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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 novembre 2011

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Français]

    Le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international procède aujourd'hui à sa 10e séance en ce 24 novembre 2011.

[Traduction]

    Si vous jetez un oeil à l'ordre du jour, vous constaterez qu'il avait été prévu d'examiner les travaux du comité à huis clos en début de séance. Pour procéder de cette façon, il faudrait demander à nos témoins et à tous les spectateurs de quitter la salle pendant que nous examinons nos travaux futurs, et les faire entrer de nouveau par la suite. Nous n'avons pas le quorum non plus. Il est possible d'entendre des témoins lorsque trois membres du comité sont présents, mais il en faut plus pour étudier les travaux.
    Je vais donc inverser l'ordre du jour. Nous étudierons nos travaux plus tard, lorsque tous les membres du comité seront présents. Nous allons ainsi entendre notre témoin en premier lieu.
    Nous recevons aujourd'hui Don Hutchinson, avocat général et vice-président de l'Alliance évangélique du Canada.
    Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Nous nous réunissons dans une salle plus petite que la dernière fois, mais cela ne signifie pas que nous accordons moins d'importance à votre témoignage. C'est simplement que la salle d'en haut est utilisée en ce moment pour rendre hommage aux membres des Forces canadiennes de retour de la Libye. Je pense que nous serons tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un événement très important.
    Nous poursuivons bien sûr notre étude des persécutions subies par la communauté copte d'Égypte ainsi que par les minorités chrétiennes d'Irak et d'Iran.
    Monsieur Hutchinson, je vous invite à nous présenter votre témoignage quand vous serez prêt.
     Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m'avoir invité à venir témoigner devant eux.
    Bien que je sois avocat général et vice-président de l'Alliance évangélique du Canada, comme le président l'a indiqué, je suis ici aujourd'hui en ma qualité de président de la Commission des libertés religieuses de l'AEC.
    Je vais éviter de revenir sur les faits historiques et les informations diffusées dans les médias, pour me concentrer sur la situation actuelle des chrétiens en Égypte, en Irak et en Iran.
    Quand nous avons reçu l'invitation vendredi dernier, nous avons fait appel au réseau international en vue de fournir au comité les informations les plus récentes possible. Je pense qu'il serait logique de vous expliquer d'abord en quoi consiste ce réseau, puis de vous parler des pays qui le composent.
    L'AEC compte 39 groupes confessionnels, de foi anglicane, baptiste, mennonite, pentecôtiste et wesleyenne, entre autres. Le mouvement des Églises de la Vigne et l'Armée du Salut en font également partie. L'AEC regroupe aussi plus de 100 organismes affiliés, dont des organismes de soutien et de défense des chrétiens persécutés.
    L'AEC est l'une des 128 alliances nationales de l'Union évangélique mondiale, qui est reconnue, aux côtés de l'Église romaine catholique et du Conseil oecuménique des Églises, comme l'une des principales branches du christianisme au monde.
    La Commission des libertés religieuses de l'AEC, que j'appellerai la CLR, est formée de particuliers et de représentants d'organismes voués à la défense de l'Église persécutée. La Commission élit elle-même son président. La CLR est en lien avec la commission des libertés religieuses de l'Union évangélique mondiale, qui est aussi liée à Advocates International, une association d'avocats de foi chrétienne qui travaillent sur le terrain dans plus de 100 pays. Elle est également associée à plusieurs autres partenaires de l'Union évangélique mondiale. Notre organisme fait aussi partie du réseau du Partenariat pour la liberté religieuse, largement reconnu comme le plus important partenariat de particuliers et d'organismes impliqués de près ou de loin auprès de l'Église persécutée.
    Mes commentaires porteront d'abord sur l'Égypte.
    La CLR a produit un rapport sur l'Égypte en juin 2009, mis à jour par une annexe parue en février 2010. J'ai une copie de ce rapport, que je transmettrai à la greffière par voie électronique. Le rapport contient des recommandations formulées à l'intention du gouvernement du Canada.
    Le comité a entendu des témoignages mardi sur le massacre qui a eu lieu le 9 octobre à Maspero, alors que 27 chrétiens ont été tués et plus de 300 autres blessés. Depuis, les coptes et autres chrétiens d'Égypte craignent encore plus les forces militaires.
    Le comité a aussi entendu parler du meurtre gratuit du jeune copte de 17 ans, Ayman Nabil Labib, le 16 octobre. Il avait refusé de suivre les ordres de son professeur, qui l'avait sommé de couvrir le tatouage traditionnel qu'il avait sur son poignet, une croix copte, et de retirer une autre croix qu'il portait de façon apparente. Aymen a été battu à mort dans la classe.
    La destruction des églises se poursuit en Égypte, et on interdit aux congrégations de réparer les dégâts ou de reconstruire leur église sans l'autorisation des conseils musulmans locaux ou du gouvernement national. Je note que l'armée a rebâti deux églises qui avaient été endommagées ou détruites au Caire plus tôt cette année.
    Brian Stiller, le président sortant de l'AEC et maintenant ambassadeur mondial pour l'AEC et l'Union évangélique mondiale, se trouve actuellement en Égypte, et il y sera pendant deux semaines encore. Brian et d'autres intervenants nous ont rapporté les réactions constatées à l'égard de cette vague de violence anti-chrétienne.
    Le 11 novembre, neuf mois exactement après la chute de l'ex-président Hosni Moubarak, des chrétiens se sont réunis pour prier. Coptes, catholiques, évangéliques et autres protestants étaient au nombre des 70 000 personnes rassemblées à l'église de la Caverne, aussi connue sous le nom de l'église St-Simon, au Caire, pour prier et louanger Jésus. Des millions de personnes des quatre coins du monde ont pris part à l'événement par Internet. J'ai des photos de ce rassemblement, et je serai heureux de les faire circuler si vous souhaitez les voir.
    Il s'agissait du plus grand rassemblement chrétien de l'histoire moderne de l'Égypte. La prière a débuté à 18 heures et s'est poursuivie jusqu'à 6 heures le lendemain matin. Les chefs d'église ont mené les prières collectives implorant le bien de la nation, le salut de leur contrée, la repentance des actes répréhensibles qu'ils auraient pu commettre, et le pardon des actes dirigés contre eux.
    Si on assistait au début de l'année à des scènes où chrétiens et musulmans priaient côte à côte et se protégeaient les uns les autres à place Tahrir, malheureusement, le tableau que l'on voit maintenant en est plutôt un de liberté restreinte. Les chrétiens ont pris un risque énorme en organisant si ouvertement et publiquement ce gigantesque rassemblement. Ils se sont toutefois réunis dans un endroit surnommé « ville des ordures », loin du centre du Caire.
(1310)
    Les restrictions sont imposées tant par l'armée que par les extrémistes islamiques, qui excluent les chrétiens et les musulmans modérés du programme politique. Cela n'aide en rien la situation qu'on nous rappelle sans cesse que le pape Shenouda III s'était rangé derrière Moubarak lors des soulèvements de janvier, préférant essentiellement endurer un mal connu plutôt qu'un mal inconnu.
    Par l'entremise de leurs réseaux politiques, les Frères musulmans proposent de présenter des candidats pour plus de 85 p. 100 des sièges parlementaires, malgré s'être précédemment engagés à proposer des candidatures pour au plus 40 p. 100 des sièges. L'armée, quant à elle, propose de ne soumettre que 20 p. 100 des nouveaux sièges parlementaires aux élections qui commenceront la semaine prochaine. Ce parlement façonnera la nouvelle constitution de l'Égypte.
    Un dirigeant chrétien bien en vue — et je ne nommerai personne aujourd'hui — a déclaré ceci:
Tous les chrétiens ont le sentiment clair d'appartenir à une « minorité », et ils pensent qu'ils devraient bénéficier de moins de liberté en ce qui concerne leurs droits étant donné qu'il s'agit d'un pays musulman.
    Il note également que:
Les pressions exercées par les gouvernements étrangers à l'appui du christianisme en Égypte se retournent souvent contre les communautés chrétiennes, validant l'argument de leurs détracteurs musulmans, qui soutiennent que les chrétiens sont des « étrangers » en Égypte, ou pire, des agents d'intérêts étrangers. Il est donc grandement préférable de laisser les Égyptiens faire leurs propres demandes en Égypte. Dans de rares circonstances, l'intervention de la communauté internationale peut aider; nous pourrons demander de l'aide quand ce sera le cas.
    Il conclut en encourageant les appels à la sécurité globale de la population égyptienne:
Il en va de la sécurité du pays, qui doit primer; quand l'Égypte sera en paix et en sécurité, les chrétiens le seront aussi.
    Un autre important dirigeant chrétien du Caire note ceci:
... lorsqu'il y a eu escalade du conflit opposant les manifestants et l'armée Égyptienne et que les échanges sont devenus extrêmement violents, nous avons ouvert les portes de l'église pour établir une clinique et soigner les blessés.
En toute honnêteté, cette situation est très déconcertante pour nous. Nous espérons que les élections se dérouleront dans le calme, mais nous sommes tout à fait conscients que les nouveaux partis politiques ne sont pas prêts à franchir une étape aussi importante, et nous sommes incertains des résultats à venir. Bien des gens ressentent de la frustration, car les changements qu'on nous avait promis au gouvernement ou à l'égard des affaires civiles se font toujours attendre. On assiste encore à énormément d'agressions et d'abus à l'endroit des manifestants de la part des forces policières, et maintenant de la part de l'armée aussi. Tout cela nous rappelle que nous devons continuer à prier avec ardeur.
À l'approche imminente des élections, quelques-uns des partis islamistes les plus radicaux ont fait la démonstration de leur pouvoir vendredi dernier, voulant montrer au public leur influence et leur intention d'imposer leurs idées à l'égard de la nouvelle constitution.
    Cela nous rappelle également que la nature musulmane relativement modérée de l'Égypte, qui s'accompagne de lacunes connexes en matière de droits de la personne, a joué un rôle important sur le plan géopolitique. Dans le processus électoral qui sera lancé la semaine prochaine, les règles entourant l'identification des voteurs vont empêcher ou décourager bien des chrétiens de se rendre aux bureaux de scrutin. On continue à imprimer le seul journal chrétien de langue arabe à jamais avoir été publié légalement dans l'Égypte moderne, et on diffuse toujours sur Internet la chaîne chrétienne de langue arabe. Toutefois, les deux sont menacés.
    Je conclus cette section avec la citation suivante d'un autre important dirigeant chrétien en Égypte. Il dit ceci:
Merci de partager avec nous ces temps difficiles.
Nous traversons un sombre tunnel de violence, avec au cœur le chagrin de la mort et de l’injustice. La lumière du pardon brille d’un amour rempli de douleur. Nous menons un rude combat pour faire cohabiter le pardon et la justice, mais nous avons misé sur l’amour qui ne faillit jamais.
Nous sommes pressés de tous les côtés, mais jamais écrasés. Nous sommes déconcertés mais jamais perdus, persécutés mais non abandonnés, désarçonnés mais pas détruits. Nous ne perdons pas courage et continuons à travailler pour que justice soit faite. Nous continuons à aimer et à pardonner, pour que les coeurs soient dominés par la paix de Dieu. Nous continuons à apporter soins et soutien aux victimes innocentes. Et nous prions encore et toujours pour les victimes, pour leurs bourreaux et pour un avenir meilleur.
Merci à tous pour votre affection, pour vos attentions, pour vos paroles et vos actions qui relient justice et pardon.
    Mes commentaires sur l'Irak et l'Iran seront plus brefs, car il est plus difficile à court préavis d'obtenir les impressions des intervenants sur le terrain dans ces pays.
(1315)
    La CLR a également produit un rapport sur l'Irak en mars 2010. Je vais en transmettre une copie électronique à la greffière. Ce document contient aussi des recommandations à l'intention du gouvernement du Canada. Nous sommes très encouragés de voir que certaines des recommandations formulées à ce moment-là ont été bien reçues par le gouvernement fédéral. Leur sécurité étant la plupart du temps menacée, les chrétiens doivent fuir constamment, à l'intérieur même du pays ou à l'extérieur.
    En septembre 2011, une ONG canadienne s'est rendue sur place en compagnie d'un député et d'un sénateur. On nous a contactés en douce à la suite de cette visite, et nous avons dû confirmer qu'il ne s'agissait pas de la visite d'un membre de l'Union évangélique mondiale ou du Partenariat pour la liberté religieuse, ni, à notre connaissance, d'une délégation officielle du gouvernement du Canada.
    Pour ce qui est de l'Iran, nous n'avons pas préparé de rapport récemment sur ce pays. Nous soulignons le nombre de chrétiens encore emprisonnés. Le pasteur Youcef Nadarkhani demeure condamné à mort et est toujours derrière les barreaux, où il est victime de torture physique et psychologique. Il est accusé d'apostasie, en raison de son héritage musulman, et non pas parce qu'il a pratiqué l'islam avant de se convertir au christianisme. Il est en isolement cellulaire et on le force chaque jour à lire, sous surveillance, des écrits musulmans et antichristianisme. Il a été battu. Il a la permission de faire quelques appels téléphoniques, mais toujours sous écoute, alors les conversations sont limitées. On s'attend à ce que le tribunal iranien rende son verdict à l'égard de nouvelles accusations peu avant Noël.
    Nous prévoyons également que les célébrations de Noël, orthodoxes et traditionnelles, donneront lieu à une autre vague d'arrestation de chrétiens en décembre et en janvier. L'an dernier, plus de 120 chrétiens avaient été arrêtés durant cette période de l'année. L'un d'eux, Farshid Fathi, est détenu à la prison notoire d'Evin à Téhéran depuis le 26 décembre 2010. L'homme de 32 ans est marié et père de deux jeunes enfants.
    Impossible d'oublier que dans tout conflit des enfants sont touchés. Si les enfants de parents chrétiens et reconnus comme tels sont victimes de persécution, les pressions et les risques sont encore plus grands pour ceux dont les parents musulmans se sont convertis au christianisme. Ces enfants reçoivent une éducation chrétienne, mais doivent continuer à pratiquer l'islam en public.
    En Iran, contrairement à l'Égypte, on croit que les pressions de la communauté internationale seront nécessaires pour forcer la libération des chrétiens emprisonnés et instaurer certaines notions de liberté religieuse.
    Soit dit en passant, j'ai noté que le rapport de votre comité sur le Sri Lanka n'était pas terminé. Cette semaine, j'ai reçu un document de l'Alliance évangélique et chrétienne nationale du Sri Lanka, dont le directeur général est aussi président de la commission des libertés religieuses de l'Union évangélique mondiale. Ce document porte sur la situation du Sri Lanka, notamment la chute du gouvernement et la tenue des élections, prévues pour décembre. Je vais aussi transmettre une copie électronique de ce document à la greffière.
    Merci beaucoup.
    Avant de poursuivre, je dois mentionner, monsieur Hutchinson, que le document que vous nous avez soumis est en version anglaise seulement. Nos règles ne me permettent pas de le faire circuler, mais la greffière veillera à le faire traduire et à le distribuer. Nous avons des traducteurs très efficaces, cela devrait se faire très rapidement.
    Comme il nous reste encore 40 minutes et que l'étude de nos travaux ne devrait pas prendre beaucoup de temps, je propose de procéder à des tours de six minutes. Nous allons commencer avec M. Hiebert.
(1320)
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hutchinson, d'être des nôtres aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant de prendre le temps de nous informer de la situation.
    Vous avez porté à ma connaissance quelques faits très intéressants. Pourriez-vous entrer dans les détails?
    En ce qui concerne les églises qui ont été détruites plus tôt cette année, vous avez indiqué que l'armée était retournée pour les rebâtir. Est-ce exact?
     Deux églises qui avaient été détruites au Caire ont été reconstruites par l'armée. Cependant, l'église de Saint-Georges, à Merinab, dans la province d'Assouan, qui a été attaquée par un groupe de plus de 1 000 personnes, n'a pas été reconstruite. Le gouvernement avait donné la permission de la rénover complètement et on venait de terminer les travaux de rénovation. Le gouvernement militaire a ordonné que les conseils musulmans locaux donnent leur approbation avant la remise en état d'une église endommagée ou détruite. On a d'autre part demandé à la communauté musulmane impliquée dans la destruction de ces églises de les réparer. Pour ce qui est de l'église de Saint-Georges, un soufi a annoncé, il y a deux mois, que la communauté musulmane prendrait des mesures pour la remettre en état, mais rien n'a été fait jusqu'à présent.
    À quand remonte les attaques?
    À septembre.
    L'annonce a donc été faite tout de suite après les événements.
    Très peu de temps après les évènements, un représentant du gouvernement militaire est venu dans la province. Il se tenait aux côtés du soufi pendant qu'il faisait son annonce, puis il est reparti. Depuis lors, aucune mesure n'a été prise.
    Vous avez également parlé d'un rassemblement de 70 000 personnes. À quel endroit ce rassemblement a-t-il eu lieu?
    À l'église de la Caverne, dans la « ville des ordures », au Caire. C'est en banlieue du Caire. L'église de la Caverne est littéralement une caverne creusée dans la roche et, dans la partie la plus élevée de l'église, il n'y a pas de mur arrière. On y voit la colline. Ce fut un rassemblement remarquable. D'ailleurs, pas plus tard qu'hier, Brian Stiller, a diffusé sur Internet un montage vidéo de ce rassemblement qu'il a filmé.
    C'était à quel moment?
    Le 11 novembre dernier.
    Très bien.
    Y a-il eu des manifestations de violence ou des protestations pendant ce rassemblement?
    Pas du tout. Il n'y a eu que des prières, des chants et des dévotions. Il y a eu un moment mémorable; pendant 10 minutes, la foule psalmodiait sans arrêt... Il est assez inhabituel de voir des communautés copte, catholique, chrétienne évangélique et protestante réunies, mais en aussi grand nombre, c'est du jamais vu. À un certain moment, les gens qui dirigeaient la cérémonie ont dû s'arrêter car toute la foule scandait le nom de Jésus.
    Y avait-il une présence militaire à cet évènement pour assurer la sécurité?
    À ma connaissance, non, mais qui sait qui se trouvait dans la foule?
    Pensez-vous que ces rassemblements chrétiens ont contribué à la violence?
    C'est une bonne question. D'autant que je sache, les chrétiens n'ont pas contribué à augmenter la violence. Comme je l'ai déjà mentionné, je crois, l'église de la place Tahrir, l'une des principales églises, a servi d'infirmerie pendant les cinq derniers jours des émeutes. Des médecins y étaient logés.
    Chose certaine, durant les affrontements qui se sont déroulés sur la place Tahrir en janvier, ce sont les chrétiens qui ont d'abord entouré les musulmans pour les protéger pendant leurs prières. Les musulmans leur ont ensuite rendu la pareille. Les églises chrétiennes de la place Tahrir étaient également ouvertes aux musulmans pour leur permettre de faire les ablutions qui précèdent leurs prières.
    C'était avant que notre comité demande au gouvernement de lier l'aide canadienne au respect des droits de la personne dans ces pays, et je tiens à dire que je me suis entretenu avec la ministre de l'ACDI. Elle m'a dit que le gouvernement canadien n'octroyait aucun fonds à d'autres gouvernements. Toutes les ressources que fournit le gouvernement — par exemple aux fins de la sécurité alimentaire et à d'autres fins — vont directement aux organismes d'aide. C'est la raison pour laquelle le financement est rarement, voire jamais, annulé parce que cela ferait beaucoup de tort à des gens qui en ont énormément besoin.
    Outre cette suggestion, le gouvernement du Canada pourrait-il prendre d'autres mesures afin de remédier à la situation en Égypte, en sachant qu'il s'agit d'un gouvernement intérimaire? Même l'armée elle-même est très provisoire. Avec qui peut-on négocier? Avec qui peut-on conclure des ententes? Ce sont toutes des questions que je me pose.
    Avez-vous des propositions?
(1325)
    Mon rapport a été remis par erreur à la greffière. Je suppose que c'est ce à quoi le président faisait référence lorsqu'il a reçu le rapport en anglais.
    Les recommandations se trouvent en fait dans ce document. Je vous serais très reconnaissant de me le redonner.
    Monsieur le président, il demande son document.
    Je suis désolé; toutes mes excuses. Je croyais que le document qu'on m'avait pris — ce n'était que pour les images...
    En fait, c'est tout ce que nous avons. Le rapport que j'ai ici est celui que vous nous avez distribué plus tôt.
    D'accord. J'ai dû le glisser sous la pile par inadvertance. Je suis entièrement responsable.
    On ne blâme pas personne.
    Je viens tout juste de prendre le blâme, monsieur le président.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Don Hutchinson: Nos recommandations portent sur les droits de la personne en général plutôt que sur les droits des chrétiens en particulier. J'espère que les délibérations du comité orienteront les activités du Bureau sur la liberté de religion lorsqu'il sera établi. Je souhaite que la sagesse du comité se reflète en Égypte et nous permette de prendre part à des conversations bilatérales et multilatérales, parfois difficiles, concernant les droits de la personne, y compris le droit à la liberté religieuse.
    Par ailleurs, j'estime que les gens qui sont dans le besoin ne devraient pas être privés d'aide sous prétexte que leur gouvernement ne respecte pas les droits de la personne. Cependant, il est possible de s'entretenir avec les gouvernements au sujet de leur comportement à l'égard des droits de la personne et de l'acheminement de l'aide et de collaborer avec les organismes d'aide. Le gouvernement du Canada devrait songer à ces possibilités.
    Dans notre rapport, nous recommandons également d'enjoindre le gouvernement de l'Égypte — c'est le moment idéal puisqu'il forme une nouvelle constitution — d'accorder une grande importance à la primauté du droit, au respect de la liberté religieuse et au respect des documents internationaux.
    À l'heure actuelle, en Égypte, tous les documents internationaux auxquels le gouvernement a eu accès ou qu'il a signés sont assujettis à une disposition selon laquelle ils seront respectés dans la mesure où ils n'abrogent pas la charia. En revanche, les dispositions de la charia font souvent fi d'éléments importants des ententes de l'ONU signées ou consultées par l'Égypte.
    D'autre part, il y a une loi, qui date du XIXe siècle, qui interdit la construction de nouvelles églises sauf dans des cas isolés. Donc essentiellement, les églises qui ont été détruites et qui sont reconstruites aujourd'hui en Égypte, ou qui sont détruites dans l'espoir d'être reconstruites, seraient considérées comme des monuments historiques au Canada.
    De plus, il y a un élément essentiel dont on ne fait pas mention dans les livres d'histoire en Égypte. On ne fait aucunement référence à la communauté copte dans l'histoire du pays. À un certain moment, l'Égypte était une nation à majorité chrétienne, et c'est un aspect important de son patrimoine. Juste le fait d'en informer les gens pourrait faire en sorte que la communauté copte et les autres communautés chrétiennes en Égypte seraient davantage respectées.
    Il est également vital d'établir des relations avec les dirigeants religieux locaux sur place. En agissant ainsi, les diplomates canadiens se rendent un grand service, à eux ainsi qu'aux autres sur le terrain, étant donné qu'ils seront mieux informés de la situation.
(1330)
    Je vais devoir vous arrêter ici, parce que je vous ai presque alloué le double du temps que nous accordons habituellement. N'empêche que vous pourrez sûrement revenir à ce que vous disiez lorsque vous répondrez à d'autres questions.
    C'est maintenant au tour de M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez parlé d'une délégation qui s'est rendue en Irak, soit One Free World International. Je le sais parce qu'on m'a invité à me joindre à cette délégation. Pour diverses raisons, je n'ai pas pu m'y rendre, mais à ce moment-là, j'y songeais sérieusement.
    Par la façon dont vous l'avez présenté, j'avais l'impression que... et j'ai peut-être mal compris, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je veux vous donner la possibilité de clarifier votre point de vue. Le révérend El Shafie, de cette organisation, a comparu devant le comité. Je dois dire que vos témoignages sur la situation en Égypte étaient presque identiques. Il a passé en revue les divers affrontements qui ont éclaté.
    Est-ce que je me trompe ou vous avez des réserves concernant cette délégation?
    On a tenu des discussions avec des gouvernements étrangers par l'entremise de délégations de l'Union évangélique mondiale et de représentants du Religious Liberty Partnership. Ces discussions se poursuivent. Je présume que les gouvernements canadien et irakien discutent également de façon continue.
    Ce que j'ai dit, c'est que ce n'était pas une délégation de l'Union évangélique mondiale ni du Religious Liberty Partnership, ni, à notre connaissance, une délégation officielle du gouvernement du Canada. Il n'y a rien d'autre à dire là-dessus.
    D'accord. Je voulais simplement mettre les choses au clair, parce que le révérend a livré un témoignage passionné au comité. Si vous aviez eu des préoccupations, j'aurais aimé le savoir. Je suis donc heureux de vous entendre dire le contraire.
    Vous avez mentionné la reconstruction de deux églises au Caire. Pendant votre exposé, vous avez d'autre part parlé des mesures de répression prises par l'armée. Est-ce que je me trompe ou vous avez dit que les églises n'étaient toujours pas reconstruites?
    Les deux églises au Caire ont été reconstruites, mais l'église de Saint-Georges ne l'a pas encore été.
    C'est donc la troisième.
    C'est exact.
    Cela me donne à penser que l'armée, dans un sens, a tenté de se rendre utile; que ce soit parce qu'elle était coupable ou non auparavant, c'est une autre paire de manches.
    Dans les médias occidentaux, on voit les gens se rassembler de nouveau en Égypte; il y a donc forcément un conflit entre le peuple et l'armée. On a enlevé Moubarak, qui était un homme de paille, dans une certaine mesure, mais la même structure est en place.
    Observez-vous des changements? On est censé tenir des élections. L'armée semble-t-elle céder sa place? Le cas échéant, quelle sera l'incidence sur la communauté chrétienne? Même un simulacre de soutien est mieux que rien.
    En outre, à mes yeux, un groupe de justiciers semble être à l'origine de certaines attaques. Vous avez dit que dans certains rassemblements, les musulmans et les chrétiens se protégeaient mutuellement. Je suis ravi de l'entendre. Diriez-vous qu'il n'y a qu'une petite proportion de la population musulmane impliquée dans les attaques contre les églises?
    Les églises qui ont été reconstruites par l'armée l'ont été avant le 9 octobre. Les massacres de la place Maspero ont eu lieu le 9 octobre. L'armée y a tué 27 chrétiens et blessé plus de 300 autres, lors d'une assemblée pacifique. Le gouvernement a utilisé toute sa puissance.
    Les citoyens ont donc commencé à craindre l'armée. Jusqu'ici, la communauté chrétienne s'estimait protégée par l'armée, comme c'était le cas avec le gouvernement Moubarak. La question des élections a été réglée ce matin par la conclusion d'un accord entre l'armée et les Frères musulmans. On s'est entendu pour que la communauté musulmane cesse ses manifestations, et on procédera aux élections dès la semaine prochaine.
    On ignore encore si les 498 sièges seront renouvelés ou si ce sera seulement 20 p. 100 d'entre eux. L'armée a affirmé qu'il était nécessaire de renouveler les sièges à l'assemblée de manière progressive pour éviter qu'un groupe ou un autre prenne le contrôle de la constitution au premier tour des élections.
    Il est difficile pour nous, les Canadiens, de comprendre toute la confusion qui règne dans ce contexte. Les élections vont commencer ce vendredi et ne se termineront pas avant mars. Durant cette période, on tiendra des négociations de façon continue pour déterminer combien de sièges seront renouvelés.
    Les Frères musulmans ont établi des alliances et présenteront des candidats pour 85 p. 100 des sièges. Ils s'étaient toutefois engagés à n'en présenter que pour 40 p. 100 afin de ne pas prendre le contrôle du parlement égyptien. Cela place donc l'armée et le peuple égyptien dans une position difficile. Lorsque les gens vont voter, ils doivent fournir la preuve de leur citoyenneté et cela indique s'ils sont chrétiens, musulmans ou s'ils appartiennent à une autre communauté religieuse. Par conséquent, les chrétiens craignent déjà d'aller voter.
(1335)
    C'est ce qu'on disait ici.
    Non seulement ils ont peur, mais ils craignent qu'on les empêche de voter s'ils montrent qu'ils sont chrétiens, et ce, même s'ils ont le courage d'aller aux urnes.
    Malheureusement, mon temps est écoulé.
    Je suis désolé.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Hutchinson.
    Quels sont les principaux facteurs qui contribuent à limiter la liberté religieuse des chrétiens, que ce soit en Irak, en Iran ou en Égypte? Pourriez-vous nous le dire?
    Dans de nombreux pays, on entrave fortement la liberté de religion. Une organisation affiliée à nous, Open Doors, produit annuellement une liste, comme la commission des États-Unis pour la liberté religieuse internationale, selon laquelle les pires pays sont surtout ceux qui ont adopté des convictions idéologiques. Leur antireligion est idéologique. Nous pouvons considérer la Chine comme l'un de ces pays.
    Il y a des pays gouvernés par une majorité religieuse. Des pays à majorité musulmane, à majorité bouddhiste appartiennent à cette catégorie. La principale cause de l'animosité est l'opposition à une autre collectivité religieuse.
    Je vois.
    Ces pays persécutent-ils les chrétiens depuis longtemps?
    Malheureusement, c'est le cas de certains d'entre eux. Cela dépend du moment où il y a eu un changement d'idéologie ou de gouvernement chez les dirigeants. Aujourd'hui, sur la planète, le groupe le plus nombreux de persécutés est nettement celui des chrétiens. Ils seraient 200 à 250 millions, sur tout le globe, à subir des persécutions quotidiennes. D'après des études récentes du Pew Forum et de l'université Penn State, 170 000 chrétiens meurent chaque année, tués purement et simplement à cause de leur foi.
(1340)
    Vous voulez dire que la discrimination est institutionnalisée. C'est bien cela?
    Dans certains cas, elle est bien institutionnalisée. J'ai mentionné la lettre sur le Sri Lanka, plus tôt, vu que nous ne parlons plus seulement des trois pays.
    Au Sri Lanka, le gouvernement a délibérément choisi de ne reconnaître que l'Église catholique romaine et un conseil d'Églises protestantes, lequel ne comprend pas les églises évangéliques du pays. Les églises évangéliques rassemblent à peu près la moitié des protestants du pays. On se pose donc beaucoup de questions. Et pour la première fois, le représentant de l'Église catholique au Sri Lanka s'est dit d'accord avec la décision du gouvernement.
    Je comprends que, dans ce pays, l'Église catholique veuille protéger ses fidèles du genre de persécutions qu'ils ont éprouvés. Cependant, nous allons saisir de la question le nonce du pape, comme vous pouvez l'imaginer, et le Vatican. En juin dernier, nous avons publié un document intitulé Le témoignage chrétien dans un monde multireligieux, conjointement avec le Vatican, le Conseil œcuménique des Églises et l'Union évangélique mondiale. Avant sa publication, le document a fait l'objet d'une révision approfondie.
    Que peuvent faire le gouvernement du Canada, les autres gouvernements et les organismes internationaux pour mieux cerner et résoudre les problèmes de discrimination qu'éprouvent les chrétiens dans ces pays?
    Nous avons avalisé en principe la création d'un bureau de la liberté religieuse. Nous avons exposé dans le détail la mission d'un bureau qui, nous osons l'espérer, serait doté de pouvoirs efficaces, qui aiderait à formuler les politiques du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, grâce à la mise en place de pratiques exemplaires à l'intention des diplomates et de l'engagement diplomatique. Il contribuerait, nous l'espérons aussi, à informer le ministère pour que, dans nos conversations sur le commerce bilatéral et multilatéral, ces problèmes de droits de la personne aient une place prépondérante.
    Nous espérons aussi qu'il informera, comme c'est notre intention, Citoyenneté et Immigration Canada, pour sensibiliser les agents d'immigration, ceux des services frontaliers et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié aux pratiques exemplaires et à la situation religieuse dans les différents pays et pour qu'il en soit tenu compte dans le processus de sélection.
    Dans les camps des Nations Unies, les Canadiens sélectionnent souvent des gens qui cherchent à obtenir un statut de réfugié parce qu'on les persécute pour des motifs religieux. Cependant, les agents que le gouvernement embauche pour cette sélection font partie de la majorité qui les persécute. Il se peut donc que le processus de sélection soit inique.
    Nous avons fait un certain nombre de propositions concernant le bureau de la liberté religieuse.
    Monsieur le président, est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste 20 secondes.
    D'accord. J'ai terminé.
    En fait, cela me donne l'occasion, si vous permettez, d'un retour rapide à une question de Mme Grewal qui a reçu une réponse partielle.
    Vous avez mentionné que, chaque jour, plus ou moins, de 200 à 250 millions de chrétiens étaient persécutés. Vous avez ensuite mentionné une université qui les comptabilisait. Il s'agit de...?
    C'est Penn State. Les auteurs sont Grim et Finke, mais j'ai oublié lequel des deux était du Pew Forum et lequel était de Penn State. En décembre dernier, ils ont publié The Price of Freedom Denied, un examen des libertés religieuses, aujourd'hui, sur la planète. Dans ce livre, ils produisent les chiffres étayés que j'ai cités.
    C'est très utile, c'est la référence dont nous avons besoin.
    Passons à M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis reconnaissant de votre présence et des renseignements que vous nous communiquez.
    M. Hutchinson, vous connaissez peut-être l'affaire Maikel Nabil, un blogueur égyptien de 26 ans. Il est l'un des premiers animateurs de la révolution qui a eu lieu sur la place Tahrir et l'un des premiers champions du « Printemps arabe » d'Égypte, celui qui a forgé l'expression « L'armée! Le peuple! Une seule main! », que nous réentendons à la faveur des démonstrations. À l'époque, il estimait que l'armée et le peuple travaillaient de concert et il a aidé à organiser des démonstrations auxquelles ont participé en même temps des chrétiens et des musulmans d'Égypte. Il est lui même copte chrétien.
    En mars dernier, cependant, quand il a eu l'impression que l'armée trahissait le peuple, il a déclaré que l'armée et le peuple ne formaient plus une seule main. On l'a alors accusé d'avoir insulté l'armée égyptienne. On l'a traîné devant un tribunal militaire, trouvé coupable et condamné à trois ans de prison.
    Ce procès, comme tous ceux qui se déroulent dans des tribunaux militaires égyptiens, est absolument illégal. L'accusé n'avait pas droit à la présomption d'innocence. Ces tribunaux ont un taux de condamnation de 93 p. 100, sans droit d'appel, sans droit aux conseils d'un avocat indépendant, etc. En ce moment même, monsieur Nabil est rendu à la quatre-vingt-onzième journée d'une grève de la faim. Sa vie ne tient qu'à un fil.
    Voici mes questions: vous ou l'organisme que vous représentez êtes-vous au courant de cette affaire et, dans l'affirmative, vous en êtes-vous chargé? Si vous vous en êtes chargé, croyez-vous que le fait qu'il soit copte chrétien ait un rapport avec les accusations portées contre lui et avec son emprisonnement?
    Enfin, savez-vous si d'autres Coptes chrétiens ont été traînés devant des tribunaux militaires égyptiens — instances tout à fait illégales, comme je l'ai dit — et, si oui, leur religion avait-elle quelque chose à y voir?
(1345)
    Monsieur le président, ce sont des questions très intéressantes. C'est une succession de questions très percutantes.
    Je connais bien la situation de M. Nabil. Des membres de Religious Liberty Partnership se sont mobilisés pour lui, mais pas L'Alliance évangélique du Canada. Je ne sais pas trop si des membres de la commission de la liberté religieuse de l'Alliance se mobilisent pour lui ou si la mobilisation passe par le réseau de partenariats. Mais la situation mobilise les gens.
    On me demande si le fait, pour M. Nabil, d'être copte chrétien a contribué à son arrestation et à son emprisonnement. Nous aimerions certainement qu'il soit libre. Il est certain que, au nom de la liberté d'expression, sa place n'est pas en prison. Cependant, il est difficile d'évaluer la différence qui existe entre une fausse condamnation pour avoir critiqué l'armée dans un régime militaire et une fausse condamnation pour avoir critiqué l'armée et pour être également copte chrétien.
    Je ne peux pas me mettre à la place des membres du tribunal militaire pour déterminer s'ils ont effectué ce genre d'évaluation.
    Êtes-vous au courant d'autres Coptes chrétiens qui...? Jusqu'ici, près de 12 000 personnes ont été traînées devant le tribunal militaire depuis la chute de Moubarak, et 93 p. 100 d'entre elles ont été trouvées coupables, ce qui est un déni de la présomption d'innocence. Je me demande si, à votre connaissance, des Coptes chrétiens se trouvent parmi elles. Si oui, y a-t-il un lien avec leur appartenance religieuse?
    D'après ma propre appréciation de l'affaire Maikel Nabil, je ne crois pas que ce lien existe. C'est pourquoi je demande s'il existe une autre explication, fondée sur des critères quantitatifs ou qualitatifs, pour avoir traîné des Coptes chrétiens devant le tribunal, les avoir trouvés coupables et les avoir jetés en prison.
     Je sais que d'autres chrétiens ont été détenus et emprisonnés. Je ne sais pas trop s'ils ont comparu devant le tribunal qui réprime les opérations dirigées contre le régime militaire actuel de l'Égypte.
    Merci.
    Merci, monsieur Cotler.
    Passons maintenant à M. Sweet.
(1350)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, M. Hutchinson, d'être venu et merci pour le bon travail de l'Alliance évangélique du Canada.
    Veuillez dire à M. Stiller, quand vous communiquerez avec lui, que ceux qui n'ont pas abandonné la prière ici se souviendront de lui et qu'ils espèrent qu'il se tiendra hors de danger et de toute situation explosive en Égypte.
    Nous devrions établir ici que bien que le meurtre isolé et le meurtre de masse n'aient pas été répandus en Égypte, la persécution des chrétiens l'était avant le dernier soulèvement. Est-il vrai qu'on leur fait porter des signes distinctifs et qu'on entrave leur droit à l'emploi et à la propriété, etc.?
    Il est juste de supposer que les chrétiens sont assujettis à un traitement différent, que nous assimilerions à de la persécution.
    J'ai dit, plus tôt, que ce rapport serait envoyé par voie électronique à la greffière, pour être communiqué aux membres du comité une fois traduit. S'il avait été traduit, j'en aurais apporté d'autres exemplaires.
    Je suis certainement sensible à votre inquiétude pour M. Stiller. Il m'a étonné avec la vidéo qu'il a publiée hier. En raison des communications que nous avons eues jusqu'à ce moment, je n'aurais pas mentionné son nom ici.
    Pour ceux, parmi nous, qui le connaissent, il aime habituellement nous étonner.
    L'année dernière, combien d'églises ont été détruites en Égypte? Avez-vous une statistique à ce sujet?
    Les trois églises complètement détruites depuis le soulèvement de janvier sont celles que j'ai mentionnées: les deux du Caire et l'église Saint-Georges à Merinab, dans la province d'Assouan.
    Est-ce qu'il est rare que l'on s'en prenne aux lieux de culte en Égypte?
    Par le passé, les dommages causés aux lieux de culte ont été moins nombreux que cette année. En général, on respectait les lieux de culte des différentes collectivités religieuses.
    On est très préoccupé par les tentatives d'affirmation politique des extrémistes. Les minorités religieuses font les frais de ces démonstrations de force.
    Cette affirmation politique a-t-elle quelque chose à voir avec la déclaration des Frères musulmans, reproduite dans les médias, selon laquelle aucune église ne devrait être construite ni reconstruite?
    Non. Je faisais allusion à l'une des déclarations que j'ai lues aujourd'hui et qui provenaient de quelqu'un qui se trouvait sur place, en Égypte, et qui l'a recueillie au cours des six derniers jours.
    D'accord. J'ai lu les comptes rendus des médias et je me demandais si vous pouviez me confirmer une chose.
    Le révérend El Shafie a déclaré devant nous qu'il considérait les Frères musulmans comme une organisation terroriste. Est-ce que vous les caractériseriez ainsi?
    Précisons d'abord que l'une des principales différences qui existent entre lui et moi, c'est que je suis avocat. Ma définition d'organisation terroriste risque d'être différente de la sienne.
    À ma connaissance, les Frères musulmans n'ont jamais été catégorisés comme groupe terroriste par un pays occidental. Ils ne répondent donc pas à la définition d'organisation terroriste. Cependant, c'est un groupe politique qui, de son propre aveu, est relié à une frange plus extrémiste de l'Islam que la majorité entendue de la population égyptienne.
(1355)
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Sweet.

[Français]

    Madame Péclet, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais comprendre exactement certaines choses. J'ai lu dans les journaux certains articles. Par exemple, j'ai lu l'histoire d'une fille qui s'est fait battre dans la rue par une chrétienne, et d'autres personnes disent que l'armée, la police et le ministère de l'Intérieur déploient dans les rues des gens pour semer la panique quand ils le veulent.
    Pourriez-vous me dire exactement si c'est le gouvernement lui-même qui est responsable de ces actes, au bout du compte? Est-ce qu'on impute la responsabilité au gouvernement, ou est-ce simplement une rivalité entre les groupes religieux dans un pays, comme cela s'est produit au Liban? Y a-t-il vraiment une rivalité entre les chrétiens et les musulmans?
    Pourriez-vous me dire qui sont ceux qui perpètrent ces actes et comment on fait pour les distinguer, ou est-ce vraiment le gouvernement, au bout du compte, qu'on tient responsable de ces actes en raison de ses prises de position plus radicales?

[Traduction]

    Voilà une autre excellente question.
    L'écho de ce qui survient dans les rues d'Égypte nous provient de diverses sources et rapports, y compris les médias sociaux. Une partie des violences collectives est attribuée à des groupes extrémistes surtout musulmans et à des militaires. Nous sommes principalement renseignés sur cette violence grâce à des documents vidéo, à des comptes rendus oraux ou à des photographies qui permettent d'identifier ses auteurs.
    D'après ce que nous entendons, comme je l'ai dit, cette violence semble davantage maintenant une démonstration de force entre les extrémistes musulmans et l'armée, qui, actuellement, contrôle le gouvernement, alors qu'approche une période d'élections. Je précise que, par le passé, il y a eu des frictions entre les groupes confessionnels, mais qu'elles ont très rarement dégénéré pour atteindre la fréquence ou l'intensité de violence que l'on connaît aujourd'hui.

[Français]

    J'ai une petite question.
    Puisque vous êtes avocat, je voudrais vraiment vous parler de... On parle de violence dans les rues. Y a-t-il aussi une discrimination envers les chrétiens dans la loi elle-même? Par exemple, par rapport au droit familial, j'ai lu que, lorsqu'un chrétien et un musulman sont mariés, la loi ne s'applique pas de la même façon. Ont-ils les mêmes droits? Font-ils l'objet de discrimination, par exemple, dans la fonction publique? Vu qu'il est inscrit sur leur certificat de naissance qu'ils sont chrétiens ou musulmans, une discrimination est-elle faite lorsqu'il s'agit d'avoir un emploi, par exemple, ou d'avoir accès à certains services?
    Justement par rapport à l'application de la loi dans les cours de justice, on dit aussi que les groupes font des représailles auprès du gouvernement en disant que ces gestes restent impunis. Les chrétiens ont-ils recours aux tribunaux ou ne l'ont-ils pas, sachant que les tribunaux appliquent une loi qui fait d'eux des êtres inégaux par rapport aux musulmans?
    J'essaie seulement de comprendre l'ampleur de la marginalisation des groupes chrétiens — outre les violences — en général, dans la société.
(1400)

[Traduction]

    Pour les chrétiens d'Égypte, l'inégalité est inscrite dans la constitution et la loi. La constitution consacre la prépondérance de la charia.
    Quand quelqu'un se convertit librement à une religion chrétienne, ce qui arrive rarement, nous essayons effectivement d'assurer sa sécurité.
    Mais si, ensuite, le converti épouse une chrétienne, le mariage est officiellement reconnu comme musulman, et tous les enfants issus du mariage sont également considérés comme musulmans. La loi consacre un certain nombre d'inégalités en la matière.
    En ce qui concerne la violence et les positions des différents acteurs sur ces questions, nous restons dans la position d'une nation qui connaît une certaine instabilité sous un régime militaire, qui se dirige vers des élections où même les sièges disponibles ne sont pas assurés et sont incertains. Nous nous trouvons vraiment en période de forte instabilité pendant laquelle la communauté internationale a l'occasion d'entamer des relations pacifiques et de faire des offres pacifiques d'aide à la supervision, à ce pays qui, notamment, joue un rôle si stratégique dans la politique du Moyen-Orient. Nous devrions y réfléchir sérieusement.
    Pour plus de précisions, je vous renvoie au rapport qui, je l'espère, quand il sera traduit, vous sera utile, parce qu'il répond à un certain nombre de questions.
    Merci.
    Fondamentalement, notre temps est écoulé. Nous avons un peu de travail d'organisation à faire.
    Cela dit, j'invoque l'indulgence du comité et je pose une seule question, de nature plus générale.
    Simplement pour revenir au nombre de 250 millions de chrétiens persécutés dans le monde, je suppose que, dans une certaine mesure, ce nombre découle de l'existence d'une majorité de chrétiens par rapport aux membres d'autres religions. Mais il semble quand même très élevé. À 100 millions de personnes près, on compte environ 2 milliards de chrétiens dans le monde, n'est-ce pas?
    On estime leur nombre à 2,2 milliards.
    D'accord. Cela veut donc dire que, en gros, 10 p. 100 de la population chrétienne du globe subit la persécution.
    En réalité, je ne connais pas la réponse à cette question, mais vous avez des compétences ou, du moins, vous pouvez nous aiguiller dans la bonne direction. Est-ce que cela ne semble pas...? Si nous les comparons à d'autres groupes, je fais exception des groupes très peu nombreux ou ceux qui sont concentrés dans un pays, comme les bahaïs, cette proportion est-elle sensiblement supérieure au pourcentage de divers groupes religieux qui, globalement, sont persécutés ou est-elle typique?
    Monsieur le président, c'est un pourcentage anormalement élevé, et c'est pourquoi l'index mondial des persécutions s'arrête aux 60 pays les plus répréhensibles. Quand on sait que 60 États constituent entre 15 et 18 p. 100 de l'ensemble des pays du monde, il s'agit d'un nombre important. Dans ces États, les persécutions menées par idéologie sont d'une grande ampleur, et ce ne sont pas les seuls pays.
    La liste pourrait être beaucoup plus longue. Si vous la comparez à celle des années antérieures, vous constaterez que certains pays ne figurent plus parmi les 60 premiers, tandis que d'autres en font maintenant partie. La liste se modifie à mesure que les États s'engagent dans des répressions plus flagrantes.
    Le massacre de Maspero du 9 octobre dernier a évidemment fait craindre un possible génocide. Mais il n'y a pas eu d'intervention militaire depuis ce temps, et les chrétiens ont pris bien soin de ne pas organiser de rassemblement pacifique dans un endroit public comme celui-là, alors je ne prononcerai pas ce mot pour l'instant. Il serait insensé de dire que nous craignons un génocide en Égypte. Ce qu'il faut redouter, c'est une augmentation des persécutions sous l'égide d'un éventuel gouvernement qui s'est officiellement prononcé en faveur d'une forme beaucoup plus rigoureuse de la charia islamique.
(1405)
    Merci beaucoup.
    Je remercie les membres du comité de m'avoir permis de poser cette dernière question.
    Nous n'avons qu'un sujet à traiter dans le cadre des travaux du comité. Nous avions l'intention de le faire aujourd'hui, et il faudrait réunir tous ceux qui ne sont pas membres du comité et les précipiter vers les sorties pour que nous puissions poursuivre la séance à huis clos. Or, il semble qu'il y ait environ 80 p. 100 de chances que le témoin prévu pour mardi ne soit pas disponible.
    Puis-je demander simplement au comité si nous pouvons reporter les travaux du comité jusque-là? Nous avons assez de travail pour nous tenir occupés pendant une heure, puisque nous devons commencer à planifier la prochaine année et à dresser une liste de témoins.
    Les membres du comité sont-ils d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Très bien. Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier notre témoin. Nous vous savons gré, monsieur Hutchinson, de votre présence. Ce fut très instructif.
    La séance est levée.
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