Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 3 mars 2011, nous nous réunissons pour étudier le projet de loi C-61, loi prévoyant la prise de mesures restrictives à l'égard des biens de dirigeants et anciens dirigeants d'États étrangers et de ceux des membres de leur famille.
Je souhaite la bienvenue aux deux ministres qui sont présents parmi nous aujourd'hui, à savoir le ministre Nicholson et le ministre Cannon. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi. Mme Nölke est également des nôtres — elle répondra au nom du ministère à toute question que les membres voudront bien lui poser. M. Kessel et Mme McKey feront de même. Merci beaucoup d'être ici.
Je ne sais pas qui prendra la parole en premier, mais si vous voulez commencer, monsieur le ministre Cannon, vous avez 10 minutes.
Monsieur Nicholson, allez-vous prendre la parole vous aussi?
Très bien. Nous allons entendre votre exposé, et par la suite, comme nous avons l'habitude de le faire lorsque nous recevons des ministres, nous passerons à un tour de questions de 10 minutes. Nous procéderons ensuite à l'étude article par article.
Monsieur le ministre Cannon, merci d'être ici. Vous avez la parole, monsieur.
Chers collègues, je suis ici devant vous aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-61, Loi sur le blocage des biens de régimes corrompus. Les récents événements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient nous rappellent à quel point le contexte politique peut évoluer rapidement et à quel point il est important d'avoir des outils en place pour pouvoir répondre rapidement et efficacement à ces changements.
[Traduction]
De manière à ce qu'il puisse appuyer les efforts déployés en vue d'instaurer la démocratie, il est crucial que le Canada ait la capacité de s'assurer que les biens détournés puissent être bloqués afin qu'ils soient rendus aux nouveaux dirigeants et à la population des États concernés. De plus, il est capital que nous soutenions les efforts déployés afin que les dirigeants étrangers rendent des comptes sur les fonds publics qu'ils ont détournés ou sur les biens qu'ils ont acquis de façon inappropriée grâce aux postes qu'ils occupaient, à leurs relations d'affaires ou à leurs relations familiales ou personnelles.
Chers collègues, le présent projet de loi répond à ces besoins en créant un mécanisme nouveau et efficace nous permettant de donner suite aux demandes des États étrangers qui veulent que les actifs de leurs anciens dirigeants corrompus soient bloqués.
[Français]
Un avant-projet de loi permettrait au gouvernement de geler les avoirs et d'imposer des restrictions sur les biens d'étrangers politiquement vulnérables, et ce, à la demande d'un État ou lorsque le gouvernement canadien déterminerait que le pays est aux prises avec une crise ou une incertitude politique. Le gel des avoirs serait en vigueur pour une période de cinq ans, ce qui permettrait à l'État étranger d'entreprendre les procédures nécessaires en vue de saisir et de confisquer les avoirs situés au Canada. Le délai fixé pourrait être renouvelé.
[Traduction]
Chers collègues, d'aucuns se demanderont peut-être pourquoi nous créons de nouvelles dispositions législatives au lieu d'imposer des sanctions en vertu du droit canadien ou d'employer simplement les instruments qui existent en droit pénal. Dans les cas où le Conseil de sécurité des Nations Unies n'impose pas de sanctions, le Canada peut recourir à la Loi sur les mesures économiques spéciales pour imposer des sanctions de façon unilatérale. Cependant, le recours à cet outil exige l'application d'un seuil exigeant, à savoir qu'il doit y avoir une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales ayant entraîné une grave crise internationale.
(1535)
[Français]
Un autre outil dont pourrait se servir le gouvernement est la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle. Cette loi exige toutefois que l'État étranger prouve l'existence d'activités criminelles, d'actions en justice ou d'une ordonnance d'un tribunal pour que les autorités canadiennes puissent prendre des mesures par rapport à des avoirs qui se trouvent au Canada. Dans le cas d'une nouvelle autorité au pouvoir, il pourrait être difficile de mettre la main sur une telle preuve s'il n'y a eu que peu de préavis.
[Traduction]
Dans des situations où chaque minute compte, le temps actuellement requis pour remplir toutes les formalités procédurales exigées par l'actuel cadre de justice pénale peut laisser au ressortissant étranger en question le temps voulu pour dissimuler ses avoirs ou les dilapider.
Les mesures législatives auxquelles nous pouvons actuellement recourir pour imposer des sanctions permettent de régler des situations préoccupantes, mais elles ne constituent pas un mécanisme approprié dans les cas où une réforme visant à instaurer la démocratie est en cours dans l'État en question. Dans de telles situations, l'imposition de sanctions aurait un effet punitif non seulement sur l'ancien régime corrompu, mais aussi sur l'ensemble de l'État. L'imposition de sanctions ne représente pas une mesure judicieuse au moment où le gouvernement du Canada et l'ensemble de la communauté internationale souhaitent faire savoir aux États concernés qu'ils appuient leur effort de transition vers la démocratie.
Tant les sanctions que les poursuites pénales demeureront des outils auxquels nous aurons recours lorsque la situation l'exige. Toutefois, il est évident que nous avons besoin d'un régime législatif souple permettant le blocage de biens dans les cas où les outils existants deviennent insuffisants.
Les nouvelles dispositions législatives comportent un certain nombre de balises procédurales substantielles. Entre autres, elles prévoient que le blocage des biens sera imposé pour une période limitée, et qu'elles viendront automatiquement à échéance au bout d'une période de cinq ans, si elles ne sont pas renouvelées. Elles permettent au ministre des Affaires étrangères de recommander la révocation ou l'abrogation d'un décret si la personne visée ne répond pas à la définition de « étranger politiquement vulnérable ». Elles permettent en outre au ministre des Affaires étrangères de délivrer des permis pour autoriser des transactions à l'égard de certains biens, d'exempter certaines personnes ou certains biens, de délivrer des certificats dans les cas d'erreur sur la personne ou d'accorder des exemptions pour les dépenses raisonnables.
À cet égard, il est important de souligner que le projet de loi prévoit que les biens seront non pas confisqués, mais bloqués. Il permet au gouvernement de venir en aide à un État étranger sans contourner les procédures régissant habituellement le blocage ou la confiscation de biens.
Nous encourageons les initiatives de réforme politique, économique et sociale visant à créer des sociétés plus libres et plus ouvertes. En collaboration avec d'autres États, nous œuvrons à la promotion de la liberté et de la démocratie dans la région, et nous demeurons prêts à soutenir les aspirations pacifiques et légitimes des peuples en matière de démocratie et de justice.
Nous ne pouvons pas rester de marbre devant la tyrannie et la corruption. Le gouvernement du Canada ne veut pas répondre par la négative aux demandes d'aide formulées par les démocraties en émergence à l'étranger, surtout lorsqu'il faut agir rapidement pour éviter qu'un ancien dictateur puisse dissimuler ou dilapider des biens qui appartiennent légitimement à la population, et que l'État a besoin de ces biens pour remettre de l'ordre dans ses affaires. En outre, le gouvernement veut s'assurer que les personnes qui ont détourné des fonds publics puissent être tenues responsables de leurs gains obtenus de façon illégitime.
Le projet de loi nous permettra de réaliser ces importants objectifs. Nous espérons que le comité pourra renvoyer promptement le projet de loi à la Chambre de manière à ce que nous puissions mettre en place le plus rapidement possible ce nouvel outil important.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter avec vous du projet de loi C-61, loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus.
Comme vous le savez, le gouvernement du Canada est fermement résolu à collaborer avec les démocraties émergentes. Les pays en crise ont besoin d'aide, non pas de sanctions. Nous devons collaborer pour veiller à ce que les États à peine sortis de régimes de répression reçoivent l'aide dont ils ont besoin.
S'il est adopté, le présent projet de loi permettra au Canada de prendre rapidement, à la demande d'un État étranger, des mesures afin de bloquer les biens de personnes ayant occupé des postes de pouvoir dans l'État en question. Les dirigeants ont pu détourner des biens de l'État ou acquérir illicitement des fonds grâce aux postes qu'ils occupaient ou à l'influence de leur famille, et placer ces actifs au Canada. La capacité de bloquer ce type de biens viserait non seulement les dirigeants, mais aussi les membres de leur famille et les personnes qui leur étaient étroitement associées.
Les nouvelles dispositions législatives ont été conçues pour aider les États qui traversent une période de troubles politiques en rendant possible le blocage rapide des biens. Ainsi, le projet de loi accorderait à un pays qui se trouve dans une situation difficile le temps et la possibilité de demander au Canada de récupérer les biens en vertu des lois canadiennes en vigueur. Vu la situation dans laquelle ces États peuvent se trouver, il est possible que les autorités étrangères ne soient pas en mesure de réunir la preuve requise pour recourir aux mécanismes juridiques canadiens régissant le blocage et la récupération des biens.
Les dispositions législatives proposées visent le blocage des biens de manière à ce que ceux-ci ne soient pas dilapidés au cours de la période dont un État peut avoir besoin pour réunir les conditions nécessaires à la prise de mesures juridiques au Canada. Le projet de loi C-61 comblera une lacune qui existe actuellement dans la capacité du Canada d'aider un État étranger en période de crise à bloquer des biens.
Telle qu'elle a été promulguée par le Parlement, la loi en vigueur au Canada exige que certaines conditions soient remplies avant que les produits allégués de la criminalité placés au Canada puissent être bloqués à la demande d'un État étranger. Plus particulièrement, la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, qui régit de telles demandes, exige qu'un État étranger fournisse au Canada une ordonnance de blocage ou de saisie délivrée par un tribunal criminel et visant le blocage de biens spécifiques considérés comme des produits de la criminalité. Cette ordonnance présentée aux tribunaux canadiens peut ensuite être exécutée comme si elle avait été délivrée au Canada. La Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle exige en outre que des accusations soient déposées dans l'État étranger en question contre la personne dont on cherche à bloquer ou à geler les actifs.
Les dispositions législatives canadiennes sur l'entraide juridique en matière criminelle reflètent notre volonté d'aider les pays signataires de conventions avec le Canada à combattre la criminalité, et ce, tout en protégeant les intérêts des particuliers.
Je suis certain que vous conviendrez que ces balises juridiques sont fondamentales pour le système de justice pénale du Canada. En exigeant des États étrangers qu'ils fournissent au Canada des renseignements montrant que ces balises sont respectées, nous protégeons la règle de droit, principe qui revêt une importance primordiale au sein d'une société libre et démocratique.
Les dispositions législatives canadiennes relatives aux produits de la criminalité, énoncées dans le Code criminel, permettent également la saisie et le blocage des produits de la criminalité, de même que leur confiscation subséquente. Cependant, ces mêmes dispositions législatives prévoient aussi des conditions préalables à la saisie et au blocage; ainsi, des biens ne peuvent être bloqués que si les conditions suivantes sont remplies: les biens à bloquer sont désignés; des éléments de preuve montrent qu'il existe un lien entre les biens qui se trouvent au Canada et une infraction criminelle qui aurait été commise au Canada ou dans l'État étranger; enfin, des éléments de preuve montrent que les biens se trouvant au Canada sont des produits de la criminalité.
De façon générale, les dispositions législatives canadiennes régissant la confiscation des biens sont assujetties à une reconnaissance de culpabilité. D'après ces dispositions, pour qu'une ordonnance de confiscation puisse être délivrée, une poursuite au criminel fructueuse doit avoir eu lieu, sauf si le contrevenant s'est soustrait à la justice ou est décédé. Dans de tels cas, il est possible de présenter une demande de confiscation de produits de la criminalité.
Pour un État qui traverse une période de transition et de troubles, il peut être difficile de respecter les conditions préalables énoncées dans les lois canadiennes. Il se peut que les États soient tout simplement incapables de fournir en temps voulu au Canada les renseignements et les éléments de preuve requis avant que les biens ne soient détournés ou dilapidés. La Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus permettrait qu'une ordonnance de blocage soit délivrée sans que les États n'aient à prouver que les biens en question sont des produits de la criminalité et sans que les biens soient désignés de façon précise, comme c'est le cas aux termes des lois en vigueur.
(1540)
Le blocage des biens viendrait automatiquement à échéance au bout de cinq ans, même si la durée de cette période peut être prolongée si les circonstances le justifient.
Le projet de loi comprendrait des mesures de protection visant à faire en sorte que des entreprises puissent continuer de fonctionner pendant que des biens font l'objet de mesures restrictives — ainsi, une personne pourrait procéder à des activités ou à des transactions spécifiques. Au besoin, le projet de loi veillerait à ce que les personnes visées et les personnes à leur charge aient accès aux biens nécessaires pour leurs dépenses raisonnables.
Nous estimons que la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus comblera la lacune actuellement présente dans nos dispositions législatives. Nous voulons nous assurer que tous les biens détournés ou acquis de façon illicite sont bloqués de façon à ce que l'État étranger dispose du temps nécessaire pour tenter de les récupérer, et les rendre accessibles aux nouvelles autorités et à la population des États en crise.
Avant que nous ne commencions, je veux faire une mise au point quant au temps dont nous disposons. Si je ne m'abuse, messieurs les ministres, vous serez parmi nous pendant une heure.
Je remercie les ministres de s'être présentés ici. Je vais partager mon temps avec mes collègues.
Je tiens à indiquer aux ministres que le parti que je représente est d'accord avec les objectifs du projet de loi. Nous avons encore quelques questions à poser à son sujet, mais nous n'avons pas l'intention de vous mettre des bâtons dans les roues.
Nous sommes préoccupés par la rapidité avec laquelle ces dispositions législatives ont été élaborées, et par la rapidité avec laquelle on entend les mettre en œuvre. Toutefois, d'après mon expérience à l'échelon tant provincial que fédéral, je sais qu'il y a des moments où l'urgence de la situation et la nature des biens en question exigent que l'on agisse de cette façon.
Durant l'étude article par article, nous proposerons l'ajout de dispositions prévoyant que la loi soit d'une durée d'application limitée, et qu'un comité soit mis sur pied pour examiner les rapports entre cette loi et les autres textes législatifs auxquels les deux ministres ont fait allusion. Je crois qu'il devrait y avoir une façon de simplifier ce qui est proposé.
J'espère que le gouvernement pourra prendre en considération cette proposition. J'en discuterai assurément avec mes collègues du comité au fur et à mesure que nous progressons.
L'un ou l'autre des témoins peut répondre à mes questions. Selon la définition énoncée à l'article 2, un État étranger est évidemment un État autre que le Canada, mais sont également assimilés à un État étranger ses subdivisions politiques ou ses organismes.
Pour faire face à ce genre de situation, vous avez recours à une période de transition pendant laquelle ces États ne disposent pas nécessairement d'un gouvernement stable. Y a-t-il quelques autres critères que ce soit qui pourraient être appliqués et qui, d'une façon ou d'une autre, permettraient de définir dans quel état un gouvernement devrait se trouver pour qu'il puisse présenter une telle demande?
Est-ce que vous voyez à quoi je veux en venir, monsieur Kessel?
À mon avis, l'aspect important de l'article auquel vous faites allusion tient d'abord à ce qu'il permet d'établir une distinction entre une demande présentée par un État étranger en situation de crise et un État étranger qui ne vit pas une crise en tant que tel. Une demande peut être formulée par un État en situation normale, un État autre que la Libye, par exemple, qui est en train de s'écrouler. Dans un tel cas, il se peut que des représentants étrangers au Canada fassent le même travail que celui que font les autorités canadiennes lorsqu'ils traitent avec les autorités locales dans d'autres pays dans des affaires relatives à l'entraide juridique en matière criminelle.
Je crois que nous devons établir clairement que nous avons affaire non pas à un État en déroute, mais à un État qui fonctionne, et qui est en train d'examiner ses propres dossiers pour déterminer si d'anciens représentants ou des représentants en poste demandent au Canada de lui prêter son assistance. Nous avons affaire à un État qui fonctionne.
Permettez-moi de vous fournir deux ou trois exemples hypothétiques. Vous pourrez m'aider à déterminer à quel mécanisme nous pourrions avoir recours, qu'il s'agisse de la LMES ou de tel ou tel autre mécanisme.
Prenons, par exemple, le cas de l'Égypte ou celui de la Tunisie, où des gouvernements essentiellement provisoires ont été mis en place. On pourrait affirmer qu'un tel État n'est pas en crise, mais ni vous ni moi ne sommes en mesure d'établir exactement dans quelle mesure cela est bel et bien le cas.
Dites-moi si je me trompe. Pour l'essentiel, les dispositions législatives énoncent que le gouvernement « peut », par règlement, prendre des mesures. Le projet de loi ne comprend aucune disposition exigeant du gouvernement du Canada qu'il donne suite à une demande de quelque instance que ce soit se présentant comme étant le gouvernement d'un État. Est-ce exact? Pouvez-vous à tout le moins m'assurer que cela est le cas?
Oui, c'est tout à fait exact. Pour que le gouverneur en conseil puisse prendre un décret ou un règlement, il faut notamment qu'il détermine si la prise du décret ou du règlement est dans l'intérêt des relations internationales. Bien entendu, pour répondre à cette question, il faut, entre autres, tenir compte de l'instance qui formule la demande et établir si le fait d'y donner suite est dans l'intérêt des relations internationales. Il s'agit précisément du type de question qui entre en ligne de compte. Est-ce que le gouvernement du Canada, ses alliés et la communauté internationale sont prêts à faire affaire avec l'autorité qui formule la demande?
Je vais poser une autre question, puis je céderai la parole à mon collègue. Êtes-vous d'avis qu'une décision prise aux termes de l'article 4, ou d'autres décisions prises par le ministre, puisse être révisée par la Cour fédérale?
Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Cannon, si j'ai bien compris le petit laïus que vous avez fait au tout début, vous avez démontré qu'une telle action serait entreprise premièrement, à la demande d'un État étranger et, deuxièmement, si le gouvernement décidait qu'un pays donné est aux prises avec un crise ou une incertitude politique.
[Traduction]
Cela ressemble, dans une certaine mesure, à une règle non fondée sur des preuves. Au bout du compte, on dit que c'est à la demande du pays étranger. Bien sûr, dans un cas comme celui de la Tunisie, on peut à présent affirmer que les choses se passent bien là-bas, et que les problèmes ne sont pas si nombreux. Cependant, l'Égypte n'a pas demandé le blocage des biens de l'ancien président. Est-ce que le présent projet de loi habiliterait le gouvernement à bloquer ces biens sans qu'une demande à cette fin ne soit présentée par le nouveau gouvernement de l'Égypte? Le gouvernement peut-il prendre une telle décision de son propre chef?
Dans le cas de la Libye, avez-vous une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies pour agir comme tel et geler les avoirs du colonel Kadhafi? Avec ce projet de loi, auriez-vous pu le faire sans avoir l'autorisation du Conseil de sécurité?
Cela veut donc dire que dans le cas du Yémen, qui est aussi...
[Traduction]
un État en déroute, dans une certaine mesure... vous serez capables de bloquer les biens des anciens dirigeants du Yémen — si d'importants problèmes surgissent là-bas — sans que le nouveau gouvernement du pays ne soumette une demande à cette fin?
Oui, mais toujours dans l'intérêt des relations internationales du Canada avec cet État. C'est la première chose qu'on doit déterminer, d'abord et avant tout.
Vous avez beaucoup parlé des balises contenues dans le projet de loi C-61. Qu'en est-il des balises pour... Pouvez-vous énoncer la définition de « famille »? Quelles sont les limites de cette définition? Il pourrait s'agir de cousins, de... Quelle est la portée de la définition de « famille »?
Ma deuxième question est la suivante. Supposons que quelqu'un en Tunisie est copropriétaire d'un hôtel, d'une chaîne d'hôtels importante. Je ne veux pas en nommer une, mais disons que le copropriétaire en question détient 50 p. 100 des parts de l'hôtel. Que va-t-il se passer? L'hôtel sera bloqué? Que se passera-t-il avec les balises?
Le projet de loi n'énonce pas précisément ce que l'on entend par « famille ». Cela sera précisé dans le règlement. En d'autres termes, celui-ci comportera une liste précise des membres de la famille qui sont visés. Les règlements pris en vertu des présentes dispositions législatives seront assortis d'une liste de noms, et les membres de la famille seront identifiés au moyen de cette liste — il n'y aura donc aucun doute en ce qui concerne les personnes auxquelles s'appliquent les dispositions législatives.
Si j'ai bien compris la question concernant la poursuite d'activités en cours, et veuillez me corriger si je me trompe, les dispositions législatives habiliteraient le ministre à délivrer un permis qui autoriserait une personne à continuer de faire fonctionner une entreprise pour faire en sorte, d'une part, que celle-ci ne soit pas indûment affaiblie ou que ses activités ne soient pas réduites du fait qu'elle n'est pas en mesure de fonctionner, et d'autre part, que les intérêts canadiens en cause ne soient pas indûment touchés. En d'autres termes, s'il s'agit d'une entreprise en activité, les Canadiens qui travaillent pour l'entreprise en question pourront continuer à le faire et continuer de recevoir leur salaire.
D'accord. J'aimerais simplement que le ministre Nicholson me dise s'il a demandé à l'Association du Barreau canadien ou au Barreau du Québec de formuler un avis sur cette question.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, depuis un mois et demi, nous avons demandé presque quotidiennement au gouvernement d'agir. Notre principale crainte est que les biens concernés, en particulier ceux de la famille Trabelsi, soient liquidés et que le produit de la vente soit investi dans des paradis fiscaux.
Vous avez mentionné que vous ne disposiez pas des moyens voulus pour agir et acquiescer à cette demande. De notre côté, nous croyons que l'article 354 et la partie XXII du Code criminel, de même que l'article 54 de la Convention des Nations-Unies contre la corruption, donnent de tels moyens au Canada. Tout à l'heure, vous avez dit que nous n'avions pas ces pouvoirs. Les experts pourraient peut-être nous expliquer pourquoi.
Selon l'article 54 de la Convention des Nations Unies contre la corruption, les États ont l'obligation de fournir de l'assistance; toutefois, les États sont tenus de fournir de l'assistance conformément à leurs lois intérieures. En l'occurrence, la loi intérieure qui permet au Canada de mettre en application l'obligation énoncée dans la Convention des Nations Unies contre la corruption est la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle. Le ministre Nicholson a expliqué cela de façon assez détaillée lorsqu'il a parlé, durant sa déclaration préliminaire, des exigences en matière de blocage. En outre, pour que l'ordonnance puisse être exécutée, il faut que des accusations aient été déposées dans l'État étranger, et qu'une ordonnance de blocage pouvant être soumise à un tribunal canadien nous ait été fournie.
De même, l'article 354 du Code criminel — où est décrite l'infraction de possession de biens criminellement obtenus — permet le blocage de biens aux termes de la partie XII.2 du Code criminel. Toutefois, des éléments de preuve doivent établir que les biens en question sont des produits de la criminalité, et ces biens doivent être désignés. Le ministre Nicholson a énoncé les exigences du Code qui régiraient le blocage des biens, et ces conditions préalables doivent être remplies pour que nous puissions recourir aux mécanismes juridiques intérieurs, qu'il s'agisse de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle ou du Code criminel. Il faut que des éléments de preuve établissant que les biens en question sont des produits de la criminalité soient présentés au tribunal.
Il arrive parfois que nous ne disposions pas de tous les détails requis au moment où des questions de ce genre sont soumises à notre attention. Il se peut que les biens ne soient pas désignés. Il se peut que l'État en question ne soit pas en mesure de présenter les documents de nature pénale que nous nous attendons à recevoir habituellement. C'est pourquoi il était nécessaire d'élaborer un projet de loi comme celui-ci, un projet de loi qui visera ces situations où un État n'est peut-être pas en mesure de fournir en temps opportun au Canada les renseignements requis pour faire en sorte que les biens en question ne soient pas dilapidés ou transférés dans un autre pays.
À partir du moment où le gouvernement tunisien dépose des mandats d'arrêt internationaux auprès d'Interpol contre certains proches de Ben Ali installés en territoire canadien, le gouvernement canadien ne considère-t-il pas que les avoirs de ces personnes sont de provenance suspecte? Le Code criminel canadien ne permettrait-il pas au gouvernement de les saisir ou de les geler pour faire en sorte qu'ils ne puissent pas être vendus et ainsi de suite?
Nous ne pouvons pas nous fonder sur de simples soupçons. Nous devons agir de façon minutieuse. Notre décision pourrait avoir des répercussions sur des entreprises, ou sur des tiers innocents. Nous devons faire preuve de la plus grande rigueur possible avant de prendre des mesures à l'égard de quoi que ce soit. La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères a déposé un projet de loi qui nous accorde la souplesse requise pour bloquer des biens, de manière à ce que les formalités administratives et les enquêtes puissent se poursuivre, et que des mesures puissent être prises.
Toutefois, il s'agit de dispositions législatives complémentaires — elles ne supplantent pas ni ne remplacent la moindre disposition législative en vigueur. Le projet de loi vient s'ajouter aux outils dont nous disposons déjà, qu'il s'agisse de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle. Il s'agit d'un outil supplémentaire qui nous permettra de veiller à ce que les personnes qui volent ou détournent des fonds ne s'en tirent pas les mains blanches.
Monsieur Nicholson, vous parlez de personnes innocentes qui pourraient être touchées par l'application des lois actuelles. Dans le projet de loi, à ma connaissance, aucun mécanisme n'est prévu pour que la personne visée puisse demander une révision de la décision. Existe-t-il pareil mécanisme?
Un peu plus tôt, en réponse à une question, quelqu'un a indiqué que les décisions pourront faire l'objet d'un examen par les tribunaux. Le ministre dispose d'une souplesse lui permettant de faire en sorte qu'aucune personne innocente ne soit touchée par inadvertance et se retrouve, par exemple, sans salaire. Ainsi, à mon avis, le projet de loi comprend une certaine souplesse. En outre, il y a des balises; entre autres, le blocage des biens n'est pas permanent — il est d'une durée maximale de cinq ans. J'estime que toutes ces balises sont appropriées.
13. (1) Toute personne visée par un décret ou règlement pris en vertu de l’article 4 peut demander par écrit au ministre de cesser d’être visée par le décret ou règlement au motif qu’elle n’est pas un étranger politiquement vulnérable.
En quoi, par exemple, sommes-nous à l'abri de la possibilité qu'un État étranger abusif se serve de manière inverse de cette loi pour causer des ennuis à des gens qui vivent ici — des gens qui s'opposent au régime et qui militent peut-être en faveur de la démocratie —, porter plainte auprès du gouvernement canadien et faire en sorte que ces gens aient des problèmes concernant leurs biens?
L'article 4, où sont énoncés les critères applicables, notamment celui selon lequel le gouverneur en conseil doit conclure que « la prise du décret ou règlement est dans l'intérêt des relations internationales », est une disposition d'une ampleur assez vaste qui permet au gouvernement d'évaluer, par exemple, si la demande a été formulée de façon inappropriée, à des fins purement politiques ou vindicatives ou pour d'autres raisons inappropriées. En l'occurrence, de toute évidence, il ne serait pas dans l'intérêt des relations internationales d'accéder à une telle requête.
J'aimerais simplement ajouter que le projet de loi établit un juste équilibre entre les systèmes de valeur du Canada — lesquels ont été constitués au fil de nombreux siècles et empêchent essentiellement le gouvernement de saisir de façon arbitraire et sans se fonder sur des éléments de preuve substantiels des biens appartenant aux citoyens, de sorte qu'il doit s'adresser à un juge et lui demander de sanctionner la saisie en question —, et la nécessité d'agir rapidement dans un contexte où le monde est en proie à de nombreuses crises.
Le juste équilibre qui a été établi tient à ce que le projet de loi prévoit que les biens en cause fassent l'objet non pas d'une saisie, mais d'un blocage — il est extrêmement important de saisir la différence entre ces deux mesures —, et à ce qu'il comporte des dispositions permettant aux personnes estimant avoir été lésées de s'adresser aux tribunaux pour faire réviser la décision. En outre, la période pendant laquelle le gouvernement peut bloquer des biens est limitée à cinq ans — de toute évidence, cette période pourrait être prolongée, mais en principe, elle est d'une durée de cinq ans. Dans d'autres pays, par exemple en Suisse, la période est de 10 ans. La durée de la période de blocage varie d'un pays à l'autre.
Dans le projet de loi, vous utilisez les mots « étranger politiquement vulnérable » et vous faites la nomenclature des personnes visées par cette désignation. En revanche, vous dites ceci: « Si un État étranger, par écrit, déclare au gouvernement du Canada qu’une personne a détourné des biens [...] ». Vous parlez d'État étranger et je me demande qui, à ce titre, peut demander au gouvernement de geler des avoirs. Est-ce qu'un diplomate peut le faire?
L'État peut s'exprimer par l'entremise de ses diplomates. Habituellement, cela se fait par l'envoi d'une note diplomatique au Canada. De fait, nous entreprenons des pourparlers avec un État étranger qui nous transmet une note indiquant qu'il souhaite obtenir l'aide du Canada. Ce genre de note contient habituellement le nom des personnes visées, et si nous avons de la chance, on nous fournit également une certaine orientation quant à l'endroit où pourraient se trouver les biens.
Merci, messieurs les ministres, d'être parmi nous. Votre présence devant le comité dénote l'importance que revêt le projet de loi et le fait de prendre le plus rapidement possible des mesures opportunes.
Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mes collègues.
Monsieur le président, j'aimerais obtenir des éclaircissements. Nous procéderons à l'étude article par article après le départ des ministres. Mon collègue du Parti libéral a mentionné qu'il voulait qu'une disposition de temporarisation soit ajoutée au projet de loi, alors que mon collègue du NDP a indiqué, durant la séance d'information, qu'il voulait qu'une disposition d'examen soit ajoutée au projet de loi — il y a une différence entre les deux. C'est la raison pour laquelle je pose ma question.
Je la pose non pas à vous, mais à eux.
Pourriez-vous m'expliquer quelle incidence aurait une disposition de temporarisation sur ce projet de loi, et en quoi une telle disposition se distingue de l'amendement proposé par le NPD, à savoir un examen après cinq ans? Pouvez-vous nous fournir des éclaircissements à ce sujet, de manière à ce que nous comprenions bien la teneur des amendements proposés au moment de procéder à l'étude article par article?
Monsieur Obhrai, pour l'essentiel, une disposition de temporarisation signifie que les dispositions législatives viendraient à échéance si aucune mesure n'est prise pour les proroger quelque peu, de la même manière que les dispositions de la Loi anti-terroriste ont été prorogées en ce qui a trait aux engagements et aux enquêtes spéciales.
À mon avis, le projet de loi est solide. Il reviendra au comité de déterminer si un examen doit être fait dans les cinq ans, mais je pense que vous estimez, tout comme nous, que le projet de loi est un important ajout aux outils dont dispose le Canada pour s'assurer que les personnes qui détournent ou volent des fonds, ou qui mènent des activités entachées de corruption, ne considèrent pas le Canada comme un refuge.
À mon avis, le ministre et le gouvernement ont démontré l'existence d'une lacune. Nous faisons valoir que le projet de loi comblera cette lacune, et fera en sorte que le ministre dispose des instruments nécessaires pour agir, et ce, rapidement. C'est cela que nous voulons.
Au bout du compte, nous voulons que ces dispositions législatives soient adoptées en raison des troubles qui sévissent dans diverses régions du monde — nous voulons disposer des outils pertinents. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'ajouter des dispositions de temporarisation au projet de loi. Je ne tente pas de donner du travail aux parlementaires qui seront là dans l'avenir. Je plains les gens comme vous, monsieur Obhrai, monsieur Wallace, monsieur Goldring et les autres, qui auront à examiner de nouveau ces dispositions législatives dans cinq ans. J'imagine que cet examen confirmera tout simplement ce que l'on sait déjà aujourd'hui, à savoir que ces dispositions législatives sont importantes. Cependant, là encore, ce sera au comité d'en décider.
Cela dit, il s'agit d'un projet de loi solide, et j'estime qu'il s'agit d'un outil important, dont le Canada doit disposer.
Vous avez presque toujours raison, monsieur Obhrai, et l'hypothèse que vous avez formulée ne fera assurément exception à la règle générale en ce qui concerne les opinions que vous formulez.
D'abord et avant tout, je suis reconnaissant aux ministres de s'être présentés ici, malgré un court préavis, pour examiner le projet de loi C-61. Je remercie également les représentants — je sais qu'ils ont agi rapidement. Jeudi, ils ont tenu une séance d'information à propos de ce projet de loi technique avec les membres de l'opposition, et ce matin, ils ont fait la même chose avec bon nombre d'entre nous.
Tout d'abord, j'aimerais dire, simplement pour faire le point, que nous disposons d'un cadre juridique régissant nos relations avec d'autres pays en ce qui concerne quelques-unes de ces questions en matière criminelle. La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes a déjà été mentionnée. Il y a aussi la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, et nous avons également mentionné la LMES, la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Ces instruments régissent habituellement nos activités, mais la nécessité d'agir promptement s'est fait sentir en raison des changements soudains qui se sont produits dans diverses régions du monde. Il semble que l'on ait agi très rapidement comparativement au rythme auquel les choses se déroulent habituellement ici. À première vue, il semble que l'on est agi rapidement, mais je sais que les représentants ont trimé dur pour analyser ce qu'ont fait bon nombre de nos partenaires démocratiques du reste du monde.
Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont le projet de loi se compare avec ce que font bon nombre de nos partenaires du Commonwealth ou des autres démocraties du monde?
Une loi très semblable au présent projet de loi a été adoptée par la Suisse, même si, là-bas, la loi autorise un blocage rapide des biens pour une période un peu plus longue que celle que nous proposons, à savoir 10 ans.
Les États-Unis ont la capacité de bloquer rapidement des biens par la prise d'un décret. Le Canada ne dispose pas d'un tel outil. Par exemple, la semaine dernière, vendredi, un décret présidentiel a été pris aux États-Unis pour bloquer les biens de membres identifiés du régime Kadhafi avant que la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies n'adopte une résolution exigeant des États membres de l'ONU qu'ils agissent de la sorte. Les États-Unis ont été en mesure de faire cela grâce à un outil très souple dont ils disposent.
L'Union européenne dispose d'un instrument semblable, grâce auquel elle peut elle aussi bloquer des biens sans que des éléments de preuve soient présentés pour justifier une telle mesure. Dès que l'Union européenne adopte une directive selon laquelle ses membres doivent bloquer les biens en question, tous ses États membres sont liés par la directive. Ainsi, nos partenaires démocratiques disposent déjà d'outils très semblables au présent projet de loi. Nous utilisons simplement le cadre législatif canadien pour parvenir aux mêmes fins qu'eux, mais par d'autres moyens.
La situation évolue extrêmement rapidement à l'échelle internationale, et dans certains États, on s'est débarrassé de l'autorité en place, du premier ministre ou même du cabinet au grand complet. Une semaine ou deux plus tard, un autre changement survient, tous les gens qui ont été mis en place disparaissent, et d'autres viennent prendre leur place.
Dans les faits, qui présente une demande au nom d'un État étranger pour que le Canada prenne les mesures dont nous parlons? Comment le gouvernement prend-il ces décisions?
Je vais laisser les avocats répondre à votre question, mais il me semble que la réponse serait en lien avec le fait que nous entretenons des relations avec un État étranger en vertu du droit international. Nous reconnaissons ces États étrangers et c’est la raison même pour laquelle nous entretenons des relations diplomatiques avec eux. C’est une des caractéristiques qui orientent notre décision. Mais c'est également en lien avec la communauté internationale. Nous pourrions donner en exemple de nombreux États qui se trouvent dans des situations différentes.
Mon collègue du Bloc mentionnait que si, par exemple, nous ne sommes pas convaincus de la stabilité de l'État qui fait la demande, ou s'il s'agit d'un État quelque peu délinquant, nous allons décider, sous le couvert de nos dispositions législatives, de la manière dont nous allons mener nos relations internationales avec ce pays.
Je pense que c'est une bonne question. On ne fait pas souvent observer que de nombreux pays changent fréquemment leurs cabinets. Il suffit de penser à l’Italie et à la quantité de fois que ce pays a changé son cabinet. Nous traitons avec le gouvernement du jour; tant et aussi longtemps que nous considérons ce gouvernement comme étant notre homologue, c’est à cet État de décider de la manière dont un premier ministre organise son cabinet et qui en fait partie. Nous nous contentons d’accepter, quand on nous demande quelque chose, que nous devrons faire de notre mieux pour être à la hauteur.
Une dernière question, très rapidement, en lien avec ces biens. Je crois avoir entendu une observation selon laquelle nous espérons que, si nous sommes chanceux, une demande sera assortie d'une forme de liste des biens identifiés.
Pourriez-vous nous donner une idée de la manière dont se déroule le déclenchement d'une réaction comme celle-là et le blocage des biens? Est-ce le Bureau du surintendant des institutions financières qui est mobilisé, et comment cette démarche se déroule-t-elle exactement?
Cette question est alors remise entre les mains de la police, et, bien entendu, nous nous en remettons à la GRC, qui obtient de l'information du CANAFE et d'autres sources. C'est la procédure habituelle, qui relèverait en temps normal de l'identification des biens criminels, qui s'appliquerait également à ce projet de loi.
C'est l'un des motifs qui justifient le projet de loi, à savoir que, parfois, on n'obtient pas autant de renseignements que l'on aimerait en avoir. Manifestement, plus le Canada réussit à en obtenir, plus il est probable que cette démarche sera réussie ou que nous serons en mesure de bloquer ces biens. Une fois de plus, il faut recourir à la police.
Merci, monsieur le président, et merci à nos collègues qui ont travaillé d'arrache-pied à l'élaboration ce projet de loi.
Monsieur le président, j'aimerais adresser ma première question au ministre Cannon.
À la Chambre, quand on vous a posé une question sur les demandes, l’une des choses que vous avez mentionnées était qu’il n’y avait pas d’outils auxquels vous pouviez avoir recours, que, malheureusement, il y a un vide juridique. Nous nous faisons dire que ce projet de loi a pour but de combler ce vide juridique; que, dans le cas de la Tunisie ou de l’Égypte, vous n’avez pas été en mesure d’agir par le truchement de la LMES et que, fondamentalement, nous sommes ici pour vous fournir cet outil et cette boîte à outils. Est-ce que j’évalue bien la situation?
À ce moment-là, parmi les questions qu'on vous a posées, on vous a demandé si des représentants de la Tunisie ou de l'Égypte — mais je crois que c'était la Tunisie qui était le centre d'attention à ce moment-là — vous avaient présenté une demande officielle pour faire geler les actifs. D'après ce que je comprends de vos propos, en réalité, vous ne seriez pas en mesure de faire bloquer les biens. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi est devant nous. Des représentants tunisiens vous ont-ils demandé de bloquer les actifs?
En effet, les représentants tunisiens nous ont demandé de le faire. Si je ne me trompe pas, je crois que c'était à la toute fin de janvier, ou pendant cette période.
J'essaie de comparer ce que vous nous dites avec ce que j'ai entendu à la Chambre. À l'époque, vos propos n'étaient pas clairs, parce que je croyais que vous disiez que vous n'aviez tout simplement pas le pouvoir de le faire. Mais je n'avais pas bien compris à ce moment-là. Disons donc, aux fins du compte rendu, que l'on vous a présenté la demande en janvier.
Pour l'essentiel, monsieur Dewar, à partir de là, il y a eu un échange de... une demande des autorités tunisiennes en place. Nous en avons pris connaissance. Le ministre Nicholson, au ministère de la Justice, a examiné les différentes possibilités. Nous en sommes venus à la conclusion que, manifestement, le gouvernement étranger en question — la Tunisie — ne se trouvait pas dans une position qui allait lui permettre de nous donner les renseignements qu'il nous fallait pour être en mesure d'aller de l'avant. Par conséquent, nous avons très rapidement conclu qu'il nous fallait avoir un outil qui nous permettrait de le faire.
Vous avez mentionné une résolution des Nations Unies...
Je sais. Je cherche simplement à préciser le déroulement des événements et la raison pour laquelle ce projet de loi se trouve devant nous, et vous avez établi le fait qu'il y a une lacune; il y a un vide juridique, et il nous faut le combler. Cependant, j'essayais de comprendre, en raison de la confusion qui régnait dans la Chambre relativement aux réponses que vous avez données, si vous aviez reçu une demande ou pas. Aux fins du compte rendu, vous me dites que les représentants tunisiens vous ont présenté une demande, mais pas les représentants égyptiens?
Dans le même ordre d'idées, je suppose que j'aimerais poser une autre question, c'est-à-dire que je reviens à la question de M. Patry, je crois. Nous n'aurions pas besoin de ce projet de loi s'il y avait une résolution de l'ONU. Est-ce exact?
D'accord. Je voulais préciser cela, parce que je pense qu'il y avait peut-être un peu de confusion autour de cette question.
La raison pour laquelle nous avons besoin de ce projet de loi, dans le cas de la Tunisie et de l'Égypte, c'est que nous n'avions pas de résolution de l'ONU. Cela dit, il y a également le cas de la Birmanie, où nous avons invoqué la LMES sans résolution de l'ONU. Donc, une fois de plus, il nous faut établir qu'il y a des moments où nous pouvons avoir recours à la LMES en l'absence d'une résolution de l'ONU. Est-ce exact?
Non, je comprends. Je cherche à apporter des précisions, parce que nous affirmons que nous pouvons avoir recours à la LMES, jumelée à une résolution de l'ONU. Nous pouvons le faire, sans problème, mais sans résolution, il nous faut autre chose, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. J'essaie simplement de mettre les choses au clair au sujet de la raison pour laquelle nous avons besoin de ce projet de loi.
Je vais maintenant en venir aux dispositions du projet de loi, et les représentants pourront peut-être vous aider. Si vous acceptez ou rejetez une demande, vous faudra-t-il justifier votre décision?
Et pendant la séance d'information... J'ai raison d'affirmer que si votre décision soulevait des préoccupations et qu'on interjetait appel auprès de vous, et que vous répondiez « Non, je m'en tiens à ma décision », elle serait assujettie à un contrôle judiciaire.
Je tiens également à dire que même si mon ami, M. Obhrai, a tenté de se rendre utile en vous expliquant notre proposition, nous sommes capables de le faire nous-mêmes. Je pense que les propos que nous avons tenus pendant la séance d'information sont clairs. Il a raison à un égard: j'ai effectivement laissé entendre que nous souhaitons qu'il y ait un examen dans les cinq ans.
Selon moi, c'est une possibilité de compromis, et j'estime qu’il y a une manière — je pense que nous pourrons travailler là-dessus par la suite, mais j’aimerais savoir ce que vous en pensez... de faire les deux, et ce serait pour concentrer les efforts. Ce serait possible d’avoir une disposition temporarisation et un examen. L’examen aurait lieu en premier, afin de déterminer s’il faut procéder à une élimination progressive.
Je pense simplement à ce que vous pourriez répondre à cela, même si on pourrait vous considérer comme étant une partie intéressée, monsieur Nicholson, mais c’est une possibilité. Je veux tout simplement aider mon ami, M. Obhrai, à comprendre que ces deux concepts n’ont pas à être mutuellement exclusifs — ils peuvent être inclus dans cette disposition. Ce sera à nous de décider plus tard.
Si, de fait, nous avons donc les ressources du CANAFE... Ministre Nicholson, vous vous préoccupez peut-être, de manière générale, de la façon dont on peut retrouver la trace des biens de gens dont le dossier en matière de droits de la personne est douteux. Je me pose la question. Bien des gens me demandent, à bon droit : étiez-vous au courant de ces choses? Saviez-vous que ce régime n’était pas impeccable? Saviez-vous qu’ils avaient des actifs ici? Aviez-vous une idée des montants que, disons, Kadhafi ou Ben Ali ont investis au Canada? Sinon, comment cela se fait-il?
Je n'entrerai pas dans les détails du moment et lieu où se trouvent les biens. Cette question est entre les mains de la police, et relèverait sans doute, selon moi, du ministre de la Sécurité publique. Bien entendu, il en va de notre intérêt à tous de ne pas fournir trop de détails sur le moment et le lieu, afin de permettre aux policiers...
J'adresse la dernière question au ministre Cannon.
Je crois que l'une des dispositions de nos sanctions à l'encontre de la Libye porte sur la vente d'armes et la prohibition. J'aimerais vous poser la question suivante: cela fait quelques années que le Parlement ou les Canadiens n'ont pas vu passer un rapport sur l'exportation des armes. Pourriez-vous nous dire quand nous serons en mesure d'en voir un? Y a-t-il un rapport prévu pour bientôt?
Ce serait bien si nous pouvions avoir une idée du moment où nous aurons un rapport, parce que cela fait quelques années que le Parlement... Nous avions l’habitude de déposer des rapports sur l’exportation des armes, et nous voyons de plus en plus ce genre de situations où nous nous retrouvons avec des pays à qui nous pourrions regretter d’avoir vendu des armes. Je pense que le dernier rapport remonte à 2006. Je n’en suis pas certain, et vous me corrigerez peut-être, mais je pense que ce serait important, tout particulièrement si nous mettons en place des sanctions relatives à la prohibition des exportations, mais que nous ne disons pas en quoi consistent les exportations d’armes.
Je veux savoir ce que le comité veut faire. Nos ministres restent avec nous pour les cinq prochaines minutes. J'aillais donner la parole à M. Van Kesteren, M. Goldring, suivis de M. Rae ainsi que de M. Dorion.
Si nous allons de l'avant avec quatre questions, je vous pose la question suivante: après le départ des ministres, voulez-vous continuer à interroger les représentants officiels? Si c'est le cas, nous pouvons poursuivre ou nous pouvons passer immédiatement à l'étude article par article.
Je veux simplement évaluer où nous en sommes, parce que je ne veux pas trop perturber l'ordre; je veux poursuivre sur notre lancée.
On pourrait peut-être, à ce moment-ci, déposer une motion. Dans le cas qui nous occupe, il ne semble pas que ce soit une motion qui exige un avis de 48 heures.
Le projet de loi dont on parle aujourd'hui est extrêmement important. En ce qui nous concerne, au Bloc québécois, nous avons réclamé sans arrêt, depuis presque un mois et demi — je l'ai même fait à la fin janvier, à Strasbourg, dans le cadre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, — qu'on agisse pour saisir les biens de la famille de Ben Ali au Canada.
Il serait important que ce projet de loi soit adopté rapidement s'il est bon et si nous le jugeons correct et approprié. Bien sûr, tout le monde sait qu'il y a relâche parlementaire la semaine prochaine. Tout le monde sait également qu'on est peut-être en période pré-électorale.
Nos ministres sont parmi nous, et nous allons continuer à les interroger. En ce qui concerne les motions, nous allons les traiter quand nous aurons terminé d'interroger les témoins.
Nous allons redonner la parole à M. Van Kesteren et M. Goldring, puis nous terminerons avec M. Rae, et les ministres pourront passer à autre chose.
J'ai une question rapide pour M. Nicholson. Voici ce qui m'intrigue. Manifestement, au fur et à mesure que cette situation évolue, je pense que nous allons constater que les gens vont mettre au point de nouvelles façons de dissimuler une partie de leur argent. Quand nous nous sommes réunis ce matin pour la séance de breffage sur ce projet de loi, on a dit que, bien entendu, cela inclurait des choses comme des objets d'art.
Je me demandais dans quelle mesure le gouvernement canadien serait prêt à s'engager dans une enquête policière, compte tenu des coûts considérables en cause. Allons-nous nous rendre au point où nous chercherions à découvrir où cet argent est caché? Si ce genre d'enquête devient long et coûteux, allons-nous recevoir une compensation?
C'est une question qui relève davantage de la police, mais, d'après ce que je comprends, les ressources sont déjà en place. Nous coopérons continuellement avec des organismes internationaux. INTERPOL est un autre bon exemple. Ces organismes, ces outils d'enquête sont en place, et nous continuons à coopérer avec eux.
Cela fait partie des efforts continus que le Canada déploie pour s'assurer de ne pas servir à entreposer ce type de biens. Cela fait également partie de notre engagement international à collaborer avec d'autres instances afin de nous assurer de communiquer l'information. Très franchement, je pense que nous avons fait beaucoup de progrès, d'après ce que j'ai été en mesure de constater, et cela va se poursuivre.
Félicitations, messieurs les ministres, mesdames et messieurs, pour tout le travail que vous avez effectué afin de nous présenter une proposition aussi rapidement. Manifestement, cela reflète l'urgence d'aller de l'avant dès que possible.
Je me penche sur les propos que mon collègue tenait à l'instant, mais de manière un peu plus approfondie. D'après ce que je comprends de l'article 8, intitulé « Obligation de vérification », toutes les entités incluses dans la liste ont présentement un mécanisme en place, de sorte qu'il serait facile pour elles de procéder à cette enquête relative à toute demande qui serait faite. L'article couvre-t-il également les divers dérivés des noms qui permettent d'identifier les personnes visées? Dans quelle mesure cela serait-il exhaustif?
Je vous remercie, monsieur le président. Je vais répondre à cette question.
Oui, ces outils sont déjà en place. De fait, l'article 8 reflète exactement des dispositions législatives et réglementaires existantes qui portent sur des problèmes liés aux biens, notamment en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur les Nations Unies.
Les mécanismes sont en place. Certes, le point de contact initial, par exemple, pour les établissements financiers est, comme on l’a correctement mentionné auparavant, le Bureau du surintendant des institutions financières. Ce dernier émet un avis dès qu’un règlement ou un décret de saisie des biens a été adopté, et les établissements financiers le reçoivent immédiatement. Ces derniers sont en position de réagir; leurs mécanismes sont en place. Ils balaient les banques de données dès que de nouveaux renseignements sont disponibles, et ils sont tout à fait capables d’y réagir; ils le font quotidiennement. Ils l'ont fait, par exemple, pour les règlements relatifs à la Libye qui ont été adoptés la semaine dernière.
En ce qui a trait à l’identité des personnes, manifestement, puisque ce projet de loi s’appuie sur la réception d’une demande présentée par un État étranger qui connaît la personne dont elle souhaite voir les biens saisis, nous compterions sur cet État dans une certaine mesure pour nous fournir des noms exacts. La transcription des noms peut parfois poser problème — par exemple, des noms traduits de l’arabe ou du chinois. Les transcriptions ne sont pas toujours uniformes, de sorte que oui, nous examinerions d’éventuels pseudonymes. Prenez par exemple le nom de Mouammar Kadhafi : même dans nos médias, on le retrouve écrit selon trois ou quatre orthographes différentes tous les jours. Il nous faudrait donc nous assurer que toutes les variations possibles de ces noms soient saisies.
Je suis désolée. Pour compléter la réponse qui vient d'être donnée en ce qui a trait au fardeau que les établissements désignés devront assumer, nos établissements financiers assument déjà des obligations. La liste est très similaire à celle qui se trouve dans ce projet de loi.
En vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, nous n'avons pas inventé les noms aux fins de cette loi. C'est une classe de personnes suspectes ou à risque reconnue à l'échelle internationale. Les banques et les établissements assument donc déjà une obligation en matière de diligence raisonnable.
En outre, l'article 7 de cette loi précise qu'il faut déclarer les transactions suspectes relatives aux biens de ces individus. Il y a donc déjà une obligation. Cela peut les rendre plus conscients à partir du moment où certaines personnes sont clairement identifiées, mais, quoi qu'il en soit, ils devraient faire montre de diligence raisonnable aux termes de cet article en général.
Je suppose que cette question s'adresse peut-être encore davantage à M. Kessel qu'elle ne s'adresse au ministre.
L'article 4 porte sur l'obtention d'une demande pour faire bloquer les biens. Ensuite, le libellé de l'alinéa 4(1)b) est le suivant: « par décret, saisir, bloquer ou mettre sous séquestre ».
Monsieur Kessel, pourriez-vous clarifier le fait que ce projet de loi contient une disposition de saisie des biens? Il n'est pas exact de dire que tout ce que nous faisons est de bloquer les biens. N'est-ce pas?
Nous saisissons les biens afin de les bloquer, c'est-à-dire que nous les conservons afin qu'ils ne soient pas emportés à l'extérieur du Canada. Toutefois, je vais me tourner vers ma collègue de la justice pour lui demander d'expliquer comment cela fonctionne.
En réalité, le projet de loi prévoit la capacité de saisir si c’est la voie que le gouvernement... Il s’agit d'une loi-cadre, de sorte que le décret peut contenir n’importe laquelle des mesures énoncées. La saisie peut être l’un des mécanismes. Je pense que ce qui est prévu, et vous avez entendu les deux ministres en parler d’entrée de jeu, c’est véritablement un régime de conservation, pour que les choses restent telles quelles. Ainsi, si les gens ont un yacht, nous les laissons le garder. Nous ne voulons pas qu’ils le vendent et qu’ils transfèrent les fonds à l’extérieur du Canada. S’ils ont un immeuble d’habitation, il y a la capacité de créer une exemption pour leur permettre de continuer à avoir des locataires et à l’administrer, mais ils ne pourront le vendre et transférer les fonds à l’extérieur.
Contrairement au régime sur le financement des terroristes, contrairement au régime de la Loi sur le financement des activités terroristes, contrairement au régime de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, l’intention, l’objectif de ce projet de loi n’est pas de saisir et de gérer les biens quand les seuils ont été atteints. L’intention est vraiment axée sur la conservation. Cela ne veut pas dire, si un cas particulier devenait connu, et que les biens dont il est question sont, par exemple, un sac de diamants quelque part... Il serait possible que, dans certains cas, vous puissiez vouloir avoir la capacité de saisir. Alors, elle se trouve dans ce projet de loi. Il s’agit de voir dans quelle mesure cela sera invoqué.
Si vous y pensez bien, c’est une ingérence assez considérable. Quelqu’un se retrouve sur une liste, est placé sur une liste par un État étranger. Je sais que le projet de loi est intitulé la Loi sur le blocage des biens de régimes corrompus, et c'est bien beau, mais cela ne s’applique pas seulement aux régimes corrompus; cela s’applique à tout gouvernement. Rien n’empêche un gouvernement de régler une situation en affirmant qu'elle est le résultat des activités de l’un de ses prédécesseurs. Il n’a pas à vous donner des jugements d’un tribunal. Il n’a pas à vous donner la moindre preuve relativement à ce qui se serait passé. Il aurait tout simplement à dire : « Nous vous présentons une demande » et, en réponse à cette demande, vous pouvez adopter un règlement pour faire saisir les biens de cette personne.
Vraiment, c'est un projet de loi d'une portée considérable. Je sais que nous aimons croire que le gouvernement n'agira pas délibérément, de manière arbitraire. Nous aimons croire que d'autres gouvernements feront des demandes raisonnables. Est-ce que j'exagère les dérapages éventuels? J'espère que non, mais il me semble que, à première vue, c'est assez dangereux.
L'alinéa précise « ou une situation incertaine dans l'État étranger ». Eh bien, il me semble, une situation politique incertaine... Nous sommes nous-mêmes dans une situation incertaine.
Non, non, mon siège est très sûr. Mon siège est aussi sûr que celui de n'importe qui d'autre.
Bon, ce n'est peut-être pas tout à fait vrai. Je ne dirais pas ça.
Vous voyez où je veux en venir.
Monsieur Kessel, vous comprenez ce qui me préoccupe? Je ne vous demande pas de donner une opinion éditoriale. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis convaincu qu'il nous faut procéder à un examen. Je pense qu'il nous faut faire quelque chose, mais nous devons réfléchir attentivement pour établir s'il s'agit d'une mesure que nous prenons à cause d'une situation immédiate. Après avoir réfléchi, nous pourrions vouloir y penser un peu plus.
Je vais mentionner votre argument relatif à l'article 4. La première partie, le chapeau, précise effectivement que le gouverneur en conseil ne peut prendre le décret ou règlement que s'il est convaincu que les conditions a), b) et c) sont remplies. Ainsi, en tant que gouvernement et en tant que gouverneur en conseil, il vous faut réfléchir avant d'agir. La décision ne sera pas du tout prise sur un coup de tête.
Est-ce que tout le monde pourrait revenir prendre son siège?
À l'heure actuelle, nous n'avons qu'un seul ajout. Je demande donc aux membres du comité s'il y aura d'autres amendements, ou si c'est le seul amendement que nous allons devoir traiter? S'il n'y a pas de préoccupations relatives aux articles 2 à 19, je vais vous proposer de les adopter d'un seul coup, si vous êtes d'accord. Puis nous pourrons passer à l'article supplémentaire de M. Dorion.
Êtes-vous d'accord pour que le comité procède ainsi? Je vous propose d'adopter les clauses 2 à 19 d'un seul coup, à moins que l'un d'entre eux ne pose problème, puis nous nous occuperons de l'article supplémentaire de M. Dorion. Est-ce que cela vous convient?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien.
Je vais mettre la question aux voix. Y a-t-il quelque chose à discuter?
Je voudrais m'assurer que, au sommet de la page 5, on parle des « banques régies par la Loi sur les banques et les banques étrangères autorisées, au sens de l'article 2 de cette loi, dans le cadre des activités que ces dernières exercent au Canada »? Cela renvoie à ce que nous appellerions des banques, ce que nous connaissons sous le nom des cinq ou six grandes banques?
Que le projet de loi C-61 soit modifié par adjonction, après la ligne 39, page 8, du nouvel article suivant:
« EXAMEN ET RAPPORT
20. (1) Dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du présent article, un examen approfondi des dispositions et de l'application de la présente loi doit être fait par les comités du Sénat et de la Chambre des communes; que le Sénat et la Chambre des communes désignent ou constituent à cette fin.
(2) Dans l'année qui suit le début de son examen ou dans le délai supérieur que la chambre en question, selon le cas, lui accorde, chaque comité visé au paragraphe (1), remet son rapport au Parlement accompagné des modifications qu'il recommande. »
Monsieur le président, puisque c'est le désir de certains collègues, je suis prêt à accepter que les cinq ans soient remplacés par trois ans. Je propose donc en conséquence trois ans au lieu de cinq ans, parce que cette loi est forte. Il serait en effet très bon qu'on puisse la revoir après trois ans.
Monsieur le président, voici ma première question. Si cet article est formulé ainsi: « Dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du présent article », alors, au bout d'un an, cela fera environ six ans, n'est-ce pas? Cinq ans, suivi d'un examen puis d'une année pour faire rapport au Parlement. C'est le propos de cette motion, ai-je bien compris?
Pour être très honnête avec vous, la période de trois ans nous pose problème. Le ministre a déjà clairement dit que nous effectuons tout le processus d'examen, nous faisons tout cela à cette fin, et, si tous les trois ans, notre comité doit être saisi de cet examen, ce n’est que du travail supplémentaire, et trop de travail par-dessus le marché. À mon avis, un examen au bout de cinq ans, c’est une assez bonne période, et cela accorde suffisamment de temps. La période de cinq ans, telle qu’énoncée ici, me convient, mais je ne crois pas que trois ans... Nous ne pouvons pas passer notre temps à revenir et à être saisis de tout cela. Comme nous l’avons dit, ce projet de loi comble une lacune de quelque chose qui est déjà en place. Il y a des préoccupations, des questions. Je pense que cinq ans, comme cela a été proposé à l’origine... mais, selon moi, trois ans, c’est trop court pour que nous devions constamment examiner tout cela.
Je ne crois pas que ce soit un fardeau trop lourd parce que nous venons d'adopter tous les articles de cette loi totalement nouvelle en moins d'une minute après en avoir parlé pendant une heure. Je ne crois donc pas qu'on y reviendra pour en discuter pendant des heures tous les trois ans. À mon avis, cela peut se faire très rapidement.
Cependant, si quelqu'un a un argument important, il doit avoir la chance tous les trois ans de le faire valoir et de dire ce qui devrait être modifié dans la loi.
Les choses changent rapidement, mais si nouvelle que soit cette situation, ce qui va se produire, c'est que, au fil du temps, on verra apparaître toutes sortes de gens qui auront des opinions, probablement des témoins qui voudront comparaître et exprimer une opinion sur la manière dont la loi a été appliquée, ou sur le fait qu’elle ait été appliquée ou pas, et ainsi de suite. Si nous faisons un examen, j’imagine que nous allons nous retrouver — ou le futur comité, quels que soient ses membres, finirait probablement par entendre ces témoins, et j’imagine que cela prendrait un peu plus de temps que celui que nous venons d’y consacrer en ce moment. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il est approprié de conserver l’intervalle de cinq ans. Il faut accorder du temps pour voir quelle sera la suite des choses.
Deuxièmement, je pense que le commentaire de M. Dorion est valable, quand il parle d'une période d'examen d'un an. C'est peut-être un peu long. Pourquoi ne dirions-nous pas au comité de prendre six mois pour examiner la loi, par opposition à un an, afin de réduire la durée du processus de ce côté-là?
À ce propos, la formulation dans cet amendement: « par les comités du Sénat et de la Chambre des communes » — s'agit-il d'un comité mixte? Il me semble que nous en avons parlé récemment. S'agit-il d'un comité mixte du Sénat et de la Chambre, ou des deux comités? En fait, de quels comités s'agit-il? D'après la formulation de cet article: « par les comités du Sénat et de la Chambre des communes, que le Sénat et la Chambre des communes désignent ou constituent à cette fin. », s'agit-il d'un comité de la Chambre des communes, d'un comité du Sénat, des deux comités, d'un comité mixte?
Je dirais tout simplement à mes collègues que j'appuie fortement l'examen de la loi, et c'est parce que je pense qu'il nous faut comprendre que ce projet de loi est improvisé. Les gouvernements doivent réagir rapidement à des situations, et vous avez réagi rapidement au moyen d'un projet de loi improvisé. Cependant, personne ne va me convaincre que c'est le résultat d'une réflexion approfondie quand on examine comment ce projet de loi s'inscrit dans le cadre général.
Je veux simplement faire valoir quelques arguments.
Tout d'abord, je pense que l'examen devrait inclure un examen de la Loi sur les Nations Unies, la Loi sur les mesures spéciales économiques, la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, en plus de ce projet de loi, afin que nous puissions voir comment tous ces éléments s'articulent ensemble et envisager comment faire mieux.
Un comité mixte ne me pose aucun problème. Je pense que c'est une possibilité. Je n'y vois rien de mal. Je suis d'avis que c'est un comité qui devra avoir la capacité de tenir des réunions et des audiences à huis clos, parce que je suis d'avis qu'une grande partie de l'information qui doit être recueillie est confidentielle. Je ne sais pas si mes collègues du Nouveau Parti démocratique s'opposent à un comité mixte. Je l'ignore. Ils peuvent avoir leurs propres raisons pour s'y opposer, et c'est très bien.
Il faut que les gens comprennent que c'est un nouveau domaine et que nous apprenons tous au fil du temps. Il y a trois mois, personne n'aurait été d'accord pour dire que si un gouvernement vous écrit et vous dit: « Je veux que vous saisissiez les biens de Harry Jones », vous répondez: « Ah, d'accord, Harry Jones, nous allons tout récupérer »... C'est d'une nature sans précédent.
Je suis disposé à adopter le projet de loi, et notre parti est disposé à l'adopter, mais nous croyons effectivement que la Chambre devra faire une pause après l'adoption de ce projet de loi et se demander comment toutes ces lois s'articulent ensemble. Pouvons-nous faire mieux?
Je ne crois pas que ce soit déraisonnable. Nous n'essayons pas de créer de problèmes. Nous disons simplement que nous devrions faire notre travail de législateurs.
En fait, si vous lisez le libellé, Deepak, le paragraphe prévoit que cela « doit être fait par les comités du Sénat et de la Chambre des communes, que le Sénat et la Chambre des communes désignent ». Alors, les gens doivent se réunir et se demander comment ils s'y prendront, et nous devons trouver une façon de faire cela. À mon avis, cela n'est pas déraisonnable. Je crois que c'est parfaitement raisonnable.
Je ne crois pas du tout qu'il est déraisonnable de mener un examen. Nous avons consenti à l'examen, et je crois que l'examen est une bonne chose.
Nous n'y voyons pas beaucoup d'inconvénients. Si vous voulez vraiment ajouter toutes les autres à l'examen, cela nous convient. Ma seule observation, c'est que trois ans, c'est un peu trop tôt. Je crois qu'il nous faudrait un peu plus de temps. À mon avis, cinq ans, c'est bien, alors, ce que M. Rae a proposé est acceptable.
D'accord. Ce que j'entends, c'est que M. Rae propose l'examen d'autres lois qui sont pertinentes, et, ce que j'entends de l'autre côté, c'est qu'un examen effectué tous les trois ans ne semble pas très raisonnable et pratique, mais qu'un délai de cinq ans serait peut-être raisonnable pour l'examen de toutes ces lois.
Je crois, monsieur Rae, que, si vous commencez à intégrer ces autres lois — la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle est visée par un projet de loi du comité de la justice, et peut-être que cela intègre également le comité de la sécurité publique, et la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes —, vous allez au-delà des affaires étrangères, et vous vous aventurez maintenant dans la sécurité publique et la justice.
Je crois que vous finirez par compliquer la composition du comité. Vous avez déjà la participation des deux chambres. Il me semble qu'il serait mieux de garder cela simple, mais de s'en tenir au moins à un examen quinquennal et d'essayer de limiter le mandat au sujet visé, et cela serait approprié.
Compte tenu de la nécessité d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, personnellement, je suis prêt à revenir à notre proposition originelle qui était de tenir un examen après cinq ans. Si c'est la condition pour que cela soit adopté, et adopté rapidement, je suis tout à fait d'accord pour que ce soit fait au bout de cinq ans.
Je suis prêt à laisser tomber la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, même si je crois que toutes ces choses vont ensemble. Vous pouvez me le dire si je me trompe, mais je crois qu'il y a une sorte d'architecture dont nous sommes en train de parler.
Je reconnais que — si je peux me permettre une autre analogie — c'est une autre brique dans l'édifice. J'avancerais qu'il serait utile d'ajouter la Loi sur les Nations Unies et la Loi sur les mesures économiques spéciales à l'examen de l'application de la loi qui nous occupe pour que nous puissions effectuer l'examen des trois lois en même temps — et non seulement celle-ci — et que nous puissions comprendre comment elles vont ensemble.
M. James Lunney: Au moins, cela reste dans les affaires étrangères.
En réaction à la proposition d'un comité conjoint, je ne vais surprendre personne en disant que, selon moi, cela devrait être fait par la Chambre exclusivement.
J'ai déjà siégé à des comités conjoints, et il y a des moments où c'est pertinent en raison de la façon dont le comité fonctionne. Nous partageons des responsabilités. Si le Sénat veut se pencher sur cela, il le peut. Il peut simplement le prendre et l'examiner. Je ne vais pas l'en empêcher.
Concernant le point soulevé par M. Rae, j'essaie simplement de comprendre... Nous allons nous pencher sur cette loi particulière, sur la façon dont elle fonctionne. Si l'examen est approfondi, alors, je suis d'accord avec lui sur le fait que nous devrions examiner tous les aspects et ce qui influe sur ces aspects.
Je crois comprendre — et peut-être que les témoins peuvent nous aider à ce chapitre — que la loi fonctionne — comme le disait mon père — en marge d'autres éléments. Elle n'a pas de lien de dépendance, comme la LMES. Si nous effectuons dès maintenant l'examen du projet de loi, l'examen découlera de quelques aspects de la LMES, mais il ne serait pas directement lié à la LMES.
Est-ce exact?
D'accord.
Je reviens à vous, Bob. Voulez-vous examiner cela sous l'angle de la façon dont ces autres lois fonctionnent ensemble? Est-ce cela que vous voulez faire au moment de l'examen?
À titre d'exemple, comment décidons-nous? Le gouvernement a déposé ce projet de loi, car, à son avis, la LMES fonctionne ou ne fonctionne pas dans une situation donnée. On pourrait avancer qu'il suffit de modifier la LMES.
Je suis certain que vous avez eu ces discussions internes avant de décider quelle était la meilleure option à offrir au Cabinet. Je me souviens que c'était comme ça. Je serais surpris si ce n'était pas le cas. Je crois simplement que, pour comprendre cela, nous... Je peine à imaginer que nous allons examiner cela sans examiner en même temps la LMES, c'est tout.
Je veux simplement vous rappeler que, même si je vous accorde une certaine latitude, nous parlons toujours de trois ans. C'est l'amendement du nouvel article. Alors, nous allons devoir trouver un terrain d'entente...
Non, nous avons besoin d'un consentement unanime pour le faire.
Je vais donc poser la question. Puis-je demander la mise aux voix du délai de trois ans? Puis-je faire cela pour que nous puissions revenir au délai original?
D'accord. Voici ce que je vais faire. Je vais demander la mise aux voix de l'amendement du nouvel article pour remplacer le délai de cinq ans par un délai de trois ans. Alors — s'il n'y a pas d'autre commentaire sur cette question particulière —, je vais passer au vote.
Qui est pour le délai de trois ans? Qui est contre?
Oui, c'est exact. Si vous votez contre le délai de trois ans, cela signifie que nous revenons au délai de cinq ans, comme il a été prévu initialement.
Puis-je demander à nouveau la mise aux voix — juste pour que ce soit clair?
Qui est pour l'intégration d'un délai de trois ans dans l'article? Qui est contre le délai de trois ans et veut que nous revenions au délai de cinq ans?
(L'amendement est rejeté.)
Le président: D'accord, alors, nous revenons au délai de cinq ans.
Il est maintenant 17 heures, et nous accueillons un autre témoin.
Qu'en est-il de mon petit amendement, monsieur le président — un modeste amendement visant à intégrer la Loi sur les Nations Unies et la Loi sur les mesures économiques spéciales?
Monsieur Rae, je veux simplement vous faire part des préoccupations de la greffière législative à l'égard de l'ajout de cet amendement supplémentaire. Vous parlez d'intégrer deux lois différentes qui n'ont aucun lien avec la loi en question.
Bien sûr qu'elles en ont un. Elles en ont certainement un. Il y a un lien parce qu'elles relèvent directement du ministère des Affaires étrangères et qu'elles sont exactement liées au même ensemble de questions. Je ne vois pas pourquoi cela poserait problème.
Peut-être que nous pourrions écouter ce que nos experts ont à dire sur la Loi sur les Nations Unies, en particulier. Dans le cas de la LMES, je comprends, mais en ce qui concerne la relation entre la Loi sur les Nations Unies et le projet de loi qui nous occupe...
Je voudrais simplement vous faire remarquer que la Loi sur les Nations Unies n'est à vrai dire qu'une forme de loi intermédiaire qui met en place le mécanisme nécessaire à la mise en œuvre d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est simplement un mécanisme qui sert à faire cela.
La Loi sur les Nations Unies permet essentiellement au gouvernement de mettre en œuvre des mesures non militaires aux termes de l'article 41 de la Charte des Nations Unies. C'est un instrument qui nous permet de nous conformer aux obligations en droit international prévues par la Charte des Nations Unies pour mettre en œuvre des décisions exécutoires du Conseil de sécurité.
L'essentiel de ce qui arrive en réalité — une fois que le Conseil de sécurité prend une résolution — figure dans les règlements, car la loi ne précise pas le type de mesures que le Conseil de sécurité peut imposer. Elle est très générale sur ce point. Alors, lorsque nous mettons en œuvre une décision, aucun pouvoir discrétionnaire n'est prévu à l'égard de ce que nous mettons en œuvre. À titre d'exemple, les règlements les plus récents qui visent la Libye ont été en partie adoptés dans le cadre de la Loi sur les Nations Unies, et nous avons fait précisément ce que le Conseil de sécurité nous a obligés de faire. Le pouvoir discrétionnaire repose sur la façon dont nous mettons en œuvre les décisions, et, pour le Canada, cet instrument est la Loi sur les Nations Unies.
Certains aspects des résolutions du Conseil de sécurité sont automatiquement mis en œuvre par effet de la loi. À titre d'exemple, des interdictions de séjour sont appliquées au moyen d'un mécanisme qui est déjà prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Mais la Loi sur les Nations Unies en soi ne prévoit ni mesure de protection ni saisie de biens ni restriction ni autre élément de ce genre. Tout cela entre en jeu lorsque nous adoptons des règlements sous le régime de la loi.
C'est bien. L'autre chose que j'allais proposer aux fins de compromis — parce que je cherche toujours à trouver un compromis —, ce serait de dire « et les lois connexes » ou une phrase semblable.
Monsieur Dewar, est-ce que cela vous convient? D'accord.
Le nouvel amendement prévoit que les dispositions et l'application de la présente loi et de la LMES feront l'objet d'un examen, etc. Alors, nous allons ajouter la LMES.
Ce qui a été proposé — je ne sais plus par qui, car j'utilise l'interprétation et je n'entends pas toujours la voix des intervenants —, c'est-à-dire de lui donner le titre de « Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers », me semble bien résumer le tout et être une bonne version abrégée du titre long de la loi tandis que si on utilise les mots « régimes corrompus », on introduit une idée qui n'est pas du tout exprimée clairement dans le titre long.
Je suis d'accord avec M. Rae. Tous ces gens posent des questions depuis... M. Dorion demande ce que le gouvernement fait pour bloquer les biens. Il a utilisé ces termes tout au long du débat. Le projet de loi vise à dissiper ces préoccupations, alors, je crois qu'il est approprié d'employer ces termes.
Une des propositions que nous venons d'entendre portait sur le blocage des biens de dirigeants étrangers. Cela pourrait rendre certains de nos diplomates nerveux. Je crois que le terme « corrompu » est probablement utile, car il ne s'agit pas de tout dirigeant. Il est question d'actes répréhensibles.
Alors, je crois que le titre abrégé reflète ce que nous essayons d'accomplir, et je ne sais pas pourquoi il y a de l'angoisse à ce chapitre.
À ce moment-là, pourquoi n'introduit-on pas le mot « corrompus » dans le titre long, si c'est ce qu'on veut dire? À mon avis, la version abrégée ajoute une idée qui ne figure pas du tout dans le titre long.
Que diriez-vous de « Loi prévoyant la prise de mesures restrictives à l'égard des biens de dirigeants et dirigeants étrangers d'États étrangers et de ceux des membres de leur famille »?
Eh bien, qu'est-ce qui ne va pas avec ce titre? En fait, je ne veux pas le savoir. Il est acceptable. Je crois savoir ce que vous allez dire.
Selon le paragraphe 11(2), la loi ne s'applique-t-elle pas aux citoyens canadiens qui pourraient se trouver au Canada ou à l'étranger? Non? Alors, il ne s'agit nécessairement que de dirigeants étrangers.
Cela tient au poste que la personne occupe ou a occupé au sein du gouvernement de l'État étranger. Ce n'est pas la nationalité qui déclenche tout ça; c'est le poste auquel la personne est liée au sein du gouvernement de l'État étranger.
Pouvons-nous demander à nos témoins s'ils seraient à l'aise avec la proposition de M. Rae, quelque chose comme « Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus »?
De votre point de vue, cela pose-t-il des problèmes?
D'accord. S'il n'y a pas d'autre commentaire, je vais demander la mise aux voix.
Qui est pour l'amendement du titre?
Des voix: D'accord.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi modifié aux fins de son utilisation par la Chambre à l'étape du rapport?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci. C'est fait.
Merci aux représentants officiels.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous allons prendre une pause d'une minute pour laisser nos invités prendre place. Nous accusons un léger retard, mais nous allons nous assurer d'avoir une demi-heure.
Est-ce que mes chers collègues pourraient reprendre place?
J'aimerais remercier tout le monde d'avoir contribué à l'atteinte de notre objectif.
Nous avons environ 15 minutes de retard aujourd'hui, mais nous allons tout de même accorder à notre invité la demi-heure que nous lui avons promise. Je veux remercier René Magloire d'être ici aujourd'hui. Il est le conseiller spécial du président d'Haïti.
Merci d'avoir pris le temps d'être ici aujourd'hui. Je sais que vous avez un horaire chargé, alors, je suis heureux que vous puissiez nous accorder du temps et que nous puissions vous recevoir.
Je sais que vous avez des observations préliminaires ou une déclaration préliminaire à présenter. Nous allons vous donner la parole. Et chaque parti aura probablement assez de temps pour vous poser des questions durant environ cinq minutes — si nous procédons de cette façon. Nous allons ensuite lever la séance aux alentours de moins quart. Cela vous convient?
Monsieur, merci d'avoir patienté lorsque nous examinions notre projet de loi. Je vais maintenant vous donner la parole.
Tout d'abord, je dois vous remercier et remercier les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de me donner l'occasion de vous entretenir d'un défi qui se pose depuis le 16 janvier 2011 dans mon pays, Haïti.
Comme vous le savez, le 16 janvier dernier, l'ex-président d'Haïti, M. Duvalier, est revenu et cela a causé tout un émoi au sein de la population. Le gouvernement d'Haïti a décidé de respecter ses obligations internationales en matière de poursuites concernant ce que nous qualifions de crimes contre l'humanité. En effet, l'ex-président Jean-Claude Duvalier, qui a dirigé le pays de 1971 à 1986, est accusé d'avoir participé à un certain nombre de violations graves des droits de la personne dans le pays ou d'avoir fermé les yeux sur ces dernières. Maintenant, le système judiciaire haïtien — et je pense que ce n'est un secret pour personne — est très faible. C'est la première fois que la justice haïtienne aura à entendre une cause de la sorte, à savoir portant sur des crimes contre l'humanité. La plupart des jurys haïtiens ne connaissent pas bien cette notion de crime contre l'humanité.
Toutefois, le gouvernement haïtien a décidé de continuer sa lutte contre l'impunité et de respecter ses obligations internationales. Le président d'Haïti a reçu une lettre de la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Pillay. Elle a offert à Haïti les services de l'Office des Nations Unies. Ces services couvrent deux volets: l'un concerne la formation rapide des jurys haïtiens et l'autre a comme but de nous aider à monter les dossiers de poursuite contre l'ex-président Duvalier et consorts.
Je suis actuellement en mission au Canada, et c'est d'abord pour rencontrer les nombreuses victimes de ce régime. La plupart de ces gens sont maintenant des citoyens canadiens, mais ils veulent porter plainte contre le régime de Duvalier et voir dans quelle mesure Haïti pourrait bénéficier de l'expertise du Canada dans ce domaine. Nous savons qu'il n'y a pas si longtemps, le Canada a poursuivi un ressortissant rwandais accusé de crimes graves contre l'humanité. Nous savons aussi que le Canada a développé une expertise dans ce domaine et nous voulons voir s'il peut la partager avec nous. En outre, nous aimerions que le gouvernement canadien soutienne l'initiative prise par le gouvernement haïtien d'engager des poursuites contre l'ex-président Duvalier et consorts. L'appui officiel du Canada à l'égard de l'initiative prise par le gouvernement d'Haïti serait la bienvenue.
Je peux vous dire que deux séries de crimes sont reprochées à Duvalier. Il y a des crimes économiques et des crimes contre l'humanité. Pour ce qui est des crimes économiques, des documents sont déjà en notre possession. Il s'agit de rapports qui ont été élaborés à l'époque par le ministère de la Justice, le ministère de l'Économie et des Finances, la Banque d'Haïti et les différents directeurs généraux des organismes déconcentrés qui ont été siphonnés par ce régime.
(1720)
Le problème est que les défenseurs de Duvalier invoquent le principe de la prescription. Toutefois, nous pensons que dans ce cas, la prescription ne s'applique pas puisqu'il y a eu, depuis 1986, une série de procédures. En effet, le Code d'instruction criminelle d'Haïti prévoit que dès qu'il y a un acte de poursuite ou une enquête, la prescription est interrompue et recommence pour une autre période de 10 ans. Du côté du Parquet de Port-au-Prince, nous sommes très confiants qu'il n'y a pas de prescription possible.
À l'heure actuelle, c'est au sujet des crimes contre l'humanité qu'il y a des débats en Haïti. L'expertise internationale pourrait nous aider. Avec le droit pénal international, la question des Arméniens en 1915-1919, toute la jurisprudence, le procès de Nuremberg, les tribunaux pénaux internationaux et les tribunaux pénaux régionaux, on sait que les arguments de Duvalier ne pourront pas tenir si nous avons des juges bien informés lors du procès. C'est là notre inquiétude.
Je vais m'arrêter ici. Si vous avez des questions, je vais y répondre.
Vous êtes le bienvenu. J'espère que le gouvernement du Canada pourra vous aider.
Est-ce que vous pouvez nous dire exactement quelles sont les initiatives canadiennes que vous voudriez voir mises en oeuvre? Est-ce que vous voudriez qu'on partage notre expérience et qu'on vous envoie des juges étrangers pour siéger à une enquête sur l'ancien président? Est-ce que vous pouvez nous dire exactement comment cela se ferait?
L'appui du Canada est la première chose que nous recherchons chez votre gouvernement. C'est une déclaration politique ou un appui politique à la démarche qui a été entreprise par l'État haïtien relativement aux crimes graves contre l'humanité.
Deuxièmement, on demanderait, bien sûr, un partage de l'expertise qui a été développée au Canada dans ce genre de poursuites. Il y a plusieurs juristes experts canadiens qui pourraient aider les gens du Parquet à préparer les dossiers.
Vendredi, j'ai eu la chance de rencontrer le bâtonnier du Québec et le directeur général. Ils nous ont dit qu'ils avaient des juristes du Barreau du Québec qui pourraient nous aider. Certains ont travaillé dans des tribunaux pénaux internationaux. Ils ont donc une expérience en semblable matière.
J'ai une autre question à laquelle vous aurez peut-être de la difficulté à répondre. En ce moment, quel est le statut légal de l'ancien président Aristide? Selon la loi haïtienne, est-ce qu'il peut retourner au pays?
Oui. En vertu de la loi haïtienne, il peut retourner au pays. D'ailleurs, il y a environ deux semaines, le gouvernement haïtien lui a délivré un passeport diplomatique.
En ce moment, je ne peux pas vous le dire. Cependant, je sais qu'il y a eu, en 2004-2005, une commission d'enquête administrative sur son administration qui a été mise sur pied. En principe, il pourrait aussi y avoir des poursuites contre l'ex-président Aristide.
Merci, monsieur Magloire, d'être ici parmi nous. J'ai deux questions très brèves à vous poser.
Premièrement, quelle cour, au sein même du gouvernement haïtien, peut juger l'ancien président Duvalier pour ses crimes contre l'humanité? Deuxièmement, nous savons très bien qu'il y a actuellement un deuxième tour d'élection et que l'un des deux candidats, la candidate, était ici à Montréal très récemment, soit la semaine dernière. Est-ce qu'on discute, dans le contexte de l'élection prochaine en Haïti, du fait que le président Duvalier pourrait être mis en accusation devant une cour des droits de l'homme?
C'est le tribunal de première instance de Port-au-Prince qui peut juger l'ex-président Duvalier. Actuellement, le dossier est devant le cabinet d'instruction. Le Parquet a en effet porté l'affaire devant le cabinet d'instruction, qui est en train de l'investiguer. En principe, suivant la loi haïtienne, le cabinet d'instruction dispose d'un délai de deux mois pour enquêter et d'un mois pour rendre l'ordonnance à la suite de l'enquête. Bien sûr, ce délai peut être prorogé s'il y a une justification, mais il est de deux mois et ensuite d'un mois pour ce qui est de rendre l'ordonnance. Dans ces conditions, le procès pourrait être instruit devant le tribunal de première instance.
En ce qui concerne le deuxième tour des élections, qui va avoir lieu le 20 mars, j'ai entendu Mme Manigat dire qu'elle pourrait envisager la poursuite des procédures. Comme vous le savez, le mandat du président Préval expire au plus tard le 14 mai prochain. En tant qu'ancien ministre de la Justice et de la Sécurité Publique de ce président et, présentement, de conseiller spécial, je crois que nous devons tout faire, de concert avec la communauté internationale, bien sûr, pour que le dossier soit quasiment à un point de non retour au cas où l'on tendrait à ne pas poursuivre la procédure ou s'il était difficile de le faire. L'engagement de la communauté internationale à l'égard de la poursuite et de la lutte contre l'impunité devrait se manifester le plus tôt possible.
Bonjour, monsieur Magloire. Je vous remercie beaucoup de votre patience. Des incidents ont retardé votre témoignage.
Ce que vous demandez du Canada, c'est une expertise et vous voulez que ça se fasse directement. Autrement dit, comme vous l'avez mentionné un peu plus tôt, vous aimeriez qu'on envoie des juristes chez vous pour mettre sur pied une structure afin, entre autres, de réhabiliter l'État en matière de crimes graves contre l'humanité. Est-ce exact?
Vous avez rencontré la diaspora haïtienne. Comment celle-ci réagit-elle aux attentes que vous avez à son égard et aux demandes que vous soumettez par son entremise au Canada?
En ce qui concerne la première partie de votre question, je pense que l'expertise des juristes canadiens peut nous être utile et qu'elle est souhaitable, tant du point de vue du Parquet et des procureurs de la Couronne, que de celui de la magistrature elle-même. Cette expertise pourrait être bien vue. J'ai eu l'occasion de rencontrer Mme Elizabeth Corte, qui est juge en chef de la Cour du Québec. Elle m'a promis son soutien auprès des magistrats haïtiens.
Comme je l'ai dit déjà, les juristes en Haïti ne connaissent pas bien ces notions. Bien peu connaissent le droit pénal international, qu'il s'agisse notamment de jus cogens ou d'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité. Si l'appareil judiciaire ne reçoit pas un minimum de formation et d'information, ça risque d'échouer. Le soutien politique du Canada est également souhaité.
J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de Haïtiens de la diaspora ou de Canadiens d'origine haïtienne depuis jeudi dernier. Tout le monde souhaite que la justice suive son cours en Haïti, parce que ce serait le début d'une ère nouvelle. Je pense que la cause de Duvalier n'a pas pour unique objet de le punir, mais cela servira aussi d'exemple afin de décourager éventuellement tout dirigeant qui pourrait être tenté de dilapider les fonds publics.
Pour conclure, monsieur le président, je ne sais pas si un projet pourrait être soumis à l'ACDI, par exemple. On pourrait présenter un projet qui impliquerait une batterie d'experts et de juristes d'ici qui pourraient aller sur place apporter cette expertise et cette formation. J'imagine que la ministre de la Coopération internationale a une grande ouverture envers Haïti. J'imagine qu'elle aurait une oreille attentive pour un tel projet.
Votre nom est selon moi très associé à Haïti. En effet, j'étais encore un enfant lorsque votre oncle, le président Paul Eugène Magloire, est venu à Montréal. À cette époque, il avait fait une forte impression.
Je voudrais demander une précision. On parle de Jean-Claude Duvalier, mais quel est son statut exact en ce moment? Est-il en prison, en garde à vue, en liberté surveillée? Qu'en est-il de son statut?
Actuellement, l'ex-président Duvalier est soumis à une interdiction de départ. Le juge d'instruction lui a personnellement demandé de ne pas se déplacer sans son autorisation, mais il n'a pas émis d'ordonnance écrite. Or, selon la jurisprudence haïtienne, s'il n'y a pas d'ordonnance écrite, il n'y a pas de décision. Il y a une interdiction de départ. Il ne peut pas quitter le pays, mais il peut se déplacer à l'intérieur du pays. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait récemment.
C'est un gros problème pour les dirigeants et la police. Ses déplacements constituent un casse-tête pour les forces de sécurité. Nous souhaitons que le cabinet d'instruction donne suite au dossier parce que nous y avons travaillé depuis deux semaines. Personnellement, je dirige une équipe qui était chargée de préparer le dossier pour le Parquet, pour la Couronne. Ce dossier a été transmis au cabinet d'instruction et j'espère que lors de la prochaine audition de M. Duvalier, qui pourrait avoir lieu cette semaine, d'autres mesures seront prises contre lui.
Monsieur Magloire, vous avez parlé de Duvalier et du fait que vous cherchez de l'aide pour — je suppose — lui faire un procès. Les Nations Unies s'occupent toujours de la situation en Haïti. Ne s'agit-il pas d'une organisation qui pourrait prendre en charge cette enquête dans le contexte d'une intervention de la Cour internationale? Pourriez-vous peut-être fournir des commentaires sur Aristide? Vous dites qu'il y a eu une enquête administrative sur ses actes qui a été menée en 2004-2005. Lors de mon séjour en Haïti en 2006, j'ai cru entendre des rumeurs concernant une part considérable de financement qui aurait également quitté le pays avec lui. Pourriez-vous commenter ces deux points?
Oui, eh bien, je n'ai aucun moyen de le prouver, mais il y avait certainement une rumeur tenace qui donnait à penser qu'on soupçonnait Aristide d'avoir quitté le pays avec un montant considérable de fonds publics. Les enquêtes de votre administration ont-elles révélé des divergences? Donnaient-elles à penser que des fonds publics s'étaient envolés avec lui?
Je sais qu'il y a eu en 2004-2005 une commission d'enquête administrative au sujet de son régime. Je n'y ai pas participé personnellement. Il a été dit, au cours de cette enquête, qu'Aristide et certains de ses proches avaient aussi pillé la caisse du Trésor public. Il est certain que si Aristide retourne en Haïti, les mêmes mesures seront prises contre lui.
Je ne sais pas. Je sais que dans le cas de Jean-Claude Duvalier, on parle parfois de 400 millions de dollars et ça va jusqu'à 900 millions de dollars. Mais même dans le cas de Duvalier, je n'ai pas les chiffres exacts.
Lors de mon séjour en Haïti en 2006, nous venions tout juste de former un gouvernement. J'ai produit un rapport approfondi qui cernait certaines choses qui devraient figurer en priorité dans les recommandations. Un des éléments que j'ai notés en 2006 touchait les grandes difficultés liées à la propriété des terres et à la réforme.
Selon les notes d'allocution et les transcriptions relatives à nos discussions sur Haïti, je remarque qu'une des difficultés est liée aux besoins de construire 200 000 maisons, surtout à l'heure actuelle, après le séisme. Ce sont de simples maisons transitoires cubiques en bois. Elles ne sont pas très complexes. Après plus d'un an, on a seulement été en mesure de bâtir 30 000 maisons jusqu'à maintenant. Cela donnerait à penser que les gens vivant sous des bâches y resteront durant cinq autres années avant même de passer à une maison modeste. Selon eux, la grande difficulté tient au régime foncier, à la propriété des terres et au fait de décider qui possède quoi.
J'ose croire que le gouvernement serait en mesure de faire avancer les choses plus rapidement. Pourriez-vous commenter les grandes difficultés qui existent? Quels sont les obstacles qui font qu'il y a 170 000 familles qui vivent toujours temporairement dans des tentes en plastique?
J'aimerais bien pouvoir répondre à votre question de façon précise, mais je ne suis pas très au courant de cette question relative à la reconstruction en Haïti. Je suis plutôt un spécialiste des questions juridiques et judiciaires. Ce que je sais, c'est que nous avons effectivement un problème de cadastres en Haïti. Ce problème existe depuis très longtemps. C'est une question de titres de propriété. Les titres de propriété en Haïti ne sont pas toujours très clairs. Il y a donc une réforme à faire à cet égard.
Quand vous êtes venu en Haïti, en 2006, j'étais probablement ministre de la Justice. Or, dans le cadre de notre programme de réforme, la priorité était de renforcer l'appareil judiciaire et, en même temps, d'accorder l'indépendance à la magistrature. C'est la raison pour laquelle nous avons adopté, en 2007, les trois lois sur la réforme judiciaire — des lois qui, d'après nous, vont servir dans le cadre de la réforme judiciaire —, à savoir la Loi relative au Conseil supérieur du Pouvoir Judiciaire, la Loi portant sur le Statut de la Magistrature et la Loi relative à l'École de la Magistrature.
Par ailleurs, c'est vrai qu'il y a un problème de titres de propriété en Haïti et il serait utile d'obtenir une expertise pour le régler.
Comme je l'ai dit, cela remonte à 2006. Ayant eu un aperçu du montant d'aide que le Canada et d'autres pays ont octroyé au cours de la décennie précédant le séisme, j'ai remarqué que la conjoncture économique d'Haïti ne s'est pas améliorée; en fait, la conjoncture s'est dégradée durant cette période.
Vous avez alors parlé de Duvalier. Certains avancent des choses au sujet d'Aristide aussi. Haïti connaît malheureusement des problèmes de gouvernance depuis très longtemps. Est-ce que vous vous attendez, à l'égard de la gouvernance, à de grandes améliorations qui laissent présager un avenir plus optimiste? Le passé a été une tragédie. Quels sont vos espoirs pour l'avenir?
Jusqu'au 12 janvier 2010, il y a eu beaucoup d'amélioration dans la gouvernance en Haïti. D'ailleurs, la Banque mondiale et même le Fonds monétaire international l'ont mentionné dans leurs rapports.
Toutefois, avec le tremblement de terre et en raison de la centralisation des habitants à Port-au-Prince, tout le pays s'est effondré.
Vous avez raison, les choses ne vont pas vite. Cela va être difficile parce que, simplement pour déblayer Port-au-Prince, cela va prendre encore du temps. De la façon dont les édifices sont construits à Port-au-Prince, le peu de machinerie lourde qu'il y a ne peut pas entrer dans les corridors des rues. Les gens sont donc obligés de déblayer à la pelle et de transporter les gravats sur le bord de la route pour que l'on puisse les ramasser.
Il s'agit donc d'une situation très difficile pour un pays qui, avant le 12 janvier, essayait tant bien que mal de s'en sortir. À la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010, c'est devenu la catastrophe.
Avant de terminer, j'aimerais répondre à l'une de vos premières questions concernant la MINUSTAH. À la suite de l'offre de la Mission des Nations Unies à Haïti à laquelle le président René Préval a répondu affirmativement et positivement, la Section des droits de l'homme de la MINUSTAH travaille avec nous, particulièrement avec moi et avec les représentants des droits de l'homme.
En effet, nous sommes en train d'organiser un colloque, à la fin du mois, qui va réunir quelques experts haïtiens et étrangers pour justement se familiariser avec la notion de droit pénal international. Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies nous appuie énormément dans notre démarche.
Le terme que vous avez employé et qui m'a marqué, c'est « impunité ». J'ai également fait remarquer que les Haïtiens ont en vu beaucoup plus que ce que la majorité des gens seraient en mesure de concevoir — et on ne parle même pas de la survie — lorsque je pense au passé récent. Comme si les choses n'allaient pas déjà assez mal, on a eu la catastrophe du séisme, puis l'épidémie de choléra. Et maintenant, le retour de quelqu'un comme M. Duvalier a, pour bon nombre de personnes — et, depuis son retour, j'ai entendu des témoignages de personnes vivant au Canada et de personnes vivant en Haïti sur ce que cela représente pour eux — rappelé les horreurs vécues sous son régime.
Je suis curieux. Vous témoignez devant nous aujourd'hui, et nous sommes un comité du Parlement du Canada. Le gouvernement canadien — et j'ignore si c'est le cas, je pose simplement la question — a-t-il parlé en faveur de la possibilité de déposer des accusations contre Duvalier? Êtes-vous au courant de déclarations du gouvernement canadien à cet effet? Le gouvernement sait peut-être cela.
Moi non plus, et je suis simplement curieux. Vous voulez un soutien à l'égard de l'infrastructure judiciaire — si je peux employer ce terme — en Haïti. Mais je crois que la majorité des gens voudraient que la justice soit mise à l'avant-plan ici.
Concernant l'offre de soutien, vous dites que vous aimeriez recevoir l'aide d'experts canadiens. Je crois que votre présence aujourd'hui est importante, car, en tant que comité, nous étudions la situation d'Haïti. Aux fins du compte rendu, nous voulons vous assurer qu'une des choses que vous demandez, en tant que témoin, c'est du soutien à l'égard de l'appareil judiciaire haïtien pour qu'on puisse prendre des mesures à l'égard de M. Duvalier.
Quant aux preuves, auriez-vous accès à suffisamment d'éléments de preuve pour porter des accusations — si vous aviez le soutien et l'infrastructure dont vous avez besoin en Haïti?
Oui. Concernant les crimes économiques, comme je l'ai dit, nous avons plusieurs rapports et nous avons aussi obtenu de la Banque de la République d'Haïti des copies de chèques signés de la main même de Jean-Claude Duvalier et de ses ministres ou directeurs généraux. Nous avons donc toutes ces preuves.
Concernant les crimes contre l'humanité, il y a des témoins et des plaignants qui ont déjà déposé des plaintes. De plus, le cabinet d'instruction a déjà commencé à entendre certains témoins. Ici, au Canada, j'ai rencontré vendredi soir plusieurs Canadiens d'origine haïtienne qui veulent porter plainte contre M. Duvalier. Ainsi, nous allons prendre les mesures pour que leurs plaintes soient acheminées au Parquet de Port-au-Prince ou au cabinet du juge d'instruction qui entendra l'affaire.
Une des choses qui importe est la collecte de témoignages. Nous avons des experts dans ce domaine. Nous avons la capacité de mener un procès pour crimes de guerre. De fait, nous avons réussi dans le cas du Rwanda, comme vous le savez.
Je me demande si vous avez demandé explicitement au ministère de la Justice du soutien pour vous aider à organiser et à obtenir des éléments de preuve. Est-ce que c'est ce que vous faites actuellement, demander aux gens d'appuyer cela?
D'accord, car je crois qu'il importe de nous présenter cela comme une recommandation.
Une des difficultés, bien entendu, tient à la capacité de mener une telle démarche en Haïti, comme vous l'avez dit. Considérez-vous que cette affaire pourrait être renvoyée à la Cour pénale internationale?
Par rapport au Statut de Rome, on ne peut pas poursuivre M. Duvalier devant la Cour pénale internationale, car ce sont des crimes qui ont été commis avant 2002, soit avant l'entrée en vigueur du Statut de Rome lui-même.
Pour conclure, monsieur le président, je crois qu'il est clair que le Canada a un rôle à jouer. J'aimerais que nous comprenions très clairement ce que demande notre témoin, et j'espère que notre gouvernement peut fournir l'aide nécessaire, car, comme nous l'avons déjà expliqué, Haïti doit exorciser son passé pour assurer son avenir.
Je vais simplement remercier notre témoin, et j'espère que nous serons très explicites dans nos recommandations.