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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis un professeur d'économie à la retraite de l'Université Simon Fraser, mais j'ai passé les quatre derniers mois à Djouba, au Sud Soudan, à titre de conseiller principal pour la Banque du Sud Soudan. J'ai travaillé pour Deloitte en vertu d'un contrat avec USAID.
Notre mandat était d'aider la Banque du Sud Soudan à se séparer de la Banque du Soudan, qui se trouve à Khartoum; elles tiendront un vote sur leur séparation le 9 janvier 2011. La principale préoccupation que nous avions était la création d'une nouvelle devise.
Nous avons eu notre première réunion au début du mois de juin, à Nairobi, avec six hauts dirigeants de la Banque du Sud Soudan. Nous leur avons dit qu'ils devraient utiliser le dollar américain pour le moment parce que tout le monde l'utilise de toute façon et que l'introduction d'une nouvelle devise serait chaotique. En l'espace d'une demi-heure, ils avaient tout changé et nous avaient dit que c'était totalement inacceptable, qu'ils voulaient leur propre devise, qu'il s'agissait d'un symbole de leur indépendance.
Établir la crédibilité d'une nouvelle devise était un défi d'ordre financier. Après l'accord de paix global de 2005, par exemple, le gouverneur de la Banque du Sud Soudan — qui est toujours en poste — a permis qu'on photocopie de l'argent pour payer l'armée de libération du Sud Soudan. Naturellement, cet argent manquait de crédibilité.
Mais je ne vais pas parler des problèmes de création d'une devise aujourd'hui, à moins que vous ne le vouliez. Je vais mettre l'accent sur le rôle du Canada au Soudan, d'après ce que j'en sais.
Je pense que nous dépensons environ 117 millions de dollars par année au Soudan, principalement pour le Darfour et le Sud Soudan. Proportionnellement, nous dépensons plus que les États-Unis. Je crois que nous sommes le troisième donateur, après l'UE et les États-Unis. Depuis l'exercice financier 2004-2005, nous avons dépensé plus d'un milliard de dollars.
Environ 100 des 117 millions de dollars sont dépensés par l'ACDI et 17 millions de dollars sont dépensés par le MAECI. À ma connaissance, les projets du MAECI sont en grande partie liés à la sécurité. Nous avons des agents de la GRC qui entraînent la police du Sud Soudan, y compris des femmes, et nous avons environ 50 conseillers militaires. Je ne sais pas avec certitude quel est leur rôle, parce que contrairement aux Américains, nous ne donnons pas de formation pour aider l'armée populaire de libération du Sud à passer d'une milice à une véritable armée. Nous ne faisons pas cela. Mais nous fournissons de l'aide à la sécurité pour la livraison de nourriture, des véhicules pour la mission de l'ONU et beaucoup d'autres choses.
Les projets de l'ACDI, les 100 millions de dollars, sont axés sur l'aide alimentaire et la sécurité alimentaire — la livraison de nourriture —, sur le bien-être et l'éducation des enfants et des jeunes, ainsi que sur les institutions, la gouvernance et la justice. Nous consacrons aussi de l'argent pour appuyer l'UE dans sa surveillance des référendums du 9 janvier. Il y en a deux, comme vous le savez sans doute: l'un au Sud Soudan, et l'autre à Abyei, qui est un territoire contesté, juste au nord de la frontière. Nous allons également soutenir le Carter Centre dans sa surveillance des élections.
Comme d'autres donateurs, nous dépensons beaucoup d'argent sur ce qu'on appelle les secours d'urgence à court terme. Il s'agit de livrer de la nourriture et d'aider à éviter les combats presque quotidiens et les atrocités qui se produisent au Darfour et entre les tribus au sud, en particulier entre les deux tribus les plus importantes, soit les Dinkas et les Nuers. Sans parler des combats et de la violence amorcés par les milices civiles, comme la Lord's Resistance Army, qui vient d'Ouganda et qui s'est maintenant installée dans la partie sud-est du Sud Soudan.
Tant le Nord que le Sud ont recours depuis longtemps à ces milices civiles. Et à cette époque, le Nord et le Sud ont utilisé leur propre cupidité et leurs doléances comme prétexte pour attaquer le territoire en litige, et les milices ont servi d'intermédiaire. Il est probablement vrai que le Nord fait maintenant davantage appel à l'aide des milices que le Sud. Certes, c'est ce que nous ont appris nos amis du Sud. Le Nord utilise les milices pour créer de l'agitation au sud et à Abyei dans le but de retarder ou de discréditer les votes sur l'indépendance prévus pour le 9 janvier 2011.
La solution de rechange à l'aide d'urgence est un investissement à long terme dans le développement durable. L'école et la santé sont des candidats évidents. Les enfants sont maintenant de retour à l'école, après 20 ans de guerre civile et de recrutement à titre d'enfants-soldats. Mais au-delà du primaire ou — au mieux — de l'école secondaire, les perspectives en matière d'éducation sont faibles.
J'ai visité l'Université de Djouba une fois quand j'étais là-bas, et c'est un endroit formidable. Ils ont une merveilleuse faculté des arts, de musique et de théâtre — je suis un musicien et j'ai adoré cela —, mais il n'y a pas de faculté de sciences économiques, de faculté de commerce ni d'école de droit. Djouba est une sorte de cloaque d'eau sale, de moustiques et d'excréments de vache qui favorise la propagation du choléra, de la fièvre jaune, de la méningite et, bien entendu, de la malaria. Tout le monde attrape la malaria.
Djouba est aussi une sorte de foyer de banditisme et d'assassinats. Maintenant, pour être juste, c'est beaucoup mieux qu'il y a deux ou trois ans. En fait, les gens me disent qu'ils se sentent plus en sécurité dans les rues de Djouba qu'ils ne le sont à Nairobi, que l'on surnomme maintenant « Nairobbery ». Néanmoins, toutes sortes de choses se sont produites. Il y a eu des batailles dans les bars entre des personnes de tribus différentes. Ce qui nous a déplu, c'est que de tous les groupes d'aide étrangers, seuls ceux qui travaillaient pour Deloitte n'ont pas été autorisés à sortir après 22 heures; je pense que c'était parce qu'ils pensaient que nous pourrions les poursuivre. Pendant ce temps, les gens de l'ONU sont à l'extérieur jusqu'à deux heures du matin, se font poignarder, se battent dans les bars, toutes sortes de choses. Notre conseiller en sécurité nous racontait tout cela chaque matin pour nous dissuader de rester à l'extérieur tard la nuit.
Pour ce qui est de la scolarisation et de l'éducation, la question ne se pose pas, mais il est beaucoup plus difficile de favoriser la croissance économique à long terme sans l'aide étrangère et le pétrole, car le Sud Soudan est presque totalement dépendant de l'aide étrangère et du pétrole. L'aide étrangère s'élève à environ deux milliards de dollars par année, mais cela ne se rend pas dans les poches du citoyen moyen. En fait, cela remplit probablement les poches des experts-conseils et retourne à l'étranger. Le pétrole est pratiquement le seul produit d'exportation. Il y a l'agriculture, mais elle est relativement peu importante. Le pétrole est de loin le produit d'exportation le plus important, et les recettes pétrolières s'élèvent à environ deux milliards de dollars par année.
Les recettes pétrolières représentent 98 p. 100 des revenus du gouvernement qui ne proviennent pas de l'aide, et environ 30 p. 100 du budget du gouvernement du Sud-Soudan est consacré au matériel militaire — importé, en grande partie —, soit des hélicoptères achetés récemment — quand j'y étais — et de vieux chars d'assaut russes. En bref, une partie de l'argent du pétrole et du gouvernement disparaît dans des poches privées et est généralement déposé à l'étranger, ou du moins de l'autre côté de la frontière, au Kenya.
En résumé, environ quatre milliards de dollars entrent au Sud Soudan chaque année, dont environ la moitié provient de l'aide étrangère et l'autre du pétrole. À cela s'ajoutent quelques centaines de millions de dollars renvoyés au pays par la diaspora de Soudanais du Sud vivant à l'étranger.
La population du Sud Soudan est d'un peu plus de huit millions. Donc, si l'on compte seulement les recettes de l'État et qu'on divise les quatre milliards de dollars par huit millions de personnes, on obtient environ 500 $ par an, ce qui est le montant qui devrait aller dans les poches de chaque personne. La production nationale génère très peu de revenus, et une grande partie de la production nationale est constituée de biens. Il s'agit de bétail, de cultures vivrières de subsistance, etc., qui ne sont jamais mis en vente et ne sont donc jamais monétisés. Mais le revenu par habitant au Soudan n'est pas de 500 $ par année, il est de moins de 300 $ par année, soit environ 80 ¢ par jour. Certes, ces quelque 300 $ par année ne comprennent pas les revenus en nature, comme l'aide alimentaire, qui est importante. Néanmoins, 200 millions de dollars ont disparu, et il s'agit en grande partie d'une fuite de capitaux — des personnes riches et puissantes envoient de l'argent à l'étranger — ou d'aide internationale gaspillée.
Donc, la différence entre ce qui arrive dans la région et qui en ressort, simplement pour le répéter, va aux dépenses militaires, au gaspillage de l'aide internationale et à la corruption. Autrement dit, la plus grande partie de l'argent qui entre au Sud Soudan en ressort par l'intermédiaire des importations militaires, des revenus des experts-conseils, non pas que les experts-conseils soient complètement inutiles — j'en étais un — et la fuite des capitaux.
Tout pays qui s'appuie largement sur le pétrole ou l'aide étrangère est soumis à des mesures dissuasives pour trouver d'autres sources de revenus. En outre, la production de pétrole au Soudan atteindra probablement son niveau le plus élevé dans 10 ou 12 ans. Il est donc impératif que le Soudan se dote d'une autre industrie d'exportation. Le secteur le plus prometteur est l'agriculture. Le Soudan n'est pas seulement le plus grand pays d'Afrique, il est l'un des plus fertiles. Le magnifique Nil s'étend de l'Ouganda, au sud, jusqu'à l'Égypte, au nord. Il y a le Nil Bleu. À Djouba, nous étions installés sur les rives du Nil Blanc.
Traditionnellement, le principal produit agricole est le bétail. Les Soudanais du Sud, en particulier, sont des éleveurs de bétail. Au Soudan, on n'appelle pas cela du bétail. « Bétail » est un terme neutre, mais les Soudanais utilisent le mot « vache », qu'il s'agisse de mâles ou de femelles. Il y avait des troupeaux de vaches juste à côté de notre campement, il y avait un abattoir et on y abattait les bêtes pendant que nous dormions; la puanteur était abominable.
Ce que je veux dire, c'est qu'une importante industrie agroalimentaire à grande échelle est maintenant en place: on produit du coton, du maïs, de l'huile de palme et même des fleurs. L'industrie est particulièrement bien implantée dans le Nord, mais en réalité, il y a plus de potentiel dans le Sud parce qu'il est plus fertile. L'industrie agroalimentaire, comme le pétrole, est financée et organisée par des entreprises étrangères. Le pétrole est financé en grande partie par les Chinois, mais l'agriculture est subventionnée par les pays du Moyen-Orient et beaucoup d'autres.
Jusqu'ici, tout va bien, et il n'y a rien de mal — en ma qualité d'économiste, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de mal, en principe — avec l'investissement étranger direct. Mais au Soudan, les principes ont été mis à mal par des investisseurs sans scrupules, qui sont aidés et soutenus par les fonctionnaires du gouvernement soudanais, tant au Nord qu'au Sud. Au cours des 12 derniers mois seulement, le ministère de l'Agriculture du Sud Soudan a vendu des milliers d'hectares, des millions d'acres de terres fertiles à des entreprises étrangères. Bon, il n'y a rien de mal à cela non plus, en principe. Ici au Canada, nous vendons nos droits pour le pétrole et la potasse à des étrangers. Mais en pratique, me dit-on, ce qui se passe au Sud Soudan et dans le Nord, c'est que les collectivités, les tribus et les agriculteurs de subsistance ont pour ainsi dire perdu leur droit traditionnel d'occupation des terres. Il n'y a pratiquement pas de lois foncières dans le Nord du Soudan.
Depuis la pénurie alimentaire de 2007, principalement dans le Nord mais de plus en plus dans le Sud, le gouvernement soudanais a vendu ou loué à long terme — un bail emphytéotique a généralement une durée de 70 ans — des centaines de milliers d'hectares, des millions d'acres de terres agricoles. Le Soudan loue maintenant plus de terres à long terme que tout autre pays en Afrique...
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Merci, monsieur le président pour l'occasion qui m'est ainsi donnée de m'adresser aux membres du comité permanent de la Chambre des communes.
Je tiens également à remercier Mme Christine Vincent, qui m'a permis d'entrer en contact avec votre distingué comité.
J'ai le plaisir de vous dire que c'est la deuxième fois que je prends la parole devant un comité permanent ici. Il y a quatre ou cinq ans, j'ai été présenté par l'honorable David Kilgour. C'était avant la guerre en Irak, et je travaillais pour les Nations Unies au Moyen-Orient.
J'ai donné certaines informations sur moi, mais j'aimerais dire quelque chose. Je viens de prendre ma retraite des Nations Unies. Mon dernier poste était au Soudan. J'ai également travaillé à la division du maintien de la paix des Nations Unies pendant 17 ans. Je suis allé sur le terrain presque partout dans le monde. J'ai travaillé pendant une courte période à New York. Je suis allé au Cambodge en 1991 et en 1992. J'ai ensuite été transféré en Afrique du Sud pour y faire la promotion de la paix et assister, en qualité d'observateur, aux élections de 1994, qui ont été les élections multiethniques et multiraciales les plus équitables. J'étais posté dans la partie nord de l'Afrique du Sud, la région la plus critique et la plus dangereuse.
À l'époque, j'ai eu le plaisir de connaître le Président de la Chambre, M. Peter Milliken, qui était là-bas, l'ancien secrétaire d'État pour l'Amérique latine et l'Afrique, Christine Stewart, David Kilgour et quelques autres personnes.
Je suis allé en Afghanistan deux fois. J'ai vu deux ou trois gouvernements tomber dans ce pays. J'ai passé trois ans en Afghanistan et j'y suis retourné pendant un certain temps après le déclenchement de la guerre. Je suis allé en Irak deux fois. J'ai travaillé au programme « Pétrole contre nourriture » pendant trois ans; j'ai ensuite été affecté à la zone verte après la guerre pendant encore trois ans. Je suis aussi allé dans le Nord du Ghana pour y travailler à la résolution du conflit et du problème de la prolifération des armes légères. J'ai également été député au parlement du Soudan pendant un certain temps.
Toutefois, avant de vous parler du Soudan, j'aimerais dire que l'occultation du monde multilatéral au cours de la période ayant suivi la guerre froide a provoqué de l'insécurité, de l'instabilité, des actes terroristes ainsi que des problèmes financiers et politiques qui ont affecté non seulement les pays en développement mais également les pays avancés.
Le Soudan est le plus grand pays d'Afrique et le plus riche en ressources. Il a été un pionnier de la démocratie en Afrique. Le Soudan a acquis son indépendance en 1956. Il a connu une première période de démocratie de 1956 à 1958. Un coup d'État militaire a mis fin au régime démocratique, qui a néanmoins été rétabli deux ans plus tard, pour une durée de moins de quatre ans, avant un autre coup d'État qui a laissé les militaires au pouvoir 16 ans. Ont suivi trois années de régime démocratique auxquelles un autre coup d'État militaire a mis fin et qui a permis aux militaires de s'accrocher au pouvoir depuis 21 ans. Cela vous donne une idée de ce qu'a subi le Soudan, avec 40 années de régime militaire et 11 années seulement de démocratie, qui n'ont pas été vécues de façon continue.
Jusqu'à la fin des années 1960, le Soudan avait la réputation d'être un pays pacifique qui entretenait de bonnes relations avec ses voisins et avec la communauté internationale. Or, depuis les 40 dernières années, soit depuis 1970, nous éprouvons des problèmes.
Aujourd'hui, le Soudan est dans une position où il pourrait être le plus grand pays d'Afrique. Toutefois, des guerres incessantes s'y déroulent sans que les Nations Unies n'y prêtent nullement attention — et je dis bien « nullement » — parce que j'ai travaillé aux Nations Unies, que je suis un Canadien d'origine soudanaise et que je sais ce qui s'est passé là-bas. L'ONU n'était tout simplement pas là.
Toutefois, au cours des 20 dernières années, le régime en place a traité le Sud différemment par rapport aux régimes militaires ou civils précédents. Les guerres entre le Sud et le Nord ont commencé en 1953 et se sont poursuivies jusqu'en 2005, entrecoupées de périodes de négociation et de réconciliation, la plus importante entamée en 1971 a duré 11 ou 12 ans, jusqu'à ce que le régime militaire y mette fin. Les gens sont donc repartis en guerre jusqu'en 1983 et, encore une fois, jusqu'en 2005, lorsque l'Accord de paix global a été conclu.
Le principal problème éprouvé avec l'Accord de paix global, ou l'APG, comme les gens l'appellent, tient à ce qu'il n'était pas un accord de paix des Nations Unies. Les Nations Unies n'ont joué aucun rôle dans cet accord, qui a été influencé par les États-Unis et certains pays européens.
Naturellement, les partis politiques du Soudan, et tous les Soudanais, conviennent que les frères du Sud ont le droit d'autodétermination. Toutefois, je crois que la façon dont l'APG a été conclu a aggravé la situation au Soudan.
Même si le Sud se sépare, il faudra s'occuper des relations entre le Sud et le Nord sans parler, naturellement, de la situation au Soudan. D'autres régions du pays pourraient vouloir faire à leur tour sécession, étant donné la façon dont l'APG, ou le traité de Naivasha, a été conclu.
Le régime en place au Soudan porte la plus grande partie du blâme pour ce qui est de l'APG, mais je dirai que les États-Unis sont également à blâmer en partie. La communauté internationale, ou les Nations Unies, à proprement parler — au cours de toute la période entourant la guerre froide — favorisait l'unité, tout particulièrement celle des États-nations.
Les États-nations se composent d'une diversité de cultures, de races, etc. Voilà pourquoi les Nations Unies, en conformité avec la charte qui les régit, doivent maintenir la paix internationale et l'unité des États, et non favoriser leur démembrement. Malheureusement, nous vivons actuellement une époque d'occultation du système multilatéral et nous voyons des États de certaines parties du monde en développement se désintégrer.
Le Soudan, qui est un pays d'Afrique, est le seul à connaître une sécession.
L'Érythrée s'est séparée, en fait elle est devenue un pays indépendant de l'Éthiopie parce qu'elle ne faisait pas partie de l'Éthiopie. les Érythréens sont un peuple différent.
La situation du Soudan comporte donc des implications ou des ramifications possibles pour l'Afrique, tout particulièrement pour les pays voisins, comme le Congo, l'Ouganda, le Kenya et même l'Éthiopie — qui compte aussi des minorités — ainsi que le Tchad, où les Arabes et d'autres peuples connaissent d'autres problèmes.
Ainsi donc, pendant que plusieurs parties du monde sont au troisième millénaire et commencent à se regrouper et à s'unir, le Soudan, ou l'Afrique, ou plutôt les plus grands pays d'Afrique commencent à se morceler.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous prie d'excuser mon retard. Pour venir ici en partant de Khartoum, j'ai dû prendre un vol pour Burlington avec une escale à New York et conduire ensuite jusqu'ici. Me voilà donc directement de Khartoum, via New York et Burlington.
Je dois d'abord vous dire quelque chose au sujet de l'organisation que je dirige, appelée FAR, dont le siège est à Toronto. Il s'agit d'une organisation canadienne. Je suis également vice-président du forum des ONGI où je représente 72 ONG internationales présentes dans le Nord du Soudan. Au cours des quatre dernières années, j'ai été soit président, soit vice-président du forum, et je peux donc vous parler également de la situation sous l'angle de cette organisation. Avant de travailler pour FAR, j'ai participé au processus de paix à Naivasha et ensuite à Abuja et à Asmara, à l'est du Soudan.
Voilà donc en bref mes antécédents.
C'est bien agréable de pouvoir revenir au Canada. Je vous remercie beaucoup de m'en avoir donné l'occasion.
Comme j'avais commencé à le dire, je viens d'un pays, le Soudan, où la situation est assez inquiétante pour le moment. Il y règne beaucoup d'incertitude sur l'avenir, et les gens sont très nerveux. Des informations contradictoires circulent sur ce que seront dans l'avenir la citoyenneté, les mouvements de populations, etc. Les gens subissent beaucoup d'intimidation exercée pour influencer le vote au référendum. Des gens se font battre s'ils sont suspectés de vouloir voter pour l'unité — ce sont les Soudanais du Sud qui vivent dans le Nord. Des groupes d'Arabes ont également été expulsés du Haut-Nil dans le Sud, et de plus en plus de Soudanais du Sud qui s'étaient établis dans le Nord reviennent dans leur région d'origine.
Mon organisme gère le quai de Kosti, sur le Nil Blanc, par où passent, dans des barges, toutes les personnes déplacées qui se rendent dans la partie centrale ou dans la partie méridionale du Sud du Soudan. De 800 qu'il était la semaine dernière, le nombre de ces personnes est passé à 6 000 cette semaine. Nous observons donc une augmentation spectaculaire de gens qui prennent la direction du Sud. Ces mouvements précèdent la période d'inscription qui commence, comme vous le savez, dans deux semaines seulement.
Les chiffres font toujours problème au Soudan. Dans les exposés qui vous ont déjà été présentés, on vous a fait part de chiffres divergents concernant le nombre de citoyens au Soudan, ces chiffres variant de 8,2 millions à 16 millions. Pour s'inscrire au vote, les gens doivent retracer leur ascendance dans une tribu du Sud. Ils doivent habituellement remonter à quatre générations au plus. Je n'ose pas penser aux origines des Canadiens s'ils pouvaient revendiquer leur nationalité en remontant à quatre générations. Il y a de toute évidence un problème dans la définition de ce qu'est un vrai Soudanais du Sud, et des conséquences s'ensuivent pour le vote.
Auparavant, le gouvernement a essayé, d'une certaine façon, de minimiser l'importance de la population des Soudanais du Sud vivant dans le Nord, parce qu'il croyait qu'il était dans son avantage d'agir ainsi. Maintenant, le gouvernement tente de gonfler rapidement le nombre de ces personnes. Nous sommes passés d'une estimation de un demi-million de Soudanais du Sud vivant dans le Nord à une estimation allant de 1,5 à 2,7 millions de personnes. C'est une augmentation très considérable. Par ailleurs, même si on ajoutait au chiffre de 10,5 millions d'habitants du Sud, accepté à la Cour permanente d'arbitrage, le chiffre maximal de 2,7 millions donné par certaines sources, et si on présumait une évolution démographique normale pour un pays en développement — à savoir que la moitié de la population a moins de 18 ans et n'est donc pas en âge de voter —, et même si tout le monde dans le Nord compris dans le chiffre maximal votait pour l'unité, il faudrait qu'une personne sur huit dans le Sud vote pour l'unité pour que l'unité l'emporte. Nous pouvons donc nous attendre à ce que le Sud fasse sécession.
Nous, les ONG, sommes touchés de deux façons, et c'est ce dont je vais vous parler, étant donné le temps limité dont je dispose. Il y a d'abord la question de la planification des mesures d'urgence — comment planifier le repositionnement des ressources, comment prévoir les mouvements de populations et comment répondre à ces besoins — en particulier la Mission des Nations Unies au Soudan. On demande à l'ONU de fournir davantage de troupes à la frontière et de prêter son soutien pour le référendum. Comment les gens de l'ONU pourront-ils arriver, avec leurs ressources limitées, à fournir des troupes pour les bureaux de vote tout en protégeant la frontière, là où se trouvent les champs pétrolifères qui seront probablement le théâtre de conflits? Voilà qui sera un défi considérable.
L'autre problème, naturellement, tient à l'accès des organismes humanitaires aux lieux.
À l'heure actuelle, le gouvernement du Nord bombarde encore le Darfour. Ces bombardements n'ont aucun motif militaire; ils n'ont pour objet que de terroriser les populations. J'hésite à parler ainsi dans une tribune publique, mais il est très clair, pour moi, que le gouvernement du Soudan poursuit une double stratégie. Il veut, d'une part, affamer des populations qu'il croit favorables aux groupes rebelles en empêchant des organismes humanitaires d'y avoir accès, privant ainsi ces populations de nourriture, d'eau et de services de base. La situation est un peu meilleure cette année parce que la saison des pluies qui vient juste de finir a été bonne. Le gouvernement tente également d'instrumentaliser les projets de reprise ou de redressement. Des responsables gouvernementaux se rendent dans une région donnée pour dire aux gens que s'ils cessent d'abriter des rebelles, ils vont leur faire construire une école. Ils nous approchent ensuite, nous, les ONG, et nous demandent d'aller construire cette école en nous disant qu'ils l'ont promise. Nous refusons, car nous ne pouvons tout simplement pas faire cela. Nous servirions alors d'instrument politique pour le gouvernement en place, mais on nous reproche ensuite l'absence de service.
Nous nous trouvons dans une position très difficile, sur le plan politique, alors que nous étions appelés à répondre aux besoins, on cherche maintenant à nous utiliser comme instrument politique, et c'est une situation que nous prenons grand soin d'éviter lorsque nous le pouvons.
La raison pour laquelle je vous parle de ce problème — en prévision tout particulièrement du référendum — est qu'il est bien possible que le gouvernement du Nord refuse aux travailleurs humanitaires l'accès aux régions qui, selon lui, ne l'appuient pas entièrement et que le gouvernement du Sud, qui a reproduit beaucoup d'erreurs de son vis-à-vis du Nord, voudra, j'en ai bien peur, en faire autant, victime d'une espèce de syndrome de Stockholm. Tout le royaume des Shilluk, dans le Haut-Nil pourrait ainsi être inaccessible — je ne vais me perdre en détails géographiques parce que je ne sais si vous connaissez très bien le pays. Des régions du pays où les populations ne sont pas nécessairement considérées comme totalement favorables au gouvernement du Nord, ou à celui du Sud, pourraient être interdites d'accès et privées de services.
Je vais peut-être m'arrêter là, parce que vous avez maintenant une assez bonne idée de la situation et que je ne veux pas dépasser le temps qui m'est alloué. Je donnerai les précisions dont vous avez besoin lorsque je répondrai à vos questions.
Pour répondre à la première question sur les Soudanais qui essaient d'intimider ou de convaincre les gens du Sud qui se trouvent dans le Nord, j'aimerais dire quelque chose de très important. L'accord de paix a été conclu par le régime au pouvoir au Soudan et non par le peuple soudanais. Les Soudanais n'ont pas été consultés. Leur position est aujourd'hui ambigüe. Ils n'ont pas voix au chapitre parce qu'ils n'ont pas de liberté d'expression ni rien d'autre. Les principaux partis politiques qui, bien sûr, ont la faveur de la majorité des Soudanais n'ont pas participé aux négociations ni à la signature ni à la mise en oeuvre de l'accord de paix global.
À moins que le gouvernement ne suscite de problèmes avec les gens du Sud qui se trouvent dans le Nord, les Soudanais du Nord, en général, ne nuiront pas à la tenue d'un référendum dans le Nord. De fait, je doute énormément qu'il y ait un référendum dans le Nord, à Khartoum et ailleurs, parce que la plupart des gens du Sud qui se trouvent dans le Nord, se trouvent à Khartoum. Ce que je comprends, c'est que le mouvement auquel Monsieur a fait allusion était en fait issu du gouvernement du Soudan du Sud, qui voulait ramener ces personnes dans le Sud afin d'augmenter le taux de participation au scrutin et d'atteindre le taux de 60 p. 100 des voteurs inscrits.
Quant aux Soudanais du Nord, en général je ne crois pas qu'ils entraveront le référendum, parce que, à cet égard, ils ne sont tout simplement pas là.
J'espère que j'ai bien répondu à cette question.
En réponse à l'autre question, sur les gens du Sud qui se trouvent dans le Nord, je dois préciser qu'ils sont un demi-million à un million et que, probablement, le Sud ne dit rien à 70 p. 100 d'entre eux. Une proportion notable de personnes de 40 à 50 ans qui vivent dans le Nord y sont nées. Leurs rapports avec le Sud sont nuls. Du point de vue culturel et même linguistique, elles se sont arabisées d'une manière ou d'une autre, bien qu'elles pratiquent une religion différente. D'après moi, le gouvernement du Sud les incite à revenir, mais on craint que, par l'intimidation, le gouvernement du Nord, au cas où un référendum se tiendrait dans le Nord, les amène à ne pas participer à la consultation.
D'après moi, ayant vécu avec ces gens et les connaissant, ils sont nombreux à avoir coupé les liens avec le Sud. Ils n'y ont ni père ni mère ni maison ni aucun endroit où aller. C'est la raison pour laquelle, peut-être, Monsieur a dit qu'ils pouvaient se trouver pris dans la région frontalière, parce qu'ils ne possèdent aucune terre.
Voilà ma courte réponse à la question. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.
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Merci. C'est une question importante.
Tout d'abord, dans l'esprit de la plupart des Soudanais, les politiques internationales des États-Unis engendrent souvent, ou assez souvent, le chaos. Mon travail aux Nations Unies et sur le terrain m'a permis de voir que certaines des politiques des États-Unis, même si l'intention était bonne, ont été mal appliquées et mal exécutées. Pour ce qui est de l'APG en tant que tel, si vous le lisez attentivement, vous constaterez que la sécession a été conclue en ce jour de 2005.
Quand nos frères du Sud ont signé l'APG, ils se préparaient déjà à faire la sécession. L'hymne national du Sud est prêt et on le connaît. Personne ne peut aller dans le Sud et prétendre qu'on appuie l'unité là-bas. La population du Nord le sait, et le gouvernement le sait. À mon avis, les États-Unis visaient la sécession. Cela me paraissait évident d'après les différentes manoeuvres, l'APG, etc.
Bien sûr, la population du Sud a droit de sécession. Mais si la sécession est planifiée dans un forum international de façon à… Si on avait fait preuve de transparence, si les choses avaient été menées sous l'égide d'une administration nationale quelconque, cela pourrait être toléré. Je pense cependant que la façon dont les États-Unis ont participé à l'élaboration et à la mise en oeuvre de l'APG, même si le gouvernement du Nord a effectivement très mal géré les politiques de mise en oeuvre...
Je me dois d'ajouter ceci. J'ai été très surpris d'apprendre que le Canada avait perdu le siège qu'il convoitait au Conseil de sécurité. C'est un désastre, car en tant que membre des Nations Unies à part entière, je connais très bien le rôle que s'est donné le Canada. Le Canada est un pays qui préconise le rétablissement de la paix, le maintien de la paix, le développement économique et le respect des droits de la personne, et il n'y a aucune raison pour que le Canada perde ce siège maintenant, sinon que des choses ont mal tourné dans ce dossier.
J'estime donc qu'il est trop tard maintenant pour intervenir. Laissez aller les choses, parce que le Sud va faire l'indépendance. Il faut lâcher prise. Le Canada pourra plus tard jouer un rôle pour faciliter les relations entre les deux États. Je crois qu'il sera très important que quelque chose soit fait à ce niveau.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Dean, ma collègue qui vient de partir m'a demandé de vous dire qu'elle aussi est économiste et musicienne, vous avez donc beaucoup de choses en commun.
J'ai quelques questions à vous poser, mais j'hésite à me lancer dans l'arène. Vous avez eu une discussion intéressante tous les deux, et je partage votre point de vue. Je suis toutefois un peu réticent à en parler. Je me contenterai peut-être simplement de dire qu'on a beau critiquer les États-Unis, ce qui a comblé le vide n'est pas mieux, et même, si on pense aux implications futures, bien pire. J'en tremble quand je pense à ce qui se passe aux champs de pétrole, à la façon dont on les exploite, et à comment et à qui on vend les terres.
Quant à savoir pourquoi nous devrions intervenir, je ne vois pas autre chose que des raisons humanitaires. On en vient par contre à se demander, comme pays, s'il y a vraiment une solution. J'espère sincèrement qu'il y en a une, mais la situation nous apparaît de plus en plus comme un véritable bourbier.
Cela dit, j'ai quelques questions à vous poser. Peut-être que l'un d'entre vous voudra formuler des commentaires à ce sujet. J'ai cru qu'il fallait que je me vide le coeur, parce qu'honnêtement, plus j'en entends parler, plus je suis découragé.
Monsieur Dean, comment établit-on la valeur de la monnaie? J'imagine que c'est le commerce mondial qui décide de sa valeur. Et voici les questions de ma collègue: Est-ce que les deux gouvernements sont prêts à partager la dette? Réclament-ils un allégement de la dette? Quelles mesures le gouvernement entend-il mettre en oeuvre en vue de la gouvernance? J'imagine qu'elle voulait parler du gouvernement du Sud-Soudan.
Donc, premièrement, comment établit-on la valeur de la monnaie?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Simmons, je crois que vous êtes très bien placé pour répondre à quelques-unes de mes questions.
Il est frustrant pour moi de voir qu'on soit aussi fasciné par l'aspect géopolitique de la région et par ce qui va se passer. Tout cela est très important; je suis conscient que le Canada pourrait avoir son rôle à jouer dans cette situation.
Je sais que durant les années où le conflit faisait rage, pendant les temps très difficiles, si l'APG a fonctionné (et j'ai pris part aux trois tours de négociations), c'est entre autres parce que la société civile avait déjà commencé à travailler, même si les belligérants du Nord et du Sud n'étaient pas encore rendus là. Des accords de paix régionaux ont été conclus dans les différentes régions frontalières. Des marchés ont été établis par des collaborations arabes et dinka, ou arabes et nuer, ou encore dinka et nuer, car c'était avantageux pour les deux parties.
Des témoins ont dit au comité que des groupes de femmes du Nord-Soudan étaient en contact avec des femmes du Sud-Soudan, et qu'elles tentaient de rétablir la paix. Je sais que Mme Deschamps s'intéresse beaucoup à cette initiative. Ces femmes se sentent maintenant isolées. Plus la date du référendum approche, et le Soudan votera probablement en faveur de la sécession, plus ces gens se sentent seuls.
Voici donc ma question. L'ACDI et le ministère des Affaires étrangères, par exemple, finissent par investir dans des endroits comme Juba, alors que ces régions ont déjà trouvé un terrain d'entente malgré leurs différences. Est-ce sage, pour un pays comme le nôtre, d'essayer d'investir des deux côtés de la frontière dans ces régions, en trouvant des groupes comme le vôtre qui travaillent dans les régions du Nil et ailleurs, plutôt que de concentrer nos efforts sur Juba? Ne devrions-nous pas faire preuve de plus de créativité en finançant des groupes qui ont d'abord investi leurs propres ressources pour rétablir la paix, bien avant que les deux principaux joueurs ne le fassent? Ne pourrions-nous pas financer ces groupes (des ONG comme le vôtre, et d'autres) plus que nous ne le faisons actuellement, pour aider à atteindre certains objectifs, notamment en ce qui a trait aux groupes de femmes?
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Merci beaucoup, monsieur le président. Désolé de mon retard, mais je n'ai malheureusement pas pu faire autrement.
Je regrette d'avoir manqué la première partie de votre présentation, et j'espère que ma question ne sera pas redondante.
Même si je me suis joint à la discussion un peu tard, je reconnais l'expertise des gens à cette table, et je crois que vous avez brossé un tableau très intéressant de la situation, qui peut paraître plutôt embêtante pour nous qui tentons de nous faire une idée des réalités de la vie au Soudan.
Je me demande comment ce référendum peut avoir lieu si nous ne savons pas combien de personnes sont en cause, si l'inscription n'est pas terminée et que rien n'a été fait pour informer la population. On a très bien résumé les défis que cela représente il y a quelques minutes.
Je crois que vous vous entendez pour dire que le Sud va inévitablement voter pour l'indépendance; les attentes sont hautes, et on croit que peu importe l'issue du référendum... Ce qui me préoccupe, c'est que si on ne peut pas donner de légitimité au processus référendaire, comment pourra-t-on éviter l'éclatement d'un nouveau conflit si les résultats du référendum, un processus douteux dans ce cas-ci, ne sont pas acceptés?
On semble proposer que le Canada aura un rôle à jouer auprès des deux parties après le référendum, peu importe ce qui se passera, pour les aider à gérer les réalités auxquelles sont confrontés deux États voisins. Le Canada pourrait agir comme un mentor pour faciliter l'établissement des relations entre les deux États et renforcer leurs capacités, pour les aider à vivre en harmonie.
Est-ce que cela résume bien les attentes que vous avez? C'est-à-dire que vu les problèmes insurmontables qui entourent la tenue d'un référendum légitime, le processus pourrait donner naissance à une toute nouvelle réalité, et nous devons voir au-delà de cela pour déterminer quelles devraient être les prochaines étapes?
Le Canada aura effectivement un rôle à jouer, mais après la déclaration de l'indépendance.
En passant, beaucoup de Soudanais du Sud ont fait leurs études au Soudan, et ils se comptent par milliers. Ils parlent en effet très bien la langue arabe. À les voir et à les entendre, on pourrait croire qu'ils viennent du Nord, parce qu'ils comprennent bien la culture; il y a des liens entre ces personnes et celles qui ont grandi et fait leurs études dans le Nord. Elles ont beaucoup en commun de par leur expérience, et la guerre n'y a rien changé.
Pour ce qui est des relations futures entre les deux États, il est possible d'intervenir positivement, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan du développement. Il importe surtout de veiller à la stabilité du Sud avant de voir à celle du Nord. On dénote certaines tensions dans le Sud, quoiqu'on semble avoir trouvé un terrain d'entente à la conférence de Juba. Lam Akol, à la tête du conflit avec Salva Kiir, s'est présenté à la conférence, et on a émis un communiqué disant que les deux hommes en sont venus à un consensus à l'égard du gouvernement, entre autres.
Il faut donc consolider les assises du Sud, au niveau local, en raison des conflits tribaux et de la rivalité entre les trois principales tribus: les Dinka, les Nuer et les Shilluk. Elles ont toutes leurs propres aspirations. Même les tribus minoritaires craignent la domination des Dinka. La tribu des Dinka et la plus riche et la plus nombreuse. Ce sont aussi des guerriers. Les tribus minoritaires du Sud craignent donc cette domination. Des pays dignes de confiance ont ainsi un certain rôle à jouer pour rétablir la paix et faciliter le développement.
La démocratie est importante dans la partie nord du Soudan. Si un pays ou la communauté internationale intervient pour installer la démocratie dans les deux États, et assurer la paix et la stabilité, je crois que l'on peut entrevoir positivement l'avenir des deux États, car les ressources nécessaires sont là. Ce qui fait défaut, en fait ce que l'on craint, c'est l'instabilité entre les deux.
Vu les liens qui unissent le Nord et le Sud depuis des centaines d'années, mis à part les mauvais traitements, des événements qui seront consignés dans les dossiers historiques, il pourrait aussi être bénéfique d'accorder une double citoyenneté à la population des deux pays. C'est une chose que l'on pourrait envisager si tout se passe bien.
Je pense qu'il y a une façon de faire les choses. Le Canada pourrait très bien intervenir dans les discussions, mais il doit pour cela envoyer les personnes compétentes pour le faire. C'est une autre chose. Les instruments ont plus de poids que les objectifs et les idées.