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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 016 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 août 2016

[Enregistrement électronique]

(1400)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Merci, chers collègues.
    Nous allons maintenant commencer la séance numéro 16 de notre étude sur la réforme électorale. Nous allons entendre trois témoins, cet après-midi. Il s'agit de Matthew Harrington, Thomas Axworthy et Pippa Norris, qui se joint à nous par vidéoconférence.
    Je voudrais prendre quelques instants pour vous présenter brièvement nos témoins.
    Matthew Harrington est président du comité du programme de common law à la Faculté du droit de l'Université de Montréal. Il enseigne le droit constitutionnel américain, le droit des biens immobiliers et le droit des fiducies et il a publié des écrits sur les origines économiques du droit, entre autres sujets. M. Harrington a récemment co-organisé, à l'Université de Montréal, ne conférence qui était financée en partie par le Conseil de recherches en sciences humaines sur les liens entre la Cour suprême du Canada et la common law.
    Thomas Axworthy a fait une brillante carrière comme fonctionnaire, stratège politique, auteur et professeur. Il est surtout connu pour avoir été le conseiller politique et secrétaire principal du premier ministre Pierre Trudeau de 1981 à 1984, période pendant laquelle il a joué un rôle clé dans le rapatriement de la Constitution et la mise en place de la Charte canadienne des droits et libertés.Il a apporté, sa vie durant, une importante contribution à la société canadienne et continue de faciliter l'action et la coopération internationales en tant que membre, et depuis plus récemment, en tant que secrétaire général du Conseil InterAction. En 2009, M. Axworthy a présidé le Groupe de travail consultatif pour la promotion de la démocratie pour le ministre de la Réforme démocratique alors en poste. Il a également été le président et le directeur général du Centre for the Study of Democracy, de l'Université Queen's. En 2012, M. Axworthy a reçu la Médaille du jubilé de la reine en reconnaissance de sa contribution à la politique publique canadienne.
    Pippa Norris est chargée de cours McGuire en politique comparée à la John F. Kennedy School of Government, de Harvard, boursière de l'Australian Research Council et professeure de relations gouvernementales et internationales à l'Université de Sydney, en Australie. Mme Norris, également la directrice du projet d'intégrité électorale de l'Université de Sydney qui est soutenu par l'Australian Research Council et d'autres fondations. Elle figure parmi les politicologues les plus cités dans le monde. Ses recherches sont centrées sur l'opinion publique et les élections, les institutions démocratiques et les cultures, les communications politiques dans les pays du monde et la place des femmes en politique. Elle a récemment reçu la Médaille Brown de la démocratie. Entre autres récompenses, elle s'est vu décerner le Prix Karl Deutsch, le Prix Johan Skytte et la Bourse Kathleen Fitzpatrick. Les ouvrages les plus récents qu'elle a publiés sont Contentious Elections, Why Elections Fail et Checkbook Elections? Political Finance in Comparative Perspective.
    Nous allons commencer par… Excusez-moi?
    Je pense que M. Reid exprimait simplement son admiration devant les compétences de nos témoins.
    Si vous le voulez bien, nous allons commencer par Mme Norris, qui dispose de 10 minutes.
    J'apprécie vraiment de pouvoir discuter de nouveau avec le Parlement canadien de ce sujet important.
    Il y a vraiment trois questions que je pense utile de souligner.
    Premièrement, quelles sont les principales options? Il s'agit, en partie, de systèmes électoraux, mais aussi d'un grand nombre de détails. Par exemple, faudrait-il tenir un référendum pour apporter une réforme quelconque? Devrait-il y avoir différentes types de votes obligatoires, etc.? Deuxièmement, pourquoi réformer le système actuel? Comme dit l'adage, le mieux est l'ennemi du bien… Quel est donc le problème que nous essayons de résoudre au moyen d'une solution différente qui pourrait vraiment fonctionner? Troisièmement, si nous adoptons un système ou un autre, quelles pourraient en être les conséquences? Quels seraient ses effets?
    Si nous prenons la première question, en ce qui concerne le système électoral, comme votre comité en a déjà débattu, il y a quatre principales options à considérer. L'une d'elles est, bien sûr, de maintenir le statu quo, soit le scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui présente certains avantages, qui est très répandu et est utilisé dans un certain nombre de pays dont, bien sûr, le Royaume-Uni suite à l'échec de sa réforme, ainsi qu'aux États-Unis. Je sais qu'il a été question du vote préférentiel, du classement des candidats comme à la Chambre des représentants de l'Australie.
    L'option la plus courante, qui a été choisie dans le cadre d'un grand nombre de réformes, dans de nombreux pays, est le système proportionnel mixte, comme le système allemand, avec un vote pour le système de RP et un vote pour le candidat. Cette formule amalgame la représentation majoritaire et proportionnelle. Souvent, de nombreux détails revêtent une importance cruciale, par exemple le nombre de sièges alloués à chaque catégorie ou le fait que les votes soient compensatoires ou non.
    La dernière option est la représentation proportionnelle, la RP pure, qui n'est pas vraiment envisagée bien qu'elle soit en vigueur dans de nombreux pays du monde et qu'elle produise une véritable proportionnalité entre les votes et les sièges.
    La question est alors la suivante: comment vraiment concevoir ces systèmes? Il vaut la peine de souligner que la difficulté se cache souvent dans les détails et que vous devez donc tenir compte non seulement des lois et des systèmes électoraux, mais aussi des processus fondamentaux et des choses dont vous discutez actuellement quant à savoir, par exemple, si vous avez besoin d'un mandat public pour apporter une réforme quelconque. Le comité examine notamment s'il y a lieu de tenir un référendum.
    Faudrait-il, par exemple, instaurer le vote obligatoire pour résoudre des problèmes comme la faiblesse ou la diminution du taux de participation? Le processus électoral peut aussi susciter d'autres questions et je sais qu'elles ont également été soulevées au Canada, dans le cadre de la Loi électorale, pour s'assurer que le scrutin est inclusif, que tous ceux qui ont le droit de vote puissent exercer ce droit sans discrimination, tout en assurant la sécurité du scrutin afin que personne ne puisse usurper l'identité d'un électeur ou voter deux fois. Je sais que vous avez examiné ce genre d'options.
    Pourquoi réformer le système électoral actuel? Telle est la question fondamentale. De toute évidence, le premier ministre s'est engagé à ce que le Canada réfléchisse à cette possibilité et à ce que le Parlement l'inscrive à son programme de travaux étant entendu que les dernières élections fédérales tenues selon le système uninominal majoritaire à un tour serait celles de 2015. Je ne pense pas que les problèmes que cela pourrait susciter aient été examinés à fond. C'est, en tout cas ce qui ressort de certains des débats antérieurs.
    J'ai examiné, par exemple, huit critères différents que la ministre des Institutions démocratiques a mentionnés. Comme vous pouvez clairement le constater, certains d'entre eux sont d'une importance cruciale, d'autres peut-être un peu moins, mais si nous prenons les valeurs qui ont été énoncées — par exemple, la légitimité, l'efficacité, la diversité, la simplicité, la convivialité — vous ne pouvez pas les trouver toutes dans une option donnée. Toutes ces valeurs doivent se contrebalancer. Par exemple, le scrutin uninominal majoritaire facilite beaucoup le choix des électeurs. Ils doivent cocher un candidat, d'un parti, sur le bulletin de vote et le système parlementaire s'occupe du reste. Si vous avez un double choix à faire comme avec le système proportionnel mixte, cela donne aux gens davantage d'options, mais ils doivent aussi se familiariser avec un vaste éventail de candidats ou d'enjeux différents qui leur sont présentés sur le bulletin de vote. Ils doivent également faire des choix stratégiques. Par exemple, s'ils soutiennent un petit parti, est-ce une bonne idée de voter pour ce parti dans les deux volets du vote? Avec le scrutin uninominal majoritaire, les électeurs pourront voter pour le candidat d'un grand parti d'une circonscription uninominale alors qu'avec la représentation proportionnelle ils pourraient voter pour un petit parti. Vous avez des choix différents, mais aucun système ne présente toutes les qualités que la ministre des Institutions démocratiques a énumérées.
(1405)
    Si vous voulez insister sur la question de l'équité envers les petits partis, par exemple, un système plus proportionnel sera certainement la solution. Il donnera aux petits partis qui rallient moins de suffrages beaucoup plus de chances de remporter des sièges. D'un autre côté, si vous voulez insister sur la responsabilisation au niveau local, vous choisirez le scrutin uninominal majoritaire, car les électeurs peuvent voter pour un candidat et pas seulement pour la liste d'un parti.
    Des questions complexes se posent donc en ce qui concerne les valeurs, les conséquences et les problèmes que suscitent les élections au Canada.
    Enfin, pour en revenir à la question qui est certainement la plus complexe, que pouvons-nous dire au sujet des conséquences? Il est très difficile de passer d'un système à un autre. Vous pouvez certainement examiner d'autres pays, comme vous l'avez fait — je sais que vous avez étudié l'Irlande, l'Australie et la Grande-Bretagne — et vous pouvez examiner la façon dont fonctionne leur système électoral, mais souvent, cela représente un ensemble de choix. Le système australien, par exemple, avec son vote obligatoire et ses systèmes différents pour le Sénat et la Chambre ne s'appliquerait pas forcément de la même façon au Canada.
    Nous pouvons faire des projections pour chacune de ces options différentes, chacun des systèmes électoraux, pour voir ce qu'ils donneraient, d'abord en nombre de sièges et ensuite sur le plan de l'égalité entre les sexes ou de la diversité, par exemple, ou encore de la proportionnalité.
    En ce qui concerne le nombre de sièges, quelles sont les projections de base? Nous pouvons faire une simple projection à partir de résultats des dernières élections tenues en 2015 selon le système actuel. Si les élections avaient eu lieu dans le cadre d'un des autres systèmes que nous avons mentionnés, quels auraient pu être les résultats? Ou tout simplement, avec le vote préférentiel que nous utilisons en Australie pour la Chambre des représentants, par exemple, cela réduirait le nombre de sièges attribués aux libéraux. Avec la même proportion des suffrages, le Parti libéral verrait le nombre de ses sièges nettement diminuer, de 54 % à 30 %, par exemple. Il y aurait aussi beaucoup de changements dans les autres partis. Nous pouvons voir que d'autres partis pourraient en bénéficier, mais que les résultats seraient similaires pour certains autres.
    Si nous appliquons le système mixte, les conséquences dépendraient de l'équilibre entre les deux éléments. La répartition pourrait être moitié-moitié ou vous pourriez dire qu'une proportion seulement de sièges serait attribuée au scrutin proportionnel et le reste selon le système uninominal majoritaire à un tour. Cette fomulaire accorderait sans doute une plus grande part de sièges aux petits partis auxquels la RP permettraient de se faire élire alors qu'ils n'y réussissent pas actuellement dans les circonscriptions uninominales. Néanmoins, cela dépend aussi de leur dispersion géographique. Si vous êtes regroupé, comme au Québec, vous pouvez toujours vous faire élire avec le système uninominal majoritaire mais si vos suffrages sont dispersés dans différentes circonscriptions et différentes régions, les petits partis s'en sortent mieux avec la représentation proportionnelle ou un système proportionnel mixte. C'est, bien sûr, un élément très important à considérer.
    Le niveau de proportionnalité est une autre question et cela dépend de la proportion des suffrages par rapport au nombre de sièges. C'est l'idée que les gens se font d'un système équitable. Là encore, il est probable qu'un système plus proportionnel donnera un niveau de proportionnalité plus important, mais cela pose-t-il un problème dans le système canadien? Lorsque j'ai examiné la question et certaines statistiques sur le niveau de proportionnalité dans les élections canadiennes de 1945 à nos jours, je n'ai pas constaté beaucoup de variations ces dernières années. Cela pose-t-il un problème? C'est à vous d'en juger.
    Enfin, qu'en pense le public? A-t-il une préférence pour un de ces types de systèmes électoraux? Souvent, le public n'a pas d'opinion bien arrêtée sur ces questions, car elles sont complexes. Dans de nombreux pays, les gens n'ont pas souvent réfléchi à ces systèmes et c'est seulement lorsqu'ils sont confrontés à un véritable référendum qu'ils y réfléchissent. Néanmoins, si nous prenons certains sondages d'opinion réalisés au Canada sur ce sujet, la préférence semble être encore en faveur du statu quo, l'absence de réforme. Ce n'est pas étonnant, car c'est la réponse que les gens donnent lorsque diverses études leur posent la question.
    Pour ce qui est des autres systèmes, il semble y avoir une légère préférence pour le scrutin proportionnel mixte plutôt que la RP pure ou le vote préférentiel, mais le public n'a pas une opinion bien arrêtée à ce sujet. Si vous teniez un référendum, l'idéal serait sans doute de faire comme en Nouvelle-Zélande en demandant d'abord au public s'il estime qu'une réforme s'impose et, dans l'affirmative, quel genre de système il préférerait.
(1410)
    Je suis prête à parierconclurai que si vous devez choisir un autre système, vous opterez probablement pour la représentation proportionnelle mixte, car elle offre à la fois les circonscriptions uninominales auxquelles les gens sont habitués et la représentation proportionnelle qui augmente les chances des petits partis, des femmes et des autres formes de diversité. Néanmoins, il est sans doute probable que, comme au Royaume-Uni lorsqu'il y a eu un référendum à ce sujet, le public ne soit pas pour une réforme radicale, à moins que les problèmes ne lui soient plus clairement présentés.
    Merci beaucoup.
    Merci infiniment et nous aurons certainement de nombreuses questions à vous poser.
    C'est maintenant au tour de M. Axworthy, pour 10 minutes, s'il vous plaît.
    Je vais présenter cinq arguments auxquels je consacrerai deux minutes chacun, mais je ferai un plaisir de fournir le texte de ma déclaration au comité si vous désirez davantage de détails. Certains de ces arguments ont déjà été évoqués par Pippa Norris, qui est vraiment l'un des grands experts mondiaux sur ces questions et une femme dont je consulte les écrits lorsqu'on m'interroge à leur sujet. Vous avez beaucoup de chance qu'elle participe à cette réunion et nous allons tous en tirer des enseignements.
    Le premier de mes cinq arguments est que le processus ou les résultats démocratiques ne posent pas de grave problème au Canada.
    Le deuxième est que même s'il n'y a pas de crise, les systèmes même les meilleurs peuvent être améliorés comme le montre l'histoire du processus démocratique au Canada et je tiens à souligner certaines améliorations importantes qui peuvent être apportées aux divers éléments du processus électoral.
    Mon troisième argument — sur lequel je n'ai pas besoin d'insister parce que Mme Norris l'a déjà fait — est qu'il n'y a pas de système électoral parfait. Chaque formule présente des avantages et des inconvénients et c'est donc une question de valeurs, de perspectives différentes qui éclairera votre débat. Il n'y a pas de solution technique au problème de la réforme électorale. C'est un processus politique qui consiste à décider quels sont vos buts et vos valeurs et ceux que vous valorisez le plus. Je pose la même question que Mme Norris: si notre système fonctionne assez bien, quelle réforme voulez-vous apporter et quel problème essayez-vous de résoudre?
    La quatrième chose que je désire souligner est qu'un consensus est crucial au sein d'un comité comme le vôtre. C'est difficile mais faisable. Comme le président en a fait mention, je me fie à ma propre expérience lorsque nous avons créé le Comité spécial mixte sur la Constitution en 1980-1981 qui devait s'attaquer à des questions encore plus difficiles, mais qui a finalement réussi à parvenir à un consensus.
    Mon dernier argument, mais peut-être le plus important, est que la réforme électorale, la question dont vous êtes saisis, n'est qu'un élément du processus de réforme démocratique. Il restera énormément de travail à faire lorsque vous aurez réglé la question de la réforme électorale. La réforme électorale a en effet d'énormes conséquences sur le rôle de la Chambre, le sommet de la responsabilisation. Lorsque vous vous attaquerez à toutes les questions techniques et complexes — dont Mme Norris a parlé — je vous recommande de ne pas oublier les réformes complémentaires qu'il faudra apporter pour que notre système fonctionne, quelle que soit la forme choisie.
    Je vais donc passer très brièvement en revue ces cinq arguments.
    La pratique démocratique n'est pas en crise au Canada. Ces dernières années nous avons eu, dans notre pays, une énorme crise, selon moi, en ce qui concerne le rôle du Sénat, ce qui a entraîné un énorme manque de respect envers une institution cruciale du Parlement. Néanmoins, le gouvernement a agi avec célérité et courage, dirais-je, en essayant de réformer le Sénat en veillant à ce qu'il soit nommé au mérite, indépendant et non sectaire. Des défis complexes et intéressants nous attendent pour faire fonctionner ce système dans notre régime parlementaire. Néanmoins, il s'agissait d'une crise et elle a été réglée.
    Je pense que le problème se pose moins en ce qui concerne les systèmes électoraux. Si nous prenons les diverses évaluations dont nous faisons l'objet au niveau international, nous constatons que la Banque mondiale, par exemple, qui parraine un projet mondial d'indicateurs de gouvernance accordait, en 2014, au Canada une note de 96 % pour la reddition des comptes, de 91 % pour la stabilité politique, de 95 % pour l'efficacité gouvernementale, de 98 % pour la politique de réglementation, de 95 % pour l'état de droit et de 94 % pour la lutte contre la corruption. Cela nous place dans les 10 premiers.
(1415)
    Le projet sur l'intégrité électorale de Mme Norris classait sans doute probablement le Canada — et si je me trompe, elle pourra le dire — en tête des systèmes électoraux majoritaires avec une note d'environ 75 % à 80 %, au-dessus des États-Unis, etc. Là encore, nous étions en tête.
    Cette évaluation internationale des pratiques gouvernementales et des pratiques électorales canadiennes s'est reflétée dans, comme chacun sait, dans l'indice du développement humain des Nations unies où le Canada a toujours figuré dans les 10 premiers et parfois en première place. Je pense qu'en 2014 nous étions classés neuvième.
    La solidité de notre système gouvernemental et de notre système électoral a certainement eu un effet positif sur notre classement dans l'indice du développement humain. C'est parce que le système de Westminster allie le pouvoir d'agir et une responsabilisation reliée à ce que David Smith, le brillant universitaire de la Saskatchewan appelle « la Chambre des communes du peuple » — la souveraineté du peuple représentée à la Chambre et la concentration des pouvoirs requis pour gouverner efficacement. C'est vraiment le secret du système de Westminster lorsqu'il fonctionne comme il faut. Il a bien fonctionné au Canada pendant presque toute notre histoire.
    J'en arrive à mon deuxième argument. Même si je peux dire que notre système de Westminster est supérieur, tout peut être amélioré. Lorsque vous examinez l'histoire de la pratique électorale canadienne, toutes les dimensions de la tenue d'élections — l'inscription des électeurs, la gestion des élections, l'étendue du droit de vote, le financement des partis — vous pouvez voir que pour chacun de ces piliers importants de la tenue des élections, le Canada a apporté d'énormes changements et innovations au cours des 300 dernières années. Il y a eu des réformes continuelles qui ont conduit à l'édification des institutions qui nous ont valu les évaluations internationales élevées dont j'ai parlé. La plupart des changements ont été apportés sur l'initiative des provinces, notamment le Québec à propos du financement des élections, le Manitoba au sujet du vote des femmes et le Nouveau-Brunswick sur le plan du scrutin secret. Nous pouvons voir que tous les aspects des élections ont fait l'objet d'innovations continuelles.
    Mon troisième argument est qu'il n'existe pas de système électoral parfait. Je n'en parlerai pas, car nous venons d'entendre des propos très éclairés à ce sujet.
    Pour ce qui est de l'étude en comité, permettez-moi de dire rapidement quelques mots au sujet du comité mixte dont nous avons parlé. Il s'est réuni pendant des mois et a reçu des centaines de mémoires, mais il y avait deux éléments clés dans ce processus très complexe.
    Le premier était le temps imparti. À la demande du comité, M. Trudeau — le premier, mon premier ministre Trudeau — lui a accordé un certain délai. M. Trudeau a fixé un délai strict, mais il l'a modifié pour répondre aux besoins du comité qui lui a demandé plus de temps. Votre comité devrait disposer d'un délai souple pour pouvoir bien faire son travail.
    Deuxièmement, et c'est tout aussi crucial, les représentants de chaque parti ont eu une influence énorme sur le comité. Si je me souviens bien, par exemple, au cours du débat sur la Charte des droits et libertés, les conservateurs ont proposé plus de 20 amendements dont je crois que le gouvernement a accepté environ sept. Le NPD en a proposé 40 dont une vingtaine ont été acceptés.
    Le gouvernement était ouvert et a favorisé un consensus. Malgré quelques désaccords fondamentaux au sujet de tout le projet, le comité a alors travaillé fort pour remplir son mandat. Le consensus est possible.
(1420)
    En dernier lieu, et je vais m'arrêter là, si votre comité peut parvenir à un consensus et si vous disposez de suffisamment de temps pour faire votre travail, ou si le gouvernement s'accorde suffisamment de temps pour bien faire les choses au lieu d'imposer des délais arbitraires, vous aurez une foule de questions supplémentaires à examiner. Cela comprend les débats électoraux, le rôle du Parlement, l'éducation civique et de nombreux groupes dont notre groupe au Collège Massey, qui a un programme sur la pratique démocratique, y compris le concept des fondations politiques. Il reste encore beaucoup à faire lorsque vous aidez le Canada à résoudre le problème de la réforme électorale.
    Merci beaucoup, monsieur Axworthy, d'apporter un grand nombre d'idées nouvelles et originales à la discussion.
    Monsieur Harrington, allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de 10 minutes.
    C'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui et j'apprécie de pouvoir prendre la parole devant le comité.
    Je voudrais limiter mon propos à deux sujets. Le premier est constitutionnel et le deuxième, politique.
    La première question à considérer est la mesure dans laquelle un changement dans le mode actuel d'élection des députés ferait intervenir les dispositions de modification de la Constitution canadienne. Comme vous le savez sans doute, la question est de savoir si le Parlement peut apporter ce changement en vertu de l'article 44 ou s'il doit se servir de la procédure normale de modification également connue comme la formule 7/50 énoncée à l'article 42.
    Comme vous le savez peut-être également, les universitaires spécialistes du droit de la politique ont récemment fait couler beaucoup d'encre sur cette question. Les journaux ont été remplis d'articles de divers experts affirmant que le Parlement pouvait à lui seul abolir le scrutin uninominal majoritaire à un tour en vertu de l'article 44 tandis que d'autres affirmaient qu'un nouveau système électoral exigerait le consentement des provinces en vertu de l'article 42. Le degré de certitude exprimée par mes collègues dans ces articles m'étonne, car je crois que toute conclusion est prématurée pour le moment.
    J'estime qu'une proposition doit être réellement formulée avant qu'on se demande quelle est la procédure d'amendement requise. C'est parce qu'à mon avis, la jurisprudence récente de la Cour suprême au sujet de la modification de la Constitution a créé beaucoup d'ambiguïté et de confusion. Je pense qu'il est donc presque impossible actuellement d'établir si un changement dans la façon d'élire les membres du Parlement est suffisamment important pour exiger le consentement des provinces. En deux mots, je dirais que le mode d'élection des députés à la Chambre des communes pourrait être modifié aux termes de l'un ou l'autre de ces articles de la partie V de la Constitution, mais si on me posait la question, comme tout avocat qui ne veut pas se mouiller, je répondrais que je dois y réfléchir.
    C'est tout simplement parce que la Cour suprême a semé la pagaille dans la procédure de modification de la Constitution. Commençons par examiner le renvoi concernant la Cour suprême et le renvoi concernant le Sénat. Dans les deux cas, la cour s'est penchée sur la question de savoir comment la composition des institutions pourrait être modifiée. La Cour suprême a adopté un point de vue extrêmement limité du processus de modification de la Constitution en faisant valoir que lorsque des modifications apportent un changement important au caractère essentiel d'une institution ou un changement qui toucherait les droits des provinces dans une large mesure, le processus 7/60 devrait être utilisé.
    Dans les deux cas, la cour a refusé de limiter son analyse à un examen purement textuel des dispositions de la Constitution et c'est important. Au contraire, elle a fait valoir que les modifications à la Constitution ne se limitent pas à des changements textuels. Cela comprend des changements à l'architecture constitutionnelle, même si elle ne définit pas exactement en quoi consiste l'architecture de la Constitution. C'est cette importance accordée à l'architecture constitutionnelle qui pose d'importants problèmes pour apporter des modifications. À l'heure actuelle, il semble difficile de prédire si la Cour suprême pourrait considérer des changements au système électoral comme de simples questions administratives et permettrait le recours à l'article 44 ou que ces changements modifient le caractère fondamental ou le rôle de la Chambre et exigent donc la formule 7/50.
    Personnellement, j'estime que l'élimination du système de scrutin uninominal majoritaire pourrait exiger le recours à l'article 42 étant donné la façon dont la Cour suprême a réagi aux récentes tentatives de modifier le mode de sélection des sénateurs et des juges. En rejetant la création d'un système d'élections consultatives pour le Sénat et la proposition qui l'accompagnait de limiter le mandat des sénateurs, la cour a fait clairement comprendre que des changements modifiant fondamentalement le rôle du Sénat en tant qu'organisme ayant pour rôle de faire un deuxième avis ne seraient peut-être pas conformes à la Constitution. Certains ont fait valoir que nous pouvons laisser de côté le renvoi concernant le Sénat parce qu'il y a dans la Constitution des dispositions précises concernant la nomination des sénateurs, mais dans le renvoi visant la Cour suprême, la cour a rejeté une tentative de modification des qualités requises des juges.
    N'oublions pas que pour le renvoi concernant la Cour suprême, la cour s'est prononcée sur une loi du Parlement. Elle a statué sur une tentative du Parlement de modifier une de ses propres lois.
(1425)
    La cour a déclaré que le pouvoir du Parlement de modifier la Loi sur la Cour suprême était limité parce que la loi avait pris, avec le temps, un caractère constitutionnel. On pourrait donc dire que toute tentative de modifier le caractère essentiel d'une institution ou de modifier le mode de sélection de ses membres, ce qui modifie son caractère essentiel, relève de la formule 7/50.
    L'invocation de l'architecture constitutionnelle dans le renvoi visant le Sénat ainsi que le concept des caractéristiques essentielles mentionnés dans le renvoi relatif à la Cour suprême manque, selon moi, tellement de précision et de substance qu'il est impossible de prédire si une proposition exigera ou non l'application de la disposition normale de modification 7/50. En outre, on peut se demander si la cour serait portée à traiter la Loi électorale comme elle a traité la Loi sur la Cour suprême en déclarant que le scrutin uninominal majoritaire à un tour est enchâssé dans l'architecture constitutionnelle. La Loi sur la Cour suprême de 1875 établissait les qualités initiales des juges. On aurait pu croire que le Parlement avait le pouvoir de modifier la loi, mais la cour a déclaré que non. Comme il s'est écoulé beaucoup de temps, cela fait maintenant partie des meubles. On peut se demander si la Loi électorale et les lois qui l'ont précédée n'ont pas fait exactement la même chose. Ce n'est pas ce que j'affirme, mais je me le demande.
    Par conséquent, je pense que le comité doit malheureusement prédire si une proposition perturbera ou non le concept nébuleux d'architecture constitutionnelle de la Cour suprême ou si elle modifiera largement ce que la Cour appelle les caractéristiques essentielles de la Chambre.
    Si vous insistez, je dirais qu'il y a deux situations dans lesquelles cela pourrait être le cas.
    Ce serait d'abord tout système électoral modifiant la relation avec les provinces ou les droits ou pouvoirs des provinces — peut-être un remaniement important des circonscriptions qui diluerait la représentation. Une question peut-être beaucoup plus préoccupante est celle de savoir si toute réforme modifierait de façon importante le rapport entre le premier ministre et la Chambre. On pourrait estimer qu'un gouvernement de style Westminster sous-entend la stabilité qu'apporte un premier ministre capable de contrôler la Chambre sans devoir faire fréquemment appel à lune coalition.
    Je regrette de ne pas pouvoir être plus précis à ce sujet, mais je vous dirais de demander à toute personne qui vous conseillera de recourir à l'article 44 ce qu'elle est prête à parier, car tant que la cour n'aura pas défini les « caractéristiques essentielles » ou l'« architecture constitutionnelle », personne ne peut vraiment prédire si une proposition émanant de la Chambre sera considérée comme une simple question administrative relevant de l'article 44 ou un changement important exigeant la formule générale de modification. Je dirais simplement qu'il est impossible de le savoir pour le moment.
    Mon sujet politique est plus simple. Quelle que soit la question constitutionnelle, je dirais au comité qu'il faudrait une forme quelconque de consultation directe avec les Canadiens et je pense que tout le monde en conviendra. Les arguments en faveur d'un référendum ont déjà été présentés ailleurs et je crois donc inutile de le répéter ici. Personnellement, j'estime que les référendums sont incompatibles avec un gouvernement de style Westminster. Je crois fermement dans la souveraineté du Parlement et je trouve regrettable que depuis les dernières décennies, le Parlement canadien a fait preuve d'une certaine timidité pour affirmer sa place dans le système constitutionnel. À mon avis, la Chambre et le Sénat devraient affirmer la prérogative du Parlement de façon plus énergique. Après tout, le système de Westminster repose sur le principe que le peuple est mieux représenté par le Parlement que par les tribunaux ou le gouvernement.
    Je sais que certains de mes collègues me considèrent un peu comme un anachronisme, un dinosaure, quand je dis que la meilleure façon d'accomplir une réforme du système électoral est de le faire à l'occasion d'une élection au Parlement. Je ne crois pas que nous puissions actuellement prétendre que le gouvernement a été mandaté démocratiquement pour procéder à une réforme électorale. La meilleure façon de jauger l'appui des Canadiens serait donc de laisser l'électorat se prononcer pour la deuxième fois. À divers moments de notre histoire, des enjeux importants ont été soumis à la population sous la forme d'une élection. Souvenez-vous des élections canadiennes de 1988 qui portaient principalement sur la ratification ou non de l'Accord de libre-échange nord-américain.
(1430)
    Pour conclure, je dirais que la meilleure façon pour le gouvernement d'obtenir le consentement de la population serait de préparer une proposition qui servirait de base à de nouvelles élections. Elles pourraient avoir lieu si le gouvernement démissionnait maintenant, une perspective extrêmement futile, bien sûr, ou si nous attendons simplement les prochaines élections.
    En deux mots, le mieux serait de faire de la réforme électorale l'enjeu des élections de 2019.
    Merci.

[Français]

     Merci beaucoup, professeur Harrington. Je remercie également tous les témoins.
    Avant de commencer la série de questions, j'aimerais prendre un moment pour expliquer aux témoins le fonctionnement de la période de questions. Nous tenons deux série de questions au cours desquelles chaque député aura l'occasion de poser une ou plusieurs questions. Toutefois, tout doit être fait en cinq minutes, y compris les réponses. Si un témoin n'a pas le temps de répondre, il aura une autre occasion de le faire. Il pourra répondre à la question formulée antérieurement lorsqu'il aura de nouveau la parole. Cela ne limite pas du tout le débat, il faut simplement se conformer à une structure assez logique.
    Nous allons commencer la première série de questions. Madame Sahota, vous avez la parole.
(1435)

[Traduction]

    Merci à tous nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui.
    J'ai vraiment trouvé ces déclarations très intéressantes et parmi les meilleures que nous ayons entendues.
    Elles avaient toutes, dans une certaine mesure, une certaine dimension éducative.
    Monsieur Axworthy, vous avez consacré beaucoup de temps au civisme, au patrimoine et à l'éducation. Quelle serait, à votre avis, la meilleure façon dont le comité pourrait procéder, que ce soit dans le délai imparti ou le délai plus long que vous suggérez? Comment pouvons-nous le mieux aborder les gens? Que ce soit pour un référendum, pour des réunions, des assemblées publiques ou les consultations que nous avons menées, comment veiller à ce que les gens qui y participeront soient informés sur cet enjeu? Comment peuvent-ils comprendre l'importance de l'enjeu et à quel point il est important pour eux de participer au dialogue? Comment faire pour y parvenir?
    Bien entendu, il y a diverses techniques de consultation allant jusqu'à ce que l'on appelle l'engagement profond. Le personnel de votre comité dispose certainement de toutes sortes de moyens d'aider les députés à leur retour à leurs circonscriptions ou dans le cadre de votre étude.
    Une autre méthode que je suggérerais — et je crois qu'un de mes anciens collègues de Queen's, Jonathan Rose, l'a également évoquée — pour aider les parlementaires à se pencher sur ces questions, si vous disposez d'un délai souple, comme je l'ai fait valoir, et peut-être même d'ici les prochaines élections, serait de constituer dans les régions ou les provinces des assemblées de citoyens ou un jury dont les membres seraient choisis de façon impartiale. Ce ne serait pas seulement les personnes désirant exprimer leur point de vue. La sélection serait impartiale. Ces citoyens se pencheraient alors eux-mêmes aux problèmes auxquels vous vous attaquez en tant que législateurs.
    J'ai toujours constaté — et cela a été expérimenté dans diverses provinces — que le recours à un jury de citoyens indépendant complète bien le travail des parlementaires, surtout au sujet de certaines des questions dont j'ai parlé. Votre comité a sa propre façon de procéder, mais si vous retenez deux ou trois options, un processus complémentaire, un jury de citoyens serait certainement à envisager.
    Très bien.
    Comment ces assemblées de citoyens seraient-elles constituées? Je pose la question car le pays est vaste. Nous avons vu ces assemblées au niveau provincial, mais comment les former au niveau national afin d'avoir un échantillon vraiment représentatif? Comment procéder en pratique?
    Ce serait un vaste processus. C'était à grande échelle en Colombie-Britannique et en Ontario. Il faudrait l'organiser dans chaque province et chaque région. Ce serait une vaste entreprise. Si l'on disposait de suffisamment de temps et d'un important dispositif de sensibilisation — comprenant, par exemple, la télédiffusion des audiences afin que les experts et les personnes qui vous font part de leurs idées aujourd'hui puissent être entendus dans tout le pays — je constituerais des groupes indépendants dans les différentes provinces et régions.
(1440)
    C'est intéressant.
    Monsieur Axworthy, vous avez produit un rapport sur la réforme parlementaire. Pouvez-vous me dire quelles sont celles de vos recommandations que notre comité qui étudie la réforme électorale pourrait appliquer?
    Vous avez 30 secondes, s'il vous plaît.
    Ai-je suffisamment de temps?
    Vous avez 30 secondes.
    C'était un rapport d'environ 200 pages et je pense qu'une des principales recommandations portait sur le rôle des comités comme le vôtre. L'une d'elles, par exemple, était que les présidents des comités soient rémunérés au même niveau que les ministres. Les présidents des comités ont tellement d'importance sur le plan…
    Je suis pour, soit dit en passant.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Si vous avez besoin de plus de temps, monsieur Axworthy, allez-y.
    Cela valait bien une minute de plus.
    Également, les membres des comités devraient pouvoir rester en poste pour toute la durée du mandat afin de renforcer l'expertise des comités. C'est notamment parce que les comités font contrepoids au pouvoir exécutif. J'examinerais longuement le système des comités.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Reid.
    Monsieur le président, je commencerais par souligner le triste sort de nos vice-présidents sous-rémunérés.
    Des voix: Oh, oh!
    Cela devient une séance de négociation collective.
    Mes questions s'adressent à Mme Norris.
    Vous avez cité avec respect et admiration, je crois, le processus par lequel la Nouvelle-Zélande a adopté son nouveau système de réforme électorale, la représentation proportionnelle mixte, dans les années 1990. D'autres — au moins un autre témoin — ont été beaucoup moins impressionnés par les motivations de ceux qui ont mis le processus en place. Néanmoins, tout le monde reconnaît, je pense, la maturité avec laquelle les électeurs néo-zélandais ont accueilli le système.
    Je voudrais vous poser quelques questions à ce sujet. Les Néo-Zélandais maîtrisent une chose qui n'existe, je crois, nulle part ailleurs dans le monde, soit le référendum préférentiel, qui offre plus de deux options. J'ai des questions à vous poser à ce sujet.
    En 1992-1993, les Néo-Zélandais ont tenu, en 1992, un référendum avec deux questions. À la question « Êtes-vous pour l'élimination du scrutin majoritaire uninominal? », 84,7 % des électeurs ont répondu oui. La deuxième question était: « Quel système préférez-vous? » Heureusement, la majorité des répondants, 65 %, s'est prononcée en faveur de la représentation proportionnelle mixte, car ce n'était pas un vote préférentiel. Les gens devaient seulement cocher leurs préférences, ce qui aurait pu présenter un casse-tête si 20 % d'entre eux avaient choisi chacune des options ou du moins, si aucun système n'avait remporté la majorité des voix. Cela a été fait. Ensuite, environ un an plus tard, il y a eu un deuxième référendum sur le scrutin proportionnel mixte par opposition au scrutin majoritaire uninominal à un tour.
    Les Néo-Zélandais ont ensuite eu un deuxième référendum préférentiel, organisé autrement, au sujet de leur drapeau. Il a eu lieu en deux étapes, en novembre de l'année dernière et en mars 2016. Ils ont alors procédé de façon un peu différente. Il fallait classer par ordre de préférence les quatre options qui avaient été choisies par un comité spécial, puis lors d'un deuxième vote, choisir entre le drapeau préféré et le statu quo.
    Devant ces diverses variantes, je me demande simplement quelle est, à votre avis, la meilleure façon d'aborder un référendum préférentiel.
    Je pense que c'est une excellente question concernant le processus. Nous pouvons, je crois, comparer la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Il y a eu le Brexit, mais il y a eu aussi le vote sur le mode de scrutin préférentiel. Ces référendums ont posé des problèmes sur toutes sortes de plans différents en ce qui concerne le processus et ne parlons même pas du résultat. En ce qui concerne la réforme électorale, quand on a demandé aux gens de répondre simplement par oui ou non à la question de savoir s'ils voulaient une réforme électorale, ce n'était pas l'option que souhaitaient la plupart des partis, la classe politique ou le public. Les libéraux démocrates voulaient un système différent, de même que le Parti national écossais, etc. Le choix était problématique, si bien que le résultat a été négatif, car les électeurs ont choisi la prudence.
    En Nouvelle-Zélande, par contre, comme vous l'avez dit, un processus en deux étapes permet vraiment aux gens de se demander: « Voulons-nous conserver ou non le statu quo? ». Ils se prononcent ensuite sur chacun des différents choix. C'est vraiment une question de sensibilisation du public, parce que les électeurs ne savent pas ce que signifie un vote préférentiel, comment le VUT fonctionne en Irlande ou les votes préférentiels fonctionnent dans d'autres pays. Il faut beaucoup de temps pour informer le public grâce à de bons programmes éducatifs au sujet des choix possibles.
    À mon avis, si vous choisissez la voie référendaire, vous devriez certainement envisager sérieusement le modèle néo-zélandais. Il donne le choix au public en deux étapes. Vous choisissez entre le système habituel ou autre chose et si vous voulez autre chose, les partis politiques et les groupes intéressés, les partisans d'une réforme électorale, les citoyens et autres groupes de pression ont alors l'occasion de réfléchir à l'option qui serait la meilleure.
    Si vous comparez la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, la méthode néo-zélandaise a été nettement supérieure.
(1445)
    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Environ 40 secondes.
    Les deux cycles référendaires portant sur des questions différentes, le drapeau et le système électoral, étaient organisés différemment. Quelle est, à votre avis, la meilleure de ces deux façons d'organiser ce qui est, en fait, un processus comportant deux questions et un vote préférentiel?
    Soyez brève, s'il vous plaît. Je sais que c'est une question difficile.
    J'ai trouvé que le système que la Nouvelle-Zélande a utilisé pour la réforme électorale était meilleur que celui qu'elle a employé pour le drapeau qui s'est soldé par un rejet, a coûté cher et n'a pas abouti. Le premier système a bien fonctionné avec une période plus longue entre le premier et le deuxième référendum, ce qui a laissé davantage de temps de réflexion.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame et messieurs, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Vos présentations ont été fort instructives et intéressantes.
    J'aimerais poser deux questions à Mme Norris.
    Votre collègue californien, M. Lijphart, a vanté devant nous les vertus d'un certain mode de scrutin proportionnel relativement à la culture politique des partis. Il a souligné que les partis vont avoir une position plus conciliante et seront davantage prêts à dialoguer et à travailler ensemble.
    J'aimerais vous poser une question sur le changement de culture que cela peut provoquer chez les électeurs. On entend souvent dire, et vous le savez également, que dans notre système uninominal majoritaire à un tour, les gens votent parfois de manière stratégique. Souvent, ils ne votent pas pour leur premier choix ou le choix correspondant à leurs propres intérêts et à leurs propres convictions, mais plutôt contre une formation politique. Je vais essayer de ne pas mentionner de couleurs, mais je connais des gens qui, à Toronto par exemple, voulaient voter pour le candidat A, mais comme ils voulaient éviter que le candidat C soit élu, ils ont voté en fait pour le candidat B. Vous pouvez imaginer les affiliations politiques que vous voulez pour ces candidats.
    Un mode de scrutin de type proportionnel ferait-il en sorte que les gens cesseraient d'avoir ce genre de comportement électoral?

[Traduction]

    Le vote stratégique peut sembler être un problème, mais cela peut être aussi un avantage pour d'autres raisons. Prenez, par exemple, le système français avec un deuxième tour. C'est un scrutin majoritaire conçu pour créer des grands partis.
    En France, au premier tour, pour les élections présidentielles ou à la Chambre des députés, vous votez avec votre coeur. Vous votez pour le parti que vous aimez vraiment ou qui se rapproche le plus de vos idées et de vos intérêts. Au deuxième tour, vous êtes obligé de voter seulement pour les deux premiers candidats. Vous devez donc voter stratégiquement si vous avez soutenu un petit parti au premier tour. De Gaulle a mis ce système en place pour faire en sorte que la présidence soit largement soutenue.
    Le vote stratégique n'est pas forcément problématique en soi et c'est une pratique courante dans de nombreux pays. Bien entendu, les conséquences du vote stratégique diffèrent d'un système à l'autre. Vous pouvez aussi, bien sûr, voter de façon stratégique avec la représentation proportionnelle selon la position qu'occupe votre parti. Par exemple, vous devez tenir compte du nombre de candidats dans votre circonscription. Les partis et les électeurs font un calcul stratégique. Par exemple, si votre parti est faible dans une circonscription, vous pourriez n'avoir qu'un seul candidat sur la liste, alors que s'il semble très solide, vous pourriez inscrire tous les candidats.
    La représentation proportionnelle, les systèmes mixtes ou le scrutin majoritaire uninominal ne vont pas forcément éliminer les votes stratégiques et ce n'est donc pas une chose que la réforme éliminera forcément.
    Soit dit en passant, cela ne m'étonne pas que M. Lijphart soit pour la RP. Cela a toujours été son argument et je respecte tout à fait ses opinions.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir à la Nouvelle-Zélande, non pas nécessairement pour parler du processus qui a mené aux changements, mais plutôt d'une conséquence inhérente aux changements qui ont eu lieu dans ce pays. Je sais que vous vous êtes intéressée aussi à la participation des femmes dans les systèmes parlementaires et électoraux.
    En 1990, seulement 16 % des députés en Nouvelle-Zélande étaient des femmes. En 1996, soit à peine six ans plus tard, ce pourcentage avait pratiquement doublé et un peu plus de 29 % des députés de cette assemblée étaient des femmes.
    À quoi attribuez-vous cela? Est-ce un changement culturel? Il y a eu le changement du mode de scrutin, mais ce n'est peut-être pas le seul facteur à considérer.
(1450)

[Traduction]

    C'est un changement de système de scrutin. Nous pouvons voir la même chose en Allemagne et dans d'autres pays qui ont le scrutin proportionnel mixte. Les femmes et les autres minorités ont beaucoup plus de difficulté à se faire élire avec le scrutin uninominal majoritaire qu'avec les listes des partis.
    Dans les circonscriptions uninominales, les personnes qui recrutent les candidats ne choisissent qu'un seul candidat pour leur circonscription et ont donc tendance à faire un choix prudent, c'est-à-dire souvent un candidat qui possède une certaine expérience ou le profil d'un bon politicien. La liste des partis présente un éventail de candidats différents. Vous voulez un juste équilibre. Vous pouvez souhaiter que l'équilibre s'établisse en fonction de la classe sociale, de la langue, du sexe ou du groupe ethnique, mais quand vous établissez la liste d'un parti, vous ne voulez pas défavoriser un groupe particulier, car cela pourrait faire baisser votre cote de popularité ou vous faire perdre des voix.
    Étant donné la façon dont les systèmes électoraux fonctionnent — et nous le savons depuis les années 1980 — c'est la représentation proportionnelle qui entraîne la plus forte représentation de femmes. Avec un système proportionnel mixte, les femmes se font élire grâce à la liste de parti. Avec le système majoritaire uninominal à un tour, les femmes ont plus de difficulté à être choisies à l'étape de la sélection ou du recrutement et donc à se faire élire.
    Le président: Merci.
    Mme Pippa Norris: Bien entendu, vous pouvez aussi recourir aux quotas.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Madame et messieurs, je vous remercie d'être venus nous rencontrer. C'est très intéressant.
    Ma question s'adresse à M. Harrington, mais j'aimerais aussi entendre la réplique de M. Axworthy et de Mme Norris, si cela vous convient.
    Le Canada est une fédération composée de plusieurs nations, dont une majoritaire et certaines minoritaires. Le système a été pensé pour garantir des droits aux nations minoritaires, y compris dans le système électoral.
    Advenant une réforme du système électoral, quels devraient être les critères à respecter pour garantir les droits de ces nations minoritaires, dont je suis l'un des représentants?

[Traduction]

    Me demandez-vous quel est le système qui fonctionnerait le mieux?

[Français]

    Non, le système importe peu. Si vous le voulez, nous pouvons prendre un cas type, soit le mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire, par exemple.
    Dans l'absolu, qu'est-ce que la réforme devrait contenir afin que les droits des nations minoritaires soient garantis, ce qui était l'esprit de la fédération?

[Traduction]

    Je préfère ne pas répondre à cette question, étant donné que je suis avocat et non pas politicologue. Un grand problème, à mon avis, c'est qu'on suppose que les avocats savent tout.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Matthew P. Harrington: Il est très important de ne pas oublier le rôle des avocats. Je peux écrire des lois, rédiger des dispositions, mais quant à savoir si tel système est meilleur que l'autre, c'est vraiment une question de science politique. Je laisserais Mme Norris y répondre. Malheureusement, nous avons tendance…
    Lorsque nous lisons les articles d'opinion, nous voyons maintenant les professeurs de droit donner leur avis quant à savoir quel est le meilleur système politique alors que nous n'en savons rien. Je dois malheureusement dire que, selon moi, cela exige une étude intensive de la politique ainsi que des recherches empiriques et anecdotiques qu'en général les avocats, et surtout les professeurs de droit ne font pas vraiment. J'ai pratiquement commencé en disant que je suis venu ici avec un certain scepticisme. Je ne suis pas ici pour vous suggérer un système ou un autre. J'en suis désolé.

[Français]

    Je me faisais une image des avocats qui savaient tout. C'est ce qu'ils me disaient jusqu'à maintenant.
    M. Axworthy et Mme Norris pourraient peut-être répondre à la question.

[Traduction]

    À propos des minorités, je dirais, je crois, que vos connaissances en tant qu'individu représente un aspect crucial de la démocratie et de son efficacité. Pour certaines minorités, et je pense, par exemple, aux immigrants récemment arrivés au Canada — l'éducation et les connaissances au sujet de notre système sont plus problématiques parce que ces personnes ont émigré. Je pense qu'un pays devrait s'intéresser à ceux pour qui la participation pose davantage d'obstacles sur le plan des connaissances, dans ce cas.
     À titre d'exemple, prenons l'acquisition des connaissances sur notre système. Nous faisons venir chaque année un quart de millions de personnes qui doivent se familiariser avec l'histoire du fédéralisme au Canada, l'histoire canadienne. Prenez les Minutes du patrimoine, par exemple, les 75 ou 80 courts métrages télévisés d'une minute sur l'histoire de notre pays. Pourquoi ne les traduisons-nous pas en toutes sortes de langues comme le chinois et l'espagnol? Chaque immigrant qui arrive entendrait l'histoire du Canada dans sa langue et sous une forme facile à digérer plutôt que dans un livre et une série de rapports. Au Canada, nous sommes égaux aux yeux de la loi, mais nous avons des disparités sur le plan des connaissances de la participation. C'est sur ces aspects que nous devons travailler.
(1455)

[Français]

    Monsieur Ste-Marie, il vous reste environ 20 secondes.
    D'accord.
    Madame Norris, vouliez-vous répondre à question?

[Traduction]

    La diversité est vraiment cruciale, surtout parce que les sociétés actuelles sont de plus en plus mondialisées et que les populations émigrées ont besoin d'exercer leurs droits de citoyens et de se faire entendre dans des organismes représentatifs comme le Parlement.
    Plusieurs solutions sont possibles. Si vous adoptez un système proportionnel mixte ou de représentation proportionnelle, les circonscriptions peuvent se baser sur les provinces. Cela ne modifie pas les limites habituelles; vous avez simplement des circonscriptions multinominales à l'intérieur de ces limites. Si vous maintenez le scrutin majoritaire uninominal à un tour, certaines choses sont quand même possibles. Encore une fois, pensez à la Nouvelle-Zélande. Vous pouvez réserver des sièges ou fixer des quotas pour certaines minorités comme les groupes autochtones qui sont concentrés dans certaines régions et ont besoin d'une représentation. Environ une vingtaine de pays ont réservé des sièges pour ces genres de groupes et nous pouvons donc faire certaines choses.
    Merci.
    C'est au tour de Mme May.
    Merci, monsieur le président.
    Je reconnais également que j'ai déjà exercé la profession d'avocat. Cela fait longtemps, mais nous avons reçu un certain nombre de mémoires de la part d'avocats constitutionnalistes. Le plus récent était celui de Benoît Pelletier de l'Université d'Ottawa qui a fait un examen brillant et concis de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de la Loi constitutionnelle de 1982 et de principales causes de la Cour suprême. Il a examiné les principes fondamentaux et a ensuite établi la règle de « à condition de ne pas toucher à ce qui suit ».
    Je ne sais pas… Avez-vous vu le témoignage de M. Pelletier?
    Bien. Pour ce qui est de ses conditions, il a dit que si nous ne trébuchons sur aucun de ces obstacles, le Parlement est libre de modifier le système électoral. Vous avez demandé pourquoi ces personnes sont si sûres d'elles? J'ai toutefois l'impression que c'est une attitude très prudente et très éclairée.
    Oui, je pense que je vais à contre-courant. Je reconnais qu'un certain nombre de mes collègues estiment que cela relève de l'article 44.
    Je vais vous dire ceci. Premièrement, peu importe l'option que le Parlement choisira, ce sera malheureusement contesté. Deuxièmement, la Cour suprême n'a fourni aucune orientation. Et je peux voir la liste de conditions, si vous voulez, ou la recette du succès, mais la cour semble assez capricieuse à ce sujet. Autrement dit, lorsqu'elle a défini sa propre structure, la cour a fait valoir que si vous cherchez à modifier les caractéristiques essentielles de la Cour suprême, vous avez besoin du consentement des provinces. Elle ne s'est pas donné la peine de nous expliquer quelles étaient ces caractéristiques essentielles. Si vous prenez la Chambre et le système électoral, il ne me semble pas déraisonnable de croire que la cour devra également se prononcer sur cette question.
    Certains diront que nous avons toujours utilisé le système majoritaire uninominal à un tour. Comme chacun sait, ce n'est pas le cas du système de Westminster. Ce n'est pas solidement établi en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, mais il semble que ce système se soit implanté au fil du temps. Quand vous voyez qu'à propos de la modification des qualités requises des juges, ce qui concerne une loi du Parlement, la Cour suprême parle d'un usage fermement établi, je ne suis pas très optimiste à l'égard d'un système qui est en place depuis encore plus longtemps.
(1500)
    En 1867, la tradition parlementaire britannique incluait des circonscriptions plurinominales. Par conséquent, s'il est question de tradition, les circonscriptions multinominales en font partie. Vous êtes, je pense, l'un des seuls à penser que cela pose un problème.
    Je voudrais aussi poser une question à M. Axworthy ainsi qu'à vous, de nouveau, monsieur Harrington et si je ne m'adresse pas à vous, madame Norris, c'est parce qu'il s'agit d'une question très canadienne. Néanmoins, si vous avez une opinion, dites-le moi.
    Voiriez-vous un avantage à ce que le gouvernement fasse un renvoi à la Cour suprême? Y a-t-il des questions qui nécessitent une intervention à d'autres niveaux? Cela touche-t--il la Constitution ou avons-nous raison de croire, comme c'est mon cas, que c'est au Parlement du Canada qu'il revient de décider quel sera le système de scrutin? Si la cour refuse d'accepter le renvoi, cela montrera clairement qu'elle ne voit pas de problème. Si elle l'accepte, cela clarifiera les choses avant que le système ne soit adopté. C'est une simple idée que je lance. Je voudrais savoir si M. Axworthy ou M. Harrington pensent que c'est une approche prudente.
    Allez-y le premier.
    Le président: Vous disposez d'une minute.
    Je suis d'accord avec vous. C'est, je pense, un domaine dans lequel le Parlement devrait affirmer sa souveraineté et ne pas s'en remettre à la Cour suprême.
    Oui, je suis exactement du même avis. J'ai parlé de tous les grands changements qui ont eu lieu. D'abord le bulletin secret, puis le commissaire aux élections indépendant et ensuite les commissaires indépendants aux limites des circonscriptions électorales, autant d'aspects cruciaux de notre système, tout ça a été fait par le Parlement, comme c'est normal.
    Merci.
    Vous avez 10 secondes.
    J'affirmerai donc la suprématie du Parlement et je vous assure que nous allons prendre cette question en main et la résoudre sans détour.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

     Merci.
    Monsieur DeCourcey, vous avez la parole et vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Madame Norris, merci, et merci, monsieur Harrington.
    Je voudrais commencer par M. Axworthy.
    J'ai apprécié vos observations qui nous rappellent de modérer certains des discours hyperboliques portant sur cette question et les crises tout en restant conscients de la nécessité d'apporter des améliorations. J'aimerais savoir si vous pourriez énoncer certaines des principales améliorations auxquelles le comité pourrait travailler.
    Le programme de réforme démocratique est vaste, mais il revêt une importance directe particulière pour un comité qui recommandera des changements au système électoral.
    Si vous recommandez un système plus proportionnel ou mixte qui risque moins d'engendrer des gouvernements majoritaires — ce n'est pas impossible, mais la représentation sera privilégiée par rapport à l'efficacité du gouvernement — il est d'autant plus important que la Chambre des communes travaille en tant qu'institution dans une situation de gouvernement minoritaire ou de coalition. Cela veut dire que le travail que les députés accomplissent est au moins aussi important que la façon dont ils se font élire et une foule de suggestions ont été faites au sujet des systèmes de comités, du rôle des déclarations des députés, de la division des lois omnibus, du maintien des programmes lors de la prorogation, du genre de ressources dont les systèmes de comités ont besoin, du rôle des bureaux de recherche des caucus et de la nécessité d'avoir un meilleur personnel. J'ai mentionné certaines des suggestions que nous avons formulées dans notre rapport au sujet du système de comités.
    Quant au Parlement proprement dit, je vous dirais que la réforme de notre système électoral est importante — et c'est le seul des six piliers qui n'a pas changé depuis 1967 — mais qu'il est tout aussi important et crucial que la Chambre des communes prenne au sérieux son rôle de Chambre des communes du peuple. Cela signifie une véritable revitalisation du rôle des députés, surtout par l'entremise du système de comités et il y a une longue liste de suggestions.
    Le programme de réforme démocratique est vaste et je pourrais parler davantage de l'instruction civique et du rôle des fondations politiques et de l'éducation, mais la prochaine étape doit absolument être la réforme de la Chambre des communes.
(1505)
    Comment nous conseillez-vous de présenter les choses d'une façon facile à digérer lorsque nous consultons les Canadiens et leur parlons de restructuration démocratique ou du renouveau entamé, et peut-être aussi de la façon dont les divers systèmes aideront à accélérer les changements?
    Encore une fois, je recommanderais de revenir à votre point de départ qui est d'éviter les discours hyperboliques au sujet de ces systèmes.
    Les travaux de Pippa Norris nous enseignent que le type de système que l'on adopte est important et a une influence, mais que ce n'est pas toujours le facteur prédominant. Il y a une foule d'autres critères comme la culture politique, la qualité des candidats, et ainsi de suite. C'est un domaine, je pense, qui exige de la retenue que ce soit pour souligner les effets ou souligner les défauts.
    Alors oui, il est possible d'améliorer notre système. Cela va-t-il tout changer? Non.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'adresserai aux autres témoins au deuxième tour.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Richards, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Harrington, je m'adresse d'abord à vous. Vous avez bien mentionné qu'à votre avis, il est essentiel de consulter directement et largement les gens au sujet de la réforme du système électoral. Dans votre déclaration préliminaire et par la suite, je crois, vous avez énoncé des moyens différents de le faire. Vous avez fait brièvement allusion aux référendums en disant, je crois, que ce n'est généralement pas une option que vous privilégiez. J'ai toutefois eu l'impression que, comme d'autres témoins que nous avons reçus, vous pensez qu'il s'agit peut-être de circonstances exceptionnelles dans lesquelles un référendum serait nécessaire. Je vais vous laisser répondre à cela et le confirmer dans un instant.
    Vous avez aussi évoqué l'idée de tenir directement des élections suite à la démission immédiate du gouvernement. Un certain nombre de députés ici présents pensent probablement que c'est une mauvaise idée même si, personnellement, je serais d'accord, mais pour d'autres raisons. Quoi qu'il en soit, que le gouvernement démissionne ou fait de cette question l'enjeu des élections de 2019, vous sembliez dire que ce serait un moyen de légitimer cette réforme. Dans le cas contraire, pensez-vous aussi qu'un référendum serait une autre façon de la légitimer?
    Oui. J'ai le plus grand respect pour le Parlement et le rôle qu'il joue. À mon avis, la meilleure façon de résoudre cette question est d'en faire l'enjeu d'une campagne électorale ce qui veut dire, bien sûr, que ce sera probablement en 2019. Je sais qu'il y a eu des promesses ou des attentes, mais comme chacun sait, c'est une question extrêmement complexe et personne ne devrait se sentir obligé de précipiter ce processus simplement pour répondre aux attentes de la campagne électorale. Si on me confiait les rênes pour la journée, je dirais que la meilleure solution serait de consacrer cette législature à résoudre la question et à soumettre la proposition aux électeurs dans le cadre d'une élection de style Westminster afin qu'un nouveau gouvernement prenne le pouvoir avec l'appui du public pour la proposition qui aura été formulée.
    Je vais vous arrêter là.
    Je suppose qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute et 45 secondes.
     J'ai une question subsidiaire à poser. Vous avez publié un article intéressant dans la Montreal Gazette en janvier, dans lequel vous disiez que si le gouvernement cherchait à agir sans consulter le public sous une forme ou une autre, le Sénat devrait peut-être intervenir dans l'intérêt démocratique des Canadiens pour bloquer le projet de loi du gouvernement afin de l'obliger à consulter la population.
    Je voudrais simplement comprendre. Pourquoi pensez-vous que ce genre d'intervention exceptionnelle du Sénat serait justifié et légitime?
(1510)
    Je reçois énormément de courrier haineux à ce sujet.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Matthew P. Harrington: Ma solution de repli est un référendum. Il doit y avoir un moyen de consulter officiellement la population. Dans cet article, je réagissais à l'affirmation selon laquelle il n'y aurait ni élection ni référendum auquel cas, comme je l'ai dit, ce serait le rôle du Sénat, car j'ai le plus grand respect pour cette institution. Le Sénat aurait pour rôle d'entraver le processus afin que le public soit consulté, comme il l'a été pour l'ALENA.
    Pour que ce soit très clair, vous dites que pour obtenir vraiment et légitimement le consentement du public, il faudrait soit une élection, soit un référendum. C'est ainsi que nous pourrions être certains qu'on a demandé vraiment le consentement des gens.
    Répondez simplement oui ou non, si possible.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de Mme Romanado.
    Je voudrais vous remercier tous les trois de votre présence parmi nous par un bel après-midi ensoleillé d'août.
    Monsieur Axworthy et madame Norris, vous avez mentionné, tous les deux, qu'il n'y a pas de système électoral parfait et d'autres témoins nous l'ont dit aussi. Vous avez également mentionné qu'aucun système ne répondra à toutes les valeurs qui nous sont chères.
    Notre comité a reçu un mandat avec des directives précises pour le guider dans la recherche de la solution parfaite que nous espérons pouvoir trouver ensemble. Une des principales choses dont les Canadiens nous ont dit se soucier est leur relation avec leur représentant local et je sais que c'est la même chose pour les députés qui ont été élus. Ils aiment avoir une bonne relation avec leurs électeurs. On nous a dit que la représentation proportionnelle plurinominale susciterait une certaine confusion quant à savoir —  « Qui est mon représentant? » — et que nous pourrions perdre le lien entre les Canadiens et leurs représentants.
    Je voudrais savoir ce que vous en pensez étant donné que c'est une chose à laquelle les Canadiens tiennent énormément. Que pensez-vous des répercussions d'un modèle proportionnel mixte?
    Pippa, voulez-vous commencer?
    Voudriez-vous que je commence?
    Prenez le Bundestag. Il y a là-bas deux députés qui sont élus par des méthodes différentes. L'un est élu dans la circonscription uninominale et l'autre est élu à partir de la liste du parti. Il n'y a pas beaucoup d'ambiguïté en ce sens qu'il y a toujours un lien entre les députés et la circonscription locale, les électeurs locaux, le parti local et tous les autres éléments importants pour toute représentation parlementaire.
    Vous pouvez avoir un système mixte, mais cela veut dire qu'il y aura de légères différences dans les rôles et les responsabilités des députés, la quantité de travail qu'ils accomplissent au service de leur circonscription, un service extrêmement précieux qui prend beaucoup de temps et est apprécié dans tout système parlementaire, par rapport à ceux qui se consacreront davantage au travail en comité ou aux enjeux ou autres préoccupations du Parlement. Vous divisez simplement les rôles un peu plus qu'avec le système actuel.
    Ma réponse sera très similaire. C'est un des divers principes énoncés dans le mandat du comité auquel j'accord également beaucoup de valeur. La représentation locale me semble extrêmement importante pour diverses raisons. Premièrement, le mécontentement des citoyens à l'égard de notre système porte surtout sur leurs rapports avec le gouvernement à cause des difficultés, de la confusion et des délais d'attente. Les députés jouent le rôle d'ombudsman et sont le dernier recours que les Canadiens ont à la disposition pour résoudre les graves problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur vie quotidienne. C'est à peu près le seul recours dont de nombreux citoyens disposent lorsqu'ils sont confrontés à des délais d'attente et de longues périodes de difficulté.
    Dans un contexte mondialisé où tout prend des dimensions encore plus grandes, il est absolument crucial d'avoir cette relation personnelle. Comment gérer cela, comme Mme Norris vient d'en parler — avec des circonscriptions plurinominales si nous sommes toujours très orientés vers les circonscriptions uninominales? Certains députés seraient là pour compléter la liste. Des élus au niveau national centreraient leur attention sur les questions plus nationales, les enjeux parlementaires, etc., laissant les autres s'occuper des questions locales qui constituent l'essentiel du travail des députés et une fonction qu'eux seuls peuvent remplir.
(1515)
    Madame Norris, étant donné les valeurs auxquelles les Canadiens tiennent beaucoup, que penseriez-vous d'adopter le système du scrutin préférentiel avant de passer au scrutin proportionnel mixte?
    En ce qui concerne la représentation, il faut aussi penser aux petits partis. L'idée classique de la représentation parlementaire est qu'on s'adresse à son député, quel que soit son parti, car il représente la circonscription dont il est le député. Cela exclut les petits partis. Si vous avez un système proportionnel mixte, les petits partis ont plus de chances de se faire élire et vous n'êtes donc pas obligé de vous adresser à votre député. Vous pouvez vous faire représenter par un canal différent.
    Pour ce qui est du scrutin préférentiel, c'est une autre option. Si l'on choisit le vote préférentiel, c'est un système plus majoritaire, ce qui a certaines conséquences pour la représentation des partis, mais je ne pense pas que vous devriez procéder par étape. Vous devez faire un choix et ne pas dire: « Choisissons ce système et, plus tard, nous choisirons… », car vous ne voulez pas créer d'instabilité. Il faut du temps pour mesurer les conséquences de tout système électoral, et surtout pour que les électeurs sachent comment agir dans le cadre de ce système sur le plan du scrutin et de la circonscription. Il n'est pas souhaitable de faire deux choix.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Professeur Axworthy, comme je veux citer un texte que vous avez écrit à l'époque du gouvernement minoritaire de 2004, je vais m'exprimer en anglais.

[Traduction]

    Vous avez écrit ce qui suit au sujet des parlements minoritaires, et c'était à ce moment-là le premier de ce genre depuis les années 1970:
    Les politiques se décident en fait à la Chambre des communes.
    C'est important, bien sûr. Vous dites également:
    À Ottawa, les décisions importantes ne sont plus prises discrètement par des sous-ministres, mais à la suite de négociations publiques entre les partis dans l'arène bruyante du Parlement.
    Si je peux remonter encore un peu plus dans le temps, je dirais que vous avez également déclaré:
    Rien ne fait davantage pour supprimer rapidement un déficit démocratique que l'élection d'un Parlement minoritaire. La Chambre des communes se transforme en arbitre. Le pouvoir passe de l'exécutif au législatif.
    Je soulève ces aspects parce que, lorsque nous parlons de représentation proportionnelle mixte, nous voulons souvent obtenir le meilleur des deux mondes. Nous pouvons étudier des exemples comme l'Allemagne où, contrairement à la croyance populaire, le système proportionnel n'est pas incompatible avec une grande stabilité. Si je combine ces remarques avec ce que vous avez écrit à l'époque, pensez-vous que nous puissions conclure qu'un système proportionnel entraînerait le même genre de négociations qui accompagnent un Parlement minoritaire, tout en étant un système plus stable dans lequel — pour ne pas critiquer votre article, parce que vous le mentionnez plus loin, et je ne voudrais pas manquer quoi que ce soit — les partis jouent un grand rôle et les élections peuvent être déclenchées à tout moment? Cela serait supprimé et nous pourrions conserver les aspects avantageux qui incitent les députés à prendre leur rôle beaucoup plus au sérieux que lorsqu'ils font partie pour quatre ans d'un gouvernement majoritaire?
    Avec de la bonne volonté, n'importe quel système peut donner de bons résultats. Avec un système de gouvernement majoritaire, le gros du travail s'effectue au sein du caucus. J'ai recommandé ici et ailleurs, comme je l'avais fait également à l'époque, d'adopter un système très élargi inspiré du système des comités.
    Lorsqu'il y a davantage de partis ou davantage de petits partis, cela veut dire que ce genre de travail s'effectue à la Chambre des communes. À l'heure actuelle, les coalitions se forment à l'interne. Elles se constituent bien souvent au sein des grands partis nationaux, par le biais de la fonction de conciliation des intérêts qu'exercent les partis. Je ne rejette pas ce système; il a joué un rôle essentiel dans l'histoire de notre pays pour ce qui est de l'interaction des forces en présence. Ce genre de processus pourrait encore réapparaître. Mais ce serait de façon différente. Il faudrait qu'il s'inspire des mêmes valeurs: tolérance, sens du compromis, des valeurs qui s'étiolent parfois dans l'atmosphère extrêmement partisane du Parlement, mais cela pourrait certainement se produire.
    Encore une fois, je ne dis pas que les coalitions donnent des résultats horribles. Elles peuvent bien sûr fonctionner. J'ai parlé du comité constitutionnel. On oublie souvent que M. Trudeau a également invité M. Broadbent à se joindre à son cabinet à cette époque parce que nous voulions renforcer la légitimité du projet constitutionnel. C'est le genre d'esprit qui régnait à l'époque. C'est le genre d'esprit qui permettrait à un Parlement minoritaire de fonctionner.
    Cela est-il faisable? Oui.
(1520)

[Français]

     Merci.
    Madame Norris, nous continuons à traiter du système proportionnel, mais il est aussi question des réformes du Parlement.
     Dans le cas de la proportionnelle, on parle souvent des pouvoirs des plus petits partis. Or il ne faut pas oublier les députés du parti qui a gagné les élections et qui travaillent à former le gouvernement. On parle des députés du parti qui a obtenu le plus de sièges dans le cadre de ce système. Les députés de ce parti acquièrent eux aussi davantage de pouvoirs. Ici, on ne parle pas seulement du petit parti qui tente de former la coalition, mais également des membres du plus gros parti qui appartient à cette coalition.
     Est-ce juste de dire cela? Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

[Traduction]

    Votre premier commentaire est tout à fait juste. Les petits partis seraient probablement mieux représentés, comme les Verts au Canada, parce qu'ils obtiendraient un pourcentage de sièges qui correspondrait mieux au nombre de votes obtenus, selon ce que donnerait le système retenu.
    Comment cela touche-t-il les députés? C'est une question complexe. Par exemple, si vous adoptiez un système proportionnel, il faudrait réfléchir à la façon dont seraient choisis les candidats dans chaque circonscription. Bien souvent, c'est la direction du parti qui désigne les candidats, de sorte que les députés dépendent en réalité davantage de la direction du parti dans un système proportionnel. Par exemple, en Italie, la place qu'occupent les candidats sur la liste est décidée par le parti.
    Il faut penser aux aspects techniques. Si nous prenons une circonscription qui utilise la RP, il faut se demander si la liste est ouverte ou fermée, c'est-à-dire si la liste des candidats est établie par les partis et est fixe ou si les électeurs peuvent la modifier et si les candidats peuvent essayer d'élargir leur électorat?
    Merci.

[Français]

    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame, messieurs, soyez les bienvenus au sein de votre Parlement canadien.
    Monsieur Axworthy, vous avez mentionné plus tôt qu'il fallait un consensus ici, au sein de ce comité, pour pouvoir passer à l'action. Si d'aventure ce consensus est atteint, devra-t-il obligatoirement être pris en compte par le gouvernement? Bref, selon vous, le gouvernement est-il lié par le travail de ce comité?

[Traduction]

    Dans un comité, il peut y avoir consensus même s'il n'y pas nécessairement unanimité; il faut par contre qu'il y ait une entente sur les principes généraux. Je pense que, si le gouvernement n'obtenait pas un consensus — et je répète encore une fois qu'il ne s'agit pas d'unanimité — un consensus large auquel adhère la plupart des membres du comité, je n'irais pas de l'avant s'il n'y avait pas un tel consensus. Lorsqu'on veut introduire un nouveau système, quelles que soient ses qualités, la façon de l'introduire joue un rôle essentiel si l'on veut que ce soit une réussite. Si le système semble être imposé à la population, je dirais qu'il est déjà voué à l'échec.
    Si le comité n'en arrivait pas à un consensus, je pense qu'il faudrait continuer à étudier ces questions et attendre. Je le répète, le système actuel ne fonctionne pas si mal de sorte que nous pouvons attendre pour bien faire les choses.
    Si le comité en arrivait à un consensus, pensez-vous que le gouvernement respecterait ce consensus et en tirerait les conséquences?
    Oui, tout à fait.
    Savez-vous que la ministre chargée des élections a affirmé le contraire, qu'elle ne serait pas liée par les conclusions du comité?
    Eh bien, je ne suis pas la ministre. Je ne suis pas son conseiller...
    Ce n'est pas Trudeau.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Gérard Deltell: C'est ce qu'il a dit.
    Je répéterai tout simplement que, si je me fie à mon expérience, lorsque vous donnez à un comité un mandat essentiel et fondamental, comme la Constitution l'était et comme l'est aujourd'hui le système électoral, il faut faire tout ce qui est possible pour obtenir un large consensus — et non pas l'unanimité. C'est vraiment le but essentiel à rechercher.
(1525)
    Ne pensez-vous pas que la meilleure façon d'y parvenir est de tenir un référendum, pour que la population puisse se prononcer sur une question aussi importante et aussi vitale?
    Je suis de l'avis de M. Harrington sur ce point: les Parlements prennent les grandes décisions et les parlementaires sont chargés de défendre l'intérêt public. Dans ce rôle, même s'il faudrait encore le renforcer par l'éducation, je pense encore qu'au départ, le Parlement a le pouvoir de prendre seul ce genre de décision, pourvu qu'il respecte le consensus atteint et le processus choisi.
    Pourrait-on imposer une telle réforme en limitant la durée des débats par exemple? Je pense que cela bloquerait toute possibilité de réforme. Par contre, si le comité en arrivait à un consensus, serait-il possible que l'on retrouve ce consensus dans tous les partis, ou du moins chez la plupart des députés, si ce n'était pas un consensus de tous les partis? Eh bien, je dirais que oui.

[Français]

     Monsieur Deltell, il vous reste environ une minute.
    D'accord.
    Monsieur Axworthy, je suis votre logique concernant le fait que le Parlement prend de grandes décisions, mais selon nous, cette décision est fondamentale parce que c'est l'institution démocratique la plus importante dans notre système et que c'est le mode électoral en vigueur qui décide qui nous gouverne. Par la suite, il y a les décisions touchant le budget, la politique internationale, la défense et toutes les autres. Toutefois, fondamentalement, il n'y a pas d'institution plus importante que le mode électoral.
    Êtes-vous sûr que le gouvernement a l'autorité de prendre la décision à cet égard? Ne serait-il pas préférable d'avoir un référendum?

[Traduction]

    Je répéterais simplement que tous les changements qui ont été apportés aux grands principes de notre système électoral — la façon de délimiter les circonscriptions, le droit de vote lui-même, l'attribution de ce droit aux femmes et aux jeunes de moins de 18 ans — tous ces changements ont été faits par le Parlement; c'est pourquoi je crois que celui-ci pourrait être introduit de la même manière. Je n'en ai mentionné qu'un ou deux, mais dans mon mémoire, je crois que j'énumère plus de 20 changements de ce genre.
    Merci.
    M. Aldag est le prochain intervenant.
    La séance de cet après-midi a été excellente pour moi parce qu'elle m'a permis de réfléchir au point où en était arrivé le comité. Nous avons entendu encore une fois des témoignages très intéressants. J'ai beaucoup apprécié qu'on nous présente au début de la séance des questions au sujet des aspects et des éléments essentiels que nous devions examiner. C'est à cela que je réfléchissais pendant que j'attendais mon tour pour utiliser le micro.
    À la question de savoir pourquoi nous voulons réformer le système, pourquoi le faire maintenant, et de savoir s'il est urgent de faire quelque chose, je me suis dit que ce n'était pas la première fois que nous parlions de la nécessité de procéder à une réforme au Canada. J'ai été très surpris d'apprendre, quand j'ai été choisi pour être membre du comité, que ce sujet avait déjà été discuté à plusieurs reprises au cours du dernier siècle. Je trouve cela fascinant. Cela indique qu'il y a des choses... Nous ne nous trouvons peut-être pas dans la situation de crise qui existait en Nouvelle-Zélande, un pays où les résultats étaient vraiment très déformés et où la population était insatisfaite, mais j'ai réfléchi à tout cela. J'ai fait du porte-à-porte et pendant la campagne, j'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont dit qu'ils n'allaient pas voter parce qu'ils n'avaient pas confiance dans le processus et que leur vote ne comptait pas.
    Il y a tous ces aspects. Nous constatons que la participation électorale diminue et que certains groupes ne sont pas représentés, notamment. Est-ce bien là le genre de situation dans laquelle nous devons nous trouver pour agir ou est-ce qu'elle n'est pas encore suffisamment grave pour faire office de catalyseur? Notre gouvernement sait que nous subissons des pressions pour que nous nous engagions dans cette voie. Il y a ensuite les questions qui se posent au sujet des options et des façons d'améliorer les bons systèmes. Nous avons apporté des ajustements et des changements au système majoritaire uninominal à un tour.
    Je vous demande à tous les trois si nous ne sommes pas pratiquement obligés de conserver ce système? N'en sommes-nous pas arrivés à un moment critique au Canada ou est-ce bien le seul système capable de répondre aux besoins des Canadiens? Je me suis également dit que les provinces avaient tenu des référendums pour proposer des changements à ce système et qu'ils ont tous été rejetés. Pourquoi ces rejets? Pourquoi n'avons nous jamais été au-delà de ce que nous avons? Le système uninominal est-il la seule solution pour le Canada?
    Madame Norris, j'aimerais peut-être commencer par vous. Je reviendrai ensuite aux autres témoins.
    On retrouve la plupart des problèmes que vous avez mentionnés dans les démocraties occidentales. Il ne s'agit pas vraiment de choisir entre un système majoritaire ou la RP. La crise de confiance dans les parlements, au sujet de leur rôle et de leur pouvoir, est fortement influencée par la mondialisation et la perte de souveraineté des États, ce qui veut dire que les parlements ne sont plus les institutions qu'ils étaient il y a 20, 30 ou 40 ans. Par conséquent, le seul fait de modifier légèrement ou profondément le système électoral ne permettra pas nécessairement d'atteindre ces objectifs. En Nouvelle-Zélande, on a mesuré, par exemple, l'efficacité du gouvernement avant et après la réforme et cette efficacité ne s'est pas améliorée. La confiance envers les institutions n'a pas été renforcée.
    D'un autre côté, nous savons qu'en réformant le système, les règles du jeu, il est possible de modifier certains aspects mécaniques. Il est probable que le nombre des femmes élues au Parlement augmentera avec la RP et que la participation augmentera également. On peut obtenir certains résultats précis en changeant les règles du jeu. Pour d'autres aspects, un tel changement risque d'empirer et non d'améliorer les choses.
    Il s'agit, encore une fois, comme nous l'avons dit au début, d'identifier le problème fondamental que vous voulez régler. Il n'est pas nécessaire que ce soit une situation de crise, mais y a-t-il des questions particulières qui soulèvent des problèmes sur le plan de la politique canadienne? Si c'est bien le cas, quelles sont les règles qui permettraient de régler vraiment ce problème particulier?
    Il faut toutefois reconnaître qu'il n'y a pas de solution miracle à tous les problèmes auxquels vous faites face, comme il n'y en a pas dans les autres systèmes politiques ou les autres démocraties.
(1530)
    Merci.
    Un des avantages qu'offre le système uninominal à un tour et une des raisons pour lesquelles il a été conservé après les référendums qui ont été tenus en Colombie-Britannique, en Ontario et le reste — et c'est un aspect qu'il ne faudrait pas minimiser — est qu'il est simple et facile à comprendre. Nous le connaissons bien et la simplicité de notre système électoral est une qualité importante dans un monde où règne la confusion et où se côtoient toutes sortes de messages.
    C'est pourquoi je vais revenir à une remarque que plusieurs d'entre nous ont faite, c'est-à-dire que, si nous voulons introduire des changements, le volet éducation — en plus des commentaires que j'ai faits au sujet du Parlement comme facteur de changement complémentaire pour ce qui est du système électoral — revêt une importance considérable pour toutes ces questions. Je pense que, si les réformes proposées n'ont pas survécu aux référendums, c'est principalement parce qu'il n'est pas facile de comprendre les autres systèmes et parce que nous sommes habitués à un système facile à comprendre, qui, je le dis en passant, n'est pas si mauvais.

[Français]

     Merci.
    Nous allons commencer le deuxième tour. Madame Sahota, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci.
    Je vais poursuivre cette idée de la simplicité. J'ai posé une question à ce sujet hier et je crois qu'il y a des gens qui s'en moquent parfois et qui disent que tous les systèmes électoraux sont simples. Nous avons entendu un témoin australien nous dire que les bulletins de vote étaient volumineux, mais que cela fonctionnait bien malgré tout et que c'était simple.
    Quelqu'un a pris la parole au cours de la réunion locale que je tiens le dimanche et quelqu'un m'a demandé sur Twitter si c'était le projet d'un parti et si c'était pour cette raison qu'il mettait de l'avant la simplicité. Ce n'est pas du tout ce qui se passait; c'était simplement un homme qui était venu par simple intérêt parce qu'il ne connaissait rien au sujet. Je dirais qu'il représentait un très petit pourcentage de l'assemblée, et que la plupart des autres étaient venus dans un but précis. J'ai beaucoup aimé que cette personne assiste à cette réunion. Elle était arrivée assez récemment au pays, je dirais qu'elle y vivait depuis 10 ou 15 ans. Elle a dit que les membres de ce comité en savaient sans doute davantage et elle les invitait à choisir un système qui serait mieux adapté, mais à faire l'effort de bien l'expliquer et de choisir un système simple parce qu'elle ne savait pas très bien pourquoi nous voulions modifier le système actuel.
    Je l'ai regardé et je me suis dit: « Voilà qui est intéressant. Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ce que nous faisons ». Tous ceux qui sont assis autour de la table pensent que nous faisons un travail très important et parmi mes collègues politiques, tout le monde comprend que c'est une question très importante, tout comme le font certains groupes qui étudient et s'intéressent à ce problème, mais la population se demande: « De quoi parlez-vous? » Vous essayez d'amener les gens à assister à des réunions et ils vous demandent « De quoi s'agit-il? Qu'est-ce que c'est qu'un système uninominal à un tour? » J'ai même connu des personnes qui font de la politique et qui m'ont demandé ce que c'était.
    C'est la raison pour laquelle je vous demande quelle est l'importance que vous attachez à cette réforme? J'ai mentionné que notre pays accueillait tous les jours de nouveaux immigrants et je me demande si nous n'avons pas le devoir de tenir compte de ces personnes. Un des principes fondamentaux que le comité a pour tâche d'examiner est l'inclusion. L'inclusion s'applique également à ces personnes. L'inclusion veut dire qu'il faut faire en sorte que chacun comprenne comment se rendre dans son bureau de scrutin, comment voter et comment avoir accès à ce processus.
    Que pensez-vous de tout cela et quel est d'après vous le système qui répondrait à ces besoins?
    Oui. Je pense que la simplicité — et l'autre aspect est la responsabilité. Lorsque je vote, je veux savoir à la fin de la soirée qui a gagné. Je pense qu'un système trop compliqué fait craindre que l'ordinateur fait toutes ces choses, mais lorsque nous avons un gouvernement qui est responsable parce qu'il a obtenu le plus grand nombre de sièges et que des gens ont voté pour lui dans une circonscription donnée. Je crois que cela est également une valeur qu'il ne faudrait pas minimiser.
    C'est un aspect qui me paraît particulièrement important pour les nouveaux arrivés ou pour les personnes qui ne s'intéressent pas beaucoup à la politique, que ce soit comme passe-temps ou comme travail; il faut que ce système ne paraisse pas seulement être simple, mais que ces gens puissent comprendre les résultats et sentir qu'ils ont des liens avec leur député. Les gens ne sont pas toujours satisfaits des résultats, mais au moins, ils les connaissent.
(1535)
    Madame Norris, voulez-vous faire un commentaire?
    J'ai une brève réponse. Pensez au R.-U., qui a actuellement six systèmes électoraux qui donnent d'excellents résultats. Il y a le système uninominal à un tour pour Westminster, il y a une liste des candidats des partis pour l'Europe, vous avez le vote préférentiel pour le maire de Londres et il y a le SPA pour l'Écosse et le Pays de Galles et les gens savent comment voter avec ces différents systèmes.
    Ce n'est pas vraiment le fait de déposer son bulletin qui est compliqué; c'est un aspect, mais il est possible de l'expliquer. Les complications concernent davantage le directeur des élections et Élections Canada parce qu'ils doivent calculer les résultats après le vote, mais de nos jours, avec la technologie, cela est assez simple. Comme nous l'avons vu en Australie, on n'obtient pas toujours les résultats instantanément. Il faut parfois attendre un peu, mais on les obtient.
    À mon avis, la question de la complicité des choix et du système n'est pas une question essentielle. Si le R.-U. peut le faire...
    Il y a aussi le fait que, bien souvent, nous pensons que les choses sont simples parce que nous les connaissons bien. Bien évidemment, si vous modifiez le système, les gens vont s'y habituer et apprendre à s'en servir. Vous pouvez même faire des élections simulées avant de déclencher de vraies élections pour que les gens puissent voir comment cela fonctionne.
    Il est très facile de préserver la simplicité.
    Madame, vous avez déclaré qu'aucun système ne pourrait supprimer le vote stratégique...
    Il vous reste environ 15 secondes.
    Pouvez-vous en dire davantage? Quel genre de vote stratégique retrouve-t-on dans les autres systèmes? On nous a dit jusqu'ici que cela pourrait être supprimé si nous adoptions la RP.
    Le vote stratégique concerne la taille du parti et la question de savoir si votre parti, celui qui vous appuyez véritablement, va gagner ou non. Cela se fait dans tous les systèmes. Gary Cox a écrit un excellent livre sur le vote stratégique.
    C'est un peu plus fréquent avec le système uninominal à un tour parce qu'un parti qui arrive en troisième ou quatrième place n'obtiendra aucun siège, mais il est également possible de faire un vote stratégique en appuyant un petit parti dans une circonscription plurinominale et aussi, dans une circonscription très étendue. Il s'agit de faire des prévisoins.
    Merci.
    M. Reid est l'intervenant suivant.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais adresser mes prochaines questions à Mme Norris, à qui j'ai également adressé ma première série de questions, mais ce n'est pas que je ne respecte pas les autres témoins, qui sont en réalité très intéressants. C'est tout simplement que Mme Norris est la spécialiste de cette question.
    Lorsque vous avez répondu à la question que j'avais posée au sujet de la comparaison entre les deux séries de référendums qu'il y a eus en Nouvelle-Zélande, le drapeau et la réforme du système électoral, vous m'avez donné une réponse à laquelle je ne m'attendais pas. Ce sont bien sûr les meilleures. Vous avez parlé du temps qui s'était écoulé entre le premier et le deuxième référendum et vous avez insisté sur le fait que, dans ce genre de situation, il fallait prévoir suffisamment de temps pour informer la population. Cette réponse correspondait en fait au témoignage que nous avons entendu hier au sujet des assemblées des citoyens qui ont précédé la tenue de référendums en Colombie-britannique et en Ontario, et qui portaient sur la réforme électorale.
    Un des problèmes auxquels nous faisons face — et c'est un aspect essentiel dans le contexte canadien actuel — est que le premier ministre a promis au cours de la dernière campagne électorale que nous aurions un nouveau système pour les élections de 2019 et qu'il faut un peu de temps pour mettre en oeuvre un nouveau système.
    Bien sûr, mon parti demande un référendum, mais les délais sont tels qu'il serait pratiquement impossible d'avoir un référendum en deux étapes, ni même un où seulement quelques mois sépareraient la première étape de la seconde, tout cela pour avoir en place un nouveau système pour les élections de 2019.
    Y a-t-il une façon de résoudre ce casse-tête? Peut-être que oui, peut-être que non. Je vous pose simplement la question.
    Les débats prennent du temps, en particulier, comme vous l'avez mentionné il y a un instant, parce que les gens ne connaissent pas les autres systèmes. La meilleure réponse est qu'il faut renoncer à respecter les délais, ce qui introduira davantage de souplesse; c'était une promesse qui a été faite, à mon avis, sans qu'on ait beaucoup réfléchi aux conséquences. D'une certaine façon, le comité a pris un peu de retard pour ce qui est d'organiser les choses et de les faire bouger. Nous sommes en 2016 et nous en sommes encore à examiner les différentes solutions.
    Idéalement, il faudrait repousser la date butoir de 2019 en disant qu'il faut suivre un processus approprié. Ce n'est pas le genre de choses que l'on réussit du premier coup et vous voulez que cela donne de bons résultats. Il faut aussi bien choisir le moment pour agir. Vous pouvez aujourd'hui modifier le système, mais cela ne sera pas nécessairement possible de le faire dans 10 ou 20 ans, de sorte que vous devez faire en sorte que la décision reflète la volonté de la population du Canada et celle du Parlement.
    Il vaut mieux reporter cette date que se précipiter pour respecter un délai artificiel.
(1540)
    Très bien. Merci.
    L'autre question que je voulais vous poser concernait une autre comparaison, le référendum australien sur la république qui a eu lieu en 1999. Il y a eu en 1997 et en 1998 l'élection d'une assemblée constituante qui s'est réunie pour décider si l'Australie devrait devenir une république. Selon la constitution australienne, il fallait tenir un référendum et le référendum devait nécessairement porter sur le produit fini — il ne s'agissait pas de décider s'il fallait procéder à un changement, mais d'approuver ou de rejeter un projet, ce qui me paraît être une excellente idée. J'en suis arrivé à cette conclusion parce qu'il est possible que l'idée d'une république ait été appuyée en principe par la majorité des Australiens, mais que le modèle particulier que le gouvernement a finalement proposé a été déclaré insatisfaisant par la majorité de la population.
    C'est une version du même problème qui se poserait pour nous avec un référendum, ou en fait avec n'importe quel mécanisme, comme une élection, dont le but serait d'approuver un nouveau modèle: le contenu du modèle serait finalement décidé après coup par les acteurs politiques, à moins que le mécanisme d'approbation porte sur une mesure législative particulière déjà rédigée, comme cela était le cas avec le modèle australien, tout comme pour le Britain's Reform Act des années 1830.
    Avez-vous des commentaires à faire sur ce problème?
    Si l'on veut obtenir ce genre de consensus, il faut faire abstraction des intérêts partisans. C'est pourquoi je ne souscris pas à ce que mes collègues ont déclaré, à savoir qu'une élection qui est influencée au départ par des aspects partisans fait problème lorsqu'il s'agit de questions constitutionnelles. Les simples députés pourraient ne pas suivre nécessairement leur chef ou pourraient entretenir des opinions différentes et vous ne voulez pas que chaque parti propose uniquement ce qui correspond à ses intérêts particuliers. C'est un peu comme si les poulets devaient tenir un vote au sujet de Noël, la question classique.
    Si l'on peut supprimer l'aspect partisan, cela veut dire un référendum ouvert, où la population peut, comme pour le Brexit, appuyer le côté qu'elle souhaite en fonction de ses valeurs, de ses propres intérêts ou de ses propres principes sur la façon dont devrait fonctionner un système électoral — alors, je dirais qu'un référendum serait préférable à une élection. Encore une fois pour les raisons que j'ai mentionnées, un référendum qui accorderait suffisamment de temps pour la tenue de débats et qui se combinerait à la mise sur pied d'une assemblée délibérante, ou d'un débat constitutionnel à l'extérieur du Parlement pour en arriver à un véritable consensus, me paraît être la meilleure solution.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Boulerice.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais citer une étude en anglais, et il me sera donc plus facile de formuler mes commentaires et mes questions en anglais.
    Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord commencer par dire que nous avons entendu à quelques reprises que nous devons choisir un système électoral simple parce que les immigrants ou les nouveaux arrivés ne connaissent pas très bien notre système. Je dirais que la plupart du temps c'est le contraire, parce que ces personnes doivent étudier avant d'obtenir le droit de vote. Il y a beaucoup de Canadiens qui n'étudient pas notre système électoral dans nos écoles.
    Madame Norris, j'ai ici l'étude d'un organisme britannique qui s'appelle la Electoral Reform Society, et qui a préparé un petit rapport sur les élections générales irlandaises de 2016 et qui porte sur la RP et les liens avec la circonscription.
    Permettez-moi de citer le commencement d'un chapitre.
En Grande-Bretagne, il arrive souvent que ceux qui s'opposent à la représentation proportionnelle affirme que le SMUT permet d'établir des liens avec la circonscription. L'existence de tels liens est effectivement important pour la culture démocratique britannique, puisqu'elle permet aux députés de connaître la vie quotidienne des citoyens, et ainsi de prendre position au palier national sur des problèmes locaux, ce qui donne aux gens le sentiment d'avoir des liens avec leur député.
Et pourtant le système politique de l'Irlande démontre bien que la RP et les liens avec la circonscription peuvent fort bien aller ensemble.
L'Irlande comprend 40 circonscriptions qui permettent d'accorder entre trois et cinq sièges et il est donc encore possible que les circonscriptions correspondent assez bien aux frontières locales, en regroupant une ville... ou un comté...
    Nous savons également qu'en Allemagne, les députés qui figurent sur la liste font du travail dans leur circonscription, rencontrent les organisations locales et que, dans d'autres pays, les partis souhaitent dresser une liste de candidats suffisamment diverse pour qu'il y en ait qui viennent de différentes régions, de grandes villes, pour des raisons évidentes.
    Pensez-vous que la RP et la représentation locale puissent se combiner, comme le dit cette étude?
(1545)
    Elles peuvent se combiner et l'aspect important est la taille de la circonscription. Si vous avez une petite circonscription — en Espagne, elle correspond à trois à cinq sièges, en Irlande cinq — l'électeur peut alors s'adresser non pas seulement à un député, mais à quelques députés, peut-être même de partis différents, pour qu'ils représentent les préoccupations de leur circonscription, pour qu'ils défendent ses intérêts ou s'occupent de sa situation.
    Dans le cas d'une grande circonscription, ce lien est plus diffus. Il y a de nombreux pays où les circonscriptions correspondent à, disons, 16 à 20 sièges, et il n'est pas possible d'intervenir au niveau de la circonscription lorsque celle-ci est aussi vaste. Les cas classiques sont Israël, où il n'y a qu'une seule circonscription dans le pays, et les Pays-Bas. Dans ces pays, les liens qui existent entre les membres de la Knesset en Israël et les électeurs sont extrêmement ténus. Dans cette situation, il n'y en a plus.
    Cela dépend de la façon dont on délimite les circonscriptions et de la volonté d'inciter les candidats à offrir des services à leurs électeurs. Ce n'est pas un système où il faut choisir entre la RP et la circonscription uninominale.
    Il y a des gens ici qui disent que nous devrions peut-être avoir un système canadien pour nos grandes circonscriptions, qui sont plus étendues que la plupart des pays européens, et que nous devrions quand même conserver le système uninominal à un tour parce qu'il est impossible de les fusionner. Ce serait stupide. Dans les banlieues ou dans les zones urbaines, cela est plus facile parce que l'on trouve des communautés d'intérêt. Serait-il possible d'avoir un système de représentation proportionnelle mixte qui prévoirait un système majoritaire uninominal à un tour dans certaines régions?
    Il ne paraît pas souhaitable d'introduire une nouvelle fracture entre les électeurs urbains et les électeurs ruraux. Le fait d'adopter un type de représentation pour certains et un autre pour d'autres susciterait toute sorte de problèmes. Il faut réfléchir à la délimitation des circonscriptions et faire preuve d'imagination pour que les circonscriptions soient assez comparables sur le plan de la taille comme c'est le cas actuellement. Je ne suis pas en faveur d'adopter deux ou trois systèmes électoraux différents pour différentes régions du pays. Cela entraînerait toutes sortes de déformations de la représentation et créerait d'autres difficultés pour les députés.

[Français]

     Madame Norris, on a dit auparavant que le système proportionnel pourrait améliorer la place des femmes dans les parlements. Seriez-vous aussi d'accord pour qu'il y ait un système de quotas à ce sujet? Ou encore, comme mon collègue Kennedy Stewart l'a proposé, seriez-vous d'accord pour qu'on impose des sanctions pécuniaires aux partis politiques qui ne présenteraient pas suffisamment de candidatures féminines?

[Traduction]

    J'adopterais ces trois propositions. Habituellement, la RP augmente automatiquement le nombre des femmes élues grâce aux incitatifs que vous avez mentionnés. Les systèmes de quotas sont également souhaitables, même s'il est parfois difficile de les mettre en oeuvre dans un système majoritaire uninominal, mais cela peut se faire. Par exemple, on l'a utilisé au R.-U. Il y a des pénalités financières pour inciter les partis à participer aux programmes d'action positive, grâce, par exemple, à des mesures incitatives pour le financement de la campagne ou des partis, qui sont également d'excellentes mesures. Le fait de prévoir ces mesures dans une loi, accompagnées d'incitatifs, ne peut que renforcer le travail que vous faites.

[Français]

    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Notre système électoral est fondé sur des valeurs, notamment celle de la stabilité, mais il entraîne aussi des problèmes de distorsion. Au sein de ce comité, nous avons la chance d'entendre des experts qui viennent nous dire quel système pourrait être plus intéressant en étant fondé sur les mêmes valeurs ou sur d'autres valeurs. Nous nous questionnons à ce sujet.
    Messieurs Axworthy et Harrington, lors de vos présentations et dans les échanges, vous avez fait référence à quelques reprises à une institution politique importante du Canada, à savoir le Sénat, qui a un rôle à jouer. Malheureusement, il pose un problème de légitimité étant donné que les sénateurs et les sénatrices ne sont pas élus.
     Dans une réforme des institutions politiques visant une meilleure démocratie et une meilleure représentativité, serait-il souhaitable d'envisager une réforme du Sénat où les sénateurs pourraient être élus de façon ponctuelle?
(1550)

[Traduction]

    Non, je ne le pense pas. Les deux Chambres du Parlement n'ont pas la même raison d'être. La partisannerie est un élément essentiel de notre système de partis. La Chambre des communes est un peu comme une arène et elle possède une légitimité démocratique. J'ai utilisé l'expression de David Smith à savoir le Parlement du peuple. Le Sénat a un rôle davantage délibératif, il contrôle le gouvernement et améliore les mesures législatives. Je pense que, pour le bien de tous, il faudrait combiner les avantages de ces deux institutions et ne pas reproduire au Sénat les bons et les mauvais aspects de la Chambre des communes. Le Sénat a connu des problèmes, de graves problèmes, mais ce n'est pas en remplaçant le processus de nomination par un processus non partisan, basé sur le mérite, et beaucoup plus représentatif, que...
    Je mentionne en passant qu'il va y avoir de profonds changements parce qu'à l'avenir, les premiers ministres vont considérer qu'il s'agit d'une convention et ils ne vont pas simplement se contenter de nommer au Sénat des membres de leur parti. Nous sommes en train de revoir le système. Il y aura d'énormes changements parce que nous aurons des sénateurs indépendants qui posséderont l'expertise nécessaire pour examiner les mesures législatives et, nous l'espérons, les améliorer et les renvoyer à la Chambre des communes. La Chambre des communes possède une légitimité démocratique et, avec ce nouveau système, le Sénat peut avoir une légitimité parce qu'il est spécialisé.

[Français]

     Monsieur Harrington, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

[Traduction]

    Je souscris tout à fait à ces commentaires. Je ne pense pas que le Sénat connaisse des problèmes de structure. Il est possible de résoudre les problèmes du Sénat en nommant de meilleurs sénateurs. Le fait que les sénateurs ne soient pas élus est une objection que je comprends mal puisque la Cour suprême elle-même n'est pas élue et que nous nous en remettons énormément, de façon tout à fait malsaine, d'après moi, à ce que dit la Cour suprême.
    Le fait qu'un organisme soit élu ou non ne veut pas dire qu'il ne puisse jouer un rôle constitutionnel important. Je souscris complètement à l'idée qu'un Sénat élu ferait concurrence à la Chambre des communes et que, si l'on veut savoir ce que cela donne, il suffit de regarder ce qui se passe au sud de la frontière. Les membres du Sénat des États-Unis étaient auparavant nommés par les assemblées législatives des États; ils représentaient vraiment les intérêts régionaux des États. On parle aujourd'hui constamment de blocage et il est facile de constater ce qui se passe. En fait, il y a une blague — j'ai déjà travaillé à Washington — qui disait que le Sénat était le cimetière des bons projets de loi. C'est parce que le Sénat ne dépend pas de la Chambre.

[Français]

    Madame Norris, comme vous le savez, il y a 338 personnes élues au fédéral et chacune représente chacun environ 100 000 Canadiens. Advenant une réforme du mode de scrutin et l'adoption d'un système proportionnel avec des listes, serait-il selon vous préférable d'accroître la taille des circonscriptions et de maintenir le nombre d'élus ou plutôt d'augmenter le nombre d'élus? Nous sommes déjà 338.

[Traduction]

    Habituellement, avec la RP, le nombre des députés par circonscription augmente, ce qui veut dire qu'il faut regrouper un certain nombre de circonscriptions. On pourrait avoir, par exemple, une circonscription qui correspondrait à l'heure actuelle, disons, à Montréal, au lieu d'en avoir plusieurs ou aux différentes villes de la région de Toronto. Normalement, avec un système de RP, les circonscriptions sont plurinominales. Ce serait la façon la plus facile de le faire, mais cela dépendrait de la commission de délimitation des circonscriptions et de ce qui serait pour elle une circonscription naturelle ainsi que les conventions à appliquer pour l'établissement de leurs frontières.
    Nous allons maintenant devoir passer à l'intervenant suivant, madame May.
    J'aime beaucoup l'expression que vous avez utilisée, madame Norris, lorsque vous avez parlé équité pour les petits partis. Je vous avoue que je suis le chef du Parti vert du Canada et que je ne m'intéresse pas du tout à l'équité pour les partis. Je crois que nous devons oeuvrer dans l'intérêt des électeurs et des citoyens, et que c'est pour être juste envers eux que nous examinons la possibilité de changer notre système électoral. Encore une fois, je sais qu'il s'agit de valeurs, mais quel devrait être, d'après vous, suite à vos recherches, le rôle des partis dans le choix du système électoral et le respect de l'équité envers les électeurs, qui doit être à mon avis notre principale préoccupation?
(1555)
    Les électeurs considèrent normalement qu'un système est équitable lorsque le pourcentage des votes correspond au pourcentage des sièges. Ainsi, un système majoritaire pénalise systématiquement les partis qui arrivent en troisième, quatrième et cinquième position et accorde toujours au gagnant un avantage, un avantage exagéré, qui va au parti qui arrive en tête, quel que soit ce parti.
    Le système majoritaire n'est pas conçu pour être fondamentalement équitable sur ce plan. Il est conçu pour donner une forte majorité et pour permettre à un exécutif fort de prendre des décisions importantes. On pourrait dire que c'est là un problème fondamental parce qu'avec le temps, en particulier depuis les années 1950, on a constaté, dans pratiquement tous les pays occidentaux, une diminution progressive de l'allégeance politique et une prolifération des partis, parce que les gens ne se perçoivent pas en termes de classe et n'appuient plus les partis parce qu'ils sont de gauche ou de droite. Les gens ont de nombreux autres intérêts, comme l'environnement — et également, il faut le dire, comme les partis populistes de droite. Les systèmes de parti sont fragmentés et les systèmes majoritaires à un tour essaient de prendre en compte ce que les électeurs veulent réellement pour ce qui est de leur préférence en matière de parti dans un système qui ne permet pas ce genre de représentation. C'est là un argument particulièrement fort pour justifier une réforme au Canada.
    Les systèmes majoritaires donnent des résultats proportionnels lorsqu'il y a deux partis. Si vous êtes aux États-Unis et ne pouvez voter que démocrate ou républicain — dans l'ensemble les partis libertaires et les verts n'obtiennent tout au plus que 5 % des votes — alors le pourcentage des votes correspond à peu près au pourcentage des sièges. S'il y a par contre cinq partis, s'il y en a 10, s'il y en a 15, comme cela se produit dans de nombreux pays, alors même s'ils obtiennent une part des votes, ils ne sont pas représentés adéquatement, de sorte qu'une grande partie de la population n'est pas représentée dans un tel système électoral. C'est un argument classique en faveur d'une réforme. Cela touchera également, d'après mes prévisions, le NPD. Cela ne touchera pas autant le Bloc québécois, parce qu'il est concentré dans certaines régions. Mais les Verts, qui sont répartis dans toutes les régions du Canada, seront toujours désavantagés par le système canadien actuel.
    J'aimerais m'adresser à vous, M. Axworthy, pour parler de la question fondamentale de savoir s'il est préférable d'avoir un gouvernement majoritaire fort ou de risquer que les petits partis exercent des pressions pour que soit respecté leur programme. Je vous le demande parce que vous suiviez de très près la situation politique à l'époque. Je pense au gouvernement minoritaire de Lester B. Pearson, dans lequel, s'il n'y avait pas eu un petit parti relativement fort, avec le NPD et Tommy Douglas, nous n'aurions pas aujourd'hui notre système de santé, nous n'aurions pas le régime de pensions du Canada, nous n'aurions pas les prêts étudiants, nous n'aurions pas l'assurance-chômage. Tous ces résultats ont été obtenus grâce aux pressions qu'ont exercé un petit nombre de députés.
    Par contraste, dans la situation faussement majoritaire que nous avons eu avec le dernier Parlement, nous avons adopté des politiques qui avaient pour but de bloquer les mesures touchant le changement climatique, une attitude que n'appuyaient pas la majorité des Canadiens, mais qui a été adoptée par ce que l'on pourrait appelé un « petit parti », en réalité, mais qui détenait le pouvoir à cause de notre système électoral.
    Je me demande si vous voyez là un danger. Comment conciliez vous les différences qu'il y a entre le souci d'avoir un gouvernement efficace et une majorité? Ne faudrait-il pas plutôt dire que le fait d'avoir d'autres intérêts représentés au Parlement, comme cela s'est produit avec la Chambre minoritaire de Lester Pearson, ne constitue pas un danger, mais un avantage?
    Cela dépend de la façon dont l'exécutif réagit aux partis minoritaires. Est-il prêt à faire des compromis, est-ce que ces différents partis se font la lutte et s'opposent les uns aux autres? Lorsque je suis arrivé à Ottawa, ce qui remonte à l'époque jurassique, mon ministre était Walter Gordon, qui était à l'époque le président du Conseil privé. Une des premières tâches que m'a confiée M. Gordon a été d'écouter les débats parlementaires pour voir quels étaient les partis qui avaient de bonnes idées pour que les libéraux puissent les leur voler. C'est ce que les libéraux aiment faire, mais cela reflétait le désir d'utiliser le Parlement pour en tirer des leçons. De sorte que oui, le gouvernement Pearson a été très créatif, pas très bien organisé mais extrêmement créatif, et cela venait du fait qu'il était prêt à faire des compromis avec les autres partis. Avec l'évolution qu'a connue la situation politique au Canada, la volonté de faire des compromis a presque disparu.
(1600)
    Voilà qui termine la période accordée à la seconde près.
    Monsieur DeCourcey, c'est à votre tour.
    Merci, monsieur le président. Vous avez l'air de très alerte dans ce fauteuil.
    Une voix: Donnez-lui une augmentation.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Matt DeCourcey: Cela dépend du temps de parole qui me sera accordé.
    Monsieur Axworthy, je conviens avec vous que les libéraux ont toujours essayé d'adopter de bonnes idées et de les mettre en pratique. Mais j'aimerais revenir sur ce que disait mon collègue M. Ste-Marie, qui parlait de la taille du Parlement et de la question de savoir si les parlementaires devraient exercer leur pouvoir pour modifier le système électoral.
    À votre avis, est-ce que les Canadiens sont vraiment en faveur d'augmenter le nombre des députés? Quelle serait la taille d'une circonscription raisonnable pour un député, peut-être pour un député qui représente une circonscription locale? Quel serait le nombre raisonnable d'électeurs auquel cette personne devrait rendre des comptes? Devrions-nous tenir compte d'autres considérations?
    Nous pourrions inviter le sergent d'armes ou le Président à témoigner, ou au bureau de régie interne, mais je ne sais pas très bien si notre Chambre des communes pourrait accueillir beaucoup plus de députés, à moins d'écarter la tradition canadienne, selon laquelle chaque député a son siège personnel à la Chambre des communes, et d'adopter le système britannique qui n'a pas cette tradition et dans lequel les députés siègent au Parlement lorsqu'ils le peuvent.
    Nous avons augmenté le nombre de députés ces dernières années. Je crains toutefois d'en arriver à un point où la population n'arrivera plus à bien comprendre ce qui se passe à cause d'un trop grand nombre de députés et il devient alors difficile d'organiser notre système. Je crois que l'on pourrait augmenter le nombre des députés, mais pas de façon radicale. Une Chambre où il y aurait 600 députés au Canada, par exemple... C'est à peu près le nombre que l'on retrouve en Grande-Bretagne, un pays dont la population est bien plus grande que la nôtre.
    Je crois que l'on atteint rapidement des limites et que la solution ne consiste pas à ajouter de nouveaux sièges. En tant que député, vous pourriez me dire combien il y a à peu près d'électeurs dans une circonscription. Je pense qu'il est très difficile d'offrir des services dans une circonscription qui regroupe plus de 100 000 électeurs.
    Monsieur Harrington, pour rester sur ce sujet, quelle est la taille des circonscriptions et les autres aspects que nous devrions prendre en compte avec ces différents systèmes, et les points sur lesquels nous devrions être prudents lorsque nous passons des considérations prévues par l'article 42 à celles de l'article 44? Quels sont les aspects d'un changement proposé auxquels nous devrions réfléchir, à votre avis?
    Je pense que le Parlement dispose d'une grande latitude lorsqu'il s'agit de délimiter les circonscriptions. Je crois que la Cour fait preuve d'une grande retenue dans ce domaine et considère qu'il s'agit là d'une question interne. Pour ce qui est des circonscriptions et du nombre de députés au Parlement, je crois que la Cour a clairement indiqué qu'il s'agissait là de questions qui relevaient exclusivement du Parlement.
    Je crois que pour la Cour, le principal problème est celui de la sélection. Le renvoi concernant le Sénat et le renvoi concernant la Cour suprême, portaient tous les deux sur la façon de choisir les nouveaux membres. Le renvoi relatif à la Cour suprême est plus instructif que le renvoi sur le Sénat. Comme je l'ai fait remarquer, les qualifications dont nous parlons sont postérieures à la Confédération et les qualifications qui étaient soumises à la Cour avaient été créées en 1875. Elles ne figuraient pas dans la Constitution. C'est le Parlement qui avait établi ces qualifications et la Cour a déclaré: « Vous ne pouvez pas les changer maintenant, parce qu'elles existent depuis très longtemps », et c'est la question que je me pose.
    Lorsque vous parlez d'étendre le droit de vote, lorsque vous parlez des circonscriptions et de ce genre de choses, cela relève du Parlement. Par contre, la façon dont on devient un député appelle un examen plus approfondi.
    S'il me reste du temps, madame Norris, je constate que vous n'avez pas mentionné dans votre déclaration préliminaire le VUT, comme étant une solution possible. Vous avez parlé du statu quo, du vote préférentiel, de la RP pure et de la RPM. Était-ce bien là votre intention? Je vous le demande parce que vous en avez parlé par la suite.
(1605)
    Je vous demande d'être très brève.
    Il y a des milliers de variations possibles. En fait, il existe 193 systèmes électoraux dans le monde.
    Oh mon Dieu.
    Cela dépend des détails. Le VUT en est un, mais je peux vous fournir une citation complète et vous décrire 10 autres types de scrutin qu'il est possible d'utiliser au-delà du VUT. Le VUT est, pour moi, une forme de RP. C'est simplement... de petites circonscriptions et une certaine façon de voter.
    Merci.
    Je crois que ce chiffre de 193 nous a un peu découragé.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Allez-y, monsieur Richards.
    Madame Norris, j'aimerais maintenant vous poser quelques questions. Vous avez répondu à une question précédente en abordant rapidement le sujet sur lequel j'allais vous poser une question. Je crois que vous avez manqué de temps. On vous posait une question sur le rôle du vote stratégique dans le système canadien actuel. Je crois que vous avez répondu qu'on retrouvait le vote stratégique dans pratiquement tous les systèmes électoraux. Est-ce bien ce que vous vouliez dire et pouvez-vous nous expliquer un peu votre position?
    Le vote stratégique consiste à voter non pas pour le parti que vous appuyez, mais à voter pour le parti qui va, d'après vous, emporter la circonscription. Dans un système où il y a plusieurs partis dans une circonscription uninominale, les gens examinent les sondages, ils étudient les résultats des élections précédentes et ils vont se dire que même s'ils préfèrent, par exemple, le Parti vert, c'est le Parti travailliste qui va être élu en Grande-Bretagne et que c'est la raison pour laquelle ils vont voter pour lui.
    Les électeurs font exactement les mêmes calculs dans tous les autres systèmes, mais les décisions stratégiques sont prises par les électeurs qui se demandent quel est le parti qui convient d'appuyer. Lorsqu'il s'agit d'une circonscription étendue, on pourrait penser qu'un petit parti est avantagé, de sorte que l'on peut voter pour lui, mais les partis prennent également des décisions stratégiques au sujet du parti qui serait leur meilleur partenaire pour former une coalition, sur la façon de proposer un certain nombre de candidats dans une circonscription donnée, et sur celle d'optimiser leurs chances dans les luttes qui se jouent dans les différentes régions du pays. Le vote stratégique joue dans tous ces systèmes et cet aspect n'est pas habituellement considéré comme un problème fondamental. Je dirais que c'est simplement une autre façon d'exprimer ses préférences au sujet de la personne qui sera le vainqueur des élections.
    Très bien, merci.
    Vous avez déclaré aujourd'hui, tout comme d'autres témoins de ce groupe l'ont fait et des témoins précédents aussi, qu'il n'existe pas de système électoral parfait. Il n'y a pas un système électoral qui serait meilleur que tous les autres. Vous avez récemment affiché un podcast sur le forum Policy Options, dans lequel vous déclariez qu'aucun système électoral n'est meilleur que les autres et que cela dépendait des problèmes à régler, de vos défis, de votre société, et que c'était à la société de faire son choix. Vous avez également mentionné que c'était aux Canadiens de dire quels étaient les problèmes qu'ils identifient et les défis que posait la réforme électorale. Je me demande si vous pourriez nous expliquer davantage ce que vous vouliez dire lorsque vous dites que c'est à la société et aux Canadiens de faire un choix.
    À l'heure actuelle, tous les pays font face à des problèmes différents. Aux États-Unis, la grande question est la polarisation partisane, qui empêche les partis et les politiques de se parler; il y a toutes sortes de blocages fondamentaux, comme nous l'avons mentionné, entre le Sénat, le Congrès et le Président. Ce sont là les questions qui se posent aux États-Unis et ils devraient peut-être penser à modifier leur système électoral, les règles du jeu, pour favoriser un système qui serait plus consensuel.
    À l'opposé, il y a des pays qui ont adopté la représentation proportionnelle et qui font face à la fragmentation des partis. Ils ont trop de partis; ils ne peuvent pas prendre de décisions; leur exécutif n'est pas stable et il y a un changement continuel de premiers ministres, de chefs de parti, de partis et de gouvernements. Ces pays devraient donc envisager d'adopter un système de type majoritaire.
    Cela dépend en fait des problèmes qui se posent et je les ai toujours conçu — je sais que ce n'est pas clair pour vous — comme une matrice. Autrement dit, il y a d'un côté certains problèmes. Cela pourrait être, comme la ministre l'a dit, l'efficacité, la diversité, la simplicité, la convivialité, la responsabilité locale, la sécurité, un gouvernement consensuel, et il y a certains types de règles, de systèmes, qui vont renforcer ou affaiblir chacune de ces valeurs. Mais il faut reconnaître que, malheureusement, il n'est pas possible de remplir toutes les cases de la même colonne parce qu'il y a des systèmes qui reposent sur différentes valeurs et qui ont des conséquences différentes.
    Pourriez-vous nous remettre une copie du tableau que vous venez de nous montrer? J'aimerais beaucoup que vous nous la fassiez parvenir. Nous n'avons pas ici une image en haute définition, de sorte qu'il est un peu difficile de le lire, mais si vous pouviez le transmettre à notre greffière, nous en serions très heureux.
    Je vais vous l'envoyer, certainement.
    Allez-y, monsieur Richards.
    Je pense qu'un des problèmes que nous avons connu au Canada est que le nombre des principes a évolué. Vous avez énuméré, je crois, les huit principes qui étaient mentionnés ici et par la suite, quelques semaines plus tard, il n'y en avait plus que cinq. Il semblait donc que la cible se déplace et c'est là une difficulté bien sûr, mais nous savons que vous allez nous fournir ces éléments.
    Vous avez parlé des problèmes et du fait que chaque pays avait des problèmes uniques et que c'était à lui de décider quelle était la meilleure façon de les régler. Je dirais qu'un des problèmes que nous connaissons ici au Canada vient évidemment du fait que notre pays est très vaste, qu'il est peu peuplé et qu'il y a une grande diversité entre les différentes régions. Je me demande si vous pourriez nous parler des différents systèmes électoraux et...
(1610)
    Je ne sais pas...
    ... et comment ils peuvent nous aider, ou quels problèmes ils peuvent soulever, pour ce qui est des autres solutions, compte tenu de cet ensemble particulier de problèmes.
    Je ne pense pas que nous ayons le temps d'examiner tous les systèmes électoraux.
    Bien évidemment, nous n'allons pas examiner les 193 systèmes, comme cela vient d'être mentionné, mais je crois que si nous accordions à Mme Norris un peu de temps...
    Je vais lui donner 30 secondes supplémentaires...
    ... pour qu'elle puisse nous expliquer les principaux.
    ... pour répondre à M. Richards.
    La représentation proportionnelle mixte a été souvent mentionnée. La représentation proportionnelle est un autre système intéressant, si vous pouvez parler de ces deux systèmes.
    Je vous demande d'être très brève.
    Pour moi, il s'agit plutôt ici de trouver des solutions fédérales que des solutions électorales.
    Comme nous l'avons dit plus tôt, il n'y a pas une solution ou un ensemble d'institutions qui conviendrait à la démocratie canadienne, ou aux problèmes qu'elle connaît, de sorte qu'il faut envisager d'introduire diverses réformes et réfléchir en termes de solutions fédérales, de pouvoirs fédéraux et de représentation fédérale. Il me paraît préférable de réfléchir à ces aspects plutôt que de chercher le système électoral qui serait la meilleure solution et qui permettrait également de régler tous ces problèmes.
    Madame Romanado.
    On dirait que tout cela est arrangé parce que, madame Norris, j'ai aussi une grille et je fais exactement la même chose que vous avez faite, à savoir identifier les objectifs que nous voulons atteindre ainsi que la façon de le faire, que ce soit en modifiant le système électoral ou en adoptant des solutions fédérales.
    Par exemple, pour ce qui est d'augmenter la participation électorale, nous avons entendu des témoins nous dire que nous pourrions envisager de rendre le vote obligatoire, de réduire l'âge de vote, de renforcer l'instruction civique ou d'inciter les gens à voter, mais tout cela sans modifier le système électoral.
    Pour ce qui est de l'accès et d'éviter une trop grande complexité, il y a des bulletins de vote qui sont simples. Nous avons parlé de donner un congé le jour des élections pour que les gens puissent quitter leur travail, essayer de trouver une gardienne, par exemple. Pour ce qui est d'augmenter la représentation des femmes, je peux vous dire que ce n'est pas le système électoral qui m'a décidé à poser ma candidature, mais on pourrait peut-être envisager d'imposer des quotas dans ce domaine.
    Étant donné que nous savons qu'une seule mesure ne pourra jamais tout régler... et, monsieur Axworthy, vous avez parlé des conséquences qui découleraient de ce que nous décidons. Par exemple, quelles sont les réformes complémentaires qu'il faudrait instaurer?
    Si nous décidons d'adopter le système RPM, par exemple, nous allons devoir augmenter le nombre des députés à la Chambre, eh bien, tout d'abord, nous n'avons pas suffisamment de locaux pour accueillir 600 députés. Comment le travail des comités va-t-il s'effectuer? Est-ce que ceux dont le nom figure sur la liste vont participer aux travaux du comité et ceux qui ont été élus dans leur circonscription travaille auprès de leurs électeurs? Cela va peut-être influencer les personnes qui voudraient se porter candidat, parce que certaines d'entre elles voudraient faire les deux.
    Ce sont là des choses qui seront touchées par la décision que nous allons prendre. J'aimerais donc bien savoir ce que vous en pensez. Il n'y aura pas de guichet unique qui permettra de choisir un autre système électoral qui réglera tous les problèmes. J'aimerais avoir vos commentaires.
    Je serais aussi très heureuse de vous transmettre ma grille.
    À qui adressez-vous votre question?
    À n'importe lequel d'entre vous.
    Nous allons commencer par Mme Norris.
    Une grille est la meilleure façon de réfléchir à cet aspect; vous essayez d'atteindre différents objectifs et il n'y a pas de consensus sur la nature des problèmes — et ne vous demandez pas quelles sont les meilleures solutions qui permettraient de régler ces problèmes? Comme vous venez de le dire pour la participation, le vote obligatoire est une solution. La modification du système électoral est une autre solution beaucoup plus radicale qui peut également influencer la participation. Il y a aussi la convivialité du vote, le souci de tout mettre à la portée de l'électeur plutôt que de s'attendre à ce qu'il se rende dans un bureau de scrutin et s'inscrive. Il existe de nombreuses solutions dans le monde qui permettent de résoudre ce genre de choses.
    Il y a aussi une chose que le comité fait très bien, et qui pourrait élargir nos connaissances, c'est la prise en compte des points de vue internationaux. Il y a tous ces systèmes qui sont utilisés dans différents pays et en introduisant au Canada ces connaissances internationales, nous verrons mieux les solutions pratiques qui permettent, dans certains pays, de résoudre ces problèmes. Il n'y aura jamais une seule solution mécanique qui réglera tous ces problèmes, mais il y en a beaucoup et nous pouvons apprendre des bonnes pratiques mises en oeuvre à l'étranger et les communiquer à d'autres.
(1615)
    Monsieur Axworthy, je crois que vous voulez répondre à cette question.
    Je crois que le comité a eu le grand avantage de pouvoir étudier ces questions de façon approfondie, en écoutant des personnes venues du monde entier présenter leurs différents points de vue. Une des tâches que je vous recommande est d'établir, en même temps que vous effectuez vos travaux, ce genre de listes et de réfléchir aux changements que cela pourrait entraîner, sans qu'ils soient nécessairement complémentaires aux changements que vous recommandez pour le système électoral. Il serait très utile d'étudier les différents aspects que soulèverait la mise en oeuvre des nouvelles idées que vous allez présenter. La mise en oeuvre d'une politique publique est bien souvent l'aspect auquel on ne réfléchit pas suffisamment. On réfléchit beaucoup au contenu du communiqué de presse, mais pas à la mise en oeuvre de la politique. Je crois que c'est la même chose pour les questions qui touchent la réforme démocratique.
    On vient de fournir des exemples de ce qui serait de façon plus facile de trouver une solution ou d'atténuer les aspects non souhaités. Mais avec les spécialistes et les citoyens que vous allez entendre, ainsi qu'avec vos collègues de la Chambre des communes, vous devriez ajouter à ce recensement des bonnes idées susceptibles d'améliorer le système un programme de mise en oeuvre de ce que vous proposez. C'est un aspect très important qui est rarement pris en compte dans les politiques qui sont adoptées à Ottawa.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Dubé, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Professeure Norris, j'aimerais poursuivre la discussion que nous avons entamée plus tôt lorsqu'on parlait de la sélection des gens dont les noms figureraient sur des listes. En ce qui a trait au mode de scrutin proportionnel, ceux qui s'y opposent mentionnent souvent que trois personnes prendraient la décision au sujet des listes dans une petite salle sombre du quartier général d'un parti. Vous en avez parlé brièvement, mais j'aimerais que vous parliez un peu plus en détail des différents processus.
    On sait qu'il existe déjà des processus de nomination comme ceux qu'utilisent déjà nos partis. Il y a certaines petites différences, mais les choses se ressemblent passablement. Il peut aussi y avoir des processus de primaires, comme on le voit aux États-Unis, pour sélectionner les candidats dont les noms apparaîtraient sur la liste.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les procédures qui existent et la façon de démocratiser ces listes pour faire en sorte que les choix ne soient pas faits par trois apparatchiks?

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison. Il y a différents types de traditions. Si vous prenez, par exemple, la Norvège; c'est un pays où les partis ont toujours été très démocratiques, très décentralisés, et dans leur organisation, c'est la section locale du parti qui propose les candidats. Elle propose des candidats à l'instance régionale du parti, qui effectue ensuite un choix qui est transmis à l'instance nationale. C'est un processus démocratique qui part de la base, qui crée une liste pour chaque circonscription, notamment. Dans d'autres pays, en particulier dans certaines jeunes démocraties, la direction du parti joue un rôle beaucoup plus grand. L'élite du parti, le chef, la direction centrale et d'autres groupes nomment les candidats qui sont prêts à les appuyer. À mon avis, cela fait problème parce qu'il n'y a pas de véritable démocratie interne dans un tel parti, ce qui est le but recherché, tout comme la démocratie externe dans l'ensemble du pays.
    En plus du processus de recrutement, qui est parfois un peu fermé et considéré comme une question interne par les partis, vous pouvez également réfléchir aux listes ouvertes et aux listes fermées. Donc, avec les listes fermées établies par le parti, les électeurs ne font que voter pour le parti et ils acceptent ainsi la liste complète des candidats, sans pouvoir modifier l'ordre des candidats qui figurent sur la liste. Avec une liste ouverte, les électeurs peuvent exprimer une préférence pour un candidat particulier au sein d'une liste complète, ce qui leur donne un choix plus large au moment de déposer leur bulletin.
    Il faudra régler tous ces détails si nous voulons vraiment réformer le système électoral, même en adoptant la représentation proportionnelle mixte ou une pure RP.

[Français]

     C'est intéressant. Comme je l'ai dit dans mes commentaires, il y a des solutions qui ressemblent à la façon dont on procède déjà au Canada pour sélectionner les candidats.
    Je vais poursuivre au sujet des listes. C'est une question qui a déjà été abordée.
    On a dit que la représentation des femmes est meilleure dans les pays qui ont un système proportionnel. Je ne sais pas si vous avez des preuves à l'appui à ce sujet, mais j'ose croire que c'est aussi vrai en ce qui concerne d'autres formes de diversité, entre autres des élus qui sont jeunes.

[Traduction]

    Oui, c'est souvent le cas. Avec un système de listes, les partis ont tendance naturellement à choisir un large éventail de candidats pour qu'ils reflètent la société en général, parce qu'ils ne veulent pas exclure un groupe, puisque cela serait un désavantage électoral pour le parti. Il y a donc un incitatif. Mais la deuxième raison est qu'un système de quota est beaucoup plus facile à mettre en oeuvre avec une liste établie par les partis. Supposons qu'il y ait 20 députés, et que vous voulez qu'un sur trois soit une femme, selon une loi qui s'applique à tous les partis, alors ce système de quota fonctionnerait très bien avec un système qui utilise des listes. Il est beaucoup plus difficile de mettre en oeuvre des quotas si la circonscription est uninominale. Vous pouvez bien sûr y parvenir par le biais des règles internes du parti, ce qui veut dire que les partis décideraient alors eux-mêmes d'accorder la priorité à certaines circonscriptions. Par exemple, le Parti travailliste en Grande-Bretagne a déclaré que la moitié des 80 premiers sièges incertains seraient réservés aux femmes et la moitié aux hommes. Cela risque parfois de créer davantage de conflits internes au sein du parti, qu'une liste qui reflète ces différents intérêts: zone rurale, urbaine, ouvrière, classe moyenne, jeunes, personnes âgées, minorités d'immigrants ou populations faisant partie de la majorité. Tous ces aspects débouchent naturellement sur une représentation plus large avec un système de listes établi par les partis.
(1620)

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste environ 40 secondes. Vous avez le temps de poser une brève question.
    D'accord.
    Cela inclut la réponse.
    C'est vrai. Merci.
    Je vais terminer avec vous, monsieur Axworthy.
     J'aimerais revenir sur un sujet qu'on a abordé ce matin, à savoir la tension entre les négociations publiques et celles qui se déroulent au sein d'un caucus. Pouvez-vous nous dire un dernier mot à cet égard? C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup.

[Traduction]

    D'après mon expérience, ce sont les négociations tenues en privé qui permettent de faire les choses de la façon la plus efficace. Ce n'est pas que les négociations publiques ne donnent jamais de bons résultats; cela arrive, mais c'est une des complexités ou des anomalies de notre système qui fait que les médias et l'image deviennent un aspect de la négociation au détriment des questions de fond.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Deltell, vous avez la parole et vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame et messieurs.

[Traduction]

    Monsieur Harrington, j'aimerais avoir une conversation avec vous. Ne soyez pas surpris que nous parlions de référendums. En tant que conservateur, je respecte le fait que vous avez une grande confiance dans notre système et que vous y êtes très attaché. Je le respecte. Ne pensez-vous pas toutefois que nous pouvons soulever certaines questions qui pourraient se régler à l'aide d'un référendum?
    Je pense que les référendums sont des instruments inefficaces lorsqu'il s'agit de prendre des décisions publiques complexes. Ils sont utiles lorsque le Parlement veut connaître l'opinion de la population. Autrement dit, j'ai du mal à imaginer ce qu'un référendum... Bien évidemment, il n'est pas possible de présenter un référendum à la population en lui demandant de choisir entre un système de vote transférable, un système à circonscription plurinominale, un système majoritaire uninominal à un tour... Ce n'est pas comme cela qu'un référendum...
    Je pense qu'il faut aller plus loin et ne pas se limiter à la question particulière d'une réforme réglementaire. Ne pensez-vous pas qu'il existe en politique des questions qui devraient être soumises à un référendum?
    Encore une fois, j'éviterais les référendums sauf pour simplement savoir ce que pense la population sur un sujet donné, mais pas pour élaborer une politique. Dans ce cas particulier, je suis tout à fait convaincu que, si la réforme n'est pas en place pour les élections de 2019, alors il faudrait tenir un référendum. Autrement dit, je pense qu'un référendum serait une solution de remplacement qui éviterait de dire à la population, voici ce que nous proposons, nous allons tenir une élection à ce sujet. Si ce n'est pas ce qui se fera, alors oui, je dirais qu'un référendum serait ce qu'il y a de mieux.
    Je ne crois pas que la Chambre devrait dire: « Voici notre proposition et nous allons la mettre en oeuvre sans qu'il y ait de référendum ou d'élection qui porte sur ce sujet ».
    Voilà qui est très intéressant. Je constate que les possbilités sont un peu plus nombreuses que je le pensais. C'est excellent, mais si nous tenons un référendum électoral, la question sur laquelle portera l'élection de 2019 sera celle du système électoral. Comment être sûr que la population votera uniquement sur cette question? C'est que des élections générales soulèvent toutes sortes de questions. Vous avez dit qu'en 1988, la grande question de la campagne électorale était l'accord de libre-échange. Je suis d'accord avec vous, mais l'élection aurait dû porter sur une autre question.
    En 2012, le premier ministre a mis de l'avant la question de l'ordre public dans une élection provinciale. Trois jours plus tard, c'est le parti d'opposition, mon parti, qui a mis de l'avant la question de l'éthique, de sorte qu'il est toujours difficile de savoir quelle sera la question sur laquelle portera une élection. Pourquoi pensez-vous que l'élection de 2019 pourrait porter sur cette question particulière?
(1625)
    Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que les gens votent pour toutes sortes de raisons. Encore une fois, lorsque je pense, par exemple, au référendum sur l'Union européenne qui a été tenu en Grande-Bretagne, le gouvernement n'a pas proposé à la population de se prononcer sur le processus à suivre. Il lui a demandé « Voulez-vous en faire partie ou non? » et c'est le Parlement qui sera chargé de régler ces détails progressivement. Je dirais que c'est la meilleure solution de rechange à la façon traditionnelle de Westminster.
    Les référendums sont un phénomène relativement nouveau.
    Relativement. Mais je viens du Québec et vous enseignez à Montréal.
    Je parle du dernier ou des deux derniers siècles; c'est un phénomène relativement nouveau.
    Vu de cette façon, j'en conviens.
    J'aimerais poser une brève question. Une précision, pensez-vous que, si une province voulait se séparer, elle devrait tenir un référendum ou est-ce que ce serait plutôt au gouvernement ou à l'assemblée nationale de prendre cette décision?
    C'est un problème complètement différent parce que nous parlons d'une chose complètement différente, à savoir la dissolution de la confédération ou la dissolution partielle de la confédération.
    Je crois que votre temps de parole est à peu près écoulé.
    M. Aldag va terminer.
    C'est toujours très difficile d'être le dernier intervenant.
    Nous avons parlé de comprendre ces processus et, dans le cas d'un référendum, d'aider la population à comprendre la question. Je vous demande tous les trois ce que vous pensez de l'organe qui devrait être principalement chargé de l'éducation du public dans une telle situation. Y a-t-il des choix ou des personnes qui s'imposent? À qui demander de lancer une campagne d'information au sujet d'une question aussi captivante que la réforme électorale?
    J'aimerais peut-être commencer par vous, madame Norris. Avez-vous examiné l'éducation et l'information de la population dans d'autres pays pour voir comment cela se faisait?
    Il faudrait bien sûr que toutes les opinions puissent se faire entendre, pour ne pas avoir « une » information produite par les autorités, mais il me semble qu'Élections Canada, avec Marc Mayrand, serait un organisme indépendant, impartial et approprié qui pourrait présenter et diffuser de façon très efficace cette information. Il faudrait également que les groupes qui souhaitent une réforme électorale et tous les partis participent à ce débat parce qu'il ne faudrait pas qu'un seul point de vue soit présenté. Il faudrait que toutes les opinions soient exprimées et que les médias participent à cette campagne.
    On pourrait peut-être également ajouter une sorte de processus de vérification, une vérification de la démocratie canadienne, qui ferait partie de cette campagne et qui viserait à encourager d'autres débats au-delà des questions qui soulève une réforme électorale.
    Très bien.
    J'aimerais insister encore une fois sur la mise en oeuvre d'une campagne d'éducation et d'information. Il ne s'agit pas uniquement de savoir qui en serait chargé, mais également du temps qui pourrait lui être consacré. C'est un processus éducatif considérable et lorsque cela se fait de façon précipitée, les gens ne comprennent pas très bien ce dont il s'agit. C'est pourquoi il est absolument nécessaire — et c'est pourquoi nous devons penser aux résultats — de disposer d'un délai suffisant pour débattre utilement de ces questions. C'est la raison pour laquelle nous avons commencé à parler d'une vérification démocratique ou de comités de citoyen qui viendrait compléter les travaux de notre comité. Il faut du temps. Il faut que des opinions différentes soient présentées de façon différente pour faire comprendre un problème aussi complexe.
    Monsieur Harrington, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Non, je pense que l'essentiel a été dit.
    Très bien.
    Madame Norris, vous avez parlé de la multiplication des partis. Pensez-vous également qu'il faudrait mettre en place des limites aux dépenses électorales ou pensez-vous qu'il faudrait refuser toute restriction pour que ceux qui ont le plus d'argent puissent se faire entendre le mieux? Quel genre de restrictions faudrait-il introduire pour ce qui est de la participation de tiers?
    Il faudrait bien sûr que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, pour qu'ainsi les opinions soient présentées de façon équilibrée et qu'aucune ne soit privilégiée. C'est une question complexe. Nous avons fait des progrès pour ce qui est d'assurer le financement équitable des partis par le biais d'un financement public, mais lorsqu'il s'agit de référendum, la question se complique. Je pense néanmoins qu'il faudrait appliquer les mêmes genres de principes: s'il y a d'un côté le non et de l'autre, le oui, alors c'est assez simple; s'il y a davantage de partis, alors c'est plus compliqué. Mais le financement public fait partie de l'éducation civique dont nous avons parlé et ce serait un mécanisme très utile.
(1630)
    Combien de temps me reste-t-il?
    À peu près une minute.
    Je vais peut-être passer à une autre question. Je ne sais pas si le moment est bien choisi pour le faire, mais au cours de la séance de ce matin, j'ai terminé mon deuxième tour de questions en parlant aussi des référendums. C'est à ce moment-là que M. Reid a fait une déclaration. J'allais attendre de voir les bleus ou un compte rendu de la discussion, mais je dirais simplement que je crois qu'il a dit que le ministre, le premier ministre, et le Parti libéral avaient déclaré que les Canadiens étaient trop bêtes pour comprendre ce qu'était une réforme électorale. Je trouve cela tout à fait inacceptable. Je tiens à ce qu'il figure au compte rendu que je ne pense pas que cela soit le cas et qu'ils ont dit clairement qu'il fallait que les Canadiens participent à ce processus et disent ce qu'ils en pensent.
    Noté.
    Y a-t-il d'autres questions à poser aux témoins?
    Des voix: Non.

[Français]

     Je tiens donc à remercier très sincèrement les témoins qui ont comparu devant nous cet après-midi. La discussion a été extrêmement intéressante, très franche et très riche en perspectives et en détails. Nous en avons beaucoup bénéficié.
     Je vous remercie, docteure Norris, de votre présence par l'entremise de la vidéoconférence. Professeurs Axworthy et Harrington, je vous remercie d'avoir été présents ici à la mi-août lors d'une journée très ensoleillée et agréable.

[Traduction]

    Je vous remercie. Vous avez apporté une excellente contribution à notre étude.
    La séance est levée.
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