèmes que nous rencontrons dans les pays en développement, il y a le manque de connaissances de nombreuses collectivités autochtones et d'autres collectivités qui vivent dans des régions éloignées. J'arrive d'un séjour au Pérou. Des coups de feu ont été échangés, là-bas, et 34 personnes ont été tuées parce qu'une société pétrolière voulait s'établir à un endroit où les Autochtones ne voulaient pas d'elle.
Quand je travaillais pour le gouvernement, j'ai créé une direction des affaires autochtones. J'ai travaillé pour le gouvernement pendant quatre ans, ce qui est quand même un certain temps. Une des mesures que nous avons prises, au Canada, a été la création d'une direction qui a pour mandat de renseigner les collectivités à l’étranger, mais aussi dans notre pays, sur les tenants et aboutissants de l'exploration et de l'exploitation minières. Il y a un grand vide à cet égard et il faut le combler.
Monsieur Nash, permettez-moi de vous poser encore une question.
Si le projet de loi C-300 est un mauvais projet de loi, mais qu'il est important d’avoir une stratégie en matière de RSE, comme vous l'avez dit dans votre exposé, comment pourrons-nous mettre en oeuvre une telle stratégie, sans ce projet de loi?
Sans ce projet de loi... Comme je le mentionne dans mon document, il y a une foule de questions qui n'ont pas fait l'objet d'une analyse adéquate. En fait, il faudrait analyser de manière plus approfondie beaucoup de questions soulevées à l'étape des tables rondes
J'aimerais insister sur le fait qu'à mon avis, nous ne comprenons pas assez bien certaines répercussions. On a même soulevé aujourd'hui encore certains autres points qui mériteraient d'être étudiés. Les normes sont-elles trop strictes? En toute honnêteté, je n'ai pas la réponse à cette question, mais si les entreprises se plaignent, qu'on nous dise exactement ce qu'il y a de trop strict dans ces normes, et qu'on nous explique pourquoi.
Je n'ai pas la réponse, mais ce que j'essaie de dire, c'est qu'avant d'aller trop loin, nous devons approfondir un peu notre analyse de la question. Je ne dis pas qu'il faut s’éterniser, mais les tables rondes ont révélé très clairement qu'il y a des lacunes graves dans notre compréhension. Si vous souhaitez que le projet de loi soit au point, ou si vous souhaitez prendre la bonne décision, alors assurons-nous d'être sur la bonne voie. Je crois que nous faisons fausse route, en ce qui concerne ce projet de loi.
Ai-je le temps de poser une autre question, monsieur le président?
Monsieur Stewart-Patterson, quels amendements devrions-nous apporter à ce projet de loi pour qu'il réponde à vos besoins? Si on remplaçait la conseillère...
Vous semblez très optimiste en ce qui concerne le financement. Je ne suis pas certain de partager cet optimisme.
Je crois que Mme Simons présumait qu'il y aurait assez de fonds, mais pas moi. Mais si on remplaçait le poste de conseiller par un ombudsman, par exemple? Ou y a-t-il d'autres amendements qui pourraient faire en sorte que ce projet de loi soit acceptable?
Non. Je crois que le projet de loi comporte une lacune fondamentale qui ne peut pas être corrigée par un amendement. Honnêtement, je crois que ça recoupe quelques-uns des points que Mme Simons et que les représentants de Harvard ont soulevés.
En résumé, dans les exemples qu'ils ont donnés, la difficulté n’était pas tant de savoir si une entreprise était responsable sur le plan social, mais si le gouvernement du pays en cause faisait respecter les règles de droit. Mme Knuckey a d'ailleurs fait des suggestions à cet égard. Le gouvernement a l'obligation de mener une enquête, et lorsqu'il n'est pas en mesure de le faire, l'entreprise doit assumer la responsabilité de l'État.
D'après mon interprétation, on veut faire adopter au Parlement canadien un projet de loi qui demande aux entreprises canadiennes de juger s'il convient de passer outre au pouvoir souverain d'un autre État, de déterminer si l'État dans lequel elles mènent des activités est défaillant et d'assumer des rôles qui reviennent à l'État, notamment mener des enquêtes et imposer des sanctions.
Je trouve que c'est un principe aberrant à soutenir du point de vue du gouvernement du Canada. Je serais très surpris que votre parti soit en faveur d'un principe qui encourageait les entreprises à passer outre au pouvoir d'États souverains.
Si nous avons le temps, est-ce que je peux demander au groupe de Harvard de commenter très brièvement ces remarques?
En fait, en ce qui concerne le dernier point, je tiens à préciser que personne ne dit que le gouvernement du Canada devrait passer outre au pouvoir souverain de quelque pays que ce soit. C'est plutôt...
Non. Dans un cas où des employés d’une entreprise, des gardiens de sécurité et de forces de sécurité du gouvernement — qui sont sur place pour protéger l'entreprise — infligent de graves sévices, nous ne disons pas que l'entreprise canadienne devrait construire une prison et y jeter tous les coupables; ce qu'il faut, c'est que l'entreprise canadienne qui se trouve à l'étranger soit tenue responsable du comportement de ses employés et des forces de sécurité qui assurent sa protection. Elle ne peut pas simplement alléguer qu'elle ne sait pas ce qu'ils font ou qu'elle n’est pas en mesure de mener une enquête.
Le projet de loi dit essentiellement — et c'est ce que tout le monde ici soutient — qu'une entreprise implantée à l'étranger ne peut pas employer un service de sécurité privé et armé et dire qu'elle ne peut pas intervenir lorsque des employés de ce service infligent des sévices. Elle ne peut pas s'en laver les mains.
J'aimerais aussi revenir très rapidement sur l'un des points soulevés par M. Nash, à savoir que ces normes sont peut-être trop élevées et qu'il faudrait davantage de consultations à ce sujet.
J'ai bien l'impression que toutes les grandes entreprises canadiennes à l'étranger disent qu'elles se conforment déjà à chacune des normes énoncées dans ce projet de loi —non qu'elles souhaitent s'y conformer ou qu'elles s'efforcent de le faire, mais s'y conforment véritablement. Alors pourquoi est-ce que les normes prévues dans le projet de loi seraient trop vagues ou impossibles à respecter si les entreprises n'hésitent pas à proclamer haut et fort au public et à leurs actionnaires qu'elles s'y conforment déjà?
Non. Vous avez vraiment dépassé la limite de temps. Nous ne vous voyons pas très souvent, John, alors je voulais vous laisser un peu de temps.
Pour notre deuxième série de questions, je vais allouer un temps de parole de cinq minutes seulement.
Monsieur Van Kesteren, la parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous de votre présence ici aujourd'hui.
Nous suivons tous des séries comme La Loi et l'ordre; parfois — c'est même souvent inévitable —, un événement survient à la fin de l'émission et le criminel s'en tire à cause d'un détail de procédure. Et nous nous demandons comment ça peut se produire. Ce genre de situation survient en raison de conséquences qui n'avaient pas été prévues au moment de l'adoption d'une loi.
Je crois que vous avez mentionné cet aspect vous aussi.
J'aimerais revenir en arrière un peu. J'aimerais vous faire une petite leçon d'histoire, même si je ne prétends pas être un spécialiste en la matière. Je me rappelle du Soudan — laissez-moi réfléchir un instant — dans les années 1980, et même avant cela. À l'époque, l'Éthiopie faisait partie de la sphère d'influence de l'Union soviétique, qui tentait en quelque sorte d'exporter la révolution. Le mouvement s’était étendu...
Glen connaît probablement le sujet un peu mieux que moi, mais le Soudan, qui était un pays sous-développé de l'Afrique où les tribus... Honnêtement, c'est devenu un enfer. Et maintenant, les Russes sont partis, laissant la région en plein chaos. Malgré cette instabilité, une entreprise, Talisman, s’est installée là bas et s'est efforcée de se tailler une place sur le marché.
Nous connaissons l'histoire et nous savons ce qui a suivi; Talisman a levé le camp et les Chinois ont pris la place.
Madame Simons, êtes-vous au courant de ce qui se passe du côté des Chinois ces temps ci? Savez-vous s'ils ont pris des mesures par rapport aux droits de la personne et...
Je ne dirais pas que la situation s'est améliorée. La guerre a pris fin dans cette région du Soudan — je ne parle pas du Darfour, mais bien du Nord-Ouest du Nil. Les Chinois étaient là avant que Talisman ne parte.
À l'époque où Talisman était là? Non, les choses n'allaient pas mieux. La guerre sévissait et les droits de la personne étaient moins respectés qu'auparavant.
Mais est-ce que la situation...
Y êtes-vous retournée? Êtes-vous allée enquêter sur la situation?
N'allez pas croire que j'essaie de vous piéger. J'essaie simplement...
Je n'y suis pas retournée, mais Georgette Gagnon, qui prenait part à la mission Harker, et John Ryle y sont allés l'année suivante. Il y a également eu la parution d'un grand nombre de rapports, et Human Rights Watch et d'autres en ont parlé.
Je maintiens que l'argument ne tient pas la route parce que... Si Talisman était resté, croyez-vous que la situation serait meilleure à l'heure actuelle? Je ne le crois pas. Sur le plan social, l'entreprise aidait le gouvernement à exécuter son programme de lutte contre les insurrections.
Donc, je ne crois pas que cet argument soit très valable.
J'ai l'impression que vous auriez beaucoup de difficulté à y retourner parce que les Chinois ne toléreraient tout simplement pas votre présence.
JJ'ai parlé des conséquences imprévues. Je vais demander l'avis d'autres témoins, mais j'aimerais d'abord demander à M. Giannini dans combien de sociétés minières il a fait enquête par le passé, outre celle en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Avez-vous une liste de ces sociétés?
Je mène des enquêtes sur les meurtres illégaux pour le compte des Nations Unies. Je me suis rendue dans un grand nombre de pays pour faire enquête sur des délits commis par des militaires, des policiers, des gens du secteur privé et des groupes de rebelles. Je suis allée au Congo, au Kenya, au Brésil, en Colombie et en Afghanistan.
Eh bien, les problèmes qui ont été rapportés en Papouasie-Nouvelle-Guinée surviennent aussi au Congo et dans d'autres pays, n'est-ce pas?
Bien entendu, il y a un grand nombre de crimes, par exemple des viols, de la torture et des meurtres, qui sont commis par les forces de sécurité privées.
Non. Partout dans le monde, des militaires et des groupes de rebelles contreviennent au droit international.
Évidemment, il n'y a pas que les entreprises canadiennes de l'industrie extractive qui soient concernées; d'autres entreprises dans le monde sont mises en cause. J'ai d'ailleurs mené des enquêtes à ce sujet en Afrique du Sud et au Myanmar et j'ai longuement étudié la question.
Ce genre de situation survient lorsque le régime de gouvernance est déficient, il est en lien avec une entreprise, et que la sécurité est une préoccupation constante. Voilà pourquoi — entre autres raisons — les principes volontaires ont été établis.
En fait, ce que je veux vraiment savoir, c'est si les autres entreprises qui font l'objet de vos enquêtes font partie du monde libre.
Finalement, ce que je veux dire, c'est que les entreprises qui sont prêtes à apporter des changements — et je crois que cette idée a été très bien exposée ce matin —, qui veulent agir correctement et qui sont ouvertes à certaines de vos propositions viennent du Canada et probablement des États-Unis.
Mais faites-vous enquête sur les entreprises chinoises ou saoudiennes? Vous arrive-t-il de faire enquête sur des entreprises d'autres pays?
Dans bien des cas, on se rend compte qu'il s'agit de consortiums, et en général, de consortiums internationaux. Par exemple, au Myanmar, il y avait un consortium qui regroupait des entreprises françaises, américaines, birmanes et thaïlandaises. Donc l'ensemble du consortium a ses propres responsabilités, et les rapports dont il a fait l'objet portaient sur toutes ses activités.
Je reviens à vous, monsieur Stewart-Patterson.
J'aimerais que vous nous disiez si vous croyez aussi que certains pays, c'est-à-dire les pays qui ne font pas partie du monde libre — sans les nommer —, apporteront des améliorations. Pouvons-nous nous attendre à ce qu'ils se conforment à ces normes? Aurons-nous l'occasion de vérifier si les changements ont été apportés?
Je crois avoir dit au début de la séance que selon moi, les entreprises canadiennes font partie des entreprises, tant au sein de notre industrie que des autres industries des quatre coins du monde, qui se comportent le mieux. Dans l'ensemble, nos pratiques sont meilleures que celles des entreprises de n'importe quel autre pays.
Je trouve très intéressant que Mme Simons, alors qu'elle parlait du Soudan, semblait grandement dénigrer les efforts que déploient les entreprises canadiennes par le biais de programmes d'investissement dans la communauté, qui — je le suppose — sont conformes aux demandes du gouvernement hôte. Elle a mentionné que des entreprises chinoises menaient des activités là-bas en même temps que nous, mais elle n'a pas dit si leur bilan en termes de responsabilité sociale était similaire, meilleur ou pire que celui des entreprises canadiennes.
Je crois qu'il serait instructif qu'elle fasse cette comparaison pour nous.
D'accord. Attendez un instant. Nous allons conclure avec M. Nash.
Il y aura un autre tour et nous reviendrons à vous, alors vous pourrez peut-être aborder cet aspect à ce moment-là.
J'aimerais souligner qu'effectivement, le Canada était chef de file mondial dans l'industrie minière. Dans les années 1980, l'Association minière du Canada a été la première association de l'industrie à mettre sur pied une politique environnementale. Je le sais parce que j'ai pris part au processus. Nous avons mis sur pied le Conseil international des métaux et de l'environnement, qui a précédé celui qui existe actuellement au Royaume-Uni, et nous représentions 32 sociétés minières du monde entier. Le conseil se concentrait principalement sur le développement durable, l'environnement et la responsabilité sociale, ce qu'on appelait le triple résultat.
Vous avez vu ce qu'ont fait l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs et, au cours des dernières années, l'Association minière. Elles ont une bonne longueur d'avance sur n’importe quel pays, à ma connaissance.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Je vais parler en français, si cela ne vous dérange pas. C'est ma langue maternelle.
[Français]
Monsieur Stewart-Patterson, vous dites, à la page 3 de votre mémoire: « Depuis un certain temps, le gouvernement fédéral est engagé, avec des sociétés canadiennes responsables, à élaborer et appliquer des normes rigoureuses en matière de RSE. » Quand vous dites « le gouvernement fédéral », parlez-vous du conseiller en responsabilité sociale des entreprises? Qu'entendez-vous par « gouvernement fédéral », terme qui est tellement large?
Si je comprends bien, vous nous dites, dans votre énoncé, que ce sont les compagnies minières qui sont en train de travailler à l'élaboration de lignes directrices pour la responsabilité sociale des entreprises.
[Traduction]
Pour clarifier un peu les choses, au début de la séance, votre collègue, M. McKay, a posé une question à propos des consultations et des tables rondes qui ont eu lieu antérieurement, et d'autres personnes y ont fait allusion; j'ai répondu que notre conseil n'avait pas participé directement à ces activités et que je ne pouvais pas en parler dans le détail. Mais je crois que votre collègue de l'autre côté de la table a expliqué la nature de ces discussions. Je pense bien que toutes les parties y ont pris part.
Oui, mais vous dites que vous n'y avez pas participé, et vous mentionnez cela dans votre mémoire, et c'est...
D'accord.
Croyez-vous vraiment que la conseillère a un pouvoir quelconque, en ce sens que...? Ce que je veux dire, c'est que ce n'est qu'une conseillère. Pensez-vous vraiment qu'une entreprise comme Barrick Gold suivrait ses conseils?
Je pense que n'importe quelle entreprise sensée suivrait de bons conseils, quelle qu'en soit la source.
Oh. Je ne vous crois pas...
Des voix: Oh, oh!
M. Bernard Patry: J'ai une question à poser à Mme Simons.
Avec les tables rondes, beaucoup de travail a été accompli. Comme vous l'avez dit, ces tables rondes ont permis de produire un rapport fabuleux. Selon l'une des conclusions de ce rapport, un ombudsman pourrait enquêter sans imposer de sanction. Si le gouvernement acceptait cela... Dans un sens, il ne l'a pas accepté, parce qu'il subissait beaucoup de pression de la part des sociétés, de la part des chefs d'entreprise du Canada. C'est la raison pour laquelle il ne l'a pas accepté.
En ma qualité de médecin, je dirais que c’est la montagne qui accouche d’une souris; il n'y a rien là-dedans. Il n'y a aucun pouvoir, rien; ce n'est que de la poudre aux yeux. Qu'en pensez-vous? Si nous avions un véritable ombudsman, est-ce que...? La seule possibilité, c'est de mener une enquête. Qu'en pensez-vous, madame Simons?
Eh bien, ce serait certainement mieux que ce que nous avons actuellement, c'est-à-dire une conseillère qui peut enquêter uniquement lorsque les parties acceptent; cela signifie qu'une entreprise peut refuser qu'une enquête ait lieu dans une situation en particulier.
Le fait d'avoir un ombudsman serait mieux que ce que nous avons actuellement, mais je continue de croire que ce type de mécanisme, qui prévoit l'exécution d'une enquête à la suite d'allégations, avec des sanctions, est beaucoup plus sensé. Parce que, s'il n'y a pas de sanction, rien n'incite vraiment les entreprises à se conformer, sauf pour préserver leur réputation; et il faut enquêter pour s'assurer que les entreprises se conforment réellement.
Merci, monsieur le président.
Madame Simons, le comité est au courant de mes antécédents et de mon engagement à l'égard du Soudan. Cette discussion à propos de Talisman me fait toujours tiquer. Je suis allé là-bas souvent. La situation n'est pas pire sous le régime des entreprises chinoises qu'elle ne l'était sous le régime de Talisman. À mon avis, c'est un argument sans valeur.
Sans le projet de loi C-300, ce que Talisman a traversé a été extrêmement éprouvant. L'entreprise a vu sa part de marché chuter de 7 p. 100. Son propre manque d'expertise à l'égard de ce qu'il fallait faire a divisé le pays. Elle n'a pas tenu compte des conseils du gouvernement de l'époque de ne pas le faire.
Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant ce dont tout le monde parle ici aujourd'hui que le fait que, au sein de la société canadienne, des groupes de la fédération des enseignants se soient débarrassés de leurs actions dans Talisman. Toutes sortes d'ONG et d'autres entreprises se sont prononcées contre Talisman. Il en est résulté une division de la société canadienne, et c'est ce qui me préoccupe.
Nous n'avions nulle part où chercher pour savoir vraiment ce qui se passait, pour savoir qui respectait la norme et qui ne la respectait pas. Comme vous avez pris part à la rédaction du rapport Harker — et je connais l'oeuvre de l'auteur —, je me demandais si vous pouviez nous parler de ce qui a été dit à propos de ses conséquences pour le Canada.
Je pense que vous avez raison. C'était une énorme campagne. Comme vous l'avez dit, elle a bel et bien divisé les gens et eu une incidence négative. Si des normes avaient déjà été en place, comme celles que propose le projet de loi C-300, et si nous avions eu un mécanisme quelconque pour enquêter sur ces questions, nous aurions traité le dossier d'une façon tout à fait différente.
Talisman aurait eu des lignes directrices à suivre pour faire face à ce genre de situation. S’ils avaient décidé d'aller de l’avant, comme ils l’ont fait, et que ce qui s'est produit s'était produit, je pense qu'on aurait conclu qu'il s'agissait d'un mauvais investissement et qu'il était impossible d'aller là bas sans être complice de ces violations des droits de la personne. À mon avis, si un mécanisme de réglementation avait été en place pour prévenir ce type d'engagement dès le départ, pour aider les entreprises à se sortir de ce genre de situation et pour offrir un quelconque processus de plainte, les conséquences pour la société canadienne auraient été complètement différentes.
C'est un honneur pour moi d'être ici. Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici.
Madame Knuckey, ma première question s'adresse à vous. Vous avez mentionné que vous aviez participé à des enquêtes sur les violations des droits de la personne pour le compte des Nations Unies.
Quels mécanismes punitifs, s'il en est, prévoient les Nations Unies? Lorsque votre enquête révèle qu'il y a eu violation, est-ce que les Nations Unies disposent de mécanismes punitifs pouvant s'appliquer contre le pays, une entreprise ou une personne?
Le système dans lequel je travaille comporte un ensemble spécial de procédures qui relèvent du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Quand nous lui présentons un rapport, le Conseil des droits de l'homme peut faire une déclaration publique ou adopter une résolution concernant les violations commises par le pays visé.
Merci.
Monsieur Stewart-Patterson, ma prochaine question s'adresse à vous. Êtes-vous en mesure d'évaluer les coûts, s'il y a lieu, que le projet C-300 imposerait aux entreprises ou ce qu'il en coûterait pour faire des affaires? Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
Je ne pense pas qu'il soit possible de vraiment quantifier cela, parce que le problème du projet de loi vient en partie du fait que, essentiellement, il crée une nouvelle couche d'incertitude. Nous venons tout juste de parler de l'incidence de l'opinion publique et d'autres mécanismes indicatifs en réaction à ce qui s'est produit au Soudan.
Le fait est que — et je le dis depuis bien des années — tout ce que fait une entreprise n'importe où dans le monde, que ce soit ou non une bonne chose, a une incidence sur sa réputation partout dans le monde. Et la réputation, comme vous l'avez vu dans le cas du Soudan, a une incidence directe sur le cours de l'action, sur la viabilité de l'entreprise, sur les emplois et les revenus générés de même que sur les gens qui investissent dans cette entreprise. En fait, il est impossible de cacher les mauvaises actions dans le monde d'aujourd'hui. Les réactions sont si puissantes que le gouvernement canadien n'a pas besoin d'intervenir et de dire aux entreprises canadiennes de ne pas tenir compte de la primauté du droit ou de l'absence de la primauté du droit dans un autre pays souverain.
Alors je ne peux pas vous dire quels seront les coûts additionnels associés à ce projet de loi, mais il ajoute sans aucun doute une autre couche d'incertitude. Il crée sans aucun doute un autre véhicule au moyen duquel n'importe qui, incité par un concurrent ou non, peut entacher la réputation des entreprises canadiennes. Comme nous l'avons déjà dit, lorsqu'une entreprise voit sa réputation entachée, il y a des répercussions très réelles sur ses activités, sur ses employés et sur ses investisseurs.
Je pense que M. Pearson a effectivement aidé à répondre à cette question. Diriez-vous que l'opinion publique en tant que telle soit suffisamment puissante?
Je pense que nous en avons eu un exemple au Soudan, n'est-ce pas?
Et là encore, je suis curieux. Quelqu'un a dit qu'il était impossible d'y aller sans être complice des violations des droits de la personne. Eh bien, les entreprises canadiennes n'étaient pas seules là-bas. Les autres entreprises ont-elles toutes été condamnées de la même façon? Et si elles ne l'ont pas été, pourquoi?
Monsieur Stewart-Patterson, j'ai une dernière question à vous poser. À la toute fin de votre exposé, vous dites que le projet de loi C-300 pourrait « aussi nuire à l'image de marque de nombreuses autres sociétés canadiennes menant des activités dans des pays en développement dans des secteurs autres que celui des mines, du pétrole et du gaz ». Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Je le répète, c'est un effet d'entraînement. L'image de marque du Canada repose essentiellement sur la réputation individuelle de tous les Canadiens et sur celle des sociétés canadiennes qui jouent un rôle sur la scène internationale.
Alors si nous faisons tout pour nous tirer une balle dans le pied, pour ternir notre propre réputation et pour aider les autres à ternir notre réputation dans le secteur minier, cela va avoir des répercussions sur l'image de marque du Canada de façon générale. Par exemple, si une société minière a fait l'objet d'une campagne de détraction dans un pays en particulier, eh bien, il est possible qu'une entreprise d'un autre secteur ait de la difficulté à mener ses activités dans ce pays.
J'ai une courte question à poser à M. Nash. J'essaie de bien comprendre. Les crimes dont nous discutons sont tout à fait atroces, mais, d'après ce que j'ai lu et ce que je comprends, ils sont pour la plupart commis par des habitants du pays. Ce ne sont pas des citoyens canadiens. Ils travaillent pour des entreprises canadiennes, mais ils font partie de la population locale.
Comment sommes-nous censés surveiller ces gens qui commettent un crime dans leur propre pays? Il se trouve qu'ils travaillent pour une entreprise canadienne; ce ne sont pas des Canadiens qui commettent des crimes à l'étranger, ce qui est très différent des exemples que la spécialiste juridique nous a donnés.
Nous avons des lois extraterritoriales, mais ces lois visent les citoyens canadiens qui commettent des crimes à l'étranger; elles ne s'appliquent pas aux habitants qui commettent des crimes dans leur propre pays. J'essaie de comprendre comment nous sommes censés surveiller les gens qui commettent des crimes dans leur propre pays.
Je ne suis pas avocat, mais je dirais que le seul moyen de... Eh bien, deux entités peuvent intervenir. Il y a le gouvernement local, qui a recours à son propre système. Sinon, l'entreprise pourrait prendre une décision stratégique selon laquelle, par exemple, si certains actes d'apparence criminelle sont posés, quelle qu'en soit la nature, elle ne réembauchera pas les personnes responsables. Ce sont les deux seules solutions possibles que je vois.
Mais je ne peux imaginer le gouvernement canadien intervenir et enquêter sur les actes d'un garde de sécurité accusé de viol. Cela me semble problématique. Vraiment. Je ne le recommanderais pas, parce qu'il pourrait y avoir tellement plus de situations de ce genre. Le gouvernement canadien va-t-il devoir intervenir chaque fois que quelqu'un se plaint du fait que l'entreprise a embauché la personne qui est à l'origine du problème?
D'un point de vue pratique... Sur le plan juridique, si ce projet de loi est adopté, il faudrait peut-être s'intéresser à la question. Et vous savez ce que je pense du projet de loi. Je pense qu'il faut en approfondir bien des aspects et chercher à mieux comprendre les questions en jeu. Alors je dirais simplement que, d'un point de vue pratique, ce n'est pas la voie à suivre. Je laisserais à d'autres, peut-être le gouvernement local, le soin de s'en charger...
Merci.
À propos du gouvernement canadien qui réglementerait les habitants d'un autre pays, la réglementation vise les citoyens canadiens et les sociétés canadiennes; elle vise les sociétés canadiennes qui embauchent des forces de sécurité ou qui ont recours à ce genre de service, par exemple, pour protéger leurs activités. Que ces forces de sécurité soient ou non constituées de membres de la population locale, l'entreprise canadienne a la responsabilité de procéder à une présélection appropriée, de former les gens qu'elle embauche ou d'embaucher des forces de sécurité qui n'ont jamais commis d'infractions au regard des droits de la personne et de les former pour qu'elles protègent ses activités en adoptant une conduite appropriée.
Alors ce n'est pas exactement cela. Je ne pense pas que l'on puisse parler de réglementer les habitants d'un autre pays. Ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi. Il demande aux entreprises d'assumer la responsabilité des personnes qu'elles embauchent pour protéger leurs activités à un endroit en particulier.
Merci.
J'aimerais remercier tous les témoins d'aujourd'hui. Je pense que nous avons eu une discussion intéressante et un bon dialogue. Merci à tous de vous être déplacés.
Je vais laisser partir les témoins. Nous devons poursuivre la séance à huis clos pour les travaux du comité. J'espère que ce ne sera pas trop long. Je vais remercier les témoins et les laisser se retirer.
Nous allons suspendre la séance pendant une minute puis revenir pour traiter quelques affaires.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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