SDIR Réunion de comité
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 mai 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
[Français]
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. En ce 3 mai 2012, nous tenons notre 35e séance.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous recevons comme témoin M. Tin Maung Htoo, directeur exécutif des Amis canadiens de la Birmanie.
[Traduction]
Monsieur Tin Maung Htoo, directeur exécutif des Amis canadiens de la Birmanie, est avec nous aujourd'hui pour témoigner dans le cadre de nos audiences sur la situation des droits de la personne en Birmanie.
Nous accordons habituellement 10 minutes pour le témoignage, qui est suivi d'une période de questions et réponses.
Sans plus tarder, j'inviterais notre témoin à commencer. Merci.
Monsieur le président et honorables membres du comité, c'est pour moi un grand honneur de vous parler aujourd'hui de la Birmanie et de répondre à vos questions sur la situation politique actuelle de ce pays.
Je représente les Amis canadiens de la Birmanie, une organisation non gouvernementale constituée en vertu d'une loi fédérale qui s'emploie à défendre la démocratie et le respect des droits de la personne en Birmanie. Nous avons célébré, plus tôt cette année, le 20e anniversaire de l'organisation, qui marque une étape importante dans les mesures prises par le Canada pour appuyer le cheminement de la Birmanie vers la démocratie. Nous remercions le gouvernement du Canada et les députés de leur soutien indéfectible, qui est une inspiration pour les Birmans.
Nous savons tous que la Birmanie est actuellement à la croisée des chemins. Nous voyons des signes encourageants, et nous devrions tous reconnaître que le Canada a joué un rôle important dans cette transformation politique. Toutefois, nous devons demeurer réalistes quant à la rapidité et à l'étendue des changements. La Birmanie a un long chemin à faire vers la démocratie.
Peu de temps avant les élections partielles du mois dernier, on a demandé à Aung San Suu Kyi d'attribuer une note allant de un sur dix pour les progrès de la démocratie dans son pays, la note dix étant une démocratie complète. Quelle a été sa réponse? « Nous nous dirigeons vers la note un. »
Nous croyons comprendre que le gouvernement du Canada entend suspendre ses sanctions économiques contre la Birmanie pour l'encourager à progresser davantage dans ses réformes politiques. Or, il aurait bien mieux valu que le ministre John Baird attende un peu pour connaître le résultat probable des sanctions économiques les plus sévères imposées par le Canada.
Par exemple, le moment aurait été parfait hier pour que le ministre Baird annonce des modifications à certaines sanctions, parce que la chef de la démocratie birmane Aung San Suu Kyi et ses collègues élus ont finalement accepté d'entrer au Parlement birman après un différend au sujet du libellé concernant l'obligation de prêter serment à l'endroit de la Constitution.
Naturellement, une étape importante a été franchie, mais nous ne devons pas oublier que de nombreux défis demeurent. L'une des raisons qui ont poussé la dissidente à se présenter aux élections partielles tenait à ce qu'elle essayait de faire changer la Constitution actuelle, qui est rédigée pour favoriser le régime militaire en Birmanie.
Monsieur le président, vous savez probablement que 25 p. 100 des sièges au Parlement sont réservés pour l'armée. Des portefeuilles clés du Cabinet, comme la défense, les affaires intérieures et les affaires frontalières sont également réservés pour l'armée. De plus, le commandant en chef a le pouvoir de décréter la loi martiale et même d'abolir le Parlement, ce qui place le régime militaire au-dessus du gouvernement et de la Constitution.
Les ressources naturelles birmanes sont actuellement de plus en plus recherchées sur la scène internationale. En conséquence, les gens d'affaires du Canada et d'ailleurs applaudissent la suspension immédiate des sanctions économiques canadiennes. Comme l'a dit l'ambassadeur de la Birmanie au Canada, M. U Kyaw Tin, dans une entrevue à Postmedia:
Un certain nombre de sociétés canadiennes, tout particulièrement dans le secteur de l'énergie, se sont montrées intéressées à se joindre aux nombreuses autres sociétés internationales qui se trouvent actuellement dans la capitale Yangon, à la recherche de contrats et d'occasions d'affaires. Elles y voient de nombreuses occasions d'affaires pour les pipelines de pétrole et de gaz. Certaines compagnies aurifères recherchent également des occasions d'affaires.
Comme défenseur des droits de la personne, j'ai certaines réserves concernant cette tendance. En effet, il est un peu trop tôt pour suspendre les sanctions économiques. Le Canada a perdu une bonne occasion d'exercer son influence pour favoriser une réforme politique réelle. Je crois que nous sommes en train de déposer les armes et de nous priver de munitions que nous ne pourrons pas ravoir, si cela est nécessaire, à cause de difficultés inhérentes au cadre légal du Canada. Nous faisons campagne depuis plus d'une décennie pour l'imposition de sanctions économiques sévères, et nous demeurons prudents dans l'évaluation que nous faisons de la situation politique en Birmanie, qui demeure pour nous fragile.
À cet égard, nous avons quelques questions sur les mécanismes mis en place pour la suspension des sanctions économiques. Par exemple, la suspension des sanctions économiques par l'Union européenne est assujettie à un processus d'examen après six mois et elle comporte une période de prolongation d'un an. Les États-Unis ont mis en place un mécanisme semblable. Toutefois, nous n'avons rien vu de tel au Canada. En conséquence, nous demandons au gouvernement canadien davantage de précisions sur la question. Nous sommes bien conscients qu'il est difficile d'invoquer la Loi sur les mesures économiques spéciales pour imposer des sanctions économiques à un pays. En fait, il faut certaines conditions pour recourir à cette loi.
Par le passé, on nous a dit que la Birmanie ne se qualifiait pas pour cela et que le Canada ne pouvait donc pas imposer des sanctions économiques. Toutefois, le Canada a imposé les sanctions économiques les plus sévères au monde à la fin de 2007 parce que le gouvernement canadien, le Parlement et la population le voulaient très fort, à un point tel que certains obstacles législatifs ont pu être surmontés. Les sanctions imposées par le Canada à la Birmanie étaient uniques, et j'aimerais remercier certains membres du Cabinet, anciens et actuels, y compris les députés, qui ont rendu possible l'imposition de ces sanctions économiques sévères.
La semaine dernière, le 27 avril, les Amis canadiens de la Birmanie ont tenu une consultation stratégique à l'Université d'Ottawa auprès d'organismes de la société civile canadienne et de membres clés des Amis de la Birmanie. Nous en sommes actuellement à l'étape finale de rédaction d'une série de recommandations destinées au gouvernement du Canada; nous serons en mesure de soumettre le document à l'honorable John Baird dans les semaines à venir.
Au cours de la consultation, nous avons accueilli favorablement les progrès survenus en Birmanie, y compris la libération de certains prisonniers politiques et les élections partielles du 1er avril au cours desquelles le principal parti de l'opposition, la Ligue nationale pour la démocratie, a remporté 43 des 45 sièges mis aux voix, ce qui représente environ 6 p. 100 du total des sièges.
À notre avis, ces progrès demeurent en fait provisoires, et nous maintenons donc nos six recommandations stratégiques à l'intention du gouvernement du Canada.
Premièrement, le Canada devrait demander l'abolition des lois répressives et la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques en Birmanie. On compte au moins 493 prisonniers politiques confirmés qui sont toujours derrière les barreaux en Birmanie. Le nombre réel serait beaucoup plus élevé.
Deuxièmement, le Canada devrait demander un cessez-le-feu partout sur le territoire national et le retrait des troupes des zones de conflit. Le gouvernement birman a signé quelques accords de cessez-le-feu depuis 2011. Toutefois, ces accords sont fragiles et, dans certains cas, ils sont l'objet de violations. En effet, au lieu de retirer ses troupes, l'armée birmane utilise les cessez-le-feu pour renforcer et réapprovisionner ses troupes dans les zones concernées, et même pour y envoyer des armes lourdes.
Ce qui est plus important encore, c'est le conflit violent qui a cours dans l'État de Kashin, un conflit préoccupant qui demeure non résolu à ce jour. Les pourparlers de paix doivent comprendre des accords sur une réforme politique pour que les cessez-le-feu soient durables, mais le gouvernement birman n'a pas accepté de tenir de tels pourparlers jusqu'à maintenant.
Troisièmement, le Canada doit demander la participation de toutes les parties au dialogue. Les minorités ethniques et religieuses et les femmes ne peuvent être exclues des pourparlers sur la réforme, la paix et la démocratie.
Quatrièmement, le Canada doit demander que justice soit faite. On ne sait pas si les auteurs des violations passées et présentes des droits de la personne ont profité d'une impunité; en outre, on sait que certaines victimes n'ont pas obtenu justice. De façon plus générale, la primauté du droit n'est pas appliquée de façon efficace en Birmanie. Par exemple, aucun officier de l'armée ni aucun soldat n'a été poursuivi ou condamné pour des violations des droits de la personne et des crimes en vertu de la loi birmane, y compris pour agression sexuelle, meurtre et travail forcé, et d'anciens militaires soupçonnés de violation des droits de la personne occupent des postes au gouvernement.
Cinquièmement, il faut appuyer nos organisations de la société civile locale. Certains pays ont retiré de façon drastique et délibérée le soutien qu'ils accordaient à des partenariats en place depuis des décennies avec des organisations humanitaires et de la société civile qui entrent en Birmanie depuis des pays frontaliers et qui prêtent assistance aux réfugiés dans les pays voisins. En conséquence, nous demandons au Canada de maintenir les engagements qu'il a pris auprès des organismes humanitaires et des organismes de la société civile transfrontaliers.
Notre sixième recommandation porte sur les sanctions. Les Amis canadiens de la Birmanie demandent instamment de maintenir toutes les sanctions qui n'ont pas déjà été suspendues, comme celles qui visent les individus du régime birman soupçonnés de violation des droits de la personne et d'activités commerciales liées au régime militaire. Nous avons également besoin de précisions sur les détails de la suspension des sanctions et sur les critères précis qui, s'ils ne sont pas satisfaits, conduiraient à la révocation de la suspension.
Nous exhortons le gouvernement du Canada à continuer d'exercer des pressions pour l'atteinte d'objectifs particuliers dans les progrès vers la démocratie. Et ce qui presse peut-être encore plus, nous exhortons le gouvernement à faire connaître vivement ses préoccupations au sujet du conflit qui a cours dans l'État du Kashin et à participer aux efforts humanitaires déployés pour les réfugiés et pour les gens déplacés à l'intérieur du pays.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à comparaître devant vous.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Hiebert pour la première série de questions.
Étant donné le temps que nous avons — nous avons beaucoup plus de temps que d'habitude pour les questions —, nous pouvons nous permettre des questions et réponses de sept minutes.
Monsieur Hiebert.
Je vous remercie beaucoup de votre présence parmi nous et du témoignage solide que vous nous avez donné.
Vous avez déjà en partie répondu à certaines de mes questions, tout spécialement dans les six recommandations que vous venez d'énumérer. En clair, vous proposez que le gouvernement maintienne les sanctions, ou au moins celles qui restent.
Je vais commencer par cette question. Nous avons vu clairement certains signes de changement, avec les élections et l'entrée au Parlement hier de Aung San Suu Kyi. Pourriez-vous nous parler un peu de la liberté de la presse, de la liberté de culte et de la liberté de mouvement en Birmanie?
Également, pourriez-vous nous parler des dissidents politiques toujours détenus dans ce pays, qui sont au nombre de 493 ou plus encore?
Dans l'ensemble, la situation semble très encourageante en surface, mais si on y regarde de plus près, elle est bien différente.
Pour ce qui est de la liberté d'expression ou de la liberté de la presse, il y a une certaine liberté de la presse, mais, aujourd'hui par exemple, il y a plus de médias internationaux. Selon de nombreux organismes de défense de la presse, il y a toujours très peu de libertés en Birmanie pour l'accès à Internet et la publication de certains articles dans lesquels le gouvernement est critiqué.
La loi sur la presse demeure en vigueur en Birmanie. Les articles ou les opinions doivent être soumis au bureau de la censure. Il faut donc attendre et voir dans quelle mesure le gouvernement accordera la liberté d'expression aux Birmans. Naturellement, nous ne sommes pas totalement satisfaits de ce qui se passe. Il est à espérer que les choses s'amélioreront.
Pour ce qui est des prisonniers politiques, nous avons reçu beaucoup d'information sur les dissidents politiques qui demeurent incarcérés. Comme je l'ai dit, il y a près de 500 personnes, mais il y en a encore 400 autres qui font actuellement l'objet d'une vérification. Pourquoi est-il difficile d'obtenir le nombre exact de prisonniers politiques? Selon la loi birmane, la personne qui enfreint la loi n'est pas considérée comme un prisonnier politique. Il n'y a donc pas de prisonniers politiques en Birmanie, selon le gouvernement actuel. Ce gouvernement n'a jamais reconnu qu'il y a des prisonniers politiques dans son pays, ce qui rend les choses très, très difficiles. Nous avons toutefois beaucoup d'organisations importantes qui s'attachent à vérifier ces chiffres. Il est également important que nous continuions de demander au gouvernement birman de libérer tous les prisonniers politiques, parce que la communauté internationale s'apprête à avaliser les prétendues réformes politiques en Birmanie.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez également parlé du conflit qui a cours dans l'État de Kashin. Je me suis alors rappelé qu'un cessez-le-feu a été en vigueur pendant 17 ans dans cette région, mais que les hostilités ont repris l'automne dernier.
J'essaie encore de comprendre la situation. Comme la démocratie progresse partout dans le pays, pourquoi y a-t-il une intensification du conflit dans cet État? Avez-vous une explication à ce sujet?
L'organisation de Kashin défend une position politique. Les responsables de cette organisation invoquent un ancien document appelé accord de Panglong, qui est à l'origine de la création du pays. C'est cet accord qui a donné à la Birmanie son indépendance des Britanniques. L'accord concernait tous les leaders ethniques de l'époque, ce qui faisait de la Birmanie une sorte de fédération, mais ce rêve ne s'est jamais concrétisé.
Même si les groupes armés du Kashin ont obtenu un cessez-le-feu pendant 17 ans, comme vous l'avez mentionné, des affrontements ont éclaté l'an dernier. Ces affrontements sont survenus dans une région très stratégique, soit la région du fleuve Irrawaddy. Dans les environs du fleuve, des sociétés chinoises sont en train de construire un barrage immense qui les oblige à bloquer deux cours d'eau. Les combattants du Kashin sont également très actifs dans ce secteur et ils veulent garder les autorités sous contrôle, mais l'armée birmane essaie de les repousser. C'est ce qui a déclenché les hostilités l'année dernière.
Il y a deux problèmes, l'un est relié au barrage, et l'autre est une question politique. Les politiciens demandent constamment que des solutions politiques soient apportées aux problèmes pour assurer la paix dans le pays et la coexistence, mais les gouvernements militaires birmans qui se sont succédé ne se sont jamais entendus sur le genre de solutions politiques à apporter.
L'État de Kashin est-il le seul à demander ce genre d'autonomie? Je serais porté à croire que d'autres États ont formulé la même demande.
Beaucoup d'autres peuples et organisations ethniques demandent également la même autonomie et veulent s'auto-gouverner en Birmanie, mais le Kashin, en autant que je sache, est celui qui revendique son autonomie le plus fortement en Birmanie.
Pouvez-vous nous parler du travail forcé dans certaines industries, et de la situation actuelle qui a cours à ce sujet? Nous avons entendu dire que c'est un problème. Je ne sais pas comment fonctionne le régime du travail forcé. Peut-être pourriez-vous nous aider à comprendre de quoi il en retourne?
La situation du travail forcé en Birmanie était très mauvaise par le passé. Lorsque l'Organisation internationale du Travail s'en est mêlée, le gouvernement birman précédent a décidé d'appliquer certaines normes et même de changer quelques lois pour éviter le recours au travail forcé en Birmanie, mais le problème demeure dans certaines parties du pays. Le travail forcé survient habituellement dans les villages où il y a du développement, comme la construction d'une route. Tous les gens qui habitent le village sont supposés contribuer de la main-d'oeuvre ou de l'argent. S'ils ne le font pas, ils subissent certaines conséquences. C'est de cette façon que le travail forcé fonctionne en Birmanie.
Il y a aussi le gouvernement birman qui justifie habituellement le travail forcé en disant que c'est une tradition. Selon le gouvernement, tout le monde est censé participer au développement de la collectivité et c'est de cette façon que les Birmans fonctionnent depuis longtemps. Toutefois, tel n'est pas le cas. Dans les régions où des capitaux étrangers sont investis, par exemple, on a signalé des problèmes de travail forcé chez des sociétés pétrolières qui construisent des pipelines dans le sud de la Birmanie, ou même dans le nord, où un immense pipeline traverse les hautes terres du pays, de la mer d'Andaman à la Chine.
Je crois que le gouvernement canadien devrait faire examiner la situation par l'Organisation internationale du Travail et par d'autres syndicats, qui pourraient déterminer si les progrès accomplis correspondent à nos attentes.
Merci, monsieur le président. Je désire souhaiter la bienvenue à notre invité.
Beaucoup de Canadiens sont très préoccupés de la responsabilité sociale des compagnies canadiennes qui mènent des activités dans d'autres régions du monde. Il convient de dire que les investissements des sociétés minières fournissent au régime militaire birman la source la plus importante de revenu légitime. Naturellement, les sociétés minières canadiennes sont présentes à cet égard. Ivanhoe Mines, par exemple, exploite une co-entreprise à part égale avec la junte militaire, et exploite ce que beaucoup diraient être le plus gros projet minier réalisé par des étrangers au pays. Nous croyons savoir que quatre ou cinq autres sociétés plus petites ont également des activités là-bas. Naturellement, ces sociétés contribuent au financement du régime. Pouvez-vous les nommer?
Il y a quelques sociétés minières. Certaines font de la prospection dans le nord de la Birmanie, à la recherche de certaines pierres précieuses. À ce que je sache, certaines compagnies ont quitté le pays — par exemple, Jet Gold, une société qui était basée sur la côte Ouest et qui, je crois, ne fait plus d'affaires là-bas. La guerre commerciale qui a cours, comme vous le savez, a amené ces sociétés à se retirer les unes après les autres en quelques années.
Dans le cas particulier de la société Ivanhoe, nous devons être très prudents. Nous ne sommes pas opposés aux investissements en Birmanie, naturellement, si cela est bon pour la population, tout spécialement dans les régions rurales. Toutefois, dans le cas d'Ivanhoe, nous avons reçu beaucoup de renseignements sur une certaine forme de complicité avec les autorités correctionnelles, par exemple. On observe également de nombreux problèmes de dégradation de l'environnement dans cette région.
J'aimerais vous faire part d'un exemple. Récemment, des centaines de villageois ont protesté contre le confinement de résidus miniers, de certains produits chimiques et d'autres matières autour de leur village. Ils se sont levés et ont protesté contre cela. Ce genre de choses, ce sont les sociétés chinoises qui les font.
Je veux que vous sachiez que les sociétés chinoises ont acquis les immobilisations minières de la société canadienne Ivanhoe. Ces sociétés chinoises font le travail que Ivanhoe faisait auparavant.
Pour ce qui est de la responsabilité sociale, à qui revient la responsabilité des problèmes de dégradation de l'environnement dans cette région? Voilà la question qui se pose à nous. Ivanhoe a toujours nié sa responsabilité. Il est très important de préciser que la Birmanie n'a pas de normes environnementales ni de normes pour la responsabilité sociale, de sorte que les sociétés étrangères profitent de la situation et tirent avantage de tout ce qu'ils peuvent.
Si une société minière canadienne s'apprête à exploiter une mine en Birmanie dans le proche avenir, nous recommandons que le gouvernement prenne les mesures voulues pour que cette société ne se retrouve pas dans ce genre de situation et qu'elle ne reproduise pas les problèmes observés dans les activités minières d'Ivanhoe. Nous sommes en train d'élaborer un document à ce sujet, dans lequel nous formulons une recommandation particulière concernant la responsabilité sociale des entreprises.
Vous dites que vous êtes en train de préparer un document. Sera-t-il bientôt prêt? Pourriez-vous nous le fournir bientôt?
Oui, nous sommes en train de régler les derniers détails. J'espérais pouvoir vous le présenter, mais nous sommes encore en train d'en discuter et d'y travailler. Nous pourrons peut-être vous le présenter dans une semaine ou deux.
C'est un document que nous pourrions certainement recevoir par l'entremise de la greffière. Merci.
La mine de cuivre dont vous parliez serait-elle la mine Monywa?
Alors, c'était la mine d'Ivanhoé.
De façon générale, quel bilan feriez-vous concernant les opérations de toutes les sociétés canadiennes qui exploitent une mine en Birmanie? Vous avez parlé très précisément d'Ivanhoé, mais il y en a d'autres là-bas.
Je ne connais pas les détails pour les autres sociétés minières, mais je connais certaines choses concernant les mines exploitées par Ivanhoé.
Selon ce que je peux voir, il y a des sociétés minières en Birmanie qui n'ont pas acquis ce genre de mauvaise réputation par le passé. Elles se sont rendues là-bas simplement pour étudier la possibilité d'investir ou pour explorer les ressources minières possibles. Certaines sociétés ont quitté le pays lorsqu'elles ont constaté que l'investissement n'en valait pas la peine pour elles.
Ivanhoé est la seule société qui a eu pas mal d'ennuis. Elle a commis quelques irrégularités en Birmanie également. La société canadienne a dû faire face à beaucoup de difficultés à cause de la façon dont le gouvernement birman gère les choses. La société Ivanhoé a éprouvé de nombreux problèmes également.
L'une des choses qui nous a été signalées concernant différents pays où des sociétés étrangères, et pas seulement des sociétés canadiennes, mènent des opérations, c'est que ces sociétés doivent embaucher des organisations paramilitaires pour assurer leur sécurité. Il arrive parfois que ces organisations font obstacle aux allées et venues des citoyens dans les régions où les sociétés cherchent à exploiter une mine ou à mener des opérations.
Avez-vous des preuves à ce sujet, particulièrement dans le cas d'Ivanhoé, puisque vous connaissez mieux cette société?
Certainement.
Des sociétés minières embauchent des groupes paramilitaires pour assurer leur sécurité dans certains pays. Ces groupes ont la réputation de très mal traiter les gens. Avez-vous des preuves de comportements de la sorte dans votre pays?
Chaque année, la société Ivanhoé, qui exploitait une mine de cuivre, était censée contribuer au financement de certains régimes militaires. Selon nos dossiers, beaucoup transfèrent leurs sociétés de production de façon à fonctionner comme des entreprises d'État. Selon nos dossiers, ce genre d'activité survient, mais on n'embauche pas de militaires pour protéger les entreprises.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur Maung Htoo. Merci beaucoup. Nous avons un très grand respect pour les défenseurs des droits de la personne, mais nous portons encore en plus haute estime les défenseurs des droits de la personne qui ont été incarcérés et qui savent ce que c'est que d'être privés de leurs droits. Nous sommes très heureux de connaître votre perspective sur les préoccupations concernant la Birmanie.
Nous avons discuté l'autre jour de l'utilisation du terme Birmanie au lieu de celui de Myanmar. Pourquoi n'appelez-vous pas votre organisation les Amis du Myanmar?
Oui, je peux donner une explication.
Lorsque les militaires ont pris le pouvoir et mis fin au mouvement pacifique partout au pays, ils ont non seulement changé le nom du pays, mais également tous les noms, comme ceux des rues et des cantons, qui avaient été donnés par les Britanniques. Comme vous le savez, les Britanniques ont été en Birmanie pendant plus de 100 ans. D'une certaine façon, les militaires montrent que nous sommes très nationalistes et que nous n'aimons pas les Britanniques; en changeant tous les noms, ils essaient de marquer certains points politiques, d'obtenir un soutien politique.
La question pour moi n'est pas de savoir si nous aimons le nom Myanmar ou le nom Birmanie; la raison est davantage politique. En changeant le nom du pays, le gouvernement ne poursuit qu'un objectif politique, qui n'est en rien lié au contexte culturel ou historique du pays. Voilà pourquoi nous préférons utiliser le nom Birmanie.
Également, lorsque les militaires ont pris le pouvoir, ils ont voulu convaincre les gens que la Birmanie n'existait plus et qu'ils avaient un nouveau pays, le Myanmar. C'est une stratégie pour occulter le passé. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas l'accepter. Une décision à cet effet sera prise par les députés dans le proche avenir. Il est à espérer que Aung San Suu Kyi et les autres en parleront.
Dans un sens, pour l'instant, la Birmanie renvoie à une époque où il y avait plus de liberté et où la population, et non pas le régime militaire, gouvernait.
Merci pour cette précision. Je dirais que votre témoignage est pas mal moins encourageant que ceux des fonctionnaires qui vous ont précédé.
Avez-vous déjà vécu une situation, dans le passé, où un régime militaire qui semblait désireux d'évoluer vers la démocratie a fait marche arrière? Y a-t-il autre chose que nous ne voyons pas qui vous porte en ce moment à être moins... ? Vous n'avez pas dit que les choses étaient encourageantes en surface, mais vous êtes très prudent également.
Oui. Il ne faut pas oublier que les militaires manoeuvrent très intelligemment lorsqu'ils font de la politique. Même aujourd'hui, ils semblent se comporter vraiment comme des militaires, mais ils agissent de façon très stratégique. Ils ont rompu des promesses par le passé. Par exemple, lors des élections de 1990, même s'ils avaient promis de céder le pouvoir au parti qui gagnerait les élections, lorsqu'ils se sont rendus compte que le parti d'opposition, la Ligue nationale pour la démocratie, un parti qui militait pour la démocratie, avait obtenu un appui massif des électeurs, ils ont refusé de céder le pouvoir. Voilà une démonstration très évidente du changement de position de militaires.
J'espère que certains chefs militaires à la retraite, lorsqu'ils se rendront compte que la Birmanie tire de l'arrière par rapport à beaucoup de ses voisins... Vous devez savoir que la Birmanie était le pays le plus prometteur de l'Asie, mais qu'elle se situe maintenant au dernier rang de tous les pays d'Asie, même de ceux de l'Asie du Sud-Est. Plusieurs millions de Birmans se sont réfugiés dans des pays voisins, où ils travaillent dans des conditions d'esclavage, comme cela est le cas en Thaïlande, par exemple, en Inde, ou en Malaisie. Cela est crève-coeur pour quiconque aime le pays et a à coeur de préserver son identité.
J'espère que le président, le général à la retraite Thein Sein, a la volonté d'apporter des changements et d'aller de l'avant. Je suis prudent d'une certaine façon, mais parallèlement, j'ai bon espoir qu'il pourra aller de l'avant, ainsi que ses collègues qui ont la même mentalité, des généraux à la retraite.
Nous devons attendre pour voir comment les choses se passent. Certains disent qu'il ne peut pas y avoir de retour en arrière. Toutefois, je veux que vous sachiez une chose: le dictateur militaire précédent, Than Shwe, tire toujours les ficelles. Il donne tous les ordres et si les choses ne vont pas comme il veut, il peut tout faire basculer. Voilà pourquoi la situation de la Birmanie est très délicate et fragile, comme je l'ai dit dans mon exposé.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Htoo, je devais malheureusement être présent à la Chambre lorsque vous avez commencé votre exposé aujourd'hui. Lorsque je suis entré, il semble que vous parliez du sujet de ma question, soit la liberté d'expression.
Comme vous le savez, c'est aujourd'hui la journée mondiale de la liberté de la presse, au cours de laquelle nous célébrons la liberté d'expression; il convient de préciser qu'Internet et les réseaux sociaux ont favorisé la liberté d'expression et qu'ils ont aidé à l'avènement du Printemps arabe, certainement dans ses premières manifestations.
Nous avons ensuite vu comment cette liberté d'expression, même dans les pays du Printemps arabe, a été criminalisée, comme cela est arrivé au blogueur égyptien Michael Nabil et également à la journaliste du Royaume-Uni, Marie Colvin, assassinée en Syrie. Nous avons également vu que des gouvernements ont essayé de faire installer des pare-feu pour empêcher l'utilisation d'Internet sur leur territoire, comme l'Iran s'y emploie actuellement.
Alors ma question est la suivante: quels rôles les médias sociaux ont-ils joués pour favoriser le mouvement vers la démocratie en Birmanie? La Birmanie criminalise-t-elle encore la liberté d'expression? Quelle est la situation concernant les prisonniers ou les dissidents politiques qui ont été libérés? Ont-ils été ciblés ou sont-ils libres de défendre leur cause? Également, la Birmanie a-t-elle essayé, comme l'Iran, de mettre en place un pare-feu et de museler la liberté d'expression pour Internet?
J'ai plusieurs choses à dire pour répondre à votre question. Ce matin, j'ai eu un rapport d'une organisation internationale de défense des médias. Dans ce rapport, on souligne que le gouvernement birman utilise un pare-feu en provenance de la Chine. Il a obtenu le logiciel et la technologie de la Chine.
Mais il faut se demander si la Birmanie utilise ce pare-feu pour bloquer les médias sociaux. Voilà la question. À ce que je sache — et je suis un assez bon adepte de Facebook et également de Twitter — pour l'instant, les gens peuvent afficher et communiquer librement l'information qu'ils veulent, y compris les photos. Les choses sont donc actuellement assez encourageantes. Aucune mesure n'a été prise contre ce genre de mouvement ou je dirais cette liberté. Il reste maintenant à savoir pendant combien de temps cette liberté sera maintenue.
Je crois que la situation est très instable. Nous ne pouvons pas dire en toute certitude que la liberté de la presse ou la liberté d'expression sont totales en Birmanie, mais nous surveillons les choses de près. D'un côté, il y a une ouverture dans le pays pour l'économie et la liberté d'expression; de l'autre, il y a cette technologie que les dirigeants birmans ont acquise. Si les choses n'évoluent pas comme ils veulent, ils peuvent bloquer l'information en tout temps et tout court-circuiter.
Telle est la situation en Birmanie.
Savez-vous si on laisse tranquilles les prisonniers politiques libérés qui ont repris leurs activités politiques?
Oui. Je n'ai pas entendu parler de quelque arrestation que ce soit qui serait reliée à l'utilisation d'Internet ou à la liberté d'expression au cours des derniers mois. C'est un bon signe. Certains blogueurs et certains membres des médias, comme des journalistes, ont également été libérés au cours des derniers mois. C'est bon signe.
Nous passons maintenant à M. Sweet et à M. Hiebert, qui se partageront le prochain tour. La parole est à M. Sweet en premier.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Maung Htoo, je peux maintenant vous poser ma question. Vous avez consacré beaucoup de temps aux sanctions. Vous semblez vous préoccuper de notre empressement à annuler les sanctions. Bien entendu, les mesures ont différé d'un pays à l'autre. Les États-Unis ont maintenu leurs sanctions, et l'Union européenne a levé les siennes.
Mais d'après les médias, Aung San Suu Kyi a accueilli favorablement la levée des sanctions. Pouvez-vous nous donner une idée des raisons pour lesquelles vous êtes plus inquiet qu'Aung San Suu Kyi? Les médias ont-ils mal interprété ses commentaires?
Je dirai simplement ceci. Elle subit de la pression, en réalité. Cette pression vient des forces nationales, ainsi que des intérêts internationaux. Elle a dit oui. Elle a accueilli prudemment la levée, ou l'interruption, des sanctions économiques quand elle a tenu un point de presse avec le premier ministre britannique, David Cameron.
Cependant, j'ai l'impression qu'elle n'a pas le choix; elle doit le faire. D'un côté, il y a tous ces gens dans son pays — les militaires, ceux qu'on appelle les réformistes, les généraux axés sur la réforme —, et de l'autre côté, il y a les forces démocratiques qui avancent, mais selon le principe qui...
Je ne dirai pas qu'elle se réjouit ouvertement de la suspension des sanctions économiques, mais dans une certaine mesure, ce que je comprends, c'est qu'elle dit en être satisfaite parce qu'elle veut faire avancer les choses. La situation est très difficile pour elle aussi.
Certaines personnes disent qu'Aung San Suu Kyi est d'accord. Personnellement, ce n'est pas comme ça que j'interprète la situation. Je ne lui ai pas parlé directement, mais je suis de près chaque mot qu'elle prononce, presque jour après jour.
Je sais que la situation exige de la prudence. Nous ne devons pas trop nous réjouir parce qu'elle a dit que c'est une bonne chose. Non.
Monsieur Maung Htoo, comme je l'ai dit précédemment après avoir lu votre biographie, si quelqu'un sait ce qu'est la pression, c'est bien vous. Merci beaucoup de vos réponses. Je vous suis reconnaissant.
Mon collègue a des questions à poser.
Merci.
Si c'est possible, j'aimerais que vous nous en disiez davantage sur le contrôle que les chefs militaires exercent toujours sur le gouvernement et sur les forces militaires. Pouvez-vous préciser la nature de ce contrôle? Le Parlement n'est-il pas soumis à des contraintes? Le gouvernement est-il entièrement soumis à ce pouvoir?
Oui, dans bien des cas. Par exemple, le président Thein Sein a ordonné à l'armée de mettre fin à ses attaques contre l'État de Kachin, mais le commandant en chef a refusé.
Pour les questions législatives comme les amendements, 25 p. 100 des sièges du Parlement relèvent du contrôle des militaires — du contrôle direct du commandant en chef. Pour tout amendement, ou pour tout changement, il faut l'accord de l'armée. Même au sein du pouvoir exécutif, les trois principaux portefeuilles que j'ai mentionnés dans mon exposé — le logement, la défense et les frontières — sont très très puissants en Birmanie. C'est le commandant en chef qui les contrôle et qui se charge directement des nominations.
Bien des facteurs entrent en jeu dans tous ces processus. Cependant, sans l'appui de l'armée et le consentement de l'armée ou du commandant en chef, on ne peut rien faire. On en est là, en Birmanie.
Croyez-vous possible qu'à la suite de votre appel à la justice — le point 4 de vos recommandations —, les personnes qui commettent les actes de violence et les crimes, les soldats, soient tenus responsables? Avez-vous vu une ouverture, ou des signes?
Je n'ai vu aucun signe de cela au sein de l'armée ou de l'exécutif. C'est un autre pas que les forces démocratiques et Daw Aung San Suu Kyi devront faire pour obtenir ce type de justice. D'après moi, chercher la justice, ce n'est pas seulement chercher à obtenir une rétribution ou la punition des personnes qui ont commis des atrocités, mais c'est consigner l'histoire, car il se passe bien des choses depuis fort longtemps, en Birmanie. Si nous ne pouvons pas dire que ce n'est pas bien et qu'il ne faut pas le faire, les militaires, ou ceux qui sont au pouvoir, continueront sur la même voie. Reste à savoir comment les militaires réagiront à cela.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être ici, monsieur Maung Htoo.
Vous avez parlé un peu des mines. Je vous poserai une question plus générale. Si vous aviez des conseils à donner à une entreprise qui songerait à investir en Birmanie, quels seraient-ils? Autrement dit, quelles suggestions concrètes feriez-vous à une entreprise désireuse d'investir en Birmanie, mais qui souhaiterait s'assurer de ne pas être complice des violations des droits de la personne? Quels conseils donneriez-vous à ces entrepreneurs?
[Traduction]
Premièrement, il vaudrait mieux que nous évitions l'exploitation minière tant qu'il n'y aura pas de règlements en matière de responsabilité sociale et de normes environnementales. Malheureusement, de nombreuses entreprises cherchent déjà à obtenir des droits d'exploration gazière ou pétrolière, ou à faire de l'exploitation minière en Birmanie. C'est ce qui est malheureux.
Si une entreprise, entre autres du secteur minier, veut aller investir en Birmanie, je recommanderais au gouvernement de ne pas prévoir de prêts, par exemple, d'Exportation et développement Canada. Ne permettez pas non plus que les régimes de retraite publics, comme le Régime de pensions du Canada, participent aux investissements. Cela correspond probablement à notre position morale, et nous pouvons éviter la complexité des nouveaux facteurs qui sont en jeu en Birmanie.
C'est ce que je recommande.
[Français]
Je vous remercie.
Ma deuxième question porte sur les droits de la personne. Quelles mesures les parlementaires canadiens peuvent-ils adopter pour aider les organismes de la société civile birmane à améliorer la situation en matière de droits de la personne dans leur pays?
[Traduction]
Je recommanderais aussi l'envoi en Birmanie d'une mission composée de députés qui iraient constater la situation sur place. Il vaudrait mieux que vous voyiez ce qui se passe, et vous pourriez interagir directement avec les députés du Parlement birman.
Au Canada, le Parlement peut aussi recommander que le gouvernement favorise une certaine forme de soutien concret à la population civile birmane. La situation est encore difficile pour les organismes civils de la Birmanie. Ils auront sans nul doute besoin du soutien du Canada et d'autres pays pour établir des organismes civils s'intéressant aux médias, au développement communautaire, à la sensibilisation, aux droits de la personne, à la formation, etc. Ce serait fort utile pour les Birmans.
[Français]
Merci.
Plus précisément, en ce qui a trait à la promotion de la liberté de culte en Birmanie, quelles mesures le Canada peut-il prendre?
[Traduction]
Je dirais que la liberté de religion devrait être manifeste dans tous les régimes démocratiques du monde, de même qu'en Birmanie. Divers groupes religieux de Birmanie rencontrent des difficultés quand il s'agit de la pratique de leur religion. Je sais aussi que le MAECI a créé un bureau pour cette cause — le Bureau de la liberté de religion —, et que ce bureau peut suivre ce qui se passe sur ce plan en Birmanie.
J'aimerais seulement souligner qu'il y a de nombreux groupes religieux en Birmanie. Bien entendu, les bouddhistes forment le groupe dominant, mais il y a aussi des chrétiens, des musulmans et des hindous. Il y a même toujours des juifs. Bien entendu, il nous faut regarder comment le gouvernement assure la liberté de religion des divers groupes du pays.
[Français]
Merci.
Un rapport spécial des Nations Unies sur la situation des droits de la personne est paru en mars 2012. Il indiquait que la communauté internationale allait devoir envisager la mise sur pied d'une commission d'enquête internationale sur les violations flagrantes et systémiques des droits de la personne qui pourraient être considérées comme des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre.
Que pensez-vous de la déclaration du rapporteur spécial? Partagez-vous son avis? Quels sont les avantages ou les inconvénients de cette approche?
[Traduction]
Nous appuyons la mise sur pied d'une commission d'enquête des Nations Unies sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité qui ont été commis en Birmanie. Le rapporteur des Nations Unies en a fait la recommandation, et plus d'un millier de pays, dont le Canada, y ont donné leur appui.
Dans de telles circonstances, pour bien des gens et pour bien des pays, il est un peu difficile d'aller de l'avant, car la situation politique reste fragile; soulever des problèmes délicats comme celui-là peut compromettre le processus positif de libéralisation des réformes politiques. Bien entendu, nous devons absolument poursuivre ce travail, et les Canadiens doivent continuer de donner leur appui à la commission d'enquête. C'est aussi lié à la recherche de justice, car c'est une façon de la faire avancer.
[Français]
[Traduction]
Monsieur Htoo, je suis curieux. Quand mon collègue vous a interrogé au sujet de la promotion de l'investissement à l'étranger, je crois que vous avez dit qu'il vaudrait mieux attendre que des lois soient adoptées. Je veux juste m'assurer d'avoir bien compris. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut des lois sur l'environnement et tout cela. Donc, parce que nous sommes un groupe parlementaire canadien, nous ferions des pressions auprès de nos entreprises pour qu'elles évitent cela. En bloquant des pays, ne tombez-vous pas dans le piège de pays qui se fichent des lois sur l'environnement — comme la Chine, peut-être?
La plupart de ces entreprises ont signé des ententes. C'est une déclaration des Nations Unies, et je ne me rappelle plus comment on l'appelle, mais il y a une formule à laquelle les entreprises minières sont censées se soumettre. Ne serait-il pas plus avantageux d'inviter ces groupes plutôt que de les encourager, puis d'exercer de la pression de ce côté-ci pour veiller à ce qu'ils respectent ces lois? C'est ma première question: vous dites bien que vous souhaitez que nous évitions d'investir.
Deuxièmement, le mieux ne serait-il pas que votre pays établisse une solide classe moyenne qui, à terme, aurait quelque chose à perdre en raison des pressions économiques? Est-ce que ce ne serait pas plus avantageux pour vous?
Je suis un peu perdu. Je reçois des messages contradictoires. Je vous entends dire que nous ne devrions pas être les premiers à faire notre entrée et à investir.
Permettez-moi de répondre à votre deuxième question. Vous avez raison: en théorie, l'investissement dans un pays a au moins pour effet de faire croître la classe moyenne.
Une personne ne risque pas beaucoup de se battre avec son voisin s'ils font de bonnes affaires ensemble; c'est plutôt le contraire qui est vrai. Je crois que c'est ce qui est arrivé. Vous avez un régime militaire qui est en mesure de... Je ne dirais pas qu'il fait régner la terreur, mais c'est presque ça, et je crois que c'est le cas dans une grande partie de cette région.
Mais n'est-ce pas à cause de la pauvreté? N'est-ce pas à cause de l'absence d'investissement et de commerce, que de tels régimes sont en mesure de faire cela?
Oui. Je suis aussi d'accord avec vous sur le premier point. Si nous ne faisons rien de toutes ces bonnes choses, les pays voisins — ceux qui ne se soucient pas des études environnementales, comme la Chine et l'Inde, entre autres... C'est aussi vrai. Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure.
Ce que nous devons admettre, c'est que notre performance passée n'est pas très bonne dans diverses communautés, surtout dans cette région. Même au Canada, il y a de nombreuses communautés minières. Il y a beaucoup de problèmes dans bien des pays, comme en Amérique du Sud, ou même en Afrique.
Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec vous, mais nous devons y travailler davantage. Nous devons leur demander de penser davantage au bien des gens et d'essayer de ne pas causer la détérioration de l'environnement. Il faut une sorte de code de conduite.
Mais, oui, quand il s'agit de la Birmanie, on est encore loin de la coupe aux lèvres. Il est sage d'attendre un peu que la situation s'améliore nettement. Nous pourrons y aller et faire quelque chose d'utile aux gens.
Un autre député a soulevé la question de l'investissement. Si nous investissons en Birmanie — je le répète —, il faut éviter le secteur minier ou les secteurs stratégiques jusqu'à ce qu'un code de conduite ait été adopté.
En même temps, il existe d'autres possibilités, bien entendu. Daw Aung San Suu Kyi, qui est à la tête du nouveau mouvement démocratique, a dit que l'investissement devrait se faire dans d'autres secteurs qui sont avantageux pour les gens, notamment, dans le secteur de l'agriculture, car 70 ou 75 p. 100 de la population birmane mise toujours sur l'agriculture et que ce sont pour la plupart des agriculteurs. Cela créerait plus d'emplois.
Quand vous faites des affaires dans le secteur minier ou dans le secteur de l'énergie, rien ne démontre que vous créez de l'emploi pour la population locale.
Permettez-moi d'intervenir. Je comprends que vous soyez d'accord avec mon collègue de l'autre côté. Sauf le respect que je vous dois, ils comprennent très mal comment fonctionne l'économie. Honnêtement, il y aura de l'investissement là où il y a une perspective de rendement, et nous savons que c'est l'extraction qui donnera le meilleur rendement.
Ce que je vous suggère, c'est de faire bon accueil à cela, d'accepter cela, surtout quand l'investissement vient de pays de l'Ouest qui ont fait la preuve de leur forte conscience sociale — c'est la nouvelle expression de l'heure.
Tant le gouvernement que les citoyens peuvent continuer d'exercer de la pression. Mais c'est bien de là que viendra l'investissement. Je ne cherche pas à vous faire la leçon, mais je répète que si vous n'avez par les entreprises des pays de l'Ouest — et nous en avons d'excellentes chez nous, au Canada — quelqu'un d'autre viendra combler le vide. Franchement, le régime au pouvoir sait que c'est ainsi qu'il pourra faire sortir le pays de la pauvreté.
Vous avez raison. D'après moi, ce seront des pays comme la Chine et l'Inde, et des pays dont le passé n'est pas très reluisant.
Je voulais simplement vous faire part de cela.
Nous avons consacré assez de temps à cette série de questions.
M. Sweet a demandé à poser une question ponctuelle. Nous avons assez de temps. Ensuite, j'aurai moi aussi une brève question à poser, puis nous lèverons la séance.
C'est plutôt un énoncé. M. Maung Htoo le sait peut-être, mais il existe, pour les mines canadiennes, un cadre facultatif qui prévoit une certaine surveillance et auquel le gouvernement fédéral a participé il y a quelques années. Il y a donc un processus — comme un genre d'ombudsman — qui permet le dépôt de plaintes. Je voulais juste qu'ils le sachent; en cas de préoccupations concernant les pratiques d'embauche, l'environnement, etc., il y a moyen de déposer une plainte.
Il y a quelque chose. Je me souviens, mais je n'ai pas l'appellation exacte. Nos excellents attachés de recherche sont probablement en mesure de nous trouver cela.
Je viens justement de jeter un regard appuyé et entendu vers un de nos excellents attachés de recherche.
J'avais une question au sujet de la toute nouvelle Commission nationale des droits de la personne qui a été créée en Birmanie. Avez-vous de l'information sur cette institution? Peut-on la prendre sérieusement? Fonctionne-t-elle comme on devrait s'y attendre? Existe-t-elle vraiment? Vous pourriez nous en parler.
Oui, je répondrai très brièvement. La commission a été mise sur pied et est formée principalement d'anciens ambassadeurs. Certains membres travaillaient en étroite collaboration avec le régime précédent, mais d'autres sont très intellectuels et sont peut-être des libres penseurs, d'une certaine façon.
La commission a cependant rencontré de nombreux problèmes. Selon l'information la plus récente dont je peux vous faire part, la commission a été mise sur pied par le président, mais sans que l'idée en ait été proposée au Parlement. Ce qui s'est produit, il y a quelques mois, c'est qu'on a refusé d'accorder des crédits parlementaires à la commission. C'est donc maintenant l'impasse, faute de financement gouvernemental, et le président essaie de tout faire pour soutenir la commission.
C'est quand même très intéressant. Depuis sa création, la commission n'a pas pu accomplir grand-chose. D'après moi, c'est un peu comme un porte-parole. Par exemple, quelques jours avant la libération de prisonniers, dont des prisonniers politiques, ils publient des articles ou des déclarations dans les journaux d'État pour dire qu'ils ont demandé au président de les relâcher pour telle ou telle raison. Je crois que c'est une bonne façon d'utiliser ces canaux de communication, quand il s'agit de faire avancer les droits de la personne et autres enjeux. Il n'en reste pas moins que la situation est difficile.
Je vous suis très reconnaissant. Merci beaucoup.
Merci de ce témoignage très instructif. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de venir nous renseigner sur un sujet très important. Au nom de tous, je vous remercie.
M. Tin Maung Htoo: Merci.
Le président: Chers collègues, merci d'avoir accepté que nous prolongions un peu notre séance.
La séance est levée.
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