SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 15 décembre 2011
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bienvenue à la 17e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce 15 décembre 2011.
[Traduction]
Nous continuons notre étude sur la situation dans le camp d'Ashraf. Nous accueillons Mme Elham Zanjani, une citoyenne canadienne qui a vécu dans le camp. Elle a été invitée par le comité après que M. Cotler l'a proposé il y a un bon bout de temps.
Madame Zanjani, je vous invite à commencer votre exposé. Je crois comprendre que vous pourrez présenter la partie vidéo de votre exposé quand cela vous conviendra. Par la suite, les députés vous poseront des questions.
Vous pouvez maintenant commencer.
Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le président et honorables membres du sous-comité, de me permettre de vous parler de la situation du camp d'Ashraf aujourd'hui.
Je ne sais pas si vous avez déjà vu les vidéos, mais il y a un bref enregistrement vidéo de deux minutes que je veux vous présenter. On y voit l'attaque dont j'ai été victime. J'ai été blessée. La vidéo montre clairement la situation. Je continuerai ensuite mon exposé si vous me le permettez.
[Présentation audiovisuelle]
Puisque nous avons un problème technique, je vous demanderais de continuer votre témoignage. Je crois comprendre qu'il s'agit d'un problème de bande passante. Nous pouvons toujours continuer de regarder la vidéo lorsque ce sera possible, plutôt que d'attendre. Cela vous semble-t-il raisonnable?
Encore une fois, je vous remercie.
J'ai non seulement été témoin des crimes graves qui ont été perpétrés par les forces irakiennes, mais comme vous l'avez vu en regardant la vidéo, j'ai aussi été grièvement blessée lors des attaques.
Le 8 avril 2011, à environ 4 h 30 du matin, des forces irakiennes sont entrées au nord du camp d'Ashraf. Elles ont envahi les lieux et elles étaient bien équipées. À environ 7 h 30, j'ai entendu des tirs, et je suis allée voir ce qui se passait. Je me suis empressée d'aller voir ce qui se passait, et j'ai vu que des membres du personnel de l'armée irakienne équipés de chars d'assaut, de Hummers, de tireurs d'élite, de fusils lance-grenades et de mitrailleuses étaient en train d'attaquer des résidents d'Ashraf non armés. J'ai vu des soldats irakiens dire « regardez là-bas » pour ensuite tirer sur des gens.
Au cours des attaques, j'ai été grièvement blessée par une grenade qu'un soldat irakien a tirée à l'aide d'un fusil lance-grenades et qui a explosé entre mes jambes. Les muscles de mes hauts de cuisse ont été détruits, des genoux aux hanches. De plus, comme vous l'avez vu, les muscles, les tendons et les nerfs de ma main gauche ont aussi été déchirés. J'ai eu une fracture du poignet gauche. Les muscles de mon bras droit ont aussi été déchirés et j'ai eu trois fractures à l'épaule. J'ai encore de la difficulté à marcher, et je dois subir une chirurgie pour continuer, mais je ne peux pas du tout utiliser ma main gauche, et j'ai encore besoin d'aide. Comme je l'ai dit, même après avoir subi cinq opérations, j'ai encore des problèmes et j'attends de subir une autre chirurgie.
Lors de l'attaque contre Ashraf, 36 résidents non armés ont été tués, dont huit femmes. Il y a eu 350 blessés, parmi lesquels 250 ont été victimes de tirs directs. Certains ont été écrasés par des Hummers et les autres ont été battus.
L'attaque de 2009 avait fait 11 morts et des centaines de blessés.
On m'a conduite à un hôpital local, mais on nous a interdit de recevoir tous les soins dont j'avais besoin et des soins médicaux immédiats. Nous ne pouvions pas avoir accès à des soins gratuits. On ne nous permettait pas d'aller dans les hôpitaux que nous voulions ou de rencontrer des spécialistes. Il fallait que je rencontre des spécialistes en orthopédie et en neurologie, ce qu'on m'a refusé. On nous a vraiment empêchés de voir les médecins que nous voulions voir.
Nous avons demandé aux forces américaines de nous amener à l'hôpital de Balad. C'est une infrastructure médicale américaine située près d'Ashraf. Avant 2009, c'est à cet endroit que nous recevions habituellement de l'aide médicale.
Mon amie Saba Haftbaradaran, qui a 28 ans, a reçu une balle à la cuisse. Tout ce dont elle avait besoin, c'est du sang. On ne lui en a pas donné. De plus, mon amie Shahnaz Pahlavani avait besoin d'oxygène. On ne lui en a pas donné.
Chaque fois que nous voulions prendre des rendez-vous chez le médecin, ils étaient annulés ou remis à plus tard, ce qui nous a posé beaucoup de problèmes. Cela a causé la mort de beaucoup de gens du camp. On refusait de nous donner des médicaments et des traitements adéquats, ce qui a rendu le rétablissement très difficile pour bon nombre d'entre nous.
Avant que le camp soit cédé aux forces irakiennes en 2009, nous pouvions accéder aux installations médicales et aux traitements sans problème. De plus, durant cette période, des parlementaires, nos avocats, nos familles et des personnalités pouvaient accéder facilement au camp. J'étais là. J'ai rencontré une délégation importante de membres du Parlement européen qui sont venus nous visiter. Elle était dirigée par M. Alejo Vidal-Quadras, le vice-président du PE.
Après l'attaque, malgré le fait que la délégation du Parlement européen et une délégation de six membres du Congrès américain voulaient aller en Irak pour rencontrer des représentants officiels et visiter le camp d'Ashraf, l'accès au camp leur a été refusé. C'est pourquoi j'avais un lien vidéo avec le Congrès américain: on ne leur permettait pas de visiter le camp.
Une autre question dont je veux vous parler aujourd'hui concerne les 300 haut-parleurs que des agents des services de renseignements iraniens, avec l'approbation sans réserve et l'aide totale des autorités irakiennes, ont installés dans le camp. À partir de 4 h 30 du matin, ils servent à faire retentir des injures et des menaces contre les résidents. Cela dure jusqu'à 2 h 30 de la nuit, de sorte que les résidents du camp d'Ashraf n'ont que deux heures de sommeil. C'est surtout les femmes qui sont visées. On les insulte, et comme je l'ai dit, on profère des injures pour insulter les femmes du camp. C'est fait de façon à ce que les résidents manquent de sommeil. Ce genre de torture psychologique vise à causer du tort aux résidents.
Nous sommes le 15 décembre. Compte tenu de la date limite fixée arbitrairement par le gouvernement irakien, c'est-à-dire la fin de l'année, il ne nous reste pas beaucoup de temps pour agir, car le gouvernement irakien insiste toujours sur la fermeture du camp.
Compte tenu de la brutalité et de l'intention de tuer dont j'ai été témoin et des deux dernières attaques — l'une en juillet 2009 et l'autre en avril dernier —, je peux vous assurer, comme le montre clairement la lettre que l'Irak a adressée au Parlement européen, que le déménagement forcé en Irak n'est qu'un prélude à l'anéantissement des résidents qui aura lieu loin du regard des Nations Unies et de la communauté internationale. Ils ont fait ce que vous avez vu en sachant que le monde entier le verrait, alors imaginez ce qu'ils sont prêts à faire si personne ne sait ou ne voit ce qui se passe.
Pour les résidents du camp, accepter une telle contrainte équivaut à se rendre volontairement dans un camp de concentration. C'est inacceptable. Il me semble que le gouvernement irakien tente de détourner l'attention de la communauté internationale pour pouvoir mettre à exécution son plan inquiétant d'anéantir les résidents. Qu'est-ce qui pourrait être plus effrayant?
Pour empêcher une issue aussi terrifiante et un possible massacre systématique de se produire, la communauté internationale doit agir rapidement. Les États-Unis ont plus qu'une responsabilité morale. Ils nous ont promis par écrit qu'ils nous protégeraient. Les généraux américains ont promis qu'ils nous protégeraient. C'est une entente qu'ils ont conclue avec chacun d'entre nous dans le camp. En plus d'une responsabilité morale, je pense qu'une promesse écrite doit vouloir dire quelque chose pour que le monde puisse faire confiance aux États-Unis.
L'inaction des États-Unis saute aux yeux. Il me semble que les casques bleus des Nations Unies doivent être déployés pour protéger la population la plus vulnérable d'Ashraf.
Comme je l'ai dit, le temps presse vraiment. On doit dire au gouvernement irakien de supprimer le délai illégal et lui faire comprendre que la communauté internationale n'acceptera pas un autre massacre. On doit exercer des pressions sur le gouvernement irakien pour qu'il supprime le délai et qu'il permette à l'UNHCR de commencer son travail et d'installer les résidents ailleurs.
Je veux vraiment vous remercier de me donner l'occasion de vous parler un peu de ce qui s'est passé à Ashraf. Surtout, je veux vous remercier de la résolution que vous avez adoptée hier au sujet du camp d'Ashraf. Je pense que c'est une étape très importante, mais on doit exercer plus de pressions sur le gouvernement irakien pour qu'il supprime le délai et empêche les homicides.
Merci.
J'ai une question au sujet du document dont vous avez parlé, l'entente que les Américains ont signée avec vous. Accepteriez-vous de le présenter et de nous en laisser un exemplaire pour que nous puissions le faire circuler parmi les membres du comité?
Bien sûr, je n'y vois aucun inconvénient. Le général Miller et les forces multinationales l'ont également signée. Je peux vous en donner une copie complète.
Nous en serions très ravis. Nous nous assurerons que les députés l'obtiennent.
Ma prochaine question s'adresse à M. Sweet. Il y a quatre députés du parti ministériel cette fois-ci. Conformément aux règles, vous pouvez avoir quatre intervenants, mais compte tenu du temps dont nous disposons, nous avons deux options. Il peut y avoir sept intervenants — quatre du gouvernement et trois de l'opposition — qui disposeraient de six minutes chacun, ou il peut y avoir six interventions de sept minutes. Je veux seulement savoir quel est le plan.
Merci beaucoup.
Je vais céder une partie de mon temps à mon collègue si possible. J'ai deux ou trois questions à poser; M. Lunney pourra alors peut-être prendre la parole ensuite.
Madame Zanjani, je vous remercie de votre témoignage. Nous sommes profondément troublés par ce que vous avez subi. Nous vous exprimons tous nos veux et vous souhaitons de vous rétablir complètement et de retrouver l'usage de votre main.
Depuis quand étiez-vous dans le camp?
J'ai vu les casques blancs sur notre écran. Lorsque vous étiez là-bas, à quel point le contingent de l'ONU était-il important?
L'UNAMI avait un bureau à Ashraf avant que le camp soit cédé aux Irakiens en 2009. Depuis ce temps, les Irakiens ont pris en main la sécurité et l'ONU s'est retirée; c'est là que tout a commencé.
Le camp d'Ashraf a été assiégé. On empêchait les gens de s'acheter ce dont ils avaient besoin à l'extérieur. On empêchait l'entrée de nourriture dans le camp. Comme je l'ai dit, depuis 2009, nos avocats, nos familles et des personnalités ne pouvaient pas entrer dans le camp, mais l'UNAMI est venue nous visiter régulièrement.
Ce n'était alors qu'un petit groupe de représentants de l'ONU, mais il s'avère qu'ils étaient présents lorsque l'attaque a eu lieu?
Non, mais j'ai vu la séance à la télévision. J'ai manqué la première partie; je ne l'ai pas vue en entier.
Êtes-vous d’accord avec lui pour dire que le camp d’Achraf risque d’être la cible d’une attaque massive imminente?
Cela ne fait aucun doute.
Le plus ironique dans toute cette histoire, c’est que les États-Unis et les Nations Unies avaient reçu des promesses écrites de la part du gouvernement irakien avant les deux attaques, surtout la dernière. Les forces américaines étaient près du camp d’Achraf, et on leur a ordonné de se retirer. Les Américains ont été témoins du nombre croissant de forces irakiennes qui arrivaient. Les gens des Nations Unies nous ont prévenus que quelque chose se passerait. Nous leur avons demandé de ne pas partir, parce que les Irakiens allaient nous attaquer.
Selon ce que j’ai vécu et vu, je peux vous le garantir.
Les habitants du camp d’Achraf sont prêts à s’installer dans un autre pays, soit dans un pays de l’Union européenne, aux États-Unis, au Canada ou ailleurs, si cela peut se faire sous la supervision de l’UNHCR.
Le problème est que les habitants ne veulent pas et n’accepteront pas d’être déplacés ailleurs en Irak sans être sous la protection des Casques bleus onusiens ou des Américains. Qui nous promettra que le gouvernement irakien ne nous attaquera pas de nouveau?
Lorsque nous étions là et que le gouvernement irakien a fait des promesses aux Britanniques, aux Américains et aux Nations Unies, vous savez bien ce qui s’est passé. Les forces irakiennes ont tué 36 personnes, dont huit femmes. La communauté internationale n’aura plus les yeux braqués sur eux, et les habitants ne seront plus protégés. Les forces irakiennes seront libres de les massacrer.
C’est vrai que les habitants du camp d’Achraf ont accepté la résolution de M. Stevenson concernant le transfert des gens dans divers pays. Ils y sont prêts à condition que l’UNHCR se charge de les interroger et de mener les enquêtes sur les gens et que la sécurité du camp soit assurée pendant cette période.
D’accord. Merci beaucoup.
Je vais vous poser seulement deux brèves questions, étant donné que mon temps est très restreint. Merci de l’occasion.
En ce qui concerne l’attaque du 8 avril 2011, comme vous l’avez mentionné, 36 personnes ont été tuées, dont huit femmes, et 350 autres ont été blessées. Brièvement, pourriez-vous nous expliquer les circonstances entourant cette attaque? Comment et pourquoi les forces irakiennes ont-elles attaqué le camp dans de telles circonstances? Pourriez-vous nous l’expliquer brièvement?
Ensuite, ma deuxième question porte sur les haut-parleurs installés autour du camp. Vous avez fait allusion à un organisme iranien. Je présume que les messages sont diffusés en farsi, n’est-ce pas? Comment et quand ces haut-parleurs ont-ils été installés? Comment les autorités irakiennes ont-elles collaboré avec les forces iraniennes à cet égard?
Au sujet de l’attaque, les autorités irakiennes ont dit qu’elles voulaient s’emparer de la partie nord du camp. À cet endroit se trouvaient notre cimetière, une zone où des gens vivaient et d’autres petits bâtiments. Lorsque le gouvernement irakien a décidé de s’emparer de la partie nord du camp, les habitants ont répondu qu’ils étaient prêts à céder les terres. Cela ne nous dérangeait pas. Nous étions prêts à céder les terres aux Nations Unies et à les laisser gérer le tout.
Je ne comprends pas pourquoi les forces irakiennes ont tué des gens. Pourquoi? Pourquoi ont-elles pris d’assaut le camp avec des chars? Pourquoi devaient-elles nous viser? J’ai été pris pour cible à moins de cinq mètres.
Oui. Pour ce qui est des haut-parleurs, je dis que cela provient d’agents du service de renseignements iranien, parce que ce sont des agents. Ils parlent en farsi. Ils nous menacent de nous tuer, de nous pendre et de nous couper la langue. Ils dénigrent nos femmes. Ils disent, par exemple, qu’ils vont venir pendant la nuit pour nous. Tout est dit en farsi.
Je dis que cela a été fait avec l’aide des forces irakiennes, parce que nous avons des vidéos. Nous voyons que les Irakiens les aident à installer l’équipement. Les agents iraniens sont venus avec des membres des forces irakiennes pour installer les haut-parleurs.
C’est tout le temps que nous avions pour cette série.
L’équipement fonctionne-t-il maintenant? Oui? D’accord. Regardons la vidéo, puis nous passerons à M. Marston.
[Présentation audiovisuelle]
Voici Shahnaz, celle dont je vous ai parlé qui avait besoin d’oxygène, et voici la mère des deux qui ont été tirés.
Après une telle présentation, c’est difficile de trouver par où commencer.
Je veux vous féliciter pour votre courage de prendre la parole et de nous présenter un témoignage aussi personnel. En majorité, lorsque nous allons à l’hôpital pour diverses raisons, par exemple, en raison d’un accident de la route, nous n’avons pas à dévoiler notre expérience au monde comme vous l’avez fait.
C’est utile de pouvoir mettre un visage sur certains éléments. En siégeant à un comité comme le nôtre, nous avons tendance à penser que les problèmes se déroulent quelque part ailleurs dans le monde. Je vous suis très reconnaissant de nous avoir présenté votre vidéo et de l’avoir portée à notre connaissance.
J’ai deux ou trois questions à vous poser.
Durant combien de temps le camp a-t-il été directement sous les ordres des États-Unis? Vous avez regardé le témoignage du colonel Martin. Il a décrit ses rapports avec les habitants du camp. Comment décririez-vous la relation entre les gens du camp et le colonel Martin?
En réponse à votre première question, les forces américaines étaient là de 2003 à 2009, jusqu’au transfert de la responsabilité de la sécurité.
Pour ce qui est de votre deuxième question concernant le colonel Martin et notre relation avec les forces américaines, nous n’avions aucun problème avec eux. Je veux dire que nous ne manquions de rien. Nous avions accès à de la nourriture et à des soins médicaux. Les Américains pouvaient visiter le camp librement chaque fois qu’ils le souhaitaient.
Je vous ai posé cette question, parce que le colonel Martin a donné un témoignage que je qualifierais d’élogieux en ce qui a trait à la relation entre les habitants du camp et ses troupes et lui-même. En fait, il a même dit à certaines reprises que les habitants du camp étaient ses meilleurs alliés. Je trouvais important de valider son témoignage du point de vue des gens du camp d’Achraf. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
Nous avons discuté au comité de la responsabilité de protéger et nous avons entendu des témoignages à ce sujet. Il y a divers enjeux qui peuvent être soulevés sur le passé des habitants du camp d’Achraf. Peu importe leurs antécédents, c’est très clair qu’en nous fondant sur les témoignages que nous avons entendus, notamment le vôtre, et les preuves entourant l’attaque dont vous et d’autres avez été victimes, il y a un risque réel que les habitants de ce camp soient massacrés ou dispersés aux quatre coins du pays; je peux comprendre vos craintes à ce sujet.
Dans les témoignages précédents ainsi que le vôtre, la relation entre le gouvernement irakien et le gouvernement iranien a été soulevée. Nous savons de sources sûres que la police secrète iranienne et d’autres groupes on fait sentir leur présence un peu partout dans le monde à diverses occasions, notamment au camp d’Achraf. Ce qui m’a frappé dans votre témoignage, c’est que des forces iraniennes se trouvent dans le camp. Je n’en avais pas entendu parler. Je ne crois pas que des témoins nous l’aient rapporté.
En ce qui concerne la relation entre les deux régimes, est-ce du fondamentalisme? Est-ce que cette relation a des liens avec les tribus, comme les chiites, les sunnites ou d’autres? Comment décririez-vous cette relation?
Tout d’abord, je suis certaine que vous êtes au courant que le régime iranien souhaite s’étendre et fonder un empire islamique. Voilà pourquoi les Iraniens s’intéressent beaucoup à l’Irak.
Vous avez parlé de la présence d’Iraniens dans le camp. Je voulais seulement vous faire part d’une situation. Lorsque je suis arrivée sur place autour de 7 h 30, il y avait des soldats irakiens vêtus de noir qui parlaient en farsi. Je me suis approchée de l’un d’eux et je lui ai demandé: « Que faites-vous? Que voulez-vous? Voulez-vous entrer dans le camp? D’accord. Vous pouvez entrer. Pourquoi êtes-vous armés? » Il m’a répondu: « Longue vie à l’ayatollah iranien Ahmadinejad ». Voilà qui prouve qu’ils sont affiliés au régime iranien.
Cela semble clair que c’est le cas.
Pendant l’attaque, vous présumez qu’il y avait des militaires iraniens ou que des militaires étaient vêtus de noir au lieu de porter leur uniforme. Ces gens semblaient-ils diriger l’attaque?
Oui.
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais il y a un colonel irakien qui a tiré sur beaucoup de gens au cours de l’attaque. Il était l’un des principaux acteurs sur place qui pointaient les gens et les tiraient.
Dans de telles opérations militaires, c’est ainsi que cela se déroule, surtout si vous vous heurtez à une opposition non armée, parce que l’assaillant a alors le loisir de prendre son temps et de choisir ses cibles.
Toute cette situation concernant les autorités irakiennes me rappelle un magicien qui vous distrait avec sa main gauche pour mieux vous voler avec sa main droite. On dirait que le gouvernement irakien a eu des discussions très raisonnables avec les États-Unis ou les Nations Unies très peu de temps avant de lancer une attaque. C’est très troublant. La demande déposée devant le comité est très raisonnable; on propose de laisser à l’UNHCR le soin de trouver une terre d’accueil pour les habitants du camp d’Achraf. C’est très fondamental.
En vertu des diverses lois sur les réfugiés de la majorité des pays, en dépit du passé et de tout le reste, lorsqu’un groupe ou une personne courent le risque d’être tués ou torturés, il faut d’abord arriver à un compromis pour leur trouver un refuge avant d’aborder leurs antécédents, si c’est nécessaire.
Nous avons un échéancier extrêmement court. C’est le dernier jour de la session parlementaire. Donc, à la fin de la séance, monsieur le président, nous devrons évaluer ce que nous pouvons faire.
Mon temps doit être pratiquement écoulé.
Je vais répéter que nous devrons déterminer ce que sera notre réponse. Nous avons déjà deux résolutions. Souhaitons-nous aller plus loin?
Merci beaucoup.
Merci, madame Zanjani, de votre présence. Je vous remercie de votre témoignage.
Nous avons entendu une variété de témoins, dont certains qui, comme le colonel Martin, sont entrés dans le camp, qui connaissent bien la question ou qui représentent les ministères, mais c’est la première fois que nous avons l’occasion d’entendre le témoignage d’une personne qui a vécu au camp.
Vous avez mentionné vous y être rendue en 1999. Pourquoi y êtes-vous allée?
Avant de répondre, je tiens à vous remercier encore une fois de m’accueillir au comité. C’est un grand honneur.
Je suis certaine que vous savez qu’Achraf est synonyme d’espoir et d’inspiration pour des millions d’Iraniens vivant en Iran ou ailleurs dans le monde. C’est là où habitent actuellement les gens qui ont échappé à la tyrannie, aux prisons et à la torture du régime iranien. J’y suis allée, parce que je voulais voir ce que je pouvais faire pour aider mes compatriotes à échapper à la torture et aux exécutions qui ont cours en Iran. J’ai visité le camp et j’y étais heureuse. Je me suis fait des amis et j’ai décidé d’y rester.
D’accord.
On nous a rapporté que 11 Canadiens se trouvaient sur place et que neuf d’entre eux sont partis, dont vous, mais il reste encore tout de même deux Canadiens dans le camp. Selon vous, pourquoi sont-ils encore là? Pourquoi n’ont-ils pas eux aussi quitté le camp?
D’accord.
Je me pose encore des questions sur l’attaque. Vous nous avez présenté une preuve vidéo explicite de ce qui s’est passé. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi les gens ont été attaqués au hasard. Vous avez dit avoir eu des conversations avec des militaires. Avez-vous une explication? Avez-vous une idée de leur objectif?
C’est ce que nous essayons de déterminer. Après l’attaque, Navi Pillay a demandé la tenue d’enquêtes à Achraf. Aucune enquête n’a été réalisée. C’est aussi ce que nous demandons. Pourquoi? Pourquoi fallait-il des forces armées pour entrer dans une zone résidentielle où vivent des habitants non armés? Pourquoi?
Manifestement, l’attaque a dû être une expérience traumatisante pour les habitants du camp, mais c’est tout simplement inimaginable que des humains puissent tuer d’autres humains non armés, comme vous l’avez décrit. Cela dépasse l’entendement.
Notre discussion a beaucoup porté sur le transfert des habitants du camp. Avez-vous eu des nouvelles des autres qui ont décidé de quitter le camp et de retourner en Iran ou d’aller dans un autre pays?
Je connais des gens qui ont une citoyenneté... Je ne sais pas si un autre pays a accepté, comme le Canada, que des gens reviennent à leur... Par exemple, j’ai pu revenir au Canada, mais je ne sais pas pour les autres. En ce qui concerne ceux qui voulaient ou qui veulent retourner en Iran, rien ne les en empêche.
D’accord.
Parmi les accusations que nous entendons au sujet des habitants du camp d’Achraf, on dit que vous faites partie d’un culte ou que vous êtes étranges, pour le dire ainsi. Certains utilisent des termes plus méprisants. Pourquoi des gens diraient-ils cela? Comment répondriez-vous à ces accusations?
D'après ce que je crois savoir, une secte, c'est un groupe où tout le monde doit obéir à un même commandement et faire tout ce qu'une personne lui dit de faire, mais ce n'est pas ce qui se passe à Achraf. Nous avons le droit de parler. Nous pouvons dire ce que nous voulons. Nous sommes libres. Par exemple, j'ignore si les sectes ont des émotions. En ont-elles? Quand je peux encore parler de mes amis… Je veux dire, je ne peux m'empêcher de penser à eux, maintenant que je suis en sécurité ici au Canada.
Cela ressemble à une communauté très unie, mais il est difficile d'imaginer que cela puisse aller plus loin que cela. Les gens sont libres de partir quand ils veulent?
Vous avez parlé des haut-parleurs, ceux qui privent les gens de sommeil. Depuis combien de temps sont-ils en place?
Cela fait plus de 20 mois, je pense, après 2009. J'ignore la date précise, mais cela fait longtemps.
Si les résidents avaient la possibilité d'être déplacés ailleurs, est-il important ou essentiel pour eux d'être déplacés ensemble, ou sont-ils d'accord pour être dispersés à différents endroits à l'extérieur de l'Irak?
Je ne pense pas que ce serait un problème s'ils étaient ensemble. Ils veulent simplement partir et être en sécurité. Mais le point important, c'est que jusqu'à ce que le processus soit terminé, ils doivent être protégés. Voilà le problème. J'étais là-bas, et depuis le mois d'août, les résidents qui n'ont pas la citoyenneté d'un autre pays ont fait une demande auprès de l'UNHCR. Ce dernier a accepté et a approuvé le début du processus, mais le gouvernement irakien ne lui a pas donné l'occasion de venir et de démarrer le processus.
Nous avons entendu des témoignages selon lesquels l'Irak travaille, en fait, en très étroite collaboration avec l'Iran sur cette question. Vous avez dit avoir entendu des Iraniens et avoir vu des Iraniens. Pouvez-vous nous fournir d'autres preuves qui indiquent que l'Iran est responsable en partie ou en plus grande partie de ce qui arrive?
Eh bien, je pense que l'accord bilatéral signé par Maliki lorsqu'il s'est rendu voir Khamenei au début de 2009 est la meilleure chose que je puisse vous dire. Je n'ai pas ces choses par écrit en ce moment. J'ignore précisément de quoi il s'agit. Je peux vous faire parvenir cela, mais il s'agissait d'une entente qu'ils ont conclue. C'est à partir de ce moment-là que la pression sur Achraf a débuté.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence ici aujourd'hui.
J'ignore si vous avez eu l'occasion de lire le témoignage de Barbara Martin devant le présent comité ou si on vous en a informé. Elle est directrice générale de la Direction générale du Moyen-Orient et du Maghreb, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je veux simplement vous lire une partie de son témoignage et ensuite, l'extrait particulier sur lequel j'aimerais connaître votre réaction.
Elle a dit ceci, et je cite son témoignage: « Le gouvernement iraquien a assuré à plusieurs reprises que les résidents du camp d'Achraf ne seraient pas transférés de force vers un pays dans lequel ils risquent la persécution et qu'ils seraient traités avec humanité, conformément aux lois de l'Iraq, à sa constitution et à ses obligations internationales. Le raid du 8 avril 2011 mené par les forces de sécurité iraquiennes et qui s'est soldé par la mort de 36 résidents du camp d'Achraf a été profondément troublant, et absolument inacceptable. »
Ensuite, elle poursuit par l'affirmation sur laquelle je veux votre réaction. Elle a dit: « Toutefois, dans les mois qui ont suivi, le gouvernement iraquien a coopéré avec la communauté internationale afin de veiller au respect des besoins humanitaires et en matière de sécurité des résidents du camp. Depuis l'annonce de la fermeture, le gouvernement iraquien a démontré sa volonté de coopérer avec les États de I'UE, les États-Unis, les voisins de l'Iraq, de même que l'Iran, afin de réinstaller les résidents du camp d'Achraf à l’extérieur de l'Iraq. »
S'agit-il là d'une observation exacte, d'après ce que vous savez de la situation?
Compte tenu de ce que j'ai vu et de ce dont j'ai été témoin de la part du gouvernement irakien… je veux dire, nous disons que le gouvernement irakien, avant l'attaque du mois d'avril, a donné une garantie par écrit qu'il n'attaquerait pas ou qu'il ne ferait pas usage de la force contre les résidents. Le lendemain matin, il attaquait le camp avec des chars d'assaut et il a tué des gens.
Je pense que je ne peux dire mieux. Je veux dire, nous ne pouvons croire le gouvernement irakien lorsqu'il promet de faire ceci ou de faire cela, alors qu'au cours des deux dernières années, il a tué 47 personnes et en a blessé des milliers d'autres. Je pense qu'il n'est pas acceptable de simplement écouter les promesses du gouvernement irakien.
Eh bien, comme le témoin Barbara Martin a essayé de le laisser entendre, a-t-il coopéré avec la communauté internationale pour s'assurer que la sécurité et les besoins humanitaires des résidents du camp sont assurés?
Eh bien, si nous parlons de coopération, alors, il aurait dû laisser l'UNHCR débuter le processus. Pourquoi toutes ces réponses évasives? Pourquoi toutes ces difficultés? Le gouvernement irakien ne coopère pas.
Lorsque la communauté internationale et M. Ban Ki-moon disent qu'ils sont inquiets de la situation, ou lorsque le Canada lui-même, dans la résolution que vous avez rendue publique, affirme qu'il est inquiet de la situation… Alors, Maliki doit laisser tomber cette date butoir. Nous ne pouvons pas… je crois que les résidents d'Achraf et moi-même… Je ne fais pas confiance à Maliki et à ses affirmations.
Une autre affirmation faite par Mme Martin lorsqu'elle a comparu devant nous — et encore une fois, j'essaie simplement de comprendre ce qui est arrivé sur le terrain —, c'est que: « Le gouvernement de l’Irak a également permis à des organisations internationales comme la Mission des Nations Unies pour l'assistance en Iraq (UNAMI) et le Comité international de la Croix-Rouge de visiter le camp très régulièrement. Récemment, l'UNAMI le visite chaque semaine. »
L'UNAMI le visite chaque semaine, mais suivre la situation n'est pas suffisant, parce que nous ignorons ce qui arrivera dans 15 jours. Nous ne voulons pas qu'il y ait une autre attaque et que le gouvernement dise ensuite que c'est malheureux. Nous voulons que quelque chose vienne mettre fin à tout cela maintenant.
Je ne crois pas que le gouvernement irakien travaille avec la communauté internationale pour trouver une solution, parce que dans la communauté internationale tout le monde est inquiet de la situation là-bas. Le gouvernement irakien pourrait simplement prolonger le délai pendant, peut-être, un an. Encore mieux, il pourrait lever la date butoir, de sorte que l'UNHCR puisse commencer son travail, et ensuite, permettre aux observateurs de l'ONU de venir sur le terrain et permettre aux casques bleus de l'ONU et aux États-Unis, ou à tout autre pays qui est prêt à le faire, de venir aider à assurer la protection pendant ce processus.
Comme vous le savez, al-Maliki a récemment rendu visite au président Obama. Comme des témoignages devant nous l'ont démontré, il est arrivé dans le passé que des attaques surviennent peu de temps après que des hauts responsables du gouvernement irakien ont rendu visite à des hauts responsables américains, comme l'ancien secrétaire à la Défense, M. Gates. L'inquiétude dont on nous a fait part, c'est qu'une telle attaque pourrait maintenant survenir à la suite de la visite d'al-Maliki au président Obama.
Avez-vous compris que des assurances avaient été demandées ou avaient été données à cette réunion? Que devraient faire les États-Unis à ce moment-ci?
J'ignore ce qui s'est passé à cette réunion. J'espérais que le président des États-Unis adopte une position ferme sur cette question. Les États-Unis ont promis aux résidents d'Achraf de les protéger, depuis 2003 jusqu'au déplacement final. Les colonels américains nous ont donné cette promesse par écrit.
Ce qui est important maintenant, c'est que le président Obama dise à Maliki de ne plus imposer de date butoir et d'arrêter les attaques. S'il ne le fait pas, Maliki aura les mains libres à la fin de l'année pour continuer ses massacres.
Merci beaucoup de votre témoignage.
Je dois aller à la Chambre, Scott; je suis désolé, mais je dois partir.
Très bien, merci beaucoup. Vous avez minuté cela à la perfection, monsieur Cotler.
C'est maintenant au tour de Mme Grewal.
Merci, monsieur le président.
Et merci, madame Zanjani.
Voir votre vidéo et écouter votre témoignage sur ce que vous avez vécu, je me sens très mal pour vous.
J'ai lu que le tiers des résidents du camp d'Achraf désirent retourner en Iran, est-ce vrai?
Je ne sais pas exactement combien il y en a, mais si quelqu'un veut retourner en Iran, il peut le faire.
À votre avis, que peut-on faire au sujet du camp d'Achraf et de ses résidents? Sont-ils en danger immédiat? Si oui, que peut faire la communauté internationale pour les protéger?
Les résidents du camp d'Achraf sont en danger. Même aujourd'hui, pendant que nous discutons, nous ignorons ce qui se passe sur le terrain là-bas.
Mais il y a beaucoup de choses que la communauté internationale peut faire. Premièrement, elle peut dire avec fermeté au gouvernement de Maliki de renoncer à la date butoir pour permettre aux casques bleus des Nations Unies, aux forces américaines d'assurer la protection du camp et pour permettre à l'UNHCR de débuter le processus, de manière qu'on puisse leur accorder le statut de réfugié dans n'importe quel autre pays où ils veulent aller. Deuxièmement, la communauté internationale devrait dire à Maliki que c'est inacceptable, que les deux massacres qui ont eu lieu dans le passé et un nouveau massacre sont absolument inacceptables.
Qui a vu la vidéo que vous nous avez montrée? N'a-t-on pas empêché cette personne de tourner la vidéo à ce moment-là?
La personne qui a filmé la scène s'appelait Asieh Rakhshani. Elle a grandi aux États-Unis. Elle a été abattue pendant qu'elle filmait; elle a été tuée.
Elle a été tuée.
Monsieur le président, me reste-t-il du temps? Je vais laisser mon temps de parole à M. Lunney.
…, dont la vie pourrait être en très grave danger si l'Irak procédait au démantèlement du camp sans la supervision de l'ONU ou sans une entente quelconque.
Avez-vous eu des contacts récents avec les gens qui sont toujours dans le camp pour savoir comment ils se sentent à l'heure actuelle? Y a-t-il un sentiment de désespoir? Y a-t-il d'autres négociations en cours, à votre connaissance?
Uniquement ce que j'ai entendu dans les bulletins de nouvelles.
Désespoir? Je pense que tout le monde est inquiet. Personne ne doute qu'une autre attaque aura lieu.
Je suppose que je veux revenir à la question de la coopération que vous décrivez lorsque les services secrets iraniens, je pense que c'est l'expression que vous avez employée, collaboraient à la mise en place de ces haut-parleurs autour du camp. C'est la première fois que j'en entendais parler. Il me semble que c'est quelque chose dont la communauté internationale pourrait prendre note, et il devrait être facile de vérifier cela à partir d'autres sources. Cela indiquerait certainement quels risques courent les résidents.
Existe-t-il quelque part des rapports publiés que vous pourriez consulter sur cette question?
Oui. Je peux vous montrer les vidéos sur YouTube portant sur ce que transmettent ces haut-parleurs, le genre de menaces qu'ils claironnent. Je peux vous fournir les déclarations de nombreuses personnalités européennes — M. Quadras... de nombreuses personnes se sont opposées à ces haut-parleurs et ont demandé qu'ils soient retirés. Je peux vous donner toutes ces références.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole même si je ne fais pas partie de ce comité. Je remplace ma collègue Ève.
D'abord, je veux féliciter Mme Elham Zanjani du courage dont elle a fait preuve pour partir de là-bas et venir témoigner ici en personne. Je suis déjà allée en Irak en tant que médecin. C'était pendant la première guerre du Golfe, en 1981. Étant sur place, j'ai donc pu voir tous les effets que les bavures d'une guerre de ce genre peuvent avoir sur la population, malheureusement. Il faut savoir que, dans une guerre, en pleine confusion, il n'y a pas de distinction de religion: les gens s'emportent et tirent à tort et à travers, par méfiance et par crainte.
Je dirais que notre témoin d'aujourd'hui est une survivante de cette tragédie. Il a été dit à plusieurs reprises que les attaques contre ce camp étaient un massacre. Pour ma part, c'est surtout l'aspect humain qui me préoccupe. On doit tenter de protéger des personnes qui, selon moi, se retrouvent entre le marteau et l'enclume. Ces gens n'aspirent qu'à plus de démocratie, plus de liberté, mais ils se retrouvent malheureusement dans des conditions politiques qui les dépassent.
J'ai ici de l'information que je trouve troublante, en tant que médecin. Les affirmations suivantes ne sont pas de moi: elles proviennent de rapports. On dit notamment ce qui suit:
Dans un rapport d’avril 2011, Amnistie Internationale fait savoir qu’en raison des restrictions imposées par le gouvernement iraquien, « l’infirmerie du camp ne disposait pas du matériel ni des médicaments nécessaires ». Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) est d’avis que les conditions sévissant au camp sont insuffisantes pour assurer le traitement [...]
On parle aussi des demandes de statut de réfugié, et ainsi de suite. Je suis davantage préoccupée par la situation qui règne dans ce camp, ne serait-ce que du point de vue humanitaire, que par les raisons qui ont mené à son établissement.
Les États-Unis avaient reconnu le statut de personne protégée en vertu de la Convention de Genève. Or comment se fait-il qu'après leur départ, ils transfèrent cela aux autorités irakiennes alors que, comme tout le monde le sait, ce pays est instable et qu'aucune sécurité n'est assurée? Comment peut-on croire que ces personnes vont être en sécurité? Il y a là une question de logique.
Mon collègue a demandé comment il se faisait qu'il y avait des casques blancs et non des Casques bleus, et je dois dire que ça m'intrigue également. La moindre des choses serait d'assurer la sécurité et les droits de ces personnes. On sait que pendant une guerre, il y a de la torture, de la violence physique, des viols. Tous les moyens sont bons pour semer la terreur et, éventuellement, faire en sorte que les gens abandonnent leurs revendications.
Madame Elham, j'aimerais savoir ce que vous attendez du Canada. Quel geste devrait-il poser pour aider ces personnes, à votre avis?
Merci beaucoup, madame.
Je parle le français, mais il y a longtemps que je l'ai utilisé. Ce serait plus facile pour moi de parler anglais.
[Traduction]
Merci de vos questions.
Au sujet de votre première question, l'embargo médical, je ne sais pas ce que je pourrais vous dire de plus. Tout est arrêté depuis 2009. Nous ne pouvions pas voir de médecins, ceux que nous voulions voir. Les gens sont morts faute de transplantation rénale, à cause d'un cancer, d'une simple SP parce qu'il n'y avait pas de médicaments, parce qu'ils ne nous en ont pas donnés et qu'il nous ont simplement importunés pendant toute cette période.
Il y avait un hôpital que nous avons offert aux Irakiens, mais il ne s'agissait pas d'un hôpital mais plutôt d'une prison, parce que le médecin qui était là, qui s'appelait Omar Khaled, n'était pas un médecin. Malgré son serment médical, il ne traitait pas les patients comme des patients. Par exemple, les patients arrivaient avec un cancer; ils n'aidaient pas les personnes atteintes d'un cancer. Comme je l'ai dit, l'oxygène de mon amie… L'oxygène, c'est une chose minimale. Alors, les gens sont morts. Juste avant que je sorte du camp, un des résidents est mort de SP. On aurait pu le traiter.
En ce qui concerne votre deuxième question, à propos de ce que le Canada peut faire. Je remercie vraiment votre comité de ce qu'il a fait jusqu'ici. Cela fait chaud au coeur et je pense que ce que vous faites est très important. Je crois que les résidents du camp d'Achraf vous seront reconnaissants de tous vos efforts. Je vous remercie. Je ne sais pas comment vous le dire.
Mais on peut en faire plus. Comme je l'ai dit, le temps presse. Nous pouvons dire au gouvernement d'al-Maliki d'arrêter. Faites-le arrêter. Dites-lui que si un autre massacre survient, il sera responsable — parce que c'est vrai.
Qu'il permette à l'UNHCR de faire son travail, de rencontrer les gens là-bas et qu'il permette aux gens de sortir du camp. Qu'il permette aux gens de survivre.
De plus, peut-être que le Canada peut offrir une aide militaire pour que l'UNHCR puisse débuter son processus. Je ne sais pas. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire, ou des choses que l'on peut proposer, mais nous devons prendre des mesures maintenant, parce que c'est vraiment trop tard — je veux dire, dans 15 jours.
Non, je ne demandais pas la parole, autrement que pour répéter l'observation que j'ai faite plus tôt au sujet du fait que le comité devrait étudier toute autre mesure que nous pourrions recommander. Peut-être pourrions-nous avoir une discussion à huis clos sur cette question.
Nous pourrions faire cela. Nous devrons remercier nos témoins.
Voyons comment nous allons faire cela. M. Marston recommande que nous poursuivions nos travaux à huis clos. Il s'agit d'une motion non sujette à débat. Est-ce que les membres du comité sont d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien alors, nous poursuivrons à huis clos. Il nous faudra un petit moment.
Malheureusement, cela signifie que nous devrons demander à quiconque n'est pas un membre du comité ou membre du personnel de quitter la salle. Évidemment, il y a un problème. Vous avez un ordinateur qui vous appartient et que vous allez vouloir reprendre, alors… Oh, il nous appartient, vraiment? Très bien.
Pour économiser du temps, je vous demanderais de quitter la salle, de manière que nous puissions continuer nos travaux. Nous devrons faire assez vite, parce qu'il y a une période de questions qui arrive.
Mais je dois faire quelque chose avant que nous allions à huis clos.
Je veux vous dire, madame Zanjani, que je vous suis très reconnaissant d'être venue ici, de votre ouverture d'esprit et de votre honnêteté. Je peux imaginer à quel point il est difficile pour vous de venir ici parler de ce genre de choses, mais combien importantes également. Nous sommes très heureux que vous ayez pu le faire aujourd'hui et nous vous remercions beaucoup pour ce que vous avez fait.
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