:
Je vous remercie de me donner l'occasion de parler du G-8. Je m'appelle Elly Vandenberg, et je suis la directrice du Bureau d'Ottawa de Vision mondiale Canada.
[Traduction]
Ma collègue Teresa Chiesa, de CARE Canada, et moi-même, de Vision mondiale, vous parlerons de la priorisation du G8 relativement à la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants. Je m'appuierai sur les meilleures pratiques et l'expérience sur le terrain des ONG qui travaillent au sein des collectivités dans les pays en développement pour vous donner une vue d'ensemble de trois éléments: la crise actuelle à laquelle sont confrontés les femmes et les enfants dans les pays en développement; le contexte du sommet du G8 de cette année et la possibilité de résoudre la crise grâce à l'initiative du G8 pour les mères et les enfants de moins de cinq ans; et valeur ajoutée unique de la contribution du Canada.
On s'entend de plus en plus sur ce qui contribue à la mortalité des femmes et des enfants dans les pays en développement et sur ce qui peut sauver des vies. Les pays du G8 ont une occasion unique de mobiliser les ressources pour sauver des vies, et le Canada a un rôle de chef de file à jouer à ce chapitre.
Parlons d'abord de la crise actuelle. Beaucoup d'entre vous connaissez le rôle du Canada et des ONG lorsque survient une tragédie comme le tremblement de terre en Haïti, mais il y a actuellement une crise silencieuse, un manque d'accès à des soins de santé de base efficaces pour les femmes et les enfants les plus pauvres du monde. Vous avez tous entendu parler des statistiques alarmantes. Cette année, près de 9 millions d'enfants mourront de causes évitables et plus de 300 000 femmes mourront de complications liées à la grossesse et à la naissance. Vous pouvez trouver les chiffres dans les revues scientifiques, et je sais que diverses sources ont cité des statistiques. Mais ce que je ne veux pas que nous perdions de vue, ce sont le gens derrière ces chiffres: des enfants qui ont l'air de bébés, mais qui sont en fait âgés de quatre ans, qui sont rachitiques et souffrent de malnutrition, ou des enfants qui meurent d'une maladie comme la diarrhée, pour laquelle nos enfants manqueraient peut-être à peine un ou deux jours d'école. Derrière les statistiques, il y a des mères qui meurent d'une hémorragie à l'accouchement parce qu'elles n'ont pas reçu les soins que vous ou moi, vos femmes, soeurs, filles ou mères avons reçus. Ce sont les gens que nous rencontrons chaque jour dans les pays où nous travaillons. Tout à l'heure, Teresa vous parlera plus en détail des causes de cette crise silencieuse et des solutions possibles. Je vais vous parler de la façon dont nous pouvons utiliser la rencontre du G8 et le rôle de chef de file du Canada pour intervenir et faire avancer les choses.
Pourquoi le contexte de cette année est-il si important pour améliorer le sort des femmes et des enfants? L'année 2010 est une année unique pour catalyser les progrès en matière de santé maternelle et infantile et pour nous assurer que les promesses faites par les dirigeants mondiaux seront tenues. Lors du Sommet du millénaire des Nations Unies, qui s'est tenu en 2000, les dirigeants politiques se sont engagés à remplir les objectifs du millénaire pour le développement, une série d'objectifs limités dans le temps visant à réduire l'extrême pauvreté d'ici à 2015. Robert Fox, mon collègue d'Oxfam, vous en parlera plus en détail tout à l'heure. Les objectifs sont interreliés, et des progrès ont été accomplis pour plusieurs d'entre eux. L'OMD-4 visant à réduire la pauvreté infantile et l'OMD-5 visant à améliorer la santé maternelle sont ceux pour lesquels il reste le plus de progrès à accomplir. Un consensus pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants a été établi et réunit des donateurs, des pays développés, des organismes internationaux et des organisations de la société civile. Cette année, le G-8 a l'occasion unique de tirer parti de ce consensus et de fournir l'élan nécessaire pour que le plan d'action mondial des Nations Unies atteigne les OMD en matière de santé au Sommet des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, qui aura lieu en septembre.
Il y a plus de 18 mois, les organisations canadiennes axées sur l'enfant qui appuient le consensus général — Vision mondiale, Plan Canada, Résultats Canada, Aide à l'enfance Canada, CARE Canada et Unicef — ont examiné ensemble l'occasion unique qu'offre le Sommet du G8 de 2010 de réaliser des progrès sur le plan des OMD en matière de santé. Puisque nos organisations travaillent depuis longtemps au sein des collectivités et qu'elles connaissent très bien les difficultés auxquelles sont confrontés les femmes et les enfants ainsi que les solutions les plus efficaces pour les surmonter, nous avons décidé de participer afin d'aider à préparer la contribution des pays du G8, y compris celle du Canada. Les efforts des ONG sont axés sur le rôle du Canada en tant que pays hôte du G8, mais se font également sur le plan mondial, dans le cadre des campagnes internationales pour mobiliser d'autres pays faisant ou non partie du G8 afin qu'ils s'engagent relativement à ces OMD. Cela nous donne beaucoup de dynamisme et d'espoir que de regarder le processus évoluer et de participer au consensus mondial qui s'établit au pays et dans le monde entier.
Nous nous réjouissons que le Canada fasse preuve de leadership en annonçant l'initiative du G8 sur la santé maternelle et infantile.
Quelle est la position préconisée par le G8 pour faire face à cette réalité? À quoi devrait ressembler l'initiative globale du G8, et dans quoi devrait-il investir?
Selon notre expérience collective des programmes et les plus récents ouvrages en matière de meilleures pratiques, comme The Lancet, nous croyons que le sommet du G8 peut avoir un effet de catalyseur sur les progrès relatifs aux OMD 4 et 5 grâce aux initiatives suivantes: investissement important de nouvelles sommes dans, premièrement, un ensemble intégré de solutions ayant fait leur preuve qui, deuxièmement, soutiennent les régimes de santé nationaux et qui, troisièmement, renforcent les systèmes de santé dans — quatrièmement, là où le bât blesse — un cadre d'actions coordonnées et responsables. C'est ce que nous demandons.
Le résumé du président portant sur la réunion récente des ministres du développement à Halifax indique que de nouvelles sommes seront annoncées et que ces principes de base paveront la voie à l'initiative du G8. On parle plus particulièrement d'investissements dans l'ensemble intégré d'interventions étrangères suivant, dont vous avez probablement déjà entendu parler: soins prénataux et postnataux, planification familiale, y compris la contraception, santé génésique, traitement et prévention des maladies, prévention de la transmission verticale du VIH, immunisation et nutrition.
En s'appuyant sur les principes d'efficacité de l'aide définis à Paris et à Accra, l'initiative devrait soutenir les régimes de soins de santé nationaux afin d'aider à assurer la mise en place de l'infrastructure nécessaire pour soutenir l'élargissement de l'éventail des interventions.
Le renforcement des systèmes de santé signifie que l'amélioration des résultats relatifs à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants dépendra de la capacité des femmes et des enfants de profiter du continuum de soins complet, de la grossesse à l'accouchement et à la petite enfance, ainsi que de la maison à la clinique et à l'hôpital, et inversement.
La responsabilisation à tous les niveaux ainsi qu'un contrôle et une évaluation améliorés sont essentiels au succès de l'initiative. Sur le plan mondial, on devrait concentrer les efforts sur les pays et les régions où les taux de mortalité infantile et maternelle sont les plus élevés. Le G8 devrait tirer parti de son expérience en matière d'actions concertées afin d'assurer une certaine souplesse aux donateurs. Divers mécanismes de financement existants devraient être envisagés, dont le soutien pour l'élargissement de l'Initiative catalytique, l'aide bilatérale directe aux régimes de soins de santé nationaux et le partenariat avec des organisations multilatérales et de la société civile pour appuyer le continuum de soins complet.
Nous nous réjouissons que la se soit engagée à fournir des fonds supplémentaires pour l'initiative du G8, ce qui garantit un financement stable de tous les programmes de l'ACDI. Nous suivrons cela de près. Nous avons hâte au sommet du G8 en juin et nous nous attendons à ce que tous les pays du G8, y compris le Canada, prennent des engagements clairs.
Si l'on se fonde sur l'expérience, les leçons apprises, les priorités énoncées par l'ACDI et son engagement à fournir une aide à la fois concentrée et efficace, quelle devrait être précisément la contribution du Canada?
Vous trouverez tous les détails dans le mémoire de notre coalition, mais sachez que le Canada doit mettre l'accent sur quatre éléments: assurer la présence de nombreux travailleurs de la santé compétents et motivés, qui sont au bon endroit, au bon moment, et qui peuvent compter sur l'infrastructure, les médicaments et l'équipement nécessaires, afin de s'attaquer aux causes principales de la mortalité des mères, des nouveau-nés et des enfants en permettant d'atteindre les plus pauvres et les plus vulnérables; l'intégration d'interventions très efficaces ayant fait leurs preuves pour assurer des grossesses et des accouchements sains; une série d'interventions de planification familiale au sein de l'ensemble des interventions; et finalement — la contribution du Canada, et le hic dont j'ai parlé — la responsabilisation envers les collectivités et la mesure des résultats.
Nous nous réjouissons que les ministres du Développement du G8 se soient engagés à entreprendre une action politique plus ferme à l'égard de l'efficacité, la responsabilisation, la coordination et la durabilité de l'aide.
À quoi cela ressemble-t-il?
Le Canada a une expérience particulière du recours aux méthodes qui permettent aux hommes, aux femmes et aux enfants de participer activement à leurs propres soins de santé. Des données et renseignements exacts et opportuns ainsi que des indicateurs de rendement communs seront essentiels pour soutenir la prise de décision fondée sur des preuves et permettre de comparer et de normaliser les rapports et les résultats.
En conclusion, étant donné l'importance des preuves dont on dispose et du fort degré de concertation mondiale sur les mesures à prendre, il n'est pas nécessaire d'attendre de nouvelles découvertes: il est temps d'agir pour améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Nous croyons que le Canada peut contribuer de façon importante à cet effort mondial en mettant l'accent sur les personnes les plus vulnérables et en s'assurant qu'elles peuvent avoir accès aux travailleurs de la santé de première ligne qui fournissent des services de santé de base à proximité de leur foyer.
En terminant, dans le cadre de mon travail, j'ai le privilège de rencontrer des femmes et des enfants dans les pays en développement. Ils ne demandent pas des choses extravagantes, mais des outils fondés sur l'expérience qui ont un impact réel dans leur vie.
Au Malawi, des femmes m'ont montré fièrement les récoltes qu'elles ont obtenues à partir de cultures diversifiées et nutritives, qui leur donnent de l'énergie et permettent la croissance de leurs enfants; une fillette m'a parlé des avantages pour elle et pour ses frères et soeurs de se nettoyer les mains; j'ai vu des femmes chanter et discuter des avantages de l'allaitement; des hommes et des femmes ont organisé ensemble des jeux de rôle sur l'importance de l'espacement des naissances et des soins prénataux et postnataux appropriés; des travailleurs de santé communautaire formés et équipés m'ont parlé fièrement de l'impact de leur travail sur la croissance des enfants; on m'a dit que le gouvernement du pays est en train de modifier les politiques afin de permettre l'enrichissement de la farine, quelque chose que nous tenons pour acquis au Canada. J'ai vu des femmes, des enfants et des familles profiter directement de politiques, d'objectifs et de programmes internationaux.
Je me consacre au développement international depuis plus de 20 ans. Les occasions de grands changements se présentent et disparaissent. C'est un moment unique pour le Canada; il est le pays hôte du Sommet du G8, la recherche et l'expérience en arrivent aux mêmes conclusions, et il y a un consensus au sujet d'interventions précises.
Les ONG canadiennes ont collaboré entre elles et avec leurs collègues internationaux afin d'en arriver à un consensus. Nous continuerons à exhorter le gouvernement à profiter de cette occasion pour investir de façon responsable de nouvelles sommes importantes dans ces interventions qui ont fait leurs preuves et pour avoir un impact réel sur la vie des mères et des enfants.
Merci.
:
Bonjour. Je m'appelle Teresa Chiesa et je suis conseillère en santé et gestionnaire de programmes à CARE Canada. Aujourd'hui, j'espère pouvoir clarifier les questions entourant la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants et vous fournir des informations sur les coûts économiques et sociaux qui justifient notre investissement dans cette initiative.
D'abord, j'aimerais vous parler un peu de mon expérience. Dans le cadre de mes fonctions à CARE Canada, je dirige et j'appuie techniquement un projet financé par le Canada visant à assurer la survie des enfants dans les régions rurales de la Zambie. Ce projet offre une expérience pratique au sein d'une initiative visant à aider les travailleurs de la santé de première ligne à acquérir les compétences requises pour sauver la vie des enfants de moins de cinq ans. Plus de 200 000 enfants et leurs familles profitent de ces fonds de l'ACDI.
Avant de travailler à CARE, j'ai vécu en Afrique subsaharienne durant sept ans, dans les pays qui se situent constamment au bas des tables de mortalité maternelle et infantile de l'UNICEF. Je travaillais dans la prestation des services de soins de santé primaires, qui comprennent les programmes de santé maternelle et infantile, aux femmes et à leur famille dans les collectivités rurales. Les années que j'ai passées dans ces collectivités me permettent de savoir qui va bénéficier de cette initiative canadienne: les personnes qui ne peuvent se faire entendre et celles qui en ont le plus besoin.
Au cours de mon séjour en Afrique, j'ai eu la chance de participer aux réjouissances entourant la naissance d'enfants dont les mères ont survécu à leur grossesse et de voir des enfants rire et jouer, comme ils sont censés le faire. Mais j'ai aussi été confrontée directement à la profonde tristesse entourant la mort inattendue d'une mère, d'un nouveau-né ou d'un jeune enfant. Pour ces familles et ces communautés, un décès est extrêmement affligeant, et même si nous pouvons le comprendre dans notre contexte, on peut imaginer la situation de ceux qui restent lorsque la personne décédée est le seul soutien financier. On se demande si les enfants qui restent survivront ou comment le père seul réussira à élever ses enfants, et la communauté continue de se demander pourquoi cela arrive constamment.
Dans certaines cultures, on donne un nom au nouveau-né seulement quelques semaines après la naissance; ces communautés savent que beaucoup d'entre eux meurent durant le premier mois. Ces décès surviennent non pas parce que le milieu de la santé ignore comment les prévenir, mais parce que le monde n'en fait pas assez pour aider les enfants.
J'aimerais simplement vous expliquer ce que nous voulons dire quand nous parlons d'un continuum efficace de soins, de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, de la santé génésique et de la planification familiale. Ces mots sont lancés ici et là, et je tiens à m'assurer que nous comprenons tous de quoi il s'agit. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet également.
Un continuum efficace de soins offre des services essentiels aux mères et aux enfants à des étapes critiques, de l'adolescence jusqu'à la grossesse, durant l'accouchement, les périodes postnatales et néonatales, et jusqu'au cinquième anniversaire de l'enfant. C'est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons d'un continuum de soins. Les services essentiels sont offerts par des travailleurs de la santé de première ligne formés, équipés et motivés, auprès de qui le gouvernement s'est engagé, dans des endroits clés à proximité du foyer et dans la communauté. Ces services sont offerts au moyen d'interventions d'approche ou dans des installations de santé où les femmes et les enfants peuvent y avoir facilement accès. Les partenariats communautaires en santé sont des éléments essentiels du continuum de soins. Les soins de santé doivent répondre aux besoins des collectivités et être offerts dans le respect de la culture, pour que les femmes les utilisent.
CARE a constaté que ce qui empêche certaines personnes de demander des services de soins de santé est notamment le fait que le personnel de santé n'est pas suffisamment formé et équipé, le manque d'intimité et de respect pour les clients et les retards bureaucratiques. Des preuves révèlent qu'une femme sur quatre accouche sans l'aide d'une personne compétente et que jusqu'à 80 p. 100 des décès d'enfants de moins de cinq ans surviennent à la maison, la plupart du temps sans que l'on ait obtenu l'aide d'un fournisseur de soins de santé. Quatre-vingt pour cent.
Si nous voulons sauver ces vies, il est essentiel de fournir du matériel et d'envoyer à proximité des foyers des travailleurs de soins de santé ouverts aux différences culturelles; il faut également concentrer nos efforts sur les principaux facteurs de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.
La santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants est liée à un ensemble de programmes et de services, dans lequel on trouve la santé maternelle, la santé sexuelle et génésique et la santé de l'enfant. Dans le passé, on a toujours abordé la santé de l'enfant de façon distincte et en intervenant de façon verticale, mais la communauté internationale s'est rendu compte de l'efficacité économique et pratique et des avantages d'associer ces services.
Comme l'a déjà mentionné Elly, et comme en a convenu le Canada, l'ensemble comprend entre autres: l'accès à des services et à du matériel d'information sur la planification familiale volontaire, ce qui permet aux femmes de planifier leur famille de façon volontaire en choisissant librement la méthode la mieux adaptée à leurs besoins; les soins prénataux, comme le traitement préventif intermittent de la malaria; des suppléments d'acide folique et de fer; tous les vaccins contre le tétanos; la présence d'une personne compétente à la naissance, ainsi que des soins obstétriques d'urgence — nous savons que la majorité des décès chez les femmes surviennent durant la grossesse et à l'accouchement — pour prévenir les hémorragies post-partum, l'arrêt de progression du travail, ce genre de problème; les soins postnataux immédiats pour la mère et le nouveau-né, car la plupart des enfants mourront dans les 24 premières heures, durant le premier mois ou la première année. Voilà les services clés.
L'allaitement exclusif fait partie de cet ensemble, de même que la prévention de la transmission verticale du VIH, l'éducation et la prestation de conseils sur la santé génésique et l'éducation des enfants, et un ensemble d'interventions essentielles à la survie des enfants, y compris l'immunisation, l'allaitement et une nutrition complémentaire appropriée afin d'améliorer leur état nutritionnel, des suppléments de vitamines et de micronutriments — nous savons que la plupart de ces enfants, parce qu'ils souffrent de malnutrition, n'ont pas les niveaux adéquats de micronutriments et de vitamines —, ainsi que des traitements contre la septicémie, la pneumonie, la malaria et la diarrhée. Voilà ce qui cause la quasi-totalité des décès chez les enfants de moins de cinq ans.
Comme nous l'a dit Elly, on estime que de 300 000 à 500 000 mères perdent la vie dans le monde durant la grossesse et l'accouchement, que 41 p. 100 des nouveaux-nés mourront moins de quatre semaines après leur naissance et que 8,8 millions d'enfants mourront avant l'âge de cinq ans. Mais j'aimerais vous présenter une nouvelle statistique dont vous avez peut-être entendu parler. Je crois que la statistique la plus frappante que j'ai entendue, c'est que dans bien des pays où nous oeuvrons, une fille est plus susceptible de mourir durant une grossesse que de fréquenter l'école.
L'Agence américaine pour le développement international estime que la mortalité maternelle et infantile représente 15 milliards de dollars de manque à gagner à l'échelle mondiale chaque année. La mortalité maternelle compromet le bien-être des enfants survivants. La perte de revenus due au décès ou à la maladie d'une mère peut avoir un effet particulièrement dévastateur sur les ménages dirigés par une femme. On estime que les femmes sont le seul soutien économique de 25 à 33 p. 100 des ménages dans le monde. Ces familles vivent probablement déjà dans la pauvreté, et lorsqu'une mère perd la vie, sa famille se trouve brisée. Ses enfants sont moins susceptibles d'aller à l'école, de se faire vacciner contre les maladies et d'être bien nourris, et courent jusqu'à 10 fois plus de risques de mourir avant d'avoir atteint l'âge adulte.
Selon les données tirées du Projet du Millénaire des Nations Unies, ce sont les femmes qui accomplissent le plus gros du travail non rémunéré dans le monde. Ce travail non rémunéré a une valeur économique, car il évite des dépenses et remplace le revenu en temps de crise économique. Si l'on voulait calculer la valeur économique de la contribution totale que représente le travail non rémunéré des femmes dans le ménage, cela correspondrait au tiers du produit national brut dans le monde.
Les femmes des régions rurales sont responsables de la moitié de la production alimentaire dans le monde. Dans les pays en développement, et en particulier en Afrique, elles produisent de 60 à 80 p. 100 des aliments et prodiguent de 70 à 80 p. 100 des soins de santé. Par conséquent, la mauvaise santé des mères peut restreindre leur capacité d'apporter une contribution économique essentielle au ménage, dont la production alimentaire, l'alimentation en eau et les soins aux enfants, aux personnes malades et aux aînés.
En 2001, le directeur général de l'OMS a créé une commission sur la macroéconomie et la santé pour répondre à la nécessité de placer la santé au centre du programme de développement. Dans leur rapport, les spécialistes affirment que le lien entre la santé, la réduction de la pauvreté et la croissance économique est beaucoup plus fort qu'on pourrait le croire.
L'expérience clinique vient étayer l'argument voulant que la santé soit essentielle au développement économique des pays pauvres. La maladie bloque la croissance économique, et l'argument déjà avancé selon lequel la santé s'améliorera automatiquement si l'on connaît une croissance économique n'est pas fondé. La maladie ne disparaîtra pas sans que l'on investisse expressément dans les soins de santé.
En résumé, la mortalité maternelle et infantile n'est rien de moins qu'une épidémie. À l'échelle mondiale, des centaines de milliers de femmes meurent de complications liées à la grossesse ou à l'accouchement, et des millions d'enfants de moins de cinq ans meurent chaque année. Ces mères et ces enfants ne meurent pas parce que le milieu de la santé ignore comment prévenir leur décès, mais bien parce que le monde n'en fait pas assez pour les aider. Des travailleurs de la santé de première ligne soutenus, formés et équipés pour s'attaquer aux causes principales de la mortalité des mères, des nouveaux-nés et des enfants de moins de cinq ans, ainsi que l'accès à la planification familiale volontaire, à l'éducation, à l'information et aux services sont les interventions peu coûteuses qu'il est nécessaire d'assurer afin d'améliorer la santé et de réduire le taux de mortalité des mères et des nouveaux-nés.
La santé des femmes et des enfants doit être au coeur du programme de développement. Il a été prouvé que les liens entre la santé, la réduction de la pauvreté et la croissance économique sont plus solides qu'on ne l'avait cru. La santé est un élément essentiel au développement économique des pays pauvres.
Comme CARE l'a constaté, la mère est le pilier de l'unité familiale, laquelle est le pilier de la société. Lorsque nous sauvons la vie d'une mère, nous sauvons en fait une société.
Je tiens à féliciter le Canada de cette initiative.
:
Je vais faire un lien avec ces exposés en examinant sous un angle plus large toute la question des objectifs du millénaire pour le développement et l'ensemble des enjeux qui seront examinés dans le cadre du Sommet du G8 et auxquels nous devons faire face sur le plan mondial pour lutter contre l'extrême pauvreté qui touche notre planète.
En faisant cela, je crois qu'il est vraiment important de comprendre que même si c'est en matière de santé maternelle que nous avons fait le moins de progrès dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement, si nous regardons chaque indicateur, pour toutes les cibles que nous nous étions fixées, nous constatons que nous avons régressé par rapport aux progrès accomplis au début du siècle. Au cours des dernières années, nous avons connu le comble de la tourmente: crise mondiale sur le plan financier, crise alimentaire, crise du pétrole, crise climatique et crise des soins de santé; elles font toutes subir d'énormes pressions aux populations pauvres de cette planète. Et nous constatons pays après pays une érosion des acquis obtenus lentement mais sûrement pour tous les indicateurs clés. C'est une situation très préoccupante, et il est clair qu'une action globale concertée est nécessaire.
Quand il est question de pauvreté, comme on l'a dit, il est très important que nous sachions de qui nous parlons. Nous parlons des femmes des régions rurales et de leurs familles. Je trouve ironique le fait que ce sont les femmes responsables de la quasi-totalité de la production alimentaire mondiale qui sont les plus pauvres, les plus affamées, celles qui mangent les dernières et le moins, et que c'est dans cette situation qu'elles élèvent leur famille et qu'elles dirigent leur ménage, leur communauté, leur nation et leur société. Nous devons comprendre que l'initiative de santé maternelle doit être une initiative vaste et complète, qu'elle est fondée sur les droits et qu'elle comprend tous les droits sexuels et génésiques que l'on doit examiner. Pour que cette initiative soit un succès, elle doit permettre de réaliser des progrès dans tous les OMD. La meilleure façon de savoir si une fille va vivre jusqu'à un certain âge, c'est de vérifier le nombre d'années où elle est allée à l'école; le meilleur indice pour savoir combien d'enfants aura une femme, c'est le nombre d'années de scolarité. L'OMD en matière d'éducation est donc absolument essentiel.
La pauvreté des femmes n'est pas seulement une question de revenu, mais aussi de possibilités. C'est surtout une question de temps. Pour bien des femmes sur cette planète — surtout dans un contexte où les changements climatiques sont un danger réel et actuel et ont un impact sur la vie des gens les plus pauvres —, il ne s'agit pas d'une menace qui plane à l'horizon et que nous devons écarter; c'est une chose tout à fait présente dans leur vie quotidienne. Ce qui nous permet de l'affirmer, c'est que les femmes passent de plus en plus d'heures chaque jour à trouver et à transporter de l'eau, et que les filles manquent de plus en plus souvent l'école parce qu'on les a chargées de trouver et de transporter de l'eau pour leur famille. Les objectifs liés à l'éducation, à l'eau, au climat et à l'économie font tous partie de cette vaste initiative dans laquelle l'égalité des femmes et leur accès au pouvoir et à l'influence au sein de leur couple, de leur famille, dans les rues, les marchés, les législatures, les tribunaux, le Parlement, sont absolument essentiels aux changements à apporter sur cette planète si nous souhaitons atteindre les objectifs du millénaire pour le développement, et si en fait nous voulons vraiment réduire la pauvreté et promouvoir la justice dans le monde.
La réponse et le leadership du Canada à ce sujet ont toujours été indispensables, et il est très important que nous profitions de notre présidence du G8 et du G20 pour aller de l'avant. Nous saluons l'initiative entourant la santé maternelle et la santé des enfants. Nous voulons nous assurer qu'elle sera vaste et complète et qu'elle sera conforme aux engagements pris par le Canada dans le passé. Nous tenons également à nous assurer que le Canada encourage les progrès sur toutes ces questions et qu'il est prêt à soumettre des propositions concrètes sur le plan du financement relatif à la réduction des impacts sur le climat et à l'adaptation — et Clare vous en parlera plus en détail —, que le Canada tient compte de tous les OMD, et que nous ne choisissons pas seulement ceux qui nous plaisent en nous disant qu'il existe une sorte de formule magique et que si nous pouvions seulement atteindre celui-ci, ce serait suffisant; parce qu'en fait, ces objectifs sont tous interreliés et se renforcent et s'appuient mutuellement. S'il y a un objectif pour lequel on ne fait pas de progrès importants, on sera confronté au même problème quand on essaiera d'atteindre les cibles pour un autre.
Nous examinons donc cela, et lorsque nous le faisons, nous constatons que le niveau d'ambition en ce qui concerne le financement est absolument essentiel.
Il y a deux semaines, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, on m'a invité à prendre la parole sur la question des objectifs du Millénaire pour le développement. Dans mon allocution, j'ai souligné le fait que le monde avait amassé collectivement énormément de ressources pour faire face aux faillites bancaires et à la crise économique mondiale dans l'hémisphère Nord. L'ambassadeur américain aux Nations Unies s'est indigné de mes propos et a fait remarquer que si nous n'avions pas réuni autant de ressources, la population de l'hémisphère Sud serait encore plus pauvre.
J'aurais voulu que l'on présente une analyse comparative entre les sexes plus approfondie pour montrer comment on avait réparti dans le monde ces fonds de relance, et j'aurais voulu que l'on présente un programme écologique plus audacieux, mais j'ai bien précisé à l'ambassadeur que je ne critiquais d'aucune façon la quantité de ressources que nous avions mobilisées à l'échelle mondiale pour répondre à la crise économique. Toutefois, je tiens à dire très clairement que nous avons maintenant fixé les objectifs qui permettront d'évaluer comment nous nous occupons de la situation des milliards de personnes dans le monde qui vivent dans une pauvreté extrême.
Puisque nous avons pu amasser des billions afin de remettre à flot nos économies, les milliards dont nous avons besoin pour nous attaquer aux problèmes cruciaux des milliards de personnes sur cette planète représentent une somme plutôt modeste. En fait, c'est presque embarrassant.
Il est donc vraiment important que le Canada fasse preuve de leadership afin que nous nous fixions un objectif très clair et très ambitieux en matière de financement. Il est également important — et honnêtement c'est une préoccupation, puisque d'après le , il y aura un plafonnement du financement destiné à l'aide publique au développement dans les prochaines années — que nous prenions garde de déplacer le problème et que nous évitions, pour intervenir de façon dynamique sur la question de la santé maternelle, de compromettre d'autres engagements et d'autres initiatives que nous avons pris collectivement et que nous considérons tous essentiels au succès de l'initiative sur la santé maternelle.
Il faut donc qu'il soit bien clair que nous voulons obtenir une augmentation du financement, des sommes additionnelles pour être à la hauteur de nos ambitions et obtenir les résultats voulus. Et nous devons préciser, qu'il s'agisse du financement pour l'adaptation au climat ou de tout autre enjeu, qu'il s'agit d'un financement supplémentaire. Et nous devons préciser également qu'il nous faut des engagements à long terme afin de nous assurer que les fonds auront un impact réel dans la vie réelle de personnes réelles, et qu'ils ne seront pas affectés à la bureaucratie, à la comptabilité ou à d'anciens programmes d'aide.
Pour terminer, sachez que je suis conscient des pressions auxquelles le est soumis. Je suis aussi conscient des pressions auxquelles les parlementaires sont soumis en ce qui concerne l'établissement des priorités pour les dépenses publiques et l'aide publique au développement du Canada. Il est donc d'autant plus essentiel que nous prenions des mesures énergiques pour trouver des sources de financement novatrices et que nous appuyions les politiques qui permettront aux pays de l'hémisphère Sud d'obtenir de leurs propres citoyens les impôts, les redevances et les revenus dont ils ont besoin pour offrir et financer ces services à long terme; il faut que nous trouvions ensemble, grâce à de nouvelles méthodes de financement novatrices — et je sais que Fraser et d'autres personnes vont en parler — d'autres solutions qui garantiront que nous consacrons suffisamment de financement à cette initiative pour nous assurer de réussir et non d'échouer.
Merci.
Bonjour.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée.
Je vais faire mon exposé en anglais, mais je serai heureuse de répondre aux questions en français.
[Traduction]
Je m'appelle Clare Demerse et je suis directrice associée responsable du programme des changements climatiques à l'Institut Pembina.
Permettez-moi de mentionner, à l'intention de ceux qui ne le sauraient pas, que l'Institut Pembina est un centre national d'études et de recherches fondé en Alberta il y a 25 ans. Nous suivons le dossier des changements climatiques lors des Sommets du G8 depuis plusieurs années. J'ai assisté aux deux derniers sommets en tant qu'observatrice.
Je viens vous parler aujourd'hui du rôle du Sommet du G8 qui se tiendra au Canada, en juin, dans le dossier des changements climatiques. Pour résumer, nous croyons que le sommet constitue une occasion qu'on ne peut pas se permettre de rater pour faire des progrès concernant ce problème critique et urgent.
Afin de dissiper tout malentendu, je précise cependant que nous ne voyons pas les Sommets du G8 ou du G20 comme l'endroit où il faudrait conclure le prochain accord mondial sur les changements climatiques. C'est plutôt aux Nations Unies qu'il faut le faire, puisqu'on y retrouve les pays risquant le plus de souffrir des conséquences des changements climatiques ainsi que les pays qui sont les plus grands pollueurs. Mais les Sommets du G8 et du G20 pourraient servir à amorcer des négociations à l'échelle mondiale, car le dossier a grandement besoin d'être repris en main, après le résultat décevant des réunions des Nations Unies à Copenhague, en décembre dernier.
Il faut bien connaître le contexte, et je pense que le Canada perd parfois de vue la priorité que constitue pour d'autres pays le dossier des changements climatiques dans leurs efforts diplomatiques. Comme on a pu le voir à Copenhague, la lutte contre le réchauffement climatique est au premier plan de la politique étrangère appliquée par bon nombre de dirigeants, dans le monde entier. Je crois que, si les États-Unis, l'Union européenne ou le Japon était l'hôte du premier Sommet du G8 après Copenhague, beaucoup d'attention serait dirigée vers le climat ou les politiques énergétiques.
C'est le cas en particulier des dirigeants de l'Union européenne, qui ont clairement indiqué que les changements climatiques devaient figurer à l'ordre du jour de tous les grands sommets internationaux, y compris celui du G20. Cette semaine, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a déclaré que l'Union européenne voudrait que la question des changements climatiques soit discutée lors des réunions du G8 et du G20 en juin, autant pour des raisons écologiques que pour des raisons économiques. M. Barroso a déclaré que « la transition vers une économie à émissions réduites de gaz à effet de serre, est un élément important de la stratégie économique » de l'Union européenne.
De nombreux États membres comme le Canada du G20 prennent très au sérieux le travail à faire dans la « course à l'énergie propre ». On peut rapidement s'en rendre compte en jetant un coup d'oeil à un rapport qui a été produit en 2009 par la Banque HSBC et qui s'intitule A Climate for Recovery. Selon ce rapport, la Corée du Sud, qui organise conjointement le Sommet du G8 de 2010, a consacré en 2009 80 p. 100 de son budget de relance économique à des mesures vertes. Le Canada y a consacré dix fois moins, c'est-à-dire 8 p. 100 de l'argent consacré à la relance économique en 2009.
Notre organisme a fait une analyse semblable, dans laquelle nous avons comparé plutôt le Canada aux États-Unis. En utilisant les chiffres de cette année, nous avons constaté qu'en 2010, le président Obama a demandé, dans ses propositions budgétaires, 18 fois plus d'argent frais par habitant pour les énergies renouvelables que dans le budget fédéral canadien de 2010.
Lorsque, dans un discours prononcé à Davos, en janvier, le premier ministre Harper a décrit son programme pour les Sommets du G8 et du G20, une seule phrase portait sur les changements climatiques. Les politiques relatives aux changements climatiques étaient, selon ce discours, une question sans rapport avec l'économie, qui n'a pas sa place dans l'ordre du jour du Sommet du G20, où ce sont les questions économiques qui priment.
Le premier ministre a inclus les changements climatiques dans l'ordre du jour du Sommet du G8, mais on trouve difficilement des indices permettant de croire que ce sujet sera abordé dans les travaux préparatoires qui se font actuellement, en prévision du sommet. En fait, contrairement à la tradition, le gouvernement du Canada n'a pas encore convoqué les ministres de l'Environnement du G8 à une réunion qui aurait lieu avant le sommet de Muskoka.
L'histoire récente du G8 est marquée par des mesures importantes prises par ce groupe de pays. En Italie, l'année dernière, les dirigeants des pays du G8 se sont entendus pour se fixer l'objectif de réduire ensemble de 80 p. 100 ou plus leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. À Pittsburgh, en septembre dernier les dirigeants des pays du G20 ont convenu d'éliminer progressivement, à moyen terme, les subventions inefficaces favorisant l'utilisation des combustibles fossiles.
Cette année, nous croyons que la priorité absolue devrait être, comme Robert l'a indiqué, d'aider financièrement les pays en voie de développement à réduire leurs émissions et à s'adapter aux conséquences des changements climatiques. Il est vital de trouver des façons de fournir un tel financement si l'on veut susciter la confiance des gens autour des pourparlers sur les changements climatiques. C'est une obligation que les pays développés ont acceptée il y a près de vingt ans, lorsqu'ils ont négocié la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Un tel financement est nécessaire, par exemple, afin de payer les coûts de construction de nouvelles installations de production d'énergie propre, plutôt que de produire de l'énergie polluante, ou afin de fournir des médicaments contre la malaria et des moustiquaires pour la nuit permettant d'éviter la propagation de la maladie dans de nouvelles régions. Des estimations des sommes d'argent nécessaires ont été faites, concernant ces priorités, et nous constatons que, dans l'ensemble, les besoins se chiffrent à des centaines, sinon des milliards de dollars par année, à moyen terme.
On a un besoin urgent de cet argent, comme Robert l'a indiqué. C'est une réalité tout à fait actuelle pour bien des gens dans le monde. Dans le rapport de 2009 du Forum humanitaire mondial de Kofi Annan, on estime qu'en moyenne, les changements climatiques pourraient déjà être responsables de la mort de 300 000 personnes par année. Il est fondamentalement injuste que ce soient les plus démunis de la planète qui souffrent en premier et qui soient les plus durement touchés par les conséquences des changements climatiques, alors qu'ils en sont moins la cause que quiconque. Ce sont les pays du G-8 qui sont responsables historiquement des émissions de gaz à effet de serre et qui ont les moyens financiers de fournir de l'aide aux autres pays. Ce sont eux qui doivent monter au front les premiers, dans la lutte contre les changements climatiques.
À Copenhague, en décembre, les pays développés ont convenu d'accorder aux pays en voie de développement jusqu'à 30 milliards de dollars américains d'argent frais ou additionnel, entre 2010 et 2012. Ils ont aussi accepté de débloquer conjointement, chaque année, 100 milliards de dollars au plus tard en 2020. Cet argent proviendra de diverses sources. Les pays les plus développés ont déjà pris des engagements initiaux de financement des mesures contre les changements climatiques, mais, au Canada, cet été, les dirigeants de ces pays doivent donner suite à ces engagements. Ils doivent indiquer explicitement que l'argent qu'ils comptent fournir s'ajoutera à l'aide officielle au développement déjà consentie.
Comme Robert l'a mentionné, les changements climatiques ne facilitent pas la lutte contre la pauvreté et n'en réduisent pas l'importance. Lorsque le Canada finance les mesures contre les changements climatiques en prenant l'argent dans son budget existant d'aide internationale, il réduit les ressources pouvant être consacrées à la réduction de la pauvreté. Cette façon de faire n'est pas acceptable. La meilleure façon de s'assurer que le financement de la lutte contre les changements climatiques s'ajoute à l'aide publique au développement est de puiser l'argent dans des sources nouvelles. Fraser en parlera tout à l'heure. Je crois que les pays du G20 devraient examiner cet été les solutions à cet égard.
Dans le discours du Trône, en mars, le gouvernement a reconnu que les mesures contre les changements climatiques nécessitaient un financement international. Or, malgré cet engagement, le Canada est le seul pays du G8 à n'avoir annoncé aucun financement à court terme de ces mesures. Je crois que cette situation doit changer avant que notre pays accueille les chefs d'État à Muskoka.
Selon l'analyse faite par notre organisme, le Canada doit prendre à sa charge de 3 à 4 p. 100, au moins, du financement des mesures contre les changements climatiques dans le monde. Dans le financement à court terme prévu à Copenhague, ce pourcentage équivaudrait à une somme de 300 à 400 millions de dollars par année, au moins, entre 2010 et 2012.
Je me permets de vous dire aussi que votre comité pourrait faire une contribution importante dans le dossier en étudiant plus en profondeur, dans les mois à venir, le financement des mesures contre les changements climatiques, de manière à pouvoir recommander au gouvernement les meilleurs moyens pour augmenter jusqu'à un niveau équitable le financement fourni par le Canada et pour gérer et distribuer ce financement.
Avant de terminer, permettez-moi de vous signaler rapidement l'importance de faire le suivi au sujet d'un engagement clé issu du Sommet du G20 à Pittsburgh, engagement qui consiste à éliminer progressivement les subventions inefficaces favorisant l'utilisation des combustibles fossiles. Les pays membres du G20 ont donné à leurs ministres de l'Énergie et des Finances le mandat « de [...] rendre compte à [la] prochaine réunion de leurs stratégies et de leur calendrier de mise en oeuvre afin d'honorer cet engagement essentiel ». Or, la prochaine réunion est le sommet qui se tiendra en juin, à Toronto.
Au Canada seulement, les avantages fiscaux consentis aux sociétés pétrolières et gazières sont probablement de l'ordre de 2 milliards de dollars par année. En éliminant progressivement ces subventions, on obtiendrait une source idéale d'argent pour lutter contre les changements climatiques dans les pays en voie de développement. Même si le gouvernement fédéral insiste pour dire qu'il est important de rendre des comptes relativement aux décisions antérieures, lors des sommets du G8 et du G20, il ne s'est pas encore fixé un échéancier pour éliminer progressivement ses propres subventions favorisant l'utilisation des combustibles fossiles.
De nombreux points dont je viens de parler sont traités plus en détail dans le document d'information que j'ai remis à la greffière du comité. Je suis désolé de ne pas avoir pu le faire traduire à temps, mais la traduction sera prête bientôt.
Je vous remercie beaucoup.
:
Bonjour. Je m'appelle Fraser Reilly-King et je fais partie de l'Initiative d'Halifax, une coalition de 18 organismes, parmi lesquels se trouvent des organismes se consacrant au développement, des groupes écologistes, des groupes religieux, des associations de défense des droits de la personne et des syndicats. Nous nous intéressons principalement à la finance, notamment aux activités et aux politiques de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et des agences de crédit à l'exportation.
Je voudrais remercier le comité de nous avoir invités à témoigner. Je suis heureux d'être de retour puisque j'ai témoigné devant le comité en octobre dernier, avec un collègue, en tant que représentant du comité de coordination de la société civile en vue des sommets de 2010 du G8 et du G20. Nous vous avions alors indiqué qu'il était important que les parlementaires discutent de ces questions entre eux, pendant la période précédant ces sommets. Je me réjouis de voir que le comité a pris l'initiative d'entendre encore une fois le point de vue des organismes de la société civile.
Je suis ici principalement pour vous parler des idées défendues par la société civile au sujet des enjeux économiques et financiers. Je pense que ces idées font le lien entre un certain nombre de questions qui ont déjà été portées à votre attention. L'enjeu central, dont plusieurs personnes ont parlé aujourd'hui, est l'obtention d'argent frais, de sommes additionnelles, qui proviendraient de sources novatrices de financement, pour financer le développement et la lutte contre les changements climatiques. Ces sources de financement vont au-delà de l'aide internationale. Elles ont une importance cruciale dans un monde qui n'a pas fini de payer la facture de la crise économique, ce qui incite les pays à geler leur budget d'aide internationale.
Le projet de trouver des sources novatrices de financement est déjà bien enraciné à l'échelle internationale. Au cours des prochaines semaines, le Groupe pilote sur les contributions de solidarité en faveur du développement, qui a été mis sur pied par les Nations Unies et au sein duquel 55 États sont représentés, y compris 11 pays du G20, publiera un rapport sur la question des mécanismes novateurs visant à financer le développement, y compris une taxe sur les opérations financières, dont je vais parler tout à l'heure.
En février, les Nations Unies ont en outre formé le Groupe consultatif de haut niveau sur le financement de la lutte contre le changement climatique, qui comprend les chefs d'État du Royaume-Uni, de la Guyana, de la Norvège et de l'Éthiopie. Des représentants des gouvernements de 12 pays du G20 font partie de ce groupe.
Malheureusement, le Canada ne prend part aux travaux de ni l'un ni l'autre de ces deux groupes.
Enfin, le G20 lui-même a annoncé en septembre dernier qu'il voulait que le Fonds monétaire international cherche à déterminer comment le secteur financier pourrait contribuer aux coûts du sauvetage des banques. Le FMI a donc fait des propositions il y a deux semaines, dont vous avez certainement entendu parler dans les médias, et d'autres propositions ont été faites par des gouvernements européens. Or, le Canada s'est opposé à toutes ces propositions, parfois à raison.
Je ne voudrais pas entrer dans les détails de ces propositions. J'ai un document d'une page en français et en anglais qui les résume et que nous pouvons faire circuler.
Si nous voulons pouvoir nous occuper des problèmes dont mes collègues ont parlé, soit les changements climatiques, les objectifs du Millénaire pour le développement ainsi que l'initiative sur la santé maternelle et infantile, le Canada doit, selon moi, jouer un rôle plus constructif et plus utile dans la recherche de sources novatrices de financement. Au cours des dernières années, le Canada a agi en chef de file pour promouvoir l'idée des garanties de marché. Je crois que le Canada devrait chercher à faire avancer plusieurs autres dossiers.
Les mesures d'atténuation et d'adaptation en vue des changements climatiques, les objectifs du Millénaire pour le développement, dont Robert a parlé, et les coûts de la crise économique, avec leur cortège de déficits et de dettes en pleine croissance, exercent d'importantes pressions sur les gouvernements des pays du Nord et du Sud.
Bruno Jetin, un économiste de l'Université de Paris, estime que les gouvernements auront besoin de 710 milliards de dollars par année pour atteindre les objectifs du Millénaire du développement, pour les mesures d'atténuation et d'adaptation en vue des changements climatiques et pour combler les déficits et rembourser les dettes des pays industrialisés.
En somme, il est essentiel d'avoir recours à des moyens financiers novateurs pour mater les crises énormes auxquelles le monde doit faire face et dont Robert vient de parler. L'une des sources novatrices de financement que nous, les représentants de la société civile, préconisons est la taxe sur les opérations financières ou TOF. Je ne veux pas entrer dans les détails sur cette taxe. J'ai un autre document d'une page, en français et en anglais, qui résume le concept. Permettez-moi de vous donner seulement un aperçu de ce dont il s'agit, étant donné que certains d'entre vous ne connaissent peut-être pas bien la question.
La TOF est une taxe infime qui s'appliquerait à toutes les opérations effectuées sur les marchés financiers, les marchés à terme et les marchés hors cote, y compris les opérations sur les titres, les obligations, les devises et les instruments dérivés. On a beaucoup entendu parler de la taxe Tobin. Mais la TOF engloberait beaucoup plus d'opérations que la taxe Tobin.
Les transactions courantes des consommateurs, telles que les achats de produits, les encaissements de chèque de paye et les envois d'argent transfrontaliers ne seraient pas assujettis à la TOF, qui serait perçue sur les grands marchés boursiers, au moyen des systèmes centralisés et informatisés de règlement qui existent déjà.
Enfin, on estime qu'une TOF de 0,05 p. 100 seulement pourrait rapporter environ 650 milliards de dollars par année, même en partant de l'hypothèse d'une réduction de 60 p. 100 de l'activité des marchés à l'échelle mondiale. Nous croyons que cet argent pourrait être utilisé afin de financer les mesures d'atténuation et d'adaptation en vue des changements climatiques, afin d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et afin d'aider les gouvernements à relancer l'économie, à combler les déficits budgétaires et à rembourser les dettes publiques.
Vous avez sans doute vu, dans les journaux, beaucoup d'articles défavorables à cette taxe, et c'est peut-être compréhensible. La proposition est encore jeune. Je voudrais utiliser le temps qu'il me reste pour répondre à certaines objections et vous expliquer pourquoi elles me semblent infondées.
L'une des objections principales consiste à dire que la TOF est une mesure inapplicable. C'est faux. Le FMI a définitivement réduit cet argument à néant lorsqu'il a publié un rapport disant ceci: « La TOF ne devrait pas être écartée au motif que c'est une mesure irréalisable administrativement. » Nous le savions déjà, et le FMI vient de le confirmer.
On dit aussi que les banques canadiennes n'ont pas eu besoin d'être renflouées, ce qui est vrai. Beaucoup de pays du G20 auraient beaucoup à apprendre du système bancaire canadien, je crois. Les règles qui régissent le système bancaire canadien en assurent la solidité. Nos banques se sont très bien sorties de la crise, comparativement à celles des autres pays du G20. Tout a commencé par une crise du crédit, et la réglementation serrée qui s'applique aux banques et aux autres institutions financières canadiennes nous a permis d'éviter le plus gros de la crise financière. Toutefois, la crise n'est pas que financière. C'est aussi une crise économique. Nous avons la mémoire si courte que nous avons déjà oublié qu'il y a un an seulement, au pays, le secteur de la fabrication, le secteur forestier et le secteur de la construction imploraient le gouvernement de les tirer d'affaire, ce que le gouvernement a fait.
Le taux de chômage est toujours de 2 p. 100 plus élevé aujourd'hui qu'il y a deux ans, avant que la crise frappe le Canada. Nous avons un gros déficit. Bien que nos banques n'aient pas eu besoin d'être renflouées, il n'en reste pas moins que nous sommes aux prises avec une crise économique, et non uniquement avec une crise financière, ce qui nous oblige à trouver des solutions à la crise économique et à ses conséquences. Quatre-vingt-neuf millions de personnes dans le monde se sont retrouvées dans la pauvreté en raison de cette crise. Trente-quatre millions de personnes de plus sont au chômage, comparativement à la situation d'il y a deux ans.
À mes yeux, il n'est donc pas constructif de dire qu'étant donné que nous n'avons pas causé la crise, ce n'est pas à nous de nous occuper du problème. C'est un peu comme se retrouver dans un bateau qui coule, mais affirmer que la partie du bateau où l'on se trouve a l'air de bien se porter. Il n'en reste pas moins que le bateau est en train de couler. Alors, nous devons considérer non seulement les répercussions financières de la crise, mais également ses répercussions économiques, et je crois que la TOF serait un bon moyen pour s'en sortir.
On fait aussi beaucoup valoir l'idée qu'il faut éviter les augmentations de taxe. C'est vrai, mais nous traversons une période sans précédent. Bien que l'objectif de ne pas augmenter le fardeau fiscal soit louable, quels autres choix avons-nous? Les augmentations d'impôt sur le revenu sont à exclure, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises, de même que les augmentations des cotisations d'assurance-emploi et de la taxe sur la valeur ajoutée, c'est-à-dire la TPS. Il ne reste plus beaucoup de solutions.
Nous pourrions laisser la croissance agir, mais nous dépendrions alors aussi de la vigueur des économies de nos partenaires commerciaux. La semaine dernière, la Grèce a bénéficié de l'une des plus grandes opérations de sauvetage financier de l'histoire de l'Union européenne et du FMI. En Europe de l'Est et de l'Ouest, de nombreux pays sont encore sur la corde raide. Alors, bien que la relance de l'économie canadienne semble bien se passer actuellement, nous ne savons pas ce que demain nous réserve.
Je vous répète qu'il s'agirait d'une taxe infime, de 0,05 p. 100, qui pourrait générer d'énormes sommes d'argent, et je ne pense pas que les gens devraient la voir comme une taxe imposée aux Canadiens. Ce serait plutôt une taxe sur la mondialisation. Nous savons tous quels avantages la mondialisation peut nous apporter, et nous voyons maintenant aussi quels en sont les coûts.
On critique aussi le fait que les banques refileront tout simplement les frais à leurs clients. C'est faux. Une recherche a démontré que l'incidence initiale de la taxe, ceux qui payent les taxes, touchera principalement ceux qui investissent dans des fonds de couverture à valeur nette et les employés des fonds de couverture et des banques d'affaires, et les banques commerciales, dans une certaine mesure. Ils négocient énormément de titres. Une entreprise de Toronto utilise des algorithmes pour effectuer entre 500 000 et un million de transactions par jour. Une faible fraction de cette taxe serait refilée aux actionnaires des banques, aux caisses de retraite et aux sociétés clientes, bref, des entités ou des gens qui ne spéculent pas sur les marchés à court terme, mais bien à long terme.
Par exemple, si vous achetez pour 1 000 $ d'actions aujourd'hui, vous devrez débourser 50 ¢ pour payer cette taxe, mais compte tenu du fait que, si vous faites appel à un courtier, vous payez déjà 2 p. 100, soit entre 20 et 30 $, pour faire la transaction, une taxe de 50 ¢ ne semble pas si élevée.
Et cela ne s'avérera pas la solution miracle. Nous ne le croyons pas. Donc, le gouvernement doit intégrer des garanties additionnelles pour assurer que les frais ne seront pas refilés aux clients.
Finalement, on dit que cela ne peut fonctionner si tous ne mettent pas la main à la pâte. Encore une fois, c'est faux. Le Royaume-Uni applique ce qu'on appelle le droit de timbre sur les transactions d'actions effectuées sur son marché financier. Le droit s'élève à 0,5 p. 100. Le Japon fait des prélèvements bancaires sur les opérations financières depuis très longtemps. Le Brésil a fait des prélèvements bancaires durant 12 ans sur les opérations bancaires, et tout dernièrement, depuis octobre, il effectue des prélèvements bancaires de 1 p. 100 sur les changes de devises pour freiner le nombre de transactions. Donc, bon nombre de pays le font déjà.
Je serai ravi de faire face aux autres critiques que les gens pourraient avoir entendues et d'y répondre dans la mesure du possible.
Bref, j'encourage vivement tous les partis à appuyer la taxe sur les opérations financières. Nous sommes ravis que le NPD nous ait déjà donné son appui. J'aimerais aussi — tout comme Clare l'a fait — encourager le comité, peut-être en collaboration avec le comité de l'environnement ou le comité des finances, à examiner des sources de financement novatrices pour le développement et pour les changements climatiques. En ce moment, le Canada n'est pas un acteur dans ces débats internationaux, et je suis persuadé que cela peut changer.
Merci.
:
Je vous remercie et je suis content d'informer aussi les autres témoins, qui, je le sais, examinent ces mêmes types de questions.
Selon moi, vous touchez un point essentiel. Comme Robert l'a mentionné, il s'agit d'enjeux intégrés. L'un des problèmes avec les changements climatiques, c'est évidemment que les personnes les plus vulnérables ressentent les conséquences de manière disproportionnée, et nous savons de qui il s'agit. Les femmes sont évidemment beaucoup plus vulnérables lorsqu'elles sont pauvres, et c'est souvent le cas.
Donc, alors que nous voyons les réfugiés climatiques et les effets des changements climatiques sur les pays et sur les populations vulnérables, il est tout à fait vrai que cela entraîne un manque de progrès ou le recul des progrès réalisés. Selon moi, nous devrions envisager plus globalement les enjeux qui nous touchent.
En ce qui concerne le financement de l'adaptation aux changements climatiques, il existe beaucoup de fonds qui représentent d'excellentes solutions pouvant aider à résoudre certains problèmes de vulnérabilité, et qui étudient très sérieusement les façons d'effectuer un bon développement et une bonne adaptation au climat en même temps, ou parfois aussi de bonnes mesures d'atténuation. La diminution des émissions de gaz à effet de serre constitue à la fois une adaptation et un développement — dans une optique plus large.
Nous aimons donner comme exemple le Fonds d'adaptation qui a été créé en vertu du Protocole de Kyoto. En ce moment, il tire principalement son financement de prélèvements bancaires sur les mécanismes pour un développement propre: le mécanisme de marché du Protocole de Kyoto. Il s'agit d'un faible prélèvement bancaire. Donc, ce nouveau fonds a été lancé et des pays, comme l'Espagne, y contribuent et d'autres emboîtent le pas, comme l'Allemagne. Et j'encourage vraiment le gouvernement du Canada à voir aussi le Fonds d'adaptation comme un très bon exemple de gestion pour les enjeux de ce type.
Dans le même ordre d'idées, le Fonds pour les pays les moins avancés a été lancé il y a très longtemps, et le Canada a en fait été le premier à y contribuer en 2001. Ce fonds a analysé les priorités d'adaptation pour déterminer les plus urgentes dans les pays les moins avancés. Ces analyses sont en bonne partie terminées, et maintenant les pays ne sont pas en mesure de financer les plans qu'ils avaient élaborés.
Selon moi, il s'agit d'un fossé important à combler, et c'est ce genre d'initiatives globales que nous voulons voir au sommet.
Je ne sais pas si quelqu'un d'autre aurait des commentaires à faire sur le sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être des nôtres pour la séance d'aujourd'hui. Vous avez bien sûr été invités à cette séance pour témoigner à propos du leadership du Canada aux sommets du G8 et du G20 qui ont lieu cette année. Bien entendu, je voulais parler de la réunion du G8 qui s’est tenue il y a tout juste une semaine environ, à Halifax.
Je suis en train de regarder la synthèse du rapport du président de cette réunion en vue de la prochaine réunion. Sur tous les objectifs établis par le G8, le Canada a choisi les objectifs quatre et cinq. Ils sont tous fort valables. Ils sont tous dignes d’être entrepris par les pays du G8. Le Canada a choisi de se concentrer sur les objectifs quatre et cinq, qui se trouvaient malheureusement loin derrière par rapport aux progrès dans les autres domaines malgré tous les efforts, aussi louables soient-ils. Bien sûr, on nous a fortement critiqués en cours de route. Il semble que cela a suscité une certaine controverse.
Je suis en train d’examiner les objectifs issus de la réunion du G8 pour la santé maternelle et infantile. Quelqu’un y a fait allusion tout à l’heure; c’était Elly Vandenberg, si je ne m’abuse. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez exposé les objectifs pour les femmes: soins prénataux pour la santé maternelle, soins postnataux, planification familiale — qui comprend la contraception —, santé génésique, traitement et prévention des maladies, prévention de la transmission du VIH de la mère à son enfant, vaccination et nutrition.
Dans votre mémoire — encore une fois, je crois que c’est celui de Mme Vandenberg —, vous avez établi un lien avec « les interventions […] abordables nécessaires pour mettre fin à ces décès ». J’ai entendu des chiffres défiler. Je crois que ces chiffres ont été répétés à quelques reprises. Nous parlons toutefois de trois millions de bébés qui meurent dans la semaine suivant leur naissance, de neuf millions d'enfants qui ne vivent pas jusqu’à l'âge de cinq ans et de 500 000 femmes qui meurent en raison de complications liées à l’accouchement. Ces décès sont évitables. Pour ce qui est des interventions abordables, l'une des premières propositions de la liste est la formation du personnel de la santé communautaire. On propose ensuite d'autres aspects comme les micronutriments, l'allaitement et les soins obstétriques d'urgence. Toutes ces interventions ont donné des résultats.
Je vais toutefois me concentrer sur la première proposition, soit la question des travailleurs de la santé compétents. Je constate qu’au Mali, par exemple, nous avons… L'ACDI est venue témoigner l'autre jour. Dans l'Ouest du Mali, au moins la moitié des accouchements se font désormais en présence d'un travailleur compétent, si j’ai bien compris. Mais il y a divers aspects. Aujourd’hui, dans les observations, j'ai entendu quelques discussions quant à la définition d’un travailleur qualifié. Au Guatemala, par exemple, nous avons travaillé avec la Société des obstétriciens et gynécologues pour former plus de 700 travailleurs. Nous avons eu un certain succès.
Cependant, je crois que Mme Chiesa a dit que du personnel qualifié ne suffisait pas et qu’il fallait du personnel compétent. J’ignore donc si nous parlons d'avoir des obstétriciens et des gynécologues dans toutes les petites collectivités éloignées, mais j’aimerais connaître votre point de vue quant à la manière de résoudre ce problème, à quel niveau… Je suis certain que n'importe quel niveau de formation est un atout, même s’il s’agit d’une sage-femme. En fait, je ne dirais pas « même », car je n’entends aucunement dénigrer ce métier. En fait, quel type de formation faut-il pour faire cette première intervention nécessaire?
:
Je vous pose la question en toute sincérité parce que si nous voulons avoir un impact, nous voulons bien faire le travail. M. Lunney a laissé entendre que l’on critique le gouvernement pour avoir entrepris cette initiative. Or, je dirais qu’au contraire, des députés de tous les partis ont tiré leur chapeau au gouvernement pour avoir entrepris cette initiative.
Je vous ai posé cette question parce que si nous décidons de nous attaquer à cette question, nous voulons bien faire les choses. La seule personne que j'ai entendue avancer ce que propose le gouvernement, c’est-à-dire qu’il est possible de séparer l'avortement de la santé génésique, c’était Charles McVety, qui a témoigné hier. Je ne connais pas suffisamment son bagage, mais je crois qu’il est sûr de supposer qu'il n'est pas un expert en santé maternelle et infantile. Cela m’ennuie quand j'entends le gouvernement dire qu'il veut se diriger dans cette voie, ce qui me plaît, mais qu'il va séparer un élément de la santé maternelle et infantile. Le gouvernement pourra peut-être m'éclairer plus tard, mais la seule personne qui, à ma connaissance, appuie cette proposition, c’est M. McVety, qui disait hier que nous ne devrions pas procéder ainsi.
C'est pourquoi je vous pose la question. Si nous nous attaquons à cette question et que nous voulons bien faire notre travail, je crois que nous devons chanter à l’unisson. Si l’on dit qu’il faut traiter de la santé maternelle et infantile d’une manière globale, comme vous l'avez dit, c’est ce que nous devrions faire.
Je songe à quelques-uns des défis actuels. L’une des situations que j'ai examinées, mais qui n'a pas été abordée, a trait aux adolescentes en particulier. De 10 à 48 p. 100 des adolescentes affirment que leur première expérience sexuelle leur a été imposée. Dans mon livre à moi, on appelle cela un viol. Dans le cas de la République démocratique du Congo, 14 femmes sont violées chaque jour, comme le révèle une étude réalisée par la Harvard Humanitarian Initiative et par Oxfam.
Ce sont de jeunes femmes. Vous avez parlé des risques à cet âge. Nous n’arrivons pas à comprendre comment régler le problème des grossesses non désirées, en particulier lorsqu’il est question de viol et encore plus de viol comme arme de guerre, ce qui a été établi par tout le monde. Ainsi, j’ignore comment nous attaquer aux résultats sans le faire d'une manière globale.
Étant donné que nous avons très peu de ressources, quelle réponse pouvons-nous fournir à ce qui est manifestement une guerre contre les femmes dans le monde et dans le monde industrialisé en plus des problèmes existants? Comment intervenir à cet égard dans les zones de conflit? Comment devons-nous réagir à ce que je vais appeler une guerre entre les sexes — car 14 femmes sont violées chaque jour en République démocratique du Congo et des statistiques ahurissantes révèlent que la première expérience sexuelle des adolescentes est essentiellement un viol? Comment pouvons-nous faire des progrès dans ces domaines en particulier?
:
Merci, monsieur le président.
Et merci, mesdames et messieurs, de votre présence ici aujourd’hui.
Je tiens à mentionner l’une de mes principales préoccupations parce que, dernièrement, elle a suscité des débats à la Chambre des communes. On m’a demandé de devenir membre de l’Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement et d’occuper le poste de vice-président. L’association visait à étudier les objectifs du Millénaire pour le développement et à les atteindre. Je croyais que nous allions les étudier tous et qu’à la suite d’une conférence qui aurait lieu pendant la période estivale, nous allions peut-être formuler des recommandations qu’il serait utile de suivre.
Comme je ne connaissais pas le groupe, j’ai commencé à participer à des conférences téléphoniques au cours desquelles j’ai eu l’impression que ses assises n’étaient pas aussi larges que ses membres l’avaient prétendu. J’ai commencé à remarquer l’intérêt porté aux deux points suivants: les OMD 4 et 5. J’ai donc décidé de fouiller un peu et de découvrir qui étaient les membres de ce groupe et de cette organisation. J’ai appris que certains des groupes étrangers qui la constituaient étaient assurément des organisations pro-choix, et cela m’a beaucoup préoccupé. J’ai donc décidé de démissionner, et j’ai indiqué dans ma lettre de démission qu’à mon grand regret, j’étais forcé de prendre cette décision, car je craignais que l’attention qu’ils portaient à certaines questions sensationnalistes compromette les résultats positifs que l’initiative gouvernementale pourrait engendrer.
Je me réjouis des félicitations que le premier ministre du Canada a reçues pour avoir pris cette initiative, et je crois bien qu’ils proviennent de pays qui hésitent à prendre position par rapport aux OMD 4 et 5 en raison de la controverse.
Par ailleurs, lorsque, deux jours plus tard, cette question a été abordée à la Chambre des communes par le biais d’une motion de l’opposition, tout est devenu clair. La motion elle-même était inoffensive; elle ne disait pas grand-chose. Mais les multiples discours qui ont suivi ont montré clairement que les membres de l’opposition avaient l’intention de mettre surtout l’accent sur le caractère sensationnaliste de l’avortement.
Je vous suis reconnaissant des observations que vous avez formulées aujourd’hui.
Heureusement, quelques membres de l’opposition ont choisi de ne pas voter de la même façon que leur parti et, par conséquent, la motion n’a pas été adoptée. Mais cela me perturbe énormément, car si l’on compare la valeur de ce qui est présenté au bien-fondé de l’initiative…
Vous avez mentionné plus tôt une importante statistique. Vous avez dit que même dans les cas de décès maternels, 85 p. 100 d’entre eux n’avaient rien à voir avec des avortements. Selon moi, cela veut dire 85 p. 100 des mères qui décèdent. Donc, j’émettrais l’hypothèse que, dans l’ensemble, l’initiative aidera à réduire les décès maternels, contribuera à la santé et au bien-être, améliorera l’alimentation en plus d’offrir d’autres éléments qui accroîtront même la prospérité économique. Lorsque vos citoyens sont en meilleure santé, votre économie l’est aussi.
Pourriez-vous en dire davantage au sujet de cette statistique et de votre évaluation, et établir un lien entre elles et l’initiative du premier ministre de même que l’effet bénéfique qu’elle pourrait avoir? J’ai l’impression qu’il n’est pas nécessaire de s’engager dans cette voie. Les objectifs du Millénaire pour le développement ne mentionnent pas le mot « avortement » en tant que tel. Il se peut que cette notion soit sous-entendue quelque part, mais il n’est pas nécessaire de suivre cette direction, parce que cette question est controversée. Pourriez-vous me dire ce que cette initiative représente, dans quel pourcentage des cas l’avortement serait utile, et à quel point ce pourcentage est faible comparé au sensationnalisme que cette solution engendrerait? Si cette question devait compromettre cet effort, je pense que ce serait simplement déplorable.
:
Permettez-moi seulement de dire que je m’efforce de comprendre. La dernière fois, j’ai posé une question à Mme Biggs afin de savoir en quoi consistait la politique canadienne et, grâce au miracle des moyens de communication actuels, j’ai appris dans le blogue de Mme Wherry de la revue
Maclean's qu’elle tentait également d’obtenir des éclaircissements et qu’elle avait parlé à un membre du personnel de Mme Oda qui lui avait dit que « l’ACDI ne répertoriait pas la gamme d’interventions médicales que chaque organisation réalisait » — par organisation, j’entends tous les régimes hospitaliers, les systèmes nationaux de soins de santé, les divers genres de cliniques qui sont déjà financés par l’ACDI et qui continueront de l’être. Ce que je m’efforce d’éclaircir, c’est si, à votre connaissance, le financement que l’ACDI a déjà accordé et qui finance indirectement des services d’avortement se poursuivra.
À titre de rappel, monsieur le président, nous avons eu un débat parce que, quand le ministre Cannon a comparu devant nous et que je lui ai posé une question, il a dit que la planification familiale ne figurait pas sur la liste. Ensuite, il a apporté des précisions et a déclaré qu’elle en faisait partie. À la Chambre, M. Abbott a dit qu’il était possible qu’elle figure sur la liste.
Il est important que les choses soient claires pour nous, que nous comprenions exactement ce dont il est question afin que les Canadiens sachent ce qui se passe vraiment. L’agence du gouvernement appelé l’ACDI a pour politique de financer indirectement les avortements — pas de manière directe, mais de manière indirecte — parce qu’elle accorde des budgets et des fonds à des régimes hospitaliers.
Cette conversation — celle que je viens de vous citer — montre aujourd’hui que l’ACDI n’examine pas les hôpitaux qui figurent sur la liste un par un afin de déterminer les interventions qu’elle financera ou non. Ses employés ne font pas cela. Ils financent les services en bloc, de la même façon que le gouvernement fédéral finance les provinces. Celui-ci ne dit pas aux provinces comment elles peuvent ou ne peuvent pas utiliser l’argent. Le débat n’a pas atteint ce stade-là au Canada.
Je le mentionne simplement parce que je tiens à ce que les choses soient claires. Parfois, j’entends les gens dire… Mme Vandenberg et moi avons eu une discussion à ce sujet, et je ne crois pas trahir ses confidences en disant que les gens craignent que, d’une manière ou d’une autre, toute l’initiative soit mise en péril par le débat actuel. Permettez-moi de vous dire au nom de mon parti — et de vous dire que nous sommes présents aujourd’hui — que l’initiative ne sera pas compromise par le débat parce qu’elle est salutaire. Il est nécessaire que nous nous penchions sur la santé maternelle et infantile dans le monde. Cette initiative ne sera donc pas mise en péril par le débat. Mais nous devrions tout de même tenter de comprendre exactement ce que, selon vous, notre gouvernement s’est engagé à faire et ce que, selon vous, il n’est pas prêt à faire.
Je pourrais peut-être poser la question à chacun d’entre vous, car je sais que vos points de vue diffèrent légèrement en ce qui concerne la position de vos organisations respectives et que c’est aussi le cas de vos mandats. Je respecte cela entièrement. Nous vivons au sein d’une société dans laquelle les gens ne partagent pas toujours le même avis, et les organismes de bienfaisance auront diverses opinions quant à ce qui doit être accompli. On doit respecter cela.
Avez-vous la même impression que moi, à savoir que l’ACDI a déjà adopté une politique et que celle-ci ne changera pas? Le gouvernement ne demande pas à l’ACDI de modifier sa politique. La nouvelle initiative mettra l’accent sur toute une gamme d’interventions, qui excluront l’avortement. Mais pour être honnête, cela n’avait jamais été prévu, parce que ce n’est pas le genre de projets dans le cadre duquel une femme obtiendrait ce genre de services de toute manière.
Ma description de la situation est-elle juste, M. Fox? Je vous regarde un peu, bien que Mme Chiesa ou qui que ce soit d’autre souhaitant répondre… J’aimerais obtenir une réponse.