ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'environnement et du développement durable
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 12 avril 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je vous souhaite le bonjour.
Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins dont Mme Catherine Pearce qui représente le World Future Council. Elle est venue de Londres pour témoigner devant le Comité aujourd'hui.
Trois autres témoins participeront à la séance par vidéoconférence. Je vous les présente tout de suite.
Il s'agit de M. Peter Davies, qui a été commissaire du Pays de Galles pour un avenir durable et qui est actuellement président du Wales Council for Voluntary Action. Il témoignera par vidéoconférence de Londres. Il est accompagné de Mme Malini Mehra. Soyez les bienvenus.
Nous entendrons également par vidéoconférence, de Victoria, le témoignage de M. Thomas Gunton de l'École de gestion des ressources et de l'environnement de l'Université Simon Fraser. Nous sommes ravis de vous revoir et nous vous remercions de participer à notre séance d'aujourd'hui.
Enfin, de Berlin, nous entendrons M. Günther Bachmann, secrétaire général du Conseil allemand pour le développement durable. Nous vous remercions de vous être joints à nous.
Voici un aperçu du déroulement de la séance: nous entendrons d'abord les exposés des témoins, puis nous passerons aux questions. J'aviserai les témoins lorsqu'il ne leur restera qu'une minute de temps de parole pour éviter qu'ils ne dépassent les 10 minutes allouées.
Quant aux questions, j'aviserai également les intervenants lorsqu'il ne leur restera qu'une minute, pour qu'ils puissent conclure rapidement. Je permettrai qu'on dépasse très légèrement le temps alloué, mais j'indiquerai quand le temps de parole sera écoulé. Il faudra alors terminer la phrase commencée puis s'arrêter.
Nous commençons par entendre l'exposé de Mme Catherine Pearce qui est directrice de Justice Future. Elle est parmi nous ce matin.
Merci.
Madame la présidente et honorables députés, j'ai le plaisir et l'honneur de pouvoir donner mon opinion sur la Loi fédérale sur le développement durable du Canada.
Je suis ici aujourd'hui au nom du World Future Council, une organisation fondée en 2007 qui cherche a intégrer aux politiques les intérêts des générations futures. Nous cernons les politiques exemplaires et effectuons des recherches sur celles-ci et nous travaillons avec les décideurs et les législateurs afin de partager ces solutions éprouvées pour assurer un avenir durable pour tous. Le World Future Council préconise pour l'avenir une vision de la justice où le bon sens et les solutions politiques interreliées profitent à toute la société et fournissent une qualité de vie supérieure aux générations à venir.
Je souhaite faire trois grandes observations.
Permettez-moi tout d'abord de décrire ce qu'on entend par développement durable. Cette expression signifie prendre un engagement d'équité envers les générations futures. Le rapport de la Commission Brundtland propose l'une des définitions les plus originales et les plus répandues du développement durable. II souligne que le seul développement social et économique acceptable est celui qui garantit aux générations futures des ressources suffisantes et un environnement de qualité comme ceux dont la génération présente bénéficie.
La Loi fédérale sur le développement durable utilise la même définition. Pourtant, le concept de développement durable est de moins en moins intégré aux politiques depuis quelques années. II a été tellement dilué qu'il ne possède plus la même signification qu'autrefois, ce qui nuit à son but original. De nos jours, le développement durable désigne simplement la protection de l'environnement. Ce concept ne transcende plus les disciplines et ne semble pas avoir d'influence sur les priorités économiques. II n'encadre plus le changement nécessaire pour surmonter les défis complexes et uniques de notre époque. De plus, pour le public en général, l'expression développement durable ne signifie à peu près rien.
L'expérience au Pays de Galles montre une façon utile de recentrer le débat. Mon collègue qui m'accompagne aujourd'hui, M. Peter Davies, ancien commissaire du développement durable au Pays de Galles, peut, j'en suis certaine, vous en dire plus long à ce sujet. Les Gallois sont en voie de remplacer le titre de leur loi sur le développement durable par « Loi sur le bien-être des générations futures ». Ce changement pourrait intéresser les membres du Comité.
Le devoir légal de promouvoir le développement durable demeure l'essence de la Loi sur le bien-être des générations futures du Pays de Galles. Toutefois, pour que la loi soit mieux comprise, plus engageante et mieux mise en oeuvre par tous, on a employé l'expression « bien-être des générations futures ». Ce faisant, la loi s'affranchit des compartiments dans lesquels on l'avait mise, de cette approche unidimensionnelle qu'elle avait. En axant la loi sur le bien-être, les Gallois fusionnent la santé, les loisirs, les espaces publics, l'égalité, le patrimoine culturel et bien d'autres éléments qui sont souvent oubliés. De cette façon, la loi touche tous les domaines de politiques.
La loi galloise aide aussi à donner vie aux objectifs mondiaux de développement durable et à les rapprocher de la réalité. En raison de leur caractère universel, les 17 objectifs de développement durable devraient être mis en oeuvre d'ici 2030 par le gouvernement du Canada. L'ampleur et la nature interreliée des objectifs donnent lieu a un programme réellement transformationnel qui ne peut pas se limiter uniquement à l'environnement et qui ne peut être qualifié d'environnemental.
On doit donc en déduire que la Loi fédérale sur le développement durable ne peut pas être confinée au ministère de l'Environnement ou au Comité de l'environnement; elle doit se trouver au coeur des activités du gouvernement.
Ma deuxième observation concerne l'équité intergénérationnelle, un concept qui peut aider à donner une nouvelle signification au développement durable, comme l'a montré l'expérience au Pays de Galles et ailleurs. Malgré les meilleures intentions, les intérêts de l'immédiat ont souvent préséance sur les intérêts de l'avenir et sont souvent portés par la planification à court terme des cycles électoraux. Les cycles commerciaux à court terme, qui reposent sur les rapports trimestriels aux actionnaires, exercent encore plus de pression pour qu'on ait des effets immédiats plutôt qu'à long terme.
La théorie de l'équité intergénérationnelle a ses racines dans le droit international. La professeure Edith Brown de l'Université Georgetown à Washington est une sommité en la matière. Elle a établi les trois principes de l'équité intergénérationnelle: la conservation des options, la conservation de la qualité et la conservation de l'accès pour les générations futures.
II nous faut comprendre que les générations futures ont les mêmes droits que la génération présente pour utiliser l'environnement naturel et en bénéficier. Une fois que nous admettons ce droit à l'égalité entre les générations, des instruments économiques comme les taux de réduction, l'utilisation de nouveaux indicateurs et de nombreux autres outils peuvent être élaborés pour atteindre l'équité intergénérationnelle de manière efficiente.
Pourtant, les générations futures ne sont pas correctement représentées dans les marchés d'aujourd'hui. Leur absence leur enlève toute voix au chapitre. Cela m'amène à ma troisième observation: la défense des générations futures.
Pour garantir la pérennité du bien-être humain et environnemental, on a découvert que les gardiens des générations futures apportent une perspective à long terme aux politiques, font le lien entre les citoyens et les gouvernements, jouent le rôle de catalyseur pour la réalisation du développement durable et sont les principaux défenseurs des intérêts communs des générations présentes et futures.
Les gardiens actuels des générations futures au plan régional et national dans le monde entier ont été reconnus officiellement par le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, dans son rapport de 2013 sur la solidarité intergénérationnelle et les besoins des générations futures, intitulé Intergenerational solidarity and the needs of future generations. Fait à noter, le secrétaire général recommande la création d'un haut-commissaire aux générations futures à l'échelle internationale, concept qui a reçu l'appui de nombreux gouvernements.
Les gardiens des générations futures sont un mécanisme novateur pour réaliser le développement durable. Ces organismes indépendants se consacrent à améliorer les cadres et les processus de gouvernance, comblant les lacunes institutionnelles en défendant activement les intérêts à long terme, en aidant à promouvoir et à mettre en oeuvre la justice intergénérationnelle. Au moyen de conseils et de recommandations, en renforçant la capacité, ces organismes se sont révélés très efficaces pour combattre les perspectives à court terme et corriger les incohérences qui affectent les décisions prises aujourd'hui.
Le rapport des Nations unies identifie huit institutions présentes ou passées de défense des générations futures. Il s'agit du Commissariat à l'environnement et au développement durable du Canada, ainsi que d'organismes similaires en Finlande, en Hongrie, en Israël, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, en Allemagne et au Pays de Galles. Dans le cas du Pays de Galles, un poste de commissaire aux générations futures a été créé par la loi que j'ai mentionnée.
Il est important de noter que ces organismes sont tous très différents, bien entendu, reflétant leur milieu politique et leur contexte national. Ils bénéficient tous d'un degré d'indépendance et de pouvoirs différents. Par contre, ils tentent tous de faire preuve d'innovation lorsqu'ils interprètent la notion de développement durable pour les gouvernements avec lesquels ils travaillent et pour le grand public. C'est surtout vrai lorsqu'on considère qu'ils ont tous de solides relations avec la société civile même s'ils travaillent avec leurs collègues parlementaires.
Nous sommes conscients qu'une solution unique ne peut pas satisfaire tout le monde. C'est pourquoi, tout en reconnaissant la contribution de ces organismes, le World Future Council définit six critères nécessaires à atteindre pour qu'ils aient un impact positif. Ils doivent être indépendants et impartiaux; être compétents, c'est-à-dire qu'ils ont un personnel multidisciplinaire; être transparents; être légitimes selon les normes démocratiques; avoir un accès complet à toute l'information pertinente et être ouverts aux évaluations externes et aux préoccupations des citoyens.
Ici au Canada, le rôle du commissaire à l'environnement et au développement durable répond à nos critères. Toutefois, l'examen de la loi devrait aussi tenir compte du fait qu'il faut renforcer le rôle du commissaire et son mandat. Il y a plusieurs façons d'y parvenir. Si vous me le permettez, j'aimerais vous faire quelques suggestions.
Il pourrait être utile de rappeler aux membres du Comité que la Loi sur le vérificateur général de même que la Loi fédérale sur le développement durable régissent le rôle du commissaire et reconnaissent déjà que le commissaire doit tenir compte des besoins des générations futures. Le mandat du commissaire a donc explicitement une perspective à long terme. Cette perspective à long terme pourrait être plus visible dans les fonctions quotidiennes du commissaire. De cette façon, on respecterait davantage l'esprit de la loi et on refléterait plus fidèlement l'impact général et la cohérence de cette loi importante qui ne se limite pas à l'environnement.
Une autre façon de procéder pourrait être de fournir plus de ressources pour s'assurer que les recommandations clés sont mises en oeuvre. Enfin, on pourrait mettre sur pied un forum impartial pour rassembler les éléments de preuve et les observations de tierces parties afin de recommander des politiques cohérentes qui visualisent et interprètent la pérennité pour tous.
C'est ainsi que je termine mon exposé préliminaire.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup, madame Pearce.
Vous n'avez absolument pas dépassé les 10 minutes allouées et je vous en suis vraiment reconnaissante.
Nous entendrons d'abord les exposés préliminaires, puis nous passerons aux questions.
Voici maintenant l'exposé de M. Peter Davies.
Je vous suis très reconnaissant de cette occasion de m'adresser à vous et de vous faire part de l'expérience du Pays de Galles. Le gouvernement nous a été dévolu par le Royaume-Uni en 1999 et la loi de 1998 qui a autorisé ce transfert, la Government of Wales Act ou loi constituant le gouvernement du Pays de Galles, reposait sur le principe fondamental du développement durable.
Je vais vous parler de l'expérience galloise des quelque 17 dernières années. Au cours de cette période, nous nous sommes employés à promouvoir le développement durable dans toutes nos politiques. C'était l'une des exigences de la loi de 1998 constituant le gouvernement du Pays de Galles. Je signale cependant que nos réussites à cet égard sont très mitigées comme le révèlent le Bureau du vérificateur général du Pays de Galles, plusieurs évaluations indépendantes et les sept examens annuels du rendement à l'échelle du gouvernement, que j'ai publiés. Ces examens et évaluations font état d'un manque d'uniformité, d'une mauvaise compréhension de la notion de développement durable et de la superficialité des mesures de mise en oeuvre dans l'ensemble du gouvernement. Certains ministères ont pris de leur propre chef des mesures qui se sont parfois révélées efficaces mais, dans l'ensemble, on a noté un cloisonnement des efforts plutôt qu'une coopération pour obtenir des résultats à l'échelle pangouvernementale.
Certaines faiblesses caractérisent l'approche du gouvernement gallois pour ce qui est du respect du principe du développement durable, notamment le fait que la loi constituant le gouvernement du Pays de Galles s'applique uniquement au gouvernement et non au reste du secteur public. Cette situation a incité le Parti travailliste, qui forme l'actuel gouvernement depuis 2012, à inclure à l'époque dans son programme électoral des propositions visant à présenter une loi plus rigoureuse et plus précise pendant son mandat. Il était alors question d'un projet de loi sur le développement durable. Au cours des quatre années qui ont suivi, plusieurs documents de travail et de livres verts ont été présentés et quatre ministres différents ont dirigé l'élaboration du projet de loi. La responsabilité du dossier a également changé de ministère. À l'origine, elle incombait au ministère de l'Environnement, mais elle est ensuite passée au ministère de la Justice sociale. De plus, la loi a également changé de nom, comme Mme Pearce l'a mentionné plus tôt.
Je me rappelle fort bien que, à l'époque, le ministre avait déclaré que la notion de développement durable ne signifie rien pour monsieur et madame Tout-le-monde et qu'il fallait présenter une mesure législative qui évoque quelque chose de concret pour les citoyens. Il avait suggéré d'axer le projet de loi sur le fait que les gens se préoccupent du sort de leurs enfants, de leurs petits-enfants et des générations à venir. C'est ainsi que nous en sommes arrivés au projet de loi sur les générations futures qui est par la suite devenu le projet de loi sur le bien-être des générations futures avant d'être adopté et de devenir le Well-being of Future Generations Act ou la loi sur le bien-être des générations futures.
Cette mesure législative a été modelée par les consultations nationales que nous avons organisées sur l'avenir que nous voulons au Pays de Galles. Ces consultations ont tenu compte des consultations mondiales des Nations unies sur le monde que nous voulons. En qualité de commissaire pour un avenir durable, j'ai dirigé les efforts du Pays de Galles dans ce dossier. Ces consultations ont amené un grand nombre d'intervenants de la collectivité à participer à l'élaboration du projet de loi et à en établir la nature. Au terme d'un processus intensif d'étude et d'amendement, le projet de loi a été adopté le 17 mars dernier par l'Assemblée nationale galloise, avant de recevoir la sanction royale le 30 avril et de devenir la Well-being of Future Generations Act le 1er avril de cette année. Cette loi sur le bien-être des générations futures s'inscrit dans le droit fil des objectifs de développement durable, ou ODD, des Nations unies et, de ce fait, oblige explicitement le gouvernement à en tenir compte.
La loi précise très clairement ce que le gouvernement gallois entend par développement durable. Elle énonce les sept objectifs ciblés dans le cadre de l'avenir que nous voulons au Pays de Galles: la prospérité, la résilience, la santé, l'égalité, la cohésion sociale, le dynamisme de la culture et de la langue galloises et la responsabilité sur la scène mondiale. Le gouvernement a consulté la population plus tôt cette année, plus précisément en mars, avant de présenter un ensemble de mesures nationales et d'indicateurs pour atteindre ces objectifs nationaux.
Nous avons établi des cibles nationales assorties d'indicateurs de progrès et, aux termes de la loi, les organismes publics sont obligés de maximiser leur contribution à l'atteinte de ces cibles et à l'amélioration du rendement à l'égard de chaque indicateur.
La loi énonce très clairement le principe de développement durable en précisant qu'il faut satisfaire aux besoins d'aujourd'hui sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire à leurs besoins. La loi vise à faciliter l'atteinte de cet objectif au moyen d'une vision à long terme, d'un ensemble d'indicateurs de progrès clairs et, ce qui est primordial, d'un ensemble de principes opérationnels communs au Pays de Galles. Ainsi, les organismes publics sont tenus d'appliquer dans leur prise de décision les cinq principes opérationnels suivants: la prévention, la collaboration, l'intégration, la participation des particuliers et des collectivités et la prise en compte des intérêts à long terme.
La loi prévoit donc une trajectoire de développement à long terme ponctuée de cibles et d'indicateurs de progrès ainsi que des principes opérationnels communs s'appliquant aux activités commerciales et au secteur public au Pays de Galles. Les ministres ont commencé à appliquer la loi en vue de son entrée en vigueur, notamment pour l'élaboration des budgets, les marchés publics et les investissements dans les domaines de la santé, de l'environnement et de l'économie. Cette loi servira de cadre opérationnel pour le gouvernement et les activités commerciales.
La loi exige également que les organismes publics locaux forment des régies des services publics capables de collaborer efficacement pour offrir des solutions intégrées aux grands problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis longtemps, notamment la pauvreté, les inégalités, le changement climatique et l'amélioration de la biodiversité. Les organismes publics partagent des objectifs communs et ils sont tenus, en vertu de la loi, de collaborer au niveau local.
Nous voulons nous assurer que les générations futures aient le meilleur départ possible dans la vie. J'estime qu'il s'agit d'un élément clé de la mise en oeuvre de cette loi, notamment à cause de l'importance à long terme des premières années de vie et pour les générations futures. Notre plan est en quelque sorte symbolique: nous plantons un arbre en Afrique pour chaque enfant qui vient au monde au Pays de Galles. Il s'agit d'une affirmation symbolique de l'importance des générations futures de même que de notre engagement à l'égard de l'environnement.
Le septième objectif dont j'ai fait mention, en l'occurrence un Pays de Galles responsable sur la scène mondiale, revêt une importance particulière pour ce qui est de la mise en oeuvre de la loi.
Il va sans dire que la loi est assortie d'engagements très fermes à l'égard du changement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans l'avenir, nous verrons comment le gouvernement veille à ce que les deniers publics soient dépensés conformément aux principes de la loi, notamment dans les marchés publics et les subventions et les contributions aux entreprises et au secteur communautaire et bénévole. Je souligne également que nous nous sommes volontairement engagés à respecter une charte du développement durable pour que le monde des affaires respecte lui aussi les mêmes objectifs et applique les mêmes principes que le secteur public.
Je conclus mon exposé en présentant la personne qui me succède au poste de commissaire aux générations futures pour le Pays de Galles. J'ai renoncé à cette fonction, à l'époque non prévue par la loi, que j'ai occupée pendant 10 ans. Ma successeure vient d'être nommée et à compter du1er avril, elle occupera le nouveau poste de commissaire prévu par la loi. Elle sera investie des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et il lui incombera de veiller au respect de l'esprit de la loi. Par surcroît, le Bureau du vérificateur général du Pays de Galles a dorénavant le pouvoir et l'obligation de veiller à l'application de la loi. Je précise qu'il y a un lien très étroit entre le nouveau poste de commissaire et le Bureau du vérificateur général du Pays de Galles.
Le rôle du nouveau commissaire et les responsabilités qui lui incombent ont été établis à la lumière des conseils du World Future Council. Mme Pearce en a déjà fait mention aujourd'hui. Le World Future Council est un organisme indépendant qui défend la cause des générations futures et qui exige que les ministres et les organismes du secteur public rendent des comptes à l'égard de l'application de la loi.
Je suis ravi de dire que lorsque cette mesure législative est devenue loi en avril dernier, nous avons organisé à Cardiff une réunion à laquelle ont assisté des représentants des Nations unies et de notre commissariat. C'est avec grand plaisir que nous avons accueilli Julie Gelfand chez nous à Cardiff. Mme Gelfand connaît l'expérience du Pays de Galles à ce chapitre. Enfin, j'ose espérer que mon exposé d'aujourd'hui vous a éclairés et que vous y trouverez des éléments susceptibles d'être appliqués au Canada.
Je vous remercie de votre exposé. Vous nous avez donné des renseignements fort utiles puisque le Canada est confronté aux mêmes problèmes que le Pays de Galles. Nous vous sommes également reconnaissants de nous avoir exhorté à créer un poste de commissaire ici même au Canada.
Nous passons maintenant à l'exposé de Mme Malini Mehra.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous souhaite le bonjour ainsi qu'aux membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant le Comité.
Je m'appelle Malini Mehra et je suis chef de la direction de GLOBE International, le plus grand réseau mondial de législateurs de différents pays, qui sont des chefs de file dans le secteur législatif en matière de changement climatique et de développement durable. Je précise toutefois que je témoigne aujourd'hui à titre personnel, forte de près de 30 ans d'expérience dans le domaine du développement durable dans différents secteurs et pays, notamment mon pays natal, l'Inde.
Comme j'ai travaillé sur ces enjeux dans la communauté des ONG et aux Nations unies, ainsi qu'au coeur même du gouvernement central au Royaume-Uni et dans certaines des plus grandes entreprises mondiales — et que je collabore maintenant avec des législateurs de partout dans le monde —, j'aimerais présenter une perspective qui dépasse les cloisonnements traditionnels pour porter à votre attention, dans le cadre de l'examen que vous avez entrepris, certains faits et tendances emballantes dont vous n'avez peut-être pas entendu parler.
C'est la troisième fois que la Loi fédérale sur le développement durable de 2008 fait l'objet d'un examen. J'imagine que l'exercice vise à évaluer si cette mesure législative convient encore aux objectifs visés à l'origine ou si certains de ses aspects, notamment les priorités ou les arrangements institutionnels, doivent être modifiés.
Je présume que cet examen offre également une importante occasion de rétablir le lien avec la population à l'égard de ces enjeux, un peu comme lorsque des époux renouvellent leur engagement. Il s'agit ici de réaffirmer le contrat social fondamental entre le gouvernement et le peuple pour assurer le développement durable dans le cadre d'un engagement démocratique, pour le bien des générations actuelles et futures.
J'aimerais me pencher sur certains thèmes centraux, notamment l'adéquation aux besoins et l'engagement démocratique en vue d'une mise en oeuvre efficace. Je crois que l'examen que vous avez entrepris de la Loi fédérale sur le développement durable constitue une excellente occasion de moderniser l'approche et la pratique de gouvernance en matière de développement durable, pour mieux les adapter aux objectifs visés dans le monde d'après 2015.
Dans ce contexte d'après 2015, j'estime que le Comité devrait envisager la modernisation de la loi et le renforcement de l'engagement démocratique et de la reddition de comptes. Je fonde mon point de vue sur les trois raisons que voici.
Premièrement, nous possédons maintenant plus de deux décennies d'expérience dans la mise en oeuvre du développement durable. Au départ, les efforts se sont concentrés sur des initiatives locales dans le cadre du plan Action 21 et, plus récemment, ils ont débouché, dans divers pays, sur des lois et des cadres réglementaires en bonne et due forme. Grâce à notre expérience, nous avons une bonne idée de ce qui fonctionne et il est temps de tirer des leçons et de les appliquer. Peter Davies vient tout juste de vous donner l'excellent exemple des leçons tirées et appliquées au Pays de Galles.
Deuxièmement, l'an dernier a marqué un tournant. Je signale que 2015 a non seulement été l'année la plus chaude selon les données enregistrées, mais qu'elle a également vu la tenue d'un nombre sans précédent de sommets des Nations unies, notamment sur la gestion des risques de catastrophes, l'égalité des sexes, le financement du développement, les objectifs de développement durable et, bien sûr, le changement climatique. Ces événements ont permis d'établir un programme très clair pour 2030, mais la trajectoire devra être établie par les gouvernements concernés.
À Sendai, Addis-Abeba, New York, et Paris, des dirigeants du monde entier ont adopté de nouveaux accords globaux qui orienteront les politiques gouvernementales pour les 15 prochaines années. Il ne s'agit pas d'une approche à la carte. Les sommets qui ont eu lieu en 2015 exigent une approche pangouvernementale globale et des changements en matière de gouvernance. GLOBE International préconise une approche intégrée pour ce qui est de la mise en oeuvre des accords conclus en 2015. Nous estimons qu'il s'agit d'une approche de convergence et de cohérence.
Troisièmement et en dernier lieu, deux nouvelles tendances importantes se dessinent clairement. La première est la participation accrue d'acteurs non étatiques dans la mobilisation publique et dans la conception et l'application de solutions, notamment dans le cadre de coalitions. La seconde est un renforcement de la transparence et de la divulgation, entre autres au moyen d'une diffusion massive de données — ce que nous en avons vu récemment — et des médias sociaux.
Ces tendances établissent de nouvelles normes pour ce qui est du discours et des attentes des spécialistes à l'égard du secteur public en ce qui concerne ces enjeux. Par exemple, l'Accord de Paris est très atypique: il s'agit d'une entente très moderne en matière de diplomatie internationale et d'établissement des politiques publiques qui fait intervenir pour la première fois des acteurs non étatiques. On compte maintenant plus de 4 000 engagements officiels pour contrer le changement climatique. Ces engagements pris par des entreprises, des villes, des régions subnationales et des investisseurs auront pour effet de réduire de plusieurs gigatonnes les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Il y a lieu de se demander si ces engagements pourraient nous aider à maintenir les émissions mondiales de GES en deçà de la cible nettement plus difficile à atteindre qu'est le seuil de 1,5 degré Celsius prévu dans l'Accord de Paris.
Madame la présidente, voilà le nouveau contexte dans lequel s'inscrit l'établissement des politiques publiques. Comment les gouvernements et votre comité relèveront-ils ce défi? Voilà la question.
J'ai terminé mon exposé préliminaire. Je pourrai vous fournir plus de détails en réponse aux questions qui me seront posées. Merci.
Je vous remercie de votre exposé. Vous avez tout à fait raison pour ce qui est du défi auquel nous sommes confrontés. Nous examinons la question de près.
Nous passons maintenant à M. Thomas Gunton.
Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de témoigner dans le cadre de l'examen de la loi.
Dans un premier temps, je donnerai un bref aperçu des travaux effectués à l'Université Simon Fraser en matière de développement durable.
Au cours des dernières décennies, nous nous sommes penchés sur les pratiques de développement durable dans la plupart des pays du monde et sur les réalisations liées aux politiques dans d'autres secteurs. À la lumière de ces études et de mon expérience personnelle à titre de sous-ministre de l'Environnement, nous avons dressé une liste de pratiques exemplaires en matière de développement durable. Nous avons regroupé ces pratiques exemplaires en fonction de huit grands principes et environ 45 indicateurs. Il va sans dire que je n'en ferai pas l'énumération, mais j'estime utile de résumer brièvement les huit principes qui ont guidé nos travaux.
Le premier est l'établissement d'objectifs et de cibles mesurables et efficaces à court, moyen et long terme. Le deuxième est l'élaboration de ce que nous appelons des stratégies efficaces qui précisent clairement comment atteindre les cibles visées. Le troisième est l'intégration des aspects environnemental, économique et social aux divers éléments du développement durable. Le quatrième est de faire en sorte que la reddition de comptes vienne du plus haut niveau de prise de décision du Cabinet et de la fonction publique. Le cinquième porte sur l'importance de la surveillance et de la prévision des tendances, pour établir dans quelle mesure les cibles fixées sont atteintes ou non. Le sixième exige la mise en place obligatoire d'un processus de gestion adaptative dans lequel les stratégies font l'objet d'un examen si elles ne permettent pas d'atteindre les cibles. Le septième est d'assurer la collaboration et l'engagement de la population et des principaux intervenants à l'égard de l'élaboration et de la gestion de la stratégie. Enfin, le dernier et huitième principe est d'inscrire toutes ces exigences dans la loi.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons élaboré, à la demande de la Fondation David Suzuki, une ébauche de projet de loi sur le développement durable. Le résultat de notre travail a servi de canevas pour la rédaction de la Loi fédérale sur le développement durable de 2008. Nous estimons qu'il s'agit d'une réalisation dont le Canada doit être fier, mais nombre de lacunes demeurent, notamment parce que nombre de dispositions que nous avions prévues ou recommandées dans notre ébauche n'ont pas été inscrites dans la loi.
La première lacune concerne l'établissement de cibles. Si la loi prévoit obligatoirement l'établissement de cibles, elle n'exige pas que celles-ci couvrent tous les volets du développement durable et s'appliquent à court, moyen et long terme. Quelles sont les conséquences de cette lacune? Comme le précédent commissaire à l'environnement et au développement durable l'a conclu dans son rapport, uniquement 6 des 34 stratégies de développement durable qui figuraient dans le plan de 2013 prévoyaient des cibles efficaces. Au terme de notre examen de la version provisoire de la stratégie de développement durable de 2016, nous en sommes arrivés à une conclusion similaire, puisque nous avons noté l'absence de cibles mesurables.
La deuxième lacune vient du fait que la loi prévoit l'élaboration d'une stratégie, mais n'exige pas de documenter clairement, notamment en termes quantitatifs, comment les stratégies et les mesures envisagées permettront d'atteindre les cibles visées. Nous avons examiné toutes les politiques fédérales, notamment la version provisoire de la stratégie de développement durable de 2016, mais nous n'avons pu trouver aucune analyse montrant comment la stratégie pourrait permettre d'atteindre efficacement les cibles. Même dans le secteur hautement prioritaire du changement climatique, nous avons trouvé des listes de mesures et d'initiatives, mais aucune analyse précisant comment on prévoit atteindre les cibles de réduction de gaz à effet de serre.
La troisième lacune vient du fait qu'on a confié la responsabilité du développement durable à une unité relevant d'un directeur général au sein d'un ministère plutôt qu'à un organisme central qui relève soit d'un comité du Cabinet, soit de décideurs de haut niveau. Les fonctionnaires méritent d'être félicités pour leur excellent travail, mais à moins qu'ils ne relèvent de responsables à un niveau plus élevé de la hiérarchie gouvernementale, leurs efforts seront vains.
En quatrième lieu, nous avons constaté que la loi ne prévoit pas l'obligation d'examiner les stratégies et les mesures qui ne permettent pas d'atteindre les objectifs prévus. Par exemple, nous savons depuis un certain temps que le Canada n'atteindra pas les cibles qu'il s'était fixées en matière de réduction des gaz à effet de serre. Des études indépendantes et gouvernementales le confirment. Pourtant, on ne voit aucune exigence et aucun effort pour modifier les stratégies afin de remédier à cette lacune.
Nous avons également constaté que certains éléments de la loi donnent des résultats relativement satisfaisants. J'estime que le processus de surveillance et de publication de rapports publics entrepris par la commissaire à l'environnement et du développement durable et les rapports d'étape du gouvernement fédéral donnent d'assez bons résultats. En dépit des efforts considérables déployés pour faire participer le public à l'élaboration des plans, la loi comporte de toute évidence des lacunes qui font oublier ses éléments positifs.
Néanmoins, il est possible de remanier la loi pour remédier à ces lacunes. Dans le cadre de nos travaux, nous avons examiné l'expérience de divers pays, dont l'Allemagne —il est d'ailleurs fort à propos qu'un représentant de ce pays participe à la séance d'aujourd'hui — qui a mis en oeuvre très efficacement diverses pratiques exemplaires. Nos recherches révèlent que l'Allemagne affiche l'un des meilleurs bilans en matière de performance environnementale puisqu'elle se classe presque en tête de liste. Pour ce qui est du Canada, il se classe malheureusement dans le peloton de queue à ce chapitre.
En conclusion, je signale que des progrès remarquables ont été réalisés, mais qu'il reste des lacunes à corriger. Il faut dans un premier temps remanier la loi pour exiger l'établissement d'objectifs et de cibles à court, moyen et long terme à l'égard de tous les aspects du développement durable. Ensuite, il faut exiger l'élaboration de stratégies qui préciseront clairement comment atteindre les cibles fixées. Il faudra également prévoir un examen périodique de ces stratégies et exiger un examen obligatoire lorsqu'elles ne permettent pas d'atteindre les objectifs prévus et, enfin, confier la responsabilité du développement durable à un organisme central qui relève soit d'un haut comité du Cabinet ou du Cabinet du premier ministre.
De tels changements devraient maximiser les chances d'atteindre les cibles en matière de développement durable.
Merci.
Merci beaucoup. Vous nous avez donné énormément de matière à réflexion pour l'examen de la stratégie fédérale en matière de développement durable et de la loi.
Notre dernier témoin est M. Günther Bachmann.
C'est votre tour, monsieur Bachmann. Vous disposez de 10 minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis ravi de l'image positive qui a été donnée de l'Allemagne jusqu'ici.
Je suis en mesure de vous donner un aperçu pratique de ce qui se fait ici en Allemagne puisque je suis secrétaire général du Conseil allemand pour le développement durable depuis 2001, époque à laquelle on a commencé à s'intéresser à cet enjeu.
D'entrée de jeu, je signale que les Allemands sont satisfaits de la structure et des institutions en place. Tout fonctionne bien. Je précise toutefois que c'est au terme d'un processus d'essais et d'erreurs, pendant les années 1990, que nous en sommes arrivés à la structure actuelle. Nous avons essayé des approches ministérielles, mais sans succès. Nous avons confié la question au Parlement, mais nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés. Nous avons misé sur l'engagement des villes et uniquement sur des politiques d'initiatives locales, mais encore une fois sans succès.
Néanmoins, il faut reconnaître qu'aucune institution ou institutionnalisation n'est éternelle. Voilà pourquoi, nous cherchons actuellement à améliorer la structure que nous avons mise en place en Allemagne. Je vous parlerai donc pendant quelques minutes des efforts qui sont faits dans ce sens.
Premièrement, les institutions nationales ont une raison d'être. Nous avons décidé de conserver la notion de durabilité, de lui donner un sens et de ne pas la mettre de côté. Il va sans dire que l'imprécision de cette notion pose problème, mais en nous dotant d'une stratégie nationale globale et ambitieuse en matière de développement durable, nous sommes en mesure, aux deux ans, de rajuster le tir. Nous pouvons désormais parler de développement durable à la population. Les gens en comprennent maintenant le principe. Les sondages révèlent que près de 80 % des Allemands comprennent en quoi consiste le « développement durable ». Lorsque nous avons commencé à aborder la question en 2001, uniquement 13 % de la population comprenait la notion.
Nous avons décidé de ne pas donner un sens trop restreint à la notion de « développement durable » de façon à y inclure l'environnement, ce qui est évidemment des plus importants, mais également les enjeux que sont l'inclusion sociale, le développement social et l'économie verte. Ainsi, en Allemagne, dès qu'on parle de la durabilité, il est également question d'énergie, de ressources, des problèmes de logement, de l'égalité des sexes, de l'alimentation et de la santé, ainsi que de la croissance et de l'inclusion démographiques. Ces questions sont également liées au budget, aux allégements fiscaux et aux ressources financières que le gouvernement consacrera à l'innovation et à la recherche et au développement.
Compte tenu de la vaste portée du développement durable, nous estimons que le gouvernement doit s'engager très sérieusement à l'égard de ce dossier. Il faut également que la responsabilité de cet enjeu soit confiée à un organisme central qui fait partie de la structure gouvernementale. Comme dans le secteur privé où les entreprises comptent sur l'engagement du PDG pour obtenir de bons résultats, dans le secteur public, les intervenants des plus hautes sphères du gouvernement doivent intervenir pour assurer la participation de la population. Ils doivent veiller à la coordination et à la cohérence de ce processus ascendant.
À la lumière de tous ces éléments, nous avons réussi à mobiliser les institutions allemandes. Je vous explique ce qui a été fait. Au cours des 15 dernières années, l'Allemagne a été dirigée par cinq gouvernements d'allégeance différente, mais elle a néanmoins traité le développement durable comme une priorité. Aucun compromis n'a été fait au chapitre de l'environnement pour des motifs économiques ou sociaux.
Le gouvernement allemand a confié le dossier du développement durable à des secrétaires d'État qui se réunissent aux deux semaines, sous la direction du directeur de la chancellerie. Dans le système fédéral allemand, le directeur est ministre et il occupe un poste à l'échelon hiérarchique juste avant celui de la chancelière, Mme Merkel.
Le Conseil allemand pour le développement durable existe depuis 2001. Sa tâche est de conseiller le gouvernement fédéral. À sa tête se trouve Mme Merkel, à titre de première ministre. Au moment de sa création, ce poste était auparavant occupé par Gerhard Schröder, du Parti social-démocrate.
Nous conseillons également les ministres; c'est une autre possibilité. La chancelière nomme les membres du Conseil, qui agissent à titre personnel; autrement dit, les membres n'exercent pas leurs fonctions par délégation des banques — la banque sociale, la banque économique ou la banque écologique —, mais à titre personnel. Nous rendons compte à... Je rends compte à la chancelière. Je siège au comité des secrétaires d'État pour faire le pont entre ces deux institutions. Nous sommes chargés d'établir les enjeux prioritaires, et nous pouvons également mener des projets de notre propre chef. À cette fin, nous comptons maintenant un personnel de 12 employés. Notre budget s'élève actuellement à environ 4 millions d'euros par an.
Troisièmement, nous avons mis sur pied une commission consultative parlementaire, qui est chargée d'évaluer l'impact juridique des projets de loi. C'est presque l'équivalent allemand de l'ombudsman pour les générations futures.
Ces trois institutions se caractérisent par leur souplesse, car leurs mandats respectifs doivent être rétablis tous les trois ans ou à chaque législature. Au lieu d'entamer leurs travaux selon une certaine conception scientifique ou politique, ces institutions ont procédé graduellement à l'élaboration du portefeuille, tout en mettant l'accent sur la stratégie de développement durable.
Cette stratégie est assortie d'objectifs et de cibles. Les indicateurs sont surveillés de façon indépendante par le bureau des statistiques d'Allemagne, après quoi les statisticiens présentent des commentaires écrits sur les conclusions factuelles et les calculs.
En vertu de nos règles de gestion, nous offrons aux ministères des conseils sur la façon d'élaborer leurs politiques en vue d'atteindre les objectifs de la stratégie nationale pour le développement durable. À cela s'ajoutent quelques mécanismes secondaires. Dans le cas du Conseil allemand, nous publions le codex allemand sur le développement durable; il s'agit d'un code destiné aux entreprises, qu'elles soient privées ou publiques. Pour ce qui est du code sur le rendement des entreprises et du code sur la transparence, nous avons créé le prix allemand de développement durable, qui est remis aux entreprises et aux villes dans le cadre d'une cérémonie de haut niveau, un peu comme les Oscars.
De plus, nous avons établi un système d'examen. Ainsi, nous avons examiné, déjà à deux reprises, le programme de notre gouvernement avec l'aide d'experts internationaux. D'ailleurs, dans le cadre du premier examen, réalisé en 2009, nous avons aussi reçu l'aide d'un représentant canadien de votre ministère des Affaires étrangères, et nous vous en sommes reconnaissants.
Par ailleurs, dans le contexte des objectifs mondiaux en matière de développement durable qui ont déjà été mentionnés, nous aurons à remodeler l'approche nationale, et ce travail se fera cette année. D'ici la fin de l'année, nous aurons relancé une stratégie nationale, axée sur la notion du triple impact, selon laquelle les objectifs mondiaux auront trois conséquences pour l'Allemagne. Premièrement, conscients des problèmes qui existent en Allemagne, nous devons nous assurer de faire ce qui s'impose à l'échelle nationale. Deuxièmement, les compétences allemandes doivent s'attaquer aux enjeux qui se présentent dans l'industrie ou dans les villes, ce qui aidera d'autres pays du monde à régler, à leur tour, leurs problèmes. Troisièmement, l'Allemagne augmentera l'aide financière accordée aux pays en développement.
Pour conclure, comme je l'ai dit, rien n'est coulé dans le béton. À l'heure actuelle, nous nous intéressons à la question de savoir comment mieux enchâsser la question de la durabilité dans notre constitution. De concert avec notre parlement, nous réfléchissons aux moyens d'ajouter la notion de durabilité à la constitution allemande de sorte que cette valeur y soit ancrée.
Nous sommes également en passe d'élaborer un programme de sensibilisation destiné aux régions d'Allemagne, qui est un pays fédéral, et le parlement m'a confié un budget considérable pour établir quatre centres régionaux qui serviront, en quelque sorte, de centres de référence pour le travail du Conseil allemand pour le développement durable.
Enfin, nous intensifions les efforts de coordination au sein du gouvernement pour régler certaines questions de développement durable dans le cadre de stratégies dites sectorielles qui découleront de la stratégie globale pour le développement durable, laquelle est dirigée par le gouvernement lui-même.
Merci de votre attention.
Merci beaucoup.
Je vous remercie tous d'avoir mis à profit vos vastes connaissances et de nous avoir fait part des difficultés que vous devez surmonter pour déterminer comment faire avancer cette initiative et comment bien l'ancrer au coeur de l'appareil gouvernemental afin d'en assurer l'efficacité.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je rappelle à tout le monde que je vous préviendrai lorsqu'il ne vous restera qu'une minute. Le cas échéant, vous n'aurez qu'à terminer votre phrase. Mon but n'est pas de vous interrompre, mais de vous faire savoir que vous devez finir votre phrase et compléter votre pensée.
Sur ce, permettez-moi de vous présenter notre premier intervenant. Il s'agit de Robert Sopuck, qui remplace le député Ed Fast.
Merci beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui. Allons-y.
J'ai siégé au Comité durant mes quatre années comme député. Je suis donc ravi d'être de retour.
Le processus dans lequel vous vous lancez s'avère extrêmement difficile. Je dois admettre que j'ai fait partie de la délégation au Sommet de la Terre de Rio, qui a marqué, en gros, le début de ces efforts. En outre, lorsque je travaillais pour le gouvernement du Manitoba, nous avons tenté de mettre en pratique exactement ce dont il est question ici. Nous avons créé un conseil présidé par le premier ministre provincial, et nous avons adopté une loi sur le développement durable; d'ailleurs, j'étais le chef de cabinet. La tâche que vous essayez tous d'entreprendre n'est pas une mince affaire. Nous en minimisons presque la difficulté. Les défis sont énormes, étant donné la complexité de l'appareil gouvernemental et des différents ministères.
Je vais adresser toutes mes questions à Mme Pearce, si vous me le permettez, puisqu'elle est ici en personne.
Madame Pearce, ce qui m'a frappé dans tous les exposés, y compris le vôtre, c'est qu'il n'y avait aucune mention du besoin urgent de créer de la richesse dans la société, et ce, bien entendu, grâce aux marchés libres, qui représentent le système de création de richesse le plus efficace du monde. Pourquoi la nécessité de créer de la richesse n'a-t-elle pas été mise à l'avant-plan? J'entends par là la richesse financière.
Nous vous écoutons. Vous avez six minutes pour répondre aux questions comme bon vous semble, et les autres pourront également intervenir.
Merci.
Je vous remercie d'avoir posé cette question. Je ne peux pas parler avec certitude au nom des autres témoins qui comparaissent aujourd'hui, mais en ce qui concerne la création de richesse financière, une des expériences que nous avons constatées, et je suis sûre que c'est le cas pour bon nombre de mes collègues, c'est que le développement durable ne passe pas simplement par la prospérité économique. Il repose aussi sur la prospérité sociale, les soins de santé de base et le bien-être.
En garantissant certains de ces éléments fondamentaux, qui sont souvent négligés, si on tient compte... Souvent, certains problèmes sont écartés dans le seul but d'obtenir des fonds. C'est en examinant des aspects sociaux comme l'égalité et le bien-être commun que nous pourrons ensuite générer la prospérité économique dont vous parlez. L'une de nos faiblesses, c'est que nous avons tendance à examiner d'abord la question économique et à négliger tous les autres aspects, en pensant que ces questions se présenteront en cours de route.
Merci.
Sauf qu'en l'occurrence, c'est la notion de création de richesse qui a été écartée par chaque témoin puisque personne n'en a parlé.
Mais permettez-moi d'aller un peu plus loin. Un économiste du nom de Kuznets a créé ce qu'il appelle la courbe de Kuznets. Il a examiné les indicateurs environnementaux par rapport à la richesse d'un pays. Le meilleur exemple est l'anhydride sulfureux. Aux États-Unis, à mesure que l'industrialisation a progressé, les émissions de SO2 ont monté en flèche, et le pays s'est enrichi, mais à un moment donné dans les années 1970, les émissions de SO2 ont chuté et, pourtant, le pays a continué à s'enrichir. Il existe donc un lien très clair — et c'est le cas dans le monde moderne — entre les sociétés capitalistes de marché libre et une performance environnementale positive. J'ai rédigé, il y a quelque temps, un article plutôt ironique dans lequel j'affirme que si on veut sauver l'environnement, on doit s'enrichir.
J'en reviens donc à la question. Tout d'abord, la création de richesse dans une société devrait être à l'avant-plan. Prenons le cas de la Grèce, qui est aux prises avec une situation financière difficile en raison de dépenses publiques excessives; ce pays va-t-il s'occuper de la qualité de l'environnement à ce stade-ci? Encore une fois, j'insiste sur l'importance centrale de la création de richesse par l'entremise de démocraties fondées sur le libre marché en vue d'améliorer l'environnement. C'est une condition préalable absolument nécessaire pour l'amélioration de l'environnement.
À mon avis, si on met la création de richesse à l'avant-plan, on fait alors abstraction de nombreux autres aspects cruciaux du développement durable, aspects qui contribuent à édifier une société saine et prospère au profit de tous.
Pour assurer la création de richesse dont vous parlez, soyons clairs: si nous en faisons une priorité absolue, ce sera lourd de conséquences non seulement pour la santé de la société, mais aussi pour l'environnement local, naturel et planétaire.
Je n'ai pas dit que c'est une priorité; j'ai dit que c'est une condition préalable.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui vient de ma région. J'habite tout près d'un parc national d'un millier de kilomètres carrés, soit le parc national du Mont-Riding, en plein milieu d'une zone agricole et forestière.
La seule raison pour laquelle le Canada a pu réserver ce parc à des fins de conservation de la nature — il n'y a aucune exploitation forestière, minière ou agricole, même si toutes ces activités sont possibles... Bref, si le Canada a pu prendre une telle mesure, parmi tant d'autres, c'est uniquement parce que nous sommes un pays riche. Alors, ne venez pas déformer mes propos en insinuant que je ne me soucie pas de l'environnement et que je songe uniquement à l'aspect financier; ce n'est pas le cas. Le fait est qu'une société riche est une condition préalable à l'amélioration de l'environnement; en somme, vous ne répondez pas vraiment à ma question.
Les données sont très claires. Selon la plupart des indicateurs environnementaux, plus un pays est riche, plus il affiche des résultats positifs.
Volontiers, mais je vois que les autres témoins voudraient, eux aussi, répondre à la question. Je préfère donc leur céder la parole.
Je suis sûre qu'au deuxième tour, nous aurons d'autres questions allant dans le même sens, mais pour l'instant, nous passons à l'intervenant suivant, Mike Bossio.
Merci.
En fait, je vous prie de m'excuser, madame la présidente. Mark et moi venons de décider de changer l'ordre de nos interventions. Mark tient à intervenir en premier.
Merci infiniment.
Merci, monsieur Bossio, d'avoir accédé à ma demande. J'aimerais simplement poursuivre dans le même sens que M. Sopuck.
Je suis porté à ne pas appuyer l'affirmation selon laquelle la création de richesse est une condition préalable. J'irais même jusqu'à dire que, pour assurer la pérennité, tous les éléments constitutifs du développement durable doivent être considérés comme des conditions préalables.
Par exemple, à l'époque où j'étais maire de Kingston, lorsqu'une industrie essayait de s'implanter dans notre collectivité, le but n'était pas forcément de choisir la localité qui affichait le plus faible taux d'imposition pour créer le plus de richesses. Les dirigeants de l'industrie étaient plutôt à la recherche de collectivités qui offraient la meilleure qualité de vie parce qu'ils savaient qu'ils pourraient ainsi retenir le capital humain, et les gens désireux de vivre dans cette collectivité finiraient par profiter des intérêts économiques de l'industrie parce que cela permettrait de maintenir une main-d'oeuvre de haut calibre.
Je serais curieux de savoir comment vous entrevoyez un tel équilibre. J'ai toujours défini la durabilité comme un équilibre entre des facteurs économiques, sociaux, culturels et environnementaux, en ce sens qu'ils doivent tous fonctionner ensemble pour assurer la prospérité.
Madame Pearce, pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
Volontiers.
Merci beaucoup de votre question et de votre observation. Je suis tout à fait d'accord là-dessus.
À mon avis, une des difficultés que nous rencontrons — comme c'est le cas dans diverses régions du globe, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui —, c'est que la durabilité est souvent considérée uniquement du point de vue de la protection de l'environnement. C'est, à mon sens, l'un des graves défauts que nous devons corriger ici; en effet, le développement durable est examiné en vase clos et souvent laissé de côté, car la priorité est accordée aux préoccupations d'ordre économique, qui l'emportent de loin sur nos efforts visant à protéger les ressources naturelles, par exemple.
L'autre aspect que vous avez mentionné, c'est, bien entendu, la culture. Voilà un autre élément qui est trop souvent négligé, au détriment des sociétés et de l'amélioration de nos richesses économiques. Nous aurions peut-être intérêt à examiner également cette préoccupation.
Comment recadrer ce débat? Vous concevez le développement durable de façon très large, et c'est là une définition classique. Mais pour la plupart des gens, les mots « développement durable » ou « durabilité » n'inspirent pas grand-chose. Faut-il remettre en question le débat, c'est-à-dire le recentrer de sorte que nous puissions surmonter certains des défis auxquels nous faisons face?
Merci.
Cela m'amène justement à mon deuxième point, soit les efforts visant à recadrer le débat. À cet égard, il a notamment été question de « générations futures », et on a proposé d'utiliser cette expression dans les titres au lieu du terme « durabilité ». Je conviens que ce mot signifie différentes choses pour différentes personnes et qu'on passe une demi-heure à essayer de l'expliquer aux gens.
Ma prochaine question porte sur le pouvoir d'application. Nous avons entendu beaucoup de déclarations louables à propos du développement durable. Certains de nos invités d'aujourd'hui ont parlé des moyens de le mesurer. Une des questions qui semblent revenir constamment sur le tapis, c'est celle de savoir comment faire respecter une telle mesure législative. Comment créer une loi qui oblige les hauts fonctionnaires...? On en a parlé. Comment s'assurer que ces règles sont bel et bien respectées? Quelles en sont les répercussions dans le cas contraire?
Madame Pearce, souhaitez-vous intervenir en premier? Je serais heureux d'entendre ensuite l'avis des autres témoins aussi.
Vous avez deux minutes pour répondre à la question; vous pourriez peut-être prendre une minute, après quoi nous laisserons intervenir les autres témoins qui se joignent à nous par vidéoconférence.
Je n'ai que quelques points à faire valoir avant de céder la parole aux autres témoins.
Vous parlez d'un engagement de haut niveau, n'est-ce pas? Le développement durable n'est pas quelque chose auquel il faut songer après coup. Tous les secteurs du gouvernement doivent y porter une grande attention. Il faut un engagement de haut niveau.
Comme on l'a déjà dit, nous devons nous assurer de fixer des cibles à court, moyen et long terme. Nous devons instaurer une stratégie sur la façon de procéder. Par ailleurs, l'application est un point essentiel sur le plan de la reddition de comptes, en ce sens qu'il faut établir des indicateurs et recueillir des données pour nous assurer que nous atteignons ces cibles.
Comment corriger la situation si les choses tournent mal? Non seulement nous devons veiller à ce que toutes les décisions prises fassent l'objet d'évaluations, qui tiennent également compte des aspects sociaux et environnementaux, mais nous devons aussi déterminer les peines qui s'imposent.
Puis-je passer à Günther? Il a expliqué comment l'Allemagne a connu du succès dans ce domaine, et le pays semble avoir obtenu de très bons résultats.
Cette réussite est-elle attribuable aux mesures d'application qui ont été mises en place pour concrétiser ces objectifs en raison des répercussions qui pourraient en découler?
Mark, je dois dire que vous posez là une excellente question. Très franchement, le développement durable ne passe pas par l'autoréglementation. Autrement dit, il ne se limite pas à la réglementation. Nous avons mis en place des évaluations de l'impact de la législation, mais il serait plus important, à mon avis, d'inculquer à la société l'idée que la durabilité peut profiter à monsieur Tout-le-monde. Pour ce faire, nous devons bien comprendre l'incidence du développement durable sur la viabilité alimentaire et la création d'emplois.
Voilà pourquoi je crois que la création de richesse est un prérequis, et ce, dans le respect des limites de la planète. Tout revient à la question de savoir ce qu'on entend par « richesse » et « être riche ». En Allemagne, l'économie verte est en plein essor et elle fait de plus en plus partie intégrante de l'économie nationale. C'est ce qui inspire confiance aux gens.
Vous avez mentionné la Grèce. Je reviens tout juste d'une visite à Athènes où j'ai présenté, en collaboration avec la Banque nationale de Grèce, le code sur la durabilité pour la Grèce. Ce code, qui s'adresse aux entreprises grecques, vise à favoriser la confiance et la prospérité. C'est la voie à suivre.
Je crois que cela nous renvoie naturellement à la première question: qu'est-ce que la richesse, et comment la mesure-t-on? C'est beaucoup plus large que la richesse financière.
Passons à l'intervenant suivant, qui est M. Cullen.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins.
J'aimerais obtenir une précision de la part de Mme Gelfand. En passant, je signale aux témoins qui ne sont pas ici en personne que la commissaire à l'environnement nous honore de sa présence.
Depuis combien de temps avons-nous des stratégies et des objectifs au Canada?
Pour les stratégies et les objectifs en matière de développement durable, cela fait longtemps. Est-ce que je connais la date exacte...?
Non, cela ne fait pas 30 ans.
Une voix: C'était en 1997.
Mme Julie Gelfand: C'était en 1997, ce qui fait presque 30 ans.
Très bien.
Dans votre dernier rapport, on constate qu'au cours de cette période d'un peu plus de 20 ans, parmi l'ensemble des rapports présentés au gouvernement, seulement cinq étaient conformes à la notion de développement durable.
Ce dont nous avons parlé, c'est d'une directive du Cabinet sur l'évaluation environnementale stratégique, ce qui est différent de la stratégie de développement durable.
C'est bien cela. Donc, si on est censé donner une directive, mais qu'on finit par ne pas la publier et ne pas l'appliquer... En fait, je veux m'attarder sur la question de la conformité qu'un certain nombre de mes collègues ont évoquée aujourd'hui. Je suis intrigué par mes collègues conservateurs qui insistent pour dire que l'économie existe, en quelque sorte, à l'extérieur de notre environnement et de notre écologie. C'est une perception fascinante de la cinquième dimension.
J'ai une question à poser à M. Bachmann. Pour ce qui est du lien entre la conformité et la réussite, au Canada, nous avons connu de nombreuses stratégies. Nous avons établi de nombreux protocoles gouvernementaux qui n'ont pas été suivis. Le taux de conformité est lamentable, et ce constat bien reconnu vaut pour l'ensemble des différents types de gouvernements.
Faut-il imposer des mesures financières, des peines ou des sanctions pécuniaires aux sous-ministres et aux principaux ministres du Cabinet qui sont censés appliquer ces directives? Comment l'Allemagne a-t-elle réussi à faire respecter ces règles? Le Canada doit-il envisager d'adopter certaines de ces mesures d'application?
Je serais curieux de savoir s'il y a un exemple qui montre comment allier amendes et règlements, comme vous l'avez expliqué. Ce n'est pas ce que nous faisons en Allemagne, mais je peux dire que votre suggestion pourrait s'avérer une solution de rechange.
Pour notre part, nous avons recours à une fonction de surveillance. Une fois par année, nous organisons un sommet sur le développement durable, dans le cadre duquel la première ministre, c'est-à-dire la chancelière, s'adresse à une foule de 1 000 à 1 500 personnes qui ont vraiment à coeur le développement durable. Il y a aussi une procédure de suivi au sein du parlement. Ce n'est donc pas un mécanisme de conformité juridique, mais plutôt un mécanisme de conformité politique. Les gens doivent s'expliquer.
J'aime bien aussi l'option de l'humiliation publique.
Des voix: Ah, ah!
Une voix: Je n'en doute pas.
M. Nathan Cullen: Madame Pearce, je crois que vous avez évoqué la notion de surveillance, et M. Gunton en a aussi parlé. Une telle fonction permettrait au Bureau du vérificateur général, peut-être par l'entremise de la commissaire à l'environnement, d'assurer une surveillance beaucoup rigoureuse. D'après votre expérience, cette approche s'est-elle avérée efficace?
Oui, tout à fait. Dans l'ensemble des institutions dont j'ai parlé, on trouve une fonction de surveillance; elles ont ainsi l'occasion de rendre des comptes au gouvernement et aux charges publiques si elles ne remplissent pas leurs engagements.
De plus, à plus grande échelle, cette fonction accorde un accès aux citoyens. On s'inquiète beaucoup du manque d'intérêt, de l'apathie ou, en fait, du manque de transparence sur ce qui se passe au sein du gouvernement. Il est important que les citoyens voient, au sein du gouvernement, un premier point de contact qui est là pour examiner la durabilité et protéger leurs intérêts.
Reddition de comptes et transparence — voilà des mots prisés par tout nouveau gouvernement, comme c'est le cas avec l'actuel gouvernement. En Allemagne, c'est le chef de cabinet qui préside ces réunions, ce qui lui confère des pouvoirs accrus.
Monsieur Gunton, il reste à savoir ce que ces stratégies de développement durable sont censées viser. Tant mieux si les ministères fédéraux font des économies grâce à la réduction de photocopies ou s'ils installent quelques bornes de recharge pour les voitures électriques. Il y a aussi l'idée que chaque décision fédérale doit être examinée sous l'angle de la durabilité. C'est ce que nous devrions viser, me semble-t-il, surtout du point de vue des répercussions plus vastes dans un dossier comme les changements climatiques.
Suis-je en train de confondre deux idées différentes concernant la durabilité? Je trouverais déplorable qu'on se contente d'une simple approche de régie interne pour renforcer les pratiques de durabilité au sein des ministères fédéraux, aussi louable que cela puisse être, parce que si je tiens compte du pouvoir et de l'influence de chaque décision fédérale sur la pérennité des ressources du Canada, j'estime qu'il s'agit là d'un objectif beaucoup plus vaste et beaucoup plus important.
Je suis d'accord, et si vous examinez nos stratégies de développement durable, vous verrez qu'elles représentent vraiment une compilation d'initiatives menées par différents ministères. Cependant, il faut commencer à l'autre bout du processus, c'est-à-dire déclarer clairement ce qu'on veut atteindre et établir des cibles à court, moyen et long terme; c'est seulement après qu'on peut élaborer des stratégies pour atteindre les cibles. Par ailleurs, il faut surveiller le tout pour voir si on est sur la bonne voie, à défaut de quoi on doit prendre des mesures correctives.
En ce qui concerne la performance...
J'ai justement une question à vous poser là-dessus, car je crois que, dans votre exposé, vous avez laissé entendre que les objectifs que nous avons établis jusqu'ici ne sont pas mesurables... Comment pouvons-nous rendre des comptes s'il n'y a aucun moyen de mesurer la réussite ou l'échec par rapport aux engagements du gouvernement?
En effet. C'est là où je veux en venir: il faut, comme point de départ, établir des cibles claires et mesurables à court, moyen et long terme.
Par exemple, vous pourriez beau avoir une cible quantitative visant à réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, mais si vous n'avez pas de cibles à court et moyen terme pour surveiller constamment dans quelle mesure vous atteignez ces objectifs, il n'y aura aucune conformité ni aucune reddition de comptes.
Je songe à l'exemple de la politique financière fédérale des années 1990, politique qui a été couronnée de succès. Quelles leçons en avons-nous tirées? D'ailleurs, nous avons obtenu de bons résultats. D'abord et avant tout, il faut établir des cibles claires et quantitatives, c'est-à-dire des cibles financières à court, moyen et long terme. Ensuite, il faut élaborer une stratégie claire, sous forme d'un budget qui montre comment atteindre ces cibles. Il faut aussi définir le rendement à l'intention des sous-ministres, qui doivent s'y conformer. Si on n'atteint pas ces objectifs... Bref, tous ces éléments doivent coexister. On doit appliquer les mêmes types de stratégies aux diverses dimensions du développement durable.
Merci beaucoup de cette précision. Je crois que cela nous donne une meilleure idée de ce qui s'impose.
Merci, Nathan.
C'est maintenant au tour de M. Amos.
Merci, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins. Votre contribution à notre débat est précieuse. Il est très utile d'avoir une perspective internationale dans le cadre de nos efforts ici, au Canada, pour réévaluer la Loi fédérale sur le développement durable.
Mes questions portent plus particulièrement sur les observations faites par M. Gunton parce que je veux obtenir des précisions très pratiques et très concrètes sur le contexte canadien pour déterminer quelles modifications législatives et institutionnelles le gouvernement fédéral doit apporter.
Mais auparavant, j'aimerais prendre un instant pour dire que je suis tout à fait d'accord avec mon collègue, M. Cullen, lorsqu'il a parlé de la cinquième dimension en réponse aux observations faites par mon collègue, M. Sopuck, sur la courbe de Kuznets. Je me contenterai de signaler que la courbe de Kuznets est une évaluation ou une méthodologie économétrique qui est très controversée; elle ne fait pas l'unanimité dans le milieu universitaire, et le lien entre le PIB d'un pays, les revenus et les résultats environnementaux est totalement... Cette théorie n'est pas infondée, mais la question n'est pas tout à fait réglée, pour être honnête. Je n'en dirai pas plus.
Monsieur Gunton, vous avez de l'expérience en tant que haut fonctionnaire. Vous comprenez comment fonctionnent les systèmes gouvernementaux derrière la façade politique. Que recommanderiez-vous au Comité, sachant que nous envisageons de proposer des modifications sur le plan des lois et des politiques? Que nous recommanderiez-vous de faire, outre l'idée d'adopter simplement une approche pangouvernementale? Devrions-nous plutôt amener les organismes centraux à participer davantage? À votre avis, en quoi devrait consister l'intervention des organismes centraux au sein du gouvernement fédéral? D'après vous, quels rôles précis doit-on remplir, et dans quels ministères?
Pour ce qui est du recours à un organisme central, il faut élever le développement durable à une fonction centrale, au lieu de l'attribuer, en grande partie, à une direction générale au sein d'un ministère donné.
Le message à retenir, c'est vraiment la nécessité d'établir des cibles claires. Nous avions préparé le projet de loi qui servirait de base à la Loi fédérale sur le développement durable. Toutefois, certaines dispositions de notre projet de loi n'ont pas été incluses dans la Loi qui a été adoptée. Je crois que vous devriez les examiner.
Premièrement, nous avons proposé une disposition qui exigerait l'établissement de cibles pour chaque dimension du développement durable, y compris l'économie. À ce titre, je tiens à souligner qu'il faut assurer une intégration avec l'économie, fixer des cibles à court, moyen et long terme dans le cadre de règlements applicables aux divers domaines du développement durable et avoir la capacité d'établir les règlements. Or, ce travail n'a jamais été fait.
Deuxièmement, nous avons recommandé l'obligation de surveiller les progrès réalisés et de prévoir dans quelle mesure les cibles seraient atteintes. Cette recommandation a été mise en oeuvre seulement en partie. Il faut surveiller et prévoir les résultats pour déterminer si on atteint les objectifs.
Troisièmement, nous avons proposé une disposition en vertu de laquelle les intéressés seraient tenus de s'expliquer, à défaut d'atteindre les cibles. Ils auraient à donner des explications et à trouver une stratégie de rechange ou à proposer des révisions à la stratégie en vigueur afin de montrer comment ils s'y prendraient pour rectifier le tir et poursuivre leurs efforts à court, moyen et long terme.
Voilà donc quelques-unes des principales dispositions qui figuraient dans la version initiale que nous avons préparée vers 2005-2006.
Pas particulièrement. C'est une question qu'il faudra aborder de concert avec le gouvernement, mais de toute évidence, la responsabilité liée aux stratégies de développement durable doit relever des plus hautes sphères du pouvoir. Quant à savoir si cette responsabilité devrait être exercée par un comité supérieur du Cabinet du premier ministre, c'est une décision qui devra être prise au sein même du gouvernement pour déterminer le meilleur mécanisme de reddition de comptes à cet égard.
L'approche actuelle qui consiste à attribuer ce mandat aux échelons inférieurs d'un ministère n'est pas la solution optimale.
J'aimerais revenir au point que vous avez soulevé, à savoir qu'on n'a pas mis en oeuvre tous les aspects du projet de loi d'initiative parlementaire que la Fondation Suzuki et vous-même aviez aidé à rédiger. À ma connaissance, si la commissaire n'est pas une intervenante indépendante, c'est parce qu'une telle fonction aurait nécessité des dépenses budgétaires, ce qui n'est pas permis aux termes des règles régissant les projets de loi d'initiative parlementaire.
En rétrospective, c'est plutôt intéressant. Si je comprends bien — et corrigez-moi si je me trompe, madame Gelfand —, le titulaire du poste de commissaire est en fait nommé par le vérificateur général, ce qui le met à l'abri, à certains égards, d'une nomination par le gouverneur en conseil.
Je me demande si vous avez quelques mots à dire sur le bien-fondé d'une telle démarche. Recommanderiez-vous que le titulaire de ce poste devienne un agent parlementaire indépendant nommé par le gouverneur en conseil, ou pensez-vous que sa nomination devrait continuer de relever du vérificateur général?
Je ne crois pas que cela ait une incidence cruciale. À mon avis, la commissaire fait un excellent travail. Il y a certes des contraintes. En l'absence de cibles et d'objectifs mesurables, il lui est difficile d'évaluer les progrès réalisés. Il faut donc revenir au point de départ, c'est-à-dire fixer des objectifs clairs et des cibles mesurables qui peuvent servir à évaluer la réussite de nos politiques.
Merci infiniment. Il s'agit d'une discussion fort intéressante. Il nous faudra probablement plusieurs jours si nous commençons à entrer dans les détails, mais je vous remercie d'avoir été bref.
Nous entamons maintenant le deuxième tour de questions. La parole est à M. Bossio.
À l'instar de mes collègues, je vous remercie infiniment de prendre part à cette discussion qui revêt une grande importance pour tous ceux qui sont réunis autour de cette table dans le but de trouver des solutions pour bâtir une société durable à long terme.
J'ai beaucoup aimé certains des arguments qui ont été invoqués ici, en particulier les observations faites par M. Gunton sur les cibles à court, moyen et long terme. Il a parlé d'une stratégie qui précise comment atteindre ces cibles, le tout assorti de l'obligation de réviser la stratégie si elle ne permet pas d'atteindre les cibles. Il a aussi expliqué que ce travail doit être dirigé par un organisme central.
Étant donné que l'Allemagne et le pays de Galles en sont rendus là, seriez-vous d'accord pour dire que nous devrions envisager, à notre tour, ce genre de transition, c'est-à-dire confier à un organisme central le mandat de diriger ce travail, mesurer les cibles de façon très rigoureuse et, enfin, assurer un suivi pour déterminer si nous les atteignons?
Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet? Commençons par Peter, suivi de Günther.
J'en serais ravi.
Oui, tout à fait. Quand j'ai pris connaissance de l'analyse et des principes établis, j'ai noté que le tout correspondait bien à l'expérience galloise, si l'on tient compte de ce qui n'a pas bien fonctionné chez nous et de la raison pour laquelle nous avons mis en place cette nouvelle mesure législative. Selon moi, bon nombre de ces principes sont au centre des questions que vous devez examiner dans le cadre de la révision envisagée, et cela s'applique certainement à l'approche que nous avons adoptée au pays de Galles.
Je crois qu'avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement au pays de Galles, en mai prochain, il faudra établir des jalons très clairs relativement aux indicateurs que j'ai mentionnés dans mon exposé. On devra rendre des comptes par rapport à ces jalons et à ces indicateurs ou en faire rapport. Par ailleurs, le rendement fera l'objet d'une vérification indépendante menée par le commissaire aux générations futures et le bureau du vérificateur. Alors, oui, absolument, cela correspond tout à fait à notre expérience.
Je voudrais ajouter un dernier point en réaction aux observations précédentes. Notre pays a la réputation de créer de la richesse grâce à l'exploitation de ses ressources naturelles. Nous étions au coeur de la révolution industrielle, qui a permis l'exportation du charbon partout dans le monde. Nous connaissons les répercussions d'un développement économique débridé, et notre engagement envers la prospérité du pays de Galles repose sur une approche intégrée qui vise l'équilibre entre la justice sociale, l'environnement et l'économie.
Je conviens que les cibles et les échéanciers marquent, en quelque sorte, un tournant dans le processus d'élaboration de politiques liées au développement durable. Auparavant, la politique consistait à élaborer des programmes et à établir des mesures, des méthodes et des moyens; aujourd'hui, l'approche axée sur des délais cibles nous permet de miser sur la vérification, la confiance du public et une nouvelle forme de partenariat public-privé. C'est pourquoi j'estime que l'approche ciblée, comme vous dites, est un tournant.
À partir de là, on peut élaborer des cadres institutionnels, mais le premier principe, comme je l'ai déjà dit, c'est l'établissement de délais cibles. Nous ne sommes pas encore en mesure de faire respecter les politiques de développement durable simplement par la réglementation ou par l'adoption de règles régissant les comportements. Cela devrait être possible dans quelques années, mais pour l'instant, nous pouvons utiliser l'approche ciblée comme pratique exemplaire.
J'aimerais ajouter quelque chose à cela. Aujourd'hui, Mme Gelfand, et elle fait un travail phénoménal dans le rôle qu'elle exerce... Mais, du point de vue de la reddition de comptes et de la mise en application, je me demande s'il serait mieux de la placer sous le giron du vérificateur général ou d'en faire une entité autonome, un peu comme le directeur général des élections, le commissaire à la protection de la vie privée ou quelque chose du genre. Cette deuxième option lui permettrait de jouir de plus grands pouvoirs aux termes de la loi, plutôt que de la cantonner à un rôle de surveillance et de signalement, mais sans pouvoir réel. Serait-il mieux approprié d'avoir une entité distincte et autonome ou de continuer dans le giron du vérificateur?
Peter et Günther, encore une fois.
D'après mon expérience, il est important de soulever cette question de l'entité distincte, car il ne faut pas oublier l'aspect leadership de cette fonction: il faudra faire avancer le changement de culture, réunir des groupes d'horizons distincts et inviter des groupes à se pencher sur des questions difficiles et à mettre au point des solutions appropriées. La fonction ne se limite pas à de la surveillance. Certes, il s'agit d'un aspect important, et il est aussi important d'exiger que les gens rendent des comptes, mais la tâche à accomplir est beaucoup plus vaste que cela. Je crois par conséquent que le fait de placer cette fonction sous la responsabilité du bureau du vérificateur nuira à sa capacité d'exercer le rôle plus vaste qu'on attend d'elle. Voilà comment je résume la situation.
Merci beaucoup.
J'aimerais seulement vous faire part de l'expérience du gouvernement du Royaume-Uni, et de celle que j'ai eue en tant qu'intervenante au sein de l'État relativement à la stratégie de développement durable. Les témoignages de votre dernière séance m'ont beaucoup intéressée, notamment ce qu'a dit la commissaire sur le fait qu'elle n'a pas de pouvoirs pour faire respecter les lois.
Il est très important de faire la distinction entre une entité qui agit comme factionnaire et une entité qui est concrètement capable d'imposer la conformité grâce à des recours enchâssés dans les lois. Les deux n'ont pas besoin d'être pareils. Ce n'était pas le cas au sein du gouvernement du Royaume-Uni quand, durant cinq ans, il y a eu cette stratégie de développement durable de l'ancien gouvernement travailliste, « Securing the future ». Mais la stratégie a été mise au rebut par le gouvernement de coalition; elle n'a pas duré longtemps.
Il y avait un organisme de surveillance indépendant, la Commission du développement durable — Peter était au nombre de ses commissaires —, mais il a aussi été aboli. Cette commission avait pour mission de surveiller, mais aussi de rester en bons termes avec le gouvernement. Ce sont les ministères qui devaient veiller à ce se conformer aux directives de l'État.
Il y a eu un débat au sein du gouvernement du Royaume-Uni — y compris dans le cadre d'une enquête du comité de vérification environnementale —, à savoir s'il fallait créer un mécanisme de conformité officiel et si la stratégie devait être assujettie au Trésor ou au Bureau du Cabinet, étant donné que le Trésor est en mesure d'imposer des sanctions aux ministères fautifs. Fondamentalement, il s'agit d'abord d'une tâche de gestion. La tâche politique vient ensuite.
J'ai travaillé pendant de nombreuses années pour de très grosses multinationales. Ces sociétés ont des stratégies de développement durable extrêmement efficaces. J'ai travaillé 10 ans à la stratégie de développement durable d'Unilever, et les choses étaient très claires. Nous avons des examens annuels. Nous avions des vérifications périodiques. Nous étions constamment en train de penser à nos objectifs et de les revoir. Nous nous ajustions et les gens devaient rendre des comptes. Si une société est capable de les forcer à rendre des comptes, pourquoi ne pourrions-nous pas demander aux effectifs et aux directeurs du gouvernement de rendre des comptes?
Oui. Espérons que nous pourrons revenir à cela lors des questions qui suivront. Je suis désolé d'avoir à couper tout le monde.
Monsieur Shields.
Merci, madame la présidente. J'aime beaucoup la discussion d'aujourd'hui. C'est probablement l'une des premières fois que j'ai l'impression d'entendre beaucoup de choses sensées au sein de ce comité, et la discussion a été excellente jusqu'ici. J'aime beaucoup les témoins.
Peter, vous avez dit des choses qui ont retenu mon attention. Vous avez dit qu'il y avait beaucoup de prises de décision à l'échelle locale. Il y a très longtemps, lorsque j'étais maire et que les gens proposaient des choses, je leur demandais ceci: « Votre idée est-elle appuyée par la communauté? Êtes-vous en train de proposer quelque chose de votre propre cru ou si vous avez un certain appui de la communauté? Car sans appui, votre idée est vouée à l'échec. » Je crois que vous avez fait allusion à cela.
Les mêmes arguments s'appliquent lorsque l'on arrive à la question de l'exécution. Avons-nous des gens pour veiller à l'exécution? Je me souviens d'une époque où il y avait une amende de 1 000 $ dans ma province pour abandon de détritus. Mais personne n'a jamais écopé de cette amende, parce que personne n'aurait jamais donné une telle contravention. Si l'amende avait été réduite à 100 $, on aurait donné beaucoup de contraventions.
Le processus que vous décrivez, celui des prises de décision à l'échelle locale est un processus très intéressant. Dans notre province, nous avons eu un premier ministre qui, longtemps, posait cette question aux députés provinciaux qui proposaient des choses: « Avez-vous parlé à Marthe et Henry? Allez parler à Marthe et Henry et sondez leur opinion avant de proposer quelque chose qu'il faudrait mettre en oeuvre et faire respecter. »
Peter, pouvez-vous parler un peu plus des prises de décision locales et de l'importance que cet aspect peut avoir dans votre processus?
C'est tout à fait essentiel. Comme je l'ai dit, nous avons mis en oeuvre le processus « The Wales We Want », une initiative de 12 mois ayant pour objectif de mobiliser les collectivités, les entreprises et les particuliers de la région et d'obtenir leur aide pour étoffer la loi et lui donner forme.
L'une des choses que notre expérience nous a permis d'apprendre c'est que nous aurions dû mettre moins l'accent sur l'approche du haut vers le bas et davantage sur l'approche du bas vers le haut. Il est très important de trouver le juste équilibre à cet égard.
Mais il est aussi très important de s'assurer que l'approche est bien définie afin que les gens comprennent. L'une des exigences des nouvelles mesures législatives est de produire un rapport sur les tendances à venir et de poursuivre la conversation nationale à cet égard afin que les gens comprennent où s'en vont les choses et pourquoi il est important d'agir. Vous devez absolument faire en sorte que le dialogue et la mobilisation se concrétisent par un processus à deux volets, avec l'information et la connaissance au sujet des tendances à venir d'un côté et, de l'autre, le fait de permettre aux gens de prendre davantage de décisions à l'échelle locale.
D'après notre expérience, les progrès les plus importants se font quand l'on permet aux collectivités de se mobiliser, d'intervenir et de donner forme à leur propre avenir. Dans le cadre de « The Wales We Want », nous avons vu des collectivités répondre à l'appel et comprendre que l'initiative les invitait à se définir à l'échelle locale et à comprendre leurs priorités, les problèmes liés au changement climatique et le besoin de fournir des emplois aux jeunes. Il s'agissait de les convaincre à se prendre en main et de s'approprier leur avenir.
L'approche qui se contente d'aller du haut vers le bas ne fonctionne pas. Le processus doit être compris par les gens; il doit les mobiliser et leur permettre de s'approprier l'avenir. C'est pour cette raison que l'un des principes centraux de la loi est l'engagement. Il faut inciter les gens à prendre part au processus décisionnel.
Excellent.
Vous avez aussi dit que la flexibilité dont les collectivités jouissent joue également un rôle important dans ce processus.
Oui, c'est le cas. Bien entendu, cela s'inscrit aussi dans le processus électoral, dans le processus démocratique.
Aux termes des nouvelles mesures législatives, le commissaire aux générations futures est tenu de produire, un an avant une élection générale, un rapport sur les progrès accomplis au nom des générations futures, un rapport sur notre situation par rapport aux jalons qui ont été fixés à titre d'indicateurs. L'objectif délibéré de cette exigence est d'encourager la tenue d'un débat et d'une discussion mieux éclairés au sujet de ce que nous faisons, des choses que nous devrions faire de façon plus soutenue ou moins soutenue, et de ce que nous devrions améliorer sous le prochain gouvernement. C'est une façon de soutenir le processus démocratique que sont les élections et d'améliorer les débats qui entourent ces dernières.
Ce que vous bâtissez dans vos collectivités, c’est un changement de comportement et non une imposition sous le coup de la menace. C’est ce que je comprends.
Tout à fait.
Je crois qu’il faut une responsabilisation à l’endroit du gouvernement en ce qui concerne l’exécution de la vaste gamme de mesures prévues aux termes de la loi. La loi en elle-même ne va pas être une panacée, elle ne va pas changer le monde à elle seule. Pour que le changement se fasse, il faut un processus apte à mobiliser la population dans son ensemble.
Merci.
Comme vous le savez, le Canada est un grand pays. Géographiquement, le Pays de Galles est un peu plus petit. À Saint John, Nouveau-Brunswick, je serais le dernier à dire que vous devez faire exactement la même chose que ce qui se fait dans ma ville. Nous avons un grand pays et je crois que la prise de décision à l’échelle locale… Nous devons être très prudents lorsque nous parlons de fixer des normes nationales et de la façon d’évaluer les résultats. Nous devons être très prudents parce que nous avons un très grand pays, un pays très diversifié.
Combien de temps me reste-t-il?
Permettez-moi de revenir à Mme Pearce. Vous avez commencé à parler à la dernière minute et je sais que vous vouliez ajouter quelque chose. Vous souvenez-vous du fil de votre raisonnement? Vous avez arrêté votre phrase à mi-chemin et vous avez manqué de temps pour aller au bout de votre réponse.
Pour être certaine d'avoir été bien comprise, permettez-moi dans ce cas de répéter que le Canada est un très grand pays, et que les besoins de la société varient beaucoup d’un océan à l’autre. Les mots qu’il faudra utiliser pour encourager l’engagement et la participation du public devront être choisis avec précision pour chacune des différentes régions qui composent notre beau pays, et tenir compte de la façon dont le gouvernement interagit avec le public. Nous ne pouvons pas compter sur une formule universelle pour le processus qui nous permettra d’ouvrir les relations entre le public et les gouvernements et d’améliorer la confiance à cet égard.
Un des éléments qui permettent de veiller à ce que les gouvernements soient sur la bonne voie et d’assurer qu’ils font ce qu’il faut pour atteindre ces objectifs... La question des données non regroupées est aussi extrêmement importante et extrêmement complexe lorsqu’il s’agit de tenir compte des préoccupations du Canada et de vérifier les progrès accomplis. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’il faudra un travail colossal à cet égard, c’est-à-dire en ce qui concerne la façon dont nous allons définir ce que nous cherchons à accomplir et assurer que nous atteignons les cibles fixées.
Tout a pas mal été dit.
Je suis d’accord avec Martin — c’est une excellente conversation. Nous pourrions continuer nos tours de table et parler de cela toute la journée.
Madame Pearce, j’ai toujours été d’avis qu’en ce qui concerne l’environnement, le vrai leadership devait venir du gouvernement et que l'effet des stratégies que nous nous donnons grandira avec le temps. Sans égard pour les mesures législatives et les lois, avez-vous l’impression que les entreprises tiendront compte des appels du gouvernement et qu’elles changeront leurs façons de faire si on leur donne l’exemple?
En fait, je crois que c’est une situation très complexe.
Lorsqu’il est question de leadership, on voit souvent qu’il peut venir tout autant du secteur privé que du gouvernement, sinon davantage.
À bien des égards, je crois que ce qui compte, c’est la façon dont le gouvernement prend ses responsabilités et s’assure qu’elles seront reprises par tous les ministères — plutôt que d’avoir une approche qui marginalise —, sous la direction d’un organisme central bien ciblé. Il y a beaucoup à apprendre sur la façon dont une entreprise intègre une approche de durabilité, sur ce qu’elle fait pour s’assurer que les objectifs du gouvernement en matière d’environnement sont atteints.
À l’échelle internationale, il y a des exemples de sociétés qui imposent leur leadership et qui montrent aux gouvernements comment ils doivent mobiliser le monde des affaires, présenter leurs cibles et s’assurer d’avoir la bonne stratégie pour les atteindre.
La durabilité est l’affaire de tous, n’est-ce pas? C’est l’affaire des gouvernements. C’est l’affaire des entreprises et c’est aussi celle du grand public. Nous avons tous un rôle à jouer. Je crois que les relations entre ces trois différents secteurs sont en fait un aspect très important de cette équation.
Il y a de nombreux éléments à la base de la société qui font vraiment des choses dans ce domaine parce qu’ils n’en peuvent plus d’attendre que les gouvernements ou le secteur privé prennent l’initiative. Il y a de nombreux exemples dans le monde dont nous pouvons nous inspirer — des occasions d’apprendre les uns des autres —, et je crois que la question des relations est très complexe. Certains éléments ont des choses à nous montrer. Nous avons parlé des leçons retenues. Je crois que c’est quelque chose dont nous devrions parler un peu plus.
Formidable. Merci.
Madame la présidente, nous avons beaucoup comparé la pertinence des mesures législatives, des politiques et de la stratégie. Nous avons dit qu’un bon plan ne saurait être efficace sans moyen de le faire respecter. Nous avons échangé à peu près les mêmes idées au cours de réunions antérieures et de la présente réunion. Nous avons aussi parlé de renforcer le rôle de la commissaire, et Mme Pearce a aussi fait allusion à cela. Mike a dit que nous devrions lui donner un peu plus de pouvoir. Nous avons parlé de trouver des façons de mesurer nos réussites. Nous avons parlé des objectifs, des cibles et des indicateurs.
Je peux me tromper là-dessus, mais je crois, monsieur Davies, que vous avez dit que le Pays de Galles a son plan. Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n’auriez pas dites, mais je crois que vous avez mentionné que le plan était enchâssé dans la loi. Pouvez-vous nous donner des précisions à cet égard? Insinuez-vous que le Pays de Galles a maintenant quelque chose qui est plus fort qu’une politique ou une stratégie? Même si vous avez dit qu’il ne s’agissait pas d’une panacée, j’aime le fait que vous avez présenté votre plan un an avant l’élection et que vous avez en cela placé la responsabilité d’avoir des résultats et de faire respecter le plan entre les mains des politiciens.
Cela fait maintenant un an. Voyez-vous des résultats? Avez-vous des données dont vous pourriez nous faire part à ce sujet? Une bonne partie de votre présentation de 10 minutes reprenait beaucoup de choses dont nous avons discuté autour de cette table et des réflexions que nous nous sommes faites.
C’est maintenant une loi. Cela s’est fait en avril, il y a environ une semaine, alors c’est tout récent. Le projet de loi a été adopté, il a reçu la sanction royale l’an dernier et c’est devenu une loi cette année. Le plan est maintenant un cadre de travail. Bien simplement, disons que c’est notre feuille de route en matière de développement à long terme. Il établit comment nous voulons nous développer en tant que nation. C’est un ensemble d’objectifs et de mesures permettant d’évaluer l'atteinte de ces objectifs assorti d'une obligation pour le gouvernement de fixer des jalons relativement aux progrès accomplis. Le cadre est lié au cycle électoral. Il renvoie donc au processus démocratique. Il ne peut être dictatorial; il renvoie concrètement au processus démocratique.
Notre expérience avec les partis politiques en ce qui concerne l’intégration de ces mesures dans la loi a été… Comme l’un des partis de l’opposition l’a formulé: « Vous savez, nous ne sommes pas en désaccord sur ce que nous cherchons à réaliser à long terme, mais nos opinions divergent quant à la façon d’y arriver. » C’est ce que l’on appelle de la politique.
Bref, la loi fixe notre itinéraire en matière de développement à long terme. Il y aura de longs débats et de longues discussions de nature politique au sujet de la façon de procéder et des mécanismes les mieux indiqués pour faire des progrès par rapport aux jalons qui ont été fixés. Ce que nous avons tenté de faire, c’est de jeter les bases d’un consensus au sujet de ce que nous souhaitons réaliser en tant que nation, de mettre en place des mesures bien définies et de clarifier la façon d’arriver à ces fins. Le principe consistant à intégrer les collectivités au processus décisionnel fait partie de ces façons de faire.
Pour résumer ce que vous venez de dire, une loi a plus de mordant qu’une politique, qu’une stratégie ou qu’un statut. Croyez-vous que nous aurions avantage à procéder de la sorte?
Tout à fait. Auparavant, la dynamique en était une que je désignais comme le devoir du copier-coller. En d’autres mots, les fonctionnaires copiaient les énoncés et les collaient dans les documents des nouvelles politiques, et c’est à cela que se résumait la mise en œuvre du développement durable. On se contentait de reprendre ces énoncés dans les introductions des documents pour laisser entendre que la nouvelle politique était conforme à notre devoir à l'égard du développement durable. Ce que nous avons maintenant est beaucoup plus clair et beaucoup mieux focalisé sur ce que nous tentons d’accomplir, et la loi est assortie de mesures pour suivre les progrès réalisés en ce sens.
Alors oui, tout à fait, c’est la transition par laquelle nous sommes passés.
Merci à tous les témoins qui se sont déplacés pour être parmi nous aujourd’hui.
J’aimerais toucher à deux ou trois choses. Comme l’a dit Mme Gelfand, il est vrai que la durabilité est à l’ordre du jour de l'État depuis environ 30 ans, mais la durabilité existait déjà lorsque les premiers colons sont arrivés. Je me rappelle que mon grand-père parlait de durabilité pour ses quarts de section. Lui qui était arrivé au pays en 1905 avait l’habitude de mettre ses terres en jachère d’été après une année de culture. Il parlait du trappage qui se faisait au début. Il disait que vous ne pouviez pas trapper tout le temps dans la même forêt, que vous deviez vous limiter à un certain nombre de prises et laisser ensuite la forêt prospérer.
La notion de durabilité a toujours été là. Chaque personne ici présente s’est dotée d’une sorte de plan pour faire durer sa propre vie. Pour le gouvernement, les choses sont beaucoup plus compliquées. C’est beaucoup plus simple lorsque vous êtes la seule personne à qui vous devez rendre des comptes. Dans le cas d’une société, il y a un PDG et c'est lui qui encaisse, car c’est lui qui prend les décisions. Pour le moment, c'est nous qui formons l'administration publique, et le pays à administrer est très vaste et très complexe. Comme l'a dit M. Shields, le Canada se compose d'à peu près 12 régions et il y a quatre formes de gouvernement. Notre tâche est de concevoir un bon plan qui nous permettra de répondre aux attentes internationales.
Je vais poser une question à M. Gunton. En jetant un coup d'oeil à la composition de notre pays, nous constatons qu'il y a les provinces et les Territoires du Nord-Ouest. Il y a des gouvernements provinciaux et un gouvernement fédéral. Il y a aussi les peuples autochtones dont il faut tenir compte. L'une des choses qu'il nous faudra comprendre c'est que personne au pays n'en connaît autant sur la viabilité à long terme que nos peuples autochtones, parce qu'ils ont vécu du territoire et qu'ils croient en ce que le territoire a à leur donner.
Vous avez dit tout à l'heure que le Canada était parmi les pires tandis que l'Allemagne était parmi les meilleurs... Je sais par ailleurs que l'Allemagne dispose d'une gouvernance passablement efficace. Néanmoins, comment croyez-vous que nous pourrons mobiliser l'ensemble du Canada afin de mettre au point un programme qui tiendra bien la route?
Je sais que c'est une question tendancieuse, et je m'en excuse.
C'est une excellente question. De toute évidence, le milieu dans lequel nous devons travailler est très complexe en ce qui a trait aux intervenants.
On a mentionné l'importance d'une collaboration intégrant de multiples intervenants. Cela me fait penser à des choses semblables qui ont été tentées en Colombie-Britannique, comme l'initiative « War in the Woods », où nous avons réuni une foule de groupes distincts, dont les Premières Nations, dans le cadre d'échanges qui ont parfois duré deux ou trois ans, et qui ont permis dans certains cas de conclure des ententes consensuelles sur la façon d'avancer en tenant compte de la notion de durabilité.
Assurément, c'est une chose qui est réalisable. Il faut que ce soit une conversation réunissant de multiples intervenants. Dans une foule de cas, comme celui des oléoducs — une question d'importance capitale au Canada — , nous avons présentement recours à des approches fondées sur l'affrontement aux termes desquelles nous cherchons à monter les parties les unes contre les autres dans le cadre d'audiences quasi judiciaires. Nous devons viser plus haut que cela. Nous devons opter pour une approche de collaboration incluant toutes les parties concernées. Nous avons eu un forum national qui a été très utile. Ce serait une bonne chose de remettre au goût du jour les mécanismes qui sollicitent de multiples intervenants.
Comme vous le savez, l'Allemagne fonctionne elle aussi avec un régime fédéral. Selon nous, elle a réussi d'assez belle façon à intégrer ce qui se passe à l'échelle nationale aux différents ordres de gouvernement. Du reste, il y a là-bas des modèles qui méritent d'être examinés.
Monsieur Bachmann, vers la fin de votre exposé, vous avez parlé brièvement de centres régionaux. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet? Je crois que le Canada a environ 12 ou 13 centres régionaux. Comment cela fonctionne-t-il en Allemagne? Aussi, quel type d'information cherchez-vous à obtenir de ces groupes pour vous aider?
L'Allemagne a 16 provinces de différentes tailles. Il y a environ 200 collectivités locales. On constate maintenant que des liens ont été tissés par le gouvernement pour relier l'administration fédérale aux villes et aux provinces. Ce que nous ne sommes pas encore parvenus à faire, c'est d'intégrer les communautés bâtisseuses — les gens de la base, les artistes, le monde de la culture, les scientifiques, les gens qui travaillent en foresterie et les agriculteurs. Tous ces gens travaillent dans une sorte de tunnel. Nous ne sommes pas encore arrivés à faire le pont, à mettre au point une approche qui permettra d'englober tous ces groupes. La réunion de ces communautés est la dernière chose que ces quatre centres — nord, sud, est et ouest — sont censés concrétiser.
L'Allemagne a encore du travail à faire avant que l'on ait le sentiment que les gens travaillent les uns avec les autres sur le terrain.
J'aimerais revenir au rôle de surveillance. Je vais m'adresser à Mme Pearce. Dans quelle mesure croyez-vous que ce rôle pourrait être renforcé, au point de... Ce qui me préoccupe, c'est que c'est une question qui est débattue depuis un certain nombre de décennies, ici, au Canada, et le fait que la rhétorique et les espoirs n'ont pas souvent été suivis de résultats.
Hier soir, l'un de nos collègues avait organisé une réunion pour jeter un coup d'oeil aux engagements du Canada dans le dossier des changements climatiques. Même avec tous les efforts investis par les provinces et le gouvernement fédéral, même avec notre cible actuelle — cette cible qu'avait fixée le gouvernement précédent et qui n'est pas suffisante pour concrétiser l'engagement pris par le nouveau gouvernement — nous en sommes à 97 mégatonnes de ce que le Canada a promis jusqu'ici, et la question se porte sur la façon de réconcilier les deux.
Certains croient que ce dont nous parlons ici pourrait servir à rendre le Canada plus dynamique et plus rigoureux, et même l'aider à prendre des engagements et à les respecter. À la vue des modèles dont nous parlons, des modèles que vous avez étudiés ou de ceux qui sont envisagés, ici, au Canada, croyez-vous que cela est possible?
Comme je l'ai dit lors de mon témoignage, le rôle de la commissaire à l'environnement et au développement durable actuel est très important, mais nous croyons que certains éléments devront faire l'objet d'ajustements si nous voulons renforcer le mandat associé à ce poste et à ce bureau.
De façon générale, ce poste est au diapason d'autres entités semblables ailleurs dans le monde. Il jouit des mêmes types de pouvoirs, il a la même responsabilité et il a la capacité de veiller à la conformité dans l'ensemble de l'État en ce qui concerne les cibles de durabilité et autres.
Je n'ai peut-être pas été assez précis.
En matière de conformité, imaginez que le gouvernement arrive avec un plan visant un recul draconien des émissions de gaz à effet de serre — une direction fédérale, une stratégie sur la tarification du carbone, tous les mécanismes auxquels vous pourriez penser. Peu importe de quel point de vue l'on se place, la tâche à l'ordre du jour serait colossale. Personne ne pense à cela en ces termes.
Croyez-vous que les stratégies fédérales de développement dont nous parlons maintenant — avec quelque agence, une version améliorée du commissariat ou quelque autre rôle — seraient en mesure d'assumer les conséquences inévitables d'un plan aussi énergique ou ambitieux?
Je suis évidemment d'avis qu'il faudra renforcer le rôle actuel du commissariat si nous voulons qu'il soit en mesure d'assumer ce fardeau et toutes ses conséquences. Comme nous nous en apercevons ici, ce n'est pas l'affaire d'un seul organisme ou d'une seule partie prenante. L'engagement doit être total et inclure le Parlement, l'administration publique, le secteur privé et le public.
Notre expérience à l'international nous a permis de constater que les entités qui ont le plus d'influence et le plus de poids sont celles qui nouent des liens avec ces différents secteurs et travaillent avec eux. Pour ce qui est de reconnaître quand une cible n'est pas atteinte ou quand des efforts accrus sont nécessaires, il est important que la commissaire soit en mesure de faire de la recherche et de réaliser des études, de travailler avec certains intervenants clés, de jauger quels efforts additionnels sont requis et de trouver pourquoi les cibles ne sont pas atteintes.
Je crois que je vais poser ma question à M. Bachmann. Le rôle actuel de la commissaire — du moins, tel qu'on l'envisage — est de regarder en arrière. On s'attend d'elle qu'elle évalue ce qui a été fait. Cela a été très difficile jusqu'ici puisqu'il est arrivé souvent que la commissaire ne disposait même pas des données nécessaires pour comprendre ce qui avait été fait.
Monsieur Bachmann, selon vous qui êtes en Allemagne, et compte tenu des changements radicaux que le Canada devra apporter à son profil énergétique et de la quantité de gaz à effet de serre qu'il lui faudra éliminer pour se conformer aux normes de l'ancien gouvernement — sans égard pour cette nouvelle norme postindustrielle de 1,5 °C —, croyez-vous que les stratégies et les mécanismes dont nous parlons... Vous avez parlé d'unir nos forces, de s'ouvrir au public et de reconnaître ce que l'État a fait et n'a pas fait.
Vous pouvez sentir mon scepticisme — ou « mon inquiétude » serait peut-être mieux approprié — quant à la capacité de ces véhicules à traiter de la question des changements climatiques, et d'elle seule. Je sais que la durabilité a une portée beaucoup plus vaste, alors je ne parle ici que des changements climatiques.
Ce dont nous discutons sera-t-il suffisant ou devrions-nous envisager une bonification d'une portée beaucoup plus vaste?
J'ai eu un certain rôle à jouer dans la décision qui, à l'époque, était vastement reconnue comme la Energiewende allemande, ou transition énergétique. Depuis ce moment charnière, en 2011, nous avons évidemment eu recours à un système de direction et de contrôle, à la fonction de l'État et à la fonction des auditoires. Avec de tels procédés, les gens se demandent: « Qu'est-ce que cela signifie pour moi? Quels sont les risques qu'il me faut assumer? »
Il serait mieux d'ajouter une dimension à cette question, dimension qui porterait sur les chances et les options plutôt que sur les risques et les coûts. Les gens se demanderaient alors: « Comment puis-je y trouver mon compte? Comment puis-je m'inscrire dans le portrait d'ensemble? » Voilà comment fonctionne la transition énergétique allemande. Comment puis-je y trouver mon compte? Comment puis-je inciter les autres à embarquer et comment puis-je multiplier les choix à leur intention?
Voici ce que je vous réponds. Je crois que la commissaire devrait jouir de toute l'indépendance que permet ce poste.
Cela ne se limite pas à une fonction de surveillance. Il s'agit aussi d'offrir des choix et d'encadrer les gens dans une nouvelle fonction.
Merci beaucoup.
Vous avez en fait eu six minutes pour vos questions. Comme vous avez eu deux fois plus de temps, je vais donner trois minutes additionnelles aux deux autres partis pour une dernière question avant de mettre fin à notre réunion. Cette séance a été formidable.
Monsieur Fast, vous avez trois minutes.
Merci. Ma question s'adresse à M. Gunton.
Vous avez affirmé très clairement que vous vouliez que les mesures législatives — ou, peut-être, la stratégie — soient assorties de cibles rigoureuses, obligatoires et mesurables. Tout d'abord, avez-vous l'intention d'inclure ces mesures dans le texte de loi, de les enchâsser dans la loi proprement dite ou de les consigner dans un règlement, une politique ou une stratégie?
Ce que nous avons recommandé, c'était de les imposer en tant que règlement. Des dispositions sont maintenant comprises aux termes de la loi pour établir ce règlement. Il est donc possible de le faire en ayant recours à un règlement plutôt qu'à la loi proprement dite.
Je présume que vous parlez de ce type de cibles pour tout l'éventail d'indicateurs économiques, environnementaux et sociaux.
Oui, c'est exact. Des cibles intégrées à tous ces indicateurs.
Permettez-moi cependant de faire une mise en garde. Il faut beaucoup de temps pour fixer des cibles sensées et raisonnables. Ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Et je vous conseille de commencer par les domaines les plus prioritaires.
Je suis content que vous parliez de cela, car comme je commençais à penser à votre suggestion d'inclure un tel règlement à la Loi fédérale sur le développement durable, je me suis aperçu de la taille du défi. Seulement sur le plan économique, il faudrait tenir compte de la création d'emplois, de la croissance du PIB, du chômage chez les jeunes, de l'égalité des revenus, des conséquences pour les aînés, etc.
Puis, il faut aussi parler de l'aspect environnemental, qui comprendrait les émissions de gaz à effet de serre, les polluants atmosphériques et d'autres toxines qui se retrouvent dans l'environnement. Nous avons parlé de cibles de conservation, de la santé des océans, des espèces menacées. Ensuite, il y a l'aspect social avec des éléments comme la pauvreté chez les Premières Nations, l'intégration des immigrants, l'éducation et les questions de santé.
Il est ici question de créer un ensemble exhaustif de cibles représentatives. Je crois que mon questionnement vient de la perspective d'inclure ces cibles aux termes de la Loi fédérale sur le développement durable. Ce n'est peut-être pas une façon appropriée de procéder. Ces cibles devraient être fixées par les ministères individuels qui ont à voir avec des aspects plus vastes abordés par cette loi.
Qu'en pensez-vous?
Je ne le conteste pas.
On pense souvent que la Loi fédérale sur le développement durable fixe des cibles environnementales, mais il faut des cibles dans ces autres secteurs. On aurait peut-être intérêt à les fixer à différents endroits. Lorsqu'on prend la Stratégie fédérale de développement durable actuelle, celle qui est proposée, on tente de fixer des cibles pour un certain nombre de dimensions, mais il n'y a aucune cible quantitative mesurable, exception faite de deux ou trois points dans ce plan.
Si vous ne savez pas clairement ce que vous cherchez à atteindre, vous n'arriverez jamais à l'atteindre et vous ne saurez jamais si vous êtes sur la bonne voie.
Alors oui, établissez vos priorités. Vous ne pouvez pas tout faire en même temps, mais nous avons vraiment besoin de fixer, sans tarder, des objectifs mesurables et clairs à court, à moyen et à long terme, pour déterminer ce que nous voulons faire et avant quelle date nous allons le faire.
Merci. J'aimerais revenir à Günther.
Vous n'avez jamais eu la chance de répondre à ma question tout à l'heure, et Nathan Cullen l'avait aussi abordée en partie. En Allemagne, quel rôle équivaut actuellement à celui de commissaire à l'environnement? En quoi consiste-t-il et quel pouvoir d'application a-t-il au sein du système allemand?
La fonction qui se rapproche le plus de celle du commissaire est celle du groupe consultatif parlementaire allemand sur le développement durable. Il joue un rôle d'ombudsman ou de commissaire au Parlement. Il surveille le gouvernement et établit le programme au sein du Parlement. Nous n'avons pas de commissaire.
Il n'a pas de rôle d'application, cela revient au gouvernement. Et au sein du gouvernement, il n'y a que la fonction directrice du Cabinet du premier ministre et la présidence, par le ministre fédéral, de ce groupe de secrétaires d'État.
D'accord, merci.
Avant de commencer, j'aimerais dire que j'ai visité l'Allemagne. C'est un pays magnifique, mais aussi complexe avec ses différentes régions, l'Est et l'Ouest, alors le patrimoine culturel récent est différent et la société, très complexe. Cependant, vous avez aussi réussi à faire fond sur ces complexités, à définir ces buts, ces objectifs, et à les mettre en oeuvre. Je sais que nombre de nos collègues ont dit que c'était très complexe.
Par où devons-nous commencer? Comment fixons-nous ces objectifs dans divers ministères et régions? N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'à ce jour, vous l'avez bien fait et qu'il ne suffit plus qu'à essayer de les atteindre?
Oui, je suis tout à fait d'accord. Je pense que nous avons fait un travail qui aide l'Allemagne. Il offre à la société allemande des options pour être riche et prospère, et c'est vraiment ce que les gens veulent. Lorsque nous avons commencé en 2001, les politiciens de tous les partis ont dit qu'ils n'aimaient pas l'idée des cibles quantifiées et des échéanciers, que cela les emprisonnerait. Or, ils n'aiment pas se retrouver poings liés. Nous devons débouter cet argument en suivant des pratiques exemplaires et en faisant le premier pas. Il faut agir au lieu de penser à la complexité.
Merci beaucoup. Ce fut une excellente réunion, et deux heures ne suffisent jamais pour explorer avec vous un sujet aussi vaste et important que celui-ci. Nous vous savons gré du temps que vous avez pris pour nous faire part de vos expériences et nous aider à voir la voie à suivre alors que nous cherchons des façons de faire fonctionner cette loi. Je ne veux pas revenir sur toutes les choses importantes que vous avez dites, mais vous nous avez vraiment donné matière à réflexion.
Comme je le dis toujours à tous nos témoins, vous avez entendu les questions. Nous aimerions beaucoup avoir une copie de votre mémoire. Nous aimerions avoir tout ce que vous pensez que nous devrions savoir, en fonction des questions qui ont été posées. Vous nous avez donné nombre d'excellentes réponses. Si vous pouviez nous les mettre par écrit et nous les transmettre, ainsi que tout autre point qui vous sera venu à l'esprit dans l'intérim, nous vous en saurions gré. Nous sommes très intéressés à savoir ce que vous pouvez nous dire à ce sujet.
Merci encore de nous avoir donné de votre temps et d'être venus aujourd'hui.
Avant que nous levions la séance, nous avons une mesure de plus à discuter, mais nous devons d'abord laisser les autres partir. Nous allons discuter brièvement des affaires du Comité.
Monsieur Amos, nous vous écoutons.
Merci, madame la présidente.
Je voulais seulement présenter un avis de motion, car j'ai remarqué, comme nous tous, que la Chambre des communes avait adopté le 22 mars un ordre désignant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable, le nôtre, comme étant le comité désigné aux fins du paragraphe 343(1) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Je voulais m'assurer que notre examen, que nous avons entamé de notre propre initiative, et l'examen qui nous a été renvoyé par la ministre de l'Environnement, soient fusionnés. La motion que je propose serait la suivante, et je peux la faire circuler après l'avoir lue, si cela vous convient.
Lisez-la et renvoyez-la à la greffière. Elle s'assurera que nous l'ajoutions à l'ordre du jour de jeudi pour examen.
C'est parfait.
Je propose que:
Conformément à l’ordre adopté le 22 mars 2016 par la Chambre des communes désignant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable comme étant le comité désigné aux fins du paragraphe 343(1) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999, que conformément au paragraphe 343(2) de la Loi, le Comité procède immédiatement à l’examen approfondi des dispositions et de l’application de la Loi et présente un rapport et des recommandations dans le délai imparti, et que les témoignages, les rapports, les recommandations ou tout autre document reçus lors de l’étude de la Loi entreprise par le Comité conformément au paragraphe 108(2) du Règlement soient considérés avoir été reçus dans le cadre de l’examen prévu par la loi.
Merci beaucoup d'avoir présenté cette motion. Nous la remettrons à la greffière et la diffuserons à tout le monde pour en discuter jeudi pendant les affaires du Comité.
Voilà ce qui met fin à la séance d'aujourd'hui. Pour ceux d'entre nous qui siégeons au sous-comité, nous commencerons sous peu.
La séance est levée.
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