:
Merci, monsieur le président.
Je suis accompagné de Mostafa Askari, qui dirige notre groupe d'analyse économique et financière. Est également ici Chris Matier, économiste principal au sein de ce même groupe. Jeff Danforth est un autre économiste principal, qui nous aide avec les projections économiques et financières, et, enfin, je vous présente Sahir Khan, qui est directeur parlementaire adjoint du budget, responsable de l'analyse des dépenses et des revenus.
[Français]
Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents et membres du comité. Merci de nous avoir invités, mes collègues et moi, pour vous parler des perspectives économiques et budgétaires du Canada.
[Traduction]
Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents et membres du comité. Merci de nous avoir invités, mes collègues et moi, pour vous parler des perspectives économiques et budgétaires du Canada.
Je ferai quelques brèves observations au sujet des projections financières récentes du Bureau du directeur parlementaire du budget et mettrai en évidence certaines questions dans le contexte du prochain budget de 2011. Des tableaux et des graphiques illustrant mes propos vous seront distribués.
Les projections financières récentes du Bureau du DPB reposent sur les résultats de l'Enquête de décembre 2010 auprès des prévisionnistes du secteur privé publiés par Finances Canada. Selon l'hypothèse du statu quo, les perspectives budgétaires sont fondamentalement inchangées par rapport aux projections transmises à ce comité l'automne dernier. On prévoit qu’entre les exercices 2009-2010 et 2010-2011, le déficit fédéral sera passé de 56 à 39,8 milliards de dollars, soit un recul de 3,6 à 2,5 p. 100 du PIB, et que pour l’exercice 2015-2016, il s’établira à environ 10 milliards de dollars, ou 0,5 p. 100 du PIB.
On prévoit que la dette fédérale passera de 519 milliards de dollars, ou 34 p. 100 du PIB, en 2009-2010, à 652 milliards de dollars, soit 31,9 p. 100 du PIB, en 2015-2016.
[Français]
Avant d'en dire davantage, j'aimerais clarifier certaines questions concernant le processus de prévision utilisé par Finances Canada et le Bureau du DPB. Premièrement, les deux organismes élaborent leurs projections financières en utilisant la moyenne des prévisions économiques du secteur privé établie par Finances Canada. Une fois cette étape terminée, le Bureau du DPB et Finances Canada utilisent leurs propres hypothèses pour transformer les prévisions économiques du secteur privé en projections financières. Permettez-moi d'insister: les économistes du secteur privé que consulte le ministre des Finances ne préparent pas les projections financières présentées dans les budgets et les mises à jour du gouvernement. Les deux organismes produisent leurs propres projections financières et devraient être disposés à distribuer et à défendre les hypothèses qu'ils utilisent.
En se fondant sur la dernière enquête de Finances Canada, les prévisionnistes s'attendent à un taux de croissance de l'économie canadienne supérieur à l'estimation que le Bureau du DPB a obtenue de sa croissance potentielle, ce qui permettrait de combler l'écart de production au plus tard à la fin de 2016. On prévoit que le taux de chômage diminuera pour atteindre 6,6 p. 100 en 2015, que l'inflation demeurera stable et que les taux d'intérêt à court et à moyen terme augmenteront de manière graduelle sur le moyen terme tout en demeurant peu élevés par rapport au passé. Le Bureau du DPB estime que ces perspectives économiques à moyen terme sont relativement favorables, compte tenu du niveau élevé d'incertitude économique.
Selon le Bureau du DPB, les prévisions économiques du secteur privé sont assujetties à quatre facteurs de risque à la baisse. Premièrement, la croissance mondiale, notamment aux États-Unis, pourrait être moins forte que prévu. Deuxièmement, l'appréciation récente du dollar canadien pourrait ralentir la reprise des exportations. Troisièmement, les craintes en matière de dette souveraine pourraient limiter la reprise en Europe et exercer des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt mondiaux. Et, enfin, sur le plan national, le niveau élevé de l'endettement des ménages représente un risque supplémentaire concernant la demande intérieure.
Par conséquent, selon la perspective du statu quo, et compte tenu des risques et des incertitudes entourant les prévisions économiques du secteur privé, le Bureau du DPB estime que la probabilité d'un budget équilibré ou excédentaire pour la période 2010-2011 à 2013-2014 est nulle; et la probabilité que le budget soit excédentaire en 2015-2016 n'est que de 16 p. 100. Ces estimations tiennent compte de la validité des prévisions des économistes du secteur privé dans le passé et de la sensibilité des perspectives financières de Finances Canada.
[Traduction]
Le Bureau du DPB prévoit que la réduction du déficit budgétaire sur le moyen terme résultera principalement d'une amélioration de la conjoncture, l'économie devant atteindre son niveau potentiel au plus tard à la fin de 2016. Cela dit, un déficit budgétaire subsiste, ce qui signifie qu'il y a un déficit structurel, que le Bureau du DPB estime à 10 milliards de dollars, ou 0,5 p. 100 du PIB, en 2015-2016. Des mesures politiques s'imposent donc pour obtenir un budget équilibré.
Bien que, selon l'estimation du Bureau du DPB, le déficit structurel du gouvernement soit peu élevé dans une perspective historique, et vraisemblablement sensiblement inférieur à celui d'autres gouvernements centraux, tout déficit structurel est un risque potentiel en raison de l'évolution démographique actuelle.
Dans le contexte des délibérations sur le budget de 2011 qui sera prochainement déposé, j'aimerais porter à votre attention deux grandes questions.
Premièrement, le principal défi budgétaire du Canada est un défi, non pas à court terme, mais à long terme.
Le grave problème budgétaire du Canada est lié au vieillissement de la population et à la faiblesse de la croissance de notre productivité. Notre population vieillit. En 1971, pour chaque personne de plus de 65 ans, on en comptait 7,8 dans la population active; en 2008, on en comptait seulement 5,1 et on prévoit que l'on en comptera seulement 3,8 en 2019 et 2,5 en 2033. La croissance de l'offre de main-d'oeuvre chutera fortement par suite du ralentissement de la croissance démographique et de l'entrée en retraite de la génération des baby-boomers.
La croissance de la productivité affiche une tendance à la baisse: elle a été en moyenne de 2,6 p. 100 de 1962 à 1976, de 1,2 p. 100 depuis 1976, et de seulement 0,8 p. 100 depuis 2000.
Pour tout dire, la structure budgétaire du Canada n'est pas viable. Il y a un écart fiscal. Il faut donc des mesures budgétaires soutenues pour éviter un cumul excessif du ratio dette/PIB. Selon le rapport de 2010 du Bureau du DPB, si on postule une croissance du Transfert canadien en matière de santé parallèle à la croissance des dépenses provinciales-territoriales prévues de santé au-delà de 2013-2014 — que l'on estime à environ 4,2 p. 100 par année en moyenne —, l'écart budgétaire est d'environ 1 p. 100 du PIB, soit 20 milliards de dollars en 2016.
En d'autres mots, si le Transfert canadien en matière de santé continue de croître au taux de 6 p. 100 par année, selon l'hypothèse actuelle de Finances Canada, l'écart fiscal atteindra 1,9 p. 100 par année, soit environ 40 milliards de dollars en 2016. En outre, tout retard sensible concernant l'adoption de mesures budgétaires augmentera la valeur monétaire des mesures correctives nécessaires.
Le budget de 2011 devrait comporter une analyse de viabilité budgétaire.
En 2007, le gouvernement s'est engagé à élaborer une analyse de viabilité à long terme. Il devrait s'acquitter de cette promesse. De plus, le FMI invite le gouvernement fédéral à accroître la transparence et la communication concernant les défis budgétaires liés à l'incidence démographique du vieillissement dans son rapport de 2010 au titre de l'article IV. Les parlementaires pourraient envisager une réforme du processus budgétaire en vue d'assurer une évaluation et une gestion des finances nationales plus tournées vers l'avenir. À mon avis, le processus actuel et le climat politique accordent trop peu d'importance à l'incidence budgétaire des politiques actuelles sur les générations futures.
Le Bureau du DPB s'est engagé à accroître son travail en matière de viabilité budgétaire au printemps en vue d'y inclure tous les niveaux de gouvernement.
Le deuxième point est que le Parlement a besoin d'une plus grande transparence budgétaire et d'une analyse budgétaire plus approfondie, et non moindre.
C'est à juste titre que l'on craint de voir le Parlement perdre le contrôle de ses responsabilités fiduciaires relatives aux autorisations de dépenser prévues par la Constitution. Ces dernières années, le Parlement a été invité à approuver des modifications à des lois sur la criminalité sans qu'on lui fournisse l'information ou les données financières concernant les fonds mis de côté dans le cadre budgétaire. Le Parlement a été invité à avaliser des autorisations financières concernant des contraintes opérationnelles sans qu'on lui donne accès à un plan gouvernemental.
Le Bureau du DPB croit que le gouvernement devrait élaborer une stratégie visant à garantir les économies prévues au titre des dépenses de fonctionnement dans le cadre du budget de 2011; les ministères et organismes devraient exposer dans leur rapport sur les plans et les priorités de 2011-2012 les mesures qui leur permettent d'assurer leur apport respectif sur trois ans au plan d'épargne du gouvernement. À notre avis, cette approche s'apparenterait à celle que le gouvernement a adoptée dans le cadre de son Plan d'action économique: dans le budget de 2009, on a présenté une stratégie de stimulation sur deux ans, y compris les ressources supplémentaires projetées pour les programmes gouvernementaux, avant que le Parlement ne soit invité à avaliser les autorisations financières. Les parlementaires peuvent exiger que les mesures visant à limiter les dépenses soient assujetties au même degré de transparence que celui qu'ils ont exigé dans le cas des dépenses de stimulation.
Le Bureau du DPB souhaite également signaler que, en 2006, le présent gouvernement a transmis au Parlement des données sur les restrictions de dépenses ventilées par ministère et par organisme, tout comme l'avait fait le gouvernement précédent en 2005 dans le cadre de son exercice d'examen des dépenses. Cela nous porte à nous demander pourquoi l'application du secret du Cabinet visant les mesures de restrictions semble avoir été modifiée en si peu de temps. En outre, on a invoqué le secret du Cabinet pour justifier le refus de diffuser des renseignements concernant les hypothèses utilisées pour transformer les prévisions économiques du secteur privé en prévisions budgétaires de Finances Canada.
Les nouvelles politiques — par exemple, le prolongement de la durée de la mission en Afghanistan — et les mesures déjà en vigueur — par exemple, les réductions de l'impôt sur les bénéfices des sociétés — doivent être débattues dans un contexte de transparence et d'ouverture, de sorte que les parlementaires disposent des données requises pour évaluer les coûts et les risques financiers.
Le budget de 2011 devrait comporter une description franche du contexte de planification et des contraintes budgétaires à court et à moyen termes. Les parlementaires gagneraient à obtenir les estimations du gouvernement concernant l'écart budgétaire, les soldes budgétaires structurels et la quantification des risques et des incertitudes.
Merci de l'occasion que vous nous donnez de rendre service à ce comité. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remarque que, dans le rapport de notre directeur parlementaire du budget, il est encore beaucoup question de donner accès, du degré de transparence, du secret du Cabinet. C'est toujours la même complainte. Je crois que vous savez que vous pouvez compter sur nous pour insister auprès de nos collègues du gouvernement afin que vous puissiez avoir le maximum d'information. Ils savent de plus en plus, en entretenant le secret, que le pouvoir réside dans l'information. Donc, si on n'a pas d'information on n'a pas de pouvoir. Comme les conservateurs sont au pouvoir, ils contrôlent l'information.
Par ailleurs, vous dites que la probabilité d'un budget équilibré à court terme est nulle. Vous faites des projections économiques pour 2016, vous avez identifié des risques. Nous sommes le 15 février et il y a sans doute un cinquième risque qui n'a pas été identifié. Il s'agit de tout ce qui se passe dans le monde arabe présentement. Tout cela aura des répercussions sur l'économie mondiale. Je ne voudrais pas trop insister sur cette question mais, si on a le temps, j'aimerais vous entendre à ce sujet.
Je crois que vous avez fait un choix politique. Vous nous dites qu'il y a un défi à long terme et que la structure budgétaire n'est pas viable. À la page 2 de votre rapport, vous dites: « [...] la structure budgétaire du Canada n'est pas viable. » Vous dites aussi qu'il y a des écarts par rapport au PIB. Par la suite, vous vous intéressez à un programme, celui du Transfert canadien en matière de santé. Auparavant, vous avez très bien indiqué que la population canadienne est vieillissante. Vous rapportez qu'en 1971, pour chaque personne de plus de 65 ans, il y en avait 7,8 dans la population active, et qu'en 2033, il n'y en aura plus que 2,5. M. Wallace fera toujours partie de la main-d'oeuvre active, on est chanceux, mais la population active diminue donc beaucoup.
Vous dites, en quelque sorte, qu'il faudrait que le gouvernement cesse d'effectuer des transferts proportionnels à la progression des besoins des provinces. Je me demande presque de quoi vous vous mêlez. Vous nous dites qu'il y a un problème de structure budgétaire, dont on est très conscients, mais ce problème n'est pas dû nécessairement aux transferts en matière de santé. Je me demande pourquoi vous scorez dans les buts des provinces en disant que, si le gouvernement fédéral diminue les transferts aux provinces en matière de santé, son problème fiscal sera résolu. C'est bien beau de dire cela, mais les provinces vont se retrouver dans la merde.
Pourquoi avez-vous fait ce choix hautement politique?
:
Je pensais bien que vous le feriez, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Je fais partie du cercle d'économistes invités à rencontrer les ministres des Finances du pays lorsqu'ils préparent leurs budgets. J'ai pensé commencer par quelques remarques, fondamentalement les mêmes que celles que j'ai faites à M. Flaherty la semaine dernière, car nous sommes autorisés à relater ce que nous avons dit. Alors voici.
J'ai commencé par parler des perspectives économiques, et vous avez sous les yeux la prévision consensuelle du secteur privé. Nous-mêmes sommes un peu en dessous du chiffre consensuel, ce qui est un peu inhabituel. Les deux dernières années, notre prévision de croissance était plutôt plus optimiste que la moyenne. Nous situons aujourd'hui la croissance à juste en dessous de 2,5 p. 100, disons 2,2 à 2,3 p. 100, soit juste en dessous du consensus.
Nous considérons que l'année prochaine sera marquée par le désendettement à l'échelle de toute l'économie. Dans notre prévision, nous tablons que les gouvernements retireront les fonds de stimulation qu'ils ont injectés au cours des deux dernières années. Nous nous attendons à ce que les ménages rééquilibrent leur bilan. Nous constatons déjà des phénomènes tels que le raccourcissement de la durée des prêts hypothécaires. Nous savons que les niveaux d'endettement personnel sont très élevés, et tant M. Flaherty que le gouverneur de la Banque du Canada, M. Carney, ont averti que les ménages doivent réellement commencer à les réduire et c'est pourquoi nous escomptons un taux d'épargne positif des ménages d'environ 5 p. 100 cette année. Cela aura pour effet de ralentir un peu la reprise.
Le dollar, bien sûr, exerce un effet sur notre balance commerciale avec les États-Unis. D'autres prévisionnistes semblent penser que nos exportations se rétabliront. Nous prévoyons, certes, un rétablissement, mais nous pensons que la balance commerciale sera négative cette année, ce qui nous amène à inscrire un signe négatif dans notre prévision.
Ainsi donc, une croissance de 2,25 p. 100 n'est pas merveilleuse, mais je dirais qu'elle est beaucoup mieux soutenue que celle que l'on voit dans beaucoup d'autres pays. Les États-Unis dépendent toujours très fortement de mesures de relance financières et monétaires. Nous-mêmes sommes arrivés au point propice où nous pouvons retirer ce stimulant et revenir à un fondement plus solide axé sur la reprise de la consommation privée et de l'investissement. Voilà la première considération.
La deuxième est la suivante. J'ai parlé publiquement de l'équilibre financier à terme et exprimé l'avis que le gouvernement fédéral peut retrouver l'équilibre en 2015 comme il le prévoit, et peut-être même un peu plus tôt. Cet avis est largement fondé sur notre croyance que la croissance du revenu nominal va être un peu plus forte que prévue par le ministère et le consensus des prévisionnistes. L'an dernier, nous avons enregistré une croissance du revenu nominal plus forte que ne l'anticipait le budget. À terme, même en intégrant le retrait des mesures de relance dans nos prévisions, nous pensons que le gouvernement pourra revenir à l'équilibre budgétaire d'ici 2015.
Cela m'amène au troisième point, à savoir la nécessité de tenir le cap. Le gouvernement a mis en place ce que nous pensons être un cadre très rigoureux et approprié dans le dernier budget. Nous attendons maintenant les plans détaillés qui vont lentement réduire le déficit au cours des trois prochaines années et rétablir l'équilibre budgétaire en 2015. Nous ne perdons pas de vue, par exemple, que le gouvernement a réussi à gérer ses obligations futures lors de l'exercice précédent. À nos yeux, le gouvernement est un peu en avance sur son plan cette année. J'ai entendu M. Page dire que le déficit de l'exercice en cours est d'environ 40 milliards de dollars. C'est à peu près conforme à notre propre estimation. De fait, nous sommes peut-être un petit peu plus optimistes que cela, espérant que le chiffre final du déficit budgétaire s'établira à 38 milliards de dollars environ en fin d'exercice.
Nous pensons que l'engagement à retrouver l'équilibre budgétaire en 2015 est très important. Nous avons vu ce qui se passe lorsque les marchés obligatoires du monde perdent confiance dans les gouvernements. Cela est arrivé à de nombreux pays au cours de l'année écoulée. Nous pensons donc que le réancrage de la politique financière, avec l'engagement du retour à l'équilibre budgétaire, est très important.
Je vais m'en tenir là.
:
Bonjour et merci de nous recevoir.
Je représente la Fédération canadienne des coopératives de travail et j'aimerais rappeler d'emblée que l'ONU a déclaré que 2012 sera l'Année internationale des coopératives, afin de souligner l'importance des coopératives sur le plan du développement économique. Je voudrais d'ailleurs remercier le gouvernement fédéral d'avoir appuyé cette initiative de l'ONU.
Le Canada moderne, surtout le Canada rural, s'est beaucoup développé grâce aux coopératives. On parle souvent des coopératives agricoles, des caisses populaires et des credit unions, mais nous représentons une troisième famille de coopératives, les coopératives de travail.
Mon objectif premier est de vous expliquer un peu ce qu'est une coopérative de travail, afin de bien comprendre la différence avec les autres. En deuxième lieu, j'aimerais parler du potentiel et, surtout, en troisième lieu, j'aimerais aborder notre point focal, la question de la transmission d'entreprise. Environ 200 000 entreprises changeront de mains au cours des 10 prochaines années. Nous manquerons de repreneurs, et en région, cela pourrait être catastrophique. Toutefois, la coopérative se présente comme la formule idéale en région. Il s'agit d'ailleurs d'une solution poussée et encouragée par la Commission européenne dans tous les pays d'Europe.
Tâchons d'expliquer brièvement ce qu'est une coopérative de travail. En général, les gens ne connaissent pas cette formule. Nous, les coopératives, partageons tous la même façon d'être. Il s'agit d'entreprises démocratiques qui fonctionnent un peu comme le Parlement: une personne, un vote.
Cependant, la raison d'être peut être différente selon le type de coopérative. Par exemple, si une usine produit des bardeaux de cèdre et qu'elle est la propriété d'entrepreneurs privés qui ont investi dans l'entreprise, la logique de gestion de celle-ci est de maximiser les profits pour maximiser les dividendes. C'est sa logique de gestion. On va essayer d'acheter le cèdre — le matériau de base — le moins cher possible, de vendre le bardeau de cèdre le plus cher possible et d'avoir la masse salariale la plus basse possible.
Ensuite, si cette même usine était la propriété — cela pourrait être le cas au Québec — d'une coopérative forestière, la logique de gestion ne serait plus du tout la même. Ce serait toujours la même usine, avec le même nombre d'employés, le même type de matériau, mais la logique de gestion serait de faire en sorte que les fournisseurs de bois aient le meilleur prix possible. Ainsi, ils essaieraient toujours de vendre le bardeau de cèdre le plus cher possible et d'avoir la masse salariale la plus basse possible.
Si cette usine, au contraire, était en Suède ou en Angleterre, par exemple, et qu'elle était la propriété d'une coopérative de consommation, on inverserait encore la logique de gestion. On voudrait faire en sorte que les consommateurs paient le bardeau de cèdre le moins cher possible. Ce sont toujours les mêmes qui se font prendre, les travailleurs. On voudrait aussi que la masse salariale soit la plus basse possible et payer le bois de cèdre le moins cher possible.
J'en viens à la formule de la coopérative de travail. Notre coopérative, ce n'est pas une usine, nous sommes des professionnels. Mais si cette usine était la propriété des travailleurs, la logique de gestion, encore une fois, s'inverserait, sa raison d'être ne serait plus la même. Sa raison d'être serait de faire en sorte de protéger les emplois des travailleurs et de leur donner les meilleures conditions de travail, les meilleurs avantages sociaux possibles, le meilleur salaire possible. Par conséquent, il faudrait donc essayer d'acheter le bois le moins cher possible et essayer de vendre le bardeau de cèdre le plus cher possible. C'est une logique un peu différente.
Parlons maintenant du potentiel. Je dis et j'ai souvent écrit que les coopératives de travail peuvent réaliser leur plein potentiel dans les conditions modernes et actuelles de l'économie. Pourquoi? Il y a deux tendances majeures de l'économie qui influencent les marchés actuellement.
La première est le fait que nous, dans les pays du Nord, ne pouvons nous battre sur le plan du coût de la masse salariale, car nos salaires sont toujours plus élevés que dans les pays du Sud, les pays émergents. C'est pourquoi nous devons toujours cibler les produits à haute valeur ajoutée ou à autre intelligence ajoutée. Cela nécessite absolument des travailleurs très motivés, qui y mettent toute leur intelligence, afin de pouvoir réussir. C'est ce que nous trouvons de façon naturelle dans une coopérative de travail, car elle leur appartient. Ils savent qu'ils disposeront des profits. Par conséquent, ils ont intérêt à se mobiliser constamment. Le plus haut taux potentiel de productivité se trouve dans une coopérative de travail, ce qui stimule surtout la création de ce que j'appelle une entreprise intelligente qui correspond aux normes modernes.
La deuxième tendance, qui ne se répand pas dans toutes les régions actuellement mais dans ma région — je viens de Québec —, est que nous sommes en situation de plein emploi depuis des années. Ça va très bien, mais le gros problème est la pénurie. Des dizaines de milliers d'emplois ne sont pas comblés. Nous avons vraiment un problème de pénurie de personnel. L'enjeu dans la région est la rétention et l'attraction du personnel. Comment obtenir et attirer des employés? Encore une fois, la formule des coopératives de travail est tout à fait pertinente à cet effet, car c'est la formule qui permet vraiment d'attirer le plus et de retenir le personnel.
Ça fonctionne comme la pyramide de Maslow. Les besoins personnels de base, les besoins psychologiques d'autoréalisation sont satisfaits à l'intérieur de la coopérative de travail. Je pourrais vous en parler longuement. J'ai donné des cours de 45 heures sur le sujet. Quoi qu'il en soit, je n'irai pas plus loin.
Avant de céder la parole à ma directrice générale, je vais aborder la question du fameux transfert de 200 000 entreprises. C'est la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui a signalé le risque, il y a déjà presque 10 ans. Ce phénomène exceptionnel, qui va se manifester tout à coup, va se traduire par une courbe en forme de cloche. Je parle ici des entrepreneurs qui vont se retirer. On pensait atteindre le sommet de la courbe vers 2015, mais à mon avis, ça va se produire aux alentours de 2017 ou 2018.
Pour l'instant, il y a assez de repreneurs pour les entreprises, mais d'ici trois ou quatre ans au maximum, il va y avoir une pénurie grave de repreneurs. Par conséquent, des entreprises vont devoir fermer. La situation va être beaucoup plus grave en région parce que les incitatifs y seront beaucoup moins nombreux. Il ne restera alors que la formule des coopératives. C'est ce qu'a compris la communauté européenne. Le Fonds social européen finance un peu partout, notamment en France, en Italie, en Espagne, en Belgique et en Angleterre, des programmes visant à faciliter la reprise, le sauvetage des entreprises par les salariés.
C'est essentiellement ce qu'on vous propose. Le système des coopératives de travail peut permettre de sauver les emplois ainsi que les entreprises et maintenir le tissu économique dans les régions.
Je vais maintenant céder la parole à Hazel.
:
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant ce comité.
[Traduction]
Très brièvement, il existe aujourd'hui quelque 350 coopératives de travail au Canada, dont les deux tiers sont situées au Québec. Notre organisation, la Fédération canadienne des coopératives de travail est une association nationale. Elle a vu le jour il y a une vingtaine d'années et regroupe les coopératives de travailleurs, les coopératives de solidarité et les coopératives de travailleurs-actionnaires. Nos services comprennent un soutien au démarrage, un bulletin d'information, des recherches et un programme de REER qui permet à nos membres d'investir dans leurs propres entreprises. À l'heure actuelle, ce programme a plus de 14 millions de dollars investis.
La taille relativement modeste du secteur des coopératives de travail au Canada est en contraste avec ce secteur en Europe, où des centaines de milliers de personnes sont employées dans ce type de coopératives. Aux États-Unis, quelque 10 millions de personnes travaillent dans des entreprises appartenant à leurs employés, selon la formule des Employee Stock Ownership Plans, ou ESOP. Le Canada est donc loin en retard sur les pays de l'UE sur le plan de la taille du secteur et du recours à l'actionnariat des employés comme stratégie de succession dans les entreprises.
Je vais vous présenter un plan en trois points par lequel le gouvernement fédéral pourrait contribuer à résoudre cette crise de succession qui se profile, surtout dans les localités rurales, en faisant appel notamment à l'actionnariat du personnel. Certaines de ces mesures sont également applicables à d'autres parties du secteur coopératif.
Les trois mesures consistent, premièrement, à adopter une stratégie d'investissement dans les coopératives, deuxièmement, à rendre permanente l'initiative de développement coopératif fédérale et, troisièmement, à étendre ce programme que j'appelle l'IDC — soit l'initiative de développement coopératif — au domaine nouveau des conversions en coopératives de travail. Nous considérons que ces programmes pourraient représenter une contribution importante à l'Année internationale des coopératives des Nations Unies en 2012.
Examinant plus en détail la première mesure, la stratégie d'investissement dans les coopératives comporterait deux volets. Premièrement, il y aurait un fonds canadien de développement des coopératives, déjà proposé par les organisations fédératives que sont l'Association des coopératives du Canada, ou ACC, et le Conseil canadien de la coopération et de la mutualité, CCCM. Nous-mêmes, ainsi que la Centrale des caisses de crédit du Canada et d'autres, avons déjà prôné cette mesure au Parlement.
Le deuxième volet de la stratégie d'investissement serait un régime d'investissement coopératif fédéral sur le modèle du Régime d'investissement coopératif du Québec, qui accorde un crédit d'impôt pour l'investissement dans les coopératives de travailleurs et de producteurs ou d'agriculteurs, et ainsi de suite. Ces deux volets ont été unanimement approuvés par le Comité des finances dans son rapport prébudgétaire 2010, mais sans que la recommandation ne soit concrétisée dans le budget.
Pour vous donner quelques détails sur ces mesures, le fonds de développement des coopératives, qui serait cofinancé par le gouvernement fédéral et le secteur coopératif, consentirait des prêts aux coopératives nouvelles ou existantes. Il exigerait un apport ponctuel du gouvernement fédéral de 70 millions de dollars, ensuite de quoi il s'autofinancerait. Le fonds offrirait des prêts remboursables et non des subventions.
Tout investissement dans une coopérative serait fondé sur une analyse du plan d'affaires et de la capacité de remboursement de l'emprunt. Un exemple d'un tel fonds est l'Arctic Cooperative Development Fund, qui a été doté d'environ 10 millions de dollars en 1986 par le gouvernement fédéral et dont la valeur atteint aujourd'hui 30 millions de dollars et qui dessert des coopératives principalement autochtones dans le Nord. Ce serait donc une situation très similaire.
En 2008, le Secrétariat aux coopératives du gouvernement fédéral a retenu les services de PricewaterhouseCoopers pour étudier le modèle de fonds proposé par le secteur coopératif et a donné un avis très favorable. Nous sommes convaincus que ce fonds serait une source de financement efficace pour les coopératives de travail ainsi que d'autres types de coopératives.
Le régime d'investissement coopératif fédéral, comme je l'ai mentionné, reprendrait le modèle du Régime d'investissement coopératif du Québec. Il s'agirait d'un partenariat entre les citoyens qui investissent leurs fonds propres et le gouvernement fédéral. Dans le régime du Québec, près de 400 millions de dollars au total ont été placés par les membres et employés dans les coopératives admissibles entre 1985 et 2006. On estime que le régime au niveau fédéral coûterait entre 17 et 20 millions de dollars par an.
:
Merci beaucoup de m'avoir invité de nouveau. Je ne suis pas autorisé à projeter les diapositives, mais elles sont reproduites sur papier.
Je veux m'acquitter d'abord de mon obligation de divulgation, car je pense qu'elle est importante. Je n'ai pas de placements ou de contrats de consultant de quelque type que ce soit, nulle part dans le monde. Je suis un professeur pauvre. Mes opinions ne sont influencées par nulle organisation, société, ONG ou formation politique. Je fais énormément de recherche, et je me parle beaucoup, mais je suis un professeur jouissant de la permanence et donc libre de m'exprimer à l'abri de l'influence d'organisations externes.
J'ai également enseigné plus d'une centaine de fois dans le tiers monde. C'est important car je vais parler aujourd'hui de protectionnisme.
Hier soir et ce matin, je pensais ne pas donner de titre à ma présentation, mais j'en ai trouvé un. Je vais l'appeler « Toto, nous ne sommes plus au Kansas ». C'est une référence, bien sûr, à Dorothy dans le Magicien d'Oz et au fait que nous vivons dans un nouveau monde féerique, un monde en voie de globalisation rapide. De nouveaux gros concurrents se profilent — tels que la Chine, où j'ai enseigné chaque année depuis 1997 — et nous ne pouvons plus nous raccrocher aux politiques du passé.
Tout en étant généralement d'accord avec le tableau d'ensemble brossé par le DPB, à savoir que les risques à long terme sont beaucoup plus graves pour le Canada que ceux à court terme, je pense que nous sommes très solides. Je ne vais pas entrer dans les détails, car je n'ai pas la base de données dont dispose le Conference Board ou le ministère des Finances ou le DPB. Dans le peu de temps dont je dispose, je veux plutôt aborder certains grands enjeux stratégiques.
Je pense que nous avons l'économie la plus solide de l'OCDE aujourd'hui; cela est reconnu à l'échelle internationale. Je conviens également avec le DPB que les économies de l'Union européenne et des États-Unis sont en grand péril, en raison de l'endettement excessif et irresponsable de certains de ces pays, surtout les États-Unis et ceux d'Europe méridionale. Je postule également que la croissance économique est absolument vitale pour créer les emplois qui génèrent les impôts requis pour financer les programmes sociaux que nous chérissons.
Ce dont je veux réellement parler aujourd'hui, ce sont les trois menaces ou dommages ou risques auxquels sont confrontés le Canada et les Canadiens eux-mêmes.
La première est le protectionnisme. Je pense qu'il faut recadrer ce vieux débat qui a été discrédité dans la littérature de recherche. Je vous renvoie à l'étude de janvier 2010 de l'Institut de recherche en politiques publiques intitulée « Dispelling myths about foreign investment ». C'est un excellent résumé de toute la recherche et qui fait exploser tous ces mythes.
Il nous faut recentrer le débat autour, non plus de qui possède la compagnie, mais plutôt autour de qui investit au Canada et crée les emplois. En d'autres termes, une société canadienne qui n'investit pas chez nous, par opposition à une société étrangère qui le fait, est moins utile à mon sens — fait moins — qu'une société étrangère qui investit chez nous. De fait, la recherche fait apparaître très clairement que les sociétés étrangères ont une meilleure productivité et paient des salaires supérieurs. C'est un point important. Nous devons nous ouvrir et non pas verrouiller notre économie canadienne. Pourquoi? Parce qu'un tiers de la population est faite de « boomers » vieillissants.
Cela a été approuvé à l'unanimité au G-20 de novembre en Corée du Sud. L'OCDE, la Banque mondiale, l'OMC et l'OIT se sont élevés contre le protectionnisme. J'ai ces documents à la disposition du comité s'il les veut, et je peux les copier à partir de mon portatif. C'est dans « Commerce et emploi... Leçons pour l'avenir ». Vous avez là toutes les citations disant que tout protectionnisme est pernicieux pour l'économie.
Pour revenir au deuxième point, je veux juste mentionner une chose. Je réalise que je suis un chercheur, que j'appartiens au monde universitaire et je sais que certaines des choses que je vais dire aujourd'hui vont fâcher certains. Je l'accepte. Je ne suis pas un politicien. Je ne suis pas élu, j'ai la permanence. Vous ne pouvez me renvoyer et mon président ne peut me renvoyer. Je peux dire ce que je veux. Et je vais appuyer mes dires sur les recherches — des recherches arbitrées, professorales — menées par des organisations en vue comme l'OCDE.
Parlons de l'imposition des sociétés. J'ai suivi le débat au cours des deux derniers mois, et il me laisse abasourdi. Aucune mention n'est faite de l'OCDE, des études sur 10 ans effectuées par sa Direction de la recherche sur la politique fiscale. Elle a publié des douzaines et des douzaines d'études qui ont toutes conclu, irrévocablement, inconditionnellement, que les impôts sur les sociétés sont la forme d'imposition la plus néfaste à la croissance économique. Il n'y a aucune ambiguïté dans les recherches — aucune, zéro, nada. Je sais que cela va fâcher certains, mais c'est un fait.
Par ailleurs, au sujet de l'incidence de l'imposition, qui paie les impôts sur les sociétés? Il règne ce mythe au Canada voulant que les sociétés paient des impôts. Les sociétés ne paient pas d'impôt, même lorsqu'elles en payent. Je suis un ancien banquier. J'avais coutume de prêter des millions de dollars dans cette ville aux petites et moyennes entreprises. L'impôt n'est qu'un coût d'exploitation comme un autre, comme les salaires. C'est comme les locaux et l'équipement. Si vous ne payez pas ces factures, devinez quoi? La banque ou quelqu'un d'autre vous saisit et vous déclare insolvable.
Une société est un intermédiaire qui répercute tous ses coûts d'exploitation, impôts compris, soit sous forme d'une majoration des prix des biens et services fournis soit de salaires moindres. D'excellentes études ont été menées par la Direction de la recherche de la Federal Reserve Bank aux États-Unis montrant que cet impôt se traduit par des salaires plus faibles.
Le troisième débat porte sur la réforme visant à majorer le RPC. Beaucoup de gens se lamentent: « Oh, mon Dieu, les Canadiens sombrent dans la pauvreté. Nos aînés ne s'en sortent pas ». C'est une absurdité.
L'étude de l'OCDE « Panorama des systèmes de retraite » a établi — et j'ai ce rapport sur mon portatif et je peux le remettre au comité — que nous avons l'un des meilleurs filets de sécurité sociale au monde pour les personnes âgées, et que moins de 5 p. 100 de nos aînés vivent dans la pauvreté, l'un des taux les plus faibles sur la planète Terre. Si nous allons agir, il faudrait cibler ces 5 p. 100, soit environ 250 000 familles, plutôt que d'instaurer une majoration universelle qui va faire grimper les charges sociales des employeurs.
En conclusion, l'économie canadienne est extraordinairement forte. Je pense qu'elle est l'une des deux plus fortes économies de l'Occident, à côté de l'Allemagne. Mais de graves dangers se profilent.
Premièrement, le protectionnisme est un cancer qui va proliférant dans notre pays. Il faut l'enrayer tout de suite, dans l'intérêt de ceux qui se soucient de notre pays et des Canadiens. Comme je l'ai dit lors d'une interview à l'émission Lang & O'Leary vendredi dernier sur CBC, le protectionnisme engendre la pauvreté.
Deuxièmement, il faut à tout le moins réduire, voire éliminer, l'impôt sur les sociétés car c'est un impôt sur les travailleurs.
Et troisièmement, nous ne devons pas majorer le RPC; il faudrait plutôt cibler les 5 p. 100.
Merci.
:
Le plus grand point de divergence est notre prévision concernant la croissance du revenu nominal au cours des cinq prochaines années, laquelle pousse Kevin à dire qu'il y aura un déficit structurel en 2015. Nous ne pensons pas que tel sera le cas. Franchement, cela peut donner lieu à beaucoup de débat entre économistes, car nous parlons là d'une différence de seulement 1 ou 2 p. 100 dans la courbe de croissance sur cinq ans. Voilà donc un point de divergence.
Pour ce qui est des points d'accord, j'ai entendu un certain nombre de choses auxquelles je souscris totalement.
Premièrement, nous sommes autant préoccupés que quiconque des chiffres lamentables de croissance de la productivité du Canada. Le diagramme dans son exposé montrant le fléchissement des taux de croissance de la productivité sur plusieurs décennies est très frappant. C'est un domaine sur lequel nous faisons beaucoup de recherche. Moi, personnellement, l'ai beaucoup étudié. Nous devons réellement changer de façon de voir.
Dans une large mesure, notre économie nationale s'en est remis pendant beaucoup trop longtemps à notre monnaie faible pour être compétitive dans le monde, et ce laisser-aller nous a maintenant rattrapés. Cela a commencé réellement autour de 2003-2004, lorsque le prix du pétrole a grimpé — et je pense qu'il va continuer à grimper — et que le dollar a suivi le mouvement parce que notre monnaie est une pétro-monnaie. Il faut réellement réfléchir à la productivité.
L'autre point qui m'a réellement frappé, c'est sa courbe démographique, qui va dans l'autre direction. Nous sommes pris en quelque sorte dans un étau aujourd'hui. D'une part nous avons une faible croissance de la productivité et, d'autre part, nous avons le vieillissement démographique, qui va signifier une croissance beaucoup plus lente de la main-d'oeuvre à l'avenir.
Cela mine réellement notre économie nationale, car la croissance démographique est un moteur clé de la croissance économique. Si nous pouvions régler le problème de la productivité, nous pourrions suppléer au ralentissement de la croissance de la main-d'oeuvre. Mais si nous ne faisons rien, nous allons devenir un pays beaucoup plus pauvre. J'ai donc été très frappé par sa vision à moyen terme, que je partage tout à fait.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Hodgson, c'est toujours un plaisir.
Monsieur Bridault, je vous remercie beaucoup.
Madame Corcoran et monsieur Lee, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'avoir apporté autant de réflexions à nos travaux aujourd'hui.
Je commencerai par m'adresser à vous, madame Corcoran. Vous avez fait valoir un élément ayant été peu développé lorsque nous étions en train d'étudier différents scénarios de projections économiques en vue des prochains budgets. Très peu de gens ont soulevé les angles que vous et M. Bridault avez soulevés.
Comme le temps vous a manqué au début, j'aimerais vous donner l'occasion de compléter votre idée concernant les possibilités qu'offre ce modèle économique en vue de la reprise des entreprises. Vous avez souligné les deux forces comme point d'appui, soit le défi démographique et le défi en matière d'échange international. Nous avons évoqué L'Islet. On a vu ce qui est arrivé avec Stryker Médical Québec, pour être convaincus.
Auparavant, un représentant du Québec siégeait au Comité permanent des finances, alors qu'aujourd'hui, il n'y en a aucun, du côté des conservateurs. Ça en dit long.
J'aimerais donc vous permettre, madame Corcoran et monsieur Bridault, de terminer votre réflexion à ce sujet, pour le bénéfice de cette commission parlementaire.
:
Je ne veux pas refaire un cours, mais je voudrais signaler que la problématique globale de transmission d'entreprise aux travailleurs a été déjà bien étudiée. Dans certains cas, d'ailleurs, ce ne sont pas forcément des travailleurs. Ça peut être un petit commerce, un petit magasin général où il y a un ou deux employés. Ce n'est pas forcément une coopérative de travail, ça peut être une coopérative de solidarité, une
multi-stakeholder coop communautaire. Ça a d'ailleurs été développé grâce au financement fédéral. Il y a tout un ensemble de documents sur la problématique globale. On a la version française ici de « Relais COOP » de même que la version anglaise.
Ce que je voulais dire concerne la recherche de la FCEI, qui a sonné l'alarme. Cinq pour cent des 200 000 entreprises évoquées dans la recherche sont des moyennes à grosses entreprises comptant plus de 20 ou 25 employés. Tout le monde qui cherche à écrémer le marché cible ça. Je pense aux cabinets comptables, aux banques.
Toutefois, 95 p. 100 des entreprises sont négligées parce qu'il y a moins d'argent à gagner. On retrouve beaucoup de ces 95 p. 100 d'entreprises dans le milieu rural. C'est cette cible qu'on vise beaucoup le plus.
En région, un entrepreneur qui a démarré sa petite entreprise d'une vingtaine d'employés est toujours fier de son entreprise. Ces entrepreneurs ne vont pas vouloir simplement la vendre pour ensuite aller au soleil et s'en foutre. Ils ont leur réputation familiale, ils sont dans leur milieu. C'est cette cible qu'on vise. Ceux-là sont nos premiers partenaires.
Par ailleurs, pour compléter un peu le tableau — et ça fait suite un peu à la question de M. Hiebert —, les entrepreneurs ne sont pas prêts. Mme Corcoran en a parlé. Des recherches ont démontré que 70 p. 100 des entrepreneurs, qui sont de ma génération — des papy boomers, plutôt que baby boomers maintenant —, ne veulent pas y penser. Pour eux, c'est leur bébé. Ils ont du mal à faire le deuil de leur entreprise. Ils ne s'y préparent pas. Le taux d'échec est énorme, quand on ne s'est pas préparé.
C'est pourquoi on vient dire qu'il faut s'y préparer à l'avance. Il faut pouvoir avoir un dispositif qui les prépare, les sensibilise, les encadre, les aide. En outre, il faut notamment un dispositif financier. C'est la raison pour laquelle on parlait du RIC, de ces formules. Un fonds canadien pourrait offrir des garanties de prêt pour que les travailleurs puissent acheter leur part, investir dans leur entreprise et la racheter.
:
Merci beaucoup de la question.
La réponse est en deux parties.
Premièrement, avant que le poste de directeur parlementaire du budget ne soit créé, nous-mêmes fournissions une prévision à votre comité. À un moment donné, il y a trois ou quatre ans, votre comité a engagé quatre prévisionnistes indépendants pour vous donner une estimation des résultats financiers. Nous étions l'un de ces quatre. Si vous voulez nous engager, je serais ravi de fournir de nouveau ce service. Mais à titre d'organisation sans but lucratif, je n'ai pas les ressources internes requises pour faire le travail gratuitement, pour parler franchement, car alors j'irais à la faillite. Je pense que les remarques des quatre d'entre nous reflètent cette réalité.
Deuxièmement, dans notre prévision, qui est disponible aux abonnés, nous entrevoyons une croissance du revenu nominal plus forte les premières années. Nous anticipons donc une plus forte croissance du revenu nominal, laquelle est essentiellement la somme de l'inflation plus la croissance économique réelle, l'année dernière et cette année, ce qui nous place au-dessus de la courbe dessinée par M. Page. Et, bien sûr, une fois que vous intégrez cela dans votre prévision, cela devient un facteur permanent pour la suite. Nous anticipons donc une croissance du revenu nominal plus forte.
Le PIB nominal, jusqu'en 2015, sera supérieur dans notre prévision, et par conséquent les recettes du gouvernement seront supérieures, et nous avons donc un déficit financier plus petit, tous les autres facteurs étant inchangés. Voilà en gros la piste que nous dessinons.
Je suis même d'accord avec Kevin, avec ses préoccupations relatives à la productivité et au défi démographique que notre pays va connaître. Je pense que son analyse à cet égard est très solide et recoupe tout notre travail.
Beaucoup de documents sont gratuits sur notre site Internet et je peux vous les fournir, mais nous ne pouvons livrer certains produits que sur abonnement, car autrement je ne puis pas payer les salaires du personnel.
:
Pour commencer, je suis d'accord avec vous. J'ai dit la même chose à notre conseil la semaine dernière. Dans une large mesure, nos gouvernements ont fait tout ce qu'il fallait sur le plan de la réforme fiscale: suppression de la taxe sur le capital, qui à mes yeux est la taxe la plus stupide que l'on puisse imaginer, puisqu'elle taxait l'accumulation de capital; réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés; harmonisation des taxes de vente avec les provinces et ainsi de suite. Les investissements ont été multipliés, depuis les chaires universitaires jusqu'au lourd investissement du secteur public dans la R-D au Canada.
Je pense donc que nos gouvernements ont à peu près fait ce qu'il fallait. La vérité est que nous avons probablement connu 25 années au Canada pendant lesquelles nous avons poussé les entreprises à sous-investir, du fait de la structure de notre fiscalité. Nous avons mené une étude l'an dernier, par exemple, qui examinait l'investissement dans le capital humain par opposition au capital physique, et les résultats sont très clairs. Nous avons pris du retard. Il faut du temps pour rattraper. Je vois qu'un petit tournant est peut-être en train de se produire. Nous avons vu l'investissement dans les machines et équipements s'accélérer au cours des trois derniers trimestres — mais cela ne fait que trois trimestres — et c'est ce qui convient. Les entreprises privées devraient investir aujourd'hui, à un moment où elles peuvent importer la technologie à un bien meilleur taux de change qu'au cours des 25 dernières années et où elles y sont fortement incitées du fait que notre monnaie forte les rend moins compétitives sur le marché américain ou ailleurs dans le monde.
Nous sommes peut-être arrivés à un tournant. Le problème, c'est que nous revenons de très loin. Nous avons décerné au Canada la note D pour l'innovation au cours des dernières années dans notre bulletin de notes sur le Canada. Nous en préparons un de nouveau, qui devrait sortir dans les six à huit prochaines semaines. Ma crainte est que nous ayons de nouveau un D, car nous n'avons réellement pas eu à construire au Canada une culture de l'innovation. Je pense que c'est peut-être là l'élément essentiel.
Vous avez donc tout à fait raison, monsieur le président, la balle est passée des pouvoirs publics, qui ont fait leur part, aux mains du secteur privé. Peut-être voyons-nous les premiers signes d'un changement dans leur comportement d'investissement, mais peut-être non. J'aimerais voir davantage de signes que les entreprises ont vraiment compris qu'avec la mondialisation, un monde très différent, il nous faut changer de comportement. Nous devons mettre à plat les modèles d'affaires, être prêts à relocaliser des parties de notre production — à l'étranger, pour dire les choses carrément, là où le travail peut être fait à moindre coût— et nous concentrer sur les emplois de haute valeur, à salaire élevé, au Canada même. Mais cela n'est pas automatique, loin de là.
Nous songeons même à créer au Conference Board un nouveau centre de recherche axé sur tout ce thème. J'en ai parlé à quelques grandes sociétés et il y a un appétit à investir dans ce genre de recherche, car c'est le gros défi auquel le Canada est confronté: comment stimuler la croissance de notre productivité.