SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 mars 2012
[Enregistrement électronique]
[Français]
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. En ce 27 mars 2012, nous tenons notre 29e séance.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la situation des droits de la personne en Iran. Nous avons déjà travaillé sur ce dossier, et il est malheureusement nécessaire de reprendre les travaux à ce sujet.
Aujourd'hui, nous accueillons M. Emanuele Ottolenghi, agrégé supérieur de recherche à la Foundation for Defense of Democracies. M. Ottolenghi est à Bruxelles.
Monsieur, vous avez déjà comparu devant nous, alors vous savez comment cela fonctionne; vous livrez d'abord votre exposé, et nous vous poserons ensuite des questions. Vous pouvez commencer lorsque vous serez prêt.
Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de parler d'un sujet qui, à mon avis, mérite une plus grande attention que celle qu'on lui accorde dans les discussions concernant l'Iran sur la scène internationale.
Depuis plusieurs années déjà, la communauté internationale tente, à juste titre, de persuader la République islamique d'Iran de respecter ses obligations internationales en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Dans le contexte de ces négociations, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, en vertu du chapitre 7, six résolutions qui condamnent le refus de l'Iran de s'acquitter de ses responsabilités imposées par le Traité. Quatre de ces résolutions entraînent des sanctions contre les efforts de prolifération du régime et contre plusieurs de ses principaux chefs militaires et de ses scientifiques spécialisés dans l'énergie nucléaire. Les pays occidentaux ont graduellement étendu la portée des sanctions de l'ONU; en effet, les États-Unis, l'Union européenne, l'Australie, le Canada, le Japon, la Corée du Sud et d'autres ont adopté des lois éloquentes à cet égard. Ces mesures visent le secteur de l'énergie de l'Iran, ses exportations de pétrole et de produits pétrochimiques, son secteur du transport, ses banques et les Gardiens de la révolution islamique, l'entité responsable, au sein du régime, des efforts de prolifération de l'Iran.
Depuis que la République islamique a lancé une nouvelle vague de répression contre l'opposition interne qui a suivi les élections présidentielles frauduleuses de 2009, les pays occidentaux ont aussi commencé à cibler le régime iranien et ses violations des droits de la personne. Ces mesures visent principalement à repérer les individus participant à la répression, à interdire leurs déplacements, et à geler leurs actifs à l'étranger. Toutefois, certains pays hésitent à s'engager à l'égard des droits de la personne au-delà de ces mesures dans la stratégie utilisée pour confronter l'Iran.
Cette hésitation vient de certains diplomates occidentaux qui sont convaincus, en privé, que pour persuader l'Iran de négocier de bonne foi, le pays a besoin d'être rassuré sur le fait que les sanctions et les négociations concernant son programme nucléaire ne visent pas à renverser le régime. Toutefois, des opposants iraniens ont critiqué cette approche. Par exemple, le Time Magazine de novembre 2009 écrivait que le cinéaste iranien dissident Mohsen Makhmalbaf aurait dit, lors d'une visite à Washington D.C., que « l'Occident ne devrait pas réprimer le mouvement vert en acceptant complètement le régime iranien si le pays finissait par faire marche arrière au sujet des pourparlers nucléaires. »
Deux ans plus tard, la démocratie occidentale, qui tente de freiner les ambitions nucléaires de l'Iran, fait toujours face au même défi, c'est-à-dire trouver l'équilibre entre son désir d'arriver à une entente avec le régime au sujet de ses ambitions nucléaires et son engagement à l'égard des droits de la personne.
Pour résoudre ce dilemme, il faut commencer par examiner les éléments fondamentaux du régime répressif de l'Iran et son bilan catastrophique en matière des droits de la personne. Selon Freedom House, l'Iran applique toujours un système politique profondément répressif. En 2011, sa note au chapitre de la liberté, sur les plans de la liberté politique et civile, était de six sur une échelle d'un à sept, en ordre décroissant de liberté. Seulement quelques pays ont obtenu une note moins reluisante, notamment la Corée du Nord, l'Arabie saoudite, la Syrie et le Soudan.
Selon Freedom House:
Les politiciens et les partis de l'opposition ont fait face à une répression particulièrement sévère depuis les élections présidentielles de 2009, et un grand nombre de dirigeants — y compris des anciens législateurs et des ministres — s'exposent à des arrestations, à des peines d'emprisonnement et à la possibilité de se voir interdire, à long terme, de participer aux activités politiques.
En Iran, les restrictions sur la liberté politique sont omniprésentes; on limite la liberté d'expression, on interdit aux médias de couvrir des sujets ou des événements précis, on exerce une surveillance généralisée à l'endroit d'Internet et des communications téléphoniques, on brouille les émissions en persan venant de l'étranger et on exerce un contrôle sévère sur les productions des médias locaux. Des centaines de publications font même l'objet d'une interdiction depuis l'élection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique, en 2005. En 2010, l'Iran détenait le record mondial du nombre de journalistes emprisonnés, c'est-à-dire 37, selon Freedom House.
En Iran, la liberté de religion fait aussi l'objet de restrictions. Même si certaines minorités religieuses sont reconnues et qu'on leur accorde une liberté de culte limitée, il y a tout de même des restrictions importantes. Ceux qui ne sont pas musulmans n'ont pas le droit de faire oeuvre de missionnaires, et on presse constamment leurs collectivités de se convertir à l'islam. En Iran, un musulman qui se convertit à une autre religion est condamné à la peine de mort. On refuse aux minorités religieuses officiellement reconnues les mêmes droits sur le plan politique; elles peuvent être représentées par un nombre défini de députés au sein du Majlis, mais elles ne participent pas aux élections sur un pied d'égalité.
D'autres groupes souffrent de discrimination et de persécution à divers degrés. On exerce une discrimination pratique contre les Iraniens sunnites, par exemple. De plus, les musulmans bahaï et soufis sont activement persécutés. La communauté bahaï, en particulier, est très vulnérable; ses dirigeants ont été jetés en prison lors d'un procès politique au cours duquel on a porté des accusations d'espionnage inventées de toutes pièces. On interdit à ses étudiants l'accès à l'éducation publique. Ces dernières années, ses lieux de culte ont de plus en plus souvent été la cible d'attaques.
La maison du Bab, l'un des éléments les plus importants de la foi bahaï, a été rasée par la République islamique dès 1981. Les cimetières ont été profanés au fil des années, et la maison du précurseur des bahaïs, Baha Ullah, a été détruite en juin 2004.
La destruction systématique de l'héritage culturel bahaï se poursuit en Iran. Cette communauté de 300 000 habitants subit une pression de plus en plus grande, et le pays ne lui est d'aucun secours pour faire réparer les torts qui lui sont causés.
Les minorités ethniques de l'Iran, c'est-à-dire environ la moitié de la population du pays, subissent un sort similaire. Le régime mène une guerre féroce contre le mouvement Jundallah dans le Baloutchistan. Il a utilisé la force militaire contre les séparatistes kurdes, et a persécuté et jeté en prison les dirigeants et les activistes du Parti démocratique kurde d'Iran, un parti non violent, et dont les derniers dirigeants ont été tués par des assassins iraniens à Vienne, en 1989, et à Berlin, en 1992.
Les activistes et les dirigeants arabes iraniens au Kurdistan ont été victimes d'arrestations arbitraires à la fin de 2011. Pendant ce temps, les Azéris n'ont toujours pas le droit de tenir une élection dans leur langue.
Le régime continue de brimer les droits civils en punissant les dissidents, les ONG, les activistes et les avocats spécialisés en droits de la personne lorsqu'ils tentent de desserrer sa poigne sur la liberté individuelle. Il réduit aussi au silence les différences d'opinion en intimidant et en persécutant la famille des dissidents, de façon à faire taire les critiques.
La vie culturelle n'y échappe pas. La production de films et d'ouvrages littéraires est soumise à une censure féroce. Les livres étrangers et d'autres artefacts culturels font l'objet de contrôles stricts qui mènent parfois à des situations comiques, par exemple, lorsqu'on a interdit les importations de poupées Barbie et, plus récemment, l'importation des poupées à l'effigie des Simpsons, des personnages d'un dessin animé satirique américain.
Il serait normal que les droits de la personne ne soient pas une partie intégrante des efforts de la communauté internationale en vue de persuader l'Iran de laisser tomber sa course à l'armement nucléaire. Après tout, le respect du traité de non-prolifération n'a rien à voir avec la nature du régime du signataire du traité. De plus, parmi les pays qui s'efforcent le plus de freiner les ambitions nucléaires de l'Iran, on retrouve des membres de l'ONU — par exemple, la Chine et la Russie — dont le bilan à l'égard des droits de la personne n'est pas beaucoup plus reluisant que celui de l'Iran.
Néanmoins, la nature du régime iranien a quelque chose à voir avec la gravité de la menace que l'Iran représente à l'égard de l'ordre régional, si le pays possédait des armes nucléaires. Un régime qui brutalise impitoyablement ses propres citoyens tout en nourrissant ses ambitions hégémoniques nucléaires et régionales ne deviendra certainement pas responsable une fois qu'il possédera des armes nucléaires.
Deuxièmement, on croit que l'Iran cherche à se procurer des armes nucléaires afin d'augmenter les chances de survie du régime. Une politique conçue pour menacer sa stabilité intérieure serait opportune, car elle créerait l'impression qu'à moins que l'Iran négocie une façon de sortir de son programme nucléaire, l'Occident s'efforcera de renverser son régime. Elle serait aussi soutenue par des principes. Étant donné que les pays occidentaux ont été en mesure d'engager l'Union soviétique tout en dénonçant la situation critique dans laquelle se trouvaient ses dissidents durant la guerre froide, ils devraient aussi être en mesure d'y parvenir dans le cas de l'Iran.
Que peut-on faire? Le domaine des droits de la personne exige une diplomatie de haut niveau. Des mesures en grande partie symboliques ne renverseront pas le régime, mais elles embarrasseront sans doute Téhéran, étant donné que ses dirigeants se sentent vulnérables.
Dans ce cas-ci, il faut féliciter les dirigeants du Canada. En effet, votre décision de réduire l'engagement avec l'Iran à un nombre limité de sujets qui concernent les droits de la personne est remarquable. Le Canada n'est pas le seul pays dont les citoyens ont été brutalement agressés en prison, torturés et tués par ce régime, en raison de leurs origines iraniennes. D'autres pays devraient imiter votre décision fondée sur des principes et se rendre compte que cela prouve qu'un gouvernement peut rester diplomatique au coeur d'un dossier nucléaire et s'en tenir à ses principes à l'égard des droits de la personne.
Des mesures symboliques, bien sûr, lorsqu'elles sont présentées au public en conjonction avec les raisons de leur mise en oeuvre, peuvent aussi avoir un effet négatif — même s'il est indirect — sur le commerce, car l'exposition au comportement lamentable de l'Iran peut dissuader les entreprises d'investir dans un environnement extrêmement volatile, surtout si leur réputation est à risque.
Le domaine des droits de la personne exige une diplomatie très raffinée. Critiquer le régime de façon ouverte ne serait pas inutile si cela embarrassait Téhéran, attirait l'attention du public sur sa vraie nature et contribuait à isoler l'Iran sur la scène internationale.
Pour toutes ces raisons, un grand nombre de pays occidentaux — le Canada en tête — devraient envisager la mise en oeuvre de plusieurs mesures symboliques. Je serai heureux de vous parler davantage de ces mesures au moment des questions. Si j'énumérais toutes mes suggestions, cela prendrait probablement tout le temps qui nous a été imparti.
Permettez-moi enfin de vous parler de la valeur — lorsqu'elle n'est pas symbolique — des sanctions à l'égard des atteintes aux droits de la personne.
Les pays occidentaux devraient aussi examiner les lois adoptées pour imposer des sanctions contre les violateurs flagrants des droits de la personne, par exemple, le Myanmar sous la junte militaire. L'Union européenne, en ce sens, a créé un précédent utile qui pourrait être envisagé par des pays comme le Canada lorsqu'ils mettent au point leurs propres outils pour sanctionner les violations des droits de la personne perpétrées par le régime iranien.
En ce qui concerne le Myanmar, l'UE a adopté un règlement en mai 2006, qui comprenait un nouvel éventail de restrictions. Voici un extrait de cette loi:
... une interdiction sur l'assistance technique, l'assistance financière et le financement lié aux activités militaires, une interdiction sur les exportations d'équipement qui pourrait être utilisé aux fins de répression interne, le gel des fonds et des ressources économiques des membres du gouvernement du Myanmar et de n'importe quel organisme, entité, personne physique ou morale qui y sont associés, et une interdiction d'accorder des prêts ou du crédit à des entreprises appartenant au Myanmar, et d'acquérir ces entreprises ou d'y participer.
L'UE a nié profiter d'un avantage financier provenant des organisations commerciales et des individus impliqués dans les actes répressifs du régime, même si les points précisés n'ont aucune relation immédiate avec les atteintes aux droits de la personne et à la liberté au Myanmar. Même s'il est possible que les entreprises et les gouvernements désapprouvent une restriction globale de ce genre dans le cas de l'Iran, ces mesures pourraient être envisagées dans d'autres domaines, par exemple les raffineries iraniennes, le secteur de la métallurgie, celui de l'automobile, etc.
Il convient de signaler que la plupart des entreprises iraniennes dans ces domaines appartiennent à l'État ou au Corps des gardiens de la révolution iranienne.
Il existe donc des raisons qui justifient l'imposition de restrictions étendues sur le commerce à l'égard d'un pays dont le bilan en matière des droits de la personne est accablant, et il serait amplement justifié d'appliquer le précédent établi au Myanmar à l'Iran.
Le règlement de l'UE que je viens juste de mentionner précise que les mesures restrictives de ce règlement « sont essentielles à la promotion du respect des droits fondamentaux de la personne et servent ainsi à protéger les bonnes moeurs de la population ». Les nouvelles mesures restrictives visent les secteurs qui fournissent des sources de revenus au régime militaire du Myanmar et visent aussi les pratiques qui sont incompatibles avec les principes de l'Union européenne.
À mon avis — et c'est réellement mon dernier point —, le repérage d'entreprises qui fournissent des profits et des revenus à l'État et aux Gardiens de la révolution iranienne, qu'elles soient liées aux efforts de prolifération ou non, devrait faire partie de la stratégie adoptée par les pays occidentaux pour confronter l'Iran.
Il s'agit d'un modèle dont on peut étendre la portée, surtout lorsqu'on sait que la plus grande partie de l'économie de l'Iran est contrôlée par les Gardiens de la révolution iranienne, et que la plupart de leurs activités sont liées à la promotion et à l'avancement des efforts de prolifération, tout en veillant à ce que le régime maintienne son emprise sur les Iraniens et sur leurs libertés.
Merci.
Merci, monsieur Ottolenghi.
M. Sweet posera les premières questions.
Étant donné le temps qui nous est imparti, je pense que nous pouvons accorder six minutes à chacun. En fait, je devrais être prudent: on pourrait présenter une motion à la fin de la séance.
Monsieur Cotler, allez-vous présenter votre motion à la fin de la réunion?
D'accord. Nous prendrons donc chacun cinq minutes, afin de laisser assez de temps.
Monsieur Sweet, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Ottolenghi, merci beaucoup de votre exposé. Tout d'abord, j'aimerais vous poser une question qui s'en écarte un peu.
À quel point le régime iranien appuie-t-il Bashar al-Assad en ce moment? On estime qu'environ 10 000 personnes ont été tuées en Syrie. Les citoyens ordinaires de l'Iran sont-ils au courant que leur régime appuie le régime syrien?
Le régime iranien considère que la Syrie fait partie de ses actifs stratégiques. Il ne permettra pas au régime de Bashar al-Assad de s'effondrer sans le défendre. Même s'il est difficile d'évaluer l'étendue de la participation directe des Iraniens dans la répression en Syrie, des rapports de source ouverte ont conclu que le régime iranien a fourni des armes, du financement, de la formation et peut-être des hommes — grâce à leur participation à Hezbollah, qui est un mandataire iranien —, et vraisemblablement d'autres forces en Syrie. La République islamique d'Iran appuie activement et dans une large mesure la Syrie dans la répression de ses propres citoyens.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, il est difficile d'évaluer à quel point la population iranienne est consciente des événements qui se déroulent à l'extérieur du pays. Les Iraniens ont accès aux renseignements qui viennent de l'étranger; ils sont communiqués à l'Iran par divers fournisseurs, qui sont surtout établis en Europe ou en Amérique du Nord. Toutefois, le nombre de citoyens iraniens qui ont les moyens d'avoir accès à ces sources est assez limité. De plus, tous les Iraniens ne parlent pas couramment l'anglais. Tous les Iraniens ne sont pas non plus en mesure de posséder les antennes paraboliques nécessaires pour se brancher à ces sources. Le régime tente activement de brouiller ces émissions. La plupart des Iraniens suivent les nouvelles grâce aux médias de langue persane contrôlés par le gouvernement. Ainsi, leur connaissance de l'étendue de la répression qui se poursuit en Syrie et de la complicité de leur propre gouvernement dans cette affaire devrait être mise en doute.
Soit dit en passant, cela s'applique aussi au programme nucléaire. Je doute que les Iraniens ordinaires soient au courant que leur gouvernement ne respecte pas ses obligations internationales. Ils ne sont probablement pas conscients du prix qu'ils paient chaque jour en raison des sanctions économiques qui ont été imposées en réaction au fait que le régime ne respecte pas ses propres obligations internationales. Ils ne sont pas vraiment conscients que leur gouvernement agit hors du cadre de son droit légitime d'avoir un programme nucléaire pacifique.
Le régime considère toujours qu'Israël ou l'Occident représente l'ennemi suprême, ou même Satan. Il utilise cette image pour manipuler la population. Je me demande si cela commence à diminuer, puisque le régime a violemment réprimé le mouvement vert et que la population commence à recevoir des nouvelles selon lesquelles il appuie des régimes comme celui d'al-Assad. Je me demande si les citoyens ordinaires de l'Iran commencent à se rendre compte à quel point le régime est corrompu.
Nous avons d'abondantes preuves empiriques qui montrent que les Iraniens ordinaires croient de moins en moins à la ligne de parti, si vous me permettez l'expression.
L'une des émissions de télévision les plus populaires qui est suivie en Iran est diffusée par une station basée dans un pays européen: Manoto TV. Il s'agit d'une émission satirique qui ridiculise le régime et ses dirigeants. L'expérience de la guerre froide nous a appris qu'il arrive un moment où, même dans les régimes les plus répressifs, les gens cessent de croire ce qu'on leur dit. Ils sauront qu'on leur ment.
Le fait que le régime et ses dirigeants font l'objet d'autant de satires et de blagues en Iran aujourd'hui nous indique dans quelle mesure les Iraniens sont prêts à croire ce qu'on leur dit. Encore une fois, il s'agit d'une preuve empirique.
Quant aux sanctions et aux tentatives du régime de détourner l'attention de sa population en blâmant l'Occident ou Israël, ou les deux, il est intéressant de constater que le régime nie jusqu'à présent que les sanctions ont eu un impact quelconque à l'intérieur du pays.
L'Iranien ordinaire qui n'a pas les moyens d'acheter de la viande plus d'une fois par mois et qui doit faire un ou deux boulots supplémentaires pour payer ses factures, ou encore l'employé de l'État qui voit ses revenus grugés par l'inflation et la dévaluation de la devise, à qui le gouvernement dit que toutes ses difficultés ne viennent pas de la pression extérieure exercée par les sanctions, cet homme-là doit évidemment conclure que ce sont l'incompétence et la mauvaise gestion du gouvernement qui sont à l'origine de ses problèmes.
Tout cela nous montre clairement que très peu de personnes en Iran sont prêtes à croire ce qu'on leur dit. La question est de savoir comment profiter de ce manque de confiance généralisé envers le gouvernement pour faire changer les choses à l'intérieur du pays.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Ottolenghi, bienvenue et merci d'être des nôtres.
J'ai passé quelque temps en Arabie Saoudite en 1979. J'y ai vécu pendant six mois. J'ai remarqué à cette époque qu'on diabolisait l'Occident en général, et les États-Unis en particulier. On le faisait pour tenir les Saoudiens à l'écart de notre mode de vie.
C'est la même chose en Iran. Aujourd'hui, nous avons Internet et les nouvelles concernant ce qu'on a appelé le printemps arabe se sont répandues, dans une certaine mesure, dans les pays du Moyen-Orient. Je soupçonne que les gouvernements comme celui de l'Iran doivent avoir très, très peur. Certains témoins que le comité a entendus ont dit qu'on exécutait, qu'on pendait une personne aux huit heures dans ce pays.
Il semble y avoir un réel mouvement pour éliminer le Mouvement vert lui-même. Avez-vous des renseignements à ce sujet, monsieur?
Je crois que des preuves ont été recueillies par diverses organisations de défense des droits de la personne. Je vous recommande la lecture des rapports d'Amnistie internationale et de Human Rights Watch, qui laissent entendre que le niveau de répression a augmenté à l'intérieur du pays suite aux élections de 2009. En principe, vous avez absolument raison.
Le niveau de liberté en Iran s'était déjà détérioré considérablement après l'accession à la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, en 2005. Des centaines de publications ont été fermées depuis 2005, même avant les élections présidentielles frauduleuses. La répression contre les minorités ethniques s'est intensifiée en Iran. L'arrestation et l'exécution des dissidents kurdes en est un exemple.
Nous avons vu le gouvernement avoir recours à une violence remarquable pour réprimer des protestations pacifiques en Azerbaïdjan iranien à la fin de l'année dernière, des protestations qui ne visaient rien d'éminemment politique, si je peux m'exprimer ainsi. C'était politique, mais cela n'avait rien à voir avec la nature du régime. Il s'agissait d'une crise environnementale touchant un site du patrimoine mondial désigné par l'UNESCO, en Azerbaïdjan iranien, causée principalement par la mauvaise gestion de l'environnement attribuable à un ensemble de facteurs. Les manifestants pacifiques qui se sont portés à la défense de ce site patrimonial ont eu droit à une répression brutale.
Ajoutons à cela l'augmentation des arrestations de dissidents, de blogueurs et de journalistes, le harcèlement actif des réformistes, qu'on a empêchés à toutes fins pratiques de participer aux élections, le fait que les dirigeants du Mouvement vert sont assignés à résidence depuis plus d'un an, que leurs familles font l'objet de harcèlement, qu'un certain nombre de figures marquantes même au Saint des Saints du régime ne sont plus invulnérables — je pense en particulier à l'ex-président Rafsanjani, qui n'est pas sans reproche en matière de droits de la personne, mais qui a appuyé les réformistes bien davantage que le régime des dernières années. Tout cela nous montre que la poigne du régime se resserre de plus en plus. C'est peut-être aussi un indice que le régime s'inquiète de voir que sa propre population n'appuie pas ce genre d'approche. Il y a peut-être une différence ici par rapport à l'Arabie saoudite.
Il ne faut pas oublier que les Saoudiens ont tendance à être très conservateurs. Ils partagent peut-être sinon une crainte, du moins une inquiétude par rapport à l'interaction entre leur propre société et les occidentaux ainsi que la culture et les valeurs occidentales qu'ils amènent.
Comme je l'ai dit auparavant, le fait que le régime iranien se sente menacé par l'importation de poupées Barbie ou Simpson est très révélateur de ce que la population veut vraiment et du fossé qui se creuse entre elle et ses propres dirigeants.
Monsieur Ottolenghi, j'ai quelques questions concernant les ambitions nucléaires de l'Iran. Mais, auparavant, j'aimerais vous poser une question à la suite de l'intervention de M. Marston.
Votre réponse m'a fait penser aux possibilités de changement de régime en Iran. Nous avons vu ce qui s'est produit aux dernières élections. Quelles sont les options? En nous projetant dans l'avenir, de façon très hypothétique, comment les choses vont changer dans ce pays?
D'une part, le sentiment général, tant à l'intérieur du pays que parmi les dissidents à l'extérieur du pays, est qu'on a raté une bonne occasion en 2009, en partie parce que le dirigeant du Mouvement vert s'est montré hésitant et ambigu face au régime alors qu'Il aurait pu le contester de façon radicale au point de remettre en question sa légitimité et son existence même.
Alors que des millions de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre les élections dans les semaines suivant le scrutin du 12 juin, le dirigeant du Mouvement vert leur a dit de retourner chez eux. C'était probablement une grande erreur, parce qu'aucun régime ne serait capable d'ouvrir le feu contre des millions de personnes qui protestent de façon organisée dans la rue et de réprimer la volonté d'une telle foule.
Votre collègue a parlé de la Syrie tout à l'heure. On devrait comparer le printemps syrien ou la révolte syrienne à celle des Iraniens pour voir comment, même devant les pires adversités, un peuple déterminé peut continuer à soutenir une révolte contre un régime brutal lorsque la volonté de changement existe parmi ses dirigeants.
Ce serait là le premier problème.
Toutefois, le bon côté de la chose, si vous observez la situation à l'intérieur du pays aujourd'hui — et je ne voudrais pas avoir l'air d'un marxiste en disant cela —, c'est que le pays est mûr pour une révolution, en ce sens qu'il est aux prises avec des conditions économiques graves qui ne feront qu'empirer sous l'effet des sanctions dans les mois à venir, ce qui ne fera qu'augmenter le mécontentement de la population, même au sein des segments de la population qui s'étaient jusqu'ici montrés plus fidèles au régime. Le fait de cibler les Gardiens de la révolution islamique est extrêmement important dans ce sens, puisque cette organisation, tout en étant peut-être l'élément le plus idéologiquement engagé du régime, est important pour sa stabilité et dépend beaucoup des revenus issus des activités économiques. Il s'agit d'une organisation très importante, une grande organisation, qui joue un rôle dans l'économie iranienne semblable à celui que joue l'armée égyptienne. À l'exemple de ce qui s'est produit en Égypte, sous la pression combinée des difficultés économiques et du soulèvement populaire, il est possible d'entrevoir une situation où, à l'intérieur du régime, une partie importante de la structure du pouvoir pourrait envisager de faire défection, de changer de côté et de modifier le cours des choses.
En outre, il y a de l'agitation parmi les minorités ethniques, des grèves sauvages dans des usines clés et l'infrastructure de l'État et une répression grandissante, qui est, selon moi, un indice que le régime craint de perdre le contrôle et reconnaît l'ampleur de la dissension au pays.
La question est donc de savoir...
... si l'opposition peut agir d'une certaine façon, si elle peut s'organiser pour être en mesure de confronter le régime et de le renverser. Si nous ne le faisons pas, cela pourrait se produire demain, ou encore dans 20 ans. Si nous le faisons, nous accélérerons probablement le processus.
Je vous remercie.
La question initiale que je voulais vous poser, et que j'aimerais aborder pendant le temps qui me reste, avait trait à Israël et à la menace nucléaire venant de l'Iran. Où en est l'Iran, selon vous? Croyez-vous qu'Israël est justifié de lancer une attaque préventive? S'il vous reste du temps, pouvez-vous nous dire sur quels alliés l'Iran peut compter pour devenir une puissance nucléaire?
Israël est l'un des trois pays à avoir lancé une attaque préventive contre les installations nucléaires de l'opposant. Soit dit en passant, les deux autres sont l'Iran et l'Irak. Tous deux ont essayé de neutraliser leurs installations nucléaires respectives au cours de la guerre Iran-Irak, sans succès d'ailleurs. Israël l'a fait non pas une fois, mais à deux reprises, contre l'Irak en 1981 et contre la Syrie en 2007. Alors si l'on évalue les déclarations et la position d'Israël à la lumière de ses antécédents, on peut présumer que les Israéliens sont préparés, même s'ils ne sont pas prêts ou disposés, à attaquer encore une fois. Je pense que les Israéliens croient avoir la capacité de lancer une attaque qui connaîtrait un niveau de réussite qui leur serait acceptable. Ce ne serait peut-être pas une attaque aussi destructrice que celle que pourraient mener les forces combinées des pays alliés de l'Ouest, dirigées par les États-Unis, mais une attaque qui pourrait faire gagner quelques années à Israël.
Je ne pense pas que les Israéliens en soient arrivés à prendre cette décision. On a beaucoup parlé de guerre au cours des dernières semaines et des derniers mois, et le fait que les Israéliens ont attendu jusqu'à présent nous montre qu'ils hésitent à lancer ce type d'opération. En Irak comme en Syrie, Israël avait agi aux toutes premières étapes de ces deux programmes nucléaires. Nous sommes rendus beaucoup plus loin maintenant.
Quant à savoir où en est le programme iranien et si les Israéliens sont justifiés d'intervenir, pour vous donner une réponse complète, il me faudrait détenir des renseignements classifiés auxquels je n'ai pas accès. Toutefois, selon les sources ouvertes auxquelles j'ai accès et que j'ai consultées, je dirais que la situation repose davantage sur le raisonnement politique des hauts dirigeants de Téhéran que sur des questions techniques. L'Iran a prouvé qu'il était capable d'enrichir de l'uranium jusqu'à près de 20 p. 100. Le pays a la capacité technique de le faire jusqu'à 90 p. 100, s'il le souhaite. Cela peut prendre quelques mois, mais l'Iran a déjà cette capacité. Suffisamment de preuves dans les rapports de l'AIEA montrent que l'Iran a mené beaucoup d'expériences avec les composantes d'un dispositif nucléaire, et il pourrait être bientôt capable de miniaturiser une tête explosive pour l'installer sur un missile balistique.
Il est possible également que l'Iran mène des activités liées à un programme militaire de façon secrète. Nous ne lui connaissons pas d'installation secrète, mais cela ne veut pas dire qu'il n'en existe pas, pour la simple raison que, dans l'histoire du programme nucléaire iranien, beaucoup d'activités liées aux objectifs militaires du programme et à l'enrichissement de l'uranium ont été menées de façon secrète. La mise au grand jour de ces installations a fait reculer considérablement l'échéancier du programme, mais c'est un fait que l'Iran a toujours fait les choses en secret.
Qu'arriverait-il si une attaque était lancée? Que ferait l'Iran? Il y a deux écoles de pensée. Certains disent que l'Iran est un acteur rationnel. Si l'État iranien est rationnel et calcule, je serais porté à dire qu'une attaque limitée de ses installations nucléaires ne déclencherait pas tous les moyens de représailles que l'Iran a à sa disposition. L'Iran répondrait probablement à Israël en déployant les organisations iraniennes dans le Levant. Le Hezbollah et le Hamas lanceraient des missiles sur Israël et déclencheraient les hostilités pour le compte de l'Iran. Ensuite, l'Iran lancerait et essaierait d'exécuter un certain nombre d'attentats terroristes contre des cibles vulnérables à l'étranger, contre des diplomates et des missions diplomatiques d'Israël et contre des centres juifs partout dans le monde.
Je doute qu'un État iranien rationnel s'engagerait dans le genre d'activités qui amèneraient les États-Unis aux côtés d'Israël.
Les tenants de la deuxième école de pensée disent le contraire, évidemment, c'est-à-dire que l'Iran n'est pas un acteur rationnel et que, s'il est attaqué, il déploierait tout son arsenal. Outre les mesures que je viens de décrire, il pourrait cibler l'infrastructure civile sur la côte arabe du Golfe. Il pourrait cibler les troupes occidentales — les troupes de l'OTAN stationnées en Afghanistan, les troupes américaines dans le Golfe. Il pourrait essayer de fermer le détroit d'Ormuz, bien sûr.
Il pourrait essayer de prendre d'autres mesures extrêmes et destructives qui auraient un impact extraordinaire, du moins à court terme, sur l'économie mondiale.
La décision d'attaquer est donc dangereuse et risquée, et je crois que c'est là la principale raison pourquoi Israël s'est retenu jusqu'à présent et qu'il donne encore du temps et une chance aux sanctions et aux négociations de produire des résultats.
Nous avons dépassé de beaucoup le temps imparti.
M. Hiebert a posé sa question jusqu'au moment où le temps alloué allait prendre fin. Il est difficile de mettre fin à des échanges semblables, car ces informations sont tellement importantes.
Comme nous avons essentiellement pris deux fois plus de temps que prévu, je suggère que cela soit soustrait de la période réservée aux conservateurs.
Cela étant dit, notre prochain intervenant est M. Cotler.
Un dernier détail. D'ici quelques minutes, je devrai laisser le fauteuil à M. Marston. Je dois rentrer à la Chambre des communes.
Monsieur Cotler, c'est à vous.
Merci, monsieur le président.
Vous avez dit que vous me laisseriez cinq minutes à la fin de la séance. Comme mon intervention concerne l'Iran, elle s'inscrit très bien dans notre discussion. Je vais vous en parler dès maintenant, car je dois me rendre à la Chambre pour une déclaration.
Monsieur Ottolenghi, je vous remercie pour vos observations, surtout concernant les attaques persistantes et généralisées contre les droits de la personne sanctionnées par l'État iranien et l'intensification de la répression ciblant, comme vous l'avez indiqué, les minorités religieuses comme les Bahaïs et les Kurdes. Il y a d'ailleurs actuellement 15 Kurdes qui sont condamnés à mort. Tous les dirigeants des mouvements d'opposition ont été réduits au silence ou incarcérés. Nous constatons une hausse marquée du nombre de prisonniers politiques et de la quantité d'exécutions qui s'ensuivent.
C'est dans ce contexte que nous avons mis sur pied, il y a plusieurs mois, un groupe interparlementaire en faveur des droits de la personne en Iran. Je copréside avec le sénateur Mark Kirk de l'Illinois ce groupe réunissant des parlementaires de toute la planète. Nous avons annoncé ce matin-même la création d'un groupe de défense des prisonniers politiques iraniens. Nous allons ainsi inviter les parlementaires à adopter des prisonniers d'opinion.
Notre comité pourra jouer un rôle particulièrement concret à ce chapitre en raison du lien qui unit le Canada et certains de ces prisonniers politiques. Au moment où l'on se parle, un résident canadien, Saeed Malekpour, fait face à une exécution imminente à titre de prisonnier politique en Iran. Il y a également parmi les chefs de file bahaïs qui ont été arrêtés des Canadiens qui sont retournés en Iran après avoir obtenu leur diplôme à l'Université Carleton. Je suis persuadé que chaque membre du comité voudra adopter l'un de ces prisonniers politiques, surtout parmi ceux qui ont un lien avec notre pays. Je vais en fournir la liste à mes collègues.
J'en viens maintenant aux deux questions que je souhaite vous poser brièvement. Il y a d'abord le CGRI qui a émergé à l'épicentre de la quadruple menace iranienne: l'armement nucléaire, l'incitation à la haine, le soutien du terrorisme et la répression massive de la population iranienne. Les États-Unis l'ont inscrit sur leur liste des groupes terroristes. Je me demande si le Canada ne devrait pas faire la même chose. C'est donc ma première question.
Je vais poser ma deuxième très rapidement. Comme notre comité et d'autres ont pu le constater, l'Iran a déjà violé l'interdiction d'incitation au génocide qui est contenue dans la Convention sur le génocide. En sa qualité de signataire de cette convention, le Canada ne devrait-il pas entreprendre, de concert avec des États partageant la même vision, tous les recours juridiques prévus dans la Convention sur le génocide afin de demander des comptes aux responsables de ce crime, par exemple via une plainte interétatique devant la Cour pénale internationale? L'Iran est également signataire de la convention et peut donc être tenu responsable devant cette instance.
C'étaient mes deux questions.
Merci. Je pourrais vous répondre très brièvement par un oui et par un oui.
Pour être un peu plus précis, j'aimerais faire une observation au sujet du CGRI. Il est important de savoir, surtout pour des pays comme le Canada qui entretiennent toujours des relations diplomatiques avec l'Iran, que ce pays a l'habitude de se servir de ses ambassades à l'étranger comme sites de planification d'attaques terroristes. Le CGRI, et plus particulièrement ses forces spéciales, les forces Qods, utilise la couverture diplomatique offerte par ces ambassades et va même parfois jusqu'à y faire employer ses membres au sein du personnel non diplomatique.
Vous pourriez ainsi vous étonner de voir ces gens-là travailler comme chauffeur, concierge ou réceptionniste. Ils sont postés dans ces ambassades dans le but de recueillir des renseignements, d'intimider les opposants en exil, et de mener des opérations de surveillance et de recrutement en vue d'éventuelles activités terroristes.
Compte tenu des relations du Canada avec l'Iran et du mode de fonctionnement adopté par ce pays, j'estime donc absolument essentiel de considérer le CGRI comme une entité terroriste. Le CGRI a déjà été mêlé à des activités terroristes par l'entremise de ses antennes et de ses groupes opérationnels, une situation qui perdure. Il n'y a donc absolument aucune raison de ne pas cibler le CGRI en ce sens.
Certains font valoir qu'une partie des membres du CGRI sont des conscrits qui ne devraient pas être pénalisés, car ils sont tenus de servir au sein de l'armée iranienne d'une manière ou d'une autre. En réalité, chacun des membres du CGRI est très soigneusement recruté sur la base de son adhésion idéologique aux principes fondamentaux de la République islamique. Les membres prêtent serment de loyauté au principe de gouvernement du docte, la doctrine de base de la République islamique, et ils sont redevables...
Pour autant qu'ils parviennent à démontrer leur engagement envers l'idéologie de l'organisation, ils peuvent conserver leur carte de membre longtemps après avoir abandonné l'uniforme. C'est dans ce contexte que le CGRI est un groupe qu'il faut cibler.
Monsieur Ottolenghi, je dois intervenir. Est-ce que vous pouvez m'entendre? Je suis désolé, mais nous avons déjà dépassé d'une minute le temps imparti à M. Cotler.
Est-ce que vous m'entendez?
Désolé, monsieur Ottolenghi, mais je dois vous interrompre.
Ici Wayne Marston, vice-président du comité.
Nous devons maintenant donner la parole à Mme Péclet.
On ne devrait pas leur permettre d'agir sans entrave comme s'ils étaient les maîtres du monde libre. Il faut les châtier, les mettre à l'écart et les condamner sans relâche lorsqu'ils voyagent à l'étranger.
[Français]
Ma question ne sera pas très longue. J'aimerais savoir si vous êtes en mesure de commenter la situation des droits syndicaux en Iran. Étant une militante d'Amnistie internationale, je sais qu'il y a plusieurs problèmes en Iran concernant le syndicat des chauffeurs d'autobus de Téhéran. Même au Canada, c'est un droit fondamental qui est défendu ardemment par le NPD. En ce moment même, des travailleurs sont en train de manifester parce que le gouvernement refuse de les aider, on a plusieurs problèmes.
J'aimerais simplement savoir quelle est la situation des droits fondamentaux d'association et la situation des délégués syndicaux au pays.
[Traduction]
Merci pour votre question.
Il y a en Iran d'importantes restrictions quant à la liberté d'association pour les partis politiques et d'autres organisations de la société civile.
Pour ce qui est du cas particulier des droits du travail, il n'y a pas en Iran de syndicats indépendants reconnus. Aucun salaire minimum n'est garanti aux travailleurs et on n'hésite pas à les embaucher pour les congédier aux termes d'un contrat à court terme qui permet de les rémunérer à un salaire inférieur, une pratique qui n'a rien à envier aux pires excès du capitalisme débridé du tournant du XXe siècle.
L'Iran se présente comme le défenseur des opprimés, mais ces travailleurs figurent parmi les plus opprimés et les moins libres de la planète. Je crois que cela devrait inciter les syndicats occidentaux, les organisations de travailleurs et les gouvernements dans le contexte de l'Organisation internationale du travail à s'en prendre à l'Iran en raison de ses violations flagrantes et systématiques des droits des travailleurs.
Comme vous l'avez indiqué, un certain nombre de ces travailleurs et de leurs représentants ont été incarcérés, harcelés, intimidés et persécutés. Dans bien des cas, sans égard au fait qu'ils aient été prisonniers d'opinion ou prisonniers politiques, on les a transférés dans des établissements psychiatriques ou dans des pénitenciers pour détenus de droit commun, des manoeuvres qui ont bien sûr eu pour effet de mettre leur sécurité en péril.
Comme c'est souvent le cas pour les prisonniers politiques en Iran, on leur a refusé l'accès à des soins médicaux de base. Pour exercer de la pression et intimider leurs collègues encore libres d'agir, on a bafoué leurs droits les plus élémentaires, comme les visites des proches.
Dans le portrait global des violations des droits de la personne par le régime iranien, c'est au chapitre des droits du travail que l'on retrouve les cas les plus graves. Ces attaques en règle contre les droits fondamentaux, le régime les a en outre menées en faisant fi de son propre discours et en le contredisant ouvertement.
J'aimerais revenir à votre déclaration à l'effet que le gouvernement canadien devrait porter attention aux entreprises iraniennes qui font affaire au Canada. Pourriez-vous nous indiquer ce qui vous préoccupe exactement?
Par ailleurs, vous avez dit avoir des recommandations à notre intention, mais vous n'avez pas eu le temps d'en faire lecture. Si vous aviez l'obligeance de les transmettre à notre greffière par voie électronique à la suite de notre séance, nous aimerions certes en prendre connaissance.
C'est ce que j'ai fait avant de venir ici, alors vous devriez y avoir accès à la fin de la séance.
Quant à votre question au sujet des entreprises iraniennes, j'aimerais également y répondre par écrit. Étant donné que l'Iran entretient des relations diplomatiques avec le Canada et que vous prônez des relations ouvertes avec les gens ne semblant poser aucune menace, et comme le Canada a une industrie énergétique florissante, il y a de nombreux Iraniens dans votre pays. Certains s'y sont installés avec des intentions tout à fait louables, d'autres pas.
Il y a déjà eu des travailleurs de l'industrie pétrolière en Alberta qui notaient dans leur CV accessible sur Internet des affiliations passées avec des entités liées au CGRI en Iran. Un certain nombre d'entreprises iraniennes ont établi des succursales constituées en personne morale en vertu de la loi canadienne, et parfois dirigées par des citoyens canadiens, mais ayant des liens directs avec l'Iran.
Je n'ai aucune preuve concrète indiquant que ces entreprises ont été mêlées à des violations manifestes du régime des sanctions, mais je pense qu'il convient d'examiner la situation de près étant donné les liens qu'entretiennent ces entreprises et vu que dans certains cas — il y en a au moins un auquel je pense — ces liens ont été délibérément masqués, niés ou supprimés. Le seul fait que ces entreprises faisant affaire au Canada en étant liées à des sociétés iraniennes nient l'existence de tels liens soulève des soupçons et mérite votre attention. Je me ferai d'ailleurs un plaisir de fournir les renseignements nécessaires pour en établir la preuve.
Le 12 mars 2012, le rapporteur spécial sur la situation des droits de la personne en Iran a présenté son rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le rapport cite de nombreuses violations des droits de la personne, y compris ceux des femmes, des syndicats, des prisonniers d'opinion, des minorités religieuses, des journalistes et des minorités ethniques. Le mandat du rapporteur spécial vient d'être reconduit pour une autre année.
Dans quelle mesure considérez-vous que ce rapport est important et comment la communauté internationale peut-elle se servir de ses constatations pour prôner un plus grand respect des normes internationales en matière de droits de la personne?
Je dois d'abord dire que ce rapport trouve son importance dans son existence même. Les Nations Unies ne se sont jamais démarquées par la constance de leurs efforts pour mettre en lumière les violations des droits de la personne par les régimes répressifs. On s'est plus souvent employé à critiquer et diaboliser de façon mesquine les imperfections des démocraties occidentales. Le fait que l'attention internationale soit maintenant tournée vers l'Iran et son bilan en matière de droits de la personne est donc important en soi. Et comme le mandat du rapporteur a été prolongé d'une année, on pourra continuer à s'intéresser de près au bilan de ce régime.
Pour que ce rapport produise des résultats concrets, on pourrait notamment miser sur des tribunes comme votre Parlement et des institutions semblables, ainsi que sur votre rôle de parlementaires, pour faire écho à ses conclusions et les porter à l'attention des auditoires occidentaux. Ces derniers sont en effet très peu conscientisés à la situation en Iran, ce qui représente un de nos grands défis lorsque vient le temps de demander des comptes à ce pays. Peut-être qu'ici on est davantage au fait de la situation en raison des regrettables cas de citoyens canadiens qui ont été victimes de la répression iranienne. Mais ailleurs dans le monde occidental, on ne sait pas vraiment à quel point ce régime peut être répressif. En aidant les gens à mieux comprendre la problématique, il deviendra plus facile de leur expliquer pourquoi l'Iran fait l'objet d'un régime de sanctions aussi sévère et pourquoi on s'inquiète tant de son programme nucléaire. C'est donc un aspect extrêmement important.
Il faut également savoir que le régime iranien n'aime pas qu'on le mette dans l'embarras. Ce régime s'est employé activement à obtenir un rôle plus actif et influent au sein de différentes tribunes internationales, y compris des instances onusiennes qui traitent directement des droits de la personne. Le pays voudrait notamment avoir un rôle à jouer dans des organisations comme l'UNESCO. Un rapport produit par les Nations Unies elles-mêmes pour prouver de façon irréfutable l'ampleur des violations des droits de la personne commises par le régime iranien aux dépens de ses propres citoyens deviendra un outil puissant entre les mains des diplomaties occidentales qui souhaitent miner les efforts de l'Iran pour se donner une certaine légitimité en siégeant à des postes influents sur des tribunes internationales. On serait ainsi mieux à même d'isoler le régime, d'exercer des pressions sur lui et de le rendre plus vulnérable. Pour établir sa légitimité, le régime a misé sur la possibilité pour ses dirigeants de voyager, d'obtenir des audiences, d'être entendus et d'être visibles sur la scène internationale. Si l'on souhaite vraiment isoler le régime, il est absolument crucial de renverser cette tendance.
J'estime donc que ce rapport peut être d'une grande utilité.
Merci de votre patience, monsieur le président.
Notre ministre des Affaires étrangères a signifié publiquement sa réticence à accoler l'étiquette d'organisation terroriste aux Gardes révolutionnaires. Personne n'a plus de mépris que moi pour ce groupe et pour ses agissements à l'égard de ses concitoyens, je vous prie de me croire. Ce qui m'inquiète, c'est que des jeunes n'ayant aucune loyauté envers ce régime sont obligés de servir comme conscrits parce qu'ils craignent pour leur vie.
Pourriez-vous nous parler de cet élément à considérer lorsqu'il est question d'inscrire ce groupe parmi les organisations terroristes?
Certainement. Je voulais faire valoir que ces gens qui sont tenus de servir au sein du CGRI ou qui n'ont pas le choix vont quitter ses rangs à la première occasion. Ils vont servir pendant le temps prescrit, un an ou deux, puis on ne les verra plus. Mais le CGRI est une organisation qui valorise la loyauté et conserve ses membres dans son giron même longtemps après la fin de leur service militaire. Les membres loyaux peuvent ainsi demeurer sur la liste de paye du CGRI bien longtemps après avoir abandonné l'uniforme. Ceux qui ont fait montre de loyauté en tant que conscrits peuvent ensuite poursuivre des études dans des universités dirigées par le CGRI avant d'accéder à des professions dans des entreprises contrôlées par le CGRI ou lui appartenant. C'est donc pour contrer ces agissements et cette infrastructure qu'il convient d'imposer des sanctions et de désigner ce groupe comme entité terroriste.
Les gens qui ont passé leurs deux années de service militaire au sein du CGRI avant de quitter l'organisation ne seront pas pénalisés par des mesures de la sorte, à moins qu'ils n'aient été déployés à l'étranger pour mener des opérations durant leur service militaire. Mais il faut noter que les gens qui sont généralement loyaux et engagés du point de vue idéologique ne sont habituellement pas déployés à l'étranger pour des raisons anodines.
Compte tenu de ces considérations, bien qu'il soit compréhensible de vouloir faire cette distinction en théorie, c'est beaucoup moins pertinent dans la pratique.
Le problème, monsieur le président, c'est qu'à partir du moment où un groupe est désigné comme organisation terroriste, toute personne ayant quelque affiliation que ce soit avec ce groupe doit vivre avec cette étiquette pour le reste de son existence.
Je suis d'accord avec vous sur ce point.
Monsieur Ottolenghi, nous en sommes arrivés à la fin de notre séance. De fait, nous avons même dépassé légèrement le temps imparti. Nous devons retourner à la Chambre.
Je tiens à vous remercier pour votre témoignage très détaillé. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre comparution devant notre comité. Merci beaucoup.
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