SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 14 février 2012
[Enregistrement électronique]
[Français]
Votre attention, tout le monde. Nous avons assez de membres ici pour atteindre le quorum.
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, en ce mardi 14 février 2012, jour de la Saint-Valentin, nous en sommes à la séance no 22.
[Traduction]
Nous poursuivons l'étude des droits de la personne en Érythrée et nous accueillons aujourd'hui deux témoins.
Nous aurons deux exposés, ce qui signifie que nous aurons peut-être un peu moins de temps que d'habitude pour les questions. Je vous dirai combien de temps vous aurez pour les questions une fois que nous serons prêts pour cette étape.
Ceci dit, nos deux témoins d'aujourd'hui sont Elizabeth Chyrum, directrice, Human Rights Concern Eritrea. Elle a fait le voyage depuis Londres pour être avec nous aujourd'hui. Nous accueillons également Aaron Berhane, du Eritrean Human Rights Group Canada. Il vient de Toronto. Je crois que Mme Chyrum donnera le premier exposé.
Madame Chyrum, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi avant tout de remercier le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes de tenir ces audiences et de me donner l'occasion de parler de cette tragédie qui n'a pas encore reçu toute l'attention qu'elle mérite.
Je me propose de vous faire un bref exposé sur les violations des droits de la personne en Érythrée et ce que cela signifie dans la réalité. Après une lutte armée qui a duré plus de 30 ans, l'Érythrée est devenue un État indépendant en mai 1993. Depuis son indépendance, le pays est gouverné par le People's Front for Justice and Democracy Party — PFDJ — dirigé par le président Isaias Afwerki. C'est peu de temps après la survenue du conflit frontalier tragique entre l'Érythrée et l'Éthiopie en mai 1998 que la situation du pays a commencé à se détériorer. Cette guerre a permis au gouvernement d'invoquer le prétexte de la sécurité nationale pour resserrer son étau sur la population. La constitution érythréenne a été suspendue. Les élections nationales prévues pour 2001 ont été reportées indéfiniment et, dans les faits, l'Assemblée nationale a cessé d'exister.
Tous les droits fondamentaux ont été suspendus. Lorsque des fonctionnaires du groupe connu sous le nom de G-15, ont réclamé l'application de la constitution en septembre 2011, ils ont été emprisonnés sans autre procès et ils languissent en prison depuis; on croit que plusieurs d'entre eux sont morts aujourd'hui.
Je voudrais présenter maintenant un bref résumé des violations des droits de la personne en Érythrée.
Il n'y a pas de système judiciaire indépendant depuis la détention des G-11 en septembre 2001. La sécurité nationale a servi de prétexte pour détenir des dizaines de milliers de personnes sans procès.
On ne peut pas créer de syndicats et les citoyens ne peuvent devenir membres de syndicats pour protéger leurs droits. La formation de partis politiques est interdite.
Les manifestations pacifiques, les mobilisations et les réunions publiques sont interdites. Tout rassemblement de plus de sept personnes est considéré comme une activité criminelle et est puni par la loi. Les organismes de la société civile indépendants de l'État n'existent pas en Érythrée. Aucun défenseur des droits de la personne ne peut être actif en Érythrée. Il n'y a aucun organisme de défense des droits de la personne dans le pays. Il n'y a pas eu d'efforts pour en créer un, qui de toute façon n'aurait pas été autorisé, et les citoyens ne sont pas autorisés à surveiller la situation des droits de la personne et à en faire rapport.
La liberté de religion est inexistante. Le gouvernement érythréen permet quatre confessions: les églises orthodoxe, catholique et luthérienne et la religion islamique. Toutes les autres religions ou cultes ont été interdits en 2002. De nombreuses personnes sont en prison parce qu'elles n'appartiennent pas à ces religions et qu'elles ont tenté d'organiser des offices religieux en public, ce qui entraîne souvent des arrestations. Le chef de l'Église orthodoxe, le patriarche Antonios, a été écarté de son poste parce qu'il avait demandé au gouvernement de cesser de se mêler des affaires religieuses.
Le gouvernement a expulsé la plupart des organismes non gouvernementaux en l'espace de 48 heures en 1997.
En 2005, on a demandé à USAID, qui fournissait la plus grande partie des vivres dont nécessitait le pays, de cesser ses activités. La même année, le gouvernement a confisqué plus de 100 véhicules des Nations Unies. Ses relations avec le Programme alimentaire mondial s'étaient tellement envenimées que ce dernier a été forcé de suspendre ses activités.
Le gouvernement contrôle la totalité du système de distribution des denrées alimentaires au moyen d'un système de coupons; il contrôle chaque gramme de nourriture consommé par chacun des citoyens. Il est illégal d'essayer de se procurer des aliments ailleurs; essayez d'éviter la famine est devenu un crime. Même l'armée n'est pas suffisamment nourrie.
À l'heure actuelle, on compte des dizaines de milliers de victimes de détention sans procès et de disparition forcée dans plus de 300 établissement de détention partout au pays. Les détenus n'ont pas de contact avec l'extérieur, sont placés en isolement, jetés dans des cachots souterrains, entassés dans des conteneurs et ils sont systématiquement torturés.
Les bastonnades sont fréquentes. On invente des méthodes originales et cruelles pour attacher les prisonniers. On a recours communément aux chocs électriques, à la torture touchant les organes génitaux, au viol et à l'esclavage sexuel, et aux travaux forcés. Les privations de nourriture, de sommeil, d'eau, de vêtements, de médicaments, de compagnie et de visite sont monnaie courante. Beaucoup de ces prisonniers sont morts. Les exécutions extra-judiciaires, sommaires et arbitraires sont également très courantes.
Les villes et villages ont été vidés de leur population la plus productive, soit celle des gens âgés de 18 à 50 ans. Les mauvais traitements, encouragés par un environnement de constante supervision, un régime policier, l'endoctrinement politique, les dures répressions, le travail forcé, les incarcérations systématiques, les peines de mort et les massacres découragent les jeunes. Cet état de fait conduit des dizaines de milliers d'entre eux à déserter l'armée. Malgré les arrestations arbitraires pratiquées pour renflouer le corps d'armée, les effectifs ne cessent de diminuer.
Juste après la Corée du Nord, l'Érythrée est le deuxième pays le plus militarisé au monde, consacrant près de 25 p. 100 de son budget, le plus haut du monde, à usage militaire. Sur une population totale de près de cinq millions, plus de 350 000 sont mobilisés dans l'armée, avec des centaines de milliers d'autres dans la réserve. La dernière guerre date de 2000, mais le gouvernement ne démobilisera pas l'armée pour ne pas perdre l'emprise qu'il a sur les jeunes, les tenant ainsi piégés sous prétexte de la nécessité du service militaire.
L'éducation a été complètement militarisée. Depuis 2003, tous les étudiants doivent terminer leur dernière année d'études secondaires dans les camps militaires, sous contrôle militaire, loin de chez eux. Ceux qui sont sélectionnés pour poursuivre leurs études sont envoyés dans des écoles d'apprentissage professionnel qui ne sont rien d'autre que des casernes. La seule université du pays a été fermée en 2006.
Ceux qui refusaient de porter les armes, les objecteurs de conscience et les Témoins de Jéhovah, ont été emprisonnés. Des étudiants d'âge mineur, ceux appelés sous les drapeaux ainsi que les prisonniers ont été ainsi soumis aux travaux forcés dans des présumés projets de développement. Une grande part du travail manuel dans les projets de forage des mines est ainsi faite par de telles recrues.
Le contingent féminin subit des sévices sexuels, émotionnels et physiques, est assigné à de dures besognes domestiques et contraint à l'esclavage sexuel par les commandants militaires et les gardiens de prison. La résistance ou le refus entraînent aux sommations de corvée, à l'accomplissement de tâches militaires lourdes, tortures et autres châtiments. Nombre d'entre elles doivent endurer des grossesses forcées, d'autres encore contractent le SIDA ou des maladies vénériennes.
La mobilisation forcée et le service militaire sans fin ont entraîné un exode en masse des jeunes. Des centaines d'Érythréens quittent ainsi chaque jour leur pays afin de se soustraire à cette oppression sans précédent. Cependant, plus de la moitié de ceux qui tentent de s'échapper sont soit fusillés à vue ou alors pris et soumis à la torture, emprisonnés pendant des années avant d'être sommairement exécutés. Les risques et les dangers encourus par les Érythréens ne s'arrêtent pas, même après qu'ils aient passé la frontière vers le Soudan voisin. Ces errants continuent d'être persécutés.
Au Soudan, où fuient tous les jours des centaines d'Érythréens, les agents des services de sécurité et de police sont les pires alliés dans la violation des droits des réfugiés. Mentionnons, entre autres, les enlèvements, les sévices physiques et sexuels, l'humiliation, l'obligation de renier sa culture et ses traditions, le pillage, le dépouillement d'argent et des effets personnels, la déportation forcée, la détention au sein des unités des services de sécurité et des services secrets, les viols, les demandes de rançon.
Qui plus est, un réseau étendu de trafiquants d'hommes et de criminels qui collaborent avec les agents de sécurité soudanais et les services secrets érythréens est impliqué dans des opérations d'enlèvement et de trafic de personnes dans le but d'extorsion et de paiement de rançon. Ceux qui sont enlevés sont acheminés vers le désert du Sinaï où ils sont tenus en otage et restent sujets à des sévices, viols, tortures, extractions d'organes, assassinats, sans compter les demandes de rançon de dizaines de milliers de dollars. Jusque-là, des milliers d'Érythréens ont perdu la vie dans le désert du Sahara ainsi qu'en cherchant à traverser la Méditerranée dans le but d'atteindre l'Europe sur des bateaux de fortune. Dans les camps de réfugiés, au-delà du manque de protection, de la peur constante et du traumatisme, les réfugiés souffrent du manque d'approvisionnement en produits de première nécessité et de services d'accueil.
Ceux qui survivent à la traversée du Sahara vivent un nouveau cauchemar à leur arrivée en Égypte, en Libye, et même en Israël. En Libye, avant et durant la révolution, les réfugiés ont été victimes de sévices sexuels, de tortures psychologiques et d'abus physiques de la part des autorités et de certains éléments de la population civile. Des milliers de réfugiés ont été rapatriés vers l'Érythrée depuis le Soudan, la Libye, l'Égypte, la république de Malte, le Royaume-Uni et l'Allemagne. À leur retour, ils sont torturés, tués et mis en esclavage par le régime en place. La déportation en masse continue à ce jour depuis le Soudan.
En Égypte, ils sont abattus sur-le-champ à la moindre tentative de traverser la frontière vers Israël. Ceux qui sont touchés aux jambes lors du passage de la frontière israélienne se retrouvent à l'hôpital où l'on constate des cicatrices, qui laissent soupçonner des opérations chirurgicales en vue de l'ablation d'organes. D'autres sont envoyés en prison et se retrouvent dans un nouvel univers infernal où hommes et femmes sont, sans distinction, violés, affamés et torturés.
Même s'ils arrivent à survivre, ils doivent encore affronter l'hostilité et l'humiliation dont pourraient faire preuve les pays hôtes. Ces mauvais traitements peuvent prendre la forme de détention, de destitution et du refus d'asile aboutissant à la déportation forcée, malgré la certitude qu'à leur retour, ils seront mis en prison, torturés et même tués pour avoir commis le crime de chercher une vie meilleure dans un autre pays.
Au-delà des déportations, des milliers d'Érythréens ayant essuyé le refus du statut de réfugié vivent illégalement dans les pays — où ils attendent de longues périodes en détention, avant d'être rapatriés — ou alors vivent dans la rue dans la plus grande misère. Dans ces pays, la législation en vigueur leur interdit l'accès aux services publics de base, qu'il s'agisse de logement, d'alimentation ou de soins, etc. et il leur est également interdit de travailler.
La famille des déserteurs est poursuivie. Si elle n'est pas en mesure de payer la somme conséquente équivalente à 3 000 $, ce qui représente cinq années de revenus d'une famille moyenne, ils restent indéfiniment en prison, où ils sont soumis à de durs interrogatoires et à la torture.
J'ai ainsi essayé de montrer que l'Érythrée est un pays où aucun droit humain n'est respecté, qu'il s'agisse de la liberté de culte, du droit à un procès équitable, du droit de participer à des élections libres, du droit à la libre circulation en quête d'un travail ou de moyens de subsistance, du droit de refuser la mobilisation militaire forcée, de refuser d'être soumis à des sévices, à la torture, à l'agression physique et de risquer la mort pour avoir osé exprimer autre chose qu'une obéissance aveugle envers un gouvernement qui pousse son propre peuple à la famine, l'oblige à travailler dans les mines d'or et force ses enfants à rejoindre l'armée en les privant de leur droit à l'éducation.
L'Érythrée est aujourd'hui l'un des pays les plus paranoïaques, les plus secrets et les plus répressifs de la planète; peut-être n'existe-t-il aucune autre nation au monde, à l'exception de la Corée du Nord, qui nie les droits de son peuple à une telle échelle.
Je vous laisse les recommandations, pour que vous puissiez les passer en revue.
Merci beaucoup.
Merci.
Notre témoin fait allusion aux recommandations qu'elle a faites et qui font partie de son exposé. Il serait bon que vous les lisiez pour pouvoir poser des questions pendant la période des questions et réponses.
Nous passons à notre second témoin.
Veuillez commencer, monsieur Berhane.
Merci beaucoup.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de cette occasion que vous m'offrez de parler de la question des droits de l'homme en Érythrée. J'aimerais vous entretenir en particulier de ce qui se passe pour les Érythréens vivant au Canada.
Mais avant de parler de ce thème — dont Elsa a mentionné les principaux éléments —, je veux me pencher tout particulièrement sur la liberté de la presse.
Actuellement, aucun organe de presse privé n'opère dans ce qui est considéré comme le pire pays pour les journalistes depuis 2001. Les sept journaux indépendants ont été forcés de fermer leurs portes et leurs rédacteurs en chef ont été arrêtés en 2001. Plus de 30 journalistes sont en ce moment en prison et cinq d'entre eux y sont morts. Nous ne connaissons pas le sort des autres mais, malheureusement, leur situation est prévisible, puisqu'ils sont encore détenus dans un conteneur d'expédition.
Les autorités — c'est-à-dire le gouvernement érythréen — ont nié qu'il s'agisse d'une vague de répression, affirmant au contraire que les journalistes étaient partis faire leur service militaire ou que la fermeture et les arrestations s'étaient avérées nécessaires pour le bien de l'unité nationale.
Mais toutes ces accusations sont sans fondement. Les journalistes ont été arrêtés parce qu'ils demandaient la mise en oeuvre de la constitution. Ils parlaient au nom de ceux qui avaient été arrêtés, de ceux qui étaient sans voix comme les étudiants emprisonnés pour avoir parlé et comme les dissidents politiques. Voilà pourquoi ils ont été arrêtés et pourquoi leur journal a été fermé.
En mai 2007, la Commission africaine des droits et des peuples, qui relève de l'Union africaine, a jugé que la détention des journalistes était arbitraire et illégale, et a demandé au gouvernement érythréen de libérer et d'indemniser les détenus.
On a même été jusqu'à arrêter 15 hauts fonctionnaires en 2001. Mécontents de la façon dont le président gouvernait, ils l'avaient critiqué dans une lettre ouverte et demandé des réformes démocratiques. Leur lettre avait été publiée dans le journal Setit. Onze d'entre eux sont détenus depuis septembre 2001. Ils sont accusés de crimes contre la sécurité et la souveraineté nationales. À ce jour, toutefois, aucune accusation n'a été déposée contre eux ou les journalistes.
La même chose est arrivée en 2003. Après enquête approfondie, la Commission africaine a trouvé le gouvernement érythréen en violation des articles 2, 6, 7 et 9 de la Charte africaine, et a exhorté l'État érythréen à ordonner la libération immédiate des 11 détenus. D'après les dernières informations que nous avons pu recueillir, depuis 2002, six de ces 11 détenus seraient morts en prison. Nous ne connaissons pas exactement le sort des autres, puisqu'il ne nous est pas permis de les voir.
Mais ce que j'aimerais surtout faire ressortir, c'est la sécurité des Canadiens d'origine érythréenne. Le harcèlement dont fait preuve le gouvernement érythréen s'exerce ici aussi. Il a recours à la terreur pour vandaliser, attaquer et punir ses critiques, où qu'ils se trouvent, et même ici au Canada.
J'ai critiqué à plusieurs reprises le représentant du gouvernement érythréen au Canada dans Meftih, journal que je publie depuis 2004. Je lui reproche de manipuler les fêtes communautaires pour mener à bien le programme politique du régime et lever des fonds. Le 23 juillet 2007, alors que je déjeunais dans l'un des restaurants érythréens de la rue Bloor, quelqu'un, sans doute un partisan ou un agent du régime érythréen, a crevé deux pneus de ma voiture. J'en ai évidemment avisé la police, mais les vandales n'ont jamais été appréhendés.
Dans un blogue rédigé à l'adresse asmarino.com, j'ai aussi reproché au gouvernement d'avoir transformé le pays en un immense camp de prisonniers. Le lendemain matin, le 3 janvier 2008, j'ai trouvé le pare-brise et la vitre arrière de ma voiture fracassés. J'en ai évidemment fait rapport à la police, mais les vandales n'ont jamais été appréhendés.
Je ne suis pas le seul, environ 50 journalistes érythréens vivent en exil, dont six ou sept au Canada. la plupart d'entre eux vivent dans une peur constante.
Le consulat érythréen au Canada a recours à l'extorsion, aux menaces de violence et à d'autres moyens illégaux pour prélever une taxe de 2 p. 100 sur les Canadiens d'origine érythréenne. Le bureau du gouvernement érythréen demande les feuillets T4 et formulaires de l'Agence du revenu du Canada pour prouver qu'ils déclarent exactement leurs revenus.
La plupart sont obligés de payer, car le gouvernement ne donnera pas suite à leur demande de documents, qu'il s'agisse de diplômes, de certificats de naissance ou de mariage, etc. sans preuve de paiement de la taxe de 2 p. 100. Ceux qui refusent de payer et ne demandent aucun document au gouvernement font quand même l'objet d'intimidations de la part d'agents du régime. On les avertit de payer pour le bien de leur famille restée au pays.
En ce qui me concerne, il m'a fallu huit ans pour retrouver ma femme et mes enfants qui avaient été pris en otage en Érythrée. Ils n'étaient pas autorisés à sortir du pays. Les activités de ma femme étaient étroitement surveillées et son téléphone mis sous écoute.
Grâce à une opération bien orchestrée, j'ai réussi toutefois, à la fin de 2009, à les faire sortir clandestinement du pays et ils ont pu me rejoindre en mai 2010. Et bien des gens ont connu la même situation.
Outre la taxe de 2 p. 100, les particuliers sont forcés de faire des dons en argent pour ce que l'on appelle la « défense nationale contre l'invasion éthiopienne ». Cela se fait en quatre étapes et il faut d'abord verser au moins 500 $ pour obtenir la preuve de paiement de la taxe de 2 p. 100.
Cette taxe imposée à la diaspora contrevient à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Dans les régions où le gouvernement érythréen n'a pas de représentant diplomatique ou consulaire, la taxe est perçue par des agents du parti ou des militants communautaires. Ceux-ci se rendent au domicile des Érythréens, prennent le nom de ceux qui ne paient pas et les avisent des conséquences.
Tous ceux qui ont quitté le pays après 1998 sont priés de remplir un « formulaire de regrets » afin d'obtenir la preuve de paiement de la taxe de 2 p. 100. Ainsi, en dépit du fait que la plupart des gens ont fui le pays pour échapper à la persécution ou au service national permanent, on leur fait signer ce formulaire qui pourrait les désigner comme traîtres ou déserteurs. Si vous n'obéissez pas, le gouvernement refuse de donner suite à vos demandes, par exemple, de diplômes, de sorte que vous ne pouvez pas poursuivre vos études.
Ils vont encore plus loin dans l'extorsion. Le consulat oblige les Canadiens d'origine érythréenne à prendre part à des événements ou à des réunions où l'on collecte des fonds, à signer des pétitions, et à participer à des manifestations. Les agents du régime jouent un rôle clé dans ces initiatives. Ils appellent à tous les domiciles, se rendent dans les églises ou les mosquées pour annoncer les événements de collecte de fonds organisés par le consulat sous le couvert d'activité communautaire. En tout, le consulat érythréen collecte ainsi de 10 à 20 millions de dollars par an.
Le gouvernement canadien accorde un visa d'entrée à la troupe culturelle militaire érythréenne trois fois l'an afin qu’elle se produise dans le cadre de manifestations organisées par l'Association canadienne érythréenne de l'Ontario, qui est indirectement régie par le consulat érythréen. Chaque année, la troupe met sur pied environ 20 spectacles partout au Canada, ce qui lui permet de collecter environ un million de dollars.
L'impôt de 2 p. 100 prélevé sur la diaspora par le gouvernement érythréen leur permet de collecter environ 15 millions de dollars.
Grâce à des activités en cours au Canada, des agents du parti au pouvoir recueillent également des fonds pour le compte d'enfants érythréens orphelins, mais les énormes sommes d'argent collectées n'ont jamais été utilisées pour aider ces enfants nécessiteux.
Toutes ces activités se déroulent sous le nez même du gouvernement canadien. Parfois, certains d'entre nous, les Canadiens érythréens, se demandent qui gouverne ici: le gouvernement canadien ou le gouvernement de l'Érythrée? Après tout, la plupart des Canadiens érythréens s'attendent à ce que le gouvernement canadien fasse preuve de vigilance dans la protection de ses citoyens, quel que soit leur pays d'origine.
Cela devrait préoccuper grandement le gouvernement canadien, car al-Shabaab a été entraîné par le gouvernement érythréen à commettre des actes terroristes dans les pays voisins. Comme le Groupe de contrôle des Nations Unies sur la Somalie et l'Érythrée l'a confirmé, ces groupes ont été formés, armés et financés par le gouvernement érythréen. Une rumeur court également selon laquelle les billets d'avion des six jeunes Canadiens somaliens qui ont quitté Toronto pour rejoindre les rangs d’al-Shabaab ont été payés par le consulat érythréen. En outre, ce dernier essaie toujours de travailler sous le couvert de la communauté qu'il contrôle étroitement, comme l'Association canadienne érythréenne de l'Ontario, à Toronto, et la Communauté érythréenne de Winnipeg inc., au Manitoba.
Par conséquent, j'exhorte le gouvernement canadien à prendre des mesures pour interdire l'impôt de 2 p. 100 prélevé sur la diaspora érythréenne canadienne; pour interdire les activités de financement organisées par le Centre culturel érythréen ou l'Association canadienne érythréenne de l'Ontario; pour traiter les activités illicites des agents du régime érythréen d'une manière semblable à la façon dont il traite les activités illicites des groupes partisans des Tigres de libération de l’Eelam tamoul; pour soutenir pleinement et mettre en oeuvre immédiatement la résolution 2023 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui impose des restrictions sur les investissements dans l'industrie minière de l'Érythrée; pour examiner la relation diplomatique que le Canada entretient avec l'Érythrée, étant donné que le consulat érythréen a agi à maintes reprises à l'encontre de son mandat diplomatique; pour enquêter sur les activités du bureau Beilul Exchange, basé à Toronto, qui est enregistré comme une entreprise privée, mais qui agit comme le principal collaborateur du régime érythréen en transférant des fonds à Dubaï, au Soudan, en Érythrée, au Kenya et dans d'autres pays; et pour enquêter sur les activités du consulat érythréen au Canada afin de déterminer s’il a payé pour les billets d'avion des six Canadiens somaliens qui ont quitté Toronto en 2009 pour rejoindre les rangs d’al-Shabaab.
En outre, je demande instamment au gouvernement canadien de déterminer la cause profonde du problème et de se soucier avant tout d'y apporter une solution durable, laquelle consiste à informer et à éduquer les Érythréens qui vivent en Érythrée à l’aide d'un média de rechange. Nous constatons maintenant que le gouvernement répressif de l'Érythrée continue de contrôler les seuls médias publics qui existent là-bas à l'heure actuelle. Ceux-ci continuent de soumettre la société à de la propagande dogmatique. La seule option qui s'offre aux Érythréens est de construire une autre plateforme médiatique à l'extérieur du pays, une plateforme qui favorise leur droit de s'exprimer librement et qui permettrait aux Érythréens d'échanger des idées et des renseignements sans ingérence du gouvernement. Cela permettrait également aux Érythréens de mieux maîtriser leur vie et d'exercer une plus grande influence sur les événements qui touchent la société et son avenir, sinon ils continueront à vivre dans la peur ou à s’enfuir vers les camps de réfugiés du Soudan et de l’Éthiopie.
Nous demandons donc au gouvernement du Canada d'aider les Canadiens érythréens à établir un média de rechange — comme un poste de radio sur ondes courtes ou un poste de radio par satellite — qui pourrait diffuser d’ici en Érythrée.
Merci encore.
Je remercie infiniment nos deux témoins.
Il est légèrement dépassé 13 h 30. Il nous reste donc suffisamment de temps pour procéder à une autre série de questions pendant laquelle la totalité des six membres du comité interviendront pendant cinq minutes.
Monsieur Sweet, aimeriez-vous commencer?
Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens également à remercier les témoins de leur exposé. Ils étaient très complets.
D'emblée, j'aimerais dire quelque chose à Aaron parce qu'il a été le dernier à témoigner. J'ai remarqué que vous aviez mentionné avoir appelé la police lorsque votre voiture a été vandalisée à deux reprises. Il faudrait vraiment que d'autres Érythréens qui sont traités de manière inappropriée par l'ambassade ou qui sont victimes des mesures que, selon vous, l’ambassade aurait prises pour leur extorquer de l’argent se présentent devant les autorités locales ou du moins devant des représentants du ministère des Affaires étrangères et en témoignent. Voilà le genre de situations dans lesquelles nous pouvons intervenir. Nous devons connaître la source de ces rumeurs.
Je peux vous dire que je suis complètement à couteaux tirés avec al-Shabaab et que je serais heureux de faire tout ce que nous pouvons pour réduire son pouvoir. Toutefois, pour prendre des mesures, il nous faut plus qu'une rumeur. Par conséquent, quand vous serez en mesure de dialoguer avec les membres de votre communauté, dites-leur que plus ils sont en mesure de signaler des faits précis, plus ils nous facilitent la tâche ici, au Canada.
Elizabeth, je tenais simplement à vous poser une question à propos de l'Union africaine et à vous remercier de l'excellent travail que vous accomplissez. D'après les témoignages que nous avons entendus, non seulement le régime érythréen agit de manière abominable envers ses propres citoyens, mais il est aussi un véritable fauteur de troubles dans la région. L'Union africaine leur a-t-elle donné des avertissements, pris des mesures quelconques à leur égard ou fait quoi que ce soit pour mettre un terme à leurs violations des droits de la personne ou à leur capacité de franchir leurs frontières, en particulier dans le but d'appuyer al-Shabaab et de causer des ravages dans les autres pays?
Je pense que jamais les nations africaines ne se sont élevées contre une autre nation, quelle qu'elle soit, dans le but de demander au Conseil de sécurité de prendre des sanctions contre l'Érythrée. Les pays de l’UA condamnent à l’unanimité le rôle déstabilisant que l’Érythrée joue dans la région. À cause de sa guerre frontalière avec l’Éthiopie, il va sans dire qu’aucune paix n’est possible là-bas.
Pour être honnête, j’ai moi-même interrogé mes contacts qui formaient les membres d’al-Shabaab, de l’opposition éthiopienne ou soudanaise et d’al-Qaïda dans la région. Mais personne n’a pris de mesures pour appuyer les Érythréens, qui sont vraiment opprimés là-bas, parce que, jusqu’à maintenant, même les sanctions prises étaient liées à la situation régionale et non à la situation des droits de la personne en Érythrée.
Je sais que, dans le passé, la Commission africaine a pris des décisions dans deux cas: celui du G-11 et celui des journalistes. La décision concernant le G-11 a été prise en 2003, parce que l’Érythrée est l’un des pays signataires de la Charte africaine. Toutefois, l’Érythrée a complètement ignoré la décision. Donc, en 2003, la Commission africaine a déterminé que le G-11 n’avait commis aucune infraction, et elle a décidé que les membres du G-11 devaient être libérés et compensés. Depuis 2003, six des 11 prisonniers sont morts, et nous ne savons pas si les cinq autres sont toujours en vie.
En toute honnêteté, ni la communauté internationale, ni les nations africaines n’ont fait quoi que ce soit pour aider le peuple érythréen.
Je crois comprendre que le nombre de personnes qui fuient l’Érythrée s’élève maintenant à environ 3 000 par mois. J’aimerais savoir si c’est exact. Si c’est le cas, cela va réduire la population rapidement. Remarquez-vous que le régime devient de plus en plus cruel à mesure que ces gens s’échappent de cette région?
Oui. En fait, le service du renseignement soudanais et même le gouvernement du Soudan collaborent en ce moment avec l’Érythrée. Ils déportent des gens avant même que l’UNHCR ait pu vérifier leur statut à la frontière. Oui, ils sont très en colère. De plus, parce qu’ils sont fâchés que les gens partent, ils s’adonnent maintenant à la traite de personnes. Leur propre service du renseignement kidnappe des gens, les transporte jusqu’au Sinaï et exige jusqu’à 33 000 $ de rançon par personne. Ils disent: « D’accord, partez, mais nous vous rattraperons. » Les Érythréens vendent leur maison et leurs bijoux, et ils supplient les membres de leur famille qui font partie de la diaspora de payer la rançon.
Merci, monsieur le président.
Alex Neve, le secrétaire général d’Amnistie internationale, a témoigné devant notre comité, et ses propos ressemblaient beaucoup aux paroles que vous prononcez aujourd’hui.
Vous avez fait allusion au fait que l’Érythrée se comportait de manière analogue à la Corée du Nord. Au moins, la Corée du Nord nourrit son armée. L’Érythrée ne semble même pas le faire convenablement. C’est l’une des pires situations que j’ai entendu signaler au comité.
Cette situation m’intéresse particulièrement — et je vais tenter de prononcer votre nom —, Chyrum. Oh mon dieu, j’ai eu de la chance cette fois.
Quant à la société minière canadienne qui exerce des activités dans ce pays, en tant que Canadien, cela me trouble énormément d’apprendre que nous pouvons collaborer d’une manière ou d’une autre avec un pareil gouvernement.
Je tiens à vous dire que les membres du comité ont déjà discuté de la possibilité d’inviter le président de cette société à comparaître devant nous. J’ai donc pensé que je devais vous le souligner.
Vos recommandations sont très détaillées. Je les ai passées en revue pendant une partie de votre témoignage. Elles cadrent avec ce qu’Alex nous a dit à propos de la nécessité pour la Croix-Rouge d’être sur le terrain en Érythrée et bon nombre d’autres choses.
Je vais vous laisser pendant un moment, parce que quelque chose d’autre me préoccupe.
Monsieur Berhane — ma prononciation est-elle approximativement correcte?
Les agents du régime auxquels vous avez fait allusion sont-ils connus? Connaissez-vous leur nom? Viennent-ils du consulat?
Oui. La plupart d’entre eux sont bien connus. Par conséquent, nous connaissons leur nom. Cependant, il y a des gens qui travaillent clandestinement. De plus, tous les gens qui ont payé l’impôt de 2 p. 100 disposent de tous les détails, et ils savent exactement qui leur impose ces frais. Nous possédons tous ces documents.
Les citoyens américains qui vivent au Canada sont imposés dans leur propre pays. Cette situation n’est donc pas inattendue ici. Mais ce qui nous préoccupe, ce sont les menaces et l’intimidation qui l’accompagnent.
Je pense que, compte tenu de sa position, notre gouvernement pourrait envisager d’exiger la fermeture du consulat.
Quelle est l’importance de la diaspora canadienne, le savez-vous?
Cet impôt n’est pas un impôt ordinaire. Par exemple, si je demande un relevé de notes de l’université que j’ai fréquentée là-bas, on ne m’impose pas des frais pour ce service. Cependant, je dois payer l’impôt de 2 p. 100. Quand avez-vous quitté votre pays? Disons que c’était en 2002. Donc, de 2002 à aujourd’hui, ils présument que vous avez touché un salaire annuel de 40 000 $. Donc, en fonction de cela, ils effectuent un simple calcul, et il vous faut verser ce montant d’abord. Ensuite, ils vous fourniront votre relevé de notes. Puis, si vous souhaitez prouver que vous possédez des propriétés, vous devez payer de nouveau un impôt de 2 p. 100. Par conséquent, cela ne ressemble pas à un impôt ordinaire.
À peu près 20 000 Érythréens vivent à Toronto ou dans les environs. Bien entendu, la plupart d’entre eux refusent de payer. Je dirais que peut-être la moitié d’entre eux acquittent l’impôt. Lorsqu’on accepte de le régler, on ne le règle pas pour une seule année. Il faut payer l’impôt de 2 p. 100 sur la totalité des revenus touchés depuis son départ de l’Érythrée, et l’on doit faire des dons en argent. Le processus compte quatre étapes. Le montant minimal à débourser s’élève donc à 500 $. Il faut verser ces sommes et remplir un formulaire.
Non, ce n’est pas un paiement mensuel. Il y a quatre étapes. Cela signifie qu’ils classent simplement ces montants en fonction de ces quatre étapes. La contribution minimale est de 500 $ mais, habituellement, la somme à débourser est supérieure à celle-ci.
Ce qui me préoccupe ce sont les menaces et la coercition. Les ententes que les gouvernements négocient entre eux permettent parfois l’imposition de leurs résidents respectifs, mais elles n’autorisent pas le recours à la coercition, aux menaces ou au genre de mesures d’intimidation qui ont été prises dans le cas présent. Je pense que les députés ministériels ont mentionné que, si ces incidents étaient signalés plus souvent à la police…
Je tiens à vous féliciter tous les deux d’avoir comparu aujourd’hui en public, même en sachant que vous preniez un certain risque.
Je pense que mon temps de parole doit être presque écoulé. Merci.
J’allais ajouter rapidement quelque chose à propos de l’impôt de 2 p. 100.
Au R.-U., d’où je viens, les gens ont accès à divers types de prestations, comme des prestations d’invalidité, des allocations pour les gens à la recherche d’un emploi, etc. C’est ainsi que les contribuables britanniques aident les plus démunis. Ensuite, ces gens doivent débourser 80 £ par année, par exemple. On leur demande de produire la preuve qu’ils reçoivent des prestations, c’est-à-dire la preuve qu’ils reçoivent une allocation de subsistance en raison de leur invalidité. Sinon, ils n’obtiennent aucune autorisation.
Ce n’est pas un impôt, c’est de l’extorsion.
Nous n’avons rien contre le fait de verser des impôts à notre pays d’origine, à condition que cet argent serve à aider notre peuple à construire des écoles et des cliniques ou à développer le pays. Mais nous savons que l’argent sert à financer al-Shabaab, à armer l’opposition des pays avoisinants. Voilà ce contre quoi nous nous élevons. Par exemple, je n’invente rien quand je dis que l’argent des contribuables britanniques finit entre les mains d’al-Shabaab. Le groupe de contrôle de l’ONU a établi un rapport à ce sujet mais, selon mes propres recherches auprès de mes contacts… Ils ont dit que nous financions la formation de ces gens.
Il s’agit donc d’un fait étayé par des renseignements honnêtes et crédibles.
Merci.
Je vous remercie tous les deux d’être ici et d’avoir le courage d’exprimer vos vues. Moi aussi, j’aimerais revenir sur l’impôt de la diaspora et tenter d’obtenir un peu plus d’information sur la façon dont ils intimident les Canadiens érythréens.
Dans vos recommandations, monsieur Berhane, vous avez désigné un certain nombre d’organisations. Vous avez mentionné le Centre culturel érythréen à Toronto, l’Association canadienne érythréenne de l’Ontario et la Communauté érythréenne à Winnipeg inc. Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de la façon dont, pour reprendre vos paroles, le gouvernement érythréen collecte des fonds sous le couvert de ces organisations?
On trouve à Toronto une organisation appelée l'Association canadienne érythréenne de l'Ontario, qui invite une troupe culturelle de l'Érythrée. Il s'agit, en passant, d'une troupe culturelle militaire. Tous les visas d'entrée sont émis au nom de cette association. Celle-ci est enregistrée comme organisme sans but lucratif ayant pour mandat de servir les Canadiens d'origine érythréenne. Pour assister au spectacle culturel, les gens doivent payer 50 $; ils commandent aussi des boissons gazeuses ou de la bière. Toutes les sommes recueillies durant le spectacle ne vont pas à l'Association canadienne érythréenne de l'Ontario. Les membres du conseil d'administration ignorent le montant d'argent recueilli ou à quoi cet argent est dépensé. Toutes les sommes vont directement au consulat érythréen.
L'association fonctionne de manière très systématique; elle ne partage aucune information avec qui que ce soit. Certaines des personnes qui siègent au conseil d'administration sont membres du parti au pouvoir; on compte parmi eux quelques agents. Il leur est donc impossible de révéler le secret. L'association n'offre même pas de services aux nouveaux arrivants. Pourtant, elle génère entre 100 000 et 150 000 $ lors d'une manifestation. Tout cet argent est censé être investi dans la communauté érythréenne du Canada. Malheureusement, ce n'est pas le cas. L'association utilise différentes techniques, comme l'organisation de ce spectacle culturel ou la vente de tableaux, et tous les produits de la vente sont investis dans le consulat érythréen.
Vous avez également fait allusion au bureau Beilul Exchange à Toronto. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail comment il fonctionne ou ce qu'il fait?
Oui. Le bureau Beilul Exchange ressemble un peu à Money Mart ou à Western Union. Si on veut envoyer de l'argent en Érythrée, on doit passer par cette entreprise. Par exemple, le taux de change pour 100 $ est équivalent à 4 000 $, mais ce bureau de change n'offre pas ce taux; si on veut envoyer 100 $ à nos parents, ils finissent par recevoir 1 500 $.
Il est illégal d'envoyer de l'argent d'une autre façon; pourtant, le taux de change réel correspond à ce montant, alors pourquoi donner...? Qu'on le veuille ou non, c'est le montant que nos parents vont recevoir. Le gouvernement érythréen utilise ce système de transfert d'argent afin de contrôler tout le monde. De nombreuses personnes essaient d'envoyer de l'argent par d'autres moyens, mais les principaux acteurs se font arrêter. Alors, ce...
C'est pourquoi ce bureau de change a le gros du bâton: on cherche à contrôler la façon dont les Érythréens qui vivent ici envoient de l'argent.
En fait, il s'agit d'une entreprise privée enregistrée, mais elle appartient au parti au pouvoir. Il est très difficile de le savoir, parce que la personne qui l'a enregistrée est un citoyen canadien. Mais tout son travail est... il n'a même pas — comment dire? — le plein contrôle de l'entreprise qu'il exploite. Il loue un bureau à côté du consulat érythréen, alors les deux forment pratiquement une seule entité. Ils partagent le même personnel. C'est très évident, quand on examine la façon dont ils travaillent et fonctionnent.
Je vais poursuivre dans la même veine que les questions précédentes, en faisant attention de ne pas répéter les mêmes propos parce que, dans certains cas, on m'a enlevé les mots de la bouche. J'ai été frappé par non seulement la nature des témoignages, mais aussi les descriptions détaillées à donner le frisson. Ce que j'ai retenu dans vos observations, c'est que l'Érythrée est comme la Corée du Nord de l'Afrique.
L'Érythrée a emprisonné plus de journalistes que tout autre pays dans le monde, sauf peut-être l'Iran, et c'est parce que nous ne connaissons pas tous les détails. Qui sait? L'Érythrée dépasse peut-être même l'Iran.
Quoi qu'il en soit, une culture d'impunité persiste à l'égard de l'Érythrée. En ce qui concerne la détention et l'emprisonnement des G-15, on ne sait même pas combien d'entre eux sont morts, comme vous l'avez dit. Tous ces faits m'amènent à poser la question suivante: pourquoi ces horribles cas d'abus des droits de la personne en Érythrée ne figurent pas sur la liste des priorités internationales?
Je suis ravi que nous tenions ces audiences, mais je trouve troublant que le cri de coeur que vous avez lancé ici aujourd'hui — et qui est de rigueur — n'a pas attiré l'attention de la communauté internationale. N'hésitez pas à l'incriminer autant que vous le voulez dans votre réponse. Je me demande pourquoi la communauté internationale ne fait pas grand-chose ou, à la limite, ne fait rien du tout pour examiner et corriger une situation où les droits de la personne sont irréfutablement bafoués.
À mon avis, le gouvernement érythréen souffre du syndrome de la forteresse assiégée: il blâme les Britanniques, les Italiens et les Éthiopiens pour tous les maux qui ont affligé le pays dans le passé. Quand j'allais au Parlement européen pour faire des pressions, force était de constater que le Royaume-Uni défendait les intérêts du Zimbabwe à cause de son lien colonial. Personne n'était là pour nous appuyer; nous étions les seuls à crier. Parfois, on me disait: « Écoutez, nous devons continuer à négocier avec ces gens. Nous savons qu'ils sont mauvais et dangereux. Si nous ne sommes pas là, ce sont les Iraniens, les Qatariens et toutes les autres personnes ayant une mauvaise influence qui iront en Érythrée. L'Érythrée est un pays stratégiquement très important, alors nous devons poursuivre les négociations. »
Pour vous dire franchement, les médias internationaux n'ont pas couvert ce dossier. Les médias ont un grand rôle à jouer, mais personne ne s'y est intéressé. Nous n'avons pas bénéficié d'un grand appui. Nous étions sans allié; personne n'a défendu le cas de l'Érythrée. Ce n'est que cette année que les médias ont commencé à s'y intéresser à cause des sanctions de l'ONU et parce que les pays de l'Autorité intergouvernementale pour le développement ont fait des pressions auprès du Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il prenne des mesures. C'est honnêtement le seul pays en Afrique... un autre pays africain ou groupe de pays africains... Il n'est pas seulement question des droits de la personne des Érythréens en Érythrée. C'est tout à fait consternant.
Mon témoignage ne reflète même pas ce qui se passe réellement en Érythrée.
[Témoignages à huis clos.]
Honnêtement, mon peuple a besoin d'aide. Les gens n'ont pas de quoi se nourrir; c'est vraiment horrible. J'avais organisé une campagne en matière d'aide alimentaire, mais on voyait le président à la télévision en train de dire: « Nous n'avons pas besoin d'aide alimentaire. Nous ne voulons pas qu'on nous nourrisse à la cuillère. Votre aide, donnez-la à l'Éthiopie ou à n'importe qui d'autre. » Mais des gens meurent de faim.
Par ailleurs, il n'y a pas d'université en Érythrée. La seule université en Érythrée est fermée. Pouvez-vous imaginer un pays sans université? Quel avenir réservons-nous à notre peuple? Les jeunes, qui sont l'avenir de l'Érythrée, quittent le pays en grand nombre; chaque jour, ils sont deux centaines à partir en direction du Soudan et de l'Éthiopie. Je ne sais pas ce qui restera de notre pays, mais il y a vraiment de quoi s'inquiéter.
Je suis d'accord avec vous: pour une raison ou une autre, cette question ne figure pas sur la liste des priorités.
J'aimerais ajouter quelque chose, monsieur Cotler. En Érythrée, il n'y a pas de journalistes indépendants. La BBC dispose de journalistes et de correspondants partout dans le monde. Elle en avait en Érythrée, mais ceux-ci ont été expulsés du pays. Il n'y a pas d'ONG, ni de journalistes indépendants en Érythrée. L'accès à l'information étant bloqué, les seuls renseignements qui sortent du pays sont ceux transmis par les Érythréens. Parfois, les gens qui nous écoutent doutent de notre crédibilité parce qu'ils pensent qu'on s'oppose au gouvernement ou qu'on lui en veut personnellement. Il est donc parfois très difficile de se faire entendre.
Les preuves sont accablantes: ce qu'on voit sur le terrain, c'est exactement ce qui se passe là-bas. Mais, selon moi, le problème principal réside probablement dans le manque d'intérêt parce que l'Érythrée ne se situe pas au premier rang du programme politique de n'importe quel groupe international. Voilà pourquoi la question érythréenne n'a pas reçu l'attention qu'elle mérite. Ce pourrait être une des raisons, à mon avis.
Malheureusement, nous avons largement dépassé le temps alloué.
En passant, je constate qu'il est 113 h 50. Il nous reste donc du temps pour deux autres interventions de cinq minutes, en commençant par Mme Grewal, suivie de Mme Péclet.
Merci, monsieur le président.
Merci infiniment de votre temps et de vos exposés.
Vous savez peut-être qu'une société canadienne, appelée Nevsun Resources, mène des activités en Érythrée. Croyez-vous que la présence de Nevsun Resources en Érythrée a un effet négatif sur les civils?
Puis-je répondre à cette question?
J'ai fait des recherches sur la façon dont les sociétés minières mènent leurs activités. J'ai une photocopie d'un sommaire des entrevues avec les gens qui travaillent dans le projet minier, mais je dois le faire traduire en français.
Tout d'abord, les gens qui sont employés par Nevsun sont bien nourris, bien payés et bien logés.
Les sous-traitants sont des sociétés d'État, des entreprises de construction, qui emploient environ 3 000 Érythréens. Ces derniers sont mal payés. Ils dorment dans des camps de fortune. Ils ne sont pas bien nourris. Ils travaillent jusqu'à 16 heures par jour. Ce deuxième groupe est composé de conscrits, une sorte de bataillon ou de brigade. On les amène sur le site minier et on leur donne un uniforme de travail. Ils n'ont pas le droit de révéler qu'ils sont des conscrits.
[Témoignages à huis clos.]
Nevsun est la principale entreprise. Le projet d'exploitation minière Bisha appartient à Nevsun et au gouvernement d'Érythrée.
Nevsun a retenu les services d'un sous-traitant, une société sud-africaine appelée SENET. Pour vous dire franchement, SENET voulait respecter les règles. Elle a tout essayé. Dans certains cas, elle a même donné du matériel de sécurité, mais les Érythréens n'ont jamais.... Les Érythréens travaillent sans gants industriels, sans casque protecteur, sans lunettes de protection, sans bottes à embout d'acier, sans ceintures de sécurité, etc. Ce matériel ne leur est pas fourni.
Les deux sociétés, SENET et Nevsun, ont amené environ 400 Zimbabwéens et Philippins du Zimbabwe et de l'Afrique du Sud. Ceux-ci sont bien nourris et bien protégés. On pourrait dire que les Érythréens sont traités comme des esclaves dans leur propre pays, alors que d'autres, à la limite... Vous savez, il s'agit d'une perception des Blancs et des Noirs, comme à l'époque coloniale.
Quant aux conditions de travail des Africains noirs du Zimbabwe et des Érythréens noirs en Érythrée, sachez que les Érythréens n'ont rien à manger, en toute honnêteté; un salaire de 9 $ par mois pour 16 heures de travail, cela ne tient pas debout. Je suis sûre à 100 p. 100 que Nevsun et SENET savent ce qui se passe, mais elles ferment les yeux, et elles font comme si elles ne sont au courant de rien... Alors oui, selon moi, ces entreprises font de l'argent sur le dos de mon peuple.
Le gouvernement canadien peut-il aider, d'une façon ou d'une autre, à assurer de meilleures conditions de travail pour les entrepreneurs locaux en Érythrée? Y a-t-il moyen de...?
Vous voyez, il n'y a pas d'entreprise privée ou d'entrepreneur.
[Témoignages à huis clos.]
À l'époque, nous n'en comprenions pas la raison, mais maintenant, avec du recul, nous savons qu'ils ont agi ainsi dans le but de monopoliser les contrats. Ils ont le monopole. Ils ont recours à des conscrits, une main-d'oeuvre à bon marché. Tout ce qui les intéresse, c'est de maximiser les profits, coûte que coûte. Les conscrits sont traités comme des esclaves. Alors, pourquoi prendre la peine de payer mon peuple? Les sociétés minières comme Nevsun n'y sont pour rien, parce que le gouvernement érythréen ne les écoute pas.
Un des agents de sécurité nous a d'ailleurs rapporté qu'à chaque réunion, les représentants de SENET, une des entreprises sud-africaines dont les services ont été retenus par Nevsun, disaient qu'ils voulaient que le personnel érythréen — ils savent que ce sont des conscrits — porte l'équipement de sécurité, ce à quoi les Érythréens répondaient par non, sous prétexte qu'ils avaient leur propre façon de faire. Alors, les entreprises dont les services sont retenus en Érythrée ont beau déployer des efforts, personne ne va les écouter.
Bref, la solution consiste à éviter tout engagement jusqu'à ce que la situation des droits de la personne s'améliore. C'est une condition obligatoire.
J'invite simplement les témoins à placer leurs oreillettes, parce que je vais parler en français, si vous le permettez.
[Français]
Madame Chyrum, vous avez écrit un article qui traite justement du recours à cette forme d'esclavage. Vous avez vraiment bien répondu à la question. La conclusion est que même s'il n'y a pas de preuve officielle selon laquelle les compagnies canadiennes feraient usage de ce type d'esclavage, on peut en déduire, officieusement, qu'elles le font.
[Traduction]
Je suis tout à fait d'accord avec vous, parce que, franchement, le service national en Érythrée est de durée indéterminée. Autrement dit, les jeunes appartiennent au gouvernement. On ne peut même pas parler de jeunes, puisque les âges varient de 18 à 50 ans. Ces gens continuent d'être traités comme des possessions, comme des esclaves. La seule chose qui leur appartient, c'est leur âme.
[Témoignages à huis clos.]
C'est vrai, ils font usage de ce type d'esclavage et, à ce titre, ils doivent s'acquitter du devoir de diligence; c'est une question morale. Les pays sont également chargés de surveiller les activités de leurs entreprises nationales à l'étranger.
Merci.
[Français]
Ma deuxième question concerne l'impôt de 2 p. 100 que le gouvernement perçoit des Érythréens à l'étranger.
Monsieur Berhane, vous avez dit qu'environ de 10 à 20 millions de dollars par année étaient perçus par le consulat érythréen auprès des Érythréens à l'étranger. Je voulais savoir si vous aviez eu vent de mesures prises par des groupes pour dénoncer ces activités auprès du gouvernement canadien. En effet, selon la loi canadienne, elles sont illégales. Avez-vous des idées sur le sujet ou des faits dont vous pourriez nous faire part?
[Traduction]
Merci.
L'année dernière, le National Post a publié un excellent article sur l'impôt de 2 p. 100. On a interviewé plusieurs personnes qui avaient payé l'impôt de 2 p. 100, et ceux-ci ont clairement expliqué comment l'extorsion était pratiquée. On a même interviewé le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Jason Kenney, qui a clairement indiqué que c'est illégal. En tant que groupe de protection des droits de la personne, nous avons rédigé une lettre à ce sujet au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Malheureusement, nous n'avons pas encore eu de réponse, mais le gouvernement du Canada sait, nous dit-on, que cette pratique est totalement illégale.
La difficulté à laquelle nous faisons face maintenant, c'est de convaincre de nombreux Érythréens à dénoncer la situation. Bien entendu, plusieurs personnes ont été disposées à le faire, et c'est pourquoi cette nouvelle est sortie. Par contre, de nombreuses personnes veulent témoigner sous le couvert de l'anonymat. C'est un gros sujet d'inquiétude. Dès que le groupe de surveillance de l'ONU a expliqué clairement comment l'Érythrée a recours à l'extorsion, nous avons essayé d'exercer plus de pressions. Nous ne sommes pas allés aussi loin que nous le pouvions avant l'appel lancé par le Conseil de sécurité de l'ONU, mais jusqu'à présent, nous sommes sur la bonne voie, selon moi.
[Français]
[Traduction]
Pensez-vous que le fait qu'il y ait un consulat au Canada renforce les relations entre les gouvernements canadien et érythréen? Les deux pays entretiennent-ils des relations? Les gouvernements communiquent-ils entre eux, ou le consulat n'existe-t-il que pour recevoir l'impôt de 2 p. 100? Je constate l'absence de liberté de presse, du respect des droits de la personne et d'organismes dans ce pays — il est impossible de surveiller ce qui se passe. J'imagine qu'on ne peut pas obtenir de renseignements de la part du gouvernement, et donc que le rôle du consulat au Canada ne consiste essentiellement qu'à percevoir ce 2 p. 100 d'impôt. C'est ce que je crois.
Permettez-moi de faire quelques remarques, et je suis certaine qu'Aaron voudra faire de même.
L'an dernier, cinq Britanniques ont été arrêtés par le gouvernement érythréen, dans la mer Rouge. Pendant six mois, il les a gardés au secret, comme il le fait avec son propre peuple. Le gouvernement britannique a exercé des pressions. On en a même discuté à la Chambre des communes. Le gouvernement érythréen a refusé.
Au bout du compte, le gouvernement britannique a chargé l'ambassade de l'Érythrée à Londres de cesser cette pratique d'extorsion du 2 p. 100. De plus, on impose une restriction de 25 milles sur les déplacements de l'ambassadeur et des représentants du gouvernement; j'ignore si vous le savez, mais en Érythrée, les diplomates doivent obtenir une permission spéciale pour pouvoir se déplacer à l'extérieur de la capitale. Le Royaume-Uni l'a fait.
En cinq jours, le gouvernement érythréen a fait passer les cinq Britanniques à la télévision nationale. Il les a accusés d'espionnage, d'entrée illégale, de possession d'armes, etc. Cela s'est fait en cinq jours, car on craignait que d'autres pays suivent l'exemple et que la perception de l'impôt de 2 p. 100 cesserait. Ils ont été libérés cinq jours après qu'on les a blâmés à la télévision à l'étranger. C'est du jamais vu, car en toute honnêteté, les Érythréens n'ont jamais eu ce genre de possibilité, pas même le G11, qui a fait beaucoup pour son pays. Ils n'en ont pas fait moins que le président, mais ils ont été enfermés pendant presque 11 ans, sans pouvoir communiquer.
Parce que ce 2 p. 100 est très important pour le régime, les prisonniers ont été libérés, avec rien... Par la suite, le Royaume-Uni a rétabli le 2 p. 100. Nous exerçons encore des pressions à cet égard. Pourquoi l'a-t-il fait? Qu'en est-il des milliers d'Érythréens qui ont été enfermés? En toute honnêteté, ce 2 p. 100 est illégal, ainsi que la façon de le percevoir. L'argent qui est perçu ne sert pas à l'Érythrée, mais aux mauvaises personnes. De plus, concernant la façon dont c'est fait, je vais vous dire ce qu'ils ont: des mandataires autodésignés.
En ce qui concerne le consulat, tout d'abord, il ne fonctionne pas comme tel. Il n'existe pas pour répondre à des besoins diplomatiques, mais bien pour mener des activités illégales. L'Érythrée ne désire pas nouer le dialogue ou échanger des renseignements avec le pays d'accueil. Cela ne l'intéresse pas.
Le consulat soutire de l'argent aux gens, comme dans le cas de ce jeune homme qui m'a téléphoné récemment. Il a dit qu'il voulait payer l'impôt de 2 p. 100. Je lui ai conseillé de ne pas le faire. Il m'a dit que son frère lui avait demandé de le faire. Ce jeune homme n'avait aucune idée de ce dont je parlais. Lorsque je lui ai demandé depuis combien de temps il vivait ici, il m'a dit que cela faisait six ans, et lorsque je lui ai demandé pourquoi on voulait qu'il paie, il a dit que sa mère était décédée et qu'il y avait des maisons et des affaires dont il fallait s'occuper et qu'il fallait régler les questions de succession. Pour ce faire, il fallait que tous les enfants, tous les membres de la famille qui font partie de la diaspora, leur envoient une part. Le jeune homme, qui habite ici depuis cinq ans, même s'il bénéficie de l'aide de l'État, a dû payer rétroactivement.
De plus, il y a les frais dont a parlé Aaron un peu plus tôt: ils doivent faire ceci et cela pour obtenir une autorisation. Donc, cinq ou six enfants de la personne qui est décédée doivent envoyer leur part plus tard pour régler la succession. Voilà de quoi il s'agit.
En toute honnêteté, c'est une façon de faire du chantage auprès des Érythréens, qui ont si peur. S'ils ne paient pas... Je ne pense pas qu'ils le font de bon coeur, mais quel autre choix ont-ils? Ils n'en ont pas.
Pour être honnête, je crois que l'impôt de 2 p. 100 et les sociétés minières sont les deux sources de revenus du régime. Si les sociétés minières décidaient de cesser leurs activités tant que la situation des droits de la personne ne s'améliore pas, et si la communauté internationale mettait un terme à l'impôt de 2 p. 100 même pendant environ un an... L'Érythrée n'exporte rien d'autre, et le pays a des problèmes avec la Banque mondiale, car elle a récemment refusé de l'aide au développement de l'UE. Il y a deux ans, 122 millions de dollars ont été alloués à l'Érythrée. Elle dicte le programme de la Commission européenne. Elle a dit qu'elle n'allait pas là pour discuter des droits de la personne et que pour la faire participer, il fallait que la Commission européenne écarte la question des droits de la personne.
Honnêtement, la communauté internationale a amadoué le pays, et il est temps qu'elle prenne des mesures au nom des gens et qu'elle sauve la population érythréenne, car, à mon avis, le pays et les gens qui mènent... Mais le régime changera. Les régimes passent, mais les gens restent, et ils se demanderont ce que le Canada, le Royaume-Uni, la Communauté européenne et la communauté internationale ont fait pour eux pendant qu'ils souffraient.
Je lance un appel à cette Chambre. Je vous remercie de nous avoir donné cette possibilité, mais je vous lance un appel, de façon honnête. Il est peut-être temps de prendre des mesures qui, selon vous, aideront les Érythréens.
Malheureusement, vous devrez le faire brièvement, car les députés doivent se rendre à la Chambre des communes. Allez-y, s'il vous plaît.
D'accord.
Je veux vous répondre brièvement que le consulat de l'Érythrée est différent des autres consulats, qui tentent de renforcer leurs relations avec le Canada ou d'autres pays. Les activités de ce consulat consistent à diriger les Érythréens qui vivent au Canada, et c'est donc sa principale préoccupation. Il ne se soucie pas d'autres relations.
Si nous tentons de savoir combien de temps il a passé, ou combien de réunions il a organisées au cours des deux ou trois dernières années avec le gouvernement canadien pour renforcer leurs relations, je crois que nous ne trouverions rien. Tout ce qu'il fait, c'est organiser des réunions pour favoriser la réalisation de son programme politique, pour intimider les Érythréens, et pour générer des revenus. C'est ce qu'il fait, jour après jour.
Je vous remercie encore une fois.
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