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Je déclare ouverte la 57
e réunion du Comité permanent des finances.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités ce matin.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de l'évasion fiscale et des comptes bancaires à l'étranger.
Chers collègues, nous parlerons d'affaires du comité à la fin, mais pour la première heure et demie, nous entendrons trois témoins.
Tout d'abord, nous accueillons M. Scott Bartos, premier vice-président et chef de la conformité à la Banque HSBC Canada. Deuxièmement, nous recevons M. Scott Michel, président chez Caplin & Drysdale. Enfin, à titre personnel, nous accueillons M. Sohmer, actionnaire chez Spiegel Sohmer Incorporated.
Messieurs, je vous remercie d'être parmi nous ce matin. Vous disposerez d'environ sept à dix minutes pour faire une déclaration préliminaire, puis les membres du comité vous poseront des questions.
Nous allons commencer par M. Bartos.
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Merci, monsieur le président.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant le comité aujourd'hui pour faire cette déclaration et répondre à vos questions sur la Banque HSBC Canada.
Si je comprends bien, la HSBC est appelée à témoigner aujourd'hui pour fournir de l'information sur l'utilisation de comptes bancaires à l'étranger par les Canadiens. Avant de faire des commentaires précis sur ce sujet en particulier, il est important de mettre la question en contexte. Plus particulièrement, j'aimerais vous donner des renseignements de base sur la Banque HSBC Canada, à savoir qui nous sommes et ce que nous faisons. Je crois également qu'il est important de comprendre comment la Banque HSBC Canada s'inscrit dans ce qui est connu sous le nom de Groupe HSBC. J'aimerais également aborder un sujet qui est au coeur même de la HSBC, c'est-à-dire nos valeurs et notre façon d'exercer nos activités. Enfin, je parlerai brièvement de l'utilisation des comptes bancaires à l'étranger par les Canadiens.
La Banque HSBC est une banque canadienne. Nous sommes constitués en personne morale au Canada et assujettis à la réglementation du Bureau du surintendant des institutions financières. Nous sommes la 7e banque en importance au Canada. Nous avons été établis il y a environ 30 ans, en 1981, et nous comptons maintenant un réseau de plus de 140 succursales au pays. Nous employons plus de 8 000 personnes. Nous offrons un large éventail de services financiers à plus d'un million de Canadiens, dont des services financiers personnels, que ce soit pour financer l'achat de votre maison ou pour vous accorder un prêt. De plus, nous représentons plusieurs organisations commerciales de petite, moyenne ou grande taille, et nous leur fournissons des services financiers.
Nous sommes très fiers d'appuyer les communautés au sein desquelles nous faisons affaire. L'an dernier, nous avons donné plus de trois millions de dollars à des organismes à but non lucratif. Nous contribuons fortement à l'économie canadienne depuis les 30 dernières années. Au cours de l'année financière 2009, nous avons versé plus de 200 millions de dollars en impôt fédéral et provincial sur le revenu.
Comment la Banque HSBC Canada s'inscrit-elle alors au sein du Groupe HSBC? Le Groupe HSBC est un réseau international de banques locales qui comprend aujourd'hui plus de 8 000 bureaux dans 86 pays. Le Groupe HSBC emploie environ 300 000 personnes et compte plus de 100 millions de clients. Nous sommes reconnus comme étant « votre banque, partout dans le monde ».
Le groupe tient son nom de son membre fondateur, la Hongkong and Shanghai Banking Corporation, qui a été établie en 1865 pour financer le commerce croissant entre la Chine et l'Europe. Le Groupe HSBC adopte une stratégie différente, en ce sens qu'il investit dans les marchés émergents à croissance rapide et qu'il se sert de liens internationaux pour relier les marchés émergents aux marchés matures. C'est pour cette raison que nous comptons plus de 8 000 bureaux dans 86 pays.
Je vais parler brièvement des valeurs fondamentales de la HSBC. Le Groupe HSBC s'est engagé à respecter la lettre et l'esprit de la loi dans tous les pays où il exerce ses activités. Afin d'atteindre cette norme élevée, le Groupe HSBC a adopté plusieurs politiques obligatoires qui s'appliquent à tous ses membres partout dans le monde, y compris à la Banque HSBC Canada. Ces politiques comprennent des normes qui sont conçues pour dissuader les gens d'utiliser nos services à des fins illégales.
Permettez-moi de vous donner des exemples des procédures clés que nous suivons pour dissuader les gens d'utiliser illégalement nos services. Nous n'ouvrons pas de comptes pour des clients anonymes. Nous vérifions l'identité de tous nos clients. Nous connaissons nos clients ainsi que le but visé de leur relation bancaire. Nous surveillons périodiquement les mouvements sur les comptes de nos clients afin de relever les opérations qui peuvent sembler inhabituelles. Nous suivons des procédures de recours hiérarchiques et d'enquêtes pour ce qui est des opérations qui semblent inhabituelles.
Nous collaborons avec les autorités, y compris les autorités fiscales, dans la mesure de ce qui est permis par la loi. Nous signalons les opérations douteuses, tel que requis par la loi, à l'unité du renseignement financier connu sous le nom de CANAFE. Nous nous conformons à un système de formation obligatoire pour tous nos employés afin qu'ils soient au courant de problèmes comme le blanchiment d'argent et la corruption, et qu'ils connaissent notre code d'éthique.
Le Groupe HSBC ne ferme pas les yeux sur l'évasion fiscale pratiquée par ses clients ni n'y prend part.
Je vais maintenant passer au coeur de la question dont est saisie le comité, soit l'utilisation de comptes bancaires à l'étranger par les Canadiens.
Tout d'abord, je crois qu'il est important de reconnaître que les Canadiens sont très chanceux, en ce sens que nous avons le droit de vivre, de travailler, de voyager et de faire des affaires partout dans le monde. De nombreuses raisons expliquent pourquoi les Canadiens doivent avoir des comptes bancaires dans d'autres pays, que ce soit pour acheter ou entretenir une propriété en Floride ou dans un autre pays, ou parce qu'un Canadien travaille pour une société pharmaceutique suisse ou une entreprise minière en Amérique latine. Ce peut être pour appuyer un membre de la famille qui fait des études en Europe ou pour soutenir une entreprise qui exerce des activités en Asie ou ailleurs. À titre d'organisation mondiale, la HSBC appuie la capacité de ses clients de faire des affaires partout dans le monde.
Comme la HSBC a de nombreux bureaux partout dans le monde, il nous arrive à l'occasion de diriger nos clients vers d'autres pays afin qu'ils puissent y ouvrir des comptes. Permettez-moi d'illustrer comment cela fonctionne à la HSBC.
Un client canadien qui est transféré en Suisse pour travailler pour une entreprise pharmaceutique ne peut pas se présenter à la Banque HSBC Canada pour ouvrir directement un compte là-bas. Le client serait plutôt dirigé vers l'une des entités de notre groupe, dans ce cas-ci la HSBC Private Bank (Suisse). Il s'agit d'une entité légale distincte qui exerce ses activités en Suisse. Elle est régie par les lois de la Suisse. Nous dirigerions le client vers cette banque. Le compte serait ouvert en conformité avec les lois locales de la Suisse.
Comme la HSBC Suisse et la Banque HSBC Canada sont des entités légales distinctes, chacune assujettie à ses propres lois sur l'accès à la vie privée, nous n'échangerions pas d'information sur le client, à savoir si le compte a été ouvert ou quel type d'opérations sont effectuées sur le compte.
Peu importe l'endroit où le compte est ouvert, la HSBC applique des normes d'exploitation élevées et veille à se conformer avec rigueur aux lois applicables.
En conclusion, j'aimerais insister sur le fait que la HSBC ne ferme pas les yeux sur l'évasion fiscale pratiquée par ses clients ni n'y prend part. La banque a payé plus de 200 millions de dollars en impôts l'an dernier.
Nous appuyons sans réserve les efforts déployés par le gouvernement pour veiller au paiement adéquat des impôts par tous les Canadiens. En même temps, nous reconnaissons également le droit des Canadiens de faire des affaires partout dans le monde.
Dans l'exercice de nos activités, nous nous conformons à la lettre et à l'esprit de la loi. L'engagement solide de la HSBC envers ses valeurs était fondamental pour lui permettre de résister à la crise financière récente sans toucher d'aide financière dans l'un ou l'autre des 86 pays où elle exerce ses activités. Nous essayons de nous conformer à une norme très élevée en matière d'éthique des affaires.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler de la HSBC. Il me fera plaisir de répondre à vos questions le moment venu.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je suis honoré d'être ici pour partager mes réflexions sur des questions liées aux activités bancaires à l'étranger, à l'application des lois fiscales et à la divulgation volontaire.
J'ai l'intention de vous décrire brièvement les expériences américaines dans ce domaine au cours des trois dernières années. J'espère donc que mon discours vous aidera à vous pencher sur les éléments qui font qu'une politique fiscale est efficace et efficiente.
Depuis de nombreuses années, les Américains sont obligés de déclarer leurs comptes à l'étranger dans leurs déclarations de revenus et autres, mais au cours de mes quelque 30 années d'expérience, nous avons peut-être été témoin de quelques cas à l'occasion, dont des poursuites criminelles peu fréquentes, des vérifications occasionnelles et une divulgation volontaire de temps à autre, la plupart du temps un Américain âgé qui possédait un compte à l'étranger et qui cherchait à régler ses affaires avant de mourir afin que sa famille n'ait pas à s'en occuper.
En 2007, notre Internal Revenue Service et la division de l'impôt du département de la Justice ont commencé à prendre des mesures très médiatisées pour faire appliquer la loi auprès des banques suisses — à l'époque, les mesures visaient surtout la UBS — et des contribuables américains qui n'avaient pas déclaré leurs comptes.
En 2008 et 2009, le gouvernement américain a réussi à percer le secret bancaire suisse qui existait depuis longtemps et il a déposé des accusations visant des banquiers suisses, des contribuables américains et d'autres personnes qui, selon notre gouvernement, auraient volontairement contrevenu aux exigences de déclaration des comptes à l'étranger ou aidé des Américains à y contrevenir. Aux États-Unis, les médias ont largement couvert ces accusations.
Celles-ci ont entraîné une augmentation substantielle du nombre de contribuables américains voulant se manifester et faire une divulgation volontaire.
Durant des décennies, l'Internal Revenue Service a appliqué une politique de divulgation volontaire visant à donner aux contribuables contrevenants une façon de régler leurs problèmes et d'éviter des poursuites pénales. La politique ne comprenait pas les amendes administratives — les amendes financières qui pouvaient être imposées à de tels contribuables —, mais en vertu des lois américaines, ces pénalités étaient si élevées en théorie qu'elles décourageaient les contribuables américains de se manifester.
Donc, un petit groupe de conseillers dont je faisais partie a contacté l'IRS en 2008 pour l'exhorter à établir un processus de règlement à l'amiable visant à offrir aux Américains une méthode claire pour régler leurs problèmes avec le fisc et leur dire avec une certaine certitude à quelles conséquences financières ils s'exposeraient s'ils le faisaient. La mise en oeuvre du programme a été annoncée en mars 2009, il a été mis à jour en fonction de lignes directrices de procédures et autres, et lorsqu'il a pris fin en octobre 2009, quelque 15 000 Américains s'étaient manifestés pour admettre qu'ils n'avaient pas déclaré leurs comptes à l'étranger.
Le programme a assez bien fonctionné, surtout à l'étape de la réception des demandes gérée par le service pénal, lorsque la personne faisait une divulgation volontaire auprès de la division des enquêtes criminelles de l'IRS. Les cas ont été transférés à l'administration, puis le programme a connu un échec et l'IRS a dû s'attaquer à plusieurs problèmes concernant l'administration du programme et le traitement des dossiers.
Dans mes documents, j'ai joint un article qu'un de mes collègues et moi avons rédigé afin de répertorier certains de ces problèmes. Nous pourrions passer toute la journée à en discuter.
À partir des expériences vécues, j'ai émis quelques réflexions sur ce qui constituerait, du moins à mon avis, une politique efficace de divulgation volontaire.
Numéro un: la politique devrait proposer aux contrevenants une démarche claire, sans astuces ou risques, pour leur permettre de régler leurs problèmes avec le fisc et leur fournir des garanties raisonnables contre des crimes liés à l'évasion fiscale. Si le programme ne prévoit pas ce type de démarches sans risques, il sera voué à l'échec.
Deuxièmement, il est évident qu'un contribuable qui se manifeste doit payer l'impôt et les intérêts. La question importante est de savoir quelle est la responsabilité d'un tel contribuable en matière de pénalité. Selon moi, il doit y avoir un juste équilibre entre une méthode universelle, qui est certainement plus facile à administrer, et une pénalité qui tient compte du fait que chaque cas dépend de toute une panoplie de conduites. Les gens ne sont pas tous de véritables fraudeurs fiscaux. Il y en a qui ont hérité de comptes, qui les ont gérés de manière très passive, qui n'ont pas profité de ces fonds et qui souhaitent avoir la chance de plaider en faveur de l'indulgence dans le cas d'une pénalité administrative.
Troisièmement, il existe également, du moins aux États-Unis, une catégorie de contribuables qui vivent à l'étranger. Pour eux, la conformité aux lois fiscales n'est pas très élevée. Ce ne sont pas des criminels; en général, ils ne doivent pas d'impôt puisqu'ils bénéficient de crédits fiscaux étrangers. Cependant, à mon avis, une politique doit tenir compte du fait qu'il existe des torts attribuables à des erreurs mineures involontaires qui ne devraient pas être pénalisées de la même manière que l'est la fraude fiscale véritable.
Quatrièmement, toute politique doit avoir pour objectif de traiter ces cas de manière efficiente et rapide. L'une des choses qui n'ont pas fonctionné aux États-Unis, c'est que l'IRS a cherché à vérifier chaque déclaration de revenus modifiée au début du programme. Le système s'est effondré rapidement. Il n'y avait tout simplement pas suffisamment de temps et de ressources pour procéder de cette façon.
Selon moi, un programme peut simplement annoncer que les déclarations modifiées pourraient faire l'objet d'un contrôle impromptu. Ainsi, les conseillers et les clients sauraient qu'il n'y a pas lieu pour eux de présenter de nouveau de fausses déclarations modifiées — il serait bête de le faire. Les déclarations peuvent être traitées rapidement; les chèques encaissés; et les agents peuvent passer au prochain dossier.
Enfin, et c'est le point le plus important à mon avis, toute politique de divulgation volontaire efficace doit s'accompagner de moyens publics et efficaces de faire appliquer les lois fiscales. Je l'appelle la main de fer dans un gant de velours.
L'IRS et le département de la Justice des États-Unis ont poursuivi en justice environ 25 titulaires de comptes de la UBS; ils ont poursuivi des gens qui détenaient des comptes dans d'autres banques; ils ont poursuivi des banquiers, des avocats et des conseillers en investissement. Chaque fois, mon téléphone et celui de nombreux collègues sonnaient constamment. Les gens se manifestaient pour faire des déclarations volontaires en réponse à cette mesure publique d'application de la loi.
Les gens qui songent à déclarer leurs comptes à l'étranger doivent sentir qu'ils courent un risque réel s'ils ne le font pas. À l'ère où le secret entourant les banques partout dans le monde s'estompte selon moi, cette poursuite en justice efficace et publique continuera à encourager les gens à se manifester.
Merci de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Bonjour mesdames et messieurs, membres du comité. Je m'appelle David Sohmer et je pratique le droit fiscal à Montréal. Je vais discuter ce matin d'un sujet d'intérêt national. Étant donné que je m'exprime avec plus d'aisance en anglais, je vous prie d'excuser le fait que je vais m'exprimer uniquement dans cette langue au cours de ma présentation.
[Traduction]
Une politique fiscale rigoureuse devrait être fondée sur des faits, et non sur des élucubrations fictives. Dans ma déclaration, ce sont des faits que je souhaite présenter au comité, du point de vue d’un avocat-fiscaliste qui collabore au programme des divulgations volontaires depuis le tout début.
Je vais vous présenter certains des faits saillants qui se trouvent dans mon mémoire.
Tout d’abord, on remarque un changement notable dans la démographie des Canadiens qui se sont prévalus du programme des divulgations volontaires au cours des cinq dernières années; il s’agit des baby-boomers et des parents des baby-boomers. En 2003-2004, les principaux clients étaient des hommes dont l’âge moyen était de 49 ans. D’après une analyse de 51 clients qui ont retenu mes services en 2009 et 2010, l’âge moyen est de 72 ans et l’âge médian est de 75 ans; on compte 57 p. 100 d’hommes contre 43 p. 100 de femmes; et la majorité des femmes sont des veuves qui ont hérité des comptes.
L’augmentation du nombre de divulgations volontaires a peu à voir avec la lutte de l’ARC contre l’évasion fiscale; elle est due principalement à des événements qui, par hasard, se sont produits dans la même période. Le premier de la liste est lorsque les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont annoncé des modifications aux exigences d’inscription pour tous les courtiers et conseillers en valeurs mobilières. La modification, entrée en vigueur le 28 septembre 2009, prévoit que les banques étrangères dont les clients canadiens possèdent un avoir financier net de plus de 5 millions de dollars peuvent compter sur une dispense d’inscription.
UBS et Crédit Suisse, comme d’autres banques étrangères, ont communiqué avec leurs clients canadiens et leur ont demandé d’attester par écrit qu’ils remplissaient ces conditions, à défaut de quoi la banque cessait d’agir à titre de courtier ou de conseiller.
Le deuxième facteur est le vieillissement des parents des baby-boomers. Ces personnes ont accumulé une fortune considérable et, se voyant vieillir de jour en jour, désirent mettre de l’ordre dans leurs affaires avant de mourir.
Le troisième facteur a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit de la suspension des procédures criminelles entreprises contre UBS, un accord conclu avec l’IRS.
Le quatrième facteur, encore une fois très médiatisé, est le vol de données de la LGT Treuhand, une banque du Liechtenstein, et de la HSBC. Les noms de Canadiens détenant un compte dans ces établissements se trouvaient parmi les données volées.
On ne peut pas non plus passer sous silence le fait que l’ère du secret bancaire n’est pas révolue. L’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE constitue une norme internationale et se retrouve dans le protocole de la convention fiscale signée par la Suisse et le Canada le 22 octobre 2010. Selon cette entente, le Canada doit fournir à la Suisse le nom du contribuable et de la banque. Les contrôles indirects de la situation financière sont interdits. Mais comme les personnes âgées n’ont fait, pour la plupart, ni dépôt ni retrait depuis plus de 10 ans, il est peu probable que le Canada connaisse leur identité, et le risque de détection est minime.
Et n’oublions pas que la politique de l’ARC et le refus de la province de Québec d’harmoniser son programme avec celui de l’Agence nuisent au programme des divulgations volontaires.
Les pratiques actuelles de l’ARC permettent de prévoir des résultats acceptables, ce qui est essentiel au succès d’un programme de divulgation volontaire. Toutefois, l’ARC ne prêche pas par l’exemple. Officiellement, elle donne aux agents du programme des divulgations volontaires un pouvoir discrétionnaire considérable pour déterminer les années devant être incluses dans une divulgation. Cette situation entraîne des problèmes de cohérence et de prévisibilité, qui dissuadent les contribuables de procéder à une divulgation.
La menace la plus sérieuse au programme reste le refus du Québec d’harmoniser son programme avec celui de l’ARC. Le ministère du Revenu du Québec continue à traiter le solde qui se trouvait dans le compte il y a six ans comme le revenu gagné cette année-là. Cette façon de faire n’a aucune justification légale, et contrairement à l’ARC, Québec refuse de voir sa décision contestée au moyen d’appels administratifs ou d’appel devant les tribunaux, même lorsqu’il y a manquement à l’application régulière de la loi ou que la décision est clairement erronée sur le fond.
Conformément à une entente survenue entre l’ARC et le MRQ, l’ARC fournit au MRQ des renseignements concernant les divulgations qu’elle a reçues, de sorte qu’une divulgation faite à l’ARC est une divulgation faite au MRQ. Comme le risque de détection est minime, du moins dans les 5 à 10 prochaines années, on s’attend à ce que bien des habitants du Québec dont les enfants résident à l’extérieur de la province s’abstiennent de toute divulgation. Leurs enfants divulgueront sans doute l’information à l’ARC une fois qu’ils auront hérité des comptes. La « revenue rule » est une règle reconnue par les États, qui consiste à ne pas fournir assistance au recouvrement des impôts dus à un autre État. Il est clair que les États-Unis ne fourniront pas assistance au recouvrement des impôts dus au Québec, et il semble que les autres provinces ne s’en mêleront pas non plus. On pourrait aussi avancer l’argument que les États-Unis ne fourniront pas assistance au recouvrement de l’impôt fédéral dans les cas où la question de la responsabilité des enfants de résidents des États-Unis est soulevée sous le régime de la loi canadienne en raison d’un héritage.
On estime que les Canadiens ont 100 milliards de dollars dans des comptes à l’étranger. C’est le moment ou jamais: le Canada et les provinces ont l’occasion de rapatrier des dizaines de milliards de dollars et de réaliser un gain substantiel pour les recettes fiscales à court terme.
Le programme des divulgations volontaires n’encourage pas la non-conformité. Les personnes âgées n’ont pas transféré de fonds à l’étranger depuis des dizaines d’années, et les jeunes fraudeurs fiscaux sont des récidivistes pour qui l’évasion fiscale ne rime pas avec divulgation.
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont reconnu les mérites d’une approche pragmatique. La politique des États-Unis sur le règlement à l’amiable a été décrite par mon collègue Scott Michel, une sommité du programme américain des divulgations volontaires, comme l’une des meilleures jamais mises en œuvre.
Ce n’est dans l’intérêt ni du Canada ni du Québec que la paranoïa bureaucratique, les frictions qui opposent Ottawa et Québec et l’électoralisme mettent des bâtons dans les roues au programme des divulgations volontaires, qui fonctionne très bien.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Je veux porter un point précis à votre attention: il semble qu’on parle encore du programme des divulgations volontaires, ce qui revient à dire que nous nous occupons du problème une fois qu’il est devenu réalité, que nous ne cherchons pas à le prévenir. Quelles mesures dissuasives pourrions-nous mettre en place?
Notre étude porte sur l’évasion fiscale. Si nous ne faisons rien, ou si nous faisons preuve de plus de rigueur quant au programme des divulgations volontaires, le problème s’aggrave. Laissons donc le programme de côté.
D’après votre expérience ou votre expertise, quelles mesures dissuasives ou quels facteurs pouvons-nous faire jouer à notre avantage pour permettre aux gens d’agir? Ils ne le font pas en tant que particuliers. Ce sont des avocats, des comptables, des consultants, des banquiers, des représentants à l’étranger, etc., qui sont tous concernés et qui sont tous au courant de la situation.
Existe-t-il des mesures dissuasives efficaces que nous pourrions prendre avant d’être confrontés au problème, pour éviter de nous retrouver devant le fait accompli?
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Je vais adresser mes remarques au représentant de HSBC.
Je ne veux pas revenir sur les commentaires que M. Mulcair et moi avons faits au tout début. Toutefois, vous dites que vous respectez la lettre et l'esprit des lois et que vous représentez HSBC Canada. Vous auriez donc dû savoir qu'ici, il faut soumettre des textes bilingues. Je remercie d'ailleurs M. Michel, qui est un Américain, d'avoir observé les lois du Canada.
Cela étant dit, tout comme on ne choisit pas ses parents, ni ses frères et soeurs, vous semblez prendre une très grande distance vis-à-vis vos collègues des autres pays. Après nous avoir présenté une publicité disant que vous êtes présents dans 86 pays, vous semblez nous dire que ces 86 pays sont responsables de ce qui se passe chez eux. En quelque sorte, vous déclinez toute responsabilité.
Votre banque est la septième banque à charte en importance au Canada. On dit qu'on doit vérifier l'identité des clients et, en même temps, même si vous ne participez pas à l'évasion, vous dites que HSBC n'ouvre pas de compte de banque en Suisse et qu'elle n'ouvre pas de compte de banque pour le père de famille qui envoie son enfant à Paris ou à Londres. Or, ce n'est pas d'eux dont on parle. Ce que nous désirons apprendre concerne la personne qui, au Canada, veut ouvrir un compte de banque au Panama, au Belize ou aux îles Caïmans.
Vous semblez avoir dressé une espèce de muraille de Chine, pour reprendre une expression financière, entre HSBC Canada et ses autres filiales dans le monde. Je vous pose ma première question. Une liste de près de 2 000 Canadiens, qui avaient un compte de banque avec HSBC dans un paradis fiscal, a été dévoilée. Cela a dû vous faire une mauvaise publicité. Est-ce que chez HSBC Group, il y a eu une enquête dans le but de savoir comment cette information a été divulguée?
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Merci, monsieur le président.
Je dois dire que ma bile s'est échauffée à l'écoute de ces témoignages. Avant de prendre congé pour exercer mes fonctions actuelles, je travaillais comme policière. Monsieur Michel, pendant que je vous écoutais dire que nous aurions intérêt à nous montrer plus indulgents envers les personnes qui ne paient pas leurs impôts et qui fraudent leurs pays, je croyais me diriger tout droit vers la crise cardiaque.
Des voix: Oh, oh!
Mme Shelly Glover: Or, vous venez tout juste de vous déclarer en faveur d'une application vigoureuse de la loi, ce qui sème un peu de confusion dans mon esprit.
Je remercie M. Szabo d'avoir posé une question au sujet de la dissuasion, parce que nous voyons essentiellement la dissuasion comme une partie intégrante des mesures nécessaires pour enrayer les comportements criminels et illégaux. D'après vos premiers commentaires et ceux que vous venez de formuler, vous n'êtes ni entièrement d'un côté ni de l'autre. Vous êtes assis entre deux chaises, en quelque sorte.
Je vais vous citer certaines choses que vous avez dites dans le passé, et j'aimerais savoir ce que vous pensez aujourd'hui de ces propos, si possible.
En mai 2008, vous avez rédigé un article publié dans l' International Tax Review, dont le titre se traduit comme suit: « La divulgation volontaire devient une nécessité ». Dans l'article, vous avez dit que les pays recouraient de plus en plus aux traités fiscaux et aux accords prévoyant l'échange de renseignements fiscaux, et que les autorités fiscales se livraient davantage entre elles à la divulgation spontanée de données.
Vous avez ensuite rédigé ces deux passages, que je traduis également:
À titre d'exemple concret de cette tendance, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, le Japon et l'Australie ont créé le Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux (CICAFI), visant le partage d'information sur les abris fiscaux et sur les professionnels et les institutions financières qui projettent d'en faire usage et qui en font la promotion.
Vous poursuivez:
Entre-temps, le secret bancaire dans les paradis fiscaux offre une couche de protection de plus en plus mince. Même des lieux jadis secrets comme la Suisse, l'île de Man et les îles de Jersey répondent à des demandes adéquatement présentées par d'autres pays en vertu des dispositions applicables d'échange de renseignements, sans être entravés par les contestations juridiques des entreprises et des personnes concernées.
Monsieur Michel, j'aimerais vous demander si vous êtes toujours d'avis que les fraudeurs fiscaux ont de plus en plus de mal à cacher de l'argent à l'étranger, en raison des mesures adoptées par des pays comme le Canada et ses partenaires du CICAFI.
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Je ne suis pas certaine d'être d'accord avec vous, monsieur, et voici pourquoi. Je dois me ranger du côté de M. Paillé; quand j'entends que l'intérêt de certaines de nos banques est d'empêcher le vol de renseignements qui en fait nous sont utiles, qu'elles en font une priorité, cela me dérange. J'en déduis que le secret bancaire est là pour rester.
Vous avez des compétences techniques en la matière; je suis prête à vous écouter et à tenir compte de vos commentaires. Cependant, en écoutant les témoignages d'aujourd'hui, j'ai vraiment de la difficulté à croire que c'est, en fait, la voie que nous suivons. Je ne sais pas si le secret bancaire va diminuer.
Quoiqu'il en soit, l'ARC est membre de plusieurs organisations et forums internationaux qui collaborent pour mettre fin à la planification fiscale internationale abusive. Permettez-moi de vous donner le nom de certains de ces forums: le groupe de travail de l'OCDE sur l'échange d'informations et l'observation des règles fiscales; le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales; le Forum sur l'administration fiscale; le Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux, dont nous avons déjà parlés; et le Groupe des sept pays sur les paradis fiscaux. L'ARC joue donc un très grand rôle dans l'échange de renseignements et, bien sûr, dans l'application de la loi pour que nous puissions bien cibler ces paradis fiscaux. À mon avis, c'est un pas dans la bonne direction. Je pense que certaines organisations, comme l'OCDE, ont pris des mesures importante pour faire de la lutte contre l'évasion fiscale une priorité.
La semaine dernière, nous avons reçu un témoin — je ne sais pas si vous avez vu son témoignage — qui prétend que, au cours des dernières années, nous avons fait des progrès remarquables, ici, au Canada. J'aimerais avoir votre avis sur les progrès que nous avons réalisés. Je sais que vous êtes des États-Unis, mais vous avez certainement une idée des progrès que nous avons réalisés ici, au Canada, au cours des cinq dernières années. J'aimerais savoir quelles sont, à votre avis, les mesures importantes que le Canada a prises, les pas qu'il a fait dans la bonne direction.
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Bonjour messieurs. Je m'adresserai d'abord à M. Bartos.
Pour reprendre ce qu'a dit mon collègue plus tôt, vous avez commencé votre présentation en faisant la démonstration de l'importance de votre entreprise. Il n'y a pas de doutes à ce sujet. Il y a des articles de journaux qui parlent de HSBC comme d'un géant bancaire international. C'est ce que vous avez mentionné. Toutefois, je déplore le fait que vous représentiez votre entreprise au Canada et qu'en soumettant des documents, vous ne puissiez pas reconnaître qu'il y a deux langues officielles au pays. Je fais partie de la nation où l'on parle français au Canada. Cela dit, je vais passer à autre chose.
Vous avez mentionné que, lorsqu'un client veut investir dans un compte à l'étranger, la banque ne transfère pas cet argent elle-même. Comme on le disait tantôt, vous vous en lavez un peu les mains. Vous référez ce client à votre représentant dans cet autre pays. Compte tenu du fait que c'est quand même votre entreprise qui est par la suite visée en cas d'une éventuelle évasion fiscale, je me demande si vous tenez compte de la liste grise établie par l'OCDE. C'est une liste de certains pays où il y a un manque de divulgation de sources de revenus déclarés et d'impôts payés. Ce sont des pays où il est susceptible d'y avoir de l'évasion fiscale.
Dans nos discussions dans le cadre d'un projet de loi sur un accord de libre-échange avec le Panama, les représentants libéraux mentionnaient que les paradis fiscaux sont légaux, que c'est correct et qu'on doit accepter ça. Peut-être que c'est légal, mais c'est l'évasion fiscale que cela peut entraîner qui devient illégale et même immorale.
J'aimerais donc savoir si vous vous permettez de référer des clients à des banques dans des pays qui sont sur une liste grise de l'OCDE ou si vous ne le faites pas du tout.
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Merci, monsieur le président.
Je crois que je vais poursuivre sur la lancée de Mme Hughes. Je vais d'abord m'adresser à M. Bartos.
Je suis certaine que nous sommes tous d'accord pour dire que les Canadiens font des affaires à travers le monde et qu'ils ont de nombreuses raisons de souhaiter détenir des comptes dans d'autres pays. Je vais prendre un exemple tiré de mon expérience personnelle. Mon mari voudrait peut-être, un jour, passer les hivers sous le soleil des États-Unis, et il a pensé que détenir un compte aux États-Unis serait une bonne idée. J'ai participé au processus lorsqu'il a ouvert ce compte. C'était très intéressant, car nous étions dans un bureau, en Colombie-Britannique, et que nous avons ouvert à la fois un compte au Canada et un compte aux États-Unis. J'imagine que ces comptes relèvent d'institutions distinctes. Mais l'ouverture de ces deux comptes semblait vraiment n'être qu'une seule chose. Il va sans dire que nous avons l'intention d'être très honnêtes pour ce qui est des opérations que nous ferons et de la manière dont nous les ferons.
Une telle situation est une occasion en or de faire comprendre aux clients les obligations fiscales qui sont les leurs, ou de leur remettre de la documentation à ce sujet. Mais, actuellement, vous ne vous préoccupez guère de cette question lorsque vos clients font ces démarches. Pouvez-vous nous parler de cela?
J'aimerais ensuite savoir, messieurs Michel et Sohmer, si vous estimez qu'il y aurait des avantages à ce que les clients soient informés de la sorte, au cours du processus.
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Aux États-Unis, les exigences de déclarations correspondent principalement à la déclaration de revenus et à un formulaire distinct appelé FBAR, c'est-à-dire Foreign Bank Account Report. Il s'agit d'un formulaire spécial du département du Trésor. Il y a trois ou quatre ans, très peu de gens étaient au courant de l'existence de ce formulaire. Il existait depuis les années 1970, et des sanctions étaient prévues pour punir ceux qui ne le remplissaient pas, mais personne n'était au courant de son existence. La majorité des comptables en ignoraient eux-mêmes l'existence; ils ne pouvaient donc pas conseiller leurs clients à ce sujet.
Je crois qu'une mesure, quelle qu'elle soit, qui sensibilise les contribuables à leurs obligations de déclaration ne peut avoir que des effets bénéfiques. À mon sens, la question est de savoir de quelle manière cette exigence pourrait être imposée à une banque étrangère, puisque c'est là que s'observent les manquements à la conformité.
Une banque des États-Unis peut dire à ses clients américains, par exemple, qu'ils doivent payer des impôts sur leurs intérêts et leurs dividendes, ainsi que sur leurs gains en capital. Cette banque américaine remettra chaque année à ses clients un formulaire 1099, sur lequel apparaît le montant qui doit être inscrit sur la déclaration fiscale. Une déclaration distincte est faite à l'IRS. Je ne crois pas qu'on se dira spontanément, dans une banque du Panama, de la Suisse ou de Hong Kong, qu'on doit aviser les clients américains qu'ils doivent mentionner leur compte dans leur déclaration fiscale.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins. Je ne siège habituellement pas à ce comité. Je suis ici à titre de remplaçant et les délibérations sont très intéressantes.
En écoutant ce qui s'est dit, j'ai remarqué qu'un enjeu qui revient souvent sur le tapis — et M. Michel en a parlé — concerne la mise en place d'un mécanisme qui permettrait aux personnes qui ont fraudé le fisc de réintégrer le système. Ces gens ne sont plus là. C'est un revenu que nous avons perdu, et il ne reviendra pas. Mais il semble qu'il y a peut-être, aux États-Unis et au Canada, une conjoncture démographique qui fait en sorte que ces personnes en arrivent à un point où... Eh bien! les baby-boomers vieillissent. J'imagine que c'est le facteur clé. Et leurs parents sont... On dirait que la conscience de certains s'est éveillée ou, j'imagine, que leur sens moral est revenu les hanter. On pourrait presque dire qu'ils veulent laver leurs fautes avant de mourir, ou qu'ils veulent s'assurer de ne pas léguer à la génération suivante un problème qu'ils auraient créé.
Est-ce que certains pays ont pris des mesures, ou avez-vous entendu parler de quoi que ce soit qui aurait été mis en place, pour inciter ces personnes à divulguer...? Je ne veux pas parler d'un congé fiscal ni d'une période d'exonération, mais est-ce qu'il y a des mesures qui ont été prises qui reviennent à dire: d'accord, pour deux ans, ils peuvent faire leurs aveux; leurs erreurs passées seront reconnues, mais on ne leur infligera pas d'emblée les lourdes peines dont parlait . Après cela, s'ils essaient encore de se dérober à leurs obligations, des mesures draconiennes seront prises à leur endroit. C'est indiscutable. Il doit y avoir une sanction. Mais pour un, ou peut-être deux ou trois ans... Je ne sais pas combien de temps il faudrait.
Y a-t-il des précédents? Et quels ont été les résultats?
Monsieur Sohmer, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de démographie et décrit brièvement votre client typique. Vous avez constaté qu’en moyenne, il est âgé de 72 ans et qu’il a un compte de 3,7 millions de dollars à l’étranger, pour un montant médian de 1,2 million de dollars. Vous avez constaté également qu’il n’y avait pratiquement pas de différence entre les hommes et les femmes.
Je lis aussi dans votre document, mais vous ne l’avez pas mentionné dans votre déclaration, que 51 p. 100 d’entre eux sont des immigrants.
Ce pourcentage me permet de supposer qu’un grand nombre de néo-Canadiens, c’est-à-dire des gens qui ont émigré au Canada, avaient ouvert un compte à l’étranger avant de venir au Canada afin de protéger leurs biens, surtout s’ils venaient d’un pays qui n’offrait pas la même sécurité que le Canada.
Est-ce que je me trompe?
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C’est un élément important, qui comporte des aspects assez délicats. Pour certaines personnes qui sont venues au Canada parce qu’elles étaient en danger dans leur pays, avoir de l’argent en Suisse est une sécurité, au cas où elles seraient obligées de fuir à nouveau. C’est une façon de penser qui est profondément enracinée dans leur esprit.
L’autre élément très important est que les enfants d’immigrants sont plus susceptibles d’émigrer, et d’aller aux États-Unis, par exemple. Les Américains n’émigrent pas au Canada, mais les Canadiens émigrent aux États-Unis et ailleurs. Cela ne facilite pas la tâche de nos équipes de surveillance.
Il n’y a pas de normes internationales régissant la perception des impôts. Les enfants d’immigrants au Canada vont facilement faire des études aux États-Unis. L’un de mes enfants est allé à Colombus, un autre à Cleveland. Ensuite, ils sont revenus au Canada avec leur diplôme de médecin, car ils aiment le système canadien.
Mais vous avez raison, ce pourcentage élevé d’immigrants est un élément très important, qui s’explique surtout par cette crainte d’être peut-être obligés, un jour, de s’enfuir à nouveau. C’est quelque chose que les fonctionnaires ne comprennent pas très bien, mais c’est un fait.
Scott et moi, nous sommes dans les tranchées; nous connaissons la réalité quotidienne. Nous comprenons la dynamique de ces familles et nous écoutons leur histoire. Nous voyons bien qu’elles vivent dans l’expectative, et que l’argent qu’elles gardent dans un compte à l’étranger est pour elles un filet de sécurité.
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S’il habite hors du Québec, je lui dis sans hésiter, étant donné la politique actuelle de l’ARC: « Faites une déclaration volontaire. Réglez ça rapidement. L’ARC a aujourd’hui un programme des divulgations volontaires qui convient tout à fait à votre situation. »
S’il habite au Québec, je lui explique les dispositions de la loi. Nous avons parfois des problèmes éthiques très délicats. Si quelqu’un a fait de l’évasion fiscale, nous ne sommes pas tenus de l’obliger ou de l’encourager à l’avouer. Nous ne pouvons pas être complices s’il récidive, mais nous sommes tenus, par notre code déontologique, de lui expliquer les dispositions de la loi.
Supposons donc que mon client habite au Québec et que je lui dise: « le Québec va pratiquement confisquer tout ce que vous avez, parce que votre portefeuille a perdu de la valeur. Vous n’avez aucun recours auprès des tribunaux. Vous avez des enfants à Toronto, et si vous ne faites rien, vous ne courez guère le risque de vous faire prendre. C’est à vous de décider. » C’est difficile… Ça finit par être une mascarade. C’est une situation difficile sur le plan éthique.
Mais pour être parfaitement honnête avec vous, je vous dirai que lorsqu’on lui présente les différentes options et qu’on lui dit que s’il ne fait rien, il ne risque pas de se faire prendre… Le protocole actuel entre le Canada et la Suisse n’autorise pas le Canada à obtenir des renseignements sans fournir le nom de la personne et le nom de la banque. Les autorités ne connaîtront pas le nom du septuagénaire qui est venu me voir dans mon bureau en s’aidant d’une marchette. Alors je lui dis: « À votre décès, vos enfants vont hériter. Ils pourront alors faire une divulgation auprès de l’ARC, qui communiquera les renseignements au Québec; le Québec rendra un jugement qui ne pourra pas être exécuté à Toronto, et ainsi ils économiseront la moitié des impôts ». En fait, ils économiseront peut-être 90 p. 100 des impôts.
Nous ne pouvons pas encourager ce genre de pratique, mais nous avons le devoir moral d’expliquer les dispositions de la loi. J’ai eu l’occasion de discuter de ce problème éthique avec Scott. Si vous expliquez clairement ce que la loi prescrit…
Un de mes collègues, Dick Pound, a dit devant la Cour suprême, dans l’affaire Copthorne, que n’importe qui le moindrement intelligent saurait quoi faire. Ce n’était pas dans le contexte de l’évasion fiscale.
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Bien. Je vais vous poser une dernière question.
J’ai l’impression que nos témoins sont plutôt réticents à prendre ce que certains qualifieraient de mesures draconiennes. C’est une crainte répandue: si on va directement chercher les gens, ils seront moins enclins à se manifester. Mais le programme des déclarations volontaires existe déjà. Comment peut-on se montrer plus indulgent?
Si vous leur avez déjà donné les meilleurs conseils et explications possibles, pourquoi n’essayez-vous pas de prendre des mesures plus sévères? Les États-Unis ont mis en place un système de dénonciation. Je ne pense pas que le Canada en ait fait autant.
Pour éduquer les gens, il ne suffit pas de dire que chacun doit payer ses impôts pour que le gouvernement puisse financer les services de santé, etc. Il faut vraiment les éduquer en leur disant que, s’ils font passer leurs propres intérêts d’abord, ils en subiront les conséquences.
N’est-ce pas là le genre d’éducation qu’il faut faire?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier chacun des témoins qui comparaissent devant nous aujourd’hui.
Ce que vous nous avez dit, monsieur Sohmer, et vous, monsieur Michel, au sujet de votre travail, de votre expertise et des nombreuses conférences que vous avez données à l’étranger, confirme ce que je savais déjà, à savoir que c’est un problème très difficile qui se pose à l’échelle mondiale, mais qu’il existe une volonté de le régler.
Monsieur Sohmer, vous avez dit tout à l’heure que le Canada n’avait pas la même marge de manœuvre que les États-Unis pour s’attaquer à ce problème. Mais nous savons que le Canada fait partie des 95 pays qui ont approuvé la norme internationale sur l’échange de renseignements, y compris des renseignements bancaires, et que, avec 87 conventions fiscales à son actif, c’est l’un des pays à en avoir signé le plus grand nombre. Sans compter que le budget de 2007 prévoyait des mesures visant à encourager les AERF. Que pensez-vous des mesures prises par le Canada jusqu’à présent pour résoudre ce grave problème?
Je m’adresse à celui qui est prêt à répondre.
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Nous lui avons envoyé… En fait, le document que j’ai ici fait partie d’un mémoire plus complet que nous avons adressé aux autorités québécoises. Je vais vous donner un petit exemple.
Nous avons des clients qui, après avoir survécu à l’Holocauste en Hongrie en 1946, sont allés s’installer au Mexique en 1946 avant d’élire domicile au Canada en 1993, à l’âge de 73 ans. Les papiers d’immigration indiquent « à la retraite ».
Nous ne savons pas du tout combien d’argent ils avaient en 1993, mais en 2000, ils avaient environ 5 millions de dollars chez UBS. Puis l’homme est mort, et son épouse a aujourd’hui besoin de cet argent pour vivre. Elle n’est pas vraiment saine d’esprit, et c’est un dossier que nous aimerions bien régler.
Nous avons conclu une entente avec le gouvernement fédéral, qui prévoit l’imposition des revenus pendant 10 ans seulement, avec des intérêts. Québec insiste pour imposer le capital de départ. Quand nous leur disons qu’il est absolument impossible qu’un homme de 73 ans ait pu gagner autant d’argent entre 1993 et 1999, ils répondent: « Peu importe, nous allons imposer cet argent ».
Or, comme la dame a besoin de cet argent pour vivre, nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre le fisc québécois devant les tribunaux. Non seulement il y aura un procès, mais les gens vont tout simplement décider d’aller s’installer à Toronto ou même aux États-Unis… Ils vont partir. À cause de ces prises de position bureaucratiques, le programme risque fort, à mon avis, de disparaître à Montréal, aux ordres fédéral et provincial.
J’ajouterai qu’avec l’ARC…
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Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas l'intention d'appuyer cette motion en vue de citer une personne à comparaître. Nous avons reçu une lettre de M. Wilson où il nous dit qu'après avoir examiné le sujet de notre étude, il estime qu'il n'a rien à offrir au comité.
On ne peut pas faire une comparaison entre M. Wilson et M. Owens. M. Owens a comparu devant nous, non pas à titre d'ancien ministre de Trudeau…
Des voix: Vous voulez parler de M. Johnston.
M. Mike Wallace: Oui, je voulais dire M. Johnston, excusez-moi.
Il a comparu devant notre comité à titre d'ancien secrétaire de l'OCDE, et en raison des dossiers d'évasion fiscale qu'il a eu à traiter, entre autres. C'est la raison pour laquelle il a comparu, et nous lui avons posé des questions là-dessus.
Si nous décidons de convoquer tous les anciens ministres des Finances depuis 30 ans, nous pourrons peut-être convoquer Mike Wilson. Mais à ce moment-là, pourquoi ne pas inviter l'ancien ministre libéral des Finances, le très honorable Paul Martin, à venir nous parler de ce qui s'est passé pendant 13 ans — ou peut-être 12, puisqu'il a été premier ministre pendant un an ou deux — et de ce qui se passait à cette époque?
Nous avons eu raison, je pense, d'inviter M. Wilson à comparaître, et il a eu l'aimable courtoisie de nous répondre par écrit qu'il n'avait rien à offrir au comité.
Nous avons entendu des témoignages fort intéressants aujourd'hui, comme par le passé, d'ailleurs. Je pense que ce serait une perte de temps pour le comité de le citer à comparaître. Je n'ai pas l'intention d'appuyer cette motion et, si elle est approuvée, je présenterai une autre motion pour convoquer d'autres témoins.
Merci.