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Monsieur le président du comité, chers membres du Parlement, j'ai le privilège aujourd'hui de représenter, d'une part, le conseil d'administration et, d'autre part, la personne de Jacques Gauthier, qui est devenue graduellement, depuis quelques mois, un figure centrale dans ce drame.
Qui est Jacques Gauthier? Né à Montréal, j'ai été élevé à Paris pendant 10 ans et ensuite à Ottawa, où j'ai été à l'école secondaire de l'Université d'Ottawa, l'école secondaire Richmond, l'Université Carleton et l'Université d'Ottawa. Ensuite, j'ai passé quelques années à Genève pour des études de doctorat, suivies par des études à La Haye. Je me suis ensuite installé à Toronto où je pratique, depuis plus de 30 ans, le droit international, avec une préoccupation envers la justice internationale et les droits de la personne.
Une grande préoccupation pour moi, depuis 30 ans, est le droit des enfants. J'ai créé à Toronto Justice for Children and Youth, qui est maintenant reconnue comme une des institutions les plus importantes concernant la protection des droits des enfants au Canada. Je me suis intéressé aux enfants qui souffraient en Afrique, en participant à des missions organisées par le fonds canadien Save the Children et visité plusieurs sites de projets en Afrique concernant ces sujets. J'ai une grande préoccupation pour les réfugiés qui venaient d'Afrique, et je me suis concentré, pendant une dizaine d'années, sur le droit des réfugiés de cette région du monde.
Je me suis préoccupé aussi beaucoup du droit des minorités francophones en Ontario, en tant que président de l'Association des juristes d'expression française, en tant que fondateur du comité des langues officielles de l'Association du Barreau canadien, de même qu'en tant que professeur pour le Barreau canadien. J'ai formé des juristes en Ontario à pratiquer le droit en français à une époque où il n'y avait absolument rien de disponible: les juristes francophones n'avaient pas d'outils, pas de documents pour travailler dans ce domaine.
Je me suis aussi intéressé aux droits de la personne en Chine. J'ai été à la tête d'une mission pour Droits et Démocratie en Chine au mois de novembre, un sujet qui continue à me préoccuper.
Ma vie a été partagée pendant 66 jours — peut-être qu'un jour j'écrirai un livre intitulé Soixante-six jours à la présidence de Droits et Démocratie — entre les tâches lourdes de la présidence, celles de mon cabinet à Toronto et, une préoccupation depuis beaucoup d'années, mes cinq femmes: une épouse et quatre filles.
Mon aventure avec Droits et Démocratie commence au mois de février 2008. J'ai été nommé au conseil d'administration par le gouvernement conservateur avec trois autres personnes: professeur Tepper, professeur Payam Akhavan et Me Guilbeault. Parmi ces quatre personnes qui ont été nommées en même temps, deux sont considérées par ceux qui s'opposent à nous depuis des mois comme des administrateurs amicaux, friendly directors, et il y a, bien sûr, le professeur Tepper et moi qui nous sommes retrouvés au milieu de la tornade.
Il faut souligner que lorsque je suis arrivé à Droits et Démocratie, c'était une période assez inquiétante. Quelques mois plus tôt, en décembre 2007, un rapport avait été présenté par l'inspecteur général du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI. Ce rapport considérait une multitude de demandes et d'attaques contre Droits et Démocratie suggérant que cette institution était mal gérée, qu'il y avait de gros problèmes de nature financière ou de comptabilité. Quand je suis arrivé, on m'a dit plusieurs fois, que ce soit des membres du conseil ou des membres de l'équipe d'employés:
[Traduction]
nous venons de vivre une expérience de mort imminente.
[Français]
Le gouvernement a mis beaucoup de temps à nommer les quatre administrateurs. En fait, le gouvernement a pris tant de temps à les nommer qu'on avait l'impression qu'il ne les nommerait pas et que c'était vraiment la fin de Droits et démocratie.
À ceux qui soutiennent la thèse que nous sommes arrivés dans une institution en pleine santé, impeccable, sans problèmes, j'affirme que ce n'est pas la vérité. Tous ceux qui ont été nommés au mois de février 2008 étaient très conscients des inquiétudes qui avaient été affichées dans les journaux pendant des semaines et des semaines. On nous a avertis qu'il fallait faire des changements.
[Traduction]
Nous avons donc assumé nos fonctions en étant pleinement conscients des difficultés et des diverses allégations, et résolus à tout mettre en œuvre pour rectifier la situation.
[Français]
Quand je suis arrivé — j'étais membre du conseil —, la présidente du conseil était Mme Janice Stein, et le président de Droits et démocratie était M. Hubert.
Quelques mois après mon arrivée, le mandat de Mme Stein n'ayant pas été renouvelé, elle m'a demandé d'accepter le poste de vice-président du conseil. Après quelques hésitations — si seulement j'avais été un peu plus prophète et compris ce qui m'attendrait plus tard, je n'aurais peut-être pas accepté —, j'ai accepté.
[Traduction]
À titre de vice-président, j'ai eu l'occasion de connaître les membres du comité des finances, puisque j'étais nommé au comité en question. J'étais également devenu président intérimaire du comité d'examen du rendement mis sur pied par le président de l'organisation. En tant que président intérimaire, j'avais accès à beaucoup de documents et de renseignements dont j'ai pris connaissance. Ayant à l'esprit les préoccupations dont il avait été question dans les médias concernant le rapport de l'inspecteur général, j'ai commencé à poser beaucoup de questions.
Il convient de rappeler que Rémy Beauregard a été nommé par l'actuel gouvernement et n'a assumé ses responsabilités qu'en juillet 2008. J'ai commencé à travailler avec M. Beauregard sur un grand nombre de dossiers différents. Nous nous rencontrions à divers endroits — tantôt à Toronto, tantôt à Montréal. Nous assistions ensemble aux activités de Droits et Démocratie et nous avons dîné ensemble à plusieurs reprises. Je dois dire que pendant les quatre ou cinq premiers mois que nous avons collaboré, tout allait très bien.
Quand j'ai commencé à poser des questions, je me suis rendu compte que le personnel et l'équipe de gestion qui entouraient M. Beauregard étaient très mal à l'aise devant les questions que je posais — par exemple, au sujet d'un paiement fort étrange de 100 000 $ qui avait été versé à l'un des employés qui avaient quitté l'organisation. Plus je posais des questions, plus j'avais du mal à obtenir des réponses. En fait, c'est seulement au cours de la dernière semaine que j'ai enfin élucidé le mystère.
J'ai aussi posé des questions au sujet d'une somme de plus de 800 000 $ qui avait été versée au partenaire de Droits et Démocratie, soit le Haut Commissariat à Genève. J'ai posé des questions au sujet des fonds discrétionnaires et du contrat utilisé pour le versement des crédits. Au cours des cinq dernières années, plus de 1 million de dollars a été accordé, sous la forme de petits montants, sans l'autorisation du conseil — alors que cela fait partie des règles, conformément à la structure qui a été établie — et sans que ce dernier ait pu finalement obtenir tous les renseignements nécessaires par la suite.
J'ai posé des questions sur bien d'autres choses.
Je voudrais également préciser que les difficultés que j'ai rencontrées avec le personnel ont commencé lorsque des membres du comité des finances — c'est-à-dire, moi-même et le président du conseil à son arrivée, soit le professeur Aurel Braun — ont commencé à poser des questions.
Je voudrais aborder maintenant la question de l'idéologie. Dans les médias, on laisse entendre que nous, en tant qu'administrateurs, ou moi, en tant que président intérimaire, avions pour mandat de transformer cette organisation et de modifier son orientation. Or, en réalité, si vous examinez les contrats approuvés par le conseil d'administration à l'égard de projets que j'ai autorisés au cours des 66 jours de mon mandat, et par les administrateurs précédemment, vous aurez beaucoup de mal à trouver le moindre projet ou contrat qui n'a pas reçu l'appui de l'actuel conseil d'administration ou de l'actuel président du conseil.
Il est tout simplement faux de laisser entendre qu'on nous a donné comme instruction de modifier l'orientation de Droits et Démocratie. Jusqu'ici, je n'ai jamais reçu d'appel du Cabinet du premier ministre ni du MAECI me demandant de ne pas prendre telle ou telle décision au sujet d'un projet envisagé par cette organisation — jamais, ni en tant qu'administrateur, ni en tant que président intérimaire.
Je voudrais donc insister, auprès de ceux et celles qui pourraient craindre que le conseil ou les dirigeants actuels de Droits et Démocratie aient reçu l'instruction de changer de fond en comble cette institution et de lui donner un caractère qu'elle n'a jamais eu au cours des dernières années, sur le fait qu'une telle supposition est parfaitement fausse en ce qui concerne la programmation, mais tout à fait vraie en ce qui concerne le manque de responsabilisation et de transparence.
Je vous remercie.
:
Je voudrais remercier le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
[Français]
Je vais précéder mes remarques en vous disant que mon expérience en ce qui concerne Droits et démocratie est seulement limitée aux 11 derniers mois, puisque j'ai été nommé au conseil à la fin du mois d'avril 2009.
[Traduction]
Je suis très heureux de pouvoir saisir l'occasion pour me présenter aux membres du comité, étant donné que certains députés et d'autres ont fait des remarques qui constituent une attaque directe et indirecte contre le conseil d'administration de Droits et Démocratie, et ce en vue de remettre en question la crédibilité de certains administrateurs, y compris moi-même.
Je m'appelle Brad Farquhar. Je suis conseiller en gestion et praticien dans le domaine de la démocratie et du développement internationaux possédant une vaste expérience acquise tout au cours de ma vie. À l'âge de 19 ans, j'avais déjà déménagé 11 fois, vécu dans trois pays différents, et visité quelque 32 autres pays; pour finir, j'ai passé l'été, après avoir fini l'école secondaire et avant d'entrer à l'université, dans le nord-est du Zaïre, comme on l'appelait à l'époque, à travailler à un projet d'aménagement hydraulique. C'était un excellent début pour une carrière qui devait me permettre de faire le tour du monde.
Au début de ma carrière, j'ai opté pendant plusieurs années pour la vie politique aux niveaux à la fois fédéral et provincial. Au cours de cette période, j'ai acquis une assez grande expertise sur le financement électoral en Saskatchewan, et j'ai ensuite siégé à un comité composé de représentants de tous les partis politiques, qui a fait des recommandations à l'Assemblée législative de la Saskatchewan sur des modifications à apporter à la Loi électorale de la Saskatchewan. J'ai également obtenu une Maîtrise en administration électorale de la Griffith University en Australie, et je suis peut-être le seul Canadien à détenir un diplôme universitaire dans le domaine précis de l'administration électorale.
C'est pour cette raison que j'ai reçu un coup de téléphone en 2004 d'un responsable de l'IFES, soit la Fondation internationale pour les systèmes électoraux, sollicitant ma présence, pour une période de quatre mois qui comprenaient Noël, au Tajikistan afin de participer à un projet de développement des partis politiques. Le Tajikistan était sur le point de déclencher, pour seulement la deuxième fois dans son histoire, des élections parlementaires et les six partis politiques enregistrés et leurs candidats avaient besoin d'aide pour apprendre à mener une campagne dans le contexte d'élections libres. Les partis politiques concernés étaient les suivants: le Parti démocratique populaire, qui était au pouvoir, le Parti communiste et le Parti du renouveau islamique du Tajikistan, qui constitue le seul parti islamique enregistré en Asie Centrale.
Au Tajikistan, j'ai préparé un programme d'études à l'intention des candidats aux élections parlementaires qui a été dispensé dans l'ensemble du pays. J'ai aussi organisé le tout premier forum électoral, qui a permis aux citoyens de rencontrer en même temps les candidats des six partis politiques, et j'ai fait partie d'une équipe qui a organisé le plus important programme de formation jamais créé dans toute l'histoire du Tajikistan à l'intention des fonctionnaires électoraux. Au milieu de l'hiver, nous avons fait venir à la capitale, depuis leurs vallées de montagnes éloignée, quelque 450 fonctionnaires retenus pour le jour des élections dans le cadre d'un exercice massif de logistique. Ensuite, le jour des élections, j'ai été accrédité comme observateur électoral auprès de la mission d'observation des élections de l'OSCE.
Quelques mois après mon retour au Canada, on m'a décerné la Médaille du centenaire de la Saskatchewan en hommage à ma contribution au développement démocratique au Tajikistan. Depuis lors, je travaille à divers projets de réforme du financement électoral en Jamaïque et j'ai préparé des propositions relatives à des projets de développement démocratique en Égypte. Je suis cofondateur du Democracy Promoters' Network, un forum de réseautage en ligne destiné aux promoteurs canadiens de la démocratie. L'Université de Regina m'a aussi recruté pour enseigner un cours de sciences politiques de troisième année sur les élections, et j'ai participé à un groupe d'experts sur l'aide international à démocratie aux côtés du lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan, Gordon Barnhart.
Parallèlement à toutes ces activités, je me suis fixé comme priorité, comme conseiller en gestion, de faire du bénévolat pendant environ un mois chaque année dans des pays en développement, accompagné de toute ma famille. En 2008, ma femme et moi avons travaillé à la création d'une école et d'un centre de formation d'enseignants dans l'est du Niger. En 2009, nous sommes retournés au Niger avec nos trois jeunes enfants, peu de temps après l'enlèvement de Robert Fowler et Louis Guay par des agents d'Al-Qaïda, près de la zone où nous devions travailler. Les gens pensaient que nous étions fous d'aller au Niger, et surtout d'y emmener nos enfants, mais en tant que famille, nous sommes résolus à essayer de faire évoluer le monde et à inculquer à nos enfants la notion d'un monde beaucoup plus large que celui dont ils ont l'habitude ici au Canada, en tant qu'enfants de la classe moyenne qui vivent bien. Une vie de privilèges s'accompagne de certaines responsabilités.
Cet été, nous allons passer un mois en Mongolie à travailler avec des entrepreneurs mongoliens locaux et certaines ONG à l'exécution de plusieurs projets agricoles, en vue d'aider le peuple mongolien à se remettre d'un hiver désastreux au cours duquel plus de la moitié des bovins du pays sont morts de faim et de froid.
Alors, pourquoi vous ai-je raconté tout cela? Eh bien, si j'ai voulu vous raconter tout cela, c'est parce qu'on nous a demandés de comparaître aujourd'hui supposément pour prouver, du moins pour certains, que nous sommes des sbires envoyés pour comploter contre Droits et Démocratie. Je sais ce que c'est que la partisanerie et la politicaillerie. J'ai passé plusieurs années à travailler dans cet environnement-là. Moi, aussi, j'ai brigué une charge publique, même si j'ai eu moins de succès que vous tous. Mais ceux qui prétendent que la partisanerie constitue l'élément central de mon caractère fournissent la preuve, ce faisant, qu'ils ne me connaissent pas et qu'ils ignorent mes motivations. Comme vous, j'ai le désir de rendre service à autrui et d'améliorer notre monde. Donc, laissons de côté les considérations politiques pour examiner la réalité de Droits et Démocratie.
Il est vrai qu'il y a eu des désaccords au sujet d'un examen de rendement et de subventions accordées de façon inconsidérée à certains organismes du Moyen-Orient. Il y a des désaccords dans chaque organisme, mais à Droits et Démocratie, ce désaccord a pris des proportions démesurées, simplement parce que notre regretté président a décidé de se battre.
C'est alors qu'a été montée une campagne délibérée visant à semer la dissension entre administrateurs et à les précipiter dans une guerre intestine. Le personnel a été politisé et monté contre certains administrateurs par ceux qui voulaient les convaincre que le conseil était constitué d'envoyés mal intentionnés du gouvernement conservateur qui cherchaient à tout prix à détruire l'organisation. On a également eu recours à des moyens légaux en vue de régler le désaccord d'une manière que le président trouverait satisfaisante, mais qui saperait les structures de gouvernance de l'organisation.
Mais il y a quelque chose qui me préoccupe beaucoup plus qu'un désaccord au sujet d'examens de rendement ou de subventions accordées à des organismes au Moyen-Orient. J'ai observé, à Droits et Démocratie, une culture qui n'est pas prédisposée à la transparence et à la responsabilisation, même vis-à-vis des administrateurs. J'ai été témoin de situations où certains administrateurs, soucieux de leurs responsabilités, posaient des questions au sujet de projets et de résultats, auxquelles leurs interlocuteurs avaient systématiquement pour habitude de répondre sans vraiment répondre, de s'esquiver et de se faufiler, de prendre un ton dédaigneux ou méprisant et de recourir à des tactiques dilatoires.
Ce que j'ai constaté à Droits et Démocratie, c'est que le personnel semble convaincu que la quasi-autonomie de cette organisation par rapport au gouvernement au pouvoir signifie nécessairement qu'elle doit pouvoir échapper à la surveillance de son propre conseil d'administration. Quand le personnel, face aux questions posées par les administrateurs, réagit en fournissant des réponses qui n'en sont pas, en érigeant des obstacles matériels et divulguant lui-même des informations confidentielles aux médias, cela éveille tout de suite des craintes chez les administrateurs, qui sont alors incités à poser encore plus de questions pour aller au fond des choses. Lorsqu'on prend cela pour du harcèlement, de l'ingérence de la part d'un gouvernement ou une vendetta partisane, il est évident qu'on assiste alors à une tentative éhontée pour politiser quelque chose qui ne mérite pas un tel qualificatif.
Plutôt que de m'en tenir à des généralités, je voudrais vous citer deux exemples qui illustrent mon propos en ce qui concerne la responsabilisation et la transparence. J'aurai besoin de quelques minutes pour le faire, et je vous demande donc votre indulgence.
J'ai écouté l'enregistrement de la réunion tenue plus tôt cette semaine au cours de laquelle ont comparu un certain nombre d'anciens employés; comme j'y ai noté certaines incohérences, je voudrais vous présenter la chronologie de certains événements qui se sont produits au mois de janvier.
Comme vous le savez tous, nous avons été choqués d'apprendre, le 8 janvier, le décès prématuré de M. Beauregard. Plus tard ce jour-là, le président du syndicat a envoyé un courriel au personnel à ce sujet, en disant que les employés rencontreraient la direction lundi — le courriel en question était envoyé vendredi — afin de discuter des moyens que pourrait prendre le syndicat pour contribuer à préserver les intérêts de Droits et Démocratie.
Donc, lundi, la fameuse lettre revendiquant la démission du conseil d'administration, a été envoyée. En même temps, la direction a abandonné, dans le contexte de ses négociations avec le syndicat, une revendication qui constituait la principale pierre d'achoppement, si bien qu'un accord de principe a été conclu avec le personnel sur une nouvelle convention collective. Encore maintenant, le conseil d'administration ignore la teneur des dispositions qui ont été supprimées — celles qui ont été abandonnées pour permettre de sortir de l'impasse. Comme ces dernières portent généralement sur les mesures disciplinaires, nous n'avons pas d'autre choix que de nous livrer à des conjectures sur ce qui a été supprimé.
Le lendemain, le président du syndicat a fait savoir au personnel qu'il y aurait une réunion pour discuter d'un vote de ratification sur la nouvelle convention collective. Vendredi de cette semaine-là — nous sommes maintenant une semaine plus tard, par rapport à la date du décès du président — une nouvelle convention collective a été signée au nom du Centre par Marie-France Cloutier, Anne-Marie Lavoie et France-Isabelle Langlois, qui sont des directrices et sous-directrices à Droits et Démocratie.
Le lundi suivant, le président du syndicat a envoyé un courriel au personnel indiquant que le contrat avait été signé, et le lendemain il s'est tenu un vote de ratification dont le résultat a été l'approbation du nouveau contrat par la très grande majorité des employés.
Pourquoi est-ce important? J'explique: si c'est important, c'est parce que, pendant des mois et des mois, on a raconté aux administrateurs que les employés n'avaient pas de contrat, que les discussions se poursuivaient sur certains problèmes non résolus et qu'il était très difficile de traiter avec le syndicat. Mais là, tout d'un coup, la direction a réussi très rapidement à conclure une convention collective avec le personnel à un moment où elle avait besoin de l'appui de ce dernier. C'est tout à fait inhabituel.
Le mardi 19 janvier — il s'agit donc du jour du vote de ratification, soit deux heures après la tenue de ce dernier — M. Braun a reçu un courriel du comité de direction du Centre l'informant que ce dernier refusait respectueusement la demande qu'il avait faite en sa qualité de président de convoquer de nouveaux les administrateurs à une réunion qui se tiendrait plus tard cette semaine-là à Montréal.
Vendredi, le conseil s'est réuni malgré tout à Toronto, et mon collègue, M. Gauthier, a été nommé président intérimaire. M. Braun a ensuite fait parvenir une note de service au personnel dans laquelle il indiquait que M. Gauthier avait été nommé président. Moins de deux heures plus tard, il recevait une réponse de la part de Marie-France Cloutier, avec copie conforme pour les administrateurs et le personnel, dans laquelle elle indiquait son refus de respecter la consigne donnée dans cette note de service, et elle annonçait pour la première fois qu'elle prendrait immédiatement trois semaines de congé de maladie. Il s'agit là du seul avis jamais donné au conseil par Mme Cloutier au sujet de son congé de maladie, et il a été reçu cinq jours après la date à laquelle elle aurait commencé son congé de maladie, d'après ce qu'elle a soutenu devant ce comité mardi. Donc, ce n'est que cinq jours plus tard que le conseil d'administration en a été informé. Même après qu'elle ait annoncé son congé de maladie, nous savons qu'elle a assisté aux obsèques de M. Beauregard, qu'elle est allée à Ottawa pour rencontrer certains fonctionnaires au MAECI, qu'elle a écrit un article qui est paru dans l'Ottawa Citizen et qu'elle est partie en voyage pour visiter Disney World, voyage qui était prévu depuis longtemps.
Mais voilà le hic: la plupart de ces détails, je les ai appris au cours des deux derniers jours seulement. Mardi matin, il y a deux jours, le conseil d'administration de Droits et Démocratie ne savait toujours pas qu'une nouvelle convention collective avait été conclue, signée et ratifiée il y a plus de deux mois. Le conseil d'administration s'est réuni trois fois depuis la ratification de la convention, et aucun membre de la direction n'en a jamais parlé. Or la convention collective conclue avec un syndicat constitue l'un des plus importants contrats pour un organisme, quel qu'il soit, et je trouve donc incompréhensible qu'une convention collective ait pu être définie dans son intégralité sans que le conseil d'administration en soit informé ou donne son consentement, et qu'on ait même cherché à l'empêcher d'en prendre connaissance pendant plus de deux mois.
J'aurais voulu soulever un autre point, mais je vais en rester là pour le moment, et peut-être pourrons-nous en discuter pendant la période des questions.
En résumé, monsieur le président, depuis 11 mois que je suis administrateur, j'ai été témoin, à Droits et Démocratie, de méthodes qui ne cadrent pas avec des normes rigoureuses de gouvernance en matière de transparence et de responsabilisation. L'exemple que je viens de vous citer, et l'autre dont je serais heureux de discuter par la suite, ne constituent que deux exemples parmi de nombreux autres, et qui ont incité le conseil d'administration à exiger invariablement plus de transparence et de responsabilisation, sans quoi, il nous est impossible de nous acquitter de nos responsabilités.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître.
J'ai été nommé au conseil d'administration de Droits et Démocratie en novembre 2009. La première réunion du conseil à laquelle j'ai assisté a eu lieu les 7 et 8 janvier 2010. Le soir du premier jour de cette réunion, le président, Rémy Beauregard, est mort de façon tragique d'une crise cardiaque. Quatre jours plus tard, une lettre, signée par tous les employés, réclamait la démission des principaux administrateurs, soit le président, le vice-président et le président du comité des finances et de la vérification, pour le motif de harcèlement du président.
J'ai donc commencé à me poser des questions. Il était clair pour moi que l'accusation de harcèlement était a priori absurde. Aucune des trois personnes accusées de harcèlement ne vivait à Montréal. Il s'agissait de gens occupés qui, selon ma propre expérience, étaient souvent difficiles à contacter. Quand au président, dans les semaines qui ont précédé la réunion, il était pour ainsi dire injoignable, puisqu'il passait la plupart de son temps à l'hôpital aux côtés de sa femme mourante. Elle est décédée quelques jours seulement avant la réunion du conseil d'administration.
De plus, l'unique plainte précisée dans la lettre qui demandait la démission des administrateurs n'avait rien à voir avec le harcèlement. La plainte concernait le comité d'évaluation du rendement du conseil, qui aurait traité le président injustement, du fait d'avoir fait parvenir au Conseil privé l'évaluation du rendement du président avant même de l'avoir donné au président lui-même et de lui avoir donné l'occasion de réagir. Or le président a obtenu une copie de l'évaluation de son rendement du Conseil privé, par l'entremise d'une demande d'accès à l'information, et a eu l'occasion de réagir avant que le Conseil privé ne prenne quelque décision que ce soit au sujet de son évaluation. Selon moi, qui suis avocat spécialisé en droit administratif et qui plaide presque exclusivement des causes liées au devoir d'agir équitablement depuis des dizaines d'années, je n'y voyais rien d'injuste.
Avant d'être nommé administrateur, on ne m'a pas dit grand-chose. On m'a demandé si j'avais des cadavres dans le placard. J'ai répondu en disant que je suis partisan du Parti libéral, mais cela ne semblait pas compter. J'avais déjà été membre du conseil, entre 1997 et 2003. On m'a dit qu'il y avait des dissensions au sein du conseil et que mon expérience d'ancien administrateur serait utile. On m'a fait savoir qu'il y avait eu un différend au sujet de trois petites subventions dont les récipiendaires seraient des organismes du Moyen-Orient, mais que le président avait pris ses distances par rapport à ces subventions lorsqu'on les lui avait reprochées.
Était-ce cela le noeud du problème, ces subventions qui avaient été accordées? Il semble que non. J'ai moi-même décidé de tâter le terrain à la réunion du conseil de janvier en déposant une résolution qui dénonçait ces subventions. La motion en question a été adoptée à l'unanimité, et le président lui-même s'était prononcé en faveur en disant: « Nous aurions pu mieux faire nos recherches. »
Un représentant du personnel, soit Charles Vallerand, a déclaré, dans une lettre au Globe and Mail le 16 janvier, que le différend entre le personnel et la majorité des administrateurs ne portait pas sur une question de politique.
Après mûre réflexion, j'ai conclu que ce serait trop simpliste de croire qu'un seul différend était à l'origine de la crise à Droits et Démocratie. Je me disais qu'une série d'éléments devaient être en cause, les uns liés aux autres, un peu comme des poupées gigognes. Le problème des trois petites subventions versées à des organismes au Moyen-Orient n'est pas inimportant, mais constituait un élément qui se greffait sur un autre, soit l'évaluation du rendement du président.
L'évaluation du rendement du président, effectuée par le comité d'examen du rendement et transmise au Conseil privé en mai 2009, consacrait une demi-page, alors qu'il s'agissait d'un document de 16 pages, à la question de ces trois subventions. Donc, les subventions ont été évoquées en passant dans l'évaluation du rendement du président. Mais cette dernière représentait en réalité un problème beaucoup plus grave et avait été la cause immédiate des dissensions au sein du conseil. Le président, comme il était tout à fait en droit de le faire, n'était pas d'accord avec l'évaluation envoyée au Conseil privé. Mais, pour les raisons que j'avoue n'avoir toujours pas comprises, il a décidé de soulever son désaccord devant le conseil d'administration, plutôt que de s'adresser au Conseil privé. Le président a donc demandé au conseil d'administration de reprendre l'évaluation qui avait été transmise au Conseil privé mais, de par sa structure, le conseil d'administration n'avait pas le pouvoir de prendre une telle décision au sujet de l'évaluation du rendement. Le président a donc proposé une modification aux règlements internes pour que le conseil puisse traiter la question de l'évaluation du rendement. Cette proposition, de même que sa demande de retrait de l'évaluation, étaient toujours en suspens le jour de sa mort.
À la question de l'évaluation du rendement se greffait un problème de plus grande envergure encore, soit les rapports entre le conseil et le personnel. D'après la documentation qu'il a laissé, je constate que les préoccupations de M. Beauregard concernaient, non seulement le contenu de l'évaluation, mais aussi sa portée. Il estimait que les auteurs de l'évaluation se permettaient des observations sur des questions qui, d'après lui, ne relevaient absolument pas de la responsabilité du comité d'évaluation du rendement. Si ce comité avait de trop grands pouvoirs, cela voulait dire que, pour obtenir une bonne évaluation de rendement, le président devrait se rallier aux opinions du comité à propos de questions sur lesquelles ce dernier n'avait pas à se prononcer, d'après lui, puisque ces questions relevaient, dans son esprit, de la compétence exclusive du président.
Il est donc manifeste que le cœur du problème n'est pas un conflit de personnalités, mais plutôt un différend qui n'est toujours pas résolu, même si bon nombre des acteurs ont changé. Le désaccord au sujet de l'évaluation de rendement faisait partie d'un différend de plus grande ampleur concernant les responsabilités du personnel par rapport à celles du conseil, et qui avait le droit de décider de l'orientation de cette organisation. Mais même ce différend-là faisait partie d'une question beaucoup plus large, à savoir le rôle de Droits et Démocratie.
Droits et Démocratie a été créée pour accorder des subventions à des ONG faisant la promotion des droits et de la démocratie dans le tiers monde. Si on en a fait un organisme tout à fait autonome, c'était pour éviter de donner l'impression d'ingérence politique dans les affaires de pays étrangers, alors qu'une telle impression aurait pu subsister si le gouvernement canadien avait le pouvoir d'accorder directement des subventions à des ONG étrangères. Or, à mon avis, le personnel et la direction de Droits et Démocratie a, à toutes fins pratiques, abandonné la mission qui lui a été confiée au départ par le Parlement.
Droits et Démocratie continue à donner des subventions à des ONG, bien entendu, mais il ne s'agit plus d'un simple processus consistant à retenir, parmi toutes les demandes de financement qui sont reçues, celles qui méritent le plus de bénéficier de financement. À l'heure actuelle, toutes les demandes de financement qui donnent lieu à l'octroi d'une subvention à une ONG sont sollicitées par Droits et Démocratie. Cette dernière élabore l'ensemble des programmes et trouve ensuite des ONG qui sont disposées à les exécuter. Ainsi les ONG qui touchent des subventions de Droits et Démocratie à l'heure actuelle font ce que veut Droits et Démocratie, conformément aux modalités de leur contrat.
Or au départ, il était prévu que les ONG du tiers monde qui toucheraient des subventions par l'entremise de Droits et Démocratie devraient conserver toute leur indépendance à l'égard du gouvernement du Canada. Mais cette notion a depuis été complètement dénaturée au point où le personnel de Droits et Démocratie estime qu'il devrait conserver toute son indépendance à l'égard du conseil d'administration. Mais une relation d'indépendance entre le personnel et le conseil d'administration est contraire à la loi portant création de cette institution, loi qui investit le conseil d'administration du pouvoir de surveiller les activités et l'administration des affaires de Droits et Démocratie.
De plus, une structure en vertu de laquelle le personnel serait complètement autonome par rapport au conseil d'administration n'a aucun sens. Il est vrai que le gouvernement du Canada devrait accepter les ONG telles qu'elle sont et ne pas essayer de les manipuler au moyen de subventions. Mais ce n'est pas la même chose que de dire qu'un conseil nommé par le gouvernement devrait permettre au personnel d'un organisme créé et entièrement financé par le gouvernement de faire exactement ce qu'il veut. Au contraire, je trouve bizarre de laisser entendre que le gouvernement du Canada devrait financer intégralement une institution dont les employés, recrutés je ne sais où, peuvent, au nom de la protection des droits de la personne, se laisser guider par leurs propres priorités politiques sans que les administrateurs nommés par le gouvernement ne puissent avoir voix au chapitre.
D'ailleurs, cela pose déjà problème à l'époque où j'avais été administrateur précédemment. Encore une fois, l'élément catalyseur était le Moyen-Orient, sujet qui provoquait de fréquents désaccords. Droits et Démocratie avait un nouveau programme au Moyen-Orient, programme qui a été annulé en 1998, à l'époque où j'étais membre du conseil.
Sans l'approbation du conseil, Warren Allmand a aussitôt fait parvenir deux lettres à Bill Graham. La première exprimait sa stupéfaction devant la décision du Canada de voter contre l'une des nombreuses résolutions anti-Israël en discussion devant l'Organisation des Nations Unies qui s'appelait à cette époque la Commission des droits de l'homme. La deuxième était une diatribe anti-Israël qui reprochait à Israël d'avoir commis tous les crimes possibles et imaginables, contrairement au droit international. Cette fois-là, ce sont les attentats terroristes du Hezbollah depuis le Liban qui avaient provoqué la décision d'écrire cette lettre.
En tant que membre du conseil, j'ai moi-même écrit à Bill Graham, lui signalant que j'étais administrateur et que je n'étais pas d'accord avec ce qu'avait écrit Allmand. Allmand et son personnel ont par la suite eu la bonne grâce de reconnaître ce qui s'était produit et nous avons tourné la page, mais un affrontement entre deux visions contradictoires semblaient inévitable.
On pourrait remettre en question le bien-fondé de la mission accordée à Droits et Démocratie par le Parlement, même si cette dernière s'était conformée au rôle prévu dans la loi. Mais elle ne s'y est pas conformée, puisqu'elle a cru bon d'établir de son propre chef des programmes qui sont exécutés par des ONG. Cette notion de l'indépendance du personnel par rapport au conseil d'administration est manifeste dans les propos, non seulement des employés, mais des ex-présidents. Nous avons la déclaration de quatre anciens présidents qui demandent au premier ministre d'intervenir face à une attaque contre l'autonomie de cette organisation.
Où en est donc Droits et Démocratie? Si on ne parlait que d'esprits échauffés, on pourrait supposer que ces mêmes esprits finiraient par se calmer et que les dissensions dissiperaient avec le temps. S'il était simplement question de quelques propos désobligeants, il suffirait peut-être que des excuses soient présentées pour rectifier la situation. Mais si le problème qui est au centre de ce différend concerne la structure de Droits et Démocratie et la nature des relations entre les divers acteurs, une solution paraît moins simple.
Cela n'a aucun sens de permettre à une entité créée intégralement et financée par le gouvernement de fonctionner indépendamment du conseil d'administration qui a été nommé par le gouvernement pour surveiller ses activités. Tant que le personnel n'aura pas accepté que le conseil d'administration est responsable de l'orientation de Droits et Démocratie, les problèmes de cette dernière ne disparaîtront pas.
Je vous remercie.
Je m'appelle Aurel Braun et je suis président du conseil d'administration de Droits et Démocratie. Permettez-moi, tout d'abord, de me présenter. Je suis professeur de relations internationales et de sciences politiques à l'Université de Toronto, où j'occupe depuis plus de 20 ans le rang professoral le plus élevé, soit celui de professeur titulaire.
Mon intérêt pour la protection des droits de la personne et le développement démocratique, de même que mon expertise dans ce domaine, remontent à plusieurs dizaines d'années, et mon désir d'accepter le poste de président du conseil d'administration de Droits et Démocratie a été influencé par mes antécédents personnels. J'étais un jeune garçon quand je suis arrivé au Canada avec mes parents vers le début des années 1960. Mes parents avaient été victimes d'extrémisme de droite — le nazisme — et d'extrémisme de gauche — le communisme.
D'ailleurs, un de mes livres porte sur l'extrémisme et le danger que présente pour les droits de la personne et la démocratie l'extrémisme à la fois de droite et de gauche. En tant que jeune enfant qui grandissait dans un État néo-staliniste, avant que mes parents ne m'amènent au Canada, je sentais déjà le caractère pernicieux d'un système extrémiste où le simple fait de poser des questions était considéré comme une activité subversive. Mais le Canada m'a donné l'occasion de grandir, et tout ce que j'ai réalisé jusqu'à présent, je le dois à ce pays.
Cette notion essentielle d'équité qui caractérise la culture canadienne a toujours été une inspiration, et donc jouer un rôle au sein de Droits et Démocratie semblait m'offrir la possibilité d'exprimer ma gratitude en y apportant ma propre contribution. Malheureusement, la situation actuelle, dont vous avez entendu parler dans la presse et ailleurs, me rappelle l'œuvre de ce grand écrivain libéral, George Orwell, qui a écrit 1984 et Animal Farm. Feu M. Orwell doit jubiler dans sa tombe en entendant les propos des uns et des autres.
La situation qui s'est créée au cours des derniers mois a un caractère tout à fait orwélien. Si j'avais su dans quoi je m'embarquais, je n'aurais jamais accepté d'être président du conseil d'administration de Droits et Démocratie. C'est comme si, après avoir été invité à assister à une conférence, on me demandait, une fois sur place, d'aller chercher des documents dans une salle où je découvre, non pas des documents, mais plutôt des mines terrestres.
Commençons par l'évidence même. Depuis des mois, on vous présente deux versions de la réalité qui sont complètement incompatibles. Dans une situation caractérisée par l'opposition de la parole de l'un par rapport à celle de l'autre, les sages évitent de tirer des conclusions hâtives, étant donné qu'ils ne savent pas ni qui, ni quoi ils peuvent croire. Je vous exhorte donc à ne croire personne, y compris moi-même, avant d'avoir vous-mêmes vérifié les faits documentés. En vérifiant l'information documentaire, une personne juste et objective peut déterminer qui est l'incendiaire et qui est le pompier.
Commençons par examiner les éléments au sujet desquels nous sommes tous d'accord. Droits et Démocratie est un organisme dysfonctionnel. Il est possible qu'un organisme dysfonctionnel le soit devenu au cours de plusieurs décennies. Pour cette raison, il ne faut pas croire les propos d'ex-présidents, pas plus qu'il ne faut prendre au pied de la lettre ce que je vais vous dire. À mon avis, Droits et Démocratie a été complètement envahi par une culture axée sur le dogmatisme, le rejet de la responsabilisation et l'absence de transparence.
Mais je voudrais m'en tenir à certains faits. Le premier fait vérifiable concerne ce que nous savons au sujet d'irrégularités et de parrainage. Comme nous l'avons déjà vu, cet organisme a dépensé environ 3,5 millions de dollars sous forme de subventions. Nous ne savons aucunement où est passé tout cet argent. Nous savons, par contre, qu'une part beaucoup trop importante de cette somme a été accordée à des organismes qui font semblant d'être voués à la défense des droits de la personne mais qui ne sont en réalité que des organismes de façade, et notamment Al-Haq qui, à certains égards, n'est qu'une façade pour l'organisme terroriste FPLP.
Des centaines de milliers de dollars ont été versés au bureau de Genève du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, une organisation dont la conduite est peu honorable et qui a été qualifiée de tout à fait inacceptable par le Secrétaire général des Nations Unies lui-même.
Des milliers de dollars ont été versés pour l'organisation d'une conférence au Caire à laquelle étaient invités les représentants du Hezbollah, qui est considéré comme un organisme terroriste en vertu des lois du Canada et d'autres démocraties.
Le deuxième fait vérifiable concerne la décision du personnel supérieur de faire fi de la procédure établie et du principe fondamental de l'équité. Peu de jours après le décès du président Beauregard, les cadres supérieurs, comme on vient de nous l'expliquer, se sont empressés de signer une convention collective avec leur propre syndicat, sans même en informer le conseil. On avait la nette impression que la convention collective signée à la hâte en janvier 2010 avait pour objet d'utiliser les deniers publics pour payer le personnel syndiqué en échange de l'appui du syndicat pour la campagne menée par les cadres supérieurs en vue d'obscurcir les longs antécédents de ces derniers en matière de dogmatisme et de rejet de la responsabilité.
L'équité la plus élémentaire exige également que les cadres supérieurs soient honnêtes au sujet de ceux et celles qui ont rédigé et signé la fameuse lettre de protestation. Il est certain que la lettre qui avait reçu un appui soi-disant unanime n'avait pas été signée par tout le monde le 11 janvier 2010. Quelques jours plus tard, les cadres supérieurs couraient à droite et à gauche en essayant de forcer les employés à fournir leur signature, alors que la lettre avait déjà été rédigée et envoyée. De plus, l'équité la plus élémentaire exigerait que le personnel ne profite pas du décès du président pour faire avancer leur intérêt personnel. Il est vrai que le conseil et le président n'étaient pas toujours d'accord, mais qu'il est également vrai — et il s'agit là d'un fait vérifiable — que le président a pris le parti du conseil d'administration, et non du personnel supérieur, à la réunion critique du conseil du 7 janvier 2010.
Le troisième fait vérifiable concerne la décision du personnel supérieur de faire fi de son obligation de protéger des renseignements confidentiels. Je veux dire par là que le personnel avait l'obligation de protéger les ordinateurs de Droits et Démocratie pour que certains renseignements au sujet de son personnel anonyme dans des zones de guerre comme l'Afghanistan restent confidentiels. Or plusieurs ordinateurs contenant des informations sensibles ont mystérieusement disparu sans qu'il y ait jamais eu de confirmation par un tiers que quelqu'un s'était introduit par effraction dans les bureaux.
De plus, il semble que le personnel supérieur ait donné à la veuve de M. Beauregard l'ordinateur du défunt, avec tous les renseignements sensibles qu'il contenait, même si elle n'avait ni le droit ni l'habilitation de sécurité nécessaire pour prendre connaissance de cette information.
En conclusion, permettez-moi de rappeler qu'il faut parfois des dizaines d'années avant qu'un organisme ne devienne complètement dysfonctionnel. Une personne impartiale évite de porter un jugement sur la véracité de l'une ou l'autre version tant qu'elle ne peut pas obtenir une preuve documentaire et vérifiable. Nous sommes là pour vous présenter les faits. Nous avons découvert des problèmes, mais nous ne les avons pas créés. En tant que bénévoles, nous avons investi notre temps et accepté de faire des grands sacrifices pour que Droits et Démocratie soit sûr de bien remplir son mandat, qui consiste à améliorer la protection des droits de la personne et à promouvoir la démocratie, et pour que cette organisation agisse d'une manière qui est conforme à la bonne conscience des citoyens canadiens.
Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître.
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Je vais essayer de répondre à ces trois questions.
La première concerne les organisations. Au Moyen-Orient, il y a une dispute entre de nombreux acteurs, malheureusement, au sujet de l'existence de l'État d'Israël. Il s'agit du seul État membre des Nations Unies dont l'existence même est menacée.
De nombreux États ne reconnaissent pas son existence et mène une campagne très active de diabolisation et de délégitimisation dans la poursuite de leur objectif qui est la destruction de l'État d'Israël, et c'est le cas de deux des trois organisations concernées, soit Al-Haq et Al Mezan.
Je vous remercie d'avoir cité des extraits du rapport rédigé par Amnistie Internationale. J'ai moi-même écrit un livre sur la question, intitulé Aftershock: Anti-Zionism & Antisemitism, que j'ai apporté avec moi. Je vous invite à le lire, et vous pourrez connaître en détail la nature de mes préoccupations et les raisons pour lesquelles j'ai du mal à accepter de telles organisations.
S'agissant de la raison pour laquelle le bureau a été fermé, je dois avouer que j'ai bien aimé la réponse de Jacques Gauthier, que j'ai trouvée très bonne et très complète; il reste que cela soulève une autre question de fond. Le fait est que ce bureau avait surtout pour fonction d'aider les ONG de pays du tiers monde à participer à l'examen périodique universel au Conseil des droits de l'homme — et aussi à établir des relations avec d'autres ONG et avec le Secrétariat du Haut Commissariat aux droits de l'homme — mais concrètement, c'était cela son travail.
J'ai participé à quelques reprises à l'examen périodique universel lorsqu'il était question de l'Iran et de la Chine. C'est un mécanisme extrêmement problématique et, à mon avis, cette activité ne correspond pas à une bonne utilisation des deniers publics. Je ne peux pas entrer en Iran ou en Chine, mais cela n'a guère de sens de demander aux ONG qui peuvent travailler dans de tels pays de les quitter afin de participer à l'examen périodique universel, alors qu'elles n'ont aucun droit de parole. Seuls les gouvernements ont le droit de parole. Les ONG peuvent organiser des rencontres avec des responsables gouvernementaux, et la plupart des gouvernements dont ils rencontrent les représentants n'ont pas non plus le droit de parole, étant donné que le temps est limité. Seulement 60 États sur 192 ont le droit de prendre la parole, de sorte que les porte-parole des organisations qui violent les droits de la personne s'empressent de prendre place devant le microphone afin de protéger de la critique les États dont l'action est examinée. En conséquence, la plupart des États qui font la promotion des droits de la personne n'ont même pas l'occasion de prendre la parole. Selon moi, ce n'est pas un bon investissement des deniers publics.
Il y a une troisième question à laquelle j'allais répondre, mais…
[Français]
Voulez-vous me poser d'autres questions?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, permettez-moi de vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui.
J'ai passé en revue la liste impressionnante des réalisations des quatre personnes qui comparaissent aujourd'hui. J'ai également pris bonne note des réalisations et des allégeances politiques d'autres personnes qui ont eu des relations avec cette organisation au fil des ans, soit M. Broadbent, du NPD, et Warren Allmand, qui est libéral.
Monsieur Matas, vous avez dit que vous vous êtes présenté aux élections comme candidat libéral à un moment donné. Quant à M. Farquhar, il s'est présenté pour le Saskatchewan Party, et je pense qu'on peut supposer qu'il s'agit d'un parti d'allégeance conservatrice.
Voilà donc la preuve qu'une vaste gamme d'intérêts politiques sont représentés au sein de votre organisation. C'est de bon augure pour l'important travail que vous réalisez. Je serai donc très heureux de recevoir votre mise à jour sur vos projets futurs.
Dans ce même ordre d'idées, monsieur Farquhar, je voudrais revenir sur certains de vos commentaires. Vous avez une assez grande expérience des programmes de l'OSCE, comme moi et d'autres députés. Si je ne m'abuse, j'ai participé à 11 programmes différents d'observation électorale — qui plus est, dans différentes régions du monde. En ce qui me concerne, c'est une excellente préparation qui permet de définir sa propre philosophie et ses propres théories sur le genre d'action qui va permettre de faire progresser une situation. Rien ne permet mieux de savoir ce qui est bien et ce qui est mal ou ce qu'il faut faire que d'être dans les rues à observer le jeu et la joute politiques.
J'ai trouvé très intéressant que vous disiez tout à l'heure que vous vous penchez sur le développement des partis politiques, et je suppose que cela comprend l'élaboration des politiques. Ce que j'ai clairement compris, c'est que certaines démocraties émergentes ont tellement de partis politiques — il peut y avoir parfois 40 ou 50 partis politiques qui participent aux élections — qu'il leur est difficile d'élaborer des politiques, ce qui est vraiment le propre d'un parti politique.
Vous dites que vous avez travaillé en Haïti, entre autres. On y observe un manque de compréhension grave du rôle des députés en ce qui concerne la représentation de la population.
Pourriez-vous donc nous parler un petit peu de vos activités dans le domaine du développement des partis politiques, et éventuellement d'autres initiatives auxquelles vous comptez participer à l'avenir?
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J'ai juste une petite observation au sujet d'une des organisations dont il a été question aujourd'hui, soit B'Tselem.
Je comprends votre argument, monsieur Matas, de même que la profondeur de votre sentiment et de votre point de vue, mais je voudrais simplement vous signaler que, selon leurs sites Web, le British Foreign and Commonwealth Office, Christian Aid (au Royaume-Uni), la Commission des communités européennes, DanChurchAid Danemark, Diakonia Suède, Development Corporation Ireland, l'organisation allemande de développement, le ministère fédéral des Affaires étrangères de Suisse, la Fondation Ford, le ministère des Affaires étrangères de la Norvège, de même que l'organisation hollandaise, ont tous déterminé qu'un organisme qui préconise la protection des droits de la personne en Cisjordanie et à Gaza est un organisme légitime. Donc, j'estime que vous devriez réfléchir un peu plus à la question de l'équilibre qui est approprié dans ce contexte, et ne pas présumer le pire en ce qui concerne les motivations d'une organisation comme Droits et Démocratie, qui aide l'organisation en question ainsi que d'autres.
Je n'ai pas de critiques ni de félicitations à formuler à l'égard de cette organisation. Je vous dis simplement qu'il faut reconnaître qu'un certain nombre d'autres gouvernements, qui sont respectés, ont déterminé que cette organisation mérite de recevoir de l'aide. Si vous décidez que non — bien entendu, en tant que conseil, vous avez tout à fait le droit de le faire, mais à mon avis, le conseil a tout de même l'obligation de tenir compte jusqu'à un certain point, de la politique générale du gouvernement du Canada en ce qui concerne la nature de la solution jugée essentielle pour garantir l'avenir du Moyen-Orient. À mon avis, il va bien falloir que le conseil en tienne compte.
Pour conclure, monsieur le président, je voudrais dire ceci: vu les témoignages de M. Matas aujourd'hui, ainsi que ceux de M. Braun, de M. Gauthier et de M. Farquhar, ce comité a une obligation, me semble-t-il… non pas de faire de la microgestion, mais comme vous avez décrit, en tout premier lieu, le degré de dysfonction qui caractérise actuellement cette organisation, j'estime qu'il est important que nous en entendions parler et que nous sollicitions vos vues sur la question. De plus, M. Matas nous a clairement expliqué qu'il existe des problèmes de taille au sein de l'organisation elle-même, à cause de l'évolution de sa situation.
D'ailleurs, je trouve curieux qu'on laisse entendre que le comité ne devrait pas examiner la situation d'une organisation qui est, de toute évidence, en crise, étant donné que cette dernière est financée par le Parlement et est responsable devant lui. Je voudrais proposer à mon confrère, M. Abbott, qu'on réfléchisse de nouveau à cette question, parce que vous nous dites que vous devrez vous pencher sur des questions tout à fait fondamentales. Mais, si c'est bien cela que vous comptez faire, en tant que députés, nous avons l'obligation, me semble-t-il, de savoir quelles nouvelles orientations sont prévues et quelles en sont les conséquences.