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Commençons. Le programme est très chargé aujourd'hui, et nous avons des invités avec nous. Je veux que nous respections leur temps et que nous leur donnions la chance de commencer.
Bienvenue, Lisa Prosper. Merci beaucoup de vous être jointe à nous aujourd'hui.
De l'Agence Parcs Canada, nous avons Genevieve Charrois, directrice des politiques sur le patrimoine culturel, et Norman Shields, gestionnaire de la désignation du patrimoine.
Nous avons 10 minutes à accorder à chacun de vous, puis nous passerons aux questions. J'ai établi la petite routine suivante: quand il vous reste une minute, je lève simplement le carton jaune; je lève le rouge quand il ne vous reste plus de temps. Je ne veux pas que vous cessiez brusquement vos propos, mais que vous terminiez rapidement.
Lisa, vous avez la parole.
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Merci beaucoup de m'avoir invitée et donné cette chance.
J'aimerais tout d'abord affirmer que j'appuie entièrement les commentaires formulés par Mme Aird et Mme Redfern lors de leur comparution à la séance du Comité du 28 septembre. J'applaudis leur travail et celui du Cercle du patrimoine autochtone. Je n'ai pas aujourd'hui l'intention de trop reprendre ce qui a déjà été dit. J'espère plutôt que mes remarques compléteront les leurs.
J'aimerais profiter de cette occasion pour mettre l'accent sur le sujet du patrimoine culturel autochtone de façon assez large. J'ai tendance à être une penseuse conceptuelle. Il se peut que je vous emmène plus loin que vous n'êtes allés lors des séances précédentes, mais c'est tout simplement ainsi que fonctionne ma tête.
Premièrement, j'aimerais parler un peu des particularités ou des caractéristiques de ce que nous pourrions qualifier généralement de patrimoine culturel autochtone, tout en respectant pleinement le fait que chaque communauté le définira et l'exprimera de sa propre façon. Il y a par contre des similitudes qui sont repérables par rapport au concept occidental du patrimoine culturel.
J'affirmerais tout d'abord que l'accent est généralement mis sur l'immatériel; on ne se concentre habituellement pas sur le patrimoine bâti. Il est souvent question de l'exercice des pratiques culturelles sur la terre, et il y a donc des rapports entre les pratiques culturelles et les activités rattachées à la terre. Le patrimoine est souvent une activité et la représentation d'activités relatives à la terre, par exemple, les récits narratifs et les contes liés à la terre, ainsi que les connaissances traditionnelles associées aux déplacements sur le territoire. La langue — la désignation des personnes et des lieux — fait partie intégrante du patrimoine culturel autochtone, tout comme les vêtements, les outils et la cuisine, tous des éléments reliés à l'expression du patrimoine culturel.
Une autre caractéristique est que ces pratiques sont souvent quotidiennes plutôt qu'exceptionnelles ou cérémonielles. Elles le sont aussi, mais elles sont également quotidiennes. L'une des autres caractéristiques est que ces pratiques sont fondamentalement fondées sur le présent. Elles sont largement orientées vers le présent. Nous nous représentons souvent le patrimoine comme étant une question d'histoire et de choses appartenant à notre passé. C'est le cas aussi, mais l'accent est mis sur le présent.
Je tenais à faire cette distinction par rapport aux choses que nous considérons volontiers comme des pratiques patrimoniales. Il s'agit de la désignation, de la protection et de la conservation de lieux d'importance, et ces activités sont au coeur de notre façon de nous définir par la construction identitaire. C'est pour nous une façon de nous raconter et de raconter aux générations futures quelque chose à propos de nous-mêmes et de notre histoire en tant que pays, culture et peuple.
L'appareil dont nous disposons — l'appareil patrimonial — est né d'une trajectoire particulière, et, à mon avis, ne convient pas pour aborder actuellement le contexte du patrimoine culturel autochtone.
Ainsi, je crois que, de façon générale, il faut envisager de modifier fondamentalement la façon de penser et le concept de patrimoine. Un des changements à apporter, je dirais, concerne l'échelle de pensée. Je crois que nous devons commencer à penser au niveau de l'individu jusqu'au portrait global. Une façon de le faire est de s'attarder au paysage. C'est un bon moyen de commencer à réfléchir à la façon dont les éléments sont reliés plutôt que de penser à leur singularité.
Je crois que nous devons commencer à penser au patrimoine dynamique et vivant plutôt que statique, ainsi qu'à comprendre que la résilience culturelle est souvent exprimée par l'adaptation. Voilà un autre domaine où la notion du présent constitue un facteur important.
Je crois que nous devons aussi commencer à comprendre l'intangible et l'éphémère, et apprendre en quelque sorte à comprendre le rapport qui existe entre la pratique et le lieu, et non seulement entre la forme et le fond. Il faut comprendre cette interconnexion entre les deux choses. Nous devons peut-être penser à la perpétuation en même temps que la conservation, de sorte qu'on ne mette pas seulement l'accent sur la conservation, mais aussi, peut-être, sur la perpétuation.
Encore une fois, comme je l'ai mentionné, nous devons modifier notre pensée pour l'orienter vers le présent plutôt que de mettre l'accent sur le passé, et je crois qu'il faut aussi passer du sujet à l'objet. Le patrimoine bâti est centré sur l'objet. Bien entendu, on comprend le récit associé au lieu donné, mais il commence par l'objet, puis il s'en éloigne. Je crois que nous devons peut-être penser d'abord au sujet et ensuite à l'objet.
Je soulève ce point particulièrement dans l'optique des changements climatiques, car ils auront un profond effet sur le patrimoine culturel et les pratiques culturelles. La modification du mouvement des troupeaux — le caribou, par exemple, où je vis actuellement — est préoccupante. Ce changement entraînera notamment une modification des connaissances associées aux habitudes des troupeaux de caribou. Si on est confronté à la perte de la langue, ce sera difficile à communiquer. Les aînés qui ont grandi sur le territoire décèdent, et ces connaissances sont donc perdues. Il y a un changement. Les changements climatiques ont un effet sur la nature et sur la culture, et nous devons en tenir compte également.
Je crois que pour tenir compte de ces changements dans notre façon de penser, il faut investir là où les types de patrimoine se chevauchent. Nous devons commencer à penser aux chevauchements et à la façon dont nous pouvons investir pour mieux comprendre cette réalité et en tenir compte. Actuellement, il y a des éléments bâtis par ici, des éléments intangibles par là, sans compter le patrimoine naturel. L'éventail complet du patrimoine culturel autochtone englobe tous ces éléments, qui sont tous reliés. Pour tenir compte de ce fait, nous devrons commencer à penser à ces chevauchements.
Nous devons aussi commencer à penser à la notion de durabilité culturelle. Lorsque nous employons le mot « durabilité », nous ne pouvons pas simplement nous concentrer sur la durabilité environnementale. La durabilité culturelle occupe une grande place, et que concerne-t-elle? Elle concerne les langues, les pratiques, les lieux et les liens entre ces éléments.
Je me rends compte que je ne vous donne probablement pas de réponses. Ce que j'essaie vraiment de faire, c'est de vous encourager à poser différentes questions. Quels sont les besoins des communautés? Quel rôle joue le patrimoine sur le plan de leur bien-être et de leur prospérité? Concentrez-vous sur ce qu'on fait pour valoriser le patrimoine et sur les raisons pour lesquelles on y accorde de l'importance plutôt que sur les éléments auxquels on attache de l'importance. Inversement, concentrez-vous sur le rôle que joue le patrimoine en ce qui a trait à la durabilité et au bien-être culturels.
Je vous mets en garde contre l'adoption de modifications ou de changements aux outils ou aux lois sur la nature et la conservation qui intègrent un paradigme existant. Tenez au moins compte de certains des changements dans la façon de penser.
Merci.
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Oui, je vais commencer.
[Français]
Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de votre intérêt pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel du Canada.
C'est un privilège d'être ici aujourd'hui pour vous parler du Fonds pour favoriser les propriétés patrimoniales commerciales, le FFPPC, un programme de contributions que Parcs Canada a administré entre 2003 et 2006.
[Traduction]
Le Fonds pour favoriser les propriétés patrimoniales commerciales, le FFPPC, était l'une des composantes principales de l'Initiative des endroits historiques, appelée l'IEH, une initiative fédérale, provinciale et territoriale lancée en 2001 pour favoriser et enrichir la conservation des endroits historiques du Canada.
Les autres composantes de l'IEH étaient, comme vous l'avez entendu, le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux, un répertoire pancanadien des endroits patrimoniaux reconnus comme ayant une valeur locale, provinciale, territoriale ou nationale; les Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada, un document de référence pour la compréhension et la conservation des sites du patrimoine bâti; le Programme de certification, un processus de contrôle de la qualité pour s'assurer que les mesures de conservation suivies sont compatibles avec les recommandations des Normes et lignes directrices; et le programme de contributions pour l'Initiative des endroits historiques.
Le FFPPC a été annoncé dans le budget de 2003 comme un programme pilote de contributions de 30 millions de dollars afin de tester la demande du secteur commercial en ce qui concerne la remise en état et l'efficacité des outils de reddition de comptes conçus par l'IEH.
[Français]
Le FFPPC a été spécialement conçu pour répondre à la perte continue et considérable de propriétés patrimoniales au Canada. Il offre une compensation financière à des propriétaires pour une partie des coûts encourus lors de travaux de conservation d'un édifice commercial inscrit au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux et admissible au programme.
Les buts du programme étaient de sauver des propriétés patrimoniales de la démolition ou de la destruction; préserver des propriétés patrimoniales pour les générations futures, dans le respect de bonnes pratiques de conservation; et encourager la réhabilitation de propriétés patrimoniales en espaces commerciaux ou mettre en valeur des espaces existants.
[Traduction]
Le programme de contributions, reprenant des éléments du programme d'incitatifs fiscaux pour la préservation du patrimoine du gouvernement américain, proposait, selon les critères d'admissibilité, des contributions aux propriétaires à hauteur de 20 % des coûts de conservation pour la réhabilitation d'une propriété commerciale, et ce, jusqu'à un maximum de 1 million de dollars par projet. Le programme utilisait le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux, les Normes et lignes directrices et le processus de certification pour déterminer l'admissibilité et pour rendre compte des résultats.
Pendant la durée du FFPPC, 35 projets ont été achevés, pour un coût total de 143,4 millions de dollars. Le montant des contributions du FFPPC représentait 14,95 millions de dollars.
Dans un rapport d'une évaluation formative du FFPPC réalisée en 2007, il a été démontré que la portée et l'incidence du FFPPC étaient limitées par les critères d'admissibilité au programme, qui limitaient les contributions aux sociétés imposables ayant des projets commerciaux au lieu d'inclure tous les projets commerciaux sans égard à leur provenance; les critères d'admissibilité au programme qui excluaient le développement d'unités de copropriété; l'incertitude concernant la stabilité du financement dans le cadre d'un programme de trois ans; et la nécessité de préciser les critères et les procédures typiques des débuts d'un programme.
[Français]
Parmi les obstacles à surmonter qui sont souvent cités en ce qui concerne les programmes de contribution, on cite le fait qu'ils nécessitent plus que le double du temps pour les approbations en début de projet, ce qui mine la confiance des investisseurs au moment de la prise de décision. Les programmes ont aussi des plafonds financiers par année et par projet, ce qui limite leur potentiel en milieu urbain.
Malgré tout, l'évaluation formative de 2007 concluait que le FFPPC avait démontré son potentiel à engager une vaste gamme de sociétés canadiennes imposables dans des actions de conservation, en accord avec des normes et des lignes directrices de conservation nationale.
[Traduction]
L'évaluation démontrait que le programme avait généré un bon nombre de retombées indirectes dans l'économie et de bénéfices sociaux, notamment l'application des Normes et lignes directrices nationales de conservation par les provinces et les municipalités à des projets non financés par le FFPPC en raison de la démonstration faite de leur utilité et de leur simplicité; la création parallèle d'autres programmes de contributions dans les provinces et les territoires; la demande d'inscription de propriétés désignées au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux afin d'être admissible au programme du FFPPC et de bénéficier de ses mesures incitatives; la création de relations de travail étroites entre les responsables du FFPPC et du programme de certification et les autorités provinciales et municipales.
Par la suite, une étude par le groupe Deloitte, réalisée en 2010, concluait que le FFPPC démontrait des retombées et des bénéfices directs et mesurables pour les propriétés patrimoniales commerciales ayant reçu du financement, entre autres une croissance économique significative reflétée dans l'augmentation du taux d'occupation, des revenus des commerces et des locataires et de la valeur des propriétés.
Pour chiffrer ces déclarations, précisons que l'on a conclu que le FFPPC a donné lieu à des bénéfices économiques substantiels tels qu'une augmentation moyenne de 60 % du taux d'occupation des édifices dont les projets ont été financés; une augmentation moyenne des revenus des entreprises et des locataires de l'ordre de 0,3 million de dollars; une augmentation moyenne de la valeur des propriétés de 4,16 millions de dollars; et un impact direct sur l'emploi de l'ordre de 59,65 millions de dollars et sur l'impôt sur le revenu s'élevant à 19,87 millions de dollars.
[Français]
En plus de ces données quantitatives, le FFPPC a généré des bénéfices qualitatifs indirects dans plusieurs communautés au Canada, tels que la remise en fonction et le renouvellement d'édifices patrimoniaux; l'amorce de développement économique; l'usage et le maintien des compétences des artisans locaux et régionaux; la sensibilisation et l'engagement à l'échelle nationale; la préservation de l'identité communautaire et nationale; le renforcement de la diversité nationale; la construction d'une base de connaissance qui était essentielle; et l'intégration de pratiques écologiquement durables.
Je vous remercie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Commençons par la première série de questions. Il se peut que nous n'ayons pas le temps d'effectuer la deuxième série au complet. Il se peut que oui, comme il se peut que non. Nous allons entamer la deuxième série comme d'habitude et nous l'interromprons lorsqu'il ne nous restera plus de temps, car nous devons passer aux recommandations concernant la rédaction du rapport.
Je me demande si vous accepteriez... parce qu'il restera Wayne à la toute fin et qu'il n'aura probablement pas la chance de poser des questions. Le Comité accepterait-il d'inclure Wayne dans le deuxième tour, puisque nous devrons l'interrompre? Alors, ce serait les conservateurs, les libéraux et possiblement les néo-démocrates, selon l'ordre que nous suivons normalement.
Est-ce que cela pose problème à quelqu'un. Je surveillerai le temps. Si nous avons le temps de le faire, c'est très bien, mais il semble que nous n'aurons pas assez de temps pour effectuer deux tours complets. Est-ce que quelqu'un s'oppose à ce que je sois équitable envers tous et que je donne une chance à tout le monde?
Docteure Prosper, votre témoignage donnait matière à réflexion. Je crois que vous avez vraiment cerné la question avec laquelle nous avons certaines difficultés, ou vous l'avez développée, c'est-à-dire, comment pouvons-nous commémorer le patrimoine autochtone, qui est très différent de ce que nous avons vu dans la société canadienne en général, où, comme vous l'avez dit, nous commémorons des choses du passé plutôt que du présent? Je me demande quelle est la solution. J'ai remarqué notamment que le rapport sur la vérité et la réconciliation comporte une recommandation sur les commémorations. On y indique qu'une des solutions est d'inclure des représentants autochtones au sein de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. C'est probablement une solution qui permettrait de jeter un meilleur regard sur la situation pour nous assurer que nous sommes inclusifs.
Est-ce que cela va résoudre le dilemme, l'enjeu, le défi que vous nous avez présenté, ou y a-t-il autre chose que nous devons faire? Nous avons entendu au début de la semaine que nous devrions peut-être repenser notre façon de commémorer l'histoire autochtone. J'aimerais vraiment savoir ce que vous en pensez: quelle est la solution à cet égard?
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Merci. Je précise que je ne suis pas docteure, mais je vous remercie de la confiance que vous me témoignez.
À mon avis, il y a un très large éventail d'éléments qui constituent le patrimoine, et la commémoration est un instrument, un outil ou une méthode qui rend possible une action patrimoniale. En fait, c'est un des problèmes. Le patrimoine culturel autochtone a un volet commémoratif, mais, à l'autre bout de cet éventail, il y a tout simplement les pratiques culturelles. Le défi consiste à savoir quel est le rôle que joue le gouvernement fédéral pour favoriser la durabilité de ces pratiques culturelles ou y contribuer en quelque sorte, tout en sachant que l'outil principal est la commémoration.
Je dirais qu'à certains égards, c'est une question... En règle générale, pour reprendre les propos de Madeleine, je dirais que c'est défini par les Autochtones et mené par les Autochtones. Ce n'est pas tant une invitation à inclure les Autochtones à la table; je crois plutôt que les Autochtones ont besoin de leur propre table. Il va y avoir de nombreuses questions conceptuelles, mais aussi des questions pratiques dont il faudra tout simplement débattre. Les solutions devront être trouvées au fil du temps, et de façon collaborative, je crois. Le travail qu'accomplit le Cercle du patrimoine autochtone consiste en quelque sorte à établir un mandat qui part de la base, mais je crois que la communauté aura besoin d'une personne à qui s'adresser au gouvernement, à Parcs Canada par exemple. Je crois que le changement du nom de ce ministère indique que l'on souhaite aborder cette question.
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C'est une excellente question qui demanderait une réflexion plus approfondie, mais je peux peut-être vous fournir quelques éléments de réponse.
Mon témoignage, en ce moment, est plus personnel que celui d'une employée de la fonction publique.
La relation que nous avions avec d'autres entités ou gouvernements fonctionnait assez bien et, selon moi, c'était quand même relativement encourageant. En fait, pour pouvoir accorder du financement à des sites qui ne sont pas de la responsabilité du gouvernement fédéral, qui ont des niveaux de désignation autres que fédéral ou national, il faut avoir le soutien des provinces et des territoires, qui sont aussi les propriétaires des lieux, en général, même s'il s'agit de désignations municipales.
Cette relation, accompagnée de cette grande expertise au niveau canadien constituait, à mon avis, une grande réussite, parce que nous étions capables d'asseoir des normes et des pratiques de conservation qui étaient universellement acquises au niveau canadien et qui étaient partagées entre tous. Par ailleurs, cela demande un autre type d'intervention que seul le gouvernement fédéral peut engager.
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Je peux le comprendre. Ah, ah!
Je me tourne vers vous, madame Prosper. Nous partageons votre opinion en ce qui concerne la protection de la culture autochtone dans ses différentes composantes.
J'essaie de comprendre une chose. Vous avez dit que vous vouliez protéger le patrimoine vivant. Nous avons reçu un témoin, M. Moran, du Centre national pour la vérité et réconciliation, qui n'allait pas à l'encontre de cette proposition, mais qui ajoutait l'importance de protéger les cimetières pour nos jeunes Autochtones qui ont été victimes par le passé d'attitudes disgracieuses, si je peux le dire ainsi.
Dans un monde idéal, on protégera tout et on se sera assuré que ce qui a été fait anciennement sera préservé pour nous permettre de connaître notre histoire et celles de nos racines et de notre pays. Cependant, vous comprendrez qu'il faut choisir, parce que nous ne sommes pas dans un monde idéal. Nous tendons vers cela, mais l'élément important qu'est le financement fait en sorte que nous nous devons malheureusement de faire des choix.
Quelle est votre position envers le patrimoine non vivant et le patrimoine vivant que vous tenez à protéger?
La question s'adresse à vous deux, peut-être. Vous avez participé au financement du patrimoine de façons différentes au fil des années. Quelle serait la meilleure façon de protéger le patrimoine du Canada dans l'avenir?
Ma deuxième question est un peu plus difficile, sans doute. Nous avons aussi Patrimoine canadien, et nous entendons parfois dire que Parcs Canada... Je suis le porte-parole de Parcs Canada pour le NPD, mais je suis un défenseur de Parcs Canada dans son ensemble. Nous entendons parfois dire que Patrimoine canadien occupe en quelque sorte le deuxième rang après Parcs Canada en raison de la quantité de travail qu'il accomplit et des ressources qu'il doit protéger dans l'ensemble du pays, du point de vue de la nature.
Qu'en pensez-vous? Quelle serait la meilleure façon de protéger le patrimoine canadien dans l'avenir? Est-ce que Parcs Canada est le bon organisme pour le faire, peut-être avec plus de financement?
Madame Prosper, merci beaucoup de votre témoignage de ce matin. Vous apportez sans aucun doute un point de vue différent.
Je tiens à vérifier si je comprends une analogie existante pour exprimer d'où vient votre raisonnement. Il y a un an, nous étions à Haida Gwaii, et c'était vraiment une question de lieu. C'était vraiment une question de structures, mais elles étaient encadrées par la terre et la mer, et intégrées dans ce lieu avec les structures historiques.
Dans ma propre communauté, les Mohawks de la baie de Quinte se trouvent sur leur terrain de chasse traditionnel, donc ce n'est pas tant une question de lieu qu'une question de culture. En ce qui concerne les lieux, le seul lieu historique qui les intéresse vraiment est l'église Christ Church, qui a été bâtie dans les années 1700. C'est un genre de point de mire. Mais pour eux, c'est davantage une question de pow-wow, de langue et d'art, d'un nouveau centre de mieux-être, d'un terrain de crosse, de programmes de fin de semaine en forêt, d'une suerie. Tel est le patrimoine culturel qu'ils ont bâti, nouveau et existant, et qu'ils utilisent maintenant pour s'exprimer et souligner l'importance de cette expression.
Est-ce que je comprends bien que c'est là où, d'un point de vue culturel, vous constatez que ce n'est pas nécessairement une question de lieu, mais que cela peut s'exprimer et ainsi contribuer à combler les gens?
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J'ai une liste courte ici, que j'ai préparée juste au cas où vous me demanderiez des exemples.
Au Nouveau-Brunswick, il y a CenterBeam Place, qui couvre la moitié d'un coin de... C'est vraiment un regroupement de bâtiments au centre-ville. Dans la même province, nous avons la fabrique de chaussures Hartt, une vieille usine qui a été remise en état pour un usage commercial.
À Trois-Rivières, au Québec, nous avons La Fabrique.
[Français]
C'est un endroit assez ancien qui a été transformé en espace commercial. Il y a plusieurs propriétaires.
[Traduction]
La caserne de Pompiers Parkdale no 11, ici même à Ottawa, n'est plus une caserne de pompiers; c'est maintenant une école. On y enseigne la cuisine.
Nous avons apporté une contribution à Gooderham and Worts, à Toronto.
Madame Prosper, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté votre témoignage. J'aborde davantage la culture d'un point de vue écologique. Je crois que les cultures sont formées à partir des paysages et des écosystèmes où elles se trouvent. Je crois que pour bon nombre de nos peuples autochtones, c'est un principe qui est assez bien établi. J'ai vraiment aimé votre expression — je crois que je l'ai bien saisie — selon laquelle les peuples autochtones veulent que leur image se reflète dans le patrimoine canadien.
Pour donner suite aux questions de M. Stetski concernant le tourisme des Premières Nations, les industries canadiennes de la chasse et des guides emploient beaucoup d'Autochtones. Je me suis moi-même rendu dans un chalet de pêche cet été à Gods Lake, et il y avait des guides cris locaux. C'est un domaine où ces personnes sont les autorités et où on les écoute. Vous avez beau les payer et dire qu'elles sont vos employés, lorsque vous êtes sur l'eau avec elles sur un lac agité, vous les écoutez.
À quel point les activités de ce genre sont-elles importantes, et devrions-nous chercher à les renforcer?
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D'accord. Je vais aller assez vite, puisque je sais que Mark veut poser des questions également.
Madame Prosper, j'ai adoré quand vous avez parlé de « changements de la façon de penser ». Cela m'a rappelé le témoignage du Cercle du patrimoine que nous avons entendu la semaine dernière. Je suis coupable de concevoir le patrimoine comme de la brique et du mortier. Je crois que les gens sont nombreux à en être coupables, alors le concept des changements de la façon de penser m'a frappé.
Nous savons que les artéfacts autochtones sont entreposés par Parcs Canada dans des laboratoires qu'il gère. Il y en a un à Dartmouth—Cole Harbour, ma circonscription. Comment pouvons-nous mieux collaborer avec les peuples autochtones dans l'esprit de la réconciliation afin de préserver ce qui leur importe le plus et de nous assurer que lorsque ces artéfacts sont protégés, ils sont plus facilement accessibles aux peuples autochtones?
Ces artéfacts qui sont entreposés dans des installations de Parcs Canada à l'échelle du pays ne sont pas vraiment ouverts au public. Je crois qu'on peut prendre rendez-vous et aller les voir, mais les artéfacts qui appartiennent aux Canadiens d'origine autochtone ne sont pas facilement accessibles au public. En tant que gouvernement, comment pouvons-nous en venir à nous assurer que ces artéfacts autochtones sont accessibles?
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Je tiens à vous remercier sincèrement de votre présence aujourd'hui. Comme vous pouvez le constater, nous nous démenons afin de déterminer comment améliorer la situation et respecter comme il se doit le patrimoine autochtone.
Il y a eu quelques questions, dont une à savoir s'il est possible de préciser ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné dans le programme du FFPPC, puisque nous voulons vraiment comprendre ce que nous pouvons faire sur le plan des recommandations à ce sujet.
Madame Prosper, des recommandations concrètes de votre part quant aux mesures que nous pouvons prendre pour être plus respectueux et pour faire avancer cette initiative seraient extrêmement utiles. Nous passons maintenant à l'étape de la rédaction du rapport, alors nous n'avons pas beaucoup de temps pour les recevoir. Je sais que nos analystes seront impatients de les recevoir dès que vous pourrez les transmettre. Ce serait formidable.
Encore une fois, merci à tous d'être venus et de nous avoir fait profiter de votre sagesse.
Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous siégerons à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]