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Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, je suis heureux d'être appelé à témoigner devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
J'ai travaillé pendant plusieurs années, dans plusieurs pays du monde, à apporter de l'assistance technique à des commissions parlementaires des démocraties émergentes. Je n'ai pas l'intention, aujourd'hui, de renier le travail que j'ai fait pendant de nombreuses années à l'étranger. J'ai été choisi comme président de Droits et Démocratie après un appel de candidatures public au terme d'un processus de sélection ouvert et transparent. Je pense avoir l'expérience nécessaire pour occuper ce poste.
[Traduction]
J'ai travaillé pendant 19 ans dans le domaine du développement international, y compris plus de sept ans pour le National Democratic Institute, qui est, bien entendu, un organisme américain dirigé par l'ancienne secrétaire d'État des États-Unis Madeleine Albright. Cet organisme a un mandat semblable à celui de Droits et Démocratie et un budget de plus de 100 millions de dollars. Je dirais qu'il est de 120 millions de dollars. J'ai occupé des postes haut placés en Afrique du Nord et à Haïti. Au total, j'ai travaillé dans 14 pays pour le National Democratic Institute, y compris dans sept pays où Droits et Démocratie a des programmes.
[Français]
J'ai aussi été délégué général du Québec au Mexique et à Bruxelles. Je connais la machine gouvernementale et la diplomatie internationale. Je suis trilingue, avocat de formation, et je connais le droit.
Mon travail sur le terrain a aussi été une expérience de vie humainement enrichissante. Ainsi, j'ai vécu l'oppressante surveillance des services de sécurité dans certains pays africains, en prenant contact avec des journalistes et des dissidents exerçant courageusement leur liberté d'expression. En République démocratique du Congo, j'ai préparé des chefs de partis et organisé avec eux un débat public sur l'avenir de leur pays, dans une zone qui avait été dévastée par la guerre civile.
À Bagdad, j'ai été témoin d'un acte de terrorisme lorsqu'un hôtel a explosé devant mes yeux. J'y étais pour porter assistance à la conception de la structure du Parlement iraquien.
Le 12 janvier dernier, j'étais à Port-au-Prince, pendant le tremblement de terre. Par la suite, j'ai retardé mon entrée en poste à Droits et Démocratie pour retourner en Haïti durant plusieurs semaines. J'avais une obligation morale d'aller mettre en place un programme d'aide pour nos employés et de réorienter nos programmes, en particulier pour soutenir les associations de la société civile qui appuient les femmes violentées dans les camps des victimes de tremblements de terre.
Je ne suis en poste que depuis quelques jours, et j'ai déjà rencontré certains employés et le syndicat. J'ai aussi commencé à rencontrer les employés un à un.
[Traduction]
Je suis convaincu qu'ils ont à coeur les intérêts de l'organisme. J'ai pu observer personnellement leur professionnalisme sur le terrain, que ce soit au Maroc, en Mauritanie ou à Haïti, alors que je travaillais pour le National Democratic Institute. Mes conversations avec le personnel m'ont démontré que Droits et Démocratie a développé une expertise qui lui est propre dans des créneaux innovateurs, par exemple dans l'aide aux médias indépendants et au journalisme citoyen en Birmanie, au Zimbabwe et en Égypte.
J'ai en outre rencontré plusieurs membres du conseil d'administration, qui jouent un rôle essentiel dans la définition des orientations stratégiques de Droits et Démocratie et dans la supervision de ses activités. Je ne doute pas un instant de leur entière adhésion au mandat de Droits et Démocratie.
[Français]
Je n'ai pas encore terminé mon travail de diligence requise. J'y suis depuis à peine 15 jours. Je voudrais tout de même vous faire part de quelques réflexions personnelles sur ma vision et certains des principes qui devraient encadrer notre action.
Droits et Démocratie appartient à une catégorie d'institutions fédérales que l'on appelle sociétés à gouvernance partagée. Le centre est un organisme qui est publiquement redevable de ses activités au Parlement et au gouvernement, et qui, en même temps, jouit d'une marge de manoeuvre appréciable d'autonomie face à l'appareil étatique fédéral, dans la conduite de ses activités afin de remplir sa mission qui lui est confiée par sa loi constitutive. Ce n'est pas une ONG.
[Traduction]
La loi habilitante qui permet à Droits et Démocratie d'exercer son mandat oblige le conseil d'administration à avoir une bonne connaissance de la politique étrangère canadienne. Les activités de Droits et Démocratie doivent être conformes aux grands principes de la politique étrangère du Canada et aux objectifs de son programme d'aide et de développement international. Ce sont des principes qui ont été énoncés par le ministre, dans sa déclaration, lorsqu'il a déposé le projet de loi C-147, à l'époque. Les activités de programme de Droits et Démocratie et le financement fourni par lui ne doivent pas être en contradiction avec la politique étrangère du Canada, quel que soit le parti politique au pouvoir. La définition de la politique étrangère relève du ministre des Affaires étrangères et du premier ministre. Les programmes de Droits et Démocratie relèvent de cet organisme et doivent servir à faire respecter les droits et les libertés définis dans la Déclaration internationale des droits de l'homme.
[Français]
Comme le dit clairement sa loi constitutive, le centre a pour mission d'amorcer, d'encourager et d'appuyer la coopération entre le Canada et les pays étrangers en ce qui touche la promotion, le développement et le renforcement des institutions et des programmes démocratiques, ou se rapportant aux droits de la personne qui donnent effet aux droits et libertés consacrés par la Charte internationale des droits de l'homme. La loi précise que l'objet principal du centre est d'aider à la réduction de l'écart considérable qui existe parfois entre l'adhésion officielle des États aux accords internationaux concernant les droits de la personne, et les pratiques de ces États en ce qui concerne ces droits. Mon expérience m'a démontré que c'est en particulier par des programmes sur le terrain, conçus pour s'adresser d'une façon stratégique aux problèmes identifiés, que l'aide au développement peut être la plus efficace.
La communauté internationale, en particulier par la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement et le Programme d’action d’Accra ont fait de l'efficacité de l'aide et de l'évaluation de ses résultats un objectif prioritaire. C'est aussi une priorité pour l'ACDI. Bref, les décisions sur les programmes, activités et subventions du centre doivent viser l'obtention de résultats mesurables, suivant les règles de l'art, pour l'amélioration des pratiques démocratiques et des droits humains dans les pays sélectionnés.
[Traduction]
Permettez-moi de répéter en anglais ce que je viens de dire pour insister et pour m'assurer qu'on me comprend bien. À l'avenir, les décisions sur les programmes, activités et subventions du centre doivent viser l'obtention de résultats mesurables, suivant les règles de l'art, pour l'amélioration des pratiques démocratiques et des droits humains dans les pays sélectionnés.
[Français]
De plus, je crois que la programmation de Droits et Démocratie doit respecter un équilibre entre le développement démocratique et les droits humains. Cela dit, le développement démocratique et les droits humains sont intimement liés. Le renforcement des institutions démocratiques constitue un facteur essentiel pour l'amélioration des pratiques des États en matière de droits humains. Il faudra mettre davantage l'accent sur le développement et le renforcement des institutions et des processus démocratiques.
[Traduction]
Droits et Démocratie a une vaste mission. Pour 2010-2015, il s'est doté d'un plan stratégique ambitieux qui a été approuvé par le conseil d'administration après avoir été élaboré par le personnel au moyen de consultations. Toutefois, Droits et Démocratie ne dispose que de ressources limitées. Nous allons devoir diversifier nos sources de financement si nous voulons pouvoir nous doter de meilleurs moyens financiers. Nous recevons du gouvernement du Canada un financement de base de 9,2 millions de dollars. Le financement rattaché à des projets, par exemple en Afghanistan et à Haïti, est d'environ 3 millions de dollars par année. Cette année, notre financement devrait croître non pas à cause d'une augmentation du financement de base, mais bien à cause du plus grand nombre de projets en cours de réalisation. Droits et Démocratie est une organisation caritative. L'an dernier, nous avons recueilli seulement 17 000 dollars provenant de sources privées. Nous sommes capables de faire mieux et nous devons le faire.
[Français]
Je dois admettre que j'arrive en poste au moment où l'organisation vit un important problème de gouvernance. En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, votre loi, c'est le conseil d'administration qui doit donner la direction et les orientations. Les employés et moi-même, comme président, devons travailler à mettre en oeuvre une programmation conforme à cette direction. Cela doit être clair pour tout le monde.
Je suis aussi conscient que la gestion des ressources et des relations de travail constitue un défi important. Cette question est d'ailleurs au centre du conflit. Droits et Démocratie ne pourra pas atteindre ses objectifs et la réalisation efficace de son plan quinquennal sans que la cohésion revienne au sein de l'institution et que le climat de travail s'améliore. J'aurai besoin de la collaboration positive de tous pour y arriver.
La priorité doit être de ramener la cohésion dans cette organisation. Nous sommes en droit de nous demander combien de temps les contribuables vont accepter de payer pour une organisation qui se déchire sur la place publique, ici, au Canada, alors qu'elle devrait concentrer ses efforts à faire la promotion des valeurs démocratiques dans le monde.
Cela dit, ce qui est fait est fait. Je ne vais pas réécrire l'histoire. Il faut maintenant, tous ensemble, tourner la page et construire un avenir meilleur. Je suis convaincu que c'est possible, si on se concentre tous sur la promotion et la défense des valeurs universelles qui sont au coeur du mandat de Droits et Démocratie, valeurs partagées par tous les Canadiens et Canadiennes, et historiquement, par tous nos gouvernements, peu importe de quel parti politique ils sont.
Merci beaucoup. Je suis disposé à répondre à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Latulippe, d'être venu témoigner devant nous.
J'aimerais me faire l'écho de ce qu'ont dit mes collègues. Vous arrivez en pleine tempête. Mais je pense que vous êtes tout à fait qualifié pour redresser la situation et rétablir la réputation d'un organisme qui s'était attiré notre respect.
Si vous étiez venu mardi dernier, vous auriez assisté à une séance où les esprits se sont passablement échauffés. Je crois qu'on peut affirmer sans se tromper que les deux témoins se sont fait bombarder, en particulier vers la fin.
Il est intéressant de voir qu'à mesure que nous écoutions et que nous essayions d'obtenir de l'information, un thème revenait sans cesse. Je pense que a frappé en plein dans le mille lorsqu'il a dit que c'était Israël qui était au coeur de cette affaire. M. Allmand a répondu que c'était bel et bien le cas, et sa réponse est dans les bleus, même s'il ne lui restait plus de temps. Je me suis dit que c'était dommage, que nous avions l'occasion...
J'ai l'impression que l'exportation de nos valeurs et de la démocratie vous passionne. Moi aussi. La plupart des gens qui se trouvent ici sont probablement du même avis. Lorsque, par exemple, nous avons l'occasion de nous rendre dans un autre pays, en particulier un pays où la démocratie est fragile, nous faisons tous les efforts possibles pour encourager les gens.
J'ai eu une pareille occasion en février. Je suis allé en Turquie. Il y a une occasion en or à saisir dans un tel pays, où la démocratie est stable, mais où elle est encore jeune et connaît quelques problèmes. Nous pourrions, à partir de là, influencer une région qui a subi des troubles importants, comme nous le savons. Je suis perplexe quand je vois qu'on ne cherche pas à profiter de cette occasion.
Pourriez-vous me dire, monsieur, si vous partagez mon avis? Avez-vous des idées ou des plans pour cette région? Pensez-vous oeuvrer, éventuellement, à résoudre certains problèmes auxquels nous nous heurtons depuis des générations?
Je vous remercie, monsieur Latulippe, de votre présence aujourd'hui.
Vous avez mentionné tout à l'heure que le conseil d'administration ne vous avait pas parlé de votre idéologie; je dirais que parfois, la position passée d'une personne annonce sa position future, et que les membres du comité n'avaient peut-être pas besoin de vous poser des questions à ce sujet.
Mais cela dit, vous avez parlé d'aller de l'avant. Il va sans dire que lorsqu'on veut aller de l'avant, on doit parfois annuler certaines mesures prises avant son entrée dans l'organisation.
L'une de ces mesures était une consigne du silence imposée par Aurel Braun, le président de Droits et Démocratie. Je vous demande de nous dire si vous êtes au courant de cela. Il s'agit d'une question d'intérêt public. On en a parlé dans un article de la Presse canadienne, le 30 mars.
Défendez-vous cette mesure, soit l'imposition au personnel d'une consigne du silence par un membre du conseil d'administration?
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Cinq, s'il vous plaît. Merci, monsieur le président.
Monsieur Latulippe, j'aimerais revenir sur la question des fonds. C'est peut-être dû à mes racines écossaises. D'après ce que vous m'avez dit, j'ai calculé que jusqu'à maintenant, nous parlons de 381 000 $; nous savons que ces frais concernent essentiellement le travail de M. Gauthier et qu'ils ont été engagés, je crois, par l'entremise de M. Braun. J'aimerais que lorsque vous recevrez ces contrats, vous les transmettiez au comité, car nous n'avons pas pu les obtenir des personnes qui les ont conclus. Je crois comprendre qu'aucun de ces contrats n'a fait l'objet d'un appel d'offres, ce qui, selon moi, est stupéfiant. Comment BLG a-t-il obtenu son contrat sans appel d'offres concurrentiel?
Pour des raisons évidentes, je souhaite que vous présentiez un rapport au comité non seulement sur le montant versé pour ces contrats, mais également sur la façon dont ils ont été conclus et attribués. J'aimerais que vous nous fournissiez cette information aussitôt que vous la recevrez, ainsi que le montant des honoraires versés, car je continue de trouver cela très troublant.
Pour tout dire, je me fiche de savoir ce que font les autres conseils d'administration. Je veux savoir pourquoi ce conseil d'administration payait l'un de ses membres pour conseiller le président par intérim. Au bout du compte, j'aimerais connaître le montant versé — vous avez parlé de 3 200 $, je crois —, ainsi que les autres honoraires.
Je vous le demande seulement; si vous pouviez nous fournir cette information, ce serait parfait.
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En fin de compte, monsieur Latulippe, on peut dire que nous avons un problème. Nous sommes devant un conseil d'administration qui a congédié trois de ses gestionnaires. Selon la plupart des personnes à qui nous avons parlé, c'étaient des gens qui étaient dévoués à la cause de l'institut. Vous nous dites que vous faites confiance aux personnes à qui vous avez parlé à l'institut. Vous croyez en leur dévouement. Nous avons un président et un ancien président intérimaire qui ont dépensé des sommes faramineuses pour s'en prendre à des gens, en embauchant des experts en relations publiques, des enquêteurs privés, des avocats et une panoplie de professionnels. Ce n'est pas de cette façon que l'on peut gérer un institut avec transparence. Il faut que cessent ces pratiques.
Et ce n'est pas tout, j'en viens à ma question... Vous avez déclaré que l'institut avait fait un travail exemplaire en Afghanistan. Mais voici ce qui pose problème, monsieur Latulippe: la dame qui dirige la Commission indépendante afghane des droits de la personne siégeait au conseil d'administration de Droits et Démocratie. Comme vous le savez, elle a démissionné. Pourquoi? À cause de l'ingérence. Alors, vous avez un problème. Nous avons un problème.
À mon avis, et vous voudrez peut-être réagir à ce que je vais dire, mais la solution est de nommer un nouveau conseil d'administration. Si vous voulez que l'organisation soit efficace et que vous croyez en la bonne foi des personnes qui travaillent pour l'institut, et je vous fais confiance à ce sujet...
Je n'arrive pas à faire confiance au conseil d'administration. Je n'aime pas ce gouffre qui s'est creusé entre les deux. Après avoir engagé toutes ces dépenses, après avoir brisé notre confiance, après avoir chassé une femme sur laquelle nous comptons, qui a été accueillie dans l'Ordre du Canada... Vous saviez, n'est-ce pas, que Mme Samar était membre de l'Ordre du Canada, en compagnie de Nelson Mandela? Elle a quitté le conseil d'administration en raison de cette ingérence, à cause de ces membres du conseil.
Si vous voulez réussir, je crois que la solution est de remplacer le conseil d'administration.
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Merci, monsieur le président.
Vous le savez, comme le ministre des Affaires étrangères et vous-même l'avez indiqué, nous n'y voyons vraiment pas d'inconvénient si le comité veut étudier la question. Pardon, je ne voulais pas dire « étudier », mais produire un rapport et formuler des recommandations. Je ne pense pas que cela posera problème. C'est une question que nous avions posée bien avant qu'on ne commence les audiences. À ce moment-là, il avait été déterminé que ce n'était pas ce que nous ferions. Toutefois, si le comité le désire, nous pouvons procéder de cette façon.
Je ne mâcherai pas mes mots. Je ne suis pas d'accord avec M. Dewar pour dire qu'il suffira d'une réunion pour préparer le rapport. Je peux vous le garantir. Je connais M. Dewar et je travaille avec lui depuis de nombreuses années. Il a tendance à proposer des choses qui retardent automatiquement tout le reste, parce qu'il a bien sûr le programme du NPD à promouvoir.
Nous ne sommes pas contre l'idée, mais je pense que nous devrions discuter du nombre de jours d'audience que nous voulons y consacrer. Je recommande que nous tenions quatre jours d'audience. Si nous terminons plus tôt, ce sera tant mieux. Sinon, il nous faudra plus de temps.
N’ayez crainte, nous n’allons pas compliquer la production de ce rapport. Nous n'avons aucun problème à rédiger un rapport et à formuler des recommandations.