:
Bonjour, on peut commencer la séance.
Bon matin à tout le monde.
[Traduction]
Merci à vous tous de votre présence aujourd'hui. Nous nous réunissons ce matin conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, afin de poursuivre notre étude de l'évasion fiscale et des comptes bancaires à l'étranger.
Nous recevons aujourd'hui deux séries de témoins: M. Larin.
[Français]
Il est le titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.
[Traduction]
et, de l'Association des banquiers canadiens, nous accueillons également Mme Fung et M. Hannah.
Je crois savoir qu'on vous a déjà informés que vous ne disposez que de 10 minutes pour votre exposé; je vous donne donc 10 minutes pour vos remarques liminaires, et ensuite ce sera aux membres de vous poser leurs questions.
[Français]
M. Larin va prendre la parole en premier lieu.
Allez-y, s'il vous plaît.
:
Bonjour, mon nom est Gilles Larin, je suis professeur à l'Université de Sherbrooke et titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques. Cette chaire a été créée en 2003.
Ma présentation se fera en français, car le document a été écrit en français. D'après ce que m'a dit M. Pagé, la traduction anglaise a été faite et vous devriez l'avoir en votre possession. Comme je n'ai que 10 minutes, je vais essayer d'être bref.
Mon intervention porte spécifiquement sur ce qu'on appelle les AERF ou, en anglais, les TIEA, soit les accords d'échange de renseignements en matière fiscale. J'avance qu'en matière d'administration de la Loi de l'impôt sur le revenu, les détails sont aussi importants que les principes. L'équivalent en anglais pourrait être:The devil is in the details. C'est pourquoi je propose de vous parler du contenu des ententes signées dernièrement par le gouvernement du Canada en ce qui concerne l'échange de renseignements en matière fiscale. On a exploré plus particulièrement en détail le protocole signé le 23 octobre 2010 par le Canada et la Confédération suisse mais je considère aussi, dans le document, un échantillon de ces différents accords d'échange de renseignements en matière fiscale signés dernièrement par le Canada.
Mon objectif est de déterminer à quel point ces documents sont fidèles à la norme internationale, qui est la norme de l'OCDE, que j'aurai l'occasion d'expliquer dans quelques instants. La norme internationale est en accord avec des documents semblables signés par quelques-uns de nos partenaires commerciaux. L'objectif général est de faire le bilan de l'efficacité de ces documents. À la suite de ma présentation, il y a une série de six ou sept recommandations faites au comité que j'aimerais voir transmises au ministère des Finances et à l'ARC, puisque ce sont ces deux ministères — surtout le ministère des Finances — qui gèrent la négociation des conventions fiscales et des protocoles de convention fiscale.
Pourquoi échanger des renseignements en matière fiscale? Parce que c'est un outil essentiel à l'établissement de l'équité dans le système d'imposition canadien. C'est expliqué dans la citation extraite d'un document de l'OCDE que je ne vous lirai pas, mais que vous pouvez trouver au centre de la première page. En somme, ce n'est pas compliqué, c'est le principe des vases communicants: les impôts impayés par les gens qui devraient les payer sont payés par des gens qui ne devraient pas les payer.
Comment peut-on distinguer une convention fiscale d'un accord sur les renseignements fiscaux? Dorénavant, je les appellerai les AERF pour sauver du temps.
Une convention fiscale est un accord entre deux États signataires sur le partage du droit d'imposition. Une des conséquences est d'éviter la double imposition, c'est-à-dire que la même source de revenu soit imposée deux fois dans deux États participant à la convention lorsqu'il s'agit d'une convention bilatérale. Ces conventions s'appuient sur l'un ou l'autre de deux modèles: le modèle de l'OCDE qui, en pratique, gère les relations entre les pays développés, ou celui de l'organisation des Nations Unies, qui est différent et qui gère les relations entre les pays développés et les pays en émergence, ou entre les pays en émergence. J'avais d'abord utilisé une expression des années 1950, soit « les pays en voie de développement », mais elle n'est plus à la mode aujourd'hui. On parle maintenant de pays en émergence, alors je ferai la substitution.
Un accord est utilisé pour officialiser les dispositions sur l’échange de renseignements entre deux États lorsque ces deux États n’ont pas de convention fiscale. L’AERF est prévu dans les cas où, étant donné les relations économiques entre les deux pays, la gamme des dispositions contenues dans une convention fiscale n’est pas souhaitable ou appropriée, mais l’échange de renseignements est voulu.
Ainsi, les AERF sont utilisés pour officialiser les échanges de renseignements entre pays développés ou pays en émergence, et les pays qui sont des refuges fiscaux. J'aurai des remarques cocasses à vous faire un peu plus tard sur les AERF entre pays qui sont des refuges fiscaux.
:
D'accord, je vais synthétiser. De toute façon, vous avez lu le document.
Notre analyse a porté sur les éléments clés qui définissent l'utilité d'un AERF, c'est-à-dire le fardeau de la preuve, les types d'impôts admissibles à une demande, les critères juridiques applicables à une demande, la documentation requise, le contrôle des renseignements à exercer et l’obligation des États à une coopération.
À la suite de l'étude de ces conditions selon la norme de l’OCDE, nous avons comparé les résultats obtenus avec les conditions qui apparaissent dans le protocole Canada-Suisse.
Il est important de mentionner que la documentation requise selon le protocole Canada-Suisse pour faire une demande de renseignements est plus stricte que la norme de l'OCDE. Ainsi, le contribuable et le détenteur de renseignements doivent être identifiés, ce qui n'est souvent pas le cas en vertu d'autres protocoles comme celui signé par les États-Unis et la Suisse et celui signé par l'Allemagne et la Suisse.
Toutefois, il y a eu de petits changements dernièrement qui ont été publiés sur le site du Parlement suisse, à la suite des pressions exercées par le comité de transparence de l'OCDE, qui a recommandé fortement, avec le G20, qu'on rende moins strict le protocole tel qu'il a été adopté le 23 octobre au chapitre de l'obtention des renseignements. Ces informations ne sont pas contenues dans le document que je vous ai présenté. Le document suisse n'a paru sur Internet que le 15 février dernier, et on avait alors déjà terminé le document. Par contre, je pourrais y revenir lors de la période de questions.
En bref, selon moi, le protocole Canada-Suisse, tel qu'il a été signé — il a été signé, mais pas encore ratifié — par le gouvernement du Canada et la Suisse, est déficient. Je vous l'explique par une image: comparativement aux États-Unis, le Canada apparaît comme un nain pour ce qui est de ses droits, alors que les États-Unis apparaissent comme un géant, compte tenu de ce qu'ils ont négocié avec la Suisse et du pouvoir coercitif que le protocole qu'ils ont signé exerce auprès des dirigeants suisses.
Finalement, vous pouvez consulter le document à l'annexe A. C'est assez dense, mais on mentionne les pays avec lesquels le Canada a conclu des conventions fiscales, et dans la partie gauche on précise la décennie et l'année de leur entrée en vigueur. On se rend compte que la plupart de celles-ci datent de longtemps et ont besoin d'être revues.
Dans la partie droite, à la deuxième ligne, on a le sommaire des accords et des AERF. On retrouve une pléiade de ces AERF. En bas de la page, vous en avez une quinzaine qui ont été signés dans la décennie de 2010. Parmi la liste des pays avec lesquels le Canada a signé un accord depuis 2010, aucun n'est un refuge fiscal, évidemment: Anguilla, les Bahamas, les Bermudes, la Dominique, les îles Caïmans, etc. J'espère que vous avez compris que c'était une blague.
Je saute directement aux recommandations auxquelles notre analyse nous mène. C'est à la page 7 du document.
Nous souhaiterions qu'on prévoit un mécanisme d’examen à intervalle régulier, visant à étudier l’efficacité des dispositions sur l'échange de renseignements contenus dans les différents protocoles ainsi que dans la multitude d’AERF conclus à toute vitesse que le gouvernement entend faire entériner par le Parlement.
Parmi tous les AERF qui apparaissent dans l'annexe, un seul est en vigueur à ce jour. C'est le premier de la liste. Cela concerne les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises, ou du moins ce qu'il reste de celles-ci depuis leur éclatement.
Vous m'arrêtez ici, monsieur le président? C'est parfait.
Je m'appelle Nancy Fung et je suis la vice-présidente des Opérations bancaires à l'Association des banquiers canadiens. Je suis accompagnée aujourd'hui de mon collègue, Darren Hannah, directeur des Opérations bancaires. Je remercie le président et les membres du comité de nous avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui.
L'Association des banquiers canadiens travaille au nom des 51 banques membres, soit des banques canadiennes, ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant des activités au Canada. Malgré l'environnement économique instable des dernières années, nos banques sont demeurées solides, poursuivant leur apport considérable à l'économie du pays. Les banques emploient plus de 260 000 Canadiens, et le nombre d'employés à temps plein a augmenté de 27 p. 100 au cours des 10 dernières années.
La part du secteur bancaire dans le produit intérieur brut du Canada poursuit sa hausse, passant de 2,9 p. 100 en 2004 à 3,8 p. 100 en 2009, soit 55 milliards de dollars. De 2004 à 2008, les données de Statistique Canada montrent que les banques et autres institutions de dépôt et de placement ont payé 36 milliards de dollars en impôts sur les sociétés, soit 14 p. 100 de l'impôt sur les sociétés versé au Canada durant cette période. En 2009, au Canada, les six grandes banques ont payé, à elles seules, 7,5 milliards de dollars en impôts à tous les niveaux de gouvernement.
Les banques versent de l'impôt sur le bénéfice provenant de leurs activités commerciales, au Canada et dans les autres pays où elles font des affaires. Comme beaucoup d'autres entreprises canadiennes, les banques élargissent leurs activités à la fois au Canada et ailleurs. En livrant concurrence sur les marchés mondiaux et en gagnant un revenu à l'extérieur du pays, les banques apportent au Canada des avantages économiques tels que des emplois hautement qualifiés et très payants dans les sièges sociaux, en plus de bénéfices plus importants qui se traduisent en dividendes pour les actionnaires canadiens.
La réussite des banques profite à tous les Canadiens. En effet, la plupart des Canadiens sont actionnaires dans les banques du pays par le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec, le régime de leur employeur, les fonds communs de placement et les investissements directs. En 2009, les banques ont versé plus de 11 milliards de dollars de leurs bénéfices en dividendes à leurs actionnaires, y compris aux plus de 17 millions de personnes qui détiennent des actions bancaires grâce à leur participation au RPC. Les actions des banques sont une composante clé des placements en actions de la plupart des caisses de retraite publiques et privées et de la plupart des fonds communs de placement.
Nous sommes heureux que le Comité des finances de la Chambre des communes ait saisi l'occasion de passer en revue l'enjeu important de l'évasion fiscale. Je veux être absolument claire au sujet de deux points essentiels à ce sujet.
Premièrement, les banques canadiennes ne favorisent pas la fraude fiscale chez leurs clients au Canada ni dans n'importe quel autre pays. En fait, les banques ont prévu des politiques et des procédures empêchant l'utilisation de leurs produits et services aux fins d'évasion fiscale. Les banques respectent entièrement l'esprit et le texte des lois, des règlements et des exigences de divulgation adoptés en vue de déceler et de prévenir l'évasion fiscale.
Deuxièmement, tout comme elles n'incitent pas leurs clients à se soustraire à l'impôt, les banques canadiennes n'évitent pas, elles non plus, le paiement d'impôts. Elles respectent inconditionnellement les lois du Canada et celles des autres territoires où elles exercent des activités, notamment les lois conçues afin de prévenir les activités illégales, telles que la fraude fiscale.
Les banques sont assujetties à la supervision des autorités fiscales canadiennes et de l'organisme de réglementation des banques, soit le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF. La structure de gouvernance des banques comprend des comités de gestion et de direction qui surveillent la gestion du risque, notamment la conformité aux lois fiscales. Je peux vous assurer que les banques prennent très au sérieux ces deux responsabilités. L'évasion fiscale est une très mauvaise pratique que les institutions financières de bonne réputation refusent de suivre.
J'aimerais prendre quelques minutes maintenant pour passer en revue les mesures de prévention de la fraude fiscale qui ont été adoptées.
L'OCDE est un chef de file dans l'élaboration des normes internationales visant la transparence fiscale. En 2000, l'OCDE a établi le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, dont l'objectif est de veiller à ce que toutes les juridictions appliquent intégralement les normes internationales de transparence et d'échange de renseignements.
Le produit de base du Forum mondial est une norme de transparence des renseignements fiscaux qui prévoit l'échange de renseignements sur demande, y compris l'information provenant de banques et de fiduciaires. En d'autres termes, toute entente d'échange de renseignements fiscaux qui répond à la norme du Forum mondial contient une disposition permettant à chaque gouvernement, partie à cette entente, qui soupçonne une fraude fiscale, de demander à un autre gouvernement de l'information sur des contribuables spécifiques, y compris leur information bancaire.
Cette approche pour combattre l'évasion fiscale fonctionne.
Le travail du Forum mondial prend de l'ampleur depuis que les pays du G20 ont mis l'accent sur l'échange d'information fiscale en tant que composante clé de la lutte contre la fraude fiscale. L'OCDE a récemment indiqué que, depuis 2009, on a accompli plus de progrès en vue d'un échange efficace de renseignements qu'au cours de la dernière décennie. En effet, entre avril 2009 et février 2011, le nombre de pays n'ayant pas adopté la norme est passé de 44 à 9. Ces neuf pays se sont engagés, toutefois, à adopter la norme.
Le Canada a joué un rôle de premier plan dans cette initiative, tirant avantage de son large réseau de conventions fiscales afin de conclure des ententes d'échange de renseignements fiscaux avec 14 territoires, dont plusieurs — tels que les îles Caïmans, les Bermudes et les Bahamas — ont un faible taux d'imposition, et est actuellement en négociations avec 11 autres pays. Dans tous les cas, l'entente prévoit l'échange bilatéral de renseignements fiscaux qui sont soit en possession, soit accessibles par les autorités fiscales de l'une ou l'autre des juridictions, afin de mieux administrer et appliquer les lois fiscales et de prévenir l'évasion fiscale internationale.
En bref, le gouvernement canadien a fait une priorité de sa capacité d'enquêter sur les cas où on soupçonne une fraude fiscale. Nous encourageons le gouvernement à établir d'autres ententes similaires. En outre, le gouvernement a pris des mesures à l'interne afin de mieux utiliser les outils qui sont déjà à sa disposition pour recenser les transactions qui seraient liées à la fraude fiscale et y remédier. Dans le budget fédéral de 2010, le gouvernement a fait de l'évasion fiscale une infraction sous-jacente au titre du Code criminel. Lorsqu'une institution financière soupçonne qu'une opération pourrait être liée au blanchiment d'argent tiré de l'évasion fiscale, elle doit en informer le CANAFE. Nous appuyons absolument cette mesure.
Le Canada dispose d'ores et déjà d'un système solide et vigoureux de lutte contre l'évasion fiscale, mais celui-ci peut certainement être amélioré. Par exemple, le réseau d'ententes d'échange d'information fiscale peut être élargi davantage pour inclure des pays additionnels. Le gouvernement peut également envisager l'ajout à ces ententes d'une clause portant sur la déclaration automatique liée aux non-résidents qui figure dans la Convention entre le Canada et les États-Unis en matière d'impôts sur le revenu. Une fois qu'il aura analysé tous les faits, le comité voudra peut-être explorer cette possibilité ainsi que d'autres options dans ses recommandations.
Nous vous remercions de l'attention que vous nous avez accordée et serons heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vais commencer par une observation. Mais, tout d'abord, je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
J'ai une observation à faire au sujet des recommandations de M. Larin. J'ai remarqué en les lisant que vous, qui êtes professeur, nous recommandez de faire des études et des examens de ceci et cela. Mais, à mon avis, cela ne va pas nous permettre de vraiment nous attaquer à la source du problème de l'évasion fiscale et d'attraper les fraudeurs. On peut toujours multiplier les examens et les études et tout ce que vous voulez mais, en fin de compte, il nous faut surtout nous attaquer aux personnes qui sont à l'origine de ces activités criminelles. C'est une infraction criminelle. L'évasion fiscale est une infraction criminelle. Je voulais simplement faire cette observation. J'apprécie les recherches que vous faites, bien sûr, et, sachant que vous et d'autres experts avez assisté à une conférence en juin 2010 sur le sujet, je voudrais justement avoir plus de sept minutes pour explorer avec vous l'opinion de ces autres experts.
Il faut tout de même que je tienne compte des témoignages que nous avons déjà reçus au comité, et je voudrais justement évoquer les observations d'autres témoins qui voudraient, non pas continuer à étudier la question, mais plutôt prendre des mesures concrètes pour nous permettre d'avancer. Lorsque M. Hejazi a comparu devant le comité, il a parlé du fait que le gouvernement canadien a la réputation de toujours essayer de prendre les mesures qui s'imposent, et j'étais bien contente de l'entendre dire cela. Mais il a également fait un certain nombre de déclarations bien précises, entre autres que les recettes fiscales canadiennes allaient baisser. Il faisait allusion au fait que les Canadiens peuvent vouloir passer par des centres financiers extraterritoriaux en toute légalité et, selon lui, si nous décidions d'empêcher les Canadiens d'avoir recours à ces centres en toute légalité, les recettes fiscales canadiennes baisseraient. Il a également dit ceci: « Selon moi, il y aurait au contraire une baisse des recettes fiscales. Si je suis de cet avis, c'est parce que les revenus ainsi générés finiraient par baisser, étant donné que les entreprises canadiennes concernées seraient moins productives et moins concurrentielles. Deuxièmement, bon nombre d'entreprises canadiennes décideraient tout simplement de quitter le Canada… »
Je voudrais que les représentants des banques nous disent s'ils sont d'accord. Si la loi devait changer pour empêcher les entreprises et les institutions bancaires canadiennes de recourir à des centres financiers extraterritoriaux, la compétitivité canadienne finirait-elle par être compromise? Et êtes-vous d'avis que certaines entreprises décideraient tout simplement de quitter le Canada? Nous avons des exemples d'entreprises canadiennes qui sont revenues en raison de notre système, mais si nous les empêchons d'avoir recours à des centres extraterritoriaux en toute légalité, qu'arriverait-il à ces entreprises, à votre avis?
:
Mais j'apprécie votre opinion. Elle compte beaucoup. À mon avis, bon nombre de Canadiens seraient d'accord avec vous.
Dans un article du Globe and Mail qui est paru en novembre dernier, Jack Layton aurait cité une étude publiée par l'Université de Montréal intitulée:
[Français]
Les banques canadiennes et l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux - 16 milliards de dollars d’impôts éludés.
[Traduction]
Il s'agit d'une étude réalisée par Léo-Paul Lauzon et Marc Hasbani.
Il laissait entendre, à tort, que les cinq plus grandes banques du Canada ont réussi à éviter de payer 16 milliards de dollars d'impôts entre 1992 et 2008. Dans cet article, le vice-président des Communications de l'ABC, Robin Walsh, aurait dit au sujet de cette étude qu'elle avait été « discréditée par un certain nombre de grands fiscalistes ». Il a précisé ceci:
Certains dividendes et bénéfices réalisés à l'étranger sont exonérés d'impôt au Canada parce qu'ils ont déjà été imposés ailleurs; sinon, ces bénéfices seraient doublement imposés.
Dites-moi ce que vous pensez de l'idée selon laquelle les banques auraient réussi à éviter de payer 16 milliards de dollars en impôts. À notre avis, c'est faux, et j'aimerais donc connaître votre avis à ce sujet.
:
Votre question comporte deux volets.
D'abord, est-ce souhaitable? Oui, c'est souhaitable, à mon avis.
Quant à savoir quelle forme cela devrait prendre, c'est une autre histoire, car on peut élaborer un AERF en fonction de l'un ou l'autre de deux modèles, soit celui des Nations Unies, soit celui de l'OCDE. Le modèle des Nations Unies met beaucoup plus l'accent sur les besoins des pays en développement, par rapport à celui de l'OCDE, qui correspond essentiellement à une sorte de club exclusif de pays riches.
Je ne sais pas dans quelle mesure il serait possible de faire marche arrière et de commencer à imposer, à l'égard de tous les ALE conclus par le passé, qu'on y incorpore un AERF, même en appliquant le modèle de l'ONU; par contre, pour les nouveaux accords commerciaux, je pense que ce serait tout à fait souhaitable. Cela aurait l'avantage d'offrir plus de sécurité à la fois au pays concerné et aux autorités fiscales canadiennes.
:
Je voulais revenir sur une remarque de M. Brison lors de sa discussion avec M. Hannah. M. Brison a évoqué le fait que, pendant les années où le budget était excédentaire, des mesures ont été prises pour réduire l'impôt sur les sociétés. Je suis d'accord avec cette affirmation; cependant, quand M. Brison dit qu'il faut mettre fin à tout cela parce que nous avons à présent un budget déficitaire, eh bien, je regrette; M. Brison semble oublier que le budget de 2009, qui réaffirmait notre projet de faible imposition et prévoyait de nouvelles baisses de l'impôt sur les sociétés, a reçu l'appui du Parti libéral et, je répète: ce budget proposait d'autres baisses de l'impôt sur les sociétés. C'était justement à un moment où nous avions un déficit.
De plus, ce budget prévoyait que nous demeurerions en situation déficitaire pendant plusieurs années. Pourquoi? Parce que nous étions en pleine récession mondiale. Le fait le plus notoire des dernières années a été la capacité du Canada d'émerger de la récession mondiale en meilleure posture que tout autre pays membre du G7.
Je me permets donc de rappeler à M. Brison de quelle façon il a voté précédemment, et je lui demande également de ne pas m'interrompre; c'est impoli. J'estime également que les membres de son personnel qui se permettent de rire pendant notre réunion sont également impolis.
J'exhorte donc le président à intervenir, car c'est lui qui est chargé de maintenir l'ordre durant la réunion.
Quoi qu'il en soit, je demande à M. Hannah de reprendre ce qu'il disait tout à l'heure. M. Mulcair avait posé une question, et j'aimerais qu'il termine sa réponse, sans interruption, au sujet de l'étude que j'ai évoquée tout à l'heure. Si vous voulez bien intervenir, vous avez l'occasion de le faire maintenant.
:
Je trouve très efficace le modèle européen portant sur l'échange d'informations. La raison pour laquelle il peut fonctionner, c'est qu'il englobe tous les pays de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en Amérique du Nord où il n'y a que deux pays — le Canada et les États-Unis — qui ne font pas partie d'une union douanière ou de quelqu'autre forme d'union indépendante.
De plus, ce qui est intéressant avec la position de l'Union européenne à l'égard de l'échange d'informations, c'est qu'elle est automatique. Elle se déclenche automatiquement sans qu'il y ait un besoin de demande d'informations de la part d'un autre pays. Le gouvernement recevant des fonds d'activités qui lui paraissent douteuses informe automatiquement les autorités des autres pays membres de l'Union européenne.
Selon moi, tant qu'on n'arrivera pas à une telle norme plus ou moins contraignante, on sera pris dans les dédales — comme M. Hannah le mentionnait — de conflits de juridiction dans les lois protégeant la confidentialité des renseignements dans tous les pays.
En fait, il faudrait aussi revoir aux États-Unis le code de déontologie de tous les conseillers professionnels, comme les avocats et les comptables, qui établissent les planifications pour leurs clients. À l'heure actuelle, ces codes de déontologie n'interdisent pas spécifiquement le recours à des stratagèmes.
L'objet de cette séance du comité est l'étude de l'évasion fiscale et des comptes bancaires à l'étranger. Madame Fung, j'ai été étonné de voir que vous ne pouviez pas fournir, en réponse aux questions de mon collègue, les chiffres sur les comptes bancaires à l'étranger de vos clients. J'utilise le mot « clients » parce que je considère que vous êtes un lobby des banques.
Pour reprendre ce que M. Mulcair disait plus tôt, j'aimerais entendre vos commentaires sur le fait que chaque année les banques à charte doivent divulguer, dans leurs rapports annuels, les montants qu'elles épargnent, si l'on compare la fiscalité canadienne à la fiscalité des refuges fiscaux.
À titre d'exemple, le rapport annuel 2010 de la Banque Scotia dit, à la page 137, ce qui a été épargné: « Si les bénéfices à distribuer de toutes ces filiales étrangères étaient rapatriés, les impôts à payer au 31 octobre 2010 s'établiraient à 907 millions de dollars [...] »
Le rapport de la Banque Royale dit ceci, à la page 125: « Selon les estimations, les impôts qui seraient exigibles [...] s'élèveraient à 763 millions de dollars [...] »
La Banque Toronto Dominion dit, à la page 53 de ses états financiers, que les bénéfices sont assujettis à un impôt additionnel en cas de rapatriement et que s'il y avait imposition au sens des lois canadiennes, ce serait de 409 millions de dollars.
La Banque de Montréal dit, à la page 155 de son rapport, que ce montant est estimé à 236 millions de dollars.
La CIBC nous dit très bien que si cela avait été fait sur une base de dividendes, donc avec un taux de taxation moindre, il y aurait eu 231 millions de dollars de moins à payer au Canada.
Au total, on est rendu à 2,546 milliards de dollars.
La Banque Nationale, elle, à la suite d'une décision qu'elle a prise au cours des dernières années, a diminué ses investissements dans ce genre de paradis fiscaux. Elle indique très bien, à la page 144, que ce serait 8 millions de dollars.
Quelle est la différence entre le comportement de la Banque Nationale et celui de la Banque Scotia, qui sont deux de vos clients?