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Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité pour cette occasion de leur faire part de mes idées sur cet important sujet à l'étude. Je vous félicite tous les 12 de siéger à ce comité et d'y consacrer réellement du temps, mais c'est vraiment votre esprit qui est sollicité, car ces questions sont très complexes au vu des différentes options.
L'argumentation que je présente dans mon mémoire, et dont je vais faire un survol, est unidimensionnelle et vise l'élément d'intérêt supérieur sur lequel devrait porter vos recommandations, soit la création d'une Chambre des communes représentative des préférences politiques du peuple. C'est toute une idée, n'est-ce pas? Imaginez une assemblée élue représentant les choix politiques du peuple.
Un système électoral comporte de nombreux éléments importants et préoccupants, dont l'accessibilité, la simplicité, et j'en passe, ayant fait l'objet de nombreux documents. Toutefois, messieurs les députés siégeant à ce comité, si vos recommandations ne traitent pas de cet enjeu fondamental, soit un parlement représentatif du peuple, vous aurez échoué, même si vous faites très bien sur certains des autres enjeux. Vous aurez échoué parce que votre rôle consiste vraiment à formuler des recommandations aptes à faire de nous une démocratie représentative. C'est ce que nous sommes censés être.
Alors voilà mon propos dans son entièreté.
Dans mon document, j'essaie d'expliquer brièvement pourquoi le système majoritaire uninominal à un tour du Canada, en vigueur au palier fédéral depuis la Confédération, ne correspond plus à la conjoncture politique du pays depuis 1921. J'ai bien dit 1921, pourquoi? Parce qu'à partir de ce moment-là les choses ont changé et nous n'avions plus le régime de dualité de parti. Jusqu'en 1921, il y avait deux partis. Faites le calcul. L'un obtenait la majorité et l'autre pas. Les gouvernements élus représentaient assez bien le peuple — pas de problème. C'était tout naturel pour les Pères de la Confédération, puisqu'on ne parlait pas de mères de la Confédération.
Puis, en 1921, les conservateurs d'Arthur Meighen se sont retrouvés en troisième place et les progressistes en seconde place derrière les libéraux de Mackenzie King. Depuis lors, nous avons eu un régime multipartite, composé surtout de quatre ou cinq partis, qui a vraiment été torpillé et miné par le système majoritaire uninominal à un tour. On le voit clairement en haut de la page 2 de mon mémoire où j'énumère les résultats des trente élections fédérales depuis 1921. Quatorze gouvernements ont été élus avec une majorité faussée. Tout à l'heure, je vais expliquer et justifier le qualificatif « faussé », mais, essentiellement, on parle d'un gouvernement détenant une majorité de sièges à la Chambre des communes sans l'appui de la majorité du peuple. Nous avons connu cela. Ça été le résultat le plus fréquent, soit des gouvernements à fausse majorité.
Ensuite, nous avons eu 13 gouvernements minoritaires. En 30 élections nous avons eu seulement trois gouvernements à majorités réelles, dirigés par un parti ayant remporté 50 % ou plus des sièges, mais surtout 50 % du vote populaire. Cela frisait toujours le 50 % plus: le balayage de Diefenbaker en 1958, Mackenzie King en 1940, pendant la guerre, et Brian Mulroney en 1984. Mais, c'étaient des cas d'exception, car si l'on prend les résultats de nos soi-disant gouvernements majoritaires depuis la fin des années 1980, aucun n'a obtenu plus de 43 % du vote populaire tout en ayant une majorité des sièges à la Chambre des communes leur permettant d'en contrôler les activités et celles du gouvernement. Bonté divine, de nos jours la seule mention d'un résultat de 43 % fait saliver les chefs libéraux et conservateurs. Au cours des dernières années, ils ne s'en sont jamais approchés. Lors des dernières élections dont les résultats étaient majoritaires, ils n'ont jamais atteint 40 %.
Comme je le dis au paragraphe 7, en tant que démocratie parlementaire le Canada peut certainement faire mieux que d'être le plus souvent gouverné par des politiciens qui, tout en n'étant pas le premier choix de 60 % du peuple, ont le pouvoir de contrôler le Parlement. Cette situation devrait être le but primordial de la réforme électorale et de votre comité.
Je vais maintenant parler des préoccupations que des gens entretiennent à propos de ce dont je viens de parler. Je fréquente les libéraux et les conservateurs du quartier South Rosedale. La réforme électorale ne les intéresse guère. Quand je leur dis que c'est presque garanti qu'aucun parti n'aura une majorité au Parlement, ils sont horrifiés. « Oh, mon dieu, il nous faut une majorité au Parlement. » Au début, je leur demande: « Aimeriez-vous avoir une Chambre des communes représentative du peuple et de ses préférences politiques? » « Oui, bien sûr, bien sûr. C'est ce que je veux. C'est ça le sens de la démocratie. » Et puis, « Peter, est-ce que vous voulez dire que dans ce genre de régime proportionnel où l'assemblée élue reflète le choix politique du peuple, il n'y a pas de gouvernement majoritaire? »
Je leur réponds, non, je crains que ce soit très rare. Pourquoi? Parce que nous n'avons plus de vrai parti populaire, c'est une espèce rare. Par « populaire », j'entends un parti représentant 50 % ou plus de la population. Car, non seulement au Canada, mais dans toutes les démocraties occidentales, les gens ont des points de vue très différents. Ce n'est pas seulement Dupont et Dupont, conservateurs et libéraux. Ils ont des idées très variées. Si le régime électoral et démocratique d'un pays ne correspond pas à cette réalité — et c'est notre cas depuis près d'un siècle — il ne répond pas aux besoins de représentation démocratique du peuple.
Mes voisins et mes amis inquiets — et ce sont de bonnes personnes — disent que les parlements sans majorité leur donnent des frissons et leur font dresser les cheveux sur la tête. Je leurs dis, « Écoutez... », et tout de suite ils disent, « Nous serons comme l'Italie et Israël. » En fait, ils ne sont pas au courant de la situation en Italie, sinon, ils sauraient que maintenant c'est presque le contraire de la représentation proportionnelle, et Israël n'a pas de limite pour les plus petits partis. Mais, ce qu'ils ignorent, c'est que la presque totalité des démocraties parlementaires du monde a un genre de régime de représentation proportionnelle reflétant assez fidèlement les divisions politiques du pays. Les gouvernements majoritaires sont choses très rares. Ils ont des gouvernements minoritaires ou de coalition.
Ensuite la question c'est quels sont ces pays? Bien, ce sont de vieux pays désordonnés comme les Pays-Bas, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande et on peut citer — comme je le fais dans mon mémoire et mon livre « Two Cheers for Minority Government » — une douzaine ou plus de pays très bien administrés par des gouvernements n'ayant pas une majorité de sièges dans leurs parlements.
Dans mon livre, « Two Cheers for Minority Government », je trace le profil historique de nos gouvernements minoritaires canadiens entre 1921 et 2006, l'année de la publication. Mackenzie King en a eu trois, et je poursuis avec Diefenbaker, Pearson, King, Clark — un désastre celui-là — et Stephen Harper. La démonstration visée, et le livre contient plein de faits, c'est l'efficacité impressionnante de ces gouvernements. Ils ont vraiment accompli des choses. Ils n'étaient ni dans une impasse, ni paralysés, ni faibles. Certains furent parmi les gouvernements les plus dynamiques que nous avons connus.
J'ai regardé la performance souvent productive des gouvernements provinciaux sans majorité à l'assemblée législative. Mon modèle, ce sont les six années du gouvernement minoritaire conservateur de Bill Davis entre 1970 et 1981. Ce fut une période de réformes et de réalisations fantastiques pour l'Ontario. Très souvent, les conservateurs de M. Davis consultaient les démocrates de Stephen Lewis et, ensemble, ils ont élaboré un programme vraiment intéressant de réforme politique pour la province de l'Ontario.
Avec ces faits, vous serez en mesure d'apaiser les réactions horrifiées à l'idée d'un parlement sans parti majoritaire. Notre population est très bien éduquée et j’espère que la pensée rationnelle a vraiment la cote de nos jours. Dites-leur de regarder les faits et d'ignorer les rumeurs au sujet d'Israël et de l'Italie. Ils peuvent consulter mon livre. Ce n'est pas obligatoire, mais, présentement, c'est le seul livre sur les parlements minoritaires dans le monde anglophone. Ils doivent regarder les faits avant de perdre le sommeil sur la possibilité qu'un régime de représentation proportionnelle nous privant d'une majorité au Parlement.
En plus des gouvernements avec un parlement dit minoritaire, j'aborde le fonctionnement amélioré du Parlement — il y a plein de d'évidence à cet effet — lorsqu'aucun parti n'est en position de contrôle et que la survie dépend de l'élaboration de politiques d'accommodement allant au-delà du parti majoritaire en Chambre. Un exemple typique, selon moi, c'est la première année du premier gouvernement minoritaire de Stephen Harper. Sans allié naturel à la Chambre des communes, sans parti d'opposition favorable à son parti, il a réussi, politique après politique, étrangère et intérieure, à s'entendre sur ces politiques avec différents partis, sans abandonner les positions conservatrices, mais, en les ajustant et les modifiant, réussissant ainsi à faire adopter quatre de ses cinq priorités électorales.
Généralement, les parlements minoritaires ont deux partis aptes à s'allier naturellement. Mon argument est que les parlements minoritaires — sans parti majoritaire — peuvent former un gouvernement fort et efficace, mais aussi, et cela est tellement important, donner au Parlement toute sa valeur et son importance, de sa convocation jusqu'à sa dissolution. On peut difficilement en dire autant des parlements du passé — pas celui-ci — qui ont été dominé par un gouvernement avec une fausse majorité.
J'ai promis d'expliquer la fausseté. Je dis qu'un gouvernement majoritaire sans appui majoritaire du peuple est faux uniquement parce j'ai souvent vu des chefs libéraux et conservateurs de tels gouvernements dire, « Nous avons un mandat du peuple, le peuple nous a élus. » Que les gens dans la salle veuillent bien m'excuser, mais c'est de la foutaise. Ce n'est pas le cas. Cela conduit à une arrogance qui est fatale pour la démocratie parlementaire.
Je cesserai de les traiter de parlement à fausse majorité quand les chefs élus cesseront de dire, « Nous avons reçu un mandat direct du peuple. »
Maintenant, quelques mots sur les gouvernements de minorité par rapport à ceux de coalition. J'ai une section qui en traite. Dans l'ensemble, je préfère une minorité à une coalition, tout comme la plupart des Canadiens, je pense.
Nous n'avons pas eu de gouvernement de coalition depuis 1921. Nous en avons eu un juste avant — la coalition unioniste de Robert Borden — mais c'était un effort en temps de guerre et les libéraux étaient divisés.
Selon moi, l'avantage d'un gouvernement minoritaire sur une majorité de coalition... je m'arrête pour préciser ce que vous savez probablement déjà. Les coalitions peuvent être minoritaires. Celle planifiée par MM. Layton et en 2008 aurait été une coalition minoritaire.
Dans la vie parlementaire, une coalition a pour inconvénient que la plupart des compromis, des consultations et des ouvertures politiques se font à l'étape de la négociation entre les deux chefs, sur l'entente de coopération et l'attribution aux deux partis des postes au Cabinet. Ensuite, une coalition majoritaire peut être aussi dominatrice au Parlement qu'une fausse majorité. Il y a l'exemple récent de Cameron et de Clegg au Royaume-Uni.
Dans l'ensemble, je préfère la solution du gouvernement minoritaire.
Je reconnais l'inconvénient des parlements minoritaires, soit le risque d'un trop grand nombre de votes de confiance à la Chambre des communes. Le cas échéant, cela créé une situation de crise perpétuelle si chaque vote menace la survie du gouvernement, alors la Chambre est en crise — certains d'entre vous en ont fait l'expérience —, alors il n'y a pas vraiment de coopération intéressante et collégiale pour l'élaboration de politique. Cela m'inquiète.
Ma réponse à cela, c'est que dans un régime électoral proportionnel, les votes de confiance sont moins probables. Il y a beaucoup de votes de confiance s'il est vraiment possible de défaire le gouvernement, de provoquer une élection et d'obtenir une majorité. Les chefs de parti adorent les majorités. Je vais être direct, j'entends les chefs des partis libéral et conservateur. Cela facilite la vie, mais il y a plus. Pour les libéraux et les conservateurs, l'étalon or du succès d'un chef, c'est de remporter une majorité. C'est la façon dont le public et les médias les jugent. « Il n'a pas encore remporté de majorité; il n'est pas vraiment un grand leader libéral ou conservateur. »
Si l'on modifie le système électoral en fonction d'un pays où aucun parti n'est très populaire, où un résultat de 40 % est vraiment le maximum possible, à ce moment-là, je pense que la culture va changer, que les gens, les médias et les leaders politiques se rendront compte que défaire un gouvernement pour déclencher une élection n'est pas très futé, car on ne sait vraiment pas ce qui va se produire dans un système reflétant fidèlement l'opinion des gens.
Dans ce contexte, une réforme à laquelle je vous incite à réfléchir comme parlementaires c'est celle mise au point par certaines démocraties parlementaires européennes à RP, soit le vote de défiance constructif où le motionnaire annexe à ce vote le choix du prochain chef du gouvernement — cela devrait être inclus dans vos règles parlementaires et appliqué par le Président. Ils disent, « Appuyer ma motion pour défaire le gouvernement et appuyer ce leader politique. » D'habitude, c'est le chef de leur parti. On aurait toujours un parti minoritaire. Alors, en cas de défaite du gouvernement, vous avez un autre gouvernement, une autre combinaison de partis politiques pouvant donner un gouvernement minoritaire apte à survivre à la Chambre des communes.
Les démocraties parlementaires européennes à représentation proportionnelle ont constaté l'effet très stabilisateur de ce dispositif. Cela dépend entièrement de vous. Une Chambre des communes ayant adopté un régime de représentation proportionnelle voudra l'étudier sérieusement.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Chers collègues, merci beaucoup. Je suis honoré et ravi de l'invitation de m'adresser à cet auguste comité afin de discuter des mérites et démérites de la réforme électorale. Votre travail est extrêmement important et précieux, et il tombe à point nommé de notre histoire.
Vous constaterez que je suis en désaccord avec mon collègue. Là où il voit le vice, je vois la vertu, mais je ne suis pas contre la réforme électorale. En mai, j'ai comparu devant un comité de la législature ontarienne où j'ai préconisé l'amendement des lois électorales municipales afin de permettre aux partis de se financer et d'opérer librement dans ce cadre législatif provincial.
Parfois, la réforme électorale est nécessaire pour créer une assemblée législative ou un conseil municipal apte à améliorer l'administration et la gouvernance. Toutefois, je suis contre les réformes irréfléchies, les idées empruntées à des pays complètement différents qui vont mener les Canadiens au bord du précipice. Les tenants de la réforme électorale incitent les Canadiens à faire le saut sans vérifier ce qu'il y a en bas. Parfois, je suis vraiment choqué par la vacuité de leurs prédictions et de leurs conjonctures sur l'impact de ces changements sur notre système électoral. Ils ont complètement oublié le serment d'Hippocrate que les médecins apprennent au tout début de leurs études: premièrement, s'abstenir de tout mal.
L'élection de députés n'est pas simplement une question de représentation démographique idéale ou d'appariement parfait entre les suffrages exprimés et les résultats. Le but consiste aussi à donner au Parlement une bonne chance d'appuyer un cabinet fonctionnel et efficace capable de gérer un gouvernement efficace apte à saisir l'esprit du temps et à y réagir, même sans obtenir la majorité des votes.
Il y a deux critères pour les élections et les deux sont reliés.
[Français]
Avant d'aller plus loin, monsieur le président, permettez-moi de vous offrir mes réponses aux questions qui ont été posées.
Je n'ai vu aucune preuve que tout autre moyen de scrutin pourrait mieux réussir que le système actuel à répondre à ces deux exigences.
Ce système va célébrer son 225e anniversaire l'an prochain. Il a survécu aux épreuves du temps. Il a démontré sa souplesse en accueillant des idées et des nouveaux mouvements dynamiques. Il a transmis l'esprit de générations de Canadiens au Parlement. Il a permis une alternance du pouvoir ainsi qu'un renouvellement régulier dans les rangs de députés à la Chambre des communes. Il est stable et il est accepté par la grande majorité des Canadiens.
[Traduction]
Collectivement, nos partis nationaux ont bien réussi à maintenir l'unité du pays et à nous donner de bons gouvernements stables et généralement représentatifs du peuple. Pourquoi se débarrasser d'un système efficace en faveur d'un système compliqué que peu comprennent, ou d'un système favorisant les petits intérêts régionaux et sectoriels en leur donnant l'équilibre du pouvoir ou l'opportunité de tenir le gouvernement en otage à n'importe quel tournant? Ce pays est déjà assez difficile à gouverner comme c'est là. Nos partis nationaux ont été aux carrefours des idées dans notre pays, et le système qui leur a permis de prospérer devrait être maintenu.
[Français]
Je ne suis pas en faveur du vote obligatoire. Je pense que quelqu'un qui n'a pas étudié les questions ou qui ne se soucie pas suffisamment des enjeux ne devrait pas être forcé d'aller voter. Quel en serait le but? Forcer les gens à faire quelque chose qu'ils ne veulent pas faire n'est pas une bonne habitude à prendre dans une société libérale.
[Traduction]
Nous savons qui ne vote pas, ce sont les plus jeunes, moins rémunérés, scolarisés et démocratisés. En 2011, dans une étude de Statistique Canada, on demandait aux gens pourquoi ils ne votaient pas. Nous pouvons discuter des solutions, mais permettez-moi de vous donner les chiffres.
Parmi les répondants, 1,3 % avaient des motifs religieux, 3,7 % n'étaient pas sur la liste des électeurs, ce qui pourrait être corrigé, et 3,8 % avaient oublié, on peut y remédier en partie.
En outre, 7,6 % n'aimaient pas les enjeux ou les candidats, ce qui est de votre faute, et 8,5 % étaient malades ou handicapés, ce qui pourrait être corrigé. Élections Canada a fait du bon travail.
Dix autres pour cent étaient en déplacement, on peut y remédier, et 11,4 % avaient une raison « autre ». Certains pensaient peut-être que leur vote ne comptait pas. Onze pour cent de 40 %, c'est 4 % de la population.
Certains étaient trop occupés, 22,9 %; d'autres pas intéressés, 28 %.
À mon avis, c'est un vrai problème qu'on peut traiter avec de bons programmes. Beaucoup existent déjà. Il s'agit simplement de faire un meilleur travail. Toujours selon le sondage de 2011, modifier le système électoral ne modifiera pas ces attitudes.
Troisièmement, j'appuie la recherche soutenue sur le vote en ligne et son adoption éventuelle, une fois que nous serons assurés de sa fiabilité et de sa sécurité.
[Français]
Je veux que le système parlementaire fonctionne mieux. Comprenez-moi bien. Je veux qu'il soit plus représentatif et plus légitime. Il incombe aux parlementaires de faire en sorte que cet idéal se réalise et de travailler à l'intérieur du système électoral qui a permis d'élire un gouvernement stable et sensible aux problèmes actuels auxquels la population doit faire face.
Les partis devraient choisir plus de femmes et de représentants des minorités comme candidats. Vous n'avez pas besoin de changer le système pour arriver à ce résultat.
[Traduction]
Si vous voulez un Parlement plus représentatif du peuple, je vous invite à regarder le Sénat. N'oubliez pas qu'il a été créé pour compenser les distorsions électorales de la Chambre des communes. Nous avons essentiellement laissé nos gouvernements passer cette noble institution à la moulinette. Je ne désire pas un Sénat élu, ni égal. Il possède tous les attributs pour être efficace sans frustrer la volonté des députés dûment élus de la Chambre des communes. Imaginez une chambre haute représentant les segments de notre société sans voix à la Chambre des communes. Le Sénat devrait comporter des membres du Parti vert et du NPD, qui seraient reconnus comme tels.
Je suis ravi que ce Parlement comporte un nombre record de membres de Premières Nations. Il y a beaucoup d'autres minorités représentées à la Chambre des communes, mais il y en a tellement sans représentation à Ottawa; toutefois le levier est à portée de main et on pourrait l'activer pour le prochain siège vacant. L'âge de retraite garantit le roulement. Je vous invite donc à considérer cette idée.
Le problème, c'est la politique et non le système. Tout ce qu'il faut c'est de la bonne volonté et des politiques éclairées. Il est inutile de changer le système.
On vous a saisi de la question de la participation. Rien ne prouve que d'autres systèmes favorisent davantage de participation, sauf deux. Le premier étant le vote obligatoire. Généralement, les juridictions l'ayant adopté se vantent d'un taux de participation bien supérieur à 80 %. Si c'est votre but, pensez au vote forcé. Le deuxième est tout à fait inédit, c'est le vote dominical, une pratique propre à l'Europe. Donnez aux gens une journée pour voter. Voter le dimanche lorsque la plupart des gens ont congé, congé des enfants, de l'école, des activités et de toutes les choses qui accaparent une famille normale en semaine. Donnez-leur une chance d'aller voter. Et, bien sûr, il faut encourager les scrutins anticipés.
J'ai déjà déclaré publiquement que toute proposition émanant du gouvernement devrait faire l'objet d'un référendum. Je veux aborder la question des référendums. Le mois dernier, dans le « Toronto Star » deux jours après la lecture du discours du Trône, j'ai publié une étude, reprise par l'Institut Fraser, sur les précédents dans la très riche histoire des réformes électorales au Canada, qui a créé une série de précédents. Je prétends qu'il faut suivre le même principe dans toute réforme électorale proposée par ce gouvernement.
En 1981, la Cour suprême du Canada était confrontée à un épineux problème: le gouvernement fédéral voulait apporter des changements massifs à la Constitution, mais il n'y avait pas de recette claire sur la façon de procéder. La question fut renvoyée à la Cour suprême, laquelle a confirmé l'existence de conventions constitutionnelles au Canada. Une majorité des juges ont constaté que le plan du gouvernement violait ces conventions en essayant d'agir unilatéralement. L'élément clé de la déclaration de la Cour suprême, c'est que les précédents et les conventions constitutionnelles comptaient, du fait que cela représente une certaine perception de la culture et des pratiques politiques.
Dans le contexte du système britannique, qui fonctionne sans texte constitutionnel et se fonde uniquement sur les actions du passé, l'expert britannique sir Ivor Jennings soutient que les conventions constitutionnelles « sont la chair qui recouvre les os arides de la loi; elles font en sorte que la constitution légale fonctionne; elles la maintiennent en contact avec l'évolution des idées ». Jennings a formulé un ensemble de questions pour tester la validité des conventions constitutionnelles. Selon lui, elles devaient obéir à trois conditions fondamentales, et ces dernières sont connues comme étant le critère de Jennings. Quelles étaient ces trois questions? La première, y avait-il des précédents? La deuxième, les intervenants concernés pensaient-ils être liés par une règle? La troisième, existerait-il un motif constitutionnel pour la règle?
La Cour suprême a appliqué le critère de Jennings et elle a déterminé l'existence d'une convention qu'Ottawa, les provinces et même le Parlement britannique avaient respectée pour modifier la Constitution par le passé. La Cour a statué que le gouvernement avait besoin d'un degré appréciable de « consentement par les provinces », et on sait ce qu'il est advenu ensuite.
Je prétends que le critère de Jennings s'applique dans cette situation. Le régime de scrutin pratiqué au Canada n'est pas enchâssé dans la Constitution. La Loi constitutionnelle précise que les députés doivent être élus, mais elle est muette sur le système applicable au choix des gagnants. De plus, elle ne comporte pas de formule d'amendement constitutionnel pour changer la façon de voter des Canadiens. Toutefois, depuis des siècles, il y a dans la culture politique canadienne, des précédents et des conventions sur la façon de mener une élection. Donc, le critère de Jennings s'applique.
Premièrement, concernant les précédents, au cours des dernières décennies, quatre gouvernements provinciaux, l'Î.-P.-É, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique se sont engagés à soumettre la question au peuple. En 2006, le gouvernement conservateur du premier ministre Lord a promis un plébiscite sur la réforme électorale qui n'eut pas lieu, car le gouvernement fut défait. Il y aura un deuxième référendum sur la réforme électorale cet automne à l'Île-du-Prince-Édouard.
Sur la deuxième question, tous les intervenants clés pensaient être liés par une règle. En 2004, le premier ministre ontarien Dalton McGuinty a déclaré:
Nous nous adressons aux citoyens de l'Ontario. Selon nous, la question de la réforme électorale est tellement fondamentale et élémentaire que nous sollicitons le jugement du peuple ontarien sur cette question.
Kuldip Kular, adjoint parlementaire au procureur général, a déclaré:
Le système électoral ontarien appartient aux Ontariens et non aux élus ou aux commissions nommées. Alors, nous demandons aux Ontariens de décider par eux-mêmes comment notre système politique devrait fonctionner et comment ils veulent élire les députés à Queen's Park.
En Colombie-Britannique, la première ministre Campbell a même établi un niveau minimum d'appui pour l'acceptation du plébiscite — comme cela se fait ailleurs. L'application de la réforme requiert l'appui de 60 % des votes validement exprimés pour toute proposition et une majorité simple favorable dans au moins 60 % de toutes les circonscriptions. Beaucoup ont soutenu que le seuil était trop élevé. Voici la réplique de la première ministre Campbell:
Nous croyons qu'il s'agit là d'un changement fondamental et important justifiant le double processus d'approbation mis en place. Certains soutiennent déjà que ce taux d'approbation est trop élevé. À l'évidence, le gouvernement n'est pas d'accord. Nous croyons que c'est un changement important appelant le genre d'approbation qui confirme que la grande majorité des gens de cette province pensent que ces changements les avantageront...
Le concept d'approbation publique super majoritaire a été adopté par toutes les autres provinces en raison de son importance. Le président de l'Assemblée législative de l'Î.-P.-É, Gregory Deighan, le dit de façon éloquente. « Il va de soi que les Prince-Édouardiens aient vraiment leur mot à dire sur le fonctionnement de ces systèmes électoraux, car ils ont un impact important sur les [...] résultats électoraux. »
Au cours des 25 dernières années, d'autres démocraties du type Westminster se sont également adressées au peuple. L'Australie qui, pendant longtemps, avait apporté des changements importants à son système électoral sans consulter le public, a changé en 1992 quand le Territoire de la capitale de l'Australie a posé la question au peuple. Il s'agit d'un petit État d'environ 300 000 personnes. Le référendum 1992 du Territoire de la capitale de l'Australie était un scrutin consultatif tenu simultanément avec l'élection. On demandait simplement aux électeurs s'ils préféraient le système traditionnel majoritaire uninominal à un tour ou le système à vote unique transférable. Les membres et les citoyens du TCA votèrent en faveur de la proposition.
En Nouvelle-Zélande, le peuple a été consulté trois fois, soit en 1992, en 1993 et en 2011. Chaque fois, le premier ministre a déclaré, et je cite le premier ministre de 2008, John Key, « Finalement, nous allons écouter l'opinion des Néo-Zélandais sur leur système de scrutin. » Le changement a été adopté en Nouvelle-Zélande.
À la suite de l'élection générale de 2010 au Royaume-Uni, le parti conservateur dirigé par David Cameron et le parti libéral-démocrate dirigé par Nick Clegg ont convenu d'un gouvernement de coalition qui engageait le gouvernement à tenir un référendum. Le premier ministre Cameron a souligné la nécessité d'un mandat public clair. En janvier 2011, le premier ministre a dit qu'un référendum s'imposait afin de « permettre au peuple de décider de la réforme électorale et qu'un référendum était une étape démocratique ».
Un mois plus tard, le premier ministre déclarait, « Bien au-delà de nos convictions sur le fonctionnement du système de scrutin, nous partageons une conviction de loin supérieure — la conviction de la démocratie et de l'expression de la voix du peuple. »
À l'évidence, les autres régimes britanniques ont aussi envisagé des changements électoraux. Ce qui est remarquable, c'est qu'au cours des derniers 25 ans, les gouvernements se sont sentis obligés de permettre aux électeurs de s'exprimer. Conséquemment, la pratique canadienne au plan provincial était donc cohérente avec celle des autres systèmes fonctionnant selon les principes du Royaume-Uni, comme le mentionne notre Constitution.
Le critère de Jennings sur la validité de la règle conventionnelle peut donc s'appliquer à la nécessité de solliciter l'aval populaire sur la réforme électorale. À la question de Jennings sur les précédents, le dossier est clair. À la question de savoir si les leaders comprenaient qu'ils étaient soumis à une règle, le dossier est également clair.
[Français]
Les gouvernements se sont sentis contraints par l'idée qu'aucune modification du système électoral ne pourrait être mise en oeuvre sans le consentement explicite de la majorité, parfois une « surmajorité », de l'électorat. Les gouvernements nationaux du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande l'ont fait. Les gouvernements de grandes provinces canadiennes comme l'Ontario et la Colombie-Britannique l'ont fait, tout comme de plus petites provinces comme le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard.
Les gouvernements dominés par des progressistes-conservateurs ont ressenti le besoin de consulter l'électorat, comme l'ont fait les gouvernements libéraux et travaillistes. Les référendums ont été utilisés par les gouvernements en situation minoritaire ou en coalition, ainsi que par des gouvernements dans des positions totalement dominantes. L'instrument du référendum a été tout simplement l'instrument conventionnel pour consulter les électeurs sur les changements dans la façon dont les représentants sont élus.
Me reste-t-il encore cinq minutes, monsieur le président?
:
J'en arrive à mon dernier point.
La façon dont nous votons façonne notre culture politique. Le Canada n'est pas parfait et sa démocratie a ses défauts. Cependant, nous devons aussi reconnaître que le système a fonctionné et que l'électorat qui l'a sanctionné pendant des générations doit être consulté. Le gouvernement du Canada ne peut tout simplement pas supposer qu'il peut unilatéralement changer la façon dont nous votons. Il n'a aucune prétention exclusive au processus électoral et il doit respecter les conventions.
[Traduction]
L'urgence et la moralité de la réforme électorale sont d'autant plus pressantes, car elle a déjà été rejetée quatre fois par les Canadiens lors de plébiscites. Et, on ne peut pas tout simplement ignorer les opinions passées des électeurs. À l'instar d'autres juridictions, le gouvernement fédéral doit mener des consultations rigoureuses et exhaustives qui ne relèvent pas simplement des défenseurs auto-proclamés de la réforme. En plus, le processus doit comprendre un référendum, peu importe le coût ou le retard imposé aux décisions. Le gouvernement doit en respecter le résultat, quel qu'il soit. Sans s'adresser au peuple, il ne peut prétendre légitimement apporter des changements au précieux processus électoral, qui est la quintessence de notre civilisation démocratique. Notre façon de voter n'est pas un simple détail, c'est quelque chose de structural.
Maintenant, je vais mettre mon chapeau d'historien politique et vous expliquer plus en détail comment cela a affecté notre culture politique. Il y un danger à vouloir apporter des changements aux structures qui corrigent les faiblesses de nos partis politiques. Le a déclaré que le système majoritaire uninominal à un tour génère des disparités entre les votes et le nombre de sièges obtenus. Depuis 1960, 10 élections nous ont donné un gouvernement majoritaire, mais une seule élection, en 1984, où le parti gagnant avait plus de 50 % du vote. À l'évidence, ils avaient lu le livre de M. Russell. Qu'y a-t-il de mal à cela, je vous le demande? Les Canadiens sont très à l'aise avec ce système. Où est le mal à donner à un groupe de parlementaires le droit de gouverner, tout en sachant que la plupart des gens ont voté contre eux?
Voilà où j'en viens à la question de la culture politique. L'effet net c'est la modestie. Les gouvernements savent que dans quelques mois ou quelques années ils seront chassés du pouvoir. Cela aiguise l'esprit. Cela exige de consulter. Cela se traduit par des changements graduels, mais ce sont de changements. Cela veut dire attendre qu'un consensus se dégage chez la population. C'est la culture politique à l'oeuvre.
D'autre part, cela crée, bien sûr, une vraie compétition entre les partis afin d'améliorer leurs résultats. Il suffit de voir les progrès réalisés au pays depuis 1960 avec des gouvernements recueillant moins de 50 % du vote. Le monde entier nous envie. Les gens risquent leur vie pour vivre dans un système où le parti au pouvoir est minoritaire. Ce n'est pas accidentel. Les parlementaires l'ignorent à leurs risques et périls. Les Canadiens privilégient une culture politique permettant le transfert clair du pouvoir d'un parti à un autre. Nous aimons le roulement. Je sais que c'est pénible pour vous, mais nous voulons bouter les « profiteurs » dehors lorsqu'ils cessent d'écouter. Les Canadiens privilégient ce système.
Lors du dévoilement des résultats électoraux, voit-on des émeutes dans les rues? Non, car le système a fonctionné. C'est un représentant de la circonscription qui a été élu et non un représentant d'une formation politique. Notre culture politique vous impose de servir vos commettants. Il y a des règles régissant votre bureau de circonscription. Vous ne pouvez pas afficher vos couleurs. Je sais que certains d'entre vous le font, mais vous n'êtes pas censé le faire. Vous le faites à vos propres risques. Notre culture politique n'est pas sévère. On ne s'attend pas que les partis respectent tous les engagements, seulement les plus importants.
En conclusion, monsieur le président, mon conseil est en quatre volets.
N'oubliez pas que le but principal des élections est de permettre au Parlement de former un gouvernement efficace et productif.
[Français]
Deuxièmement, examinez de près l'idée de retenir un dimanche ou un jour férié pour le scrutin.
Troisièmement, tirez avantage de votre situation pour demander aux Canadiens s'ils pensent que le vote devrait être obligatoire.
[Traduction]
Finalement, faites campagne en faveur d’une plus grande représentativité du Sénat, dès maintenant.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous adresser la parole.
:
Merci, monsieur le président.
Je veux revenir à la question des conventions politiques et leur capacité à orienter ou contraindre un premier ministre qui s’est déclaré disposé à passer outre. Pour ce faire, je tiens à signaler en quoi consiste selon moi le plus grand danger, tout d'abord, puis je céderai la parole à Albert Venn Dicey, qui traite d'un parallèle particulièrement intéressant.
Comme vous le savez, lors des élections de 2015, le Parti libéral a remporté 39 % des voix, mais 54 % des sièges, ce qui lui a donné 100 % du pouvoir. Plus précisément, il a remporté 184 sièges.
Il ressort de calculs effectués sur la base de ces données et d'informations provenant de sondages sur les deuxième, troisième et quatrième préférences des électeurs que, si l’on avait utilisé un bulletin de vote préférentiel dans les circonscriptions à un seul siège, les libéraux auraient remporté 224 sièges. Cela signifie, bien sûr, qu'ils auraient eu 70 % des sièges.
Mais l’on peut chercher dans la direction opposée. La question est de savoir jusqu’où leur faible pourcentage du vote pourrait baisser tout en leur permettant d'obtenir plus de 50 % des sièges et 100 % du pouvoir, étant donné que ce système particulier tend à favoriser le parti du centre. Voilà la question fondamentale sous-jacente, si telle est la direction que prend le premier ministre, comme semblent le confirmer les indications qu’il a données jusqu'à présent.
En ce qui concerne les conventions, dans son ouvrage Introduction to the Study of the Law of the Constitution, Albert Venn Dicey traite du Septennial Act. Il s’agit d’une loi adoptée en 1716 par le Parlement britannique, qui, à ce moment-là avait été élu pour un mandat de trois ans. La loi modifiait le mandat du Parlement afin de lui permettre de gouverner pendant quatre années de plus — et le Parlement l’avait adoptée quand il lui restait un an à courir — et il n'y avait pas de recours en justice possible contre cette loi. Certains membres de la Chambre des Lords ont protesté et ont écrit ou dit à l'époque:
... la Chambre des communes doit être choisie par le peuple, et lorsqu'elle est ainsi choisie, ses représentants sont vraiment les représentants du peuple, ce qui ne peut être proprement dit d’eux, lorsqu’ils se maintiennent dans leur fonction au-delà du terme pour lequel ils ont été choisis; car, passé ce terme, ils sont choisis par le Parlement, et non par le peuple, qui se trouve ainsi privé du seul remède qu'il ait contre ces... [députés]
Vous voyez où je veux en venir. En effet, le Parlement a réécrit les termes de son propre contrat unilatéralement, s’est attribué de nouveaux pouvoirs, et le peuple n’avait aucun recours. De même, si M. Trudeau réécrit la loi électorale afin que la prochaine élection se déroule selon des règles en vertu desquelles il peut perdre un nombre important de votes, alors la pierre de touche classique d'une convention, qui est de savoir si elle vous coûtera la prochaine élection, est subvertie.
Je vous soumets donc cette question: que faire dans une situation où les questions de légitimité sont si clairement séparées de la direction dans laquelle un gouvernement tente d'aller?