Bonjour M. le président, messieurs les vice-présidents et membres du comité.
Merci de nous avoir invités, mes collègues et moi, à vous parler des perspectives économiques et financières du Canada.
Ceux à qui incombe la responsabilité d'élaborer des budgets se heurtent présentement à une période particulièrement difficile. Le niveau d'incertitude demeure élevé. Dans plusieurs pays du G-8, le rythme de la reprise économique a subi un ralentissement dans une conjoncture où les économies fonctionnent encore bien en deçà de leur potentiel. Le ralentissement de la croissance se produit en outre au moment même où les gouvernements envisagent de mettre fin aux programmes de stimulation budgétaire et de mettre en oeuvre des mesures d'austérité pour réduire les déficits budgétaires.
On ne saurait trop insister sur l'importance des risques et des compromis entre diverses politiques. Les décideurs doivent poursuivre une politique qui permet d'appuyer à court terme une reprise économique fragile, d'une part, et d'éviter un accroissement de la dette publique susceptible de peser sur les générations futures, d'autre part. Il y a aussi des problèmes structurels, comme la faiblesse de la croissance de la productivité, le vieillissement de la population, les déséquilibres budgétaires, etc., qui exigent des solutions structurelles.
[Français]
Dans ce contexte, les décideurs et les responsables du budget doivent accorder une importance particulière à la transparence et à l'analyse budgétaire, afin d'appuyer le débat d'orientation qui aboutira au budget de 2011.
Aujourd'hui, mon bureau a rendu publique une mise à jour de nos prévisions budgétaires quinquennales. Nous avons mis à jour notre analyse des composantes conjoncturelles et structurelles des déficits budgétaires prévus, et proposé une nouvelle évaluation quantitative des risques et de l'incertitude auxquels sont assujetties ces prévisions.
Il y a quelques semaines, nous avons présenté une analyse portant sur l'expérience canadienne et internationale en matière de règles budgétaires, c'est-à-dire de fermes engagements législatifs et/ou politiques en faveur de compressions budgétaires.
Nous avons soutenu que les parlementaires pourraient souhaiter amorcer un débat sur la prochaine génération de règles budgétaires au Canada. L'analyse met en évidence la nécessité d'un tel débat afin de traiter de la perspective à long terme des problèmes budgétaires au Canada, d'examiner tous les niveaux de gouvernement dans le contexte de fédéralisme budgétaire, de tenir compte des risques et des incertitudes, et de séparer les aspects conjoncturels et structurels dans l'analyse des prévisions budgétaires du Canada.
Au cours des prochaines semaines, le DPB rendra publique une analyse des effets de la stimulation budgétaire au Canada, et notamment du Fonds de stimulation de l'infrastructure. Ce travail a pour objet d'estimer les effets économiques à court terme, de surveiller la mise en oeuvre du budget et de dégager des leçons préliminaires pour faciliter les délibérations futures sur les politiques.
Au printemps prochain, le DPB publiera une mise à jour du rapport sur la viabilité budgétaire. Ce rapport portera sur les mesures budgétaires requises pour assurer la stabilité du ratio canadien dette/PIB non seulement du point de vue fédéral, mais également de celui de l'ensemble des gouvernements.
[Traduction]
Je tiens à mettre en évidence certains messages et certaines observations du rapport rendu public aujourd'hui concernant la situation et les perspectives économiques et financières au Canada.
L'activité économique canadienne demeure bien en-deçà de son seuil de pleine capacité, c'est-à-dire de son PIB potentiel. Compte tenu de la prévision moyenne du secteur privé et de l'estimation que le DPB a faite du PIB potentiel, on prévoit que l'écart de production diminuera graduellement sur le moyen terme et l'économie atteindra son potentiel à la fin de 2016.
Bien que le PIB réel ait presque entièrement récupéré les pertes enregistrées entre le premier trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2009, l'activité économique canadienne demeure bien en-deçà de l'estimation du PIB potentiel du DPB qui s’élève à 2,9 p. 100. Les indicateurs du marché du travail donnent également à penser qu'une part sensible de capacité excédentaire subsiste au sein du marché du travail canadien.
Bien que l'emploi soit revenu au sommet atteint avant la récession, il importe de reconnaître que le nombre total d'heures de travail demeure inférieur au niveau enregistré avant la récession et de 1,8 p. 100 inférieur à sa tendance. Ce faible niveau témoigne du fait qu'une part disproportionnée des gains récents en matière d'emploi inférieur relève de l'emploi à temps partiel. Le taux de chômage est demeuré à 8 p. 100 au cours du troisième trimestre de 2010, bien au-dessus de la plupart des estimations du taux naturel de chômage.
L'enquête du ministère des Finances auprès des prévisionnistes du secteur privé de septembre indique que les prévisions concernant le PIB nominal sur le moyen terme - l'indice le plus global de l'assiette fiscale du gouvernement - ont peu changé par rapport aux prévisions sur lesquelles se fonde le Budget de 2010. Toutefois, les prévisionnistes du secteur privé ont révisé sensiblement à la baisse leurs prévisions des taux d'intérêt: sur la période 2011-2014, ils prévoient que ces taux seront, chaque année, en moyenne de 80 points de base inférieurs aux prévisions antérieures.
Les prévisions à très court terme du taux de chômage ont été légèrement révisées à la baisse, bien que les prévisionnistes du secteur privé prévoient maintenant un taux de chômage légèrement plus élevé sur le moyen terme.
Le DPB prévoit un déficit de 40,0 milliards de dollars — 2,5 p. 100 du PIB – en 2010-2011, celui-ci passant graduellement à 11,0 milliards de dollars — 0,5 p. 100 du PIB en 2015-2016. Si on ajoute à cela les déficits budgétaires enregistrés en 2008-2009 et 2009-2010, on obtient une augmentation cumulative prévue de la dette fédérale de 200,5 milliards de dollars, ce qui signifie que celle-ci atteindra 658,1 milliards de dollars, ou environ 32,4 p. 100 du PIB, d’ici 2015-2016.
La réduction projetée du déficit budgétaire sur le moyen terme s'explique en grande partie par une amélioration conjoncturelle de l'économie. Le DPB estime que le déficit structurel du gouvernement ne diminuera que graduellement, atteignant 10,2 milliards de dollars en 2015-2016, soit 0,5 p. 100 du revenu potentiel.
Malgré le bouleversement du plan budgétaire du Canada qu'a provoqué la dernière récession mondiale, les soldes budgétaires et les niveaux d'endettement canadiens se situent à des niveaux relativement meilleurs que ceux de nos concurrents. De plus, les déficits structurels du Canada sur le moyen terme sont sensiblement moins élevés que les déficits structurels des années 1980 et du début des années 1990. Selon cette perspective comparative, il est juste de dire que les problèmes budgétaires du Canada sont relativement moins graves et plus gérables.
Toutefois, le fait que le Canada possède des soldes moins préoccupants que ceux de ses concurrents n'autorise pas à conclure que notre structure budgétaire est viable. Pour évaluer la viabilité budgétaire, il faut aller au-delà des prévisions des déficits budgétaires et de la dette sur le moyen terme et prendre en compte les conséquences économiques et budgétaires du vieillissement de la population.
Dans notre Rapport sur la viabilité budgétaire de 2010, nous avons estimé un écart budgétaire fédéral de 1 p. 100 et de 2 p. 100 du PIB, selon les diverses hypothèses retenues. Cela donne à penser qu'il faudra des mesures budgétaires importantes et soutenues pour assurer la constance du ratio dette/PIB sur le long terme.
Les parlementaires ne doivent pas ignorer le fait que, plus on tarde à mettre en oeuvre des mesures, plus leur coût budgétaire augmente et que cette augmentation est substantielle.
Les prévisions budgétaires du DPB, de même que celles de la mise à jour du gouvernement, reposent sur les résultats de l'enquête de Finances Canada auprès des prévisionnistes économiques des organismes du secteur privé. Le DPB et Finances Canada transforment la moyenne des prévisions économiques du secteur privé en une prévision budgétaire, en s'appuyant sur leurs hypothèses propres.
Le DPB prévoit des déficits qui, en moyenne, sont légèrement supérieurs à ceux que l'on trouve dans le rapport du DPB de mars 2010 et dans la mise à jour du gouvernement, et ce, surtout à cause de charges de fonctionnement plus élevées.
À cause du manque d'information concernant les charges de fonctionnement faisant l'objet du gel des dépenses, le DPB a postulé que ces charges de fonctionnement croîtront au même rythme que la population et l'inflation, soit en moyenne de 3,2 p. 100, sur la période de 2010-2011 à 2015-2016. Cette hypothèse est sensiblement inférieure aussi bien à la croissance prévue du PIB nominal sur la même période, soit environ 4,9 p. 100, qu'à la croissance moyenne de 6,4 p. 100 observée au cours des 5 années précédant le Plan d'action économique du gouvernement.
[Français]
De l'avis du DPB, la résultante des risques auxquels sont assujetties les prévisions économiques actuelles n'est guère encourageante. Ces risques négatifs comprennent des risques tant extérieurs qu'intérieurs, chacun pouvant avoir un effet négatif important sur la croissance économique à court et à moyen terme.
Les risques extérieurs sont liés à la conjoncture économique américaine, à l'appréciation récente du dollar canadien, aux tensions monétaires constantes à l'échelle mondiale et aux inquiétudes relatives aux dettes souveraines.
Ces derniers trimestres, on observe un ralentissement de la croissance du PIB réel des États-Unis, une croissance léthargique de l'emploi et le maintien du taux de chômage bien au-dessus de 9 p. 100. Selon le DPB, la résultante des risques auxquels est assujettie la conjecture américaine est clairement négative, ce qui pourrait avoir un effet important sur l'économie canadienne.
[Traduction]
Les tensions monétaires entre pays se sont accrues ces derniers mois, ce qui a suscité des discussions sur les dévaluations compétitives et sur les barrières tarifaires. Tout cela pourrait assujettir la conjoncture économique mondiale à des risques négatifs. Un deuxième risque concerne le puissant rebondissement du dollar canadien dont le taux d'appréciation depuis le premier trimestre de 2009 dépasse le taux d'augmentation du prix des produits de base, ce qui limite la croissance.
Bien que les craintes relatives aux dettes souveraines se soient quelque peu atténuées ces derniers mois, comme le signale le Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada, publié en octobre 2010, le différentiel de taux d'intérêt demeure élevé pour certains pays européens et un choc négatif risque de provoquer un renouvellement des tensions dans les marchés financiers mondiaux, ce qui entraînerait une hausse des primes de risque qui pourraient exercer des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt.
Les risques intérieurs concernent surtout le niveau élevé d'endettement des ménages canadiens. La dette des ménages a maintenu sa tendance à la hausse, atteignant 147 p. 100 du revenu disponible en 2009, ce qui place les ménages dans une situation vulnérable. Le niveau élevé d'endettement des ménages canadiens limitera vraisemblablement la croissance de la consommation et de l'investissement dans l'habitation au cours de la période de prévision.
Le rapport du DPB rendu public aujourd'hui propose une nouvelle analyse de la quantification des risques et incertitudes auxquels sont assujetties les prévisions budgétaires au Canada. Il s'agit d'enrichir l'analyse du contexte de planification devant lequel se retrouvent les parlementaires, de faire porter le débat, non plus sur les écarts relativement petits des prévisions de l’équilibre budgétaire à moyen terme, mais plutôt sur une évaluation plus riche de l'incertitude qui tient compte de l'expérience accumulée par les prévisionnistes économiques du secteur privé et du jugement du DPB concernant le risque. Bien que la mise à jour du gouvernement fasse place à un ajustement au titre du risque dans ses prévisions, cet ajustement est, à notre avis, petit et ne tient pas suffisamment compte de l'ampleur des risques négatifs auxquels sont assujetties les perspectives économiques.
Si les choses demeurent comme elles le sont, selon les prévisions du DPB, la probabilité que le budget soit équilibré ou excédentaire au cours de la période de 2010-2011 à 2013-2014 est effectivement nulle, la probabilité que le budget soit déficitaire en 2015-2016 est de 85 p. 100 et la probabilité que le solde budgétaire de 2015-2016 soit inférieur à l'excédent de 2,6 milliards de dollars prévu dans la mise à jour du gouvernement est de 88 p. 100. Dans ce contexte, les parlementaires pourraient vouloir débattre des rajustements budgétaires appropriés au titre du risque et de l'incertitude, en plus des objectifs budgétaires à moyen et à long terme appropriés concernant les soldes budgétaires et la viabilité budgétaire.
En conclusion, Le DPB recommande que le gouvernement mette à la disposition de toutes ses analyses des soldes budgétaires corrigés des variations conjoncturelles, de la viabilité budgétaire à long terme et de son évaluation approfondie de l'incertitude et du risque. Les parlementaires et les Canadiens auront ainsi accès aux mêmes possibilités d'analyse que celles que l'on trouve dans beaucoup d'autres pays. Le DPB recommande aussi que le gouvernement fasse preuve d'une transparence supplémentaire concernant l'état du cadre budgétaire, qu'il s'agisse des fonds mis en réserve pour de nouveaux programmes et mesures législatives ou des stratégies ministérielles concernant le gel des charges de fonctionnement.
Merci de l'occasion que vous nous offrez de vous adresser la parole aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président, chers membres du comité.
Bonjour. C’est merveilleux de comparaître de nouveau devant votre comité. C’est un milieu extrêmement accueillant — parfois, en tout cas.
Comme toujours, j’aimerais rappeler à tous que, bien que je sois président de la Recherche à l’Institut C.D. Howe, je parle en mon nom, et non au nom de mes membres ou du conseil d’administration qui pourraient ne pas être tellement d’accord avec mes propos.
J'aimerais poursuivre en faisant ressortir quelques points que M. Page a soulevés, dont des points d'entente et des points d'intérêt. Je souhaiterais ensuite les approfondir un peu pour leur donner une orientation politique.
Premièrement, depuis très longtemps, vous entendez — et vous continuerez d’entendre — les économistes parler d’incertitude. Les prévisions des retombées économiques sont toujours incertaines, surtout à l’heure actuelle. C’est un problème en ce moment pour les personnes responsables du budget parce qu’en dépit d’un certain degré d’incertitude, la prudence financière dont on a fait preuve dans le budget et les perspectives économiques s’élève en moyenne à seulement un milliard de dollars par année sur une période de six ans. Cela représente à peu près un demi-point de pourcentage des recettes, c’est-à-dire très peu. C’est inférieur à la réserve pour éventualités historique et aux sommes consacrées à la prudence économique qui s’élèvent à près de quatre milliards par année. Si l’on examine les années antérieures, cela correspond à environ 2 p. 100 des recettes budgétaires.
Ce que j’essaie de faire valoir, c’est que c’est sans doute insuffisant dans un contexte économique instable où les projections financières sont susceptibles d’être erronées — et peut-être même grossièrement erronées. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est plausible, comme l’a indiqué M. Page, d’envisager les dernières années de l’horizon de planification et de soupçonner qu’il est peu probable qu’elles génèrent des budgets positifs ou équilibrés.
Par conséquent, ne serait-ce qu’en raison de l’instabilité actuelle, nous avons raison de douter un peu des prévisions économiques et de leur certitude.
Il existe quelques risques. M. Page en a mentionné quelques-uns, mais je vais en ajouter d’autres. L’un d’eux est que les perspectives supposent que le gouvernement fédéral bénéficiera à long terme d’un taux de financement assez faible. Il se pourrait qu’en raison des taux d’intérêt peu élevés, le gouvernement fédéral puisse épargner deux à trois milliards de dollars par année au chapitre du service de la dette. En ce moment, personne ne s’attend — pas le moins du monde — à ce que les taux d’intérêt augmentent très rapidement, mais il y a assurément un risque que cela se produise. Toutefois, nous prévoyons que les taux d’intérêt en vigueur dans le marché des obligations augmenteront dans l’avenir, et peut-être dans un avenir plutôt proche.
Quels autres postulats les prévisionnistes du secteur privé ou les économistes du gouvernement fédéral avancent-ils collectivement? Nous présumons que le taux de chômage diminuera assez rapidement et que le marché du travail tournera à plein régime. Encore une fois, cela pourrait bien se produire, mais ce n’est pas chose faite.
Pour atteindre à peu près l’équilibre budgétaire d’ici 2014-2016, on suppose aussi que le gouvernement n’effectuera aucune nouvelle dépense importante au cours des cinq prochains budgets. Encore une fois, cela pourrait se réaliser, mais c’est un peu un régime-choc. Il faudra que le gouvernement soit très discipliné pour s’y tenir. S’il y parvient tant sur le plan de la planification que sur le plan financier, ce sera formidable, mais cela exigera beaucoup de volonté. C’est ce à quoi servent les budgets, tout comme les régimes. Par conséquent, cet aspect est également important.
Je remarque aussi qu’en dépit de ces risques, les perspectives du gouvernement fédéral sont relativement positives comparativement à celles des gouvernements provinciaux qui font face à d’importants inducteurs de coûts. M. Page a fait allusion aux pressions que les changements démographiques exerceraient sur les dépenses de santé, en particulier celles découlant de notre société vieillissante — c’est une histoire que nous ne connaissons que trop bien. La plupart de ces coûts échoiront aux provinces, là où bon nombre des dépenses imputables aux changements sociaux et démographiques sont engagées.
Voilà donc certains des risques qui pèsent sur le processus général d’élaboration des budgets du gouvernement. Ils exerceront évidemment des pressions sur le gouvernement fédéral, surtout en raison des soins de santé et, à compter de 2014, de la nécessité de renégocier l’entente sur le Transfert canadien en matière de santé. À l’heure actuelle, les perspectives financières prévoient que les dépenses de santé s’accroîtront à un rythme assez rapide, mais plus ou moins normal. C’est un problème que nous allons devoir régler d’ici 2014. Cela signifie que les questions de déséquilibre fiscal referont surface d’ici très peu de temps. Il s’agit d’enjeux qui nous sont très familiers.
En particulier, on se demande qui devra hausser les impôts ou accroître les recettes pour financer ces dépenses de santé croissantes. Est-ce le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux? Dans la plupart des cas, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux occupent la même assiette fiscale. Cela veut dire que lorsqu’on parle d’impôt sur le revenu des sociétés, d’impôt sur le revenu des particuliers et de taxes de vente ou de consommation, les gouvernements fédéral et provinciaux se partagent toutes ces recettes.
Par conséquent, au cours des prochaines années, des compromis devraient ou doivent, être consentis en matière de marge fiscale, de sorte que l’ordre de gouvernement qui doit effectuer certaines dépenses soit en mesure de hausser les taxes qui les financent.
Après avoir mis le comité en garde contre certains de ces risques et de ces enjeux naissants, je tiens à conclure en formulant quelques recommandations.
Premièrement, malgré certains des risques en matière de dépenses, nous ou plutôt je ne crois pas que les recettes du gouvernement fédéral courent nécessairement un grand risque. Nous ne voyons aucune raison pour laquelle le gouvernement devrait hésiter à mettre en oeuvre l’allégement fiscal qu’il prévoyait d’offrir aux sociétés. Si on songe à la croissance économique à long terme et à la façon dont l’impôt sur le revenu des sociétés fonctionne, il est probable qu’à long terme, une réduction de l’impôt fédéral, qui s’élève en ce moment à 18 p. 100, aura un effet positif sur les soldes gouvernementaux. En d’autres termes, le fait de réduire d’un point de pourcentage le taux d’imposition du revenu des sociétés de 18 p. 100 en 2010 aura des répercussions positives sur les recettes fédérales — pas nécessairement à court terme, mais assurément à long terme. C’est ainsi que fonctionne l’impôt sur le revenu des sociétés, en raison des incitations à l’investissement et à la croissance et de la façon dont les sociétés ont tendance à réagir lorsqu’on les encourage à investir.
La même réduction d’impôt sur le revenu des sociétés pourrait profiter aux provinces en raison de la croissance de l’assiette fiscale. La croissance économique stimule aussi la croissance des recettes provinciales. Par conséquent, cette mesure aurait également des effets externes positifs; les provinces prospèrent quand le gouvernement fédéral abaisse son taux d’imposition du revenu des sociétés. Mais cette réduction fait partie d’un plan qui est pratiquement intégré aux perspectives en ce moment, et je pense qu’il serait logique de s’en tenir à ce plan.
J’aimerais revenir sur l’équilibre qui existe entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur ce que certains d’entre nous disaient, il y a un an de cela, à propos de l’équilibre qui doit être maintenu entre l’autorité taxatrice, la marge fiscale que l’impôt sur le revenu des sociétés apporte au gouvernement fédéral et l’espace fiscal offert par l’impôt sur le revenu des particuliers et la taxe de vente.
Si vous remontez à 2005, j’ai rédigé, en collaboration avec M. Stephen Tapp, un document qui recommandait que le gouvernement fédéral réduise le taux d’imposition du revenu des particuliers et le taux de la TPS de deux points de pourcentage, et qu’il permette aux gouvernements provinciaux de hausser leurs taxes de consommation afin de financer les dépenses de santé qui accompagnent nécessairement leurs programmes. Nous avons franchi une partie des étapes. Nous avons vu le gouvernement fédéral abaisser le taux de la TPS de 2 p. 100. Toutefois, il est important que les provinces emploient l’espace fiscal intelligemment — en d’autres termes, il ne faut pas qu’elles imposent des taxes qui pourraient nuire à l’économie. C’est pourquoi le passage à une taxe de vente harmonisée, qui a été entrepris en Ontario, en Colombie-Britannique, au Québec et dans trois provinces de l’Est et qui remonte jusqu’à 1997, est une bonne chose. Voilà un système fiscal intelligent sur lequel les provinces peuvent s’appuyer davantage. Donc, nous avons permis aux provinces d’utiliser la TVH pour recueillir davantage de fonds et pour financer une plus grande partie de leurs propres dépenses de santé. Ainsi, on presse moins le gouvernement fédéral de recourir à l’impôt fédéral pour financer les dépenses provinciales.
Par conséquent, il faut que nous commencions à parler davantage de l’équilibre qui doit exister entre l’imposition et les transferts du gouvernement fédéral aux provinces, et de la façon dont les provinces doivent fixer leurs propres taux d’imposition pour financer leurs propres dépenses.
Sur ce, je remercie le président et les membres du comité.
Je vous cède la parole.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. C’est un plaisir d’être ici.
Nous avons entendu aujourd’hui le Bureau du directeur parlementaire du budget nous communiquer son opinion sur les perspectives financières des cinq prochaines années. Nous vous avons fait parvenir — et, avec un peu de chance, vous avez reçu une copie — de notre tableau fiscal, de notre point de vue, que je vais aborder dans un moment. Si vous ne l’avez pas, je le décrirai qualitativement.
Mais, d’abord, je tiens à approfondir un peu la question de la dispersion inhabituelle des prévisions du secteur privé. Je pense que cette question est très importante et qu’elle témoigne manifestement de la période extrêmement étrange que nous vivons. Je soutiens que cela continuera d’être le cas dans un avenir prévisible, et cela s’explique de deux façons. Il est évident que nous sortons d’une crise financière très difficile. Nous entendons les banques centrales du monde entier employer l’expression « incertitude plus grande qu’à l’habitude » mais, à mon avis — que bon nombre de gens partagent —, il y a aussi la notion selon laquelle la soi-disant période de grande modération est révolue.
Pendant les années 1990 et la majeure partie des années 2000, nous avons traversé une période pendant laquelle les gens étaient d’avis que si l’on maintenait le taux d’inflation faible et stable, les cycles économiques seraient moins extrêmes qu’ils l’étaient pendant les années 1980 et avant. Certaines personnes soutenaient que nous avions joui d’un peu de chance. En fin de compte, je pense que les récents développements ont prouvé que la chance avait joué un rôle. Une partie du problème découle du fait que certains de ces développements ont bel et bien incité les gens à prendre davantage de risques. La période de la grande modération est derrière nous et, par conséquent, je pense que nous pouvons nous attendre à vivre des cycles économiques plus longs que ceux que nous avons observés au cours des quelque 15 dernières années et aussi à ce que les marchés financiers soient assujettis à des cycles plus longs.
Si nous examinons simplement les projections — j’ai examiné les chiffres publiés par Consensus Economic —, nous constatons que les prévisions de la croissance économique des États-Unis pour l’année prochaine varient de 1 à plus de 3 p. 100. La valeur du dollar canadien fluctuera entre 87 ¢US et 1,15 $US au cours de l’année à venir. Les prévisions de la croissance économique canadienne sont moins dispersées que celles des États-Unis; elles oscillent entre moins de 2 p. 100 et plus de 3 p. 100. Le fait est que nous, les prévisionnistes, nous heurtons à des problèmes très difficiles à résoudre, tant sur le plan cyclique que sur le plan structurel.
En ce qui concerne le cycle, nous parlons des risques externes. Comme je l’ai mentionné, aux États-Unis, il y a, bien entendu, tout cet assouplissement quantitatif… Ces mesures seront-elles efficaces? Il est très difficile de le dire en ce moment. Mais je suis également préoccupé par certains enjeux nationaux, par certains des déséquilibres dont nous avons observé la formation — l’endettement des ménages par exemple. En tant que prévisionnistes, nous nous efforçons de déterminer ce qui adviendra de ces déséquilibres pendant que les taux d’intérêt sont extrêmement faibles, et nous prévoyons qu’ils resteront ainsi à court terme. Ces déséquilibres pourraient s’accentuer. À mon avis, à court terme, ils risquent d’augmenter. Par contre, à long terme, il pourrait y avoir d’importants risques de perte. Je vous donne simplement une idée de la grande importance que revêtent ces questions.
En ce qui concerne les perspectives à plus long terme, les économistes se retrouvent dans deux camps. Certains d’entre eux croient que rien n’a vraiment changé et que le taux de croissance maintiendra sa tendance à 3 p. 100, ou un peu moins, tandis que d’autres, qui sont dans mon camp, pensent qu’à long terme, la croissance se rapprochera davantage de 2 p. 100.
En ce qui concerne les changements démographiques, il est évident que la productivité est un élément qui détermine grandement les perspectives à moyen et à long terme. Mais lorsque nous y réfléchissons, la plupart d’entre nous sont un peu réticents à l’idée d’incorporer une accélération de la croissance de la productivité. Nous ne l’avons simplement pas observée dans le passé. Si nous devions dresser une liste des mesures que les gouvernements auraient dû prendre, il y a 15 ans, pour améliorer la productivité, nous constaterions que bon nombre d’entre elles ont été mises en oeuvre — dont, très récemment, la TVH en Ontario et en Colombie-Britannique — et que, pourtant, nous n’avons pas été témoins de cette accélération. Peut-être faut-il plus de temps. Peut-être y a-t-il un délai.
Donc, même si mes prévisions n’en font pas état, je m’efforce de vous indiquer que les perspectives à long terme comportent aussi des risques de hausse.
Je présume que vous avez effectivement reçu ces prévisions. Si ce n’est pas le cas, elles se situent entre celles du directeur parlementaire du budget et celles de la mise à jour économique. Nos projections économiques à long terme sont plus pessimistes, parce qu’elles tiennent compte de certains des risques de perte imputables aux changements démographiques. Comme Kevin Page vient de le mentionner, à court terme, je pense que les consommateurs auront du mal à accroître leurs dépenses de consommation de plus d’un très léger pourcentage au cours des trois à cinq prochaines années, alors j’en ai tenu compte. Je me suis servi de nos projections économiques. J’ai laissé telles quelles les dépenses de programme mentionnées dans la mise à jour budgétaire. J’ai supposé que les gouvernements seraient en mesure d’engager ces dépenses.
Nos projections en matière de taux d’intérêt sont fondées sur nos prévisions des taux d’intérêt. Nous ne prévoyons pas que les taux d’intérêt augmenteront tellement, mais qu’ils s’accroîtront très progressivement jusqu’à ce qu’ils se rapprochent d’un niveau que nous jugeons plus normal. Manifestement, ces projections sur trois à cinq ans comportent des risques. Nous prévoyons que le déficit en 2015-2016 s’élèvera à environ cinq milliards de dollars. Cela représente une réduction de huit milliards par rapport à ce qui est prévu dans la mise à jour budgétaire, et cela met en évidence, encore une fois, nos prévisions plus pessimistes.
Deux dixièmes pour cent ne sont assurément pas un pourcentage élevé du PIB. Je soutiens que, dans cinq ans, ce ne sera pas tellement différent de ce que l’on observe dans le secteur privé. Encore une fois, la façon de calculer les recettes à partir de ces projections est incertaine. Pour calculer les recettes à partir du PIB, nous avons eu recours à une méthode très semblable à celle employée dans la mise à jour budgétaire. Selon nous, c’est la direction que nous prenons.
Pour conclure, l’une des choses que nous devrons apprendre à cerner dans les plans budgétaires futurs est la dispersion des prévisions qui est plus vaste qu’à l’habitude. Lorsque j’examine le pays, j’observe ce que font les autres gouvernements. J’aime le modèle dont la Colombie-Britannique se sert. Ils font appel à un groupe de prévisionnistes qui se rencontrent annuellement. Dans le budget, ils fournissent un encadré de trois ou quatre pages qui décrit la dispersion des projections du secteur privé. On y retrouve pas mal de détails: les prévisions élevées, les prévisions faibles et tous les groupes qui les ont fournies. Même dans leurs observations, ils parlent de la façon dont ces projections évoluent et de la différence entre elles. Ils nous demandent la probabilité que nous attribuerions à chaque résultat. Donc, si mon cas de base est le suivant, quelle probabilité lui attribuerais-je? Ils tiennent compte de ces réponses dans leurs plans budgétaires. Je dois dire que j’accorderais à mon plan une probabilité moins élevée que je l’aurais fait il y a trois ans. Je dirais qu’il y a peut-être 50 p. 100 des chances que ces résultats, ce cas de base, se réalisent, alors qu’il y a peut-être quelques années, j’aurais dit que sa probabilité s’élevait à 60 ou 70 p. 100. Encore une fois, je pense que, compte tenu de l’importante dispersion des prévisions et des observations formulées par les autres intervenants, il serait utile de procéder à d’autres analyses du budget, d’examiner les répercussions que ces prévisions pourraient avoir sur le budget.
Je vais m’arrêter ici.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui.
J’aimerais me faire l’écho du thème de l’incertitude ainsi que de l’instabilité qui, à notre avis, continuera de régner tant dans le marché des changes que dans les marchés financiers. Le Canada a initialement connu une telle reprise économique que nous commençons seulement à mesurer le présent ralentissement. En fait, après avoir enregistré un taux de croissance réelle de 3 p. 100 cette année, nous prévoyons que, l’année prochaine, il se situera aux alentours de 2,25 p. 100, alors que la croissance américaine lui sera inférieure de 0,25 p. 100. Cela signifie qu’en fait, la croissance du PIB nominal pourrait avoir du mal à atteindre de 4 à 4,5 p. 100 et qu’il est très peu probable qu’elle atteigne 5 p. 00.
En tant que petite économie, le Canada a un certain nombre de points forts, et je mentionnerais notre richesse en ressources et la solidité des bilans de nos entreprises qui est nettement supérieure à celle enregistrée pendant les périodes de reprise économique précédentes. Mais nous devons aussi procéder à de nombreux ajustements, en particulier dans le centre du Canada et, bien entendu, en Ontario où nous avons vu des secteurs comme l’industrie forestière et l’industrie automobile être réduits de manière permanente. Donc, nous devons nous réorganiser dans un monde maintenant dominé par la croissance des nouvelles économies.
En ce qui concerne les États-Unis, j’appuie complètement l’opinion de mes collègues. Son économie est en grande difficulté. Nous ignorons quel effet, positif ou non, le deuxième assouplissement quantitatif aura non seulement sur la croissance réelle et la création d’emplois, mais aussi sur le dollar américain et, finalement, sur la voie que prendra l’inflation à mi-mandat. Nous craignons aussi que plus les Américains retardent la mise en oeuvre d’un plan global de redressement budgétaire, plus la correction sera sévère.
Je pense que la menace du protectionnisme, que ce soit au moyen d’une dévaluation concurrentielle de leur monnaie ou autrement, pèsera sur nous pendant plusieurs années à venir. En même temps, les pays se dépêchent en ce moment de signer des accords commerciaux bilatéraux avantageux. C’est pourquoi notre cadre commercial mondial est complètement en train de changer.
Finalement, le Canada a vraiment profité non seulement de nos propres mesures nationales de stimulation, mais aussi des plans de relance monétaire et budgétaire qui ont été mis en oeuvre simultanément à l’échelle mondiale. Nous allons maintenant nous heurter à plusieurs années pendant lesquelles les nations se rétabliront à différents rythmes et de différentes manières, élimineront graduellement les stimulants financiers et entreprendront un redressement budgétaire. Nous n’avons jamais vécu un tel redressement budgétaire simultané des pays développés et à une telle échelle auparavant. Par conséquent, nous ne savons pas vraiment quelle incidence ces mesures auront les unes sur les autres.
À l’échelle nationale, nous croyons fermement — parce que nous sommes convaincus que le dollar américain continuera de fléchir — que, d’ici la deuxième moitié de 2011, le dollar canadien atteindra la parité de manière durable et, selon nous, s’échangera probablement au pair en 2012 et 2013. Notre industrie a appris à s’accommoder d’un dollar à 95 ¢US, mais pas d’un dollar qui pourrait valoir 1,05 $US.
Au cours du deuxième trimestre de 2010, le volume de nos exportations représentait 86 p. 100 du sommet précédent enregistré au cours du deuxième trimestre de 2007. En passant, lorsque ce sommet a été atteint, nos exportations s’élevaient à 99 p. 100.
Le fait que les ménages canadiens vont devoir ralentir la croissance de leur crédit et réduire leurs dépenses nous préoccupe également. Si nous examinons l’une des mesures, soit le ratio d’endettement, nous constatons qu’il atteint des records. En fait, il se rapproche maintenant du niveau américain qui a baissé. En raison d’une série de circonstances imprévues qui se sont produites au moment où nous sortions de la récession, les Canadiens ont été grandement incités à emprunter. Si nous avons raison, cela signifie que nous allons faire face à un marché du logement beaucoup moins dynamique et à des consommateurs canadiens beaucoup plus prudents au fur et à mesure que les provinces et le gouvernement fédéral s’efforcent de rétablir leur bilan.
Le directeur parlementaire du budget a établi un parallèle dont je me souviens. Si vous examinez la deuxième moitié des années 1990, de 1997 à 2000, vous constaterez qu’il s’agissait d’une période de développement économique dynamique qui a facilité les progrès des provinces et du gouvernement fédéral en matière de rétablissement budgétaire. La croissance réelle se chiffrait à 4,4 p. 100, la croissance du PIB nominal s’élevait à 6,5 p. 100, le dollar canadien était toujours très faible et les taux d’intérêt avaient diminué tout au long des années 1990. Cette période était particulièrement propice à l’achèvement du processus de rétablissement. Je ne pense pas que les prochaines années vont nous être aussi favorables.
Par conséquent, nous sommes heureux que la mise à jour automnale du gouvernement tienne au moins compte d’un certain niveau d’incertitude et du fait que la croissance du PIB nominal pourrait bien être inférieure à la moyenne établie par le secteur privé.
Je pense qu’il vaudrait la peine que vous envisagiez un scénario où, comme nous le craignons, cela se produirait pendant plusieurs années. Donc, au lieu de connaître une croissance réelle d’en moyenne 2,7 p. 100 de 2011 à 2015, la moyenne pourrait être considérablement inférieure à 2,5 p. 100, disons 2,25 p. 100. En fait, le déflateur du PIB est moins de 2 p. 100.
C’est pourquoi le PIB nominal que nous avons calculé pour la dernière année de la mise à jour s’élève à quelque 50 milliards de dollars de moins que celui du gouvernement, tout comme celui de la Banque TD.
En réfléchissant à cela et en songeant, par conséquent, à la trajectoire établie par le gouvernement fédéral, nous avons toujours considéré que le budget de 2015 serait équilibré. Notre conclusion repose sur le fait qu’on ne peut pas mettre en oeuvre un redressement budgétaire draconien en raison de la fragilité de la reprise économique canadienne, américaine et mondiale et du fait qu’il faut prendre des mesures pour tirer parti de cette période où les taux d’intérêt sont faibles.
Donc, il me semble que le gouvernement a prévu rajuster son plan de réduction budgétaire d’une année à l’autre. Il y aura donc une longue période pendant laquelle les dépenses de programme seront considérablement réduites, ce qui contrastera énormément avec les cinq années qui ont précédé le budget de 2008 et représente seulement une fraction de ce que nous avions prévu. Donc, puisque nous envisageons peut-être d’ajuster annuellement la réduction des dépenses de programme, je me rappelle des principes qui ont été exposés par le Royaume-Uni. À l’heure actuelle, le Royaume-Uni entreprend un programme d’austérité économique beaucoup plus sévère que le nôtre, mais ses dirigeants n’ont cessé de recourir aux principes d’équité et de réforme, afin de veiller à jeter les assises d’une croissance à long terme.
En ce qui concerne le dernier principe, nous approuvons l’idée que vous mettiez en oeuvre les réductions de l’impôt sur le revenu des sociétés que vous avez planifiées. Comme cela a été mentionné, les recettes des provinces et du gouvernement fédéral en bénéficieront à long terme et, comme l’économie du Canada est petite et ouverte, ce genre de mesures nous ouvrira davantage au commerce et aux investissements étrangers qui sont extrêmement importants.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je suis un peu mal à l'aise d'avoir à discuter du rapport de M. Page et de ses collègues, et d'avoir à mêler cela avec des « commerciaux » de deux banques à charte et l'exposé d'un individu, parce que les conjoncturistes nous ont entraînés dans une espèce de prévision stratosphérique, à mon avis. Tout le monde sait que les prévisions sont pour les conjoncturistes ce qu'un lampadaire est pour une personne soûle: ça soutient plus que ça éclaire.
À long terme, on va tous être morts. Aussi, je pense que la prévision que je peux vous faire, mesdames et messieurs, c'est que vous vous trompez. C'est sûr que dans quatre ou cinq ans, on va revenir ici et on va dire que les chiffres de TD ou de M. Poschmann ou ceux du Groupe Banque Scotia n'étaient pas bons. Mais ce n'est pas l'important, ici, et c'est pour cela que je reviens à M. Page, avec qui, puisqu'il représente les parlementaires, on essaie de travailler.
En fait, vous manquez d'information. Pour moi, c'est très important, car vous dites que le gouvernement a une façon de gérer qui fait en sorte que, du côté de ses revenus, il va suivre sa politique fiscale très conservatrice en maintenant les allègements fiscaux des entreprises. Des économistes nous disent que ce sera rentable à long terme. Mais oui!
En même temps, on a un gouvernement qui, du côté des dépenses, nous montre — le passé est garant de l'avenir — son incapacité à contrôler cela. En plus, il ne vous donne pas accès à l'information, ce qui m'inquiète.
Vous dites que vous devez prendre un 3,2 p. 100 pour hypothèse de croissance. Je trouve cela valeureux, de votre part, d'avoir cette hypothèse. Tout n'est pas faux, dans ce que vous avez dit, il y a des choses intéressantes. Par contre, je m'interroge. Comme on pige dans la même assiette fiscale, cela nous montre que le déséquilibre fiscal n'a jamais été réglé, au Canada. Les deux niveaux de gouvernement pigent dans les poches des mêmes contribuables. Le danger, à l'heure actuelle, on le voit dans l'entente sur la santé que le ministre veut reprendre en disant que, dans les prochaines années, il va baser cela sur l'indice des prêts à la consommation plutôt que sur les besoins de main-d'oeuvre. Cela n'a rien à voir.
N'avez-vous pas l'impression, malgré le fait que vous n'ayez pas ou peu d'information, que ce gouvernement est en train de pousser la neige chez le voisin, avec la seule différence que la neige ne fond pas et que les gouvernements des provinces vont se retrouver de plus en plus avec des déséquilibres énormes qui seront ingérables?
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins.
Merci encore une fois, monsieur Page, d'être accompagné de votre personnel très compétent. Nos questions s'adressent surtout à vous, alors n'hésitez pas à mettre à profit vos vastes connaissances.
J'ai une question très sérieuse à vous poser. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit qu'en 2015-2016, il y a 85 p. 100 de chances que le budget soit déficitaire et 88 p. 100 de chances que le solde budgétaire soit inférieur à 2,6 milliards de dollars.
Je ne regarde pas trop la télé, mais il y a une publicité accrocheuse: quelles sont mes chances d'être enlevé par des extraterrestres?
Je blague évidemment, mais quand vous avez mentionné ces statistiques dans votre déclaration préliminaire, je me suis dis qu'il fallait y donner suite.
À mon sens, monsieur Page, vos prévisions correspondent beaucoup à notre mise à jour économique de l'automne. La seule différence serait les dépenses de programme. Nous partageons votre ferveur, si vous voulez, pour ce qui est d'assurer le retour à des budgets équilibrés, et nous apprécions ce commentaire. Mais si vos prévisions s'appuyaient sur les mêmes dépenses que les nôtres, ce serait presque semblable. J'aimerais connaître votre avis là-dessus.
Le point sur lequel je voulais revenir, c'est votre recommandation que le ministère des Finances utilise ses propres prévisions économiques dans notre processus de planification budgétaire, au lieu d'utiliser celles d'individus, c'est-à-dire des 15 conseillers du secteur privé. C'est ce que nous faisons depuis 1994.
Dans le dernier budget, il y avait un écart de 100 milliards de dollars dans le PIB prévu. Nous sommes maintenant passés à un écart de 50 milliards de dollars. Alors, la volatilité est une chose très importante quand on examine ce genre d'écarts.
Ce processus de prévisions — ou de collecte d'information, si vous voulez — a été recommandé par Ernst & Young en 1994. O'Neill Strategic Economics a réaffirmé la méthode en 2005, qui a aussi été appuyée par le FMI. Pour quelles raisons proposez-vous que les ministère des Finances s'en tienne à ses propres prévisions et que nous ne consultions pas les experts à l'extérieur du ministère?
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Non, monsieur, ce n'est pas ce que je voulais dire.
À mon avis, la raison pour laquelle le DPB effectue ces prévisions pour vous et la raison pour laquelle nous faisons des rapprochements et toutes les analyses connexes, c'est pour vous fournir un contexte de planification riche en informations et vous permettre de débattre des politiques et des priorités à court, à moyen et à long terme. Voilà pourquoi nous faisons ces prévisions, et il y a toujours des doutes.
Quand nous construisons ces graphiques en éventail pour examiner des probabilités et des répartitions — un outil utilisé dans différentes parties du monde, comme aux États-Unis et maintenant au Royaume-Uni, sans oublier les banques centrales qui s’en servent pour l’inflation —, nous jetons essentiellement un regard rétrospectif. Quelle a été la feuille de route des prévisions du secteur privé par rapport à la prévision moyenne? Les données dont nous disposons s’étendent sur une période de 16 ans. Nous effectuons quatre enquêtes par année. Quels sont nos antécédents pour ce qui est des prévisions sur un, deux, trois, quatre, cinq ans? Nous tenons à ce que vous connaissiez cette information, monsieur, parce qu’elle fait partie de la richesse du contexte dans lequel vous travaillez. Nous ne pouvons que faire des prévisions. Nous sommes honnêtes à ce sujet.
Ensuite, je pense que vous devriez nous demander ce que nous pensons du risque. Comment fait-on face aux enjeux que pose une économie américaine potentiellement faible? Ce sont des questions dont on a parlé aujourd'hui, notamment les risques de la monnaie dans le contexte de la deuxième série d'assouplissement quantitatif ou les questions liées au risque de crédit souverain, à l’endettement des ménages... Comment s'adapte-t-on à cette répartition des probabilités de résultats? Voilà à quoi se résume notre travail ici. Alors, nous essayons de vous fournir un milieu riche en information.
Pour évaluer le déficit en 2015-2016, comme Derek l'a dit aujourd'hui... la différence entre 5, 10 et 15 milliards de dollars dans une économie de 2 billions de dollars n'est pas vraiment le noeud du problème. Le but, c’est de déterminer les priorités stratégiques.
Encore une fois, nous n'avons pas de modèle pour prévoir si nous allons être enlevés par des extraterrestres, mais il est important de comprendre les risques inhérents et notre capacité de les surveiller et de faire des prévisions.
Par ailleurs, vous avez tout à fait raison, monsieur, de dire qu'il y a très peu de différence entre les chiffres du ministère des Finances. Si vous regardez le solde budgétaire — en fait, si on le répartit et qu'on examine les recettes et les dépenses sur une période de cinq ans —, la différence est négligeable sur le plan des recettes. En ce qui concerne les dépenses, vous avez souligné de grandes différences dans les dépenses de fonctionnement. Il y a quelques écarts dans les frais de la dette publique. Mais tout compte fait, si on additionne le tout sur une période de cinq ans, on obtient probablement une dette cumulative d’un peu plus de 30 milliards de dollars. Alors, la différence n'est pas énorme.
Je le répète: pour nous, ce n'est pas la question la plus importante. Vous voulez comprendre les risques qui entourent ces chiffres. Nous voulons que vous compreniez si c’est de nature cyclique ou de nature structurelle. Avons-nous une structure financière viable? Alors, quand nous soulevons ces points, monsieur, nous avons besoin de plus d'analyses. Ce n'est que dans un tel contexte que vous pourrez débattre de ces questions.
Pour ce qui est des prévisions indépendantes, j'ai fait cette observation en réponse à une question qu'on a posée. Les prévisions indépendantes devraient être la norme. Je ne suis pas le ministre des Finances. Il a un travail très difficile à faire. Je ne suis pas un député. Mais je pense qu'il y a une certaine rigueur dans les prévisions indépendantes — et je crois ces gens le savent. Que se passe-t-il dans chaque secteur de l'économie dans tel ou tel trimestre? On s'occupe du moyen terme. C'est donc utile. En l'absence d'une telle rigueur, on perd des données. Nous ne voulons pas perdre ce que nous faisons. Nous travaillons avec les prévisions moyennes du secteur privé. Nous voulons garder cela. Si le ministère des Finances tient à avoir son point de vue, c'est correct. Mais je crois que, tôt ou tard, le DPB devrait, lui aussi, avoir son point de vue sur l'économie et comparaître à des séances de ce genre pour vous le présenter.
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Si vous me le permettez, j'aimerais répondre à cette question, monsieur le président.
Merci à l'honorable député de me l'avoir posé.
Je travaille pour un groupe de recherches sur les politiques publiques, un groupe non partisan et à but non lucratif, et à ce titre nous publions des documents sur une vaste gamme de sujets. Parfois, nous publions des rapports qui présentent les vues divergentes des spécialistes qui écrivent pour nous. La semaine dernière, par exemple, nous avons publié un rapport en deux parties. La première soutenait que la Banque du Canada devrait publier ses prévisions du taux d'intérêt, en vue des années à venir. Dans la seconde partie, on expliquait que la Banque du Canada ne devrait pas publier ses prévisions du taux d'intérêt, en rétrospective des années passées. Il y a des arguments valides des deux côtés. Nos publications portent généralement sur des questions économiques.
Pour ce qui est des taux d'imposition, cependant, les rapports publiés par l'institut, y compris les miens, sont assez unanimes sur la question. On croit que les Canadiens de tous les revenus pourraient nécessairement tirer profit de la création d'un milieu à faible charge fiscale — un milieu favorable à l'investissement, à la croissance et à la création d'emplois. C'est à cela revient un régime à faible charge fiscale: établir la base de la façon la plus large possible, la plus simple possible, et imposer les entreprises des différents secteurs de façon très similaire.
De la même façon, si on veut déterminer comment traiter les impôts sur le revenu des particuliers, en ce moment, parce que les allocations familiales sont établies selon le revenu familial, les familles ayant un revenu assez faible sont quand même s'assujetties à des taux d'imposition réels plutôt élevés. Autrement dit, une famille qui a des enfants à charge et dont le revenu se situe entre 40 000 et 70 000 $ par année n'aura pas droit aux allocations familiales, et cela pourrait l'exposer à des taux d'imposition réels assez élevés. C'est un problème pour les ménages, et à notre avis, il n'est pas avantageux en général de pénaliser durement les familles qui augmentent leurs revenus en leur retirant leurs allocations familiales. Il faut se demander ce qui est bon pour les revenus, pour les familles, de même que pour la croissance.
Nous sommes assez convaincus que la réduction des taux d'imposition profite aux investissements, aux entreprises et aux ménages.