Passer au contenu

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 074 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 mars 2013

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Français]

    À l'ordre, s'il vous plaît. Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, en ce 26 mars 2013, nous tenons notre 74e séance.

[Traduction]

    Nous souhaitons la bienvenue au témoin ici présent, Michael Kergin. Je ne sais pas si nous pourrons entendre notre autre témoin, Rolando Sierra, dont le témoignage est également prévu à l'ordre du jour. Il se trouve à Tegucigalpa, et nous essayons de le joindre par téléconférence et non vidéoconférence.
    Malheureusement, il y a un problème technique en ce moment. Il se pourrait que nous devions interrompre et réorganiser la séance, je m'en excuse à tous. Nous pourrions devoir nous ajuster de manière imprévue, je pourrais par exemple modifier la durée des questions. Je sais que vous êtes tous très conciliants pour ce genre de choses. Je vous prie d'être indulgents envers moi et envers les autres. Si vous croyez que je fais fausse route, n'hésitez pas à me le mentionner.
    Sans plus tarder, écoutons le témoin qui est avec nous en personne.
    Monsieur Kergin, nous sommes très heureux de vous recevoir ici, et nous vous invitons à commencer votre témoignage.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Comme je le mentionnais à la greffière du comité, je dois vraiment limiter mes observations au rôle que j'ai joué à la Commission de la vérité et de la réconciliation, à laquelle j'ai siégé d'avril 2010 à juillet 2011.
    Je n'ai pas suivi les événements survenus au Honduras depuis. On passe à autre chose, je suppose. Je vais axer mes observations sur la commission, ses principales conclusions, ses principales recommandations et l'évaluation de son travail d'examen de la situation des droits de la personne.
    La Commission de la vérité et de la réconciliation a été établie par le gouvernement du Honduras et le président Pepe Lobo. La plupart des commissions de la vérité et de la réconciliation sont établies par un gouvernement, faute de quoi elles n'auraient pas autant de visibilité ni de liberté d'action.
    Le mandat de cette commission était assez simple: examiner les événements qui ont mené à l'expulsion, le 28 juillet 2009, du président Zelaya, puis présenter des recommandations pour faire en sorte que de pareils événements et un tel manque de gouvernance ne se reproduisent plus.
    Il est intéressant de souligner que le mandat officiel établi par décret ne mentionnait pas les droits de la personne en tant que tels ni d'enquête sur les droits de la personne.
    La commission elle-même se composait de cinq commissaires qui se sont réunis pendant environ 450 jours. J'y étais le commissaire pour le Canada; le président était guatémaltèque, et une autre commissaire était une ancienne ministre de la Justice du Pérou ainsi que juge de la Cour suprême; puis il y avait deux commissaires honduriens: l'un était le président de l'université nationale à l'époque et l'autre, son prédécesseur. Je mentionne que chacun des deux commissaires honduriens avait des contacts de deux côtés du centre politique, donc ils étaient vraiment bien connectés de gauche à droite.
    La commission s'est rendue dans 18 provinces honduriennes et a tenu plus de 300 audiences, dont 20 assemblées publiques dans de tout petits pueblos ou villages du pays. Elle a recueilli le témoignage d'environ 150 personnalités liées aux événements qui ont mené au coup d'État. Elle a amassé quelque 50 000 pages de documentation et environ 900 documents vidéo; bon nombre de nos entretiens ont d'ailleurs été filmés.
    Le budget total de la commission était d'environ 2,5 millions de dollars, une somme peu élevée comparativement à ce qui se fait ailleurs. La commission a cependant décidé de son propre chef qu'il était très important d'examiner le respect des droits de la personne dans la situation, particulièrement pendant le règne du gouvernement provisoire de M. Micheletti. La commission a retenu les services de quatre spécialistes des droits de la personne, qui ont été sélectionnés au moyen du programme de développement de l'ONU. La démarche a été financée par l'Union européenne. Elle a donné naissance à une commission séparée, mais qui relevait de nous. Nous avons donc repris le rapport qu'elle nous a soumis pour le présenter dans nos propres mots.
    Ces experts ont travaillé pendant environ un an et ont recueilli le témoignage confidentiel d'environ 250 victimes de violations présumées des droits de la personne. Ils se sont déplacés partout au pays, tout comme nous, mais séparément.
    L'opposition au Honduras, qu'on appelle La Resistencia, a établi sa propre commission de la vérité qu'elle a nommé Comision de la Verdad. Notre commission a tenté à maintes reprises d'entrer en contact avec elle pour voir si nous pouvions coopérer, mais pour des raisons que seule la commission connaît, elle a décidé de faire cavalier seul et en fait, je crois qu'elle a produit un rapport totalement séparé du nôtre.
    En bref, les principales conclusions tirées par notre commission de la vérité et de la réconciliation sont que le retrait et l'extradition forcés du président Zelaya constituaient indéniablement un coup d'État. Les appareils exécutif, législatif et judiciaire ont toutefois tous transgressé la constitution avant, pendant et après le coup d'État. C'est ni plus ni moins un échec du gouvernement, des trois organes du gouvernement.
(1310)
    Micheletti est devenu président de facto dès l'expulsion du président Zelaya et il est resté en poste jusqu'à l'inauguration du président Lobo, en janvier 2010 (l'élection a eu lieu en novembre). Étant donné qu'il a renoncé au pouvoir au moment des élections de novembre 2010, qui nous ont semblé justes et libres compte tenu des circonstances observables au Honduras à l'époque, nous avons conclu que l'élection et le gouvernement du président Lobo lui-même peuvent être considérés légitimes.
    Nos enquêtes nous portent à croire que les régimes Zelaya et Micheletti ont tous deux été marqués par la corruption et qu'il y a diverses atteintes aux droits de la personne, notamment de la violence et des meurtres imputables à la police, qui ont eu lieu et sont restées impunies pendant tout le régime Micheletti, qui a duré environ cinq mois, de juillet 2009 à décembre 2009.
    Nos recommandations portent principalement sur deux aspects: la gouvernance, d'une part, parce que nous croyons que le manque de gouvernance a mené au coup d'État, et les droits de la personne, d'autre part. Voici quelques-unes de nos principales recommandations sur la gouvernance.
    Il faudrait modifier la Constitution pour y inclure une procédure de destitution du président et des hauts fonctionnaires en bonne et due forme. L'un des problèmes de la Constitution était qu'elle ne prévoyait pas de démarche juridique pour destituer le président Zelaya s'il y avait eu des raisons de le faire.
    Deuxièmement, il faudrait envisager d'adopter une loi afin de tenir une assemblée constituante qui serait chargée d'examiner les pouvoirs inscrits dans la Constitution, y compris ceux sur une possible réélection présidentielle. Il ne faut pas oublier que l'une des raisons pour lesquelles l'armée s'est mobilisée contre le président Zelaya, c'est l'impression, qui n'a jamais été prouvée, qu'il souhaitait solliciter un deuxième mandat.
    La troisième recommandation est de retirer à l'armée toutes les fonctions politiques que lui confère son mandat. En vertu de la Constitution hondurienne, l'armée a certains pouvoirs de maintien de l'ordre qui nous semblent néfastes, en plus d'avoir le mandat de distribuer les boîtes de scrutin pendant les élections et de voir au bon déroulement de l'élection elle-même. Ces fonctions des Forces armées du Honduras ne nous semblent pas appropriées.
    Quatrièmement, il faudrait investir un tribunal judiciaire du pouvoir d'arbitrer les litiges entre les organes exécutif et législatif du gouvernement. Le Honduras, comme les États-Unis, divisent ces pouvoirs qui entrent parfois en conflit. Malheureusement, l'appareil judiciaire n'est pas en mesure de les régler. Nous croyons qu'il faudrait établir un tribunal judiciaire qui serait chargé d'arbitrer les litiges entre les trois organes du gouvernement.
    Cinquièmement, l'appareil des partis politiques devrait être réformé de manière à assurer la transparence financière et électorale et à inclure les membres du caucus dans la prise de décisions. Nous avons constaté que la structure démocratique des partis du Honduras n'est pas démocratique du tout, puisqu'elle empêche les membres de participer au caucus et que c'est en fait la direction du parti qui détermine qui peut solliciter un mandat dans les différentes circonscriptions, plutôt que cette décision soit prise de façon itérative entre le caucus et la direction.
    Enfin, toujours sur le thème de la gouvernance, il faudrait dépolitiser les nominations au plus haut niveau des organismes de surveillance judiciaires et législatifs (par exemple au tribunal supérieur des élections), de manière à ce que les nominations découlent de décisions impartiales plutôt que de la volonté des représentants politiques du parti au pouvoir.
    Sur le plan des droits de la personne, la commission a présenté sept recommandations principales. La première est que le gouvernement poursuive et punisse les personnes qui ont violé des droits de la personne pendant le régime Micheletti, au moyen de procédures judiciaires rigoureuses et légitimes.
    Deuxièmement, il faudrait établir un plan national de réparation qui prévoirait des mesures de restitution et d'indemnisation ainsi que des garanties de protection contre les représailles que pourraient subir les personnes qui ont des doléances légitimes et vérifiables à exprimer en matière de droits de la personne.
    Troisièmement, le Bureau du procureur général devrait jouir de ressources suffisantes et de l'indépendance nécessaire pour établir une unité d'enquête apte à répondre promptement à toute plainte future au chapitre des droits de la personne.
(1315)
    Quatrièmement, un comité indépendant du Congrès devrait être chargé d'examiner les agissements du commissaire des droits de la personne sous le régime Micheletti. Il y avait un commissaire des droits de la personne pendant tout le règne Micheletti. Notre commission est d'avis qu'il ne s'est pas acquitté de son mandat.
    Cinquièmement, le gouvernement devrait examiner sa législation, et la réviser au besoin, pour en assurer la conformité avec les normes internationales, notamment au chapitre de la sécurité personnelle liée à la liberté d'expression, particulièrement pour les journalistes, et à la liberté d'association. Nous avons l'impression que la législation hondurienne n'est pas à la hauteur des normes internationales.
    Sixièmement, il faut garantir aux Autochtones l'accès à la justice dans leur propre langue. Dans la région de Mosquito, sur la côte du Honduras, où nous nous sommes rendus, beaucoup de peuples autochtones se plaignaient de ne pas pouvoir recevoir de services juridiques dans leur propre langue.
    Enfin, le gouvernement devrait assurer le respect de la convention de l'Organisation internationale du Travail sur le devoir de consultation relativement à l'utilisation et à l'exploitation des ressources naturelles dans les territoires autochtones, un problème dont vous êtes sûrement au courant et qui touche à peu près tous les groupes autochtones d'Amérique centrale, où les sociétés minières ne respectent pas toujours les lois sur les territoires autochtones.
    Permettez-moi maintenant de vous présenter une brève évaluation de la partie de notre rapport qui porte sur les droits de la personne.
    À l'échelle internationale, et dans une certaine mesure à l'échelle nationale, les travaux et les conclusions de la commission ont surtout suscité l'intérêt pour ce qui est de son examen de la situation des droits de la personne pendant la période du 28 juillet 2009 au 18 janvier 2010, date de l'inauguration de Pepe Lobo. La commission a conclu que les violations étaient très courantes pendant les cinq mois du gouvernement Micheletti. Il y a certes des facteurs qui peuvent expliquer le recours excessif à la force pendant cette période, mais ils ne l'excusent certainement pas. Il existe au Honduras une culture traditionnelle de la violence, un contrôle décentralisé de forces policières dispersées en tout petits groupes et un manque de formation professionnelle chez les policiers qui sont appelés à intervenir.
    Il faut également dire, bien honnêtement, que ce petit pays souffrait à l'époque d'une paranoïa collective attribuable à son isolement de la collectivité internationale et exacerbée par le fait que l'ancien président, le président Zelaya, testait ses frontières, avec l'appui de pays sud-américains axés sur la force comme le Brésil, le Venezuela et l'Argentine. Nous avons d'ailleurs conclu que le fait que l'OEA ait été si prompte à exclure le Honduras (c'est le seul pays à avoir été exclu de l'OEA à part Cuba, bien sûr) a délesté l'OEA de son rôle de médiateur pour stabiliser la situation, et dans une certaine mesure, les Honduriens se sont ralliés contre l'OEA à l'époque.
    Cela dit, rien ne pourra jamais justifier la complicité des hauts fonctionnaires, jusqu'à Micheletti lui-même, qui a fermé les yeux sur la violence policière, n'a pas lancé d'enquête sur des assassinats manifestement d'inspiration politique et qui a limité la liberté de mouvement par l'imposition de couvre-feux prolongés sans en avoir le pouvoir en vertu de la constitution.
    Les violations des droits de la personne qui ont eu lieu pendant cette période sont certes graves, mais demeurent limitées, temporellement et de par leur portée, si on les compare aux horreurs des massacres qui ont eu lieu au Guatemala, en El Salvador et en Argentine ou à la torture et aux assassinats ciblés qui ont eu lieu au Pérou et au Chili il y a un peu plus longtemps. Nous ne croyons pas que ces violations sont de la même magnitude, mais il y a indéniablement tout lieu de les condamner.
    Les principaux facteurs qui ont mené au coup d'État sont l'échec des institutions, le manque de clarté des préceptes de gouvernance attribuables à un régime constitutionnel faible et une structure démocratique mal enracinée. Ces déséquilibres ont créé les conditions propices à la complicité du gouvernement temporaire de Micheletti à la perpétration de violations des libertés personnelles et d'atteintes à la sécurité personnelle. Cette évaluation de la situation de la deuxième moitié de 2009 a poussé la commission à se concentrer attentivement sur le régime de gouvernance du Honduras et à consacrer une grande part de ses travaux à la formulation de recommandations destinées à renforcer la primauté du droit, certes, mais aussi à élargir l'accès des citoyens à la justice. Cette priorité découle de ce que les citoyens déploraient sans cesse pendant les assemblées publiques des commissaires: l'impunité de quelques-uns et l'inégalité de la majorité au regard de la loi.
(1320)
    Pour conclure, j'aimerais vous lire deux citations qui illustrent ce sentiment à merveille. Le témoin numéro 132 des victimes de violation des droits de la personne a déclaré: « Ce n'est pas le temps qui guérira ces plaies: c'est l'application de la justice qui les guérira. »
    Ma deuxième citation vient de l'archevêque Desmond Tutu, qui a dit ailleurs au sujet d'autres problèmes: « Il ne peut pas y avoir de réconciliation sans justice. Il ne peut pas y avoir d'avenir sans réconciliation. »
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup. Je présume que cet ailleurs était la Commission de la vérité et de la réconciliation de l'Afrique du Sud?
    Exactement.
    D'accord. Je vous remercie.
    Malgré les efforts soutenus de notre personnel technique pour établir la communication avec Rolando Sierra, je pense que nous pouvons présumer qu'il ne pourra pas nous parler, et je m'en excuse. Le personnel va continuer d'essayer de le joindre, faute de quoi nous allons essayer de reporter son témoignage à une autre séance, et nous allons en aviser tout le monde à l'avance pour que chacun puisse adapter son horaire en conséquence.
    Nous avons le temps de permettre des séries de questions de six minutes, mais nous devrons faire preuve de diligence pour terminer à temps. Nous devons retourner à la Chambre pour examiner certaines questions, donc nous ne pourrons pas dépasser le temps qui nous est imparti, comme nous le faisons parfois.
    On me dit que la première intervenante sera Mme Grewal.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également notre témoin d'aujourd'hui, M. Kergin, de nous consacrer du temps et de nous avoir présenté son exposé.
    À votre avis, la Commission de la vérité et de la réconciliation a-t-elle réussi à prévenir les violations des droits de la personne au Honduras? Par ailleurs, y aurait-il à votre avis une autre stratégie que celle de la Commission de la vérité et de la réconciliation pour renforcer les institutions politiques de ce pays?
    Je crois que la principale contribution de la commission a probablement été de susciter le dialogue parmi les Honduriens, de les pousser à réfléchir à ce qui s'est passé en amont du coup d'état de 2009 et à essayer de voir comment ils pourraient améliorer leur modèle de gouvernance.
    La société est extrêmement scindée entre la gauche et la droite, et le coup d'état a presque sabordé la société elle-même. Nous nous sommes rendus dans de tous petits pueblos, de tous petits villages, et on pouvait voir à quel point il y avait un camp pro-Zelaya et un camp pro-aile droite, si l'on veut, en faveur du Parti National. La beauté, toutefois, c'est que dans ces petits villages, les gens étaient conscients qu'ils devaient vivre ensemble. Le Honduras est une région très montagneuse. Ces villages sont très isolés, ils sont comme pris dans des vallées. On ne peut pas s'enfuir, il faut entretenir des relations assez aimables avec ses voisins. On ne peut pas laisser la politique créer trop de conflits dans un contexte aussi restreint.
    Je n'ai pas l'impression que nous avons vraiment réussi à changer les institutions du gouvernement, mais comme je le dis, je n'y suis pas retourné depuis. Nous avons donné énormément de conférences de presse, et d'après mes échanges avec mes collègues des Affaires étrangères, cela a suscité pas mal de discussions sur la façon d'améliorer nos mécanismes de gouvernance. Il reste à voir s'ils vont réellement les améliorer.
(1325)
    Monsieur Kergin, vos pourfendeurs soutiennent que la commission ne répondait pas aux normes internationales reconnues pour les commission de vérité. Pouvez-vous s'il vous plaît expliquer au comité quelles sont les normes internationales qui s'appliquent aux commissions de vérité à votre avis? La Commission de la vérité qui a été mise sur pied au Honduras répondait-elle aux normes internationales et dans la négative, pourquoi?
    C'est une situation très inhabituelle, je vais vous interrompre une seconde, je m'en excuse. Nous allons arrêter le chronomètre pour le reste de vos questions. Nous avons M. Sierra en ligne. Je dois vérifier le son avec lui pour confirmer qu'il peut nous entendre.
    Nous allons ensuite revenir à votre réponse, madame Grewal, et vous laisser finir votre période de questions. Puis nous allons écouter son témoignage, et nous pourrons continuer les questions après.
    Je m'excuse de vous avoir interrompue.
    Je m'excuse. Voulez-vous que je réponde?
    Oui, vous pouvez répondre maintenant.
    Merci.
    Avons-nous examiné la constitution d'autres commissions?
    Comme je l'ai indiqué, le fait est qu'une commission est établie par un gouvernement et que son mandat se limite pas mal à ce que ce dernier décide. Dans notre cas, comme je l'ai souligné, nous avons ajouté la facette des droits de la personne, qui ne figurait pas dans le mandat initial. À cet égard, je considère que nous avons accompli notre devoir.
    La commission ne disposait toutefois d'aucun pouvoir de poursuite. Nous ne pouvions convoquer de témoins contre leur volonté ni intenter de poursuites contre qui que ce soit. Nous avons pris le parti de saisir le gouvernement des affaires de violations des droits de la personne et de lui laisser le soin d'entamer des poursuites.
    Si j'ai une critique à formuler au sujet de la commission, c'est que nous n'avons pas très bien réussi à publiciser nos recommandations en matière de gouvernance. Je crois que c'est important, car d'autres pays, comme les pays nordiques et le Canada, voulaient nous aider à renforcer les systèmes de gouvernance du Honduras. Même si nous avons rédigé notre rapport, épais comme deux annuaires téléphoniques d'Ottawa, il était en espagnol. Il a fallu à Affaires étrangères environ six mois pour le traduire afin que nous puissions l'envoyer aux pays anglophones qui n'étaient peut-être pas prêts à s'intéresser à un rapport en espagnol.
    À mon avis, nous aurions pu réussir un peu mieux à rendre notre rapport accessible à l'échelle internationale et à ainsi obtenir de l'aide et du soutien technique d'autres pays qui tentaient d'épauler le Honduras dans les efforts qu'il déploie pour devenir plus démocratique.
    Il vous reste encore une minute et demie.
    Puis-je intervenir?
    Oui, faites.
    Freedom House a publié l'an dernier un rapport mondial qui indique qu'au Honduras, les médias appartiennent à une poignée d'intérêts commerciaux puissants.
    À ce que vous sachiez, les médias sont-ils actuellement soumis à des restrictions au Honduras? Les reporteurs et les journalistes peuvent-ils utiliser Internet pour diffuser des renseignements pertinents sans la moindre censure?
    Un problème se pose clairement à cet égard. Je n'ai pas examiné longuement la question, mais le rapport comprend plusieurs recommandations pour au moins tenter d'attirer l'attention des autorités sur le fait que les médias, comme toute chose au Honduras, je suppose... Il y a cinq ou six familles, ou au moins groupes, qui possèdent les banques et les sources de médias. Ils tendent à se réunir en secret pour décider qui devrait se présenter comme candidat aux élections présidentielles, par exemple. Ils détiennent le pouvoir financier. C'est, dans une certaine mesure, un problème au Honduras.
    La presse est extrêmement sensationnaliste. La société hondurienne est terriblement violente, comme vous le savez certainement. Elle affiche, et de très loin, le taux d'homicides le plus élevé au monde. La presse donne donc dans le sensationnalisme au lieu de faire une analyse sérieuse et objective des faits.
    Je suppose qu'une certaine presse offre un point de vue différent, mais c'est certainement la presse conservatrice qui semble dominer le marché, ce qui fait qu'elle ne donne pas toujours un compte rendu objectif de ce qui se passe.
    Les journalistes constituent une espèce très menacée, en partie parce qu'ils font des reportages à saveur politique, mais aussi en raison de la situation relative à la drogue, qui est maintenant complètement incontrôlée. C'était ainsi même dans mon temps, quand je m'occupais de la question. Tous les journalistes d'enquête s'intéressant aux affaires de drogue couraient le risque de se faire assassiner, pas pour des motifs politiques, mais parce qu'ils révélaient des informations sur la drogue et la consommation de stupéfiants.
(1330)
    Nous allons arrêter ici pour voir si nous pouvons communiquer avec M. Sierra.
    Bonjour. Pouvez-vous nous entendre? Nous pouvons vous entendre.
Mme Sonia Wayand (adjointe, à titre personnel) (Traduction de l'interprétation):
    Monsieur Sierra, pouvez-vous nous entendre?
M. Rolando Sierra (à titre personnel) (Traduction de l'interprétation):
    Je vous entends clairement.
Mme Sonia Wayand (Traduction de l'interprétation):
    Monsieur Sierra, pouvez-vous parler anglais?
M. Rolando Sierra (Traduction de l'interprétation):
    Non, je ne le peux pas.
Mme Sonia Wayand (Traduction de l'interprétation):
    Vous serez mis en communication avec les interprètes. Vous pouvez parler en espagnol, et ils se chargeront de l'interprétation.
    Vous serez en communication à M. Scott Reid, président du comité.
    Monsieur Sierra, j'aimerais que vous vous sentiez libre de commencer votre témoignage. Les interprètes traduiront vos propos à l'intention des membres du comité. Ces derniers vous poseront ensuite des questions.
    Vous pouvez donc commencer votre témoignage quand bon vous semblera.
M. Rolando Sierra (Traduction de l'interprétation):
    J'aimerais tout d'abord indiquer que ces dernières années, l'État du Honduras n'a pas adopté de politique relative aux violations des droits de la personne, comme il l'a fait au cours du siècle dernier. Il a en outre admis que divers secteurs, comme celui de la police, par exemple, avaient été infiltrés et qu'il avait dû prendre des mesures pour voir comment on pouvait mener des enquêtes sur les violations des droits de la personne.
    Ces processus ont principalement permis de faire le ménage dans les services de police. Nous avons créé une unité spéciale d'enquête et favorisé le développement de carrière au sein de la police. Nous avons procédé à une réforme du secteur de la sécurité publique, et avons créé le nouveau ministère de la Justice et des Droits de la personne pour fournir des réponses aux questions sur les droits de la personne.
    Cette année, nous avons publié un rapport sur la situation des violations des droits de la personne, qui comprend des renseignements sur 2011 et 2012. À cet égard, on reconnaît que le pays continue d'être en proie à la violence. Le droit à la vie reste un problème, qui empire sans cesse dans la société hondurienne.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques]
     Le rapport du ministère de la Justice et des Droits de la personne, rédigé par une institution d'État, comprend des faits sur la vague de violence qui balaie le pays ces derniers temps. Le nombre d'homicides a augmenté pour atteindre 2 631 meurtres, particulièrement en ce qui concerne la violence faite aux femmes et l'assassinat d'hommes, de figures des domaines judiciaire et juridique, d'acteurs professionnels et d'intervenants comme des journalistes et des professionnels des communications sociales. C'est ce que nous avons constaté.
    Le principal problème mis en lumière dans le rapport est l'incapacité des institutions d'État d'effectuer rapidement et efficacement des enquêtes pour lutter contre l'impunité. C'est là un des défis que l'État du Honduras doit affronter. Il importe aussi de souligner que nous cherchons des solutions et des options de rechange.
(1335)
     Comme je l'ai indiqué au début de mon exposé, nous procédons actuellement à une réforme du secteur de la sécurité publique dans le but de renforcer les institutions judiciaires afin de faciliter les enquêtes et de faire le ménage dans les institutions concernées. En outre, des journalistes collaborent avec le secrétariat des droits de la personne pour élaborer une loi sur la protection des droits de la personne qui engloberait les journalistes et les professionnels des communications sociales. Ce processus, auquel participent tous les acteurs du système de justice, vise à faciliter la protection et les enquêtes, particulièrement dans le cas de journalistes.
    Par ailleurs, toujours en ce qui a trait aux journalistes, le comité national des télécommunications a proposé des réformes dans ce secteur afin de réformer la loi qui le régit. Il traite de divers sujets, proposant notamment la démocratisation des télécommunications pour y intégrer les médias privés, publics et communautaires.
    Le pays met également en oeuvre un processus de discussions ouvertes au sujet de la liberté d'expression et de presse. Ce débat fait intervenir le secteur privé, les médias, des journalistes et des organisations oeuvrant dans les divers secteurs sociaux, ainsi que des intervenants issus des secteurs des droits de la personne et de la liberté d'expression du pays.
    Nous devons en outre admettre que la violence et les droits de la personne constituent un défi au pays. Ces dernières années, l'accès à la terre pose un problème dans la région appelée Aguan. Même si divers secteurs du gouvernement en sont arrivés à des arrangements, cette région connaît les plus hauts taux de violence et de conflits, avec une forte présence des forces de police et des représentants de l'État, et un conflit constant entre les paysans et les entrepreneurs.
    J'ignore si vous avez des questions sur des points en particulier.
(1340)
    Les membres du comité voudraient vous poser quelques questions.
    Nous laisserons d'abord la parole à M. Scott, du Nouveau parti démocratique.
    Monsieur Scott, pourquoi ne commencez-vous pas? Nous vous accordons six minutes.
    Monsieur le président, puis-je m'adresser principalement à M. Kergin?
    Vous vous adressez à qui bon vous semble. Vous êtes le prochain sur la liste.
    Monsieur Kergin, je vous remercie de tout coeur de...
    J'en informerais simplement notre témoin, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je ne suis pas certain que M. Sierra soit au courant.
    D'accord.
    Monsieur Sierra, comme je ne sais pas si vous le savez, je devrais vous expliquer que nous entendons deux témoins. Vous êtes l'un deux, l'autre étant Michael Kergin, physiquement présent ici même, à Ottawa. Le député qui s'apprête à intervenir posera sa question à M. Kergin.
     Merci, monsieur le président.
    Pour que tout soit clair — M. Kergin est au courant —, j'étais, jusqu'à mon élection, membre de la commission parallèle au Honduras. Nous avons donc un rôle en commun, en un certain sens, mais ma commission relevait de la société civile et était aux prises avec des difficultés différentes des vôtres.
    Je veux simplement poser trois ou quatre questions, puis vous laisser répondre comme vous le voulez. Sinon, je ne pourrai peut-être pas les poser.
    D'abord, monsieur Kergin, compte tenu de ce que vous avez découvert sur le Honduras et de la situation qui y prévaut actuellement, est-ce que la commission a envisagé de créer un organisme semblable à la commission internationale contre l'impunité mise sur pied au Guatemala? Considérez-vous que ce serait une bonne idée? Je sais que le gouvernement du Canada a démontré un certain intérêt à cet égard. Est-ce une idée encore à l'étude, et devrait-elle l'être?
    Ensuite, je sais que la commission a demandé au PNUD de préparer un rapport sur les droits de la personne. Il n'est pas clair s'il s'agit d'un document public. Je veux simplement savoir si le document est accessible.
    Je crois connaître la réponse à ma troisième question, car nous avons les mêmes problèmes au sujet de la preuve. Avez-vous reçu des preuves que vous jugez crédibles montrant que le gouvernement américain ou les Américains ont été mêlés au coup d'État? Quand je parle des Américains, ce n'est pas nécessairement du gouvernement dont il s'agit.
    Enfin, comme nous en avons discuté dans une vie antérieure, je crois, les membres de la commission parallèle — pas tant moi que mes collègues — ont fait l'objet de beaucoup de harcèlement et d'intimidation. Nous nous occupions des affaires de violations des droits de la personne quand elles se faisaient jour, pas seulement jusqu'à l'inauguration de M. Lobo, mais par la suite, ce qui pourrait expliquer une partie de l'attention qu'on nous portait.
    Les deux commissaires honduriens ont dû fuir le pays. Le chef de notre équipe de sécurité a été la cible d'une tentative d'assassinat. Une explosion s'est produite dans notre bureau de San Pedro et de fausses escarmouches à la mitraillette ont eu lieu à l'extérieur de notre administration centrale à Tegucigalpa. En outre, un officier militaire a menacé des témoins qui étaient des membres de la commission à Washington.
    Est-ce que votre commission a subi quelque chose de semblable, ou est-ce que la situation que je décris ressemble à quelque chose de plausible dans la société hondurienne telle que vous la connaissez?
(1345)
    Permettez-moi de répondre très brièvement et dans l'ordre à chacune de ces questions.
    Nous avons fortement recommandé la création d'un comité sur l'impunité, considérant que l'initiative actuellement en cours au Guatemala constituait une aide très efficace de la part de la communauté internationale. M. Stein, qui était évidemment notre président, le savait fort bien, puisqu'il est Guatémaltèque.
    C'est une de nos recommandations. J'ignore si elle a été adoptée ou non. Je crois que le gouvernement a réclamé la création d'une telle commission, mais j'ai bien peur d'ignorer ce qu'il est advenu de l'affaire par la suite.
    En ce qui concerne maintenant les rapports sur les droits de la personne, nous avons demandé au PNUD de choisir quatre experts en la matière. Ils ont préparé un rapport, qui se trouve à l'administration centrale du PNUD, je crois. Il est très exhaustif, un peu plus long; nous en avons intégré des passages dans notre propre rapport. Nous ne l'avons pas joint de manière distincte. Je suppose que nous aurions pu le mettre en annexe, et je ne me rappelle plus pourquoi nous ne l'avons pas fait. Mais nous considérons que nous en avons capté l'essence et que nous l'avons rendue dans nos propres mots. C'était là notre travail. Mais il me semble qu'il se trouve peut-être à l'administration centrale des Nations Unies à New York. Je crois que c'est le cas.
    Pour ce qui est des preuves de la participation du gouvernement américain au coup d'État, nous n'en avons pas trouvé une seule. Nous avons eu vent de rumeurs voulant que l'avion qui a emmené Zelaya au Costa Rica ait été ravitaillé et que les Américains le savaient. Il se trouve que je connais fort bien l'ambassadeur des États-Unis, l'ayant connu dans une vie antérieure, et je n'ai aucune raison de ne pas le croire quand je lui ai demandé directement si les Américains savaient à l'avance ce qui allait se passer. Mais le gouvernement américain est une grosse machine constituée de bien des rouages, alors je ne sais honnêtement pas ce qu'il en est. Nous n'aurions certainement rien écrit à ce sujet dans notre rapport, car nous ne disposons d'aucune preuve montrant que les Américains ont participé à l'expulsion ou au coup d'État.
    Au chapitre du harcèlement, nous ne nous sommes pas sentis harcelés. Bien entendu, nous étions, en un certain sens, une créature du gouvernement en vertu d'un décret-loi et notre statut était assez bien connu. Si nous avions fait l'objet d'un harcèlement quelconque, l'affaire aurait soulevé beaucoup de publicité. Jamais nous n'avons été harcelés.
    Nous étions sous haute sécurité, car nous craignions les trafiquants de drogue et d'autres bandits sévissant dans certaines régions éloignées, et nous ne voyagions en voiture qu'en filant à 150 kilomètres à l'heure. La situation pouvait être corsée dans certaines régions, mais je crois que cela avait plus à voir avec le trafic de stupéfiants qu'avec notre statut de commissaires des droits de la personne.
    Je présume qu'il y a au Honduras un groupe parallèle peut-être composé d'anciens militaires entretenant des liens avec l'armée ou certainement avec la police, qui fermerait les yeux si un groupe donné se faisait harceler. Je serais étonné que cela se produise à Washington, mais pas si vous affirmiez que vos collègues ont eu des problèmes de cette nature. Ces actes peuvent avoir été commis par des organisations parallèles, paramilitaires ou parapolicières, après un petit clin d'oeil et un coup de coude. Je ne crois pas que ces interventions aient l'aval du palais présidentiel, mais elles peuvent toutefois survenir.
    Simplement pour compléter ses propos, le...
    En fait, je suis désolé, mais nous avons arrêté l'horloge pour permettre l'intervention, et nous avons encore dépassé le temps alloué.
    Monsieur Sweet, vous être le prochain intervenant.
    Je veux simplement faire quelque chose d'inhabituel. Si M. Scott considère qu'il devrait réfuter quoi que ce soit au sujet d'une question, j'aimerais qu'il se sente libre de le faire, car comme je ne connais pas intimement les deux commissions, il pourrait faire la lumière sur certaines choses.
    Monsieur Kergin, étiez-vous étonné après avoir terminé vos travaux? Vous avez indiqué que vous aviez travaillé 450 jours, tenu 300 réunions et 20 séances de discussion ouverte, et recueilli 50 000 pages de documents et 900 vidéos. Vous avez fait un travail colossal. Avez-vous été surpris que des groupes de citoyens demandent à ce qu'on poursuive l'enquête parce qu'ils flairaient le blanchiment?
(1350)
    Je vous dirai franchement que j'ignorais que des groupes demandaient qu'on en fasse davantage. La commission à laquelle siégeait M. Scott menait son étude à peu près à la même époque. Je ne peux donc pas vraiment répondre à votre question parce que j'ignorais vraiment que certains groupes demandaient qu'on en fasse davantage. Je n'en étais pas au courant.
    À la suite de son enquête, votre commission a-t-elle proposé des recommandations qui diffèrent de celles de l'autre commission?
    Je devrais lui poser la question. Je ne pense pas avoir pu consulter les recommandations de cette commission. Je ne suis donc pas en mesure...
    Je pense que, si elle a signalé cela, ce fut beaucoup plus tard, et j'avais alors terminé mon mandat concernant le Honduras.
    Monsieur Scott, voulez-vous apporter des précisions sur ce point?
    Non, mais je serais ravi d'aborder un autre aspect si cela peut vous être utile.
    Très bien. Merci, monsieur Scott.
    D'après vous, l'OEA a-t-elle réexaminé sa décision? Vous avez évoqué que sa décision était d'expulser le Honduras... il me semble a posteriori que cette décision a causé beaucoup plus de problème qu'elle n'en a résolu. L'OEA a-t-elle réexaminé sa décision. Quelle attitude adoptera-t-elle pour l'avenir?
    Je ne saurais dire si elle a réexaminé sa décision. Ce qui est intéressant cependant, c'est que nous avons critiqué cette décision. Notre rapport a traité de la réaction internationale. Je manque de temps pour vous donner des explications, mais sachez que nous avons beaucoup critiqué l'OEA pour avoir aussi rapidement expulsé le Honduras. Le secrétaire général de l'OEA s'est rendu au Honduras 24 heures après le coup d'État, mais a refusé de rencontrer quiconque à part les représentants du pouvoir judiciaire. En vertu d'une décision prise par le conseil permanent de l'OEA, il n'a donc pas été en mesure de discuter avec les auteurs du coup d'État, soit les membres de l'assemblée législative, Micheletti et ses collègues, le pouvoir exécutif ou le dirigeant du parti au pouvoir.
    Il n'a donc pas pu engager le dialogue avec ces responsables, ce qui signifie que l'OEA n'était pas dans une position pour négocier un arrangement. Dans une certaine mesure, cette situation a renforcé le sentiment d'isolation presque paranoïaque de ce petit pays alors que des pays importants comme le Venezuela, le Brésil et l'Argentine avaient convaincu le conseil permanent de cesser toute négociation ou médiation.
    Très bien. J'allais vous demander ce qui a été à l'origine d'une décision aussi précipitée, mais vous estimez...
    Oui, ce sont surtout le Venezuela, l'Argentine et le Brésil qui appuyaient fidèlement M. Zelaya et qui ont essayé en fait de le ramener au Honduras en août 2009. Étant un petit pays, le Honduras a subi, je pense, l'influence de ces autres pays.
    Ni vous ni M. Scott dans son préambule à sa question avez évoqué que les commissions étaient en mesure de citer à témoin...
    Effectivement.
    ... les protagonistes. Vous avez évoqué ces quelques familles qui exerçaient beaucoup de pouvoir dans les domaine des affaires et des médiats notamment. Les représentants de ces familles ont-ils comparu de leur propre gré devant l'une ou l'autre commission?
    Oui. M. Zelaya, l'ancien président, est la seule personne que la commission a convoquée mais qui n'a pas comparu devant elle. Nous avons obtenu le témoignage des principaux groupes financiers et de certains des ministres de M. Zelaya. Cependant, M. Zelaya n'a pas comparu. Nous avons pu obtenir la version de la plupart des protagonistes après le coup d'État.
    M. Zelaya a-t-il donné à votre commission un motif justifiant son refus de témoigner?
(1355)
    C'est possible. J'ignore si c'est ce qu'il a dit précisément, mais nous croyons qu'il avait l'impression que la commission avait été créée par le gouvernement Lobo qui, de l'avis du Front national de résistance populaire, n'était pas légitime parce qu'il avait été dirigé par M. Micheletti. On avait l'impression que les élections n'avaient pas été libres et équitables. Par conséquent, le gouvernement Lobo n'avait aucune légitimité et la commission qu'il avait créée n'avait pas qualité pour agir.
    Merci, monsieur Kergin.
    Merci.
    Monsieur Scott, je vais vous enlever un peu de temps. Vous avez une seule question. Je vous en prie.
    Monsieur Kergin, je me demandais — M. Sweet a parlé de l'influence des puissances économiques. Ces puissances sont presque exclusivement l'apanage d'un groupe restreint de familles qui exercent leur influence sur le pouvoir politique. Vous en avez fait une description pertinente.
    Je voudrais que vous me précisiez franchement si, étant donné ses intérêts miniers et ses compétences en la matière, le Canada peut intervenir au Honduras compte tenu des rouages de l'économie, de l'influence exercée sur les élites politiques et de l'absence quasi totale de la primauté du droit. Je sais que vous êtes au courant des difficultés qui se posent lorsqu'il faut investir dans le secteur minier à l'étranger. Avez-vous des commentaires à formuler sur les intérêts miniers du Canada au Honduras? Auriez-vous une mise en garde à faire?
    Je pense qu'il y a une mise en garde qui s'impose et qui ne s'applique pas uniquement au Honduras. De nombreuses sociétés minières canadiennes auraient tout intérêt à engager un dialogue plus transparent et plus respectueux avec certains groupes autochtones qui se trouvent là où elles mènent leurs activités.
    Au Honduras, on se préoccupe certes des répercussions environnementales de l'exploitation minière notamment. Dans la mesure où le Honduras a besoin de devises et que des intérêts économiques sont en jeu, il me semblerait que le gouvernement n'est pas aussi rigoureux sur le plan environnemental qu'on le souhaiterait, du moins les habitants des zones d'exploitation le souhaiteraient.
    Il faut se demander si une société minière étrangère, canadienne notamment, observerait rigoureusement les règles établies et les lois, alors que celles-ci ne sont pas respectées notamment à cause des lacunes dans leur mise en oeuvre ou, dans une certaine mesure, à cause des pots-de-vin. Si une société canadienne respectait les règles établies et engageait un dialogue transparent avec les groupes locaux, il n'y aurait rien à redire. Dans ces pays, on a cependant tendance à faire les choses à la va-vite et à rogner sur les coûts en n'appliquant pas aussi rigoureusement qu'on le devrait les règles établies.
    Merci.
    Cela a pris trois minutes.
    Monsieur Sweet, je vous donne également trois minutes.
    Je voudrais poser une brève question à M. Sierra et à M. Kergin. Je demanderai peut-être à M. Sierra de répondre en premier, étant donné qu'il n'a pas pris la parole depuis un certain temps.
    Estimez-vous que le gouvernement Lobo a déployé suffisamment d'efforts pour mettre en oeuvre les recommandations formulées par la Commission de la vérité et de la réconciliation? Le gouvernement Lobo prend-il ces recommandations au sérieux?
    Monsieur Sierra, voudriez-vous répondre à cette question?
M. Rolando Sierra (Interprétation):
    Très bien.
    On a élaboré un plan sur les 84 recommandations, dont 65 portent sur la responsabilité des organismes gouvernementaux. Les autres visent l'OEA et la communauté internationale. Il est également question des partis politiques et des organisations de la société civile. Des 65 recommandations dont l'État était responsable, 57 d'entre elles relèvent du Congrès national ou du Congrès de la République.
    On s'est conformé à 26 des 84 recommandations. Trois d'entre elles visaient les affaires constitutionnelles, 11 les droits de la personne, 4 la lutte à la corruption et les autres le système électoral et les médias.
    En outre, 42 recommandations sont en voie d'être respectées, et elles portent sur des aspects différents. Les recommandations qui posent un peu problème sont celles concernant l'OEA et la coopération internationale. Il faut souligner qu'on a exercé des pressions pour que les recommandations soient respectées, mais on ne peut pas dire que cette influence s'est exercée dans l'immédiat et qu'on a proposé des modifications constitutionnelles et législatives ou qu'on a rédigé de nouvelles lois et de nouvelles politiques publiques.
    Des progrès ont certes été réalisés, mais il n'en demeure pas moins que les Honduriens et la communauté internationale exigent qu'on suive de près les mesures prises par le Honduras pour que celles-ci se traduisent par un renforcement des institutions démocratiques et de la primauté du droit ainsi que par l'avènement d'une société plus démocratique et plus participative.
(1400)
    Merci, monsieur Sierra.
    Merci, monsieur Sierra.
    Je signale à mes collègues que je considérerai qu'il est 14 heures lorsque nous aurons entendu la réponse de M. Kergin.
    Monsieur Kergin.
    Je suis désolé de vous décevoir, mais je n'ai pas suivi l'évolution de la situation depuis que je suis revenu du Honduras. Je ne saurais donc dire si des progrès ont été accomplis. Je sais cependant que certaines de nos recommandations nécessitent l'adoption de lois, ce qui demande du temps, comme pour tout processus parlementaire. Certaines recommandations avaient une très vaste portée. Celles préconisant des changements constitutionnels requièrent beaucoup de temps, ce que nous avons fait valoir à plusieurs occasions. C'est pourquoi je ne suis pas en mesure malheureusement de vous dire si le Honduras a réalisé autant de progrès.
    Merci.
    Nous n'avons plus de temps. J'aimerais m'entretenir avec M. Kergin et M. Scott afin qu'ils nous fassent parvenir certains documents. Je pourrais peut-être vous parler après la séance.
    Quoi qu'il en soit, monsieur Sierra, nous vous remercions infiniment de votre présence parmi nous et de votre témoignage. Tous mes collègues vous expriment leur reconnaissance.
(1405)
M. Rolando Sierra (Interprétation):
    Merci beaucoup et je vous souhaite à tous un bon après-midi.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU