SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 13 décembre 2011
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bienvenue à la 16e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 13 décembre 2011.
[Traduction]
Nous poursuivons notre étude de la situation dans le camp d'Achraf et nous allons tout de suite passer la parole aux témoins.
Nous avons aujourd'hui des témoins du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Barbara Martin, qui est directrice générale, Direction générale du Moyen-Orient et du Maghreb, ainsi que Michael Walma, directeur, Direction du crime international et du terrorisme.
Bienvenue.
Nous avons aussi un témoin de Sécurité publique, Michael MacDonald, directeur général, Direction générale des opérations de la sécurité nationale.
Je vais simplement inviter nos témoins à commencer.
Vous avez sans doute déjà discuté du temps qu'il convient d'accorder à vos exposés. Nous encourageons toujours les gens à être aussi brefs que possible, parce que nous trouvons les questions et réponses particulièrement fructueuses. Cela dit, vos faits sont connus et vous êtes tous des adultes. Ce n'est sans doute pas la première fois que vous comparaissez, de toute façon. Autrement dit, je vous laisse faire.
Qui voudrait commencer?
Madame Martin, à vous la parole.
Nous sommes ravis de comparaître aujourd'hui. Laissez-moi préciser que je suis la seule à avoir préparé un exposé, si bien que nous pourrons passer aux questions et réponses dès que j'aurai fini.
Je tiens d'abord à souligner l'importance que le gouvernement attache à la situation au camp d'Achraf. Les représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international suivent l'évolution de la situation au camp d'Achraf depuis de nombreuses années, et nous sommes profondément préoccupés du bien-être de ces personnes dans l'avenir. De plus, le ministre des Affaires étrangères a montré un vif intérêt à I'égard de la situation. Il a suivi I'évolution de près et a demandé aux représentants de prendre diverses mesures, mesures dont je discuterai plus tard au cours de mon intervention.
Afin que nous ayons une compréhension commune du contexte, permettez-moi de commencer par vous adresser ces quelques mots au sujet de la MEK. La Moudjahidine-e-Khalq, ou MEK, ou l'Organisation des Moudjahidines du peuple d'Iran, ou encore OMPI, a été fondée par des marxistes iraniens dans les années 1960 pour s'opposer à l'influence occidentale en Iran et renverser le shah. Après la révolution iranienne en 1979, le mouvement marxiste MEK s'est dissocié du nouveau régime de l'ayatollah Khomeini. Les membres de sa direction ont été exécutés, et le groupe a été expulsé d'Iran.
En 1986, au cœur de la guerre irano-irakienne, Saddam Hussein a accueilli la MEK en Irak, puisque comme lui cette organisation s'opposait au régime iranien. De son nouveau quartier général au camp d'Achraf, la MEK a dirigé des opérations armées contre l'Iran et a coopéré avec Saddam pour réprimer les soulèvements des Kurdes et des chiites irakiens dans le sud de l'Irak. Bon nombre des attaques terroristes de la MEK — qui comprenaient des assassinats, des prises d’otages et des raids de commandos — visaient des bâtiments gouvernementaux dans des villes surpeuplées où des civils ont été pris entre deux feux. Parmi la litanie d'actes terroristes de la MEK, on compte les attaques quasi simultanées en 1992 contre des propriétés du gouvernement iranien dans 13 pays.
Le Canada était l'un de ces pays. Quarante partisans de la MEK brandissant des bâtons, des barres de fer et des maillets ont attaqué l'ambassade d'Iran à Ottawa, attaque qui a d'ailleurs occasionné des blessures à plusieurs personnes. On soupçonne fortement les membres de la direction de la MEK d'avoir utilisé des tactiques d'intimidation et de faux prétextes pour recruter de nouveaux membres dans leur camp, avant de les empêcher, à leur tour, de communiquer avec les membres de leur famille en dehors du camp.
Historiquement, la MEK a refusé de coopérer avec le gouvernement irakien ou de permettre à l'Irak d'exercer son autorité à l'intérieur du camp. En 1997, les États-Unis ont ajouté la MEK à leur liste d'entités terroristes, et le Canada a fait de même en 2005. En décembre 2010, le gouvernement du Canada a terminé son examen biennal de sa liste d'entités terroristes établie en vertu du Code criminel; le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de la Sécurité publique, a alors décidé que la MEK devait demeurer sur la liste.
Le gouvernement irakien a d'abord annoncé son intention de fermer le camp d'Achraf il y a deux ans; il a ensuite décidé de remettre la fermeture à la fin de 2011. Cette décision était fondée sur l'article 7 de la Constitution irakienne qui interdit la présence de toute entité terroriste sur le territoire irakien.
L'Irak perçoit la MEK non seulement comme étant inconstitutionnelle, mais aussi comme une menace pour la sécurité nationale et régionale. Le gouvernement de l'Irak soutient qu'aucun gouvernement n'accepterait qu'une telle organisation demeure sur son territoire à l'encontre de la volonté et des lois de l'État hôte. Malgré le tollé international exprimé par des sympathisants internationaux du camp d'Achraf — un groupe de lobbyistes bien organisé et établi à Paris — de nombreux Irakiens appuient la fermeture du camp. Ces Irakiens ne se limitent pas à d'anciens membres de la MEK qui ont fui l'organisation et qui connaissent les conditions de vie difficiles dans le camp. On compte également des Irakiens ordinaires qui associent la MEK au parti Baath illégal de Saddam Hussein et qui n'ont pas oublié ses actes de terrorisme contre les Kurdes et les chiites irakiens.
Le gouvernement irakien a assuré à plusieurs reprises que les résidents du camp d'Achraf ne seraient pas transférés de force vers un pays dans lequel ils risquent la persécution et qu'ils seraient traités avec humanité, conformément aux lois de l'Irak, à sa constitution et à ses obligations internationales. Le raid du 8 avril 2011 mené par les forces de sécurité irakiennes et qui s'est soldé par la mort de 36 résidents du camp d'Achraf a été profondément troublant, et absolument inacceptable. Cet épisode de l'histoire contemporaine ne doit pas se répéter. Toutefois, dans les mois qui ont suivi, le gouvernement irakien a coopéré avec la communauté internationale afin de veiller au respect des besoins humanitaires et en matière de sécurité des résidents du camp. Depuis l'annonce de la fermeture, le gouvernement irakien a démontré sa volonté de coopérer avec les États de I'UE, les États-Unis, les voisins de l'Irak, de même que l'Iran, afin de réinstaller les résidents du camp d'Achraf à l’extérieur de l'Irak.
Quelque 3 400 personnes résident au camp, y compris des familles avec enfants. Une partie considérable des résidents qui détiennent une double nationalité ont déjà quitté l'Irak, dont 9 des 11 Canadiens qui ont été rapatriés les 16 et 17 novembre. Le personnel de I'ambassade canadienne a constaté de première main la conformité à la réglementation du gouvernement irakien, et confirme la volonté du gouvernement irakien de faciliter le transfert sécuritaire des résidents vers l'aéroport.
Le gouvernement de l’Irak a également permis à des organisations internationales comme la Mission des Nations Unies pour l'assistance en Irak, la MANUI, et le Comité international de la Croix-Rouge de visiter le camp très régulièrement. Récemment, l'UNAMI le visite chaque semaine, afin de surveiller les conditions de vie, de faciliter la communication avec les familles et d'assurer les approvisionnements aux résidents.
Toutefois, certains résidents du camp — dont deux Canadiens — refusent toujours de quitter le camp. Le gouvernement irakien est en pourparlers avec les Nations Unies pour trouver le moyen de déplacer ces derniers résidents vers un autre endroit en Irak plutôt que de les expulser du pays.
[Français]
Bon nombre des derniers résidents souhaitent quitter les lieux et demandent le statut de réfugié. Ils sont évalués au cas par cas par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le HCNUR travaille sans relâche avec le gouvernement irakien pour traiter les demandes d'asile. La commission a allégé une condition originale pour les demandeurs: maintenant ils sont seulement tenus de renoncer à la violence plutôt qu'à la MEK de façon particulière. Il reste cependant moins d'un mois, et le temps presse; la MANUI s'attend à ce que les demandes d'un grand nombre de personnes ne puissent être traitées à temps.
Conscient de cette situation, le HCNUR a demandé au gouvernement irakien de reporter la fermeture du camp afin de disposer de suffisamment de temps pour traiter toutes les demandes. Dans son dernier rapport sur la situation en Irak, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, a fait appel au gouvernement de l'Irak afin qu'il alloue plus de temps et trouve un endroit neutre pour terminer le traitement de ces demandes. Il a également demandé aux dirigeants du camp Ashraf de faire preuve de flexibilité et de collaboration dans le but de trouver une solution durable.
[Traduction]
Le Canada, de concert avec les États-Unis et l'Union européenne, a répété ces demandes.
[Français]
À ce jour, le gouvernement irakien a refusé d'accorder cette prorogation de délai.
[Traduction]
Le Canada, par l'intermédiaire de son ambassade en Jordanie, a suivi de près la situation au camp d'Achraf en y effectuant des visites régulières au cours des dernières années. Les 11 Canadiens qui se trouvaient au camp d'Achraf ont longtemps refusé les offres canadiennes d'aide consulaire, mais ils ont finalement exprimé leur désir de quitter le camp en juin de cette année. Des représentants du MAECI et de Passeport Canada ont travaillé ensemble le mois dernier afin de faciliter le rapatriement de neuf citoyens canadiens du camp d'Achraf. Les deux autres Canadiens ont choisi de rester au camp.
Les efforts déployés par le Canada en ce qui concerne le camp d'Achraf vont au-delà d’une simple prestation d'aide consulaire. Les membres du personnel de l'ambassade ont effectué de nombreuses visites au camp, surveillé les conditions de vie, écouté les préoccupations exprimées par les résidents et présenté des rapports sur les principaux événements.
Je tiens à ajouter que ces visites comportent toutefois des risques en raison du contexte de sécurité général en Irak.
Leur visite la plus récente s'est effectuée le 26 septembre, et un représentant de l'ambassade canadienne en Jordanie visitera le camp encore une fois demain, le 14 décembre.
Les représentants du MAECI ont profité de diverses occasions pour soulever leurs préoccupations en ce qui concerne la sécurité des résidents du camp aux Nations Unies, auprès de collègues européens et américains, de représentants d'États voisins, de dirigeants irakiens à Bagdad et de l'ambassade irakienne à Ottawa.
L'ambassadeur du Canada, résidant à Amman, a soulevé la question du camp auprès de représentants irakiens au cours d'une visite à la fin novembre. Et le ministre Kenney a soulevé la question auprès du ministre irakien du Déplacement et de la Migration au cours de rencontres à Genève au début du mois. De plus, l'ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne a discuté des préoccupations du Canada avec le conseiller spécial de l'UE. De notre côté, nous nous sommes entretenus avec l'ambassadeur irakien à plusieurs reprises au cours des dernières semaines.
Nous voudrions éviter un refoulement forcé des résidents d’Achraf vers un pays où ils seraient en péril ou sujets à des persécutions et éviter aussi une éventuelle explosion de violence à la suite de la fermeture du camp.
Nous discutons avec nos alliés, les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Mission des Nations Unies pour l'assistance en Irak et d'autres organismes onusiens, afin d'assurer la sécurité des résidents du camp d'Achraf, notamment au moyen de mesures tels que le renforcement du suivi, une force de protection ou des observateurs internationaux des droits de la personne.
L'ACDI a également joué un rôle important. En plus des 300 millions de dollars versés par le Canada pour la reconstruction de l'Irak après la guerre, l’ACDI a fourni un appui au Comité international de la Croix-Rouge en Irak, ainsi qu'à l'UNHCR.
Durant les dernières semaines avant la fermeture, les représentants du MAECI continueront d'exhorter le gouvernement irakien à prolonger le délai afin d'accorder à l'UNHCR suffisamment de temps pour traiter les demandes d'asile. Nous devons veiller également à ce que les droits de la personne des résidents du camp d'Achraf soient protégés pendant et après la fermeture du camp.
Je vous assure que les représentants du MAECI continueront également d'inviter le gouvernement irakien à veiller à ce que la fermeture du camp d'Achraf se fasse dans le respect des obligations de l'Irak dans le cadre du droit international humanitaire et des droits de la personne. Nous continuerons de surveiller la situation de très près au cours des semaines et des mois à venir.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup.
C'est donc le seul exposé et nous pouvons passer aux questions? Très bien.
Nous allons commencer par le gouvernement et, cette fois-ci, entamer une série de questions de six minutes.
Monsieur Sweet, souhaitez-vous commencer?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Et merci de votre témoignage.
J'imagine qu'avant votre comparution d'aujourd'hui, vous avez examiné le témoignage du colonel Wesley Martin, officier à la retraite des Forces armées des États-Unis, qui se démarquait en plusieurs points de ce que nous avons entendu aujourd'hui.
Il a indiqué dans son témoignage qu'il était expert en terrorisme et qu'il avait travaillé en étroite collaboration avec les résidents du camp d'Achraf. Il était convaincu que ces gens n'avaient absolument pas un profil de terroriste. Selon lui, ils avaient déposé les armes il y a des années déjà et renoncé alors à la violence. Il a mentionné en outre qu'il avait toujours eu un accès sans entrave au camp.
On a aussi entendu ici certains témoignages disant que les résidents d'Achraf empêchaient des gens d'entrer, etc. Après avoir lu son témoignage, aviez-vous le sentiment qu'il comportait des inexactitudes, qu'il ne dépeignait pas véritablement la situation sur le terrain?
Merci.
Je vais commencer, mais je demanderai à mon collègue de la Sécurité publique de commenter le point.
Je pense que le colonel Martin était là-bas à une époque particulière. Bien sûr, nous envisageons le comportement de la MEK au vu d'incidents et de situations étant advenus sur une période de temps beaucoup plus longue. Son évaluation résulte de ses rencontres et de son implication avec les individus du camp; toutefois, de nombreux facteurs entrent en jeu quand il s'agit d'évaluer si une organisation a des activités terroristes ou pas.
Mais je vais demander à mon collègue du ministère de la Sécurité publique s'il peut ajouter quelque chose.
J'ai lu la déclaration, avec intérêt. Je respecte ce que disait le colonel à la retraite. Pour ma part, je n'ai jamais été sur le terrain au camp d'Achraf, si bien que je ne m'aventurerai pas à faire des hypothèses ou des commentaires sur ce qu'il voit ou ce qu'il a vu, ni sur sa réaction à cela. Je peux toutefois prendre un moment, maintenant ou plus tard, pour répondre à la question, du moins quant au processus d'inscription sur la liste des entités terroristes, si vous le souhaitez.
Non, cela ira comme cela. J'aimerais maintenant mentionner quelque chose d'autre ressortant de son témoignage.
On constate aujourd'hui que c'est le gouvernement irakien qui est responsable de la sécurité des résidents du camp d'Achraf. Le colonel Martin a mentionné que les États-Unis les avaient ajouté à la liste des personnes protégées et se sont portés entièrement responsables de leur sécurité. Je ne savais pas que, en vertu du droit international, on pouvait se décharger de cette responsabilité et la confier à un autre gouvernement. Est-il normal, selon le droit international, que les résidents soient nommés personnes protégées par une autorité, qui aurait ensuite la capacité de laisser cette responsabilité à une autre?
Merci. C'est une bonne question.
En fait, les conventions de Genève définissent les personnes protégées dans le cas d'un conflit armé ou d'une occupation étrangère. Les parties au conflit sont responsables de l'application de leurs obligations dans ce domaine. Les États-Unis avaient été, bien sûr, la puissance d'occupation en Irak, à la suite de leur intervention dans ce pays. En 2009, ils ont transmis le pouvoir au gouvernement irakien, si bien que c'est ce dernier qui est maintenant responsable de la protection des individus au camp d'Achraf.
Entendu.
Vous avez mentionné dans votre témoignage que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne leur demandait pas de renoncer à être membres de la MEK, mais simplement de renoncer à la violence. Trouvez-vous logique que l'UNHCR leur demande simplement de renoncer à la violence? S'ils figurent sur la liste dans plusieurs pays, comment vont-ils trouver un pays disposé à les accueillir?
L'UNHCR est responsable de la réinstallation de réfugiés dans des pays tiers, quand ils ont quitté leur pays d'origine pour aller dans un autre et recherchent asile dans un troisième pays. Le choix a été de veiller à ce que les résidents du camp d'Achraf renoncent à la violence, pas nécessairement à leur adhésion à la MEK.
Le choix de se livrer à des actes de violence est le critère clé pour déterminer l'intention d'une personne, pas seulement l'adhésion à une organisation; c'est pourquoi l'approche de l'UNHCR ne nous trouble pas. C'est le Haut Commissariat qui effectue l'examen préalable, puis recherche alors des pays qui seraient disposés à accueillir ces personnes.
En vous fondant sur le témoignage du colonel Martin, sur toutes les autres sources et les visites régulières du personnel de notre consulat, êtes-vous sûre que ce groupe de personnes, surtout avec la vidéo disponible sur le raid mené dans le camp d'Achraf et les personnes tuées...? Manifestement, si elles avaient le moindre penchant à la violence, ces personnes y auraient recours pour se défendre quand on les abattait violemment. Elles ont été nombreuses à être tuées — près de 40, à ce que je comprends —, sans compter les personnes blessées.
Êtes-vous donc convaincue aujourd'hui que ces personnes ne constituent pas une menace et ont connu un revirement, par rapport à leurs attitudes passées, que vous avez mentionnées dans votre témoignage?
Je suis mal placée pour déterminer si les individus résidant dans le camp ont effectivement renoncé à la violence ou pas. Comme vous, par contre, j'ai été atterrée par la vidéo; voir l'enchaînement des circonstances est profondément perturbant. Ce sera au Haut Commissariat, puis aux autorités de chaque pays d'accueil, de déterminer la situation de chaque individu dans le camp.
Je voudrais vous remercier d'être présents aujourd'hui, car la question est particulièrement grave.
Vous qui avez lu le témoignage, je vous suggère, monsieur, de prendre aussi la peine d'aller en ligne regarder le colonel Martin. Son témoignage devant le comité était très convaincant. Il semblerait qu'il y ait de gros désaccords sur la scène internationale, car la Grande-Bretagne et d'autres pays ont enlevé la MEK de leur liste.
En écoutant M. Sweet poser ses questions, j'ai été frappé par l'idée que l'armée révolutionnaire des États-Unis aurait été qualifiée de groupe terroriste par la Couronne britannique. Il vient un point où les actes de guerre et les choses qui se sont passées arrivent à une conclusion et où les gens vont de l'avant. Le colonel Martin a dit que les personnes en question avaient déposé les armes et renoncé à la violence; il les a décrites comme ses meilleurs alliés durant l'époque où il était là-bas. Loin de moi l'idée de minimiser les points de vue que vous avez adoptés.
Tom Ridge, du département américain de la Sécurité intérieure, demande la radiation de la liste. Il semblerait qu'une multitude de personnes estiment la radiation justifiée à ce point de l'histoire. Outre le colonel Martin, plusieurs personnes ont indiqué dans leurs témoignages que les dirigeants de l'Irak, qui dirigeront le pays à la suite du retrait des États-Unis, sont fortement influencés par le régime iranien. On estime que les résidents du camp seront soit assassinés soit déplacés en d'autres points du pays où il sera plus facile de les éliminer.
Ce que je vais dire est particulièrement difficile à exprimer, parce que ce sont des événements qui vont avoir lieu dans quelques jours, pas une échéance à une distance de quelques mois qui donnerait à un pays le luxe d'attendre et de voir venir. Je sais que vous travaillez pour le gouvernement de notre pays et que vous lui donnez les meilleurs conseils possible. Mais n'y a-t-il pas quelqu'un disposé à dire qu'il croit que ces 3 400 personnes données, à qui le gouvernement américain avait accordé sa protection...? Je vois mal comment le gouvernement américain accorderait sa protection à des gens qu'il tiendrait pour des terroristes. Ce serait une contradiction.
Ne devrions-nous pas, comme pays, demander à ce que ces gens soient radiés de la liste, par notre pays et par les États-Unis?
J'aurais un ou deux points à signaler avant de laisser la parole à mon collègue de la Sécurité publique qui est l'expert en matière de radiation.
Vous avez parlé de désaccords et on pourrait effectivement constater un désaccord apparent entre la position du Canada, des États-Unis et de quelques autres pays et celle de certains pays européens. Laissez-moi toutefois souligner que, si les Européens ont choisi de radier l'organisation de la liste, c'était à la suite d'un examen judiciaire résultant d'un problème de procédure, quant à la disponibilité de la preuve fournie à la MEK elle-même. Je crois que les gouvernements européens demeurent préoccupés par les intentions et les activités du groupe.
Deuxièmement, vous parlez d'actes de guerre. Je ne suis pas sûre qu'il existe des contextes où l'attaque de civils soit justifiée, même dans le cadre d'une guerre. Je ne suis pas sûre non plus que l'attaque de l'ambassade iranienne à Ottawa soit un acte de guerre ou justifiable. Il y a donc...
Laissez-moi réagir, parce qu'il ne s'agit pas de gens qui seraient au Canada et libres de s'exprimer. Je ne serais certainement pas d'accord pour que quelqu'un au Canada attaque des civils, un édifice ou une ambassade. Mais il y a, dans le camp que nous étudions, 3 400 personnes désarmées à la merci d'un gouvernement qui les a déjà attaquées par le passé et qui a appuyé des attaques. Les témoignages que nous avons entendus le montrent clairement: ces gens risquent d'être assassinés.
Tom Ridge, de la Sécurité intérieure, occupait un poste qui lui aurait donné accès à toute la preuve voulue qui aurait pu l'amener à souhaiter un maintien sur la liste des organismes terroristes. Il était peut-être même la personne la mieux placée dans le monde pour avoir accès à ce type de renseignement. Si je dis qu'il y a contradiction, c'est parce que des personnes de ce rang et dans ces postes — le colonel du camp et toutes les personnes qui ont pris la défense des résidents — même si on estime qu'ils devraient rester sur la liste des terroristes, s'ils n'ont pas d'armes, ils méritent toute la protection qu'on peut leur accorder. Il faut trouver un moyen de le faire.
Je ne veux pas vous critiquer. Vous vous fondez sur les preuves dont vous disposez.
L'autre monsieur, M. MacDonald, allait donner une explication.
Pourrais-je revenir à votre dernier point?
M. Wayne Marston: Bien sûr.
Mme Barbara Martin: Il est important de comprendre que le retrait de la liste est une question bien distincte de la question de la protection.
Vous avez demandé pourquoi les États-Unis ont choisi de protéger une organisation terroriste. Ils ont choisi de protéger ces personnes en raison de l'obligation qu'a toute puissance occupante de protéger ceux qui se trouvent sur le territoire. Le retrait de la liste est une question bien distincte.
Au chapitre de la protection, nous encourageons le gouvernement irakien à retarder la fermeture du camp jusqu'à ce que l'UNHCR ait trouvé un endroit sûr pour tous les réfugiés qui se trouvent dans ce camp. Nous encourageons aussi le gouvernement irakien à respecter ses obligations et à assumer ses responsabilités à l'égard du camp, et nous encourageons, comme je l'ai dit plus tôt, le contrôle hebdomadaire régulier qu'assure l'ONU.
Ce sont donc deux questions bien distinctes: la protection et le retrait de la liste.
Je vais demander à mon collègue de répondre à votre question la plus difficile.
M. Wayne Marston: Merci.
Bien.
Merci de vos observations. Vous avez soulevé des questions sur l'inscription sur la liste et le retrait de la liste et ce que font nos plus proches alliés. Nous pourrions en parler pendant une heure, mais je vais tenter de vous répondre brièvement.
Tout d'abord, la plupart des autres pays, et c'est le cas de nos plus proches alliés, ont une liste. Ces régimes sont généralement souples et répondent aux exigences particulières de chaque pays en matière de sécurité nationale. Ces régimes peuvent comprendre des initiatives relevant de la politique nationale et de la politique étrangère. Par conséquent, les raisons pour lesquelles un pays inscrit une entité sur sa liste ou l'en retire ne correspond pas nécessairement aux motifs qu'invoquerait le Canada.
En général, on inscrit une entité sur la liste en se fondant sur le renseignement dont on dispose, comme vous l'avez souligné, mais ce qui est particulier aux groupes terroristes, dans le cas de la liste... la liste n'est pas statique. Il y a beaucoup de va-et-vient dans le monde terroriste. Les groupes terroristes changent, se transforment, ceux qui en font partie ne sont pas toujours les mêmes; par conséquent, la liste ne peut être statique. Ce concept figure à l'article 83.05 du Code criminel et est important.
Pour ce qui est de notre régime, notre liste est réexaminée tous les deux ans comme vous le savez. À ce moment, le ministre de la Sécurité publique recommande au gouverneur en conseil de maintenir la liste telle quelle ou d'en retirer certaines entités.
Toutefois, on peut retirer une entité de notre liste par d'autres mécanismes. Ainsi, l'entité peut présenter une demande en ce sens au ministre de la Sécurité publique. Je note que la MEK n'a pas demandé au Canada de la retirer de sa liste, mais elle l'a demandé au Royaume-Uni, aux États-Unis et à l'Union européenne.
Monsieur, puis-je vous interrompre un moment?
Il y a 3 400 personnes au camp d'Achraf, et je doute qu'ils présentent une demande en bonne et due forme, qu'ils suivent les formalités... Leur vie est en danger...
Je vois que mon temps est écoulé. Excusez-moi.
C'est bien. Je pense que c'était plutôt une observation qu'une question, de toute façon.
M. Wayne Marston: Oui.
Le président: Merci.
Ce sera maintenant au tour de M. Hiebert qui sera suivi de M. Cotler.
Au cours des derniers mois, j'ai entendu des témoignages sur cette question provenant de différentes sources et je suis un peu confus. Je peux vous dire où il y a confusion dans mon esprit et peut-être que vous pourrez éclairer ma lanterne.
D'une part, des fonctionnaires comme vous nous décrivent tout ce qui est fait pour le contrôle, la protection et la sécurité, et nous affirment qu'on peut être rassuré par le fait que le gouvernement irakien protégera les réfugiés. D'autre part, des témoins nous disent tout à fait le contraire, nous demandent comment on peut croire sur parole le gouvernement irakien sachant que l'ambassadeur d'Irak aux États-Unis a affirmé en février que son gouvernement protégerait le camp d'Achraf et ses résidents, et que le camp a été attaqué en avril et que 36 personnes ont été tuées?
On justifie l'inscription du camp d'Achraf et de ses résidents sur la liste des organisations terroristes en invoquant le fait que c'est un groupe marxiste qui a été fondé en 1965 dont 40 membres ont attaqué l'ambassade de l'Iran au Canada en 1992 avec des bâtons, alors que ce n'est que 13 ans après cette attaque qu'on l'a inscrit sur la liste des organisations terroristes, ou 30 ans plus tard, ou 40 ans après que le groupe a été fondé? Ces contradictions me laissent perplexe. Si ces gens sont si dangereux parce qu'ils font partie d'un groupe marxiste créé en 1965 qui a mené une attaque en 1992, pourquoi figure-t-il sur la liste seulement depuis 2005?
La semaine dernière, le colonel a répondu à toutes ces allégations.
Monsieur MacDonald, vous avez dit avoir lu sa déclaration. Avez-vous lu aussi son témoignage?
Bien. Vous savez donc qu'il nous a expliqué que le groupe marxiste s'était scindé et avait abandonné les armes en 2003 et qu'il ne disposait d'aucune arme ou d'aucune munition quand il a été attaqué. Tous les arguments invoqués pour inscrire ce groupe sur la liste des organisations terroristes ont été réfutés par plusieurs hauts fonctionnaires américains. Je ne comprends pas pourquoi ils figurent encore sur la liste.
Ce qui m'inquiète, c'est que j'ai l'impression que, tant que ce groupe figure sur la liste, le Canada ne pourra pas accueillir ses membres comme réfugiés. Peut-être que l'un de vous pourrait répondre à cette question.
Ce sont mes deux questions.
Merci.
Je peux certainement répondre à votre première question et tenter de répondre à la deuxième, bien que je ne sois pas expert en matière d'immigration ou d'admissibilité aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
En ce qui concerne la liste, il importe de noter que la liste prévue au Code criminel n'a été créée qu'en 2002 par le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, dans la foulée des événements du 11 septembre. La liste n'existait donc pas à l'époque où ce groupe était actif, comme l'étaient bien d'autres groupes. C'est un point important.
L'inscription sur la liste se fait selon un processus rigoureux décrit dans le Code criminel. Quand le gouvernement a prévu la liste au Code criminel en 2002, il envisageait déjà d'y inscrire de nombreuses entités et un processus administratif a été conçu pour appuyer ses décisions.
Le processus est exhaustif; il comprend un examen par un conseiller indépendant, un examen par le gouverneur en conseil, la présentation des motifs par le ministre de la Sécurité publique par suite de consultations, etc. Les 44 entités qui figurent aujourd'hui sur la liste n'ont pas toutes été inscrites en 2002-2003. Le processus administratif prend un certain temps.
Ce qui a été dit sur les activités du groupe découle essentiellement des informations publiques portant sur chaque entité affichée sur le site Web du ministère de la Sécurité publique. Les activités dont on parle ou dont les fonctionnaires parlent sont les activités de ce groupe qui ne sont pas confidentielles et qui peuvent être divulguées. Les autres informations sur les activités du groupe sont protégées par le secret du Cabinet, comme elles ont fait l'objet de discussions quand le gouverneur en conseil a examiné l'opportunité d'inscrire le groupe sur la liste. Voilà pourquoi le colonel à la retraite, par exemple, est plus libre de parler des activités du groupe qu'on ne l'est ici au Canada, en raison du secret du Cabinet qui protège certains renseignements.
En ce qui concerne l'admissibilité au Canada comme réfugié, cela relève de l'article 34 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. C'est à Citoyenneté et Immigration Canada et à l'ASFC de déterminer qui est admissible au Canada ou non. Quand le Canada reçoit une demande d'asile, il tient compte notamment du fait que le demandeur fait partie d'un groupe figurant sur la liste des organisations terroristes pour déterminer s'il constitue un risque pour la sécurité du Canada. La situation des citoyens canadiens ou des résidents permanents est bien différente. Je répète, ce n'est pas mon domaine, mais vous avez raison de dire que c'est un facteur dont on tient compte.
Peut-être que Mme Martin pourrait nous dire ce qu'elle pense des déclarations qui sont faites et ce que lui dit l'ambassadeur.
On nous a dit que M. Maliki a déclaré aux hauts fonctionnaires européens et à un magazine de langue arabe — je suppose que c'est le canal médiatique préféré par le parti au pouvoir — qu'il a la ferme intention de fermer le camp et qu'il a des plans bien arrêtés pour ceux qui s'y trouvent. Il n'a pas déclaré qu'il avait l'intention de les mettre à mort, mais ce serait tout à fait en ligne avec les attaques précédentes.
Quelles garanties vous a-t-on données? Pouvons-nous accepter ces garanties sachant que les actes posés par le régime nous prouvent que ces garanties ne veulent rien dire? Comme je l'ai dit plus tôt, le camp a été attaqué deux mois après que les autorités avaient promis de le protéger, en février.
Vous avez soulevé plusieurs questions.
L'ONU, des hauts fonctionnaires irakiens et les dirigeants du camp tiennent des discussions approfondies en vue de trouver une solution: le report de la fermeture du camp et la réinstallation possible en Irak.
Je crois que vous allez trop loin quand vous concluez que le gouvernement irakien exécuterait les réfugiés — c'est une hypothèse sans fondement.
En effet, ce qui s'est produit le 8 avril est révoltant, mais il faut d'abord enquêter pour déterminer ce qui s'est passé exactement, qui a provoqué les attaques et si elles s'inscrivaient dans la politique du gouvernement. Le gouvernement irakien affirme que les résidents du camp ont lancé des pierres sur les troupes au moment de leur redéploiement. Nous ignorons ce qui s'est passé.
Quand on lance des pierres, c'est qu'on a très peu de moyens de défense.
Je tiens à être bien clair: ce n'est pas moi qui fais ces affirmations, mais bien l'ancien procureur général des États-Unis, ainsi qu'un colonel qui a de l'expérience sur le terrain. Ils ont affirmé que la vie des résidents du camp est en danger.
Nous sommes tous préoccupés par la sécurité des habitants du camp d'Achraf.
Dans nos conversations avec les représentants du gouvernement irakien, ceux-ci nous garantissent qu'ils respecteront les droits des habitants du camp et qu'ils assumeront leurs responsabilités à leur égard. Depuis les événements d'avril, la violence a diminué.
En outre, l'UNHCR, la MANUI et le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme déploient des efforts considérables pour être présents dans le camp et assurer une certaine surveillance. Aucun acte de violence n'a été signalé récemment.
Utilise-t-on encore des hauts-parleurs pour exercer une torture psychologique, comme le colonel l'a dit dans son témoignage, pour empêcher les gens de dormir et les obliger à écouter des messages sur le sort qui les attend? Les empêche-t-on encore de se procurer les fournitures logistiques et médicales dont ils ont besoin, après l'attaque subie en avril?
J'ai lu ce témoigne moi aussi, et en fait, j'ai posé des questions à nos représentants à Amman; j'y étais il y a deux jours et je leur ai parlé. Il s'agit des représentants qui ont visité le camp. Ils ne peuvent pas vérifier si ces allégations sont vraies. Cela ne veut pas dire qu'elles soient fausses, mais ils n'ont pas pu les vérifier et ils n'ont pas été témoins de tels actes lorsqu'ils ont visité le camp.
Une précision, madame Martin. Vous dites bien qu'ils n'ont pas pu vérifier si les allégations sont vraies ou fausses? Ils n'ont tout simplement pas d'information à ce sujet, n'est-ce pas?
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre témoignage, madame Martin. Je ne vais traiter que de la question de la protection, et non de celle de la radiation de la liste. C'est la question le plus pressante dont nous sommes saisis.
En novembre, l'ambassade d'Irak à Bruxelles a informé le Parlement européen des intentions du gouvernement irakien au sujet du camp d'Achraf dans un document officiel en 10 points. Le Parlement européen a répondu, par l'entremise de son président, que le document est malhonnête et illégal dans son intégralité et équivaut à une déclaration de guerre à l'ONU et à la communauté internationale, ainsi qu'à un arrêt de mort pour les résidents d'Achraf. Je ne vais pas passer en revue les 10 points du document officiel, seulement les deux qui correspondent à votre témoignage.
Premièrement, vous dites ce qui suit dans votre témoignage:
Le gouvernement irakien a démontré sa volonté de coopérer avec les États de l'UE, les États-Unis, les voisins de l'Irak, de même que l'Iran, afin de réinstaller les résidents du camp d'Achraf à l'extérieur de l'Irak.
À cela, le Parlement européen répond que le gouvernement irakien a délibérément ignoré les efforts considérables du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Irak, de l'Union européenne et des États-Unis, qui se sont mis en quatre pour parvenir à une solution pacifique de la question d'Achraf, impliquant la réinstallation de ses habitants, mais qui ont été bloqués à plusieurs reprises à chaque fois par le gouvernement irakien. Le document est un effort flagrant pour préparer le terrain à un massacre des habitants d'Achraf.
Deuxièmement, et je terminerai là-dessus, vous avez dit que le gouvernement irakien a également permis à des organisations internationales comme la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Irak, la MANUI, et le Comité international de la Croix-Rouge de visiter le camp très régulièrement afin de surveiller les conditions de vie, de faciliter la communication avec les familles et d'assurer les approvisionnements aux résidents.
Voici ce qu'a répondu le président du Parlement européen:
Il semble que le massacre de 47 habitants, le fait d'avoir blessé plus de 1 000 personnes, le blocus barbare de trois ans d'Achraf et la privation de facilités médicales provoquant la mort douloureuse de malades et de blessés, soient inscrits selon le gouvernement irakien dans les principes des droits de l'homme consacrés par le droit international.
On en fait mention également dans le document irakien.
Il semble y avoir un écart entre l'interprétation que le Parlement européen fait de la position du gouvernement de l'Irak et l'évaluation que vous en faites. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Je dois avouer que je ne connais pas la position du Parlement européen à ce sujet. Toutefois, j'ai lu le plus récent rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation dans le camp. Comme je l'ai déjà dit, des représentants des Nations Unies travaillent régulièrement dans le camp. Ils le visitent chaque semaine, exercent une surveillance et parlent aux résidents. Le rapport du secrétaire général ne fait aucune mention des éléments que vous avez tirés du rapport de l'Union européenne.
Si vous me le permettez, je vous suggère d'inclure dans votre évaluation générale des témoignages et de la preuve documentaire, la position qu'a exprimée le Parlement européen par le truchement de son président sur la position de l'Irak et les dangers qui menacent les résidents du camp d'Achraf, ainsi que toutes les autres évaluations qui en sont faites. Compte tenu de la menace imminente contre la vie des résidents du camp d'Achraf — d'après les témoignages que nous avons entendus — nous nous devons d'évaluer toutes les preuves, d'où qu'elles viennent, afin d'avoir une évaluation aussi complète que possible à cet égard.
Ce qui ressort des témoignages que nous avons entendus et de toute la preuve documentaire que j'ai lue, c'est qu'il existe une menace imminente et qu'il ne faut accorder aucune crédibilité à la position exprimée par le gouvernent de l'Irak.
En fait, le camp d'Achraf a été attaqué juste après des réunions avec des représentants américains de haut niveau, entre autres le secrétaire de la Défense, M. Gates. Cela nous alerte au fait de ce qu'une autre attaque pourrait être bientôt déclenchée, compte tenu de ce que le premier ministre al-Maliki visite présentement le président Obama. Si l'on se guide sur le passé, cela pourrait signaler qu'une attaque pourrait être menée après la rencontre avec les représentants américains de haut niveau pour donner l'apparence que les Américains ont sanctionné l'attaque.
Il ne faut pas perdre de vue ces choses-là. Nous ne voulons pas avoir à regretter plus tard ce que nous aurions pu éviter en agissant plus tôt.
Merci.
Je prends bonne note de vos observations, monsieur Cotler, et je vous remercie.
Comme je l'ai dit, j'ai lu le commentaire du colonel Martin à cet égard. Quant à son idée que le gouvernement irakien pourrait profiter de la visite aux États-Unis pour décider de mesures ultérieures dont nous ne savons pas si elles seront appliquées ou non, j'estime que ce n'est qu'une hypothèse pour l'instant.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur temps et de leurs témoignages.
J'ai plusieurs questions à poser. Je vais commencer par la première.
L'Organisation des Moudjahiddines du peuple d'Iran fait partie des entités qui figurent sur la liste des organisations terroristes aux termes de notre Code criminel. Savez-vous si les membres de cette organisation se livrent à des actes de terrorisme en Irak?
Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Peut-être mon collègue de la Sécurité publique peut-il le faire.
Je suis désolé. Je ne suis pas non plus en mesure de parler de ce qui se passe sur le terrain au camp d'Achraf ou des actes que commettent cette organisation. Je ne suis pas un expert de ce genre d'activité étrangère.
D'après la nature des activités au camp d'Achraf... Ils vivent dans le camp; le camp est une communauté. Que font-ils en dehors? Entrent-ils du camp ou en sortent-ils? Je ne suis vraiment pas en mesure de le dire. Le gouvernement de l'Irak semble dire que l'organisation pose une menace au gouvernement et à la sécurité régionale, et je crois que nous devons le croire — après tout, c'est leur pays.
Le gouvernement de l'Irak prétend qu'en permettant au camp d'Achraf de continuer d'exister, on intervient en fait dans les affaires intérieures d'un de ses pays voisins. Êtes-vous d'accord?
Je ne suis pas en mesure de commenter les activités que peut mener le gouvernement iranien à l'intérieur de l'Irak.
Depuis que les Américains ont cédé la responsabilité de la sécurité du camp au gouvernement de l'Irak en 2009, on a signalé que les forces de sécurité irakiennes s'étaient livrées à de violentes confrontations contre les résidents du camp et les ont maltraités. Ces allégations sont-elles vraies?
Je ne suis pas en mesure... Il faudrait entamer un processus judiciaire pour déterminer la véracité des allégations, et je ne suis pas en mesure de le faire.
Je vois.
On a laissé entendre que l'Organisation des Moudjahiddines du peuple d'Iran avait obligé certains résidents du camp à y demeurer contre leur volonté. En existe-t-il des preuves?
Nous avons entendu des rumeurs semblables, mais je n'ai aucune preuve à ce sujet. En ce qui concerne les citoyens canadiens qui résidaient dans le camp, le gouvernement du Canada leur a offert une aide consulaire pendant longtemps. Ils ont décidé de s'en prévaloir pour la première fois en juin, et il ne semble pas que leur décision de quitter le camp à ce moment ait posé de problèmes.
À votre avis, que peut-on faire au sujet du camp d'Achraf et de ses résidents? Ces résidents sont-ils menacés d'un danger imminent? Si oui, que peut faire la communauté internationale pour aider ces personnes qui ont un urgent besoin d'aide?
Nous pouvons faire toutes sortes de choses, entre autres continuer d'attirer l'attention sur le fait que le gouvernement de l'Irak doit respecter ses responsabilités aux termes du droit international. Plus particulièrement, nous faisons ces démarches auprès du gouvernement de l'Irak et de ses fonctionnaires, à l'appui de l'engagement des Nations Unies sur le terrain, pour nous assurer que les Nations Unies puissent continuer de surveiller la situation dans le camp et pour appuyer le travail de l'UNHCR dans l'évaluation des personnes destinées à être réinstallées.
Monsieur Marston, je sais que vous avez des questions, mais me permettez-vous d'en poser une avant de vous donner la parole?
Merci.
Monsieur MacDonald, vous avez dit qu'il y a plusieurs façons d'être rayés de la liste et que, entre autres, un groupe peut demander à un pays de demander qu'il soit rayé de la liste.
La MEK pourrait nous présenter une telle demande, mais elle ne l'a pas fait. Avons-nous tenté de l'informer qu'elle pourrait nous le demander?
Ma réponse à cette question sera en deux parties. Il existe en fait quatre moyens pour une organisation de se faire rayer de la liste prévue au Code criminel. Trois de ces moyens sont énoncés dans le Code criminel lui-même.
Le premier moyen pour être rayé de la liste correspond à l'exigence législative d'effectuer un examen tous les deux ans. La MEK a été listée en 2005. Elle a fait l'objet d'un examen bisannuel en 2006, en 2008 et en 2010. Si elle demeure inscrite sur la liste, elle subira un autre examen en 2012. Il s'agit d'une exigence législative qui donne lieu à une décision du gouverneur en conseil.
Le deuxième moyen est celui que vous avez mentionné, monsieur Reid, c'est-à-dire de présenter une demande.
Le troisième moyen consiste, après le rejet d'une demande, à demander un examen judiciaire. À la suite de cet examen, le tribunal peut ordonner, après avoir examiné l'affaire, que l'organisation soit rayée de la liste ou y demeure inscrite.
Évidemment, notre système est suffisamment souple pour permettre au gouverneur en conseil de décider de rayer une organisation de la liste sans égard à ces trois autres mécanismes.
Pour ce qui est de répondre à la question de ce qui est public et de ce qui ne l'est pas, tous ces procédés sont publics. Le Code criminel est disponible à tous. Et non, je ne suis pas au courant qu'un représentant du gouvernement ait fait des démarches auprès de la MEK pour l'informer de cela.
Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne ce qu'a dit M. MacDonald, je ne crois pas qu'il soit très utile, compte tenu de la situation actuelle, d'inscrire des gens à la liste ou de les rayer de cette liste. Plusieurs des témoins que nous avons entendus nous ont dit que M. Maliki est prêt à faire abattre ces gens, pour exprimer les choses brutalement.
M. Cotler a expliqué le point de vue de l'Union européenne et l'a comparé à ce que nous avons entendu au sujet du processus judiciaire — qui est minimisé à mon avis — quant à la façon dont l'organisation a été rayée de la liste.
Madame Martin, je vous ai peut-être mal comprise, et je voudrais vous donner la chance de me corriger si c'est le cas. J'ai été abasourdi de vous entendre dire dans votre témoignage que la lapidation pouvait justifier que des personnes armées tuent des résidents du camp. Je veux vous donner l'occasion de me corriger si je vous ai mal comprise. Je vous en donne aussi la possibilité au cas où quelqu'un d'autre aurait également mal entendu.
Non, j'ai simplement dit qu'il faut tenir une enquête. Ces événements peuvent toujours être examinés sous divers angles. J'ai dit à plusieurs reprises dans mon témoignage que ce que j'ai vu dans la vidéo, ce qui s'est produit, était horrifiant. Cela ne fait aucun doute. Il faut examiner le point de vue du gouvernement de l'Irak et déterminer exactement ce qui s'est produit.
Je suis heureux de vous avoir donné la possibilité de me corriger, car j'avais mal entendu. Je ne croyais pas que c'était possible, mais je voulais en être certain.
Dans l'un des témoignages que nous avons entendus, peut-être celui du colonel Martin, mais les témoignages commencent à se mélanger dans mon esprit, il a été dit que la plupart des dirigeants initiaux de la MEK ont été exécutés. Existe-t-il des preuves de ce que certains des résidents de ce camp aient participé directement à des actes de terrorisme international? Peut-on nommer certaines de ces personnes? Le manque de logique dans le fait que les Américains leur offrent le statut de personnes protégées... si c'est bien le cas, je trouve cela très...
C'est trompeur. On leur a offert le statut de personnes protégées sans égard à ce que ces personnes peuvent avoir fait, car c'était l'obligation légale que devaient respecter les Américains.
D'accord, mais quelqu'un peut-il répondre à la question? Savons-nous s'il y a encore dans le camp d'anciens dirigeants de l'organisation?
Pour être honnête, je soumets respectueusement que nous, qui sommes devant vous, ne sommes pas en mesure de répondre à cette question. Il faudrait la poser à quelqu'un des services de renseignements ou des forces de l'ordre...
De votre point de vue, monsieur MacDonald, nous ne connaissons pas vraiment vos sources d'information ou les moyens par lesquels vous arrivez à vos conclusions. Nous essayons de nous y retrouver. Je ne comprends toujours pas pour quelle raison ce groupe est encore inscrit à la liste des organisations terroristes. Si certains de ceux qui ont participé à des actes terroristes étaient encore dans le camp, on pourrait comprendre dans une certaine mesure les préoccupations. Mais si nous ne pouvons pas répondre à cette question, c'est impossible.
Il faut comprendre que les dirigeants actuels de la MEK se trouvent actuellement à Paris. Les résidents du camp d'Achraf sont simplement ceux qui se trouvaient sur les lieux; ils ne représentent pas la totalité des membres de la MEK. La MEK a des membres au-delà des frontières du camp d'Achraf. Ils ont été désarmés — et n'ont pas rendu leurs armes volontairement — en 2003. C'est une organisation qui s'étend bien au-delà du territoire occupé par le camp d'Achraf.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai dit qu'au lieu de discuter de l'inscription sur la liste ou de la radiation de la liste, il vaudrait mieux discuter des 3 400 personnes qui se trouvent dans le camp. Si vous me dites que les dirigeants de la MEK ne sont pas dans le camp, cela signifie que les résidents du camp sont tenus responsables d'actes sur lesquels ils n'avaient aucun contrôle.
On a d'une part M. Maliki, qui a exprimé très clairement son intention d'abattre ces personnes. De l'autre côté, d'autres personnes en Iran souhaitent très clairement que les résidents du camp soient abattus. Nous avons entendu de nombreux témoignages, de David Matas et d'autres personnes, sur le fait qu'il faut protéger les résidents du camp afin qu'ils ne soient pas renvoyés en Iran. Mais tant que le gouvernement de l'Irak et M. Maliki subiront une influence de l'Iran, les résidents du camp sont probablement dans un aussi grand danger que s'ils retournaient en Iran. C'est pour cette raison précisément que nous essayons d'attirer l'attention sur ce problème particulier.
C'est pour cette raison que la réinstallation des résidents du camp d'Achraf doit se faire selon un processus au cas par cas, grâce à des entrevues, des examens et des antécédents. L'UNHCR fait ses évaluations en fonction de son rôle professionnel et de son mandat.
Je suis d'accord. Le colonel Martin a proposé que ces gens soient transférés dans des camps américains aux États-Unis; à partir de là, on pourrait voir où il conviendrait de les envoyer. De cette façon, on pourrait garantir leur sécurité immédiate.
Je ne sais pas si vous pouvez faire des observations à ce sujet, mais c'est du moins ce qu'il a dit dans son témoignage.
C'est le gouvernement américain qui devra décider s'il désire procéder de cette façon.
Normalement, dans les cas de demande d'asile, on préfère faire le tri sur le terrain. À l'heure actuelle, on essaie d'obtenir une prolongation de délai du gouvernement de l'Irak afin que l'UNHCR puisse faire ces évaluations et trouve des pays prêts à accepter les réfugiés.
Je vous remercie, monsieur Marston.
Normalement, nous aurions un dernier tour de six minutes pour les conservateurs. Nous n'avons pas assez de temps, mais je vais faire une exception pour M. Hiebert.
Je vous remercie.
J'aimerais tous vous donner l'occasion de répondre à la question posée plus tôt.
S'il s'agit d'une organisation terroriste, pourquoi sommes-nous inquiets pour eux? Pourquoi faisons-nous des visites hebdomadaires? Pourquoi rapatrions-nous des citoyens canadiens qui sont des terroristes? Pourquoi envoyons-nous la MANUI et la Croix-Rouge? Pourquoi demandons-nous d'être rassurés de leur protection s'il s'agit d'une organisation terroriste?
C'est une excellente question, et j'y répondrai par une observation générale.
Dans notre système, ce n'est pas un crime d'être inscrit sur la liste des organisations terroristes. Cela n'entraîne pas de punition. La liste est utilisée à diverses fins, entre autres pour empêcher le financement des organisations terroristes, imposer une interdiction aux personnes qui font affaire avec un tel organisme et pour informer la population de ce que le gouvernement considère être une organisation terroriste, ainsi que des conséquences qui en découlent, si on l'appuie... Ces mesures découlent de la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme des Nations Unies.
C'est donc très important, et ce que vous dites... nous avons dit que ce n'est pas un crime d'être inscrit sur la liste. Le crime n'est pas d'être « un terroriste », mais de commettre des actes terroristes.
Je vais laisser la parole aux Affaires étrangères.
J'aimerais en savoir un peu plus.
Je trouve là une analogie avec une autre étude que nous avons en cours, sur la situation au Sri Lanka. À la fin de la guerre civile au Sri Lanka, des dizaines de milliers de personnes ont été concentrées dans une aire géographique toujours plus petite, la péninsule de Jaffna. Ceux qui luttaient là-bas contre le gouvernement étaient les Tigres tamouls. Les personnes ainsi confinées étaient uniquement des Tamouls. Je suis sûr que certains d'entre eux appartenaient aux Tigres — en fait je sais que c'est bien le cas — mais la majorité de ces personnes étaient de simples citoyens qui avaient été pris au piège.
Cette situation me semble assez semblable. Ces gens étaient dans la région depuis longtemps. Leur allégeance politique peut varier selon les personnes, mais on semble confondre l'organisation et les personnes. Ce sont de simples gens qui pourraient bientôt se retrouver morts; c'est ce qui nous inquiète.
Je ne vous demande pas vraiment de commentaires, mais je vous laisse libres d'en faire.
Nous comprenons très bien que ce sont des personnes, et c'est pour cette raison que nous avons agi en fonction de principes. Tout d'abord, nous avons offert et accordé de l'aide à tous les citoyens canadiens qui étaient dans le camp; il y en a 11. Deux ont décidé de rester au camp.
Nous nous sentons obligés d'exercer des pressions sur le gouvernement de l'Irak pour qu'il respecte son obligation de protéger ces personnes et de garantir leur sécurité. Aux fins de la réinstallation, l'UNHCR traite chacune de ces personnes comme un cas particulier. Il y a une grande différence entre l'obligation de protéger et la question de l'inscription de la MEK sur la liste des organisations terroristes. L'explication de M. MacDonald à ce sujet était très utile, puisqu'il a aidé à préciser la distinction.
Toutefois, l'intervention humanitaire et l'aide consulaire sont offertes aux personnes qui en ont besoin en fonction des besoins individuels et non en fonction d'une inscription sur la liste.
Merci.
Nous remercions nos témoins et leur sommes reconnaissants de leurs témoignages.
Cela met fin à cette partie de nos délibérations.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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